De Eredan.
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A peine l’assaut fut-il donné par Farouche que Mashtok se précipita dans le tunnel, son objectif était simple, agir tel un rocher déboulant une pente et ouvrir le passage jusqu’au manoir. Les autres Combattants de Zil lui emboîtèrent le pas, bien décidés à éradiquer toute créature Néhantique. Granderage attendit que la tête de Mashtok sorte de l’ombre du tunnel pour attaquer Carkasse. La créature à moitié Ergue à moitié Soriek plaqua Carkasse avec violence, laissant le champ libre aux autres de passer. | A peine l’assaut fut-il donné par Farouche que Mashtok se précipita dans le tunnel, son objectif était simple, agir tel un rocher déboulant une pente et ouvrir le passage jusqu’au manoir. Les autres Combattants de Zil lui emboîtèrent le pas, bien décidés à éradiquer toute créature Néhantique. Granderage attendit que la tête de Mashtok sorte de l’ombre du tunnel pour attaquer Carkasse. La créature à moitié Ergue à moitié Soriek plaqua Carkasse avec violence, laissant le champ libre aux autres de passer. | ||
- | Dimizar ordonna à Masque de fer de défendre le manoir pendant qu’il se rendait dans son bureau. L’apprenti de Dimizar rejoint par Mâche l’âme tentèrent de faire front. La magie de Néhant fusa sur Mashtok, ayant pour effet de donner de la force à Carkasse qui reprit le pas pour finalement avoir le dessus. Mâche l’âme affronta Sanvisage et Kolère alors que Saphyra s’élança contre Masque de fer | + | Dimizar ordonna à Masque de fer de défendre le manoir pendant qu’il se rendait dans son bureau. L’apprenti de Dimizar rejoint par Mâche l’âme tentèrent de faire front. La magie de Néhant fusa sur Mashtok, ayant pour effet de donner de la force à Carkasse qui reprit le pas pour finalement avoir le dessus. Mâche l’âme affronta Sanvisage et Kolère alors que Saphyra s’élança contre Masque de fer avec Salem. Manipulés par la magie de Dimizar et Masque de fer, les humains aux alentours furent contraints de s’interposer, dégoûtant les Combattants de Zil d’une telle perfidie. Un orage éclata au dessus du manoir déversant une pluie battante. |
Quant à Granderage, elle avait reculé et avait entamé un rituel semblable à celui de Ergue et Soriek avant l’attaque. Mashtok donna un grand coup à Carkasse de ses deux mains jointes pour le faire reculer, puis il fit un bond en arrière pour rejoindre Granderage. Terrifik le clown et le Psy s’interposèrent le temps que le rituel soit fini, ce qui ne dura que quelques minutes. C’est alors qu’un rugissement se fit entendre dans ce lieu entouré de hautes falaises. Ce cri, c’était celui d’un monstre, LE monstre, l’Abomination venait de refaire son apparition, mélange de Granderage, Ergue et Soriek. La créature Zil se jeta sur Carkasse et lui assena des coups de poings rageurs. Sa fureur était infinie et le pauvre Carkasse n’eut guère de chance contre un adversaire aussi fort. Un uppercut fit valser le colosse rouge, puis un autre coup de poing commença à fendre la croute de cristal. Enfin l’Abomination mit toutes ses forces dans un ultime coup. L’armure de cristal qui recouvrait la pauvre victime des expériences de Dimizar explosa en des dizaines d’éclats qui se mêlèrent à la pluie. Le cœur de l’’homme de chair et de sang qui se trouvait dessous cessa de battre, terrassé par son ennemi... | Quant à Granderage, elle avait reculé et avait entamé un rituel semblable à celui de Ergue et Soriek avant l’attaque. Mashtok donna un grand coup à Carkasse de ses deux mains jointes pour le faire reculer, puis il fit un bond en arrière pour rejoindre Granderage. Terrifik le clown et le Psy s’interposèrent le temps que le rituel soit fini, ce qui ne dura que quelques minutes. C’est alors qu’un rugissement se fit entendre dans ce lieu entouré de hautes falaises. Ce cri, c’était celui d’un monstre, LE monstre, l’Abomination venait de refaire son apparition, mélange de Granderage, Ergue et Soriek. La créature Zil se jeta sur Carkasse et lui assena des coups de poings rageurs. Sa fureur était infinie et le pauvre Carkasse n’eut guère de chance contre un adversaire aussi fort. Un uppercut fit valser le colosse rouge, puis un autre coup de poing commença à fendre la croute de cristal. Enfin l’Abomination mit toutes ses forces dans un ultime coup. L’armure de cristal qui recouvrait la pauvre victime des expériences de Dimizar explosa en des dizaines d’éclats qui se mêlèrent à la pluie. Le cœur de l’’homme de chair et de sang qui se trouvait dessous cessa de battre, terrassé par son ennemi... | ||
Version actuelle en date du 6 février 2013 à 17:43
Histoire
Le Corbeau et l'Empereur
Chapitre 1 - Le Corbeau
Les deux serpents à plumes volaient à contresens l’un de l’autre, faisant ainsi des cercles autour de la pièce exiguë dans laquelle Toran et eux se trouvaient depuis maintenant plusieurs heures. Personne n’avait mis les pieds ici depuis bien longtemps à en juger par la poussière qui s’était déposée sur les objets et les meubles. Cet endroit était comme une salle du trésor à ceci près qu’il n’y avait ici que des objets laissés par les Empereurs depuis Xzia lui-même. En temps normal, seul un Empereur aurait pu mettre les pieds dans ce lieu, mais Toran était régent et c’était à sa portée de venir fouiner ici. Le vieux Tsoutaï n’espérait rien de cette expédition à travers les mémoires impériales, mais ce qu’il découvrit changea le cour de l’histoire, à moins bien sur que l’histoire ne devait se dérouler ainsi. Après avoir soigneusement regardé les différents parchemins il trouva caché dans la vieille armure de jeunesse d’un des empereurs un kakemono soigneusement rangé dans de la soie. Toran le déroula soigneusement et le posa au sol de manière à avoir une meilleure vue de l’ensemble, à ce moment là des plumes noires très longues s’en échappèrent. Il les récupéra et sans aucune hésitation il sut qu’elles étaient d’un corbeau. Quelqu’un avait collé sur les lattes de bambou du kakemono des feuilles de riz sur lesquelles il avait ensuite écris un récit. D’après la qualité de l’écriture on pouvait juger que le texte avait été rédigé dans la hâte.
Toran se lança dans la lecture. Visiblement c’était l’empereur Yaji qui en était l’auteur, il racontait une histoire assez incroyable parlant d’un vieil homme qui fut suspecté d’être un mauvais esprit et qui fut enfermé dans la mine de grisfer dans la région d’Oryun. Yaji reconnaissait avoir eu peur de l’influence qu’aurait pu avoir cet être sur ses sujets. La suite racontait comment la guerre entre Xzia et la Draconie avait fait émerger une nouvelle famille et reconnaître un clan jusque là honni.
Toran comprit alors que c’était là l’histoire du clan du Corbeau, bien qu’il connaissait déjà le passage à propos de l’intervention du clan dans la guerre contre la Draconie, il ignorait l’affront qu’avait subi le Corbeau en se retrouvant comme un misérable au fond d’une mine. Il lui fallait en savoir plus sur cette personne enfermée sous une montagne de grisfer. Hélas ses impératifs de régent lui rappelèrent qu’il n’aurait pas assez de temps à consacrer à cette affaire.
Le soir même il envoya une lettre au seigneur impérial Gakyusha afin que lui soit affecté un ou deux membres de la Kotoba. La réponse ne tarda pas. Se présentèrent au palais deux personnes qui voulurent rencontrer Toran. Ce dernier les reçut entre deux réunions importantes. Le premier était Furagu, le porte bannière de la Kotoba et vétéran de bien des batailles, quand au second il s’agissait de Shuin Khan un ancien élève de Tsuro devenu l’un des meilleurs traqueurs actuels. Tous deux s’inclinèrent respectueusement devant Toran et attendirent que le régent leur adresse la parole comme le voulait le protocole. Mais ils furent étonnés de voir le vieux maître déployer ses cherchefailles qui aussitôt tournèrent dans la salle.
- Nous pourrons parler sans que nulle oreille indiscrète ne nous écoute. Ce que j’ai à vous dire et la mission qui va vous être confiée relève du secret. Je suis honoré que le seigneur impérial m'envoie deux illustres héros de l’empire. Hélas je vais vous envoyer dans un lieu qui est loin de l’éclat de vos renommées.
Toran déroula le kakemono.
- Lisez ceci.
Les deux hommes lurent les écrits sans trop comprendre la finalité.
- Voyez-vous, le clan du Corbeau est né dans la douleur, le mépris et la haine. Je suspecte le vieil homme dont parle cette histoire d’être le Corbeau en personne, une entité puissante. Je vous envoie à Oryun examiner cette mine aujourd’hui abandonnée.
- Une mine de grisfer ? Mon armure a été faite du métal en provenance de là-bas, expliqua Furagu.
- Que devons nous chercher seigneur Régent ? Interrogea Shui Khan.
- Tout ce que vous pourrez trouver à propos d’un prisonnier. Les archives de la mine doivent être conservées là-bas.
- Nous nous mettons en route sur l’instant.
Ayako était cachée derrière l’une des statues se trouvant devant le palais impérial. Guettant avec sérieux les entrées et sorties afin de ne pas rater le départ de Furagu et Shui Khan. La jeune sœur du champion de l’Empereur avait profité de l’absence d’Henshin son tuteur et grand-père pour aller faire un tour dans les rues animées de Meragi. Par le plus grand des hasards elle avait aperçu une armure comme celle de son père ainsi que l’insigne de la Kotoba. Croyant que son père ou son frère était là, elle suivit le guerrier. Mais il ne s’agissait pas d’un membre de sa famille mais du porte bannière, Ayako l’avait déjà vu une fois chez elle. Et voilà que Furagu rencontrait un autre membre de la Kotoba, et pas n’importe lequel Shui Khan, le traqueur dont on prétendait qu’il descendait du roi-singe lui-même. La coïncidence était trop forte et l’idée lui vint qu’ils pouvaient avoir une mission importante et passionnante. Tout ceci la sortant de son morne quotidien d’apprentissage de la magie, elle décida d’en savoir plus.
Les deux membres de la Kotoba sortirent enfin et Ayako les suivit à nouveau. Ils prirent la direction du quartier général de la Kotoba qui se trouvait non loin. La discrétion de la jeune fille étant proche de zéro, Shui Khan ne tarda pas à remarquer son cirque et l’attrapa sans difficulté.
- Lâchez-moi ! Lâchez-moi !
- Qu’avons-nous là ? Demanda Furagu.
- Une petite fouineuse, répondit Shui Khan.
Mais la jeune femme se défendit et fit magiquement apparaître deux poissons faits d’eau avec de grandes dents. Shui Khan lâcha sa prise.
- Oh très impressionnant ! Plaisanta le traqueur. Et que comptes-tu me faire avec ces petits poissons ?
- Attend, il me semble connaître ce symbole sur son kimono. Tu serais pas la fille de seigneur Gakyusha ? Demanda Furagu.
- Exactement ! Hurla-t-elle. Je suis Ayako !
- Bon, que fais-tu seule dans la rue ? C’est dangereux tu sais, répliqua Shui Khan du coup beaucoup plus inquiet. On va te ramener chez toi.
Ayako, maligne faisait tourner ses poissons autour des deux hommes et pendant qu’ils discutaient à propos d’elle, elle s’occupa d'examiner leurs souvenirs proches. Ce qu’elle vit chez Shui Khan était passionnant, elle vit Toran faire lire le kakemono et du coup elle en profita pour en apprendre plus.
- Vous allez enquêter sur le Corbeau dit-elle sans retenue.
Shui Khan l’attrapa et lui mit la main sur la bouche pour la faire taire.
- Tais-toi ! Qui t’autorise à fouiller dans nos têtes ??
L’homme à l’aspect simiesque n’était visiblement pas content. Furagu enleva la main de son camarade.
- N'oublie pas qui elle est.
- Peu importe, elle peut nous compromettre. On la ramène chez elle et vite.
Furagu n’ayant rien contre, les deux hommes traînèrent Ayako jusqu’à chez elle, comprenant l’importance de la chose elle ne fit pas d’esclandre. Au moment où les trois personnes arrivèrent Henshin sortit dans le jardin avec une lettre à la main et l’air fâché.
- Merci de l’avoir ramenée, elle a échappé à ma vigilance, dit-il en soupirant. Je viens de recevoir une lettre de ton père, lisons ça à l’intérieur. Ça vous concerne aussi dit-il à Furagu et Shui Khan. Étonnés les deux hommes suivirent Henshin et Ayako à l’intérieur.
- Bien que ça ne me réjouisse pas, surtout après ce que tu viens de faire, ton père te juge prête et souhaite que tu fasses tes preuves. A titre d’apprentissage tu vas devoir rester aux côtés de Furagu et Shui Khan dans leur mission. Tu devras mettre tout ce que je t’ai appris au service de la Kotoba et de ses membres. Furagu ne broncha pas, bien qu’il pensait fermement qu’Ayako risquait d’être une gène. Quand à Shui Khan il émit un grognement en signe de mécontentement, il arracha la lettre des mains d’Henshin et lut rapidement. Et oui les ordres étaient bien d’embarquer cette peste dans une mission directement ordonnée par le Régent !
- Inadmissible ! Cria-t-il alors qu’Ayako exultait d’une joie visible. Pourquoi nous faire ça ??
- Il suffit !! Cria Furagu, les ordres sont les ordres et nous avons perdu trop de temps. Allons-y et considérons notre nouvelle recrue comme tout autre membre. Elle suit ou elle meurt.
- Hé ho je suis là hein s’indigna la jeune fille.
Shui Khan et Furagu sortirent tous les deux dans le jardin avec une attitude blasée. Ayako blessée par la réaction de ses nouveaux compagnons courut et dépassa les deux hommes en se plaçant dos au grand bassin. Là elle fit appel à tout son savoir. L’eau du bassin se souleva et une vague passa au-dessus d’elle avec violence renversant avec rage Furagu et Shui Khan. La jeune sœur d’Iro le duelliste contrôlait l’eau à merveille, la vague se transforma en trombe qui tourna autour d’elle.
- Je suis Ayako, fille du seigneur impérial Gakyusha, sœur du champion de l’Empereur ! Cette démonstration vous suffit-elle ? Ai-je ainsi prouvé que je suis assez forte pour affronter le monde ?? Dit-elle en colère.
Furagu, étonné, se mit ensuite à rire. Quand à Shui Khan il n’en revenait pas, cette petite avait un potentiel incroyable. Henshin qui avait assisté à la scène fut aussi impressionné. Mais il lui fallait arrêter ça avant qu’une catastrophe ait lieu. Lui aussi magicien il brisa le sort d’Ayako. L’eau retourna alors dans le bassin. Shui Khan se releva d’un bond et s’adressa à la jeune mage.
- Très bien, très bien, je m’excuse, je t’ai sous-estimée. Prends tes affaires, nous partons, mais sache que tu n’auras pas de traitement de faveur et que nous ne te ménagerons pas. En outre s’il s’avère que tu deviens un poids pour le groupe, nous te renverrons auprès de ton grand-père, ou pire, de ton père. Est-ce bien compris ?
Ayako fonça alors chercher de quoi se changer et quelques affaires. Son grand père l’intercepta alors qu’elle allait partir.
- Écoute-moi bien. Ceci est le début d’une nouvelle vie pour toi. Soit à l’écoute de la magie et de l’eau, et bien sur apprends désormais la discipline auprès de tes nouveaux compagnons. Et... fais attention à toi, dit-il en la serrant dans ses bras. Je n’ai qu’une petite fille je ne veux pas la voir disparaître.
- Oui oui Jii-San, je dois y aller, toi aussi prends soin de toi.
C’est ainsi que Furagu, Shui Khan et Ayako quittèrent la demeure de Gakyusha, puis Meragi. Alors qu’ils s’éloignaient de la cité impériale, Henshin pria devant le bassin d’eau.
- Le temps a passé mon vieil ami, toi qui veille sur ma famille depuis des générations, j’ai un service à te demander, veille sur Ayako, ma petite fille.
L’eau du bassin s’illumina alors d’une couleur violette et tous les poissons qu’il contenait remontèrent à la surface. Apparut alors une créature spectrale, une immense carpe violette qui sortit de l’eau et s’envola pour entourer Henshin.
- Merci de m’accorder encore tes faveurs et te tirer de ta retraite paisible.
La carpe fit plusieurs tours du vieil homme puis disparut en plongeant dans le bassin.
La mine d’Oryun n’était pas très éloignée de Meragi. Il ne suffit que de deux jours pour y arriver. Bien que l’activité n’y soit plus importante depuis sa fermeture, le village du même nom avait gardé une activité marchande importante. En effet elle était placée sur une des plus importantes routes très souvent empruntée par les marchands et les voyageurs. Le nom du village signifiait falaise car il était construit sur le flanc d’une montagne qui s’écroula autre fois, libérant ainsi des veines de grisfer, ce métal fut vite exploité pour ses propriétés spéciales. Une autre vertu du grisfer était d’ordre botanique. les arbres et plantes poussaient plus vite et avaient une taille plus importante sur un endroit qui en contenait. Ainsi Oryun était parsemé d’arbres gigantesques et les habitants vivaient aussi de cultures qui s’avéraient abondantes. Ayako qui n’avait rien vu d’autre que Meragi fut émerveillée du spectacle que lui offrait le village. Hélas ce n’était ni une visite de courtoisie ni de tourisme, Furagu et Shui Khan se dirigèrent directement vers la plus grande bâtisse qui logiquement était la demeure du seigneur local. Après une rapide présentation ils furent réorientés vers un ancien du village qui avait passé une bonne partie de sa vie au fond de la mine. Ce dernier qui avait d’ailleurs pour principale tâche de veiller sur les bâtiments désaffectés servant autrefois aux mineurs.
- Nous allons descendre. Indiqua Furagu au vieux mineur.
- Seigneur, je vous suggère d’enlever votre armure sans quoi vous allez l'abîmer et surtout vous ne pourrez pas passer par certains conduits.
- Il a pas tort, répliqua Shui Khan.
- Facile à dire pour toi, tu portes pas d’armure. Mais si ça nuit à la mission, allons-y.
- Si vous craignez qu’on vous vole je peux faire en sorte qu’on ne voit pas votre armure, assura Ayako.
- Très bien, voyons cela.
Une fois l’armure de Furagu enlevée, Ayako demanda à ce qu’on place l’ensemble dans un des nombreux trous du sol. Enfin la jeune femme passa la main au-dessus en incantant. Une pellicule d’eau apparut et boucha le trou, ainsi n’importe qui croirait à une flaque.
- C’est ça la sécurité ? Dit Furagu en tendant la main vers la flaque.
Shui Khan arrêta son geste.
- Touchez pas ! Vous perdriez votre main !
Le guerrier hésita, puis se souvint du bassin et des pouvoirs de la fille.
- J’espère que ton sort fonctionnera Ayako, cette armure est tout pour moi, ajouta Furagu avant de se diriger vers l’entrée de la mine.
Le vieux mineur alluma plusieurs torche et avec l’aide des membres de la Kotoba l’entrée de la mine fut dégagée. Une odeur acre et désagréable vint à leur nez et ils durent se cacher le bas du visage par un linge. L’intérieur n’inspirait vraiment pas confiance. Les piliers et planches de soutènement étaient assurément vieux et vermoulus. le fait que tout cela tienne relevait plus du miracle qu’autre chose. Le vieux mineur tourna rapidement sur une autre galerie qui les ramena sur l’extérieur dans une sorte de cavité à ciel ouvert. Il y avait là plusieurs maisonnettes menaçant de s’écrouler.
- Vous vouliez voir les registres, ils sont là, mais je ne sais pas dans quel état.
Il s’engouffra dans la plus grande d’entre elles et fit signe aux autres de le suivre une fois certain que ça n’allait pas leur tomber sur la tête. Il y avait là de vieux outils et un fatras incroyable de vieux matériels. Puis dans une pièce ils trouvèrent un coffre fait de grisfer. Il n’y avait pas de verrou, il fut donc ouvert sans difficulté. Plusieurs rouleaux de feuilles de riz étaient soigneusement rangés dans des peaux tannées. Ayako ressentit que quelque chose dans le coffre diffusait une faible magie. Impatiente elle poussa ses aînés et farfouilla. Elle en sortit un rouleau de couleur rouge.
- Étonnant que ça soit là, dit le mineur en le voyant. Le chef de la mine y inscrivait les faits surnaturels ou tout autre fait notable. Les autres rouleaux ne sont que de la comptabilité et des listes de rendement. Hélas sans la personne qui a fait le rouleau nous ne pourrons pas l’ouvrir. Et depuis le temps cette personne doit être morte.
Mais Ayako ne s’avoua pas si rapidement vaincue. Elle serra le rouleau entre ses mains et de l’eau glissa à l’intérieur. Voyant ça Shui Khan tenta de l’arrêter mais il était trop tard, le rouleau était à présent dans un globe d’eau.
- Bravo, belle bêtise !
- Mais non attendez, répondit-elle. L’eau me permet de capturer les écrits.
D’un coup la bulle explosa formant comme un immense miroir très fin. Il y avait là enfermé dans cette fine pellicule d’eau l’intégralité du contenu du rouleau.
- Allez faut tout lire rapidement, je ne vais pas tenir bien longtemps ainsi.
Le mineur ne sachant pas lire, Furagu, Shui Khan et Ayako parcoururent les lignes formées de remarques et de choses certes intéressantes mais qui n’éveillèrent pas plus leur curiosité.
- Là, je pense avoir quelque chose. Il y a des chiffres suivi du commentaire suivant : Des gardes impériaux sont venus et nous ont tenu au silence. Ils avaient avec eux un prisonnier, un vieil homme. Il l’ont enfermé aux coordonnées suivantes et nous ont ordonné de le nourrir une fois par jour, mais de ne jamais lui adresser la parole, lut Furagu. Et là, d’après ce qui est inscrit, le vieil homme aurait disparu sans laisser de trace. C’était peu avant que la mine ne ferme ses portes.
Le sort d’Ayako cessa et l’eau disparut en même temps que les écrits.
- Avec les coordonnées je peux vous amener sur le lieu, enfin si c’est pas écroulé évidement.
Voilà la petite troupe repartant dans le dédale de boyaux. La progression fut lente car nombres de tunnels étaient en partie bouchés par des éboulements et pour certains par une végétation souterraine assez incroyable, pour ne pas dire improbable.
- Dix, quinze. Nous sommes plus très loin, assura le mineur.
- Par là ? Mais c’est encore plus sombre que les autres galeries ! Exprima Shui Khan.
- Effectivement, on y voit rien.
Furagu avança prudemment avec sa torche à bout de bras. La lumière émise par la flamme se retrouva diminuée.
- C’est vraiment par là s’inquiéta Ayako.
- Sans aucun doute répondit le mineur.
Furagu et Shui Khan s’enfonçaient déjà dans le boyau sans plus attendre. Ils avaient déjà affronté mille dangers, un de plus ou de moins, ça n’avait plus guère d’importance. Néanmoins les deux hommes restèrent prudents. Le tunnel descendait encore et encore, il semblait interminable. Enfin alors que la lumière de la torche n’éclairait presque plus ils étaient au bout, dans un cul de sac. L’atmosphère était pesante et si les visiteurs ne restaient pas près les uns des autres ils avaient vite fait de se perdre de vue. Puis Ayako se retourna lorsqu’elle entendit un bruit étouffé.
- Qu’est-ce que c’est !! Dit-elle en regardant dans toutes les directions, elle s'aperçût que le mineur avait disparu.
Shui Khan et Furagu dégainèrent leurs armes. Le mineur n’était effectivement plus là. Puis un râle se fit entendre suivi d’un bruit d’ossements brisés comme si on écrasait la carcasse d’une volaille. Le corps du vieil homme tomba entre les trois membres de la Kotoba.
- Croa ! Des visiteurs, bien bien bien, je m’ennuyaaaiiiis...
Cette voix paraissait aussi étrange que cette obscurité surnaturelle. Shui Khan détacha le masque qu’il portait à la ceinture et le plaça sur son visage, tandis que Furagu se mettait en position de défense. Le combat commença par un sortilège lancé par Ayako. Elle projeta une boule d’eau lumineuse vers le plafond qui lorsqu'elle toucha la pierre éclata en un millier de gouttelettes de lumière.
- Vu !! Lança l’homme singe qui bondit avec rapidité et frappa une masse noire.
Hélas il ne fit qu’effleurer une chose indéterminée. La forme plongea sur lui le lacérant de coups de griffes d’ombre. Furagu répliqua pour lui venir en aide. Son katana de grisfer fendit l’obscurité et coupa d’un coup sec sur le côté de la chose. Celle-ci lâcha sa prise et recula. La créature se révéla alors, l’ombre l’entourant s’effaça. Son apparence était monstrueuse, une sorte d’homme, mais au visage déformé présentant un bec long et noir. Des plumes recouvraient son corps en partie nu, seuls quelques lambeaux de vêtements de mineur. Ses mains étaient pourvues de griffes effilées et son allure menaçante.
- Croooaaaa, je vais vous tuer !
Mais il n’eut pas le temps de mettre sa menace à exécution. Shui Khan avait réagi avec vivacité et enfonça une lame courte dans la gorge de son adversaire. Celui-ci tomba au sol en gargouillant avec son propre sang. Ayako se précipita pour éviter que la créature ne meure car elle pourrait fournir de précieux renseignements.
- On voit bien là le traqueur, dit-elle alors qu’elle tentait au moyen d’un sort de soigner la blessure.
Pour éviter les problèmes Furagu et Shui Khan tinrent les bras de la créature.
- Il souffre d’une puissante malédiction. Je ne pourrais pas lui enlever.
- Une malédiction ? De la magie ? Je crois pouvoir faire quelque chose, affirma le traqueur. Pousse-toi sinon tu vas avoir des problèmes.
Shui Khan se concentra durant de longues minutes puis toucha le sol avec son index droit. Des traits, puis des formes apparurent pour former des glyphes lumineuses rouges. La créature hurla alors puis disparut comme par magie. Le voile d’ombre s’estompa aussitôt, les torches éclairèrent de nouveau normalement. Au fond du tunnel ils virent une forme qui s’avéra être quelqu’un. Cet homme était extrêmement maigre, ses cheveux et sa barbe très longues. Visiblement il reprenait conscience. Sa voix n’était qu’un souffle.
- Merci à vous... vous me délivrez de ce fardeau.
- Qu’est ce qui vous est arrivé ? Demanda Furagu.
- Je... J’étais contremaître ici, responsable de cette section. Je crois qu’il y avait un vieil homme enfermé ici, un sorcier ou quelque chose comme ça. Alors que... que des gens voulaient le sortir, il m’a jeté un sort et je suis tombé là inconscient. Depuis j’ai l’impression d’être dans un rêve éveillé... Je... je crois bien que cet homme était le Tengu, le Corbeau, il est venu me voir plusieurs fois alors que j’avais une apparence monstrueuse... *keuf keuf* Encore merci... je crois qu’il est temps... merci...
L’homme à bout de force et dont la vie avait été prolongée par la magie décéda devant les yeux embrumés par les larmes d’Ayako. C’était la première fois qu’elle voyait un homme mourir. Après une rapide fouille des lieux ils ne découvrirent rien de plus.
- Partons de cet endroit de malheur, il nous faut faire un rapport immédiatement.
Chapitre 2 - L'Empereur
Toran lisait avec attention le rapport des missionnés. Il appréciait le nombre de détails qu’il contenait car cela lui donnait un meilleur point sur la situation. Il s’attarda sur la fin et la rencontre avec le mineur endormi. La coïncidence était de trop et il sut à ce moment là que le Corbeau avait fait une erreur, lui donnant les moyens d’agir. Après l’avoir parcouru de manière à le connaître par cœur, il brûla le rapport.
- A présent, délivrons l’Empereur, dit-il en regardant le parchemin se consumer rapidement.
Toran quitta la salle du conseil pour se rendre dans la chambre de l’empereur. Il croisa un serviteur et lui ordonna d’aller chercher Iro urgemment. Devant l’entrée se tenait Asajiro, le pauvre homme était à bout de force n’ayant dormi que quelques heures chaque nuit depuis sa prise de poste auprès de l’Empereur. Il eut du mal à se mettre au garde à vous lorsque Toran arriva.
- Vous avez la tête d’un fantôme lui dit le Régent.
- Ma tâche est plus importante que mon bien être.
- Voilà une réponse qui vous honore, l’empire n’oublie jamais ceux qui le servent.
- Dans ce cas je demanderai à l’empire un lit bien confortable ajouta Asajiro sur le ton de la plaisanterie. Vous voulez voir l’Empereur ?
- Oui mais j’attends quelqu’un. Lorsque cette personne sera arrivée nous allons entrer, il ne faudra pas laisser entrer d’autres personnes fussent-elles autorisées.
- Il en sera fait, sur ma vie.
Iro arriva précipitamment, essoufflé après avoir parcouru la moitié du palais impérial au pas de course.
- Vous m’avez... fait demandé Régent ?
- Oui, entrons je vais vous expliquer de quoi il retourne. Asajiro, à vous de défendre votre honneur.
Iro fronça les sourcils.
- A présent écoutez-moi bien, pour faire court, sachez que le sommeil de l’Empereur est tout sauf naturel. Et que nous connaissons tous deux le responsable.
- Le Corbeau... chuchota Iro en serrant les dents.
- Mais jusque-là nous n’avions pas de piste mais votre petite sœur, Furagu et Shui Khan ont fouillé le passé et trouvé de quoi nous permettre, enfin j’espère, de sortir l’Empereur de son sommeil.
- Ma sœur ? Ayako ? Elle a encore échappé à l’attention de notre grand-père ?
- Pas exactement, elle est en passe de devenir membre de la Kotoba, et nul doute après ses exploits que cela soit officialisé sous peu.
- QUOI ? Déjà ? Mais elle est si jeune !
- Vous étiez plus jeune quelle lorsque vous intégré la Kotoba.
Iro ne répondit pas, Toran avait raison.
- Bien et que faisons nous maintenant Régent ?
- Nous allons dans le rêve de l’Empereur voir comment il y est retenu.
- Et comment faisons nous ça ? Demanda Iro l’air perplexe.
Les tatouages de Toran bougèrent et se transformèrent en deux magnifiques serpent à plumes translucides.
- Les Cherchefailles sont des êtres incroyables, leur nom vient de l’une de leur faculté, celle de trouver les failles permettant de passer d’un monde un l’autre. Ainsi peuvent-ils naviguer de leur monde au notre et du notre dans un monde onirique, fût-il créé de toute pièce par quelqu’un. Ils nous transporterons avec eux. Les deux Cherchefailles firent le tour de la pièce puis plongèrent dans le ventre de l’Empereur, provoquant un grand flash violet. A présent, Iro et Toran étaient dans un autre monde.
Ils étaient pourtant toujours dans la même pièce, mais la décoration différente et l’absence de l’Empereur dans son lit prouvaient le changement de lieu. Iro dégaina sa parole de l’Empereur et avança jusqu’à la porte pour écouter. Aucun bruit dans le couloir, il ouvrit donc la porte. Les couloirs étaient vides, tout comme le reste du palais d’ailleurs. L’intégralité des emblèmes étaient ceux du clan du Corbeau.
- Ça c’est une preuve. Mais où est l’Empereur ?? S’énerva Iro.
- Raisonnons comme le Corbeau. Si j’étais lui et que l’on m’enfermait injustement au fond d’un trou perdu. Comment je pourrais me venger ? Interrogea Toran.
- Par un duel à mort ? Répondit le champion.
- Non le Corbeau ne ferait pas ça, il ferait subir la même chose à son geôlier.
- Mais l’Empereur a enfermé le Corbeau quelque part ?
- Pas cet Empereur-ci, mais un de ses prédécesseurs.
- Je comprend mieux. Dans ce cas si nous sommes ici c’est pour une raison précise. L’Empereur est-il enfermé dans la prison du palais ?
- Effectivement, si nous comparons la situation dans la mine et celle-ci, logiquement nous serions sur les lieux même où il se trouverait.
- Je ne comprends pas tout mais je vous crois, descendons à la prison.
Lorsqu’ils arrivèrent dans les sous-sols, tout changea. Ils n’étaient plus dans les couloirs droits taillés dans la pierre mais dans des tunnels sombres. Devant eu un panneau avec deux chiffres : dix et quinze.
- Un système de repérage. Nous sommes pas dans les prisons, affirma Toran.
En provenance du tunnel, face à eux, s’approchait une une lumière, une forme humanoïde apparut ensuite. C’était un homme habillé en soldat tenant une torche. Il stoppa sa marche à leur niveau.
- Désolé mais le tunnel menace de s’écrouler, vous ne pouvez pas aller plus loin sans risquer la mort.
Toran et Iro n‘écoutèrent pas et avancèrent dans le tunnel.
- Je vous aurez prévenu, seule la mort vous attend au fond de cette mine ! Hurla le soldat.
A peine eut-il dit cela que de la poussière, puis des gravillons tombèrent du plafond. Plus ils avançaient et plus le plafond s’écroulait. Ils finirent par courir aussi vite qu’ils le purent, échappant de justesse à l’éboulement total du tunnel. L’entrée était à présent bouchée. Au fond de l’impasse ils virent un homme allongé par terre. Ses cheveux et sa barbe étaient longs et ses vêtements déchirés. Lorsque Toran et Iro voulurent le voir de plus près l’homme se protégea la tête de ses mains ensanglantées et se mit à gémir.
- Non ! Non arrêtez ! Ne me tapez plus !
Iro reconnut la voix de l’Empereur.
- Majesté c’est moi Iro, votre champion.
- Non ce n’est pas toi ! Tu es déjà venu et tu m’a coupé un doigt, ne me fait pas de mal.
L’homme avait réellement l’air terrorisé. Une zone d’ombre commença à se propager autour de l’Empereur.
- Seigneur, je suis Toran, j’assure la Régence de l’Empire en attendant votre retour, vous pouvez avoir confiance en nous !
- NOOOOON, vous êtes le pire ! Vous fouillez dans ma tête pour en sortir mes souvenirs les plus chers et les briser !!
- Le traumatisme est important, je ne sais pas dans quelle mesure cela ne jouera pas sur sa personnalité une fois dehors.
Toran fit à nouveau sortir ses Cherchefailles afin de revenir dans le monde normal, mais aucun des deux ne fut en mesure de les sortir de là.
- Nous sommes piégés ! Pesta Iro. A moins que...
Le Champion de l’Empereur qui tenait fermement son arme la plongea dans le cœur de l’Empereur qui mourut sur l’instant. Autour d’eux tout changea et ils se retrouvèrent dans la chambre de l’Empereur. Ce dernier était en train de respirer de grande bouffée d’air, des larmes coulaient sur son visage.
- Qu’as-tu fait Iro , Demanda Toran.
- Lorsque j’étais enfant je faisais souvent des cauchemars, je me battais avec des monstres. Je ne me réveillais que lorsque l’un d’eux finissait par m’avoir.
- C’était risqué, critiqua le Tsoutaï.
- Mais cela a fait effet, répondit l’Empereur qui reprenait peu à peu ses esprits. En cela je vous serais éternellement reconnaissant. Maintenant aidez-moi, j’ai quelque chose à faire.
- Vous ne voulez pas vous reposer un peu ? S’inquiéta Iro.
- J’ai dit !
Toran et le Champion aidèrent l’Empereur à se relever. Après avoir passé autant de temps alité ses jambes eurent du mal à le soutenir mais cela ne dura pas longtemps. Dans le couloir Asajiro luttait depuis une bonne heure avec les courtisans et conseillers qui souhaitaient rendre hommage à l’Empereur. L’officier impérial était au bord de l’évanouissement mais il avait réussi cette mission.
Iro sortit en premier la main sur la garde de sa Parole de l’Empereur. Il regarda l’assistance et vit Oogoe. En le fixant droit dans les yeux il s’adressa à tous.
- Agenouillez-vous devant l’Empereur !!
L’Empereur encore chancelant passa la porte aidé par Toran. Tout le monde se prosterna alors devant ce prodige. Le fils des cieux embrassa du regard les présents et repéra Oogoe.
- Membre du clan du Corbeau, amène-moi devant ton maître.
Oogoe se leva sans regarder l’Empereur et marcha devant pour les conduire.
- Majesté, nos pas vont nous mener dans les quartiers peu recommandables de Meragi...
- Et pour me protéger j’ai le meilleur combattant de l’empire. Rétorqua l’Empereur.
Toran ne chercha plus à contrarier l’Empereur qui visiblement avait une idée en tête. Il se contenta d’assurer avec Iro une sécurité relative dans un quartier coupe-gorge qui était aussi le repère incontesté du clan du Corbeau.
Oogoe s’arrêta devant une grande demeure délabrée dont le toit abritait bon nombre de corbeaux. Les oiseaux s'envolèrent dans une cacophonie de croassements lorsque l’Empereur passa le pas de la porte. Oogoe continua de faire l’éclaireur, annonçant la venue de l’Empereur à ceux du clan présents. En voyant Toran et Iro personne n'hésita à s’agenouiller. Karasu vit passer la délégation et la suivit pour le “cas ou”. Après avoir monté trois étages Oogoe s’arrêta devant une porte double et alors qu’il allait annoncer la venue d’un illustre visiteur une voix résonna.
- Fait le entrer... seul.
- Seul ? Pas question, rétorqua Iro.
- Je vous l’ordonne, dit l’Empereur.
Oogoe ouvrit une des portes, l’intérieur de la pièce était sombre et uniquement éclairée par de très nombreuses bougies. L’Empereur y pénétra sans la moindre peur. La pièce était plongée dans une ambiance tendue. Le tout ressemblait vaguement à une caverne, les murs étaient déformés. Daijin était assit en hauteur, surplombant l’Empereur. Le visage du Corbeau était grave, ses yeux plongeaient dans le regard fatigué du souverain. Après un très long silence où chacun observait et jugeait l’autre, Daijin initia la discussion.
- Ainsi tu es sorti de là où je t’avais mis... Tu féliciteras ton champion. Alors maintenant que va-t-il se passer ? Es-tu venu porteur de mauvaises nouvelles ? Devrais-je chèrement défendre ma vie ?
L’Empereur resta silencieux, il avait bien réfléchi à ce moment à cette confrontation devant le responsable de ses malheurs. Il avait analysé la raison de tout ceci et de l’impact sur l’Empire de Xzia. Devant les yeux étonnés de Daijin, le fils des cieux posa ses genoux au sol et plaqua le front sur ses mains jointes par terre.
- Les erreurs de mes ancêtres ne sont pas mes erreurs. Mes seuls désirs sont de mener l’Empire à la gloire qui doit être la sienne. Hors l’Empire est divisé par votre colère envers ma personne. Aussi esprit du Corbeau au nom de cet ancêtre qui vous a offensé je demande votre pardon au nom de l’Empire. Le temps de la division est fini et je reconnais devant vous votre puissance et celle du clan du Corbeau.
Daijin ne s’attendait vraiment pas à cela. Bien que la colère qu’il ressentait depuis tant de temps lui dictait de continuer, il y avait des excuses de l’humain qui dirigeait l’empire de Xzia et cela comptait. En tant qu’esprit il était lié par une sorte de code. Le temps était-il vraiment arriver de cesser cette querelle ?
- Enfin...
Daijin se leva, descendit les quelques marches qui le séparaient de l’Empereur et posa sa main sur son épaule.
- Tu as fait ce que tes prédécesseurs n’ont jamais eu le courage de faire, plein de fierté et d’arrogance. Les esprits doivent être respectés et visiblement la leçon a été comprise. Il n’y a plus de raison désormais de te faire du mal. J’accepte tes excuses, tu seras un grand Empereur et sois assuré de la fidélité éternelle de mon clan.
L’Empereur se releva, s'épousseta et repartit comme il était venu.
Le lendemain, l’Empereur organisa une réunion avec les hauts dignitaires de l’Empire pour marquer son retour. Toran était à son côté, ainsi que Daijin.
- Il est temps pour l’Empire de Xzia de se tourner vers l’avenir. Beaucoup d’évènements ont eu lieu durant mon absence et je vais avoir besoin de toutes les forces pour maintenir notre suprématie. Seigneur Toran.
Le Tsoutaï se leva et s’agenouilla devant l’augure céleste.
- Vous avez fidèlement servi l’Empire, je vous libère de votre poste de Régent. Vous porterez désormais la responsabilité des temples Tsoutaï de l’Empire. Je vous souhaite bon retour parmi les vôtres, Vénérable.
Toran s’inclina et retourna a sa place.
- Daijin, dirigeant du clan du Corbeau.
Le vieil homme se leva à son tour.
- Il est temps que le dirigeant de votre clan fasse partie de la noblesse. Je vous confie la gestion du quartier de Seichin à Meragi. Vous serez aussi conseiller mystique et protecteur de l’Empire. Le nécessaire sera fait pour tirer de la misère les gens de votre clan.
Pour des personnes extérieures cela aurait pu paraître peu de choses, mais en cela l’Empereur venait de reconnaitre le clan du Corbeau comme un acteur très important de la vie de l’Empire.
Daijin procéda de même que Toran et retourna à sa place, fort d’un nouveau pouvoir.
- Champion de l’Empereur !
Iro qui était déjà debout comme le voulait la tradition, fut étonné de cet appel. Il se plaça au centre du cercle comme Toran et Daijin avant lui. Un garde apporta une boite en bois assez longue.
- Dans l’histoire de l’Empire, une seule personne porta cette arme.
L’Empereur prit la boite et l’ouvrit de façon à ce que tout le monde en voit le contenu. Il y avait là une épée à la forme particulière, assez loin des formes des katanas actuellement fait. Cette arme semblait avoir bien servi et sa lame en était ébréchée.
- Voici Kusanagi, épée de Xzia. Brandis la fièrement Champion de l’Empereur car tu es le symbole de la puissance militaire de l’Empire !
Iro refusa à plusieurs reprises ce présent trop important pour sa personne. Finalement et comme le voulait la tradition il accepta et retourna a sa place avec son présent.
- A présent il est temps de montrer au monde que l’Empire est bien vivant !
La mission du Conseil
Chapitre 1 - Une grande famille
La clé tourna dans la serrure et la porte depuis plusieurs mois fermée s’ouvrit. Marlok entra dans le laboratoire de l’ancien Prophète avec une pointe de tristesse et surtout l’espoir de trouver des réponses au problème Néhantiste. Il y a quelques jours, durant le bal des courtisans, la conseillère Ishaïa lui avait confié une mission très importante, retrouver les traces du Néhantiste, voir s’il est un cas isolé et cerise sur le gâteau en apprendre plus sur Eredan. Lors du voyage retour vers Noz’Dingard, il s’était demandé comment parvenir à ses fins. Après réflexion il se souvint que Prophète était versé dans la cristalomancie divinatoire, une branche particulière de cette magie mais qui permettait d’obtenir beaucoup d’informations. Marlok obtint donc de Kounok l’autorisation d’utiliser le laboratoire de feu son frère.
Marlok embrassa du regard cette grande pièce. Les différents meubles et instruments étaient recouverts par du tissu blanc pour éviter que la poussière n'abîme le tout. Le mage fit un premier tour et ressentit autour de lui de la magie. Il retira un à un les draps, secouant la poussière. C’est alors qu’Anryéna entra, visiblement encore et toujours insatisfaite. Elle ne digérait pas la réintégration de Marlok parmi les siens à moins que cela ne soit autre chose.
- Je ne compte plus le temps que mon fils a passé ici, observant, notant et créant de nouveaux sorts.
- Ton fils manque cruellement à la Draconie.
- Ne feint pas la tristesse Marlok, ça ne te va pas, répondit-elle agacée.
- Mais je ne joue pas la comédie, dit-il en s’avançant vers la fille de Dragon. Ne cesseras-tu de me haïr pour mes actes passés ?
Anryéna parut troublée, son état psychologique étant encore faible, des larmes lui vinrent facilement. Marlok se rapprocha plus d’elle avec des gestes lents pour ne pas se faire rejeter. Anryéna se blottit alors au creux de ses bras.
- Tu n’avais pas le droit de nous abandonner au nom de tes satanées recherches. Malgré cela mon cœur ne cesse de battre pour toi, alors que la raison me dit de te laisser.
Marlok plongea son regard dans celui d’Anryéna.
- Nous ?
- Lorsque tu as été banni, j’attendais un enfant de toi.
Le mage crut recevoir un coup de poignard en pleine poitrine.
- Je suis... père ?? Pourquoi ne me l’as-tu jamais dit ?? Dit-il partagé entre la joie et la colère.
- J’étais désorientée, déçue et en colère. Sauras-tu me pardonner ?
- Tu me donnes là une bonne raison de me battre et accomplir la mission du Conseil, je veux offrir un avenir serein à...
- Exhien.
- Exhien ? Un garçon donc, tu lui as choisi un nom plein de significations. Je le verrai lorsque j’aurai fini cette tâche.
- Il sera à Noz’Dingard à ton retour, dit-elle en séchant ses larmes. Fais attention à toi, dit-elle en quittant les lieux.
Le cœur gonflé par une nouvelle de cette importance, Marlok s’attela à remettre en ordre le laboratoire. Il devait être le milieu de la journée lorsqu’il eut fini. Prophète possédait du matériel assez incroyable et il faudrait au mage Noz du temps pour en maîtriser l’essentiel. Il commença par s’intéresser à plusieurs étagères pleines à craquer de parchemins et de cristaux de différentes couleurs. Il s'agissait des notes de recherche de Prophète et des expériences qu’il mena ainsi que son journal. Mais il n’eut pas le temps d’ouvrir ce dernier qu’à nouveau quelqu’un se présenta à l’entrée. Des bruits de pas caractéristiques d’un golem de cristal. Et effectivement deux petits golems entrèrent puis vint un homme de petite taille et à la barbe longue. Cette personne n’était qu’autre que Delko, le père de Marlok. Ce dernier fut très étonné de le voir.
- Père.
- Fils.
- Que me vaut l’honneur de ta présence ?
- Ne t’en fais pas fils, je ne vais pas rester longtemps. Prophète m’a fait savoir que tu étais là et que tu prenais possession du laboratoire de son frère. Je suis donc venu voir...
- Venu voir que je ne volais aucun secret ?? Dit-il avec sarcasme.
Delko marqua ne pause et soupira.
- Tu as, semble-t-il, payé ta dette à la Draconie, te voilà aujourd’hui un Envoyé.
- J’ai payé oui, mais je n’oublierai jamais tes paroles à mon égard.
- Le passé est le passé, tu devrais savoir que je n’y accorde que peu d’importance. Ce qui m’intéresse c’est l’avenir.
- A l’époque mon avenir vous vous en moquiez bien !
- Bon, sur ces belles retrouvailles je suis venu t’apporter ceci.
Plusieurs golems entrèrent à nouveau, portant plusieurs caisses qu’ils posèrent les unes à coté des autres.
- Fais bon usage de tout ça, nous nous reverrons lorsque mon petit-fils sera là.
- Parce que tu étais au courant ??
- Qui crois-tu qui l’élève ? Il a été confié à ta sœur le temps qu’Anryéna règle ça avec toi.
- J’ai vraiment l’impression d’être trahi et par ma propre famille en plus.
- Cesse donc les pleurnicheries et travaille donc.
- Oui quitte donc les lieux, je dois me rendre utile, moi !
Delko ne releva pas la pique et s’en alla accompagné de ses golems.
- Je vais peut être pouvoir travailler tranquille maintenant ??? Cria-t-il en claquant la porte à double battant du laboratoire.
Il s’attarda ensuite à ouvrir les caisses. La première contenait un drôle d’appareil, il reconnut un cristalisium, permettant d’enfermer dans des cristaux des images de la réalité pour en faire une sorte d’illusion. Dans la seconde caisse un nombre important de cristaux allant avec l’appareil. Enfin dans la troisième et dernière caisse, plus grosse que les autres se trouvaient les restes de son golem, détruit lors de la confrontation avec Harès.
- Tiens, je pensais jamais te revoir. T’es dans un sale état, je me demande pourquoi mon père me ramène ça.
Il se souvint alors du journal de Prophète. Marlok s’installa dans le fauteuil de feu-prophète et se mit à lire.
La nuit tombait, et Marlok avait passé l’après midi à décrypter le système de classification de Prophète. Chaque parchemin de notes correspondait à un cristalisium précis dans lequel son auteur précise ses notes. Grâce à cela, Marlok obtint des premiers résultats. Bien avant que la pierre ne tombe du ciel Prophète était parvenu à identifier une éventuelle présence néhantiste vers Tantad. Ses investigations n’avaient rien donné, mais c’était là un bon point de départ. Parmi tout le matériel disponible Marlok trouva dans une boite faite de cristal translucide une petite pierre noire. D’après l’un des cristalisiums il s’agissait d’un éclat de la pierre-prison de Néhant. Une idée lui vint alors, construire un golem pisteur grâce à cette pierre de Néhant. Il se mit au travail immédiatement et entreprit de suivre les traces de Prophète en “enregistrant” son expérience et en l’annotant.
Il lui fallut une semaine pour retaper son vieux golem et encore une semaine pour créer le sort de pistage néhantique. Marlok finalisait sa nouvelle créature lorsque Zahal se présenta à son tour au laboratoire. Le chevalier de Dragon avait les traits tirés et sa barbe naissante le vieillissait. Il entra d’un pas décidé dans la pièce et mit genou à terre devant le mage.
- Je mets mon bras et mon épée à votre service. Permettez-moi de redorer mon blason.
- Vous avez l’air fatigué et surtout négligé Chevalier.
- Depuis la mort de Prophète je me pose beaucoup de questions sur mon statut et surtout ma place au sein de notre société.
- Je vois. Je ne suis pas le mieux placé pour parler de tout ça, mais si je peux vous aider je le ferais. Et je pense qu’une personne de valeur comme vous me sera utile. Alors soit, j’accepte votre offre. Je finis ce que j’étais en train de faire et nous allons préparer un plan d’attaque.
Le visage de Zahal s’illumina. Il allait pouvoir enfin se rendre utile. Il observa donc le mage finir ses préparatifs. Ce dernier utilisa plusieurs sortilèges sur le golem et lui implanta une petite écaille de Dragon.
- Voici le plan Chevalier. Ce golem va servir de pisteur à néhantiste. Lorsqu’il aura trouvé une cible valide et grâce à l’écaille nous seront tous les deux téléportés sur les lieux, assurant un effet de surprise. Il ne restera plus qu’à cueillir et interroger. Par contre nous pouvons tout à fait nous retrouver de l’autre côté des terres de Guem. Mais cela n’a pas d’importance car nous sommes sous les ordres du Conseil.
Le golem de cristal se mit à bouger et à reprendre vie.
- Allez mon vieux, il est temps de montrer que tu es capable d’accomplir cette tâche.
Pour réponse le golem se mit à marcher de façon mécanique au départ, puis de plus en plus “humainement”. Marlok et Zahal le suivirent jusqu’à la sortie de Noz’Dingard où immédiatement la créature sembla capter une présence néhantique. Il se mit alors à courir dans une direction.
- Rien ne l’arrêtera jusqu’à ce qu’il ait trouvé. En attendant, à nous de nous préparer au mieux. Soyez prêt car à tout moment de la journée ou de la nuit nous pouvons être téléportés.
- Je serai prêt.
Marlok regardait vers l’horizon, il songeait à ce fils qu’il ne connaissait pas encore et son cœur se serra très fort.
Chapitre 2 - L’appât
Marlok et Zahal n’eurent pas longtemps à attendre avant que le Golem n’ait atteint sa cible. Deux jours plus tard, alors que tous deux discutaient des moyens en leur possession afin de contrer les Néhantistes, une aura bleue se propagea autour d’eux. Il disparurent d’un coup pour réapparaître à des lieux et des lieux de la Draconie, ils étaient désormais au pieds des montagnes, non loin de Tantad. Le Golem s’était arrêté devant un petit village qui devait abriter au bas mot une cinquantaine d’âmes. Marlok eut une drôle de sensation, une impression de déjà vu. Les draconiens se mirent dans un endroit discret pour faire le point sur la situation.
- Prophète est déjà venu ici. A l’époque le village était vide et il mit en cause un néhantiste sans en avoir de preuve réelle. En tout cas c’est sûr un ennemi se trouve par ici.
- Lorsque vous avez affronté le néhantiste et libéré les combattants de Zil n’avez vous pas utilisé un sort qui permettait de voir les liens invisibles.
- Vous êtes bien renseigné Chevalier. Le sort de lien révélé, je l’ai appris entre temps.
Marlok le lança sur Zahal et lui-même avant de retourner à l’observation du village. L’intégralité des personnes visibles étaient reliées par un fin fil noir qui partait dans la direction d'une des maisons.
- Il va falloir faire vite, courons jusqu’à la maison, je défonce la porte et on neutralise ce qu’on y trouve.
Marlok gratta sa barbe en réfléchissant à la proposition de Zahal.
- Très bien, allons-y !!
Ils s’élancèrent alors, bousculant les gens sur leur passage. Zahal qui avait son épée à la main mit un gros coup d’épaule dans l’infortunée porte qui céda sans aucune résistance. L’intérieur était plongé dans le noir, les volets étaient fermés. L’odeur était épouvantable entre celle de la nourriture avariée, de déjections humaines et de décomposition. Marlok enflamma sa main de cristal pour éclairer la pièce. Le spectacle qui s’offrait à eux était difficilement supportable. La maison n’était qu’une seule grande pièce. Au milieu une femme était attachée sur une chaise, bâillonnée et incapable de bouger. Autour d’elle des restes humains se décomposaient, mangés par les rats et les asticots. La femme aux cheveux noirs était inconsciente. Zahal souleva sa tête pour voir si elle respirait encore, ce qui était le cas. Elle ouvrit lentement les yeux, visiblement à bout de force elle mit un certain temps avant de prendre conscience de qui elle avait en face d’elle. Le Chevalier lui ôta son bâillon extrêmement serré.
- Par...tez... Par...tez...
Aussitôt la femme eut des convulsions, les liens qui arrivaient jusqu’à elle s’intensifièrent. Dehors les gens hurlaient de douleur et tombaient les uns après les autres. Marlok comprit vite et enflamma d’un geste la jeune femme. Mais il était trop tard. Au sol se dessina une spirale flamboyante et toute l’énergie contenu dans la victime alla directement vers le sol. Puis les flammes cessèrent et en lieu et place de la jeune femme il y avait deux démons. Pour éviter un combat en intérieur, Zahal tira Marlok par le col et le sortit de là. Dehors la rue principale était jonchée de cadavres vidés de toute substance vitale.
- Quelle horreur ! Cria Marlok.
Les deux démons sortirent à leur tour de la maison. Leur allure était très féline et ils se ressemblaient étrangement. Sans crier gare chacun d’eux prit en cible l’un des draconiens. Zahal plus aguerri au combat rapproché s’interposa entre Marlok et le démon qui fonçait vers lui de façon à laisser de l’espace de libre. Le démon ne se laissa pas distraire par cette manœuvre et frappa le chevalier de ses mains griffues et suintantes de poison. Mais le coup fut paré du plat de son épée draconique. Zahal sentit comme une aura autour du démon quelque chose qui à la fois le protégeait et pouvait nuire au chevalier. Son épée fendit l’air et blessa son adversaire avec facilité. Marlok de son côté mit très rapidement au point une tactique. Ils étaient tombés dans un piège et la présence des démons était synonyme qu’ils n’étaient pas loin de toucher au but. Il fallait en capturer un des deux, il choisit donc de neutraliser le deuxième démon qui allait prêter main forte à l’autre. Marlok fouilla rapidement dans son sac et en sortit un cristal évasé et plat. Il le jeta au pied du démon. Un éclair bleu en jaillit, frappant le démon avec force. Ce dernier se retrouva au sol parcouru par de multiples éclairs. Se tordant de douleur, le démon hurlait de rage mais était immobilisé.
Zahal continuait à repousser les attaques de son adversaire qui s'énervait de plus en plus à force de rater sa cible. Le chevalier examinait chacun de ses mouvements, sa façon de frapper et les ouvertures possibles. Il mit en pratique l’enseignement que lui avait prodigué Dragon pendant les 10 ans passés à ses côtés. Le démon était vif et dangereux, mais son armure et son épée étaient suffisantes pour contenir les assauts. Il passa à son tour à l’offensive. Au début la lame frôla le démon, puis enfin elle toucha et blessa son adversaire. A ce moment précis Marlok avait fini d’incanter non pas une mais deux boules de feu qui vinrent frapper le démon lui infligeant de forts dégâts. Zahal entendit alors Dragon lui parler “A toi Zahal !”. Sa main s’enflamma alors et une boule de feu partie vers le démon qui s’écroula lorsqu’il fut touché. Celui-ci se consuma alors pour devenir un tas de cendres que le vent eut tôt fait d’emporter.
Mais s’était sans compter sur le deuxième démon. Les décharges s’arrêtèrent et le démon se releva, encore plus en colère.
- Il ne faut pas le tuer, cria Marlok dans le feu de l’action.
Renforcé par ses convictions et par la présence de Dragon, Zahal fit valdinguer son opposant en le frappant du plat de son arme. Marlok lui avait sorti de son sac plusieurs petits cristaux bleu foncé et les lança par terre pour former un cercle.
- Fous le dedans ! ordonna-t-il en montrant le point central.
Le Chevalier Dragon esquiva plusieurs coups puis donna un magistral coup de pied dans le ventre du démon qui recula jusqu’au lieu désiré. Une bulle magique se forma entre les différents cristaux, emprisonnant ainsi le démon.
- Et maintenant comment faisons nous pour l’emmener jusqu’à Noz’Dingard ? Demanda Zahal.
- J’avais déjà tout prévu, mais je ne m’attendais pas à un démon. Je pense que malgré tout ça va fonctionner. On va vite le savoir.
Marlok farfouilla à nouveau dans son sac ce qui se faisait de plus en plus vite et en extirpa une statuette de cristal en forme de dragonnet. Il la posa au sol et se mit à caresser son museau en chuchotant des paroles dans un langage inconnu. La statuette trembla, puis prit vie.
- Bouche-toi les oreilles, dit Marlok à Zahal.
Le dragonnet s’envola et entra dans la prison comme si la bulle de magie n’existait pas. Le démon n'eut pas le temps de réagir car le dragonnet se mit à hurler si fort qu’il en fut assommé. Le bouclier et les cristaux de la prison explosèrent à leur tour. Marlok et Zahal furent tout de même étourdis par l’intensité du cri de la petite créature animée. Marlok récupéra le dragonnet redevenu statue et son Golem dont la magie s’était épuisée. Quant à Zahal il s’occupa du démon et le ligota de façon à ce qu’il ne puisse plus bouger.
- Bon, du coup on rentre à pied c’est ça, dit le chevalier en commençant à partir.
- Non ! J’ai encore une écaille pour le retour, rassura le mage.
- Loué soit Dragon !
Chapitre 3 - La Pythie
Le démon fut enfermé dans une salle spéciale de l’académie de Noz’Dingard qui était réservée à isoler de la magie des objets ou dans ce cas une créature fortement magique. Allongé sur une table de cristal il ne pouvait plus bouger évitant ainsi qu’il ne se suicide ce qui stopperait là les recherches de Marlok. Il avait beau hurler, personne au-delà des murs de la pièce ne l’entendait.
Pendant ce temps Kounok recevait dans ses appartements privés Zahal et Marlok pour avoir un compte rendu de ce qu’il venait de se passer. Le petit salon était très confortable et dans le pur style de la Draconie. Le bleu était bien sur de mise et plusieurs portraits d’illustres héros ornaient les murs. Prophète leur servit de quoi boire, Zahal fut très honoré de cette attention. Marlok entreprit alors le récit de cette aventure et appuya lors du combat sur l’efficacité du Chevalier Dragon. Kounok était visiblement satisfait, bien que chagriné par la façon dont les démons étaient arrivés, impliquant la mort de plusieurs dizaines de personnes.
- Désormais il nous reste à soutirer les informations du crâne de cette chose, exprima Marlok.
- Je doute qu’il ne vous dise quoi que ce soit de sa propre volonté. Il va donc falloir utiliser d’autres moyens, répondit Kounok.
- Vous faites allusion à la Pythie ? Supposa le mage.
- Oui. Vous avez autorisation de vous adresser à elle. Veillez à respecter le protocole, elle est très à cheval sur les principes.
- Bien, je vais donc la faire venir, assura Marlok. Puis-je disposer ?
- Faites, par contre Zahal nous avons à parler.
Une fois le mage parti, Kounok s’assit sur le fauteuil en face de son chevalier.
- Tu es pardonné de tes erreurs, tu n’as pas à te reprocher la mort de mon frère. Il n’y a qu’un fautif, Néhant ! A présent et comme à l’époque, plusieurs chevaliers de Dragon existent, annonçant ainsi une guerre prochaine. Aujourd’hui je te sens prêt à combattre au nom de Dragon.
- Merci Kounok, je crois que j’avais besoin d’entendre ça.
- Tu me vois ravi. A présent j’ai à faire, retourne auprès de Marlok pour surveiller notre prisonnier et protéger la Pythie.
- A vos ordres, Prophète.
Le chevalier quitta la pièce, remotivé par les paroles de Kounok.
Quelques jours plus tard, une délégation importante en provenance des territoires du sud de la Draconie arriva en ville, créant une animation. La caravane composée de deux carrioles tirées par des akirs, créatures élevées dans la région de Zar-Azil d’où provenait justement cette délégation. La garde de Noz’Dingard avait pour l’occasion circonscrit la grande place pour permettre à Kounok, Anryéna, Marlok et Zahal d’accueillir leurs visiteurs. De la première carriole sortirent plusieurs servantes habillées de simples robes blanches, elles portaient un voile presque transparent qui cachait leur visage. Marlok sentit alors que celles-ci déployaient de la magie draconique. Après avoir vérifié que la situation n’était pas dangereuse, une autre personne fit son apparition. Une dame à la robe bleue brodée de multiples dragons. Son visage aussi était voilé, mais par un épais tissu bleu. Une des servantes plaça la main de cette personne sur son épaule et la conduisit auprès de Prophète.
- Soyez la bienvenue à Noz’Dingard, Pythie. Nous vous remercions d’avoir accepté notre demande.
- La Pythie répond toujours présent à l’appel du Prophète, répondit-elle. J’ai fait un long voyage jusqu’ici et je désire me reposer.
- Il va de soit, permettez-moi de vous mener à vos quartiers.
Alors que Kounok accompagnait son invitée et ses suivantes, Marlok guettait la deuxième carriole. Anryéna l’avait prévenu que la Pythie arrivait avec Exhien. En attendant Anryéna lui posa une question qui lui brûlait les lèvres.
- Tu n’as pas dit bonjour à ta sœur, lui en veux-tu de ne t’avoir rien dit ?
- Non je ne lui en veux pas, je ne pourrais pas lui en vouloir. On m’a demandé d’observer le protocole, alors je l’ai observé. Seul le Prophète peut accueillir et s’adresser à la Pythie lorsqu’elle arrive à Noz’Dingard. Mais je lui parlerai assez vite.
Anryéna parut satisfaite de cette réponse et s’avança lorsque plusieurs personnes sortirent de la deuxième carriole. Marlok n’osa pas la suivre et se contenta d’observer. Un jeune garçon qui devait avoir dans les six ans se jeta alors dans les bras d’Anryéna. Le cœur du mage battait la chamade. Il n’était plus très jeune et l’idée d’avoir un enfant l'effrayait autant que ça l'enthousiasmait. Le mage ne pouvait plus quitter le garçon dont le physique prouvait sa filiation, en effet comme lui au même âge et comme ses ancêtres, le garçon avait les cheveux gris foncés. Mais une autre particularité l’intéressa plus, en effet il avait hérité de sa mère du sang de Dragon et aussi des yeux de son grand-père. De couleur bleue comme la gemme au centre de la ville et fendu comme ceux de Kounok lorsqu’il était dragonnet. Anryéna s’approcha alors de Marlok.
- Viens, n’exposons pas cette affaire de famille en public.
Tous les trois se retrouvèrent alors dans le laboratoire de Prophète qui entre temps était devenu celui de Marlok. Ce dernier n’avait plus d’yeux que pour son fils et il ressentit clairement l’amour au creux de ses entrailles. Confortablement installé le petit garçon fixait à son tour Marlok.
- Exhien, je te présente Marlok, ton père. Marlok voici ton fils, Exhien.
Le garçon hésita puis lui sourit. Marlok lui fit alors signe d’approcher alors qu’il mit un genou à terre. L’atmosphère était particulière, comme si le temps avait ralenti. Marlok posa sa main gauche sur la joue de son fils, les larmes lui coulaient de ses yeux rougis. Il ne tint plus et serra le garçon dans ses bras. De son côté Exhien qui avait tant espéré connaître son père alors que les autres enfants jouaient avec le leur était tout simplement heureux. Anryéna laissa père et fils discuter et apprendre à se connaître le reste de la journée.
Le lendemain Marlok et Zahal conduirent la Pythie devant le démon qui enrageait toujours de cet affront fait à sa magnificence. Deux servantes assistaient aussi à l’interrogatoire.
- Je dirais rien, ragea le démon ! Vous périrez tous !!
- Nous verrons cela, commenta Zahal. Pour ma part on vous a mis une belle raclée, insista Zahal.
- Il suffit démon ! Tu vas tout révéler à la Pythie même si tu ne le veux pas ! Lâcha Marlok.
Les servantes lancèrent plusieurs sortilèges de protection avant que la Pythie ne s’avance au niveau de la tête du démon. Le démon ne bougea plus d’un pouce alors qu’elle posait sa main sur sa tête. Immédiatement la sœur de Marlok fut plongée dans les souvenirs du démon. Elle remonta le temps rapidement, elle vit le démon être convoqué par le piège et affronter les Envoyés, elle le vit ensuite au plus profond des Méandres se préparer avec son démon jumeau. Autour d’eux il y avait d’autres démons de toutes tailles et plus ou moins impressionnants. Le temps défila pour retourner plus loin dans le passé. Et là, la scène la plus intéressante eut lieu.
Les deux démons furent appelés par un néhantiste au costume noir, les cheveux longs et les yeux noirs. L’invocation des deux démons se fit dans une grande caverne avec des étagères partout et dont les murs étaient gravés du symbole de Néhant. Il y avait aussi d’autres personnes dont une jeune femme à la beauté redoutable, ainsi qu’une personne qu’elle reconnut immédiatement : Ardrakar. L’ancienne Chevalier Dragon s’approcha alors du démon et le frappa. Mais elle n’avait pas cherché à faire mal au démon, elle avait perçu la présence de la Pythie. Cette dernière ne fut plus en mesure d’en apprendre plus, elle avait reçu comme un coup en pleine figure. Elle chuta en se tenant la tête des deux mains. Marlok alla immédiatement l’aider.
- Tu vas bien, dit-il ?
Mais celle-ci se mit à hurler lorsque Marlok lui toucha le bras. Elle eut une vision. Marlok était au milieu d’un champ de bataille. Autour de lui des légions de démons combattaient une coalition très improbable de la Draconie et de l’Empire de Xzia. Une servante intervint alors et poussa Marlok pour à son tour venir en aide à la Pythie qui s’était évanouie. Elle ne reprit connaissance que le lendemain. Marlok inquiet pour sa sœur passa la nuit à son chevet. Les servantes avaient bien pris soin d’elle et son voile lui fut retiré, laissant visible son visage. Elle était plus jeune que Marlok mais elle aussi avait les cheveux gris. Ses traits étaient délicats et fins.
- Mon frère, tu as passé la nuit ici ?
- Oui.
- Donne-moi ta main, n’aie crainte, je vais te montrer tout ce que j’ai vu.
Le mage écouta sa sœur, les images défilèrent alors sans qu’il puisse contrôler quoi que ce soit, c’était comme si un puzzle se reconstituait. Enfin il arriva jusqu’au bout, il reconnut le néhantiste qu’il avait déjà affronté et plus important, il reconnut Ardrakar !
- Elle ! Je la croyais morte depuis très très longtemps.
- Néhant rallonge sa vie mon frère.
- Mais tout cela ne nous avance pas à grand chose, j’ai déjà vu ce néhantiste, je l’ai déjà combattu.
- Tu sous-estimes les pouvoirs de la Pythie. Sache que je peux déterminer précisément où ce néhantiste se trouvait lors de cette scène.
Marlok se mit à sourire puis à éclater de rire. Enfin il se leva et posa un baiser sur le front de sa sœur.
- Dans ce cas, nous allons pouvoir agir de bien des façons. Je dois prévenir le Conseil.
Astenaki
Ciramor, le Grêlé, Malyss, Œil de gemme et Ergue avaient traversé bon nombre d’épreuves depuis l’arrivée de l’apprenti d’Eredan dans la troupe. Ils avaient traversé des dizaines d’îles, croisé des gens et des créatures aussi extraordinaires les uns que les autres. A chaque fois le groupe fut mis à l’épreuve et au prix des efforts de chacun la victoire était leur. Mais bien que le moral était encore bon, la fatigue, elle, s’était aussi invitée au voyage.
La nuit tombait une fois de plus sur les Confins et le campement fut monté. Ciramor ne suivit pas le mouvement il regardait le soleil se cacher derrière les îles flottantes. Ergue s’occupait de vider et préparer un animal fraîchement tué pendant que Malyss allumait par magie un tas de bois pour faire un feu. Œil de gemme, trop exténuée pour faire quoi que ce soit, s’endormit de suite. Le Grêlé quand à lui se demandait à quoi pouvait penser Ciramor.
- Vous avez l’air préoccupé.
- A vrai dire il n’y a rien de grave.
Ciramor se mit près du feu pour s’adresser à tous.
- Ecoutez-moi. Demain, nous arriverons sur l’île où se trouve le Mangepierre. Nous serons alors face à notre, ou tout du moins votre plus grande épreuve.
- D’accord, mais c’est quoi l’épreuve ? Demanda Ergue.
- Ca, vous le saurez demain ! Répondit Ciramor amusé.
- J’aurais essayé, rétorqua le Zil.
- Reposez-vous bien cette nuit. Je vous indiquerai le lieu, mais il vous faudra y aller sans moi.
- Très bien, je suis ravi qu’on en finisse, j’en peux plus des cailloux volants, ajouta Malyss.
- C’est une bonne nouvelle, espérons que nous n’ayons pas fait tout ça pour rien et que ce Mangepierre mérite sa réputation.
- Ne vous en faites pas Grêlé, il vaut largement le détour.
La troupe ne s’attarda pas et tout le monde s’endormit après un rapide repas. Seul le Grêlé qui n’avait pas la même physiologie resta éveillé. Il se perdit dans ses pensées. Il sentait qu’il y avait dans les environs quelque chose de très familier. Mais il ne savait pas ce que c’était réellement. Il regardait les flammes danser en songeant que sa forêt et son frère lui manquaient cruellement.
Les heures passèrent ainsi et une brume se leva doucement. Le Daïs commençait enfin à s’endormir, il se sentait sombrer doucement. Il se rendit alors compte qu’il se passait autour de lui quelque chose. Il voyait des formes bouger et entendait des chuchotements. Il tenta de se lever mais sans succès, il se crut collé au sol par de la glu. Tout se troubla autour de lui, il chavira dans l’inconscience...
- Grêlé... Grêlé... réveille-toi.
Le Daïs ouvrit les yeux avec peine. Le paysage avait changé, tout comme leur situation. Ils n’étaient plus à leur campement, mais dans un autre endroit, une forêt aux arbres gigantesques sous lesquels des cristaux de multiples couleurs tapissaient le sol. Le Grêlé crut tout d’abord qu’ils étaient enfin de retour parmi les Eltarites, mais il comprit vite que non lorsqu’il vit que ses compagnons et lui-même étaient ligotés.
- Qu’est...ce qui se passe, demanda-t-il.
- On ne sait pas vraiment, on vient juste d'émerger nous aussi, dit Ergue.
- Je les entends chuchoter, répondit le Daïs. Ils parlent un dialecte particulier, mais j’arrive à comprendre la signification de leurs phrases.
- Une chose est certaine, ceci n’est pas l’épreuve pour trouver le Mangepierre, Ciramor est aussi avec nous alors qu’il devait se barrer, indiqua Malyss en montrant de la tête le mage ligoté comme tout le monde.
Tous se tournèrent vers l'intéressé.
- Je ne peux pas vous dire grand chose, je suis dans le même pétrin que vous. Je ne sais pas qui sont ces gens.
- Taisez-vous, j’ai un contact mental avec l'un d’entre eux.
Effectivement depuis leur réveil, la troupe était observée par plusieurs personnes suffisamment cachées pour ne pas se faire repérer.
- N’aie pas peur, montre-toi. Je ne peux rien te faire je ne peux pas bouger.
L’argument du grêlé fut bon car une personne se révéla sur un des cristaux non loin d’eux.
- Une Elfine ! S’écria Ergue.
C’était une jeune femme habillée de morceaux de chitine, de bois et tissus verts. Le Grêlé fut frappé par l’existence d’Elfine et d’une probable tribu ici, dans les Confins. A sa connaissance tous les Eltarites se trouvaient dans la forêt sur les terres de Guem.
- Pourquoi nous avoir enlevé ?
- Vous avez pénétré sur nos terres, vous allez être punis pour cet outrage. Répondit-elle.
- Vous saviez qu’il y avait des Elfines dans les Confins Ciramor ? Interrogea Malyss.
- Comme je vous l’ai dit, je ne connais pas ces gens.
- Vous allez être conduit auprès du Sachem qui décidera de votre sort, ajouta l’Elfine.
- Je suis le Grêlé, je viens d’un lieu où vivent d’autres tribus de personnes comme vous.
L’Elfine inclina la tête, visiblement interloquée par ce qu’avançait le Daïs. Elle sauta de sa position et se faufila entre les cristaux pour disparaître.
- Bravo ! Voilà qu’elle s’est barrée, regretta Ergue. Bon on fait quoi ? Si vous voulez je peux me défaire de ces liens.
- Attendons de voir avant de se les mettre plus à dos, non ?
- Voilà de sages paroles Ciramor, chez nous dans le clan du Corbeau nous préférons éviter les conflits ouverts. Négocions notre libération.
- J’veux bien, mais on négocie quoi ? On a que dalle ! Ironisa Œil de gemme.
- Nous avons d’autres atouts, indiqua Ciramor. Nous avons un Daïs avec nous.
Le Grêlé paraissait concentré sur son environnement, il pouvait ressentir la nature autour de lui comme s’il était dans la forêt des Eltarites. Arrivèrent alors plusieurs Hom’Chaï recouverts de tatouages tribaux, ils emportèrent avec eux les prisonniers et les transportèrent jusqu’à un village non sans subir les râleries de Malyss, Ergue et Œil de gemme. Là ils furent proprement jetés dans une sorte de hutte de toile.
- Ca s’améliore... dit Malyss dépité.
Sortant de l’ombre dans laquelle elle s’était cachée, l’Elfine refit une apparition.
- Chuuut, dit-elle doucement. J’ai quelques questions à poser à celui-qui-parle-sans-la-bouche.
- Je m’appelle le Grêlé.
- Ne lui dit rien, chuis sûr qu’elle va nous vendre à son chef ensuite. Elle veut des informations ! Accusa la pirate.
- Vous pouvez pas vous taire ? Demanda Ciramor, écoutons là !
- Lorsque j’étais petite, on me racontait des histoires à propos de créatures qui nous auraient persécutés il y a longtemps. Vous correspondez à celles-ci, jugea l’Elfine.
- Quel est votre nom ? Demanda le Grêlé.
L’Elfine hésita un court instant.
- Je suis Silikat, enfant de Rompt-les-os et de la chamane Elbaïte. Voilà qui je suis, d’où venez-vous.
- Laissez-moi vous montrer qui je suis.
Les Daïs n’étaient pas pourvu de bouche mais avaient la capacité incroyable de pouvoir discuter mentalement avec les gens. Grâce à ce don, ils étaient capables d’envoyer des images par la pensée. Et c’est ce que fit le Grêlé. Il se concentra et envoya à Silikat une flopée d’images de sa forêt, de l’Arbre-Monde et des gens qu’il avait croisé, il insista sur les Elfines afin de lui montrer que sa tribu n’était pas la seule existante. La réaction de l’Elfine indiqua clairement que ce qu’on lui montrait lui plaisait.
Mais leur “discussion” fut stoppée par l’arrivée des mêmes Hom’chaï croisés il y a peu. Lorsqu’il vit l’Elfine, l’un d’eux l’attrapa et la mit dehors sans autre forme de procès. L’air menaçant de ces colosses ne rassura pas la bande de voyageurs, Malyss crut même qu’ils allaient se faire molester. Ce ne fut pas loin d’arriver car ils furent à nouveau attrapés et traînés comme de vulgaires sacs de grains à travers le village. Là, au centre, se trouvait une grande place. Tout autour il y avait des bancs faits de rondins de bois. La plupart des habitants du village étaient assis là, jetant des regards allant de la curiosité à la haine. Au bout de la place qui avait une forme ovale il y avait un immense totem représentant une multitude de créatures. Une cavité avait été creusée à hauteur d’homme et abritait une sorte de gros œuf dont la paroi extérieure était faite de cristal gris opaque. Ciramor reconnut immédiatement de quoi il s’agissait.
- C’est le Mangepierre ! Dit-il aux autres.
Ils étaient tellement focalisés sur l’œuf qu’ils ne virent pas la personne non loin du totem. Pourtant sa prestance et son charisme ne pouvaient pas être ratés. Les Hom’chaï jetèrent leurs “paquets” avec toute la délicatesse qu’on leur connaissait, c’est à dire aucune. Ils forcèrent ensuite les intrus à se mettre à genoux malgré les liens.
Le Sachem, chef du village était un Elfine assez âgé, ses cheveux longs et grisonnants étaient parés de longues plumes de diverses couleurs et de petits crânes d’oiseaux. Ses yeux étaient violets, ce qui choqua le Grêlé qui n’avait jamais rien vu de tel de par chez lui. Sa parure était constituée d’une multitude de colliers tribaux faits de chitine, de cristaux et d’os. Il marcha le long de la ligne formée par les quatre intrus. Il ne s’attarda que très peu sur les humains mais se figea lorsqu’il plongea son regard dans celui du Daïs. Ce dernier sentit une agression mentale, on fouillait dans ses pensées. Il ferma donc son esprit comme seuls ceux de sa race savaient le faire. Cela irrita fortement le chef qui cracha devant le Daïs avant de se diriger vers les siens. Il s’adressa alors à eux, le Grêlé traduisit son discours au fur et à mesure.
- Mes frères et sœurs, voici devant vous les intrus venus pour détruire Astenaki et brûler notre village !! Ils ont osé s’aventurer sur nos terres avec la volonté de nous nuire !! Regardez mes frères, regardez mes sœurs, voyez ce que les dieux mauvais nous envoient !
Il fit alors signe à l’Hom’chaï qui surveillait le Grêlé de l’amener jusqu’à lui.
- Voyez les créatures qui ont fait du tort à nos ancêtres sont revenues pour nous terrasser ! Dit-il en tirant par les cheveux le Daïs qui sentit alors la colère monter en lui.
Certains se levèrent pour réclamer sa tête, d’autres pour enjoindre le Sachem à agir, mais tous furent d’accord pour mettre un terme à la présence de ces individus par une mort certaine. Le chef lâcha la tête du Grêlé. Le Daïs réussit alors à canaliser toute la rage qui s’accumulait, s’il agissait maintenant, il pourrait probablement faire quelque chose, mais l’issue ne lui serait pas favorable. L’Hom’chaï qui le tenait le ramena aux autres, suivi de près par le chef.
- Demain vous serez offerts en sacrifice à Astenaki et notre village vivra à nouveau en paix !
- Vous faites une grave erreur ! Répondit le Daïs qui saisit l'opportunité. Nous ne sommes pas venus vous faire du mal. Si nous avons violé votre territoire nous nous en excusons.
- Inutile de tenter de m’avoir par de belles paroles, infâme créature, ce que tu as à dire ne changera rien, tu vas mourir et tes amis aussi, dit-il en reculant. Attachez-les au pilier des souffrances qu’ils expient leurs fautes avant d’être exécutés.
Silikat avait assisté, comme tout le village, à cette scène. Depuis son enfance elle rêvait de parcourir le monde. Mais tout indiquait qu’au-delà des territoires de la tribu seule la mort attendait les aventureux. Et puis était arrivé le Grêlé et il lui avait montré d’autres lieux et d’autres tribus des siens. Mais jamais on ne la laisserait partir d’ici, le village était constamment gardé par d’excellents guerriers. Ceux qui avaient tenté de quitter le village s’étaient sévèrement fait réprimander. Bien sur cette créature venue d’ailleurs aurait pu lui mentir sur tout, quelque part elle sentait que la confiance était la meilleure des voies à suivre. Elle aimait les siens, mais elle se sentait toujours à l’écart. N’en déplaise à ce fanatique de Sachem, ce soir elle aiderait les inconnus à s’enfuir !
Quant à notre fine équipe, elle se retrouvait désormais attachée à un autre totem. Chacun était attaché à un autre dos au bois sculpté. Ils comprirent pourquoi il s'appelait pilier des souffrances, car il y avait des pointes un peu partout sur sa surface. Une personne qui lui était attachée finissait par saigner du dos et subir le martyre.
- Faut vraiment qu’on se barre d’ici ! Insista Œil de gemme.
- Nous partirons cette nuit. Ciramor serez-vous capable de nous aider en nous indiquant un chemin pour sortir d’ici ?
- Hélas non, je ne sais vraiment pas où nous sommes. Les Confins sont immenses.
- Tu le fais exprès je suis sûr ou alors tu sers vraiment à rien. Il est où le super mage qui nous a mis la pâté la dernière fois ?
Ciramor cachait effectivement quelque chose. Il se questionnait sur ce qu’il se passait en ce moment. Etait-ce une épreuve réelle l’impliquant aussi ou une épreuve juste pour les voyageurs ? Il pencha pour la deuxième solution et se contentait de regarder. Le cas échéant, il agirait pour ne pas risquer la vie de qui que ce soit.
La nuit tomba à nouveau sur les Confins, et les ventres de nos amis gargouillèrent de concert. Personne ne les avait nourri. Le pilier des souffrances officiait lentement. Plus qu’épuisés ils doutaient maintenant à arriver à partir d’ici, du moins vivants. Au bord de l’inconscience, aucun d’eux n’arrivait à fermer l’œil en raison de leurs blessures. Les Hom’chaï les gardaient en se moquant de temps à autres. C’est alors que Silikat fit son apparition portant un grand plat de bois rempli d’une nourriture qui intéressa vivement les geôliers.
- Qu’est ce que tu nous amènes là ? Demanda l’un d’eux.
- J’ai pensé que vous garderiez mieux ces intrus si vous aviez le ventre plein. Je vous ai préparé ce que vous préférez, des Harag-na.
Les Hom’chaï remercièrent l’Elfine avant de se jeter sur le plat avec gourmandise. Ils le finirent en un temps record, il ne fallut pas longtemps avant que le puissant somnifère ajouté à la mixture ne fasse effet. Silikat ne s’attarda pas et coupa les liens des prisonniers.
- Venez, suivez-moi... et en silence...
Trop fatigués et blessés pour dire quoi que ce soit chacun aidait son compagnon. Seul le Grêlé accusait le coup, et celui-ci avait une idée en tête.
- Il nous faut le Mangepierre. Je m’en occupe, je vous retrouverais vite.
Ils n’eurent pas le temps de réagir que le Daïs avait déjà mis les voiles. Il était très en colère que les membres d’une tribu Eltarite agissent avec cruauté et irrespect envers la vie. Progressant avec discrétion il trouva un plan d’attaque simple mais qui serait très efficace. Il lui fallait couper le village en deux pour que le totem soit libre d'accès. Il fit appel à la magie et à la nature. D’énormes racines poussèrent pour former un mur infranchissable de verdure. Il courut ensuite vers le totem pensant être seul mais il s'aperçut qu’il y avait quelqu’un devant, le Sachem. Ce dernier avait l’air très mécontent de le voir et on pouvait lire la haine dans ses yeux.
- Je vais te tuer et ta tête ornera ma hutte !
Le Daïs se contenta pour réponse de faire pousser les éclats de l’Arbre-Monde plantés dans son bras pour former une arme acérée et s’élança dans l’affrontement. L’Elfine encore agile pour son âge fit une roulade avant de lancer au sol une des têtes d’oiseau ornant ses cheveux. Un esprit oiseau apparut et plongea bec en tête sur le Daïs qui attaqua en même temps. La lame de cristal vert s’enfonça dans la tête de l’oiseau qui disparut instantanément. Mais cela n’était qu’une diversion le temps pour le chef du village de lancer un autre sort bien plus dévastateur. De fines gouttelettes d’acides commencèrent à tomber sur la zone où était le Grêlé. De la fumée se dégagea à chaque goutte arrivant sur le sol. Le Sachem ricanait déjà de cette victoire. Hélas pour lui l’acide n’attaqua pas la peau du Daïs. Ce dernier au bord de la rage absolue sentit que les verrous posés par son frère lorsqu’il fut enfermé dans la prison d’ambre lâchaient les uns après les autres. Il sauta avec vivacité sur le chef du village et posa sa main recouverte d’acide sur le visage de l’Elfine. Celui-ci hurla de douleur.
- Je suis un Daïs, enfant de l’Arbre-Monde et protecteur des Eltarites !! Je reviendrais pour te montrer la véritable voie car celle que tu suis ne mènera qu’à une chose : ta perte !!
Sur ce il relâcha le chef qui se tenait le visage, fou de douleur. Le Grêlé alla alors jusqu’au totem où l’œuf luisait doucement. Le chef se releva alors que l’acide brûlait encore sa peau, il porterait jusqu’à la fin de sa vie une trace de son affrontement avec le Daïs. Se retenant de crier, il dégaina une dague et s'apprêta à la lancer dans le dos du Daïs. Un drôle de bruit se fit entendre et un objet à peine visible fendit l’air et frappa le Sachem qui s’écroula sur l’instant. Silikat courut jusqu’au Grêlé pour l’aider à récupérer le Mangepierre.
- Ce que je fais là, je le regretterai toute mon existence, dit-elle.
- Je crois que non, grâce à vous nous allons pouvoir sauver le monde dans lequel nous vivons.
Le Grêlé et Silikat arrivèrent là où les autres attendaient. Ciramor ouvrit de grands yeux lorsqu’il vit l’œuf
- Vous avez réussi !
- Bon on met les voiles là ! S’impatienta Œil de gemme. On l’a enfin, donc retour au bercail !
- Encore faut-il savoir par où partir, insista Ergue.
- Bon beh j’ai une solution, mais faut qu’on se barre de là on est trop près du village, insista la pirate.
- Oui vous avez raison, il ne faut pas rester là nous allons avoir du monde à notre poursuite.
Ciramor aida Malyss à se relever et la troupe repartit à travers la nature avec l’œuf du Mangepierre.
A suivre...
Les dieux morts
Chapitre 1 - Meurtre
Le prince Metchaf regardait l’horizon et le sable à perte de vue du désert d’émeraude. En ce jour plusieurs caravanes étaient arrivées dans la cité d’Aksenoun et avec elles la nouvelle de l’approche imminente d’une gigantesque tempête de sable. Cela compliquerait les recherches des derniers rebelles de la ville. L’Aïf Salah Mehdi qui grâce au prince avait retrouvé sa fille et repris le contrôle de la cité avait invité le fils du roi du désert à rester autant qu’il souhaitait. Ce ne fut pas de refus sachant que sa promise était là il profita largement de l’accueil du père et des faveurs de la fille. Cette dernière arriva d’ailleurs à la limite du balcon où était Metchaf.
- Prince, un garde royal vient d’arriver et demande à te voir.
Le prince, n’ayant pas demandé de renfort, fut étonné d’avoir une telle visite.
- Fais le venir je te prie, dit-il en soupirant.
La fille de l’Aïf se retourna et délégua l’ordre à ses serviteurs. Le garde royal se présenta au prince comme le voulait le protocole. Le prince fut surpris de voir que celui-ci était un membre féminin de la garde royale. Et plutôt agréable à regarder.
- Je suis Urakia, je suis envoyée par votre père afin de me mettre à votre service, dit-elle en enlevant son casque.
Ce nom-là lui rappelait vaguement quelque chose. Oui ! La fille du premier conseiller de son père, le Vizir Mahamoud. Ils avaient tous deux sensiblement le même âge et jouaient ensemble étant enfant jusqu’à l’adolescence où Urakia s’en alla pour devenir plus tard garde royal. “Mon père ne m’a pas envoyé n’importe qui, hors de question de la faire retourner à Mineptra” se dit-il.
- Bien, des bras de plus pour venir à bout des rebelles ne sont pas de trop. Va voir le chef de la garde d’Aksenoun et dit lui que tu prends, au nom du Prince et de l’Aïf, le commandement.
- Merci seigneur.
- Seigneur... à l’époque nous nous appelions par nos noms...
- Autres temps, autres fonctions fils du roi du désert. J’ai fait un long voyage puis-je prendre congé.
- Fait donc, ce soir tu mangeras à ma table.
C’était là un immense honneur et une remarquable marque d’estime lorsqu’un souverain, fut-il prince invitait une personne d’un rang inférieur à sa table. Urakia parut honorée alors qu’elle remettait son masque. La fille de l’Aïf fut piquée dans son orgueil et une pointe de jalousie fit surface.
- Est-il nécessaire d’avoir cette guerrière à notre table mon prince ? Demanda-t-elle sur un ton de reproche.
Cette réaction fit rire Metchaf aux éclats.
- Il faut qu’elle se montre pour que tous sachent qu’elle est là. Cela fera disparaître les esprits belliqueux qui complotent dans notre dos. Mais ne t’inquiète pas tu es la seule à compter dans mon cœur, dit-il en embrassant passionnément la jeune femme. A présent va donc te préparer pour le repas, je veux que tu sois la plus belle des étoiles et digne d’être la future reine ! Le prince avait bien noyé le poisson, touchée par l’attention qu’il lui portait la fille de l’Aïf s’en alla retrouver ses servantes.
Alors que l’horizon se teintait par le rouge du crépuscule, le palais d’Aksenoun était en effervescence. Les senteurs embaumaient chaque couloir et chaque pièce. Les sons de la musique résonnaient tandis que les danseuses tournoyaient entre la multitude de tables où les invités attendaient après la bénédiction du prêtre de Sol’ra. Ce dernier vêtu de somptueux atours aux bijoux d’or et de pierres solaires se leva de manière à ce que tout le monde puisse le voir. Le silence se fit et tout le monde sans exception se tourna dans sa direction.
- Nul ne peut se mettre en travers de la volonté de Sol’ra. Ceux qui ne suivent plus sa voie ont été châtiés. Remercions Sol’ra de nous avoir envoyé son serviteur le prince Metchaf afin de rétablir l’ordre.
Tous les participants se levèrent pour s’incliner devant le fils du roi du désert. Ce dernier n’eut pas de réaction particulière, ce genre de chose lui arrivait souvent.
- Allons allons, continuez prêtre.
Tout le monde retourna à sa place pour écouter la suite du sermon. Mais le pauvre prêtre n’eut pas l’occasion de poursuivre, une rafale de vent souffla dans la pièce et emporta tout ce qui était léger, créant un mouvement de surprise. Alors que les serviteurs ramassaient ce qui était au sol, un cri étouffé mais audible figea tout le monde. Celui-ci venait du prêtre de Sol’ra qui flottait à un mètre du sol et se débattait en se tenant le cou. Tout autour de lui des volutes de sable tournoyaient à toute vitesse lui provoquant de profondes entailles. Urakia fut la première à réagir et tenta de plaquer le prêtre au sol mais fut arrêtée par le sable. Metchaf à son tour tenta quelque chose, il prit un banc de bois et frappa de toutes ses forces. L’objet de bois éclata en morceaux sans aucun autre effet. Puis, alors que le prêtre saignait de plus en plus et se mourrait, le sable s’agglutina pour former une silhouette qui se précisa et devint une femme aux yeux totalement noirs. Ses cheveux flottaient alors qu’il n’y avait pas le moindre vent et ses habits semblaient très anciens arborant des symboles interdits. La plupart des invités avaient fui dès le début de l’agression, remplacés par les gardes du palais venus voir ce qu’il se passait.
L’apparition tenait le prêtre de Sol’ra agonisant par le cou, il ne touchait pas terre. Le prince Metchaf avait dégainé son arme et la pointait en direction de l’agresseur.
- Je sens le sang des rois couler dans tes veines jeune prince, dit la femme aux yeux noirs.
Elle plaça alors sa main non loin de la bouche du prêtre. Une lumière vive en sortit, puis comme une boule faite de fumée et de lumière, elle avala goulûment cette prise.
- Nous nous reverrons vite ! Dit-elle alors que les gardes courraient pour aller l’attaquer.
A nouveau un souffle de vent parcourut la salle et elle se re-transforma en volutes de sable et fila à toute allure en dehors du palais. Metchaf et Urakia n'hésitèrent pas une seconde et se lancèrent à la poursuite de cette mystérieuse tueuse. Les Solarians à l’intérieur avec Metchaf et Urakia reprirent le dessus assez rapidement, ces derniers les poussant à dépasser leurs limites physiques. En un rien de temps ils se retrouvèrent en dehors d’Aksenoun. Il fut difficile de suivre un nuage de sable dans le désert mais ils y arrivèrent et ce malgré la nuit qui était tombée. Ils marchèrent plusieurs heures avant de faire une mauvais rencontre. La tempête de sable dont les rumeurs parlaient en ville était sur eux, rapide et implacable.
Chaque grain de sable était un supplice. Le vent les fouettait de toute part et leur vision fut réduite à un pas devant eux. Urakia resta collée au prince Metchaf car si jamais ils venaient à être séparés l’issue de cette tempête ne pouvait être qu’une mort lente par étouffement. Ils avaient quitté Aksenoun avec le strict minimum et à cet instant précis ils le regrettaient car leur peau en grande partie dénudée souffrait à présent de la violence des rafales de sable. Ils sentirent tous deux que dans ce chaos il y avait la présence de celle qu’ils poursuivaient. Le sable s’agglutina autour d’eux et il leur fut de plus en plus impossible de progresser. Ils furent engloutis par la fureur du sable...
Chapitre 2 - L’Oasis d’Istaryam
Urakia se réveilla doucement. Elle avait l’impression qu’une horde de chameaux l’avait piétinée tellement elle avait mal de partout. Mais cela la rassura car si elle souffrait ainsi c’est qu’elle n’était pas morte. Au début incapable du moindre mouvement, elle se contenta de regarder autour d’elle. Elle était dans une grande tente telle que certaines tribus non sédentaires utilisaient dans leurs déplacements. Il y avait une odeur d’encens et un peu partout divers objets anciens. Elle se leva de son lit avec beaucoup de difficulté et tangua jusqu’à l’entrée. Une bouffée de fraîcheur parcourut son visage fatigué, la raison en était un lac de grande taille au milieu d’une végétation luxuriante. Au milieu de l’étendue d’eau il y avait une vieille statue en partie rongée par le temps et le sable du désert. Au bord de l’eau le prince Metchaf s’aspergeait le visage. Ses réflexes de garde royal lui commandèrent de faire le tour du campement et voir s’il y avait quelqu’un. Mais il n’y avait personne à part eux deux. Elle récupéra quelques affaires dont leurs armes. Tout cela devenait de plus en plus mystérieux, comment s’étaient-ils retrouvés là ? Qui les avait sauvés? Autant de questions qui trouveraient plus tard des réponses. En attendant la jeune femme rejoignit le fils du roi du désert pour récolter d’autres informations.
- Y comprenez-vous quelque chose Majesté ?
Mais vu la tête du prince elle sut que c’était non.
- Je me suis réveillé peu avant toi. Mis à part le fait que je pense savoir où nous sommes, je ne sais pas en revanche qui nous devons remercier pour nous avoir sauvé la vie.
Urakia attendait la suite mais le prince n’était pas disposé à tout lui dire.
- Et donc nous sommes... où ? Demanda-t-elle sur un ton vaguement exaspéré.
- Mmm? Ah oui, je pense que nous devons être à l’oasis d’Istaryam.
Urakia eut un haut le cœur à l’évocation de ce nom. Istaryam était le nom d’une antique cité qui fut le bastion des polythéistes lors de la guerre qui opposa les anciens dieux à Solar il y a de cela un peu plus de cent cinquante ans. Sur ordre du roi du désert de cette époque ce lieu fut interdit d’accès sous peine de mort. Le temps passant tout le monde oublia cette petite partie du désert.
- Il faut partir, ce lieu nous est proscrit...
- Je tiens à faire la lumière sur cette histoire, je veux savoir qui sont ceux qui bravent l’autorité du roi mais qui nous ont sauvés. Je pressens qu’il y a bien plus derrière toute cette affaire. J’ai une drôle d’impression, je commence à comprendre pourquoi cet endroit est interdit.
Urakia n’était pas très rassurée par les paroles du prince. Elle se souvint des histoires qu’on lui racontait lorsqu’elle était petite.
- Nous allons mourir... lâcha Urakia dépitée. Ce lieu est sous le regard de Sol’ra, les gens qui habitent ici vont subir le feu de la colère de Dieu, je ne tiens pas à rester ici.
Metchaf se gratta le nez, signe que l’attitude de la garde ne lui convenait pas.
- Tu vas où je te dis d’aller, tu fais ce que je te dis de faire ! Dans un premier temps il faut qu’on fasse le tour de l’oasis pour chercher d’éventuelles traces de pas ou de chameau.
La jeune femme partagée entre le sentiment de honte et de colère vis à vis du prince. Elle ravala son orgueil et s’en alla devant le prince pour fouiller les environs. L’oasis se révéla bien plus grande qu’elle ne laissait paraître. Après une heure de marche les deux Solarians arrivèrent au bord d’une grande plage de sable au bord de l’étendue d’eau, la statue était alors au plus proche de la berge. Là il y avait une femme nageant parmi quelques nénuphars. Metchaf et Urakia reconnurent l’assassin du prêtre de Sol’ra d’Aksenoun. Urakia sortitses deux sabres et commença à aller dans l’eau. Mais elle n’alla pas très loin car elle s’enfonça comme dans des sables mouvants.
- C’est comme ça que vous me remerciez de vous avoir sauvés ? En attentant à ma vie ? Dit-elle en sortant de l’eau suffisamment loin d’Urakia.
Metchaf devant le corps dénudé d’une femme détourna son regard.
- Assassin ! Vous avez tué un prêtre de Sol’ra ! Vous serez exécutée ! Cria une Urakia enragée.
Des vêtements somptueux apparurent alors sur la jeune femme, la rendant encore plus impressionnante. Le prince resta tout de même à bonne distance pour éviter tout problème. Alors qu’Urakia tentait désespérément de se dépêtrer de son sort, le fils du roi du désert engagea la discussion.
- Qui êtes-vous ?
- Je m’attendais plutôt à un “merci”.
- Qui êtes-vous !?
- La question n’est pas qui je suis mais pourquoi vous vous êtes là.
- Parce qu’on poursuit une meurtrière !! Hurla Urakia.
- Peut-on dire que tuer un meurtrier signifie commettre un meurtre ou bien est-ce une libération ?
- Les prêtres de Sol’ra ne tuent pas, dit Metchaf en retenant sa colère.
- Ah bon ? Êtes-vous sur et certain de cette affirmation.
- Qui êtes-vous ?
- J’ai entendu des rumeurs comme quoi Ahmid serait de retour.
- Ahmid ? Que... Oui, mais arrêtez de changer de sujet en permanence ! Alors répondez une fois pour toute, qui êtes vous !!!?
La jeune femme parut se perdre dans le cours de ses pensées. Tout changea alors autour d’elle comme si des souvenirs prenaient vie. La scène se passait en pleine bataille, on la voyait combattant un guerrier de Sol’ra. L’issue en fut la mort de la jeune femme. Metchaf et Urakia qui avait parfaitement compris ce que signifiait cette scène tombèrent des nues.
- Ptol’a... chuchota le prince de peur de se faire entendre par Sol’ra. Impossible...
- Je suis là pour vous montrer la voie à tous les deux car l’avenir dépend de vous. Notre avenir à tous, à présent suivez-moi.
Urakia à nouveau libre de ses mouvements et Metchaf stupéfié suivirent la jeune femme sans poser la moindre question. Ils ne savaient plus comment réagir.
Chapitre 3 - La tombe des dieux
Ce qu’ils pensaient être l'incarnation de Ptol’a, revenue d’entre les morts, les mena non loin de l’Oasis d’Istaryam. Le ciel s’était couvert voilant le soleil alors qu’ils arrivaient en vue d’une dune bien plus grande que les autres. En réalité ce tas de sable n’en était pas un, mais abritait un bâtiment de taille conséquente dont l’entrée avait été dégagée. Celle-ci était bouchée par une dalle de pierre mais qui avait suffisamment été brisée pour qu’un homme de bonne corpulence puisse passer. Un immense soleil, symbole de Sol’ra, était peint à la surface de la porte.
- Un avertissement divin, déclara le prince.
- Que certains ont bravé dans le but de ne plus subir la dictature du faux dieu.
- Faux dieu !! S'énerva Urakia, Sol’ra est le seul et unique dieu.
- Dans ce cas si tu es certaine de ce que tu avances, va, entre là et voit de tes propres yeux la vérité. Tu ne seras pas influencée par ce que tu abrites au fond de toi.
Le garde royal fit la moue, se demandant ce qu’elle entendait par ce qu’elle abritait au fond d’elle.
- Et si nous ne voulons pas entrer ? Demanda le prince sur un ton de défi.
L’incarnation de Ptol’a sourit alors.
- Dans ce cas soit vous resterez ici à Istaryam jusqu’à la fin de votre vie, soit vous tentez de partir et dans ce cas je prendrais le risque de réveiller vos Solarians. Et là vous ne vous contrôlerez plus et vous mourrez pour la cause d’un dieu qui se moque bien de vous.
- Nous n’avons donc pas le choix, allons-y Urakia, ordonna Metchaf avec une petite idée derrière la tête.
L’intérieur éclairé par des lampes à huile donnait sur un escalier descendant et interminable. Il s’enfonçait profondément sous le désert si bien que la chaleur s’estompa pour laisser place à une fraîcheur salvatrice.
- Que va-t-on faire prince ?
- Nous allons voir de quoi il s’agit, mais ça à l’air d’être une réplique des grands tombeaux où sont mes ancêtres. S’il est bâti suivant le même modèle alors nous pourrons sortir par une autre issue et partir vite fait de là.
- Pourvu que vous ayez raison.
- Gardons la foi !
Au bout d’une demi-heure ils arrivèrent enfin à la fin des escaliers, donnant sur une salle de taille moyenne. Les quatre murs de la pièce étaient entièrement recouverts de hiéroglyphes et de dessins gravés. Il y avait aussi comme une vague odeur de mort. Chacun examina un côté et se mit à lire les inscriptions. Au fur et à mesure qu’il parcourait les écrits la figure du prince se décomposa.
- Je n’arrive pas à croire ce que je lis, Urakia.
- Justement nous en devrions pas y croire car tout cela est faux !
Les inscriptions étaient l’œuvre de prêtres et de fidèles. Ils avaient été enfermés ici vivants avec les dépouilles des incarnations de leurs dieux à la fin de la guerre contre Sol’ra. Ils expliquent comment les Solarians avaient rasé des villages entiers d’habitants du désert. Tant d’actes incroyablement violents et impardonnables qui avaient contribué à faire disparaître une civilisation, celle du désert du sud tout cela mit le doute au prince. Car malgré son air détaché du peuple et de son air hautain, Metchaf aimait son peuple.
De son côté Urakia ne prit pas en compte les mensonges des infidèles. Elle n’acceptait pas qu’on traîne dans la boue ses principes et ses croyances. Pourtant il y avait des détails troublants. Elle crut reconnaître parmi les écritures une personne dont l’histoire correspondrait à celle d’un de ses ancêtres. Dans sa famille c’était une figure à la fois crainte et emblématique qui participa à la création de Mineptra. La coïncidence était troublante, limite dérangeante pour une famille très croyante comme la sienne. Ils sortirent de cette pièce véritablement troublés par ces découvertes. La suite leur réservait d’autres surprise toutes aussi incroyables.
Ils passèrent une nouvelle porte de pierre qui avait été elle aussi fracassée. Et là le spectacle qui s’offrit à eux était tout simplement grandiose. C’était une véritable cité souterraine qui avait été construite là. De multiples petites demeures faites de sable avait été creusées dans les parois gigantesques de cette salle. Au milieu de cette cité, une cinquantaine de personnes vivaient là et semblaient attendre quelque chose. Metchaf et Urakia s'avancèrent vers eux arme à la main.
L’un d’eux, visiblement celui qui détenait l’autorité alla à leur rencontre.
- Soyez les bienvenus dans la tombe des dieux, ceux qui sont morts pour défendre le désert et ses merveilles. Ici vous allez découvrir la vérité sur Sol’ra et sur ce que veut cette divinité. Posez vos armes, vous ne craignez rien ici nous ne vous voulons aucun mal.
A suivre...
A la rescousse
Chapitre 1 - Foudre-bec
Dhan était assis devant les plans de l’Arc-Kadia. Ça faisait bien longtemps qu’il ne s’était pas retrouvé à bord du navire qu’il avait conçu avec le Géant triste. Les pirates d’Al la triste avaient parcouru une multitude d’îles volantes avant de retrouver et de convaincre l’ancien prêcheur de venir à bord. Al la triste poussa les curieux pour se faire un chemin jusqu’à son invité. Celui-ci lui sourit.
- Tu as bien grandi Alexandra. Mais tu as un problème avec l’Arc-Kadia on dirait.
- Oui et j’ai b’soin de toi pour l’remettre en état.
- Explique-moi ce qui ne va pas ?
- J’ai activé la console.
Dhan ferma les yeux comme s’il avait compris instantanément l’implication d’une telle action.
- Je vois, je vois. Mais tu sais je ne suis pas le seul à avoir construit ce navire.
- Je sais, mais il y a Crochet...
- Ton père ne l’appréciait pas vraiment, méfie-toi de lui, dit Dhan en regardant le concerné.
- Non je peux voir déjà ce qui ne va pas, mais il va être de difficile d’achever les réparations si je n’ai pas le piaf à mes côtés.
- Le piaf ? Qui c’est ?
- Le piaf !!! Foudre-bec ? Ce vieux perroquet déplumé ? grogna Bragan. Il est encore plus alcoolique que tous les membres de l’équipage réunis.
- Peut être, vieux loup des airs, mais c’est quand même avec lui qu’on a construit ce bateau, et toi t’étais qu’un matelot à l’époque.
- Bon, on va t’trouver ce piaf, où est-il ? Coupa Al la triste.
- Il est sur l’île des ravagés, dans l’une des nombreuses taverne, répondit le prêcheur.
- S’tombe bien, on est pas loin. Bragan cap sur l’île des ravagés ! Cria-t-elle. Quand à toi, la salle des machines est tienne, Klémence va t’assister en attendant.
Quelques jours plus tard les pirates arrivaient à l’île des ravagés. C’était l’une des îles franches, c’est à dire là où les seigneurs des îles n’avaient pas le droit de mettre pied et encore moins de tenter de faire leur loi. C’était un repère de brigands en tout genre, mais aussi le berceau de la piraterie des îles blanches. A plusieurs reprises l’île avait subi des attaques de seigneurs du ciel et c’est de là que son nom lui est venu, mais jamais elle ne fut prise.
L’Arc-Kadia se posa à l’un des nombreux embarcadères de l’île. Après avoir pris les dispositions nécessaires à la protection du navire, Al la triste, Mylad et Ti mousse entreprirent de rechercher ce fameux Foudre-bec. Les rues de ce que l’on pourrait nommer cité étaient vraiment sales, malodorantes et évidement mal fréquentées. A plusieurs reprises la petite troupe dut montrer qu’ils n’étaient pas de simples touristes en visite. Le village des ravagés était composé d’une myriades de maisons faites de bric et de broc qui tenaient debout par miracle. Seules quelques maisons au centre avaient été construites dans l’architecture classique des îles blanches, c’est à dire des maisons de torchis recouvert de chaux. Mais Al la triste préféra ignorer ce lieu qui lui rappelait bien des mauvais souvenirs et préféra donc visiter les quelques tavernes étant sûre et certaine d’y croiser le piaf à un moment ou à un autre. Après avoir écumé plusieurs “établissements” ils firent une pause à celle qui semblait la moins pouilleuse de toutes.
- C’est un vrai labyrinthe cette île, on va passer une éternité à trouver l’autre emplumé, dit Mylad avec démotivation. La dernière fois que je l’ai vu nous n’étions plus en très bon terme tous les deux.
- Mais tu l’connais ? questionna Ti mousse.
- Oui, c’est lui qui m’a appris à me servir de la magie, dit-elle en buvant plusieurs gorgées d’un liquide assez épais servi plus tôt par le tenancier.
Autour d’eux alors que la nuit enveloppait les terres de Guem, plusieurs pirates entrèrent dans la taverne sans que nos aventuriers n’y prennent garde. L’atmosphère s’échauffa vite et la présence de deux belles femmes attirèrent les mâles aussi sûrement que des abeilles sur du sucre. Un des derniers arrivants, un verre de rhum à la main se faufila entre ses camarades à la vue des avantages de Mylad et du capitaine.
- Mes'moiselles... permettez moi de vous offrir... une pinte !
Son haleine, qu’il soufflait sur Mylad acheva de les convaincre des problèmes imminents que cet homme s’attiraient là.
- Lâche-nous ! Dit-elle de façon bien audible.
- Oh oh... on va avoir des ennuis, tiqua le courageux Ti mousse.
- Allez mignonne... fais pas ta mijaurée je suis aussi beau que tous les autres.
Autour d’eux d’autres pirates étaient venus soutenir leur camarade dans cet incroyable tour de séduction.
- Je t’ai dis de mettre les voiles, le rhum te bouche les oreilles rascasse de fond de cale.
Les autres s'esclaffèrent, ce qui ne fut pas au goût de l’infortuné rejeté. Il tenta par un geste maladroit de poser ses salles mains en des endroits que les convenances interdisaient. Il n’en fallut pas plus pour qu’Al la triste se lève pour mettre un coup de poing dont le goujat se souviendrait toute sa misérable existence. Les autres voyant ça lâchèrent leurs verres pour tirer les sabres. Mais Mylad fut plus rapide, des chaînes faites d'éclairs sortirent de ses mains pour frapper ceux devant eux, surprenant la troupe qui recula vers le comptoir.
- Tu as bien progressé Mylad.
Une personne se fraya un passage entre les opposant d’Al la triste. Son aspect était vraiment incroyable. C’était bien un homme car il se tenait debout, mais il était recouvert de plumes et avait un gros bec courbé. En réalité il ressemblait à un gros perroquet. Cela ne laissa aucun doute sur son identité.
- Rangez ça tas de pécores, vous allez vous faire griller le peu de cervelle que vous avez, j'm’en occupe, dit-il en s'avançant vers Mylad.
Al la triste darda la foule d’un regard noir avant de se rassoir. Foudre-bec s’installa sans demander l’autorisation. Mylad resta debout encore en colère.
- Allez gamine assieds-toi ça sera pas plus cher.
La jeune mage fronça les yeux et soupira très fort avant de reposer son délicat fessier sur le tabouret à moitié vermoulu.
- Ne serait-ce pas Al la triste ? Fille du géant, hein ? La dernière fois que je t’ai vu...
- J’étais très p’tite, j’sais on arrête pas de me le répéter. Bon j’suis pas quelqu’un de patient alors écoute le Piaf, j’ai un boulot à t’proposer, coupa Al la triste avec une pointe d’irrespect .
- Foudre-bec est cher, répliqua-t-il en se frottant les mains.
- On a les moyens de nos prétentions, affirma Ti mousse en posant une bourse pleine de pièces de cristal.
- Oh, je vois ça, je vois ça. Et que faut-il faire ?
- Réparer mon navire.
- Ton... Tu veux dire l’Arc-Kadia ?
- Exactement.
- Tu sais je suis pas mécano moi.
- Je sais, mais le prêcheur à besoin de ton aide alors...
- Le prêcheur ? L’est pas mort lui ? S'il a besoin de moi c’est que tu t’es servi de quelque chose qu’il fallait pas.
- Alors, t’acceptes ou pas ?
Foudre-bec sembla réfléchir, regarda Mylad qui affichait une mine déconfite puis soupesa la bourse dont les pièces teintèrent entre elles. Il pesa le pour et le contre. D’un côté Mylad et le Prêcheur, de l’autre une somme coquette, le retour à bord de l’Arc-Kadia et surtout une aventure loin de la misère de l’île des ravagés.
- Ça m’va, je suis partant.
Chapitre 2 - Repli stratégique
Voilà plusieurs heures que le groupe perdu dans les Confins fuyait une bande d’Eltarite expatriés vraiment en colère. Les Elfines et lesHom’chaï bien plus en forme et ayant une parfaite connaissance du terrain étaient sur le point de rattraper les fuyards. Le Grêlé avait donné tout ce qu’il pouvait pour créer des entraves afin de ralentir leurs poursuivants, mais il était difficile de retenir les gens de la forêt. Ergue, Malyss et Ciramor se soutenaient les uns les autres pour avancer au mieux pendant que Silikat leur ouvrait la voie. Mais cette tribu était redoutable en terme de chasse et malgré l’expérience de leur nouvelle camarade le groupe finit par se retrouver au bord de l’île avec pour seule option le vide...
- On est fait comme des rats ! Râla Ergue. Le chasseur chassé j’aurais tout vu.
- On va pas se laisser tuer sans se battre, dit Malyss en commençant à prévoir une stratégie d’attaque.
Œil de gemme quand à elle s’activait dans son coin. Elle utilisa plusieurs parties de son équipement pour monter un étrange objet.
- Qu’est ce tu fabriques ? Demanda Ergue.
- Je nous sors de là, nous autres pirates essayons d’avoir toujours une porte de sortie.
- Et ton bidule va nous faire voler ?
- Non, mais ouvre bien tes yeux, tu reverras pas ça dans ta vie, Zil.
Œil de gemme avait fini de monter l’objet qui ressemblait à un gros pistolet. Malyss sentit de suite que celui-ci avait des particularités magiques et regarda d’un œil de quoi il s’agissait. Œil de gemme pointa le canon vers le ciel et tira. Un petite boule blanche émettant une vive lumière fut propulsée très haut dans le ciel, éclairant les alentours.
Leurs assaillants n’étaient plus très loin, ils ne cherchaient pas à être discrets et les lourds pas des Hom’chaï brisant des banches sur le sol s’entendaient aussi clairement que le “Pcchhhi” de la fusée de détresse d’Œil de gemme.
Voilà deux jours que Foudre-bec était à bord de l’Arc-Kadia, il avait retrouvé le navire, Dhan, Bragan et Briscar, non sans un certain pincement au cœur. Il s’était alors mis au travail pour que le navire soit de nouveau opérationnel au meilleur de ses capacités. Le cœur du bateau était une machinerie très perfectionnée. Klémence resta émerveillée de voir le prêcheur et le piaf démonter puis remonter cette étrange bidule sans parler de l’énergie implémentée ensuite par Foudre-bec et Mylad. Tous deux déchargèrent toutes leur puissance magique sous forme de sortilèges de foudre. Un petit appareil de mesure s’affola et l’aiguille qui était dans le rouge repassa au vert. Enfin Dhan remit en ordre la console et enleva le médaillon du père d’Al la triste. Le capitaine avait assisté d’un œil curieux à tout ce qui avait été fait sur son navire. Dhan s’approcha d’elle en lui tendant le collier.
- Tenez, et utilisez le avec sagesse. J’ai montré à votre petite bricoleuse comment faire la prochaine fois que cela arrive. Ce n’est pas très compliqué, mais cette machinerie est comment dire... en avance sur son temps.
- Merci pour l’aide.
- Je l’ai fait en souvenir de votre père. Maintenant que c’est fait,permettez-moi de quitter le navire.
Al la triste attacha le collier autour de son cou.
- Accordé.
Dhan ne prit pas la peine de saluer les autres, il récupéra ses affaires et s’en alla.
Foudre-bec se baladait sur le pont, il déboucha une bouteille en se souvenant des aventures vécues à bord de ce navire. Pris d’une certaine nostalgie il se mit à engloutir une bonne moitié du contenu de la bouteille. C’est alors qu’il vit quelque chose dans le ciel, une boule incandescente blanche. L’air se troubla et un vortex se forma alors devant le navire et ce dernier fut aspiré, emportant avec lui une partie des vieux pontons auxquels il était amarré. Tout l’équipage fut secoué et le navire trembla mais n’eut aucune avarie.
Alors que la boule lumineuse s’éteignait un vortex se forma au dessus de l’île où les voyageurs des Confins s'apprêtaient à mener une bataille à l’issue plus qu’incertaine. L’Arc-Kadia apparut par magie jetant ainsi son équipage dans un affrontement surprise avec des inconnus à l’autre bout du monde. Ergue, Malyss, Ciramor, Silikat et Le Grêlé furent très surpris de cette soudaine arrivée. Cela ne perturba pas plus les membres de l’ancienne tribu de Silikat qui étaient visibles à quelques mètres du groupe. Al la triste qui avait couru jusqu’à la barre fit basculer le navire alors qu’un membre de l’équipage examinait la situation sur cette île. Les autres pirates sortirent d’un peu partout pour tenter de comprendre ce qu’il se passait. Al la triste hurla ses ordres et fit comprendre qu’Œil de gemme était en danger.
Contre toute attente ce fut Foudre-bec qui agit en premier. Il lâcha sa bouteille et sauta de l’Arc-Kadia d’une hauteur où personne n’aurait osé sauter. Grâce à ses ailes il put ralentir la chute. Il fut suivi dans son élan par Mylad qui enveloppée d’une tornade imita son ancien maître. Les Elfines arrivèrent en premier. Leurs Hom’chaï arrivèrent, grands, forts, puissants et surtout enragés !
- Ils ont pris de la Ragianne ! Hurla Silikat. Ils iront jusqu’au bout ! Ajouta-t-elle en esquivant un premier coup.
Il y avait cinq de ces guerriers enragés, recouverts de tatouages ils étaient bien plus impressionnants que ceux des terres de Guem. Le Grêlé en emprisonna un grâce à des racines. Malyss créa plusieurs murs de glace. Ciramor qui tenait l’œuf du Mangepierre ne voulut pas risquer de le perdre, il se mit à voler jusqu’au navire. Il échappa de justesse à plusieurs coups d’épée.
- Non je suis avec Œil de gemme !!
Briscar attrapa le mage et le cala dans un coin.
- Bouge pas d’ici !
Après les Hom’Chaï se fut au tour des Elfines de se mettre en ordre d’attaque. Des flèches filèrent à toute allure pour se planter dans la coque de l’Arc-Kadia, manquant de peu les pirates qui assistaient à la scène. Foudre-bec qui avait vécu plusieurs batailles ne se voyait pas combattre ces énergumènes plus longtemps.
- Mylad ! Barrière !!
Agissant d’instinct, chacun fit apparaître une immense écran d’éclairs de manière à ce que tout le groupe soit du bon côté, ce qui ne manqua pas d’électrocuter Ergue et la plupart des Hom’Chaï.
Les pirates à bord du navire jetèrent des cordes afin de faire monter tout le monde à bord. Bragan cria à ceux se trouvant sur l’île de monter à bord, ce qu’ils firent sans trop discuter. Enfin Mylad et Foudre-bec repartirent en s’envolant dans les airs et revinrent au bateau. Ce dernier s’éloigna tandis que les Elfines le criblaient de flèches.
A bout de force, les compagnons des confins s'allongèrent sur le plancher, reprenant leur respiration. Al la triste barra de façon à ramener son navire dans le vortex qui était encore ouvert, retournant ainsi d’où il était venu. De retour non loin de l’île des ravagés, Al la triste fit stopper les machines pour comprendre ce qu’il venait de se passer. Œil de gemme expliqua tout ce qui était advenu dans les Confins, du moins en version résumée. Elle présenta donc Ciramor et Silikat qui les avaient rejoints et expliqua ce qu’ils avaient trouvé : le Mangepierre des Confins, ou tout du moins son œuf.
D’ailleurs, Ciramor qui tenait l’œuf comme s’il s’agissait de sa vie sentit que quelque chose bougeait à l’intérieur.
- Regardez !! Cria-t-il. Il va éclore !!
Très vite une foule se forma autour de lui, Malyss, Ergue, le Grêlé furent très intrigués, il était temps pour eux de voir la récompense de leurs efforts. L’œuf vacilla puis se craquela lentement. Un liquide épais et jaunâtre s’échappa des fissures puis des trous. Cela se termina par l’apparition d’une créature à la peau grisâtre. Elle était vaguement humanoïde de la taille d’un petit enfant, il n’avait cependant ni nez, ni cheveux. Ses yeux mis clos regardaient à droite et à gauche. L’assistance fut stupéfaite et aussi déroutée, voire déçue de ce Mangepierre. Silikat, elle était en position de révérence elle tendait un morceau de quartz dans sa main. La créature rampa jusqu’à elle pour se saisir de la pierre et croqua dedans à pleines dents.
- C’est ça le Mangepierre ? Demanda Malyss. Nous avons fait tout ça pour ça ??
Ciramor, fortement ému aida la créature à se débarrasser des restes de coquilles.
- C’est que le début, il va falloir bien s’occuper de lui, ajouta l’apprenti d’Eredan.
Le Grêlé alla voir Al la triste.
- Merci de nous avoir aidé, nous étions en mauvaise posture.
- D’rien, on est pirate, mais on a un cœur tout d’même.
- Vous serait-il possible de nous amener à la forêt Eltarite, nous devons désormais agir, tout cela a pris beaucoup trop de temps.
- J’suis de bon’humeur, j’vous y amène.
Extinction
Chapitre 1 - Passé décomposé
Autre temps...
Autre lieu...
Autre combat...
Eredan et les héros de la guerre venaient de mettre fin à la folie de Néhant. Les Néhantistes venaient de perdre leur suprématie, laissant exsangues les terres de Guem après plusieurs années de conflits. Le dernier lieutenant de Néhant, le puissant Amidaraxar avait senti la disparition de son maître. Il était désormais poursuivi par les habitants du glacier d’Améthyste, désireux de mettre fin à son existence. Nibelle une jeune Elfe de glace ainsi que quelques autres faisaient face à cet être sordide qui avait causé la mort de tant de personnes. Malgré la disparition de son maître il restait tout de même véritablement dangereux. Certains des compagnons de Nibelle l’avaient appris à leurs dépends.
Cela faisait déjà plusieurs mois que la jeune prêtresse préparait son coup, Eredan l’avait aidé à construire sous les glaces la prison dans laquelle elle projetait d’enfermer Amidaraxar. La traque organisée avait porté ses fruits et la proie était là où Nibelle le voulait, une fissure dans le glacier était visible à présent il fallait se confronter à lui.
Le Néhantiste était un homme fin arborant un masque terne et des vêtements déchirés, il ressemblait plus à un spectre qu’à un véritable humain. Autour de lui volait une multitude de pierres noire brillantes.
- Nibelle c’est ça... Je me délecterai de ton âme et de ton corps, dit-il en préparant ses sortilèges.
L’elfe ne répondit pas à ses provocations, elle se concentra sur ses suppliques en serrant fort un étrange bâton. Celui-ci était une simple branche sculptée et parcourue de larges anneaux d’or finement ciselés. Elle le tenait à deux mains en priant ses dieux de lui accorder la force de résister à l’assaut de la magie de Néhant. Amidaraxar profita de ce moment pour montrer toute sa puissance, des éclairs de ténèbres partirent des pierres pour frapper Nibelle. Elle hurla de douleur mais résista malgré tout à ce qui aurait tué n’importe qui. Les dieux répondaient à son appel, une aura blanche entoura alors le bâton, signe pour elle qu’il était temps d’agir. Et alors que les maléfices du Néhantiste lui brûlaient la chair et découpaient son âme,l’Elfe de glace frappa le sol avec le bâton.
Amidaraxar fut incapable de bouger. Toutes les pierres tombèrent autour de lui, il se sentait coupé de toute magie, tous les liens qu’il avait avec de nombreuses personnes se brisèrent d’un coup.
- Non ! Noon ! NOOOOOON ! Qu’as tu fait ??
Des rubans de glace sortirent du sol pour s’enrouler autour du Néhantiste. Une fois fait ils se transformèrent en du papier recouvert de symboles.
- Tu... tu ne peux pas me tuer ! Cria-t-il avec rage.
- Je sais cela, mais tu ne vas pas mourir, tu va être enfermé sous la glace pour l’éternité.
Comme si la glace était vivante elle “avala” lentement le Néhantiste qui ne put rien faire pour se sortir de ce mauvais pas. Il fut englouti au plus profond des glaces. Le bâton de Nibelle cessa de briller et les sorts du Néhantiste disparurent laissant l’elfe au bord de l'éreintement. Ceux qui avaient assisté à la scène aidèrent Nibelle à se remettre de cet affrontement.
- Menez-moi à la porte, je dois à présent jouer le rôle de ma vie.
Nibelle ouvrit les yeux...
Elle s’était endormi quelques heures à cause de la fatigue. Le temps avait passé avec ravage et elle était aujourd’hui vieille et fatiguée. Yilith était partie depuis bien longtemps, elle n’était pas revenue, augurant un problème. Les années passant, Amidaraxar s’était renforcé et avait peu à peu repris le dessus. Sa prison ne le retiendrait plus très longtemps. Depuis quelques jours elle l’entendait, lui l’un des plus puissants Néhantistes ayant existé. Il lui promettait de ne pas se venger si elle le laissait sortir, que de toute façon sans Néhant il ne pourrait plus rien faire. Son cœur se serrait dans sa poitrine, étreinte par la peur d’un avenir funeste pour les siens.
Chapitre 2 - Manœuvres
Yilith avait parcouru les terres de Guem en quête de personnes pour aider son peuple. Elle avait foulé les terres de Tantad, un empire étrange aux coutumes étranges. Les gens l’avaient rejetée et elle continua sa course effrénée contre le temps. Elle redescendit dans des contrées encore plus lointaines et toujours rien, pas la moindre personne capable de comprendre son problème. Enfin alors quelle venait de passer la frontière de la Draconie, un groupe de personnes, soldats pour la plupart, alla à sa rencontre. L’Elfe de glace peu encline à poser de quelconques problèmes attendit sagement que le groupe arrive à sa hauteur. L’un des hommes visiblement le chef prit la parole.
- Dame Yilith, nous avons ordre de vous accompagner jusqu’à Kastel Levarak.
- Vous connaissez mon nom ?
- La Pythie souhaite vous voir, elle vous fait savoir qu’elle vous aidera dans votre quête.
Enfin quelqu’un semblait s’intéresser à son cas, elle ne se fit pas prier plus et accompagna sa garde rapprochée jusqu’à une petite cité typique de cette partie du monde. Un château aux tours effilées,bordées de jardins, le tout entouré de maisons collées les unes aux autres dans une forme de spirale. C’était un endroit paisible et Yilith s'émerveilla de la propreté des lieux ainsi que de l’accueil qu’on lui réserva. Elle fut menée dans la cour du château où l’attendait une dizaine de personnes dont une avec une présence particulière, la Pythie. Les autres, toutes des femmes vêtues de la même façon firent un cercle autour d’Yilith et de la Pythie, impressionnant l’Elfe de glace qui ne connaissait pas les coutumes de ces gens.
- Soyez la bienvenue Yilith. Notre demeure vous est ouverte, vous y trouverez le repos. Je suis la Pythie, oracle de Dragon. Je vous ai vu marcher le long des routes, je vous ai vu vous cogner contre l'indifférence des peuples du nord. La Pythie vous aidera.
- Je vous remercie, Pythie, de nous venir en aide à mon peuple et à moi. Je perçois votre sagesse et votre désarroi dit-elle visiblement affectée par la présence de la Pythie.
L’Oracle et la Prophétesse discutèrent une bonne partie de la journée et de la nuit sur ce qu’il se passait dans ce monde. Enfin elle envoya Yilith à Noz’Dingard en compagnie d’hommes et de femmes de la garde de Kastel Levarak. A la capitale de la Draconie, Moîra passait en revue la dizaine d’hommes, tous militaires et les deux Sorcelamesque Prophète et Naya lui avaient confiés. Tout était conforme auxrèglements. Personne ne disait rien mais les soldats avaient chauds avec leurs grosses fourrures. Ils ne comprenaient pas pourquoi on leur avait demandé d’habiller chaudement alors que c’était le printemps. Enfin, ne restait plus qu’à attendre leur mystérieuse invitée qui arriva une heure plus tard, comme prévu par la Pythie. Marlok et Marzhin créèrent un portail magique avec certains membres du Compendium afin que Moîra, Yilith et compagnie ne perdent plus de temps. Ils s’engouffrèrent par le portail et se retrouvèrent à l’autre bout du monde là où le froid ne partait jamais, le glacier d'Améthyste.
- Il est temps Dimizar, Temps que je sorte de cette prison, temps de reprendre ce qui m’appartient, temps de prendre cette revanche...
- Maître, les choses se passent presque comme prévue...
- Presque !? Hurla l’image de Dimizar qui se reflétait dans le miroir.
- Disons que nous sommes désormais surveillés.
- N’as tu pas ce maudit Conseil sous ta domination ?
- Si...
- Alors tout ira bien.
- Dragon...
- Ne me parle pas de ce crétin caché dans sa pierre, il ne sait rien !
- Ne le sous estimons pas, ils sont spécialistes et savent qui nous sommes.
- Raison de plus pour agir dans ce cas, brise ceux qui se dressent sur ta route et lie ceux que tu peux. Toute armée a des points faibles.
- Je sais. Nous partons libérer Amidaraxar.
- Excellent, il est le seul à pouvoir me sortir de là.
- Je sais, maître.
- Hâte-toi.
L’image déformée redevint celle de Dimizar. Le Néhantiste réfléchissait à son plan et se mit à rire aux éclats. Ce plan, comme tous les autres, allait réussir c’était une évidence. Il se rendit dans la salle à manger où certains membres profitaient d’un repas préparé par les petites mains du manoir. Masque de fer jouait avec son verre de cristal, perdu dans les méandres de ses sombres réflexions. Anagramme martyrisait un esclave. Ardrakar parlait avec son épée et Le Déchu mangeait calmement dans son coin.
- Masque de fer, Déchu, Anagramme vous partez de suite. Vous partez pour les terres du nord, au glacier d'Améthyste.
Masque de fer regarda Dimizar et il comprit ce qui allait se passer. Il vivait pour ce moment depuis bien longtemps. Il posa son verre et se leva avec détermination. Ils se réunirent tous les quatre en vue d’expliquer ce qui allait se passer.
- Vous connaissez tous l’histoire d’Amidaraxar ?
Le Déchu secoua la tête négativement suivi par Anagramme.
- Pour faire vite, Amidaraxar est le lieutenant de Néhant et il est le seul à pouvoir délivrer notre maître de sa prison de cristal. Or, il a été enfermé sous les glaces à la fin de la guerre. D’après mes espions, les Elfes de glace seraient en train de déplacer leurs villages à cause de la fonte du glacier. La plupart de nos adversaires n’ont pas connaissance de l’existence de cette prison, pour tous Amidaraxar est mort. Or il ne l’est pas et sa prison est désormais accessible. Allez sur place et ramenez-moi notre homme.
- Nous y allons de ce pas, répondit Masque de fer, étrangement ravi.
Chapitre 3 - Confrontations, évasion, convictions
Le jour éclairait faiblement cette partie du monde donnant au glacier d'améthyste une ambiance unique. Les rayons du soleil léchaient les cristaux violets dont les éclats se répercutaient sur la glace blanche. Moîra et ses hommes étaient dans une vieille masure de pierre d’où il ne restait que les murs, probable relique d’un temps passé. Elle fit le point avec Yilith, les autres Sorcelames et le plus haut gradé des hommes de la garde Noz’Dingard. Ils se retrouvaient tous devant un problème de taille. La glace avait fondue et désormais le glacier ne pouvait plus être atteint à pied.
- Il va nous falloir trouver de quoi nous transporter sur place, dit Moîra sur un ton embêté.
- Certaines de nos tribus sont venues s’installer le long de la côte de peur que les glaces cèdent.
Dame Yilith eut alors un drôle de sentiment. A présent plus proche des siens le contact avec les esprits protecteurs du glacier redevint clair.
- Il y a des gens dehors !! Ils sont venus pour nous détruire !! Cria-t-elle d’un coup.
La surprise passée le petit groupe sortit de la bâtisse au moment où dehors les premiers combats eurent lieu.
- Des démons !! Hurla Moîra. Formez la ligne ! Dit-elle en sortant sa lame sorcière de son fourreau.
Face à eux il y avait le puissant Mâche l’âme qui tenait déjà d’une main la tête de l’un des draconiens, mais aussi deux autres démons très différents. L’un était énorme, un véritable tas de muscles, aux gestes très lents mais dévastateurs, le dernier était à l’inverse très rapide donnant des coups en des endroits précis. Le gros démon se trouvait au centre et tel un raz de marée il s’enfonça dans la mêlée. Les deux Sorcelames utilisèrent leur savoir faire et se concentrèrent à contrer ce démon trop lent pour elle. Moîra fit face à Mâche l’âme qui était vraiment content de trouver un adversaire un peu plus coriace que les autres. La Sorcelame tournoya telle une furie évitant les coups de justesse. Dame Yilith se positionna derrière la troupe et implora la mère des glaces de lui accorder le don de guérison. Cela aida grandement la garde de Noz’Dingard mis à mal par l’insaisissable petit démon.
Dimizar n’était pas très loin et assistait à la scène avec délectation. Sa cible se battait contre Mâche l’âme et pour une fois ce crétin de démon avait retenu le plan que le Néhantiste avait soigneusement construit. La Sorcelame se retrouva vite à l’écart du combat, c’était une tactique qui avait fait ses preuves lors de l’assassinat de Prophète et cela se renouvela efficacement ici.
Dimizar voyait bien le lien entre la jeune femme et Dragon. Il s’en saisit alors comme s’il n’était qu’un vulgaire fil et le coupa net. Le lien s’étiola et disparu. Moïra hurla de douleur laissant l’opportunité à Mâche l’âme de pousser Moîra jusqu’à Dimizar. Affaiblie et étourdie par le coup elle ne vit pas le Néhantiste se saisir d’elle.
- Ah ma chère, vous ferez un beau réceptacle !! Je t’invoque démon des méandres, entend mon appel et par ce corps soit l'instrument de ma haine !! dit-il en faisant appel à ses pouvoirs.
Il relâcha son étreinte. Moîra recula de quelques pas, elle se sentait tellement mal. Sa peau changea de couleur tout comme son apparence qui se modifia. Elle voulait hurler mais rien ne sortait de sa bouche, elle ne contrôlait plus rien. Au fond d’elle une autre personnalité apparut. Cette dernière s’empara de la Sorcelame, elle accapara ses souvenirs et ses connaissances, mais ce n’était plus Moîra mais quelqu’un d’autre. Ses traits devinrent ceux d’un démon avec de grandes cornes et des griffes. le symbole de Néhant apparu sur son ventre dénudé. La créature fit craquer plusieurs os de son cou et regarda Dimizar.
- Tu m’as invoqué Seigneur ? Je suis Morte-lame.
- Morte-lame à toi de jouer, montre à tes semblables la véritable puissance d’un démon.
La mêlée était désormais plus confuse, le gros démon avait été vaincu, les soldats étaient en train de l’achever. Quand au dernier il était aux prises avec les deux Sorcelames. Dimizar regarda Mâche l’âme et lui fit signe de partir.
- Laissons faire Morte-lame, partons.
Sans attendre Morte-lame se mit “au travail” et se jeta dans la mêlée. Avec agilité et grâce à la magie de la Sorcelame, le démon fut capable de bien des prouesses. Elle tua l’intégralité des gardes avant que ceux-ci n’aient eu le temps de réagir, inondant le sol du sang des draconiens. Une des Sorcelames tomba, la gorge tranchée par le petit démon, mais cette action lui coûta la vie car il fut aussitôt perforé par la lame sorcière de la dernière opposante. Yilith réalisa vite ce que venait de faire Moîra et elle se mit à nouveau à prier. Il ne restait plus sur le champ de bataille que Morte-lame, Yilith et la Sorcelame. La démone jeta son épée au sol car la magie de dragon avait désormais abandonné l’arme. Indécise son adversaire tenta de temporiser le temps de trouver une solution, c’était Moîra. Dragon, blessé par la perte du lien chuchota à la Sorcelame de ne pas retenir ses coups sans quoi elle était perdue. Morte-lame la griffa à plusieurs reprises mais elle esquiva tant bien que mal les coups qui auraient pu être fatals. D’un coup d’œil elle vit que l’Elfe de glace tentait quelque chose. Elle ne fut pas la seule à le remarquer et Morte-lame changea de cible, peu importe ce que faisait l’Elfe de glace il fallait l’arrêter. La Sorcelame profita du changement de cible pour ceinturer son ennemi avec toute la puissance de sa magie.
- Quoi que vous fassiez, c’est le moment !! Hurla-t-elle.
Yilith était hors du temps et de l’espace, son esprit voguait, accompagnant ses prières vers celui qu’elle vénérait.
- Oh Agmungdar, le destin de cette femme est de vaincre son ennemi, accorde à ta servante tes faveurs et tu seras honoré !
Agmundar était le dieu de la guerre chez les Elfes de glace, le père des batailles. Le dieu à l’écoute de la prophétesse fit couler en laSorcelame une once de son pouvoir. Morte-lame lui assenait de grands coups de poings sans faire la moindre attention au corps de Moîra qui se dégradait vite, consumant son corps et son âme, le démon redoubla de rage. La Sorcelame sentit une présence, était-ce Dragon ? “Frappe maintenant !” lui dit une voix inconnue. Elle ne prit pas plus la peine de réfléchir et frappa une fois, puis deux. Le démon fut repoussé, puis un violent coup de pied l’encastra littéralement dans l’un des murs de la masure, l'assommant sur le coup. Moîra redevint alors Moîra, du moins physiquement, mais elle était en piteux état et dans le coma. Le calme revint...
Mais à quel prix ?
La faille en forme de croissant de lune avait encore grandi. Le village était à présent désert, les Elfes de glace avaient fui les tremblements et la fin de leur habitat naturel. Nibelle continuait de prier les dieux pour qu’ils interviennent et sauvent les siens, mais rien ne se passait et cela empirait de jour en jour. Était-ce tout simplement la fin telle que l’avait annoncé leur ancêtre, la première Prophétesse des Elfesde glace ? Des gens approchaient, des gens pleins de rage et de véhémence. Ils venaient pour lui. Mais si c’était la fin, alors Nibelle ne se rendrait pas ainsi, elle mourrait en combattant. Effectivement Masque de fer, Le Déchu et Anagramme arrivèrent dans la salle où Nibelle vivait depuis si longtemps. La vieille elfe se tenait debout au centre et regarda arriver ses ennemis. Elle serrait le bâton qu’elle utilisa autrefois contre Amidaraxar.
- Vous n’irez pas plus loin enfants du malheur, dit-elle avec douceur.
- Et qui va nous en empêcher ? Toi peut-être ?? Répliqua Anagramme avec sarcasme.
Ces adversaires avaient l’air forts, ils ne ressemblaient pas à ceux rencontrés jadis. Nibelle sut qu’elle ne pourrait pas tous les neutraliser, elle n’était plus aussi rapide qu’avant et au contact elle perdrait la partie. Anagramme commença à avancer à pas de velours. Nibelle frappa le sol de son bâton et une couche de glace se format sur la peau de la guémélite, tant et si bien qu’en très peu de temps elle se retrouva telle une statue de glace. Masque de fer applaudit alors provoquant de l’écho.
- Bravo, très beau spectacle. Mais à présent, tu vas mourir, dit-il en enlevant son masque cornu. Je suis Azaram, fils d’Amidaraxar. J’ai repoussé le temps pour enfin saisir le moment où tu serais la plus faible.
Masque de fer avait l’apparence d’un jeune homme, blond avec les cheveux mi-longs, d'apparence soigné. Ses yeux n’étaient plus ceux d’un homme car ils étaient jaunes. Nibelle fut frappé par cette apparence, il ressemblait énormément à Amidaraxar, aucun doute sur ses paroles, cet homme était réellement le fils de son prisonnier. Masque de fer ouvrit un livre et commença à parler dans la langue des démons.
- Que... comment as-tu eu ça ! Hurla Nibelle en reconnaissant le grimoire interdit.
Elle frappa à nouveau son bâton au sol pour congeler Azaram, mais l’effet escompté ne fonctionna pas cette fois bien que le jeune homme sembla souffrir atrocement. Azaram referma le livre en le clappant, libérant une magie terriblement puissante. Le Déchu sembla gonfler en changeant physiquement. Il se mit à grandir pour toucher le plafond de sa tête. Il n’était plus Le Déchu mais une créature se rapprochant plus de Mâche l’âme, mais sans comparaison de taille. Et d’un coup une chaleur étouffante se répandit dans la pièce.
- Je suis Fournaise !!!! Qui ose appeler le seigneur démon de la flamme ???
Sa voix fit trembler les lieux.
- C’est moi Azaram, fils d’Amidaraxar, je t’ai appelé pour payer ta dette envers mon père ! Tue cette elfe !!
Nibelle s’apprêta à livrer combat. Elle pria ses dieux pour qu’une dernière fois et avant de les rejoindre ils lui accordent l’honneur de les servir une dernière fois. Ceux-ci ne répondirent pas...
La vieille elfe ne put résister bien longtemps face à ses deux adversaires. Fournaise l’attrapa assez vite et lui brisa les os avant de la jeter par terre.
- Dette payée, dit le démon avant de disparaître pour laisser place au Déchu, qui tomba inconscient.
Azaram se plaça devant la porte qui retenait encore son père. Les pierres à sa surface agissaient comme des drains magiques, seule une dernière brillait encore. Le jeune homme déploya sa magie, brisant la dernière pierre.
La porte vola en éclats, laissant apparaître un homme masqué et visiblement très fin de carrure. Il avança jusqu’à Masque de fer qui s’inclina avec respect.
- Père.
- Lève-toi, fils et allons maintenant réveiller le Maître.
A Noz’Dingard, Kounok le prophète, le seigneur Galmara et Marlok discutaient dans les jardins. La mine de Kounok était grave.
- Merci d’être venus, j’ai des nouvelles très préoccupantes à vous communiquer, dit Kounok.
- Que se passe-t-il ? Demanda Marlok en fronçant les sourcils.
- L’équipe envoyée avec l’elfe de glace nommée Yilith s’est faite attaquer, tous nos hommes à l’exception de Moîra sont tombés. Yilith est sur place et veille sur la Sorcelame qui a subi un grand traumatisme.
- On sait qui a fait ça ? Interrogea Galamara.
- Les Néhantistes. Je sors d’une longue discussion avec Dragon, nous sommes au pied du mur, il nous faut désormais agir. Marlok où en est le plan avec les Zils ?
- Il se met en place, le statut de guilde du groupe Nehantiste ne sera plus qu’un souvenir, assura le mage.
- Bien et vous seigneur Galmara, que m’apportez-vous comme nouvelles ?
- J’ai intercédé en faveur du plan que vous nous avez donné, le clan du Corbeau par l’intermédiaire de la Kotoba va lancer son offensive contre les Nomades d’ici peu. Il a été facile de les convaincre, répondit le courtisan.
- Bien, quand à moi je vais préparer la Draconie à un nouveau conflit, sauf que nous ne ferons pas les mêmes erreurs que par le passé, cette fois nous auront un coup d’avance. Nous sommes désormais en guerre.
Que le spectacle commence
Chapitre 1 - Complot et folie
La caravane de roulottes et de chariots progressait lentement sur la route qui menait au château de Kaes, bastion du Conseil des guildes. Cette très longue route longeait la frontière de la Draconie et finissait sa course dans le plus reculé des sept royaumes, l’Avalonie. Voilà déjà plusieurs jours que les combattants de Zil voyageaient en direction d’un objectif particulier. Ils rencontrèrent sur la route une personne qui visiblement les attendait. Marlok, habillé de manière plus commune pour se faire discret se leva en voyant la roulotte de tête conduite par Abyssien. Le convoi s’arrêta à sa hauteur et les deux hommes se serrèrent la main chaleureusement.
- Ravi de vous revoir Abyssien, j’ai des nouvelles à vous donner. Je serai bref il ne faut pas que l’on me voit discuter avec vous.
- Je me doute, je suis à votre écoute.
- Le Conseil a bien reçu les invitations et les conseillers sont ravis d’assister à une représentation unique donnée en l’honneur du retour en grâce des Combattants de Zil. J’ai bien eu confirmation : ils seront tous là. Verace fera en sorte que la garde du château soit minimale ce soir là. Je vous laisse organiser le reste. Mais plus important, nous avons les cibles, dit-il en tendant un morceau de parchemin au chef des Zil.
Abyssien récupéra le parchemin, examina les noms, puis l’avala d’une traite.
- Qui prendra la place de ces gens par la suite ? Se demanda le Zil.
- Des gens de confiance. J’avais pensé à vous à vrai dire, répondit le Noz en affichant un petit sourire narquois.
- Ou vous, répliqua Abyssien.
- Cessons là les spéculations. Voici les cristaux de simulation, ils ne feront illusion que peu de temps, mais ça permettra d’excellentes diversions. Sur ce, je dois retourner faire mon rapport auprès de Prophète. Prévenez-nous de la réussite de la chose, car il ne peut pas y avoir de défaite, sans quoi Combattants de Zil mais aussi Envoyés de Noz’dingard seraient purement et simplement dissoutes.
- Je sais, ça ne ratera pas, dit-il en ordonnant aux bœufs de reprendre la route.
- Bonne chance, Combattants de Zil, salua Marlok.
Quelques jours après cette rencontre, la guilde itinérante était enfin arrivée à bon port. Le fine équipe s'affairait désormais à monter le chapiteau et les dépendances rapidement pour ne pas prendre de retard sur le plan prévu. Hélas un évènement imprévu vint mettre un peu d’animation et de surprise.
La rumeur d’un nouveau spectacle se répandit vite parmi la population des environs du château de Kaes. Une représentation de ce niveau intéressait toujours, mais pas forcement les bonnes personnes...
La tête de Saphyra vacillait de gauche à droite et d’avant en arrière. Elle marcha en raclant les pieds jusqu’à un panneau où une affiche annonçant le spectacle des Zil était accrochée. La main de la jeune fille se leva, saisit l’affiche et l’arracha avant de continuer son chemin. Un peu à l'écart de toute habitation, à l'abri des regards, Saphyra, les yeux clos sembla examiner l’affiche.
- Tsss, ils s’y croient ssseux là ! Cria la marionnette. Hein mon joujou ??
Aryhpas qui avait un pied sur chaque épaule de la jeune femme tenait fermement de nombreux fils transformant Saphyra en sa chose.
- Vous allez voir comment qu’on peut faire l’attraction nous zaussi ! Z’est pas très loin zen plus ! On y va !!
Elle ordonna alors à Saphyra de reprendre la route, la jeune fille s'exécuta, sa volonté étant totalement annihilée par Aryhpas. Sans aucune pause Saphyra marcha sans pouvoir échapper au contrôle de sa tortionnaire qui après avoir pris vie s’était rebellée contre sa créatrice.
Le chapiteau était presque monté, mais il restait encore beaucoup de travail avant que tout soit prêt. Aryhpas observait les gens qui bougeaient tels des fourmis. Le malicieux pantin et sa vivante marionnette entrèrent discrètement dans le chapiteau, se faufilant pour atteindre la piste. Il y avait là Sangrépée et Sanvisage, ainsi qu’un drôle de bonhomme à l’allure stricte. Un moment excellent pour entrer en scène. Aryhpas fit alors danser Saphyra comme elle l’aurait fait avec sa marionnette, des pas saccadés, des gestes lents et chaotiques. Les Zil présents furent très étonnés d’assister à cet énigmatique ballet. Abyssien comme attiré se joignit alors à l’assemblée. Sangrépée se posa par terre pour profiter de l’animation. Elle se mit à applaudir la performance, absolument persuadée que c’était la fille qui faisait croire qu’un pantin la manipulait.
- C’est chouette ! Lança-t-elle, on devrait peut être l’engager, c’est du pur Zil !!
Abyssien restait perplexe jusqu’à ce que le bonhomme à l’allure stricte pose sa main sur son épaule, il vacillait.
- Je... Je...
- Psy ! Qu’est ce que t’as ? Chuchota Abyssien.
- C’est... De la souffrance, beaucoup de souffrance, cette fille... Ce n’est pas un tour qu’elle est en train de nous faire, je perçois son âme qui hurle !!! Au secours venez-moi en aide !!
Sansvisage qui était de l’autre côté du Psy le regarda, puis regarda la jeune femme et son pantin. Il y avait quelque chose de macabre dans tout cela, elle avait les yeux clos, la bouche cousue par du gros fil noir et la peau sur les os. Le Psy, submergé par le désarrois de Saphyra s’écroula dans les bras d’Abyssien. Ce dernier fit signe à l’Hom’chaï d’intervenir. Sansvisage ne se fit pas prier. Il récupéra rapidement son arme posée non loin de là et entreprit d’arrêter... ce cirque !
Aryhpas dans sa folie dansait sur une musique qu’elle s’inventait au fur et à mesure. Elle ne se souvenait d’ailleurs plus vraiment pourquoi elle venait là, espérait-elle qu’on la reconnaisse comme étant une créature vivante indépendante ou voulait-elle tout simplement créer le spectacle ? Puis le gros lourdaud voulu faire une danse des lames avec eux, c’est ce qu’elle pensa en premier lieu. Mais très vite ce danseur disgracieux s’avérait lui chercher des noises.
- Dansssse gros tas ! S’exclama la marionnette.
A présent la chose était certaine, la jeune fille ne pouvait user de ventriloquie en ayant la bouche cousue. Se rendant compte que son auditoire déchantait, Aryhpas changea totalement de comportement. Elle ordonna à sa “doll” de combattre, ce qu’elle fit en sortant deux grandes dagues. De son côté le Psy se releva de son tourment et reprit sa respiration. Il ne pouvait laisser une telle abomination se produire. Il se concentra sur le mental de la jeune fille et farfouilla jusqu’à trouver le point d’ancrage de cette chose qui la retenait. Il y avait là une volonté chaotique et surnaturelle, quelque chose de fort et d’écrasant, mais pas suffisamment fort pour lui. Il balaya d’un coup ce parasite psychique libérant ainsi Saphyra. Cette dernière reprenant connaissance fit la seule chose qu’elle avait à faire, couper les fils qui la retenait attachée à sa poupée. Aryhpas dégringola par terre et n’eut guère le temps de se relever, Sanvisage abattit le tranchant de son épée à deux mains sur le pantin de bois qui fut aussitôt couper en deux.
Le lien entre Saphyra et Aryhpas disparut instantanément. Sangrépée se mit à applaudir de plus belle.
- Ouais bravo ! Super spectacle, t’es trop fort Sansvisage !
Saphyra chancelante, incapable d’ouvrir les yeux ou la bouche, terriblement choquée sombra dans l’inconscience.
- Amène là à Kriss qu’il la surveille pour pas mettre à mal le plan, débarrassez-vous de cette poupée de malheur, ordonna le chef des Zil.
L’entracte est fini...
Chapitre 2 - En avant la musique
Malgré le petit imprévu, les Combattants de Zil avaient réussi à terminer le camp en un temps record. La nuit tombait et tout était prêt. Le chapiteau des grandes occasions était monté, abritant estrades, piste et coulisses. Dehors le sol fut recouvert d’un tissu violet du plus bel effet. A côté de cela, les Zil avaient créé une ménagerie regroupant là les plus beaux spécimens de créatures, la plupart ayant été capturée par Ergue. Et partout de grands flambeaux projetaient des ombres dansantes. Même l’imposant château de Kaes, juste à côté, s’était paré pour l’occasion de lumières violettes projetées par des feux magiquement créés pour l’occasion.
Une foule s’était massée devant l’entrée où Soriek, Sansvisage et Sombre assuraient le service d’ordre et la billetterie. Pour faire patienter les gens, venus de loin pour certains, Kriss jouait de son orgue portatif, émerveillant petits et grands.
Durant ce temps, à une autre entrée, prévue pour les personnes importantes, Abyssien s’affairait à accueillir les invités de marque. Et à évènement exceptionnel, invités exceptionnels ! La plupart des Conseillers accompagnés d’un époux, d’une épouse, voire d’une maîtresse ou simplement un ami, arrivaient les uns après les autres. Quelques nobles du royaume voisin de Baranthe et bien sur des notables de Valdoria, l’un des sept royaumes où se trouve le château de Kaes avaient fait le déplacement. Mais de ces derniers, Abyssien ne se souciait pas et même si en apparence l’accueil fut chaleureux, le chef des Zil restait focalisé sur les objectifs de la soirée. Pour beaucoup, ce qu’ils allaient faire ce soir s’apparentait à une sorte de coup d’état voir un attentat à l’encontre du Conseil. Tous les Combattants de Zil avaient cette certitude ; il y avait ce soir des gens manipulés par Néhant et au pire des Néhantistes. Pas d’erreur possible, il fallait faire preuve de sérieux mais ne rien laisser paraître aux yeux du public.
Soriek annonça avec une sorte de clairon le début du spectacle. Le chapiteau était plein à craquer, il n’y avait plus la moindre place de libre. En coulisse Abyssien donnait les dernières consignes à son équipe. Pour l’occasion tous les Combattants de Zil disponibles étaient autour de lui.
- Chacun sait ce qu’il y a à faire. Nous allons proposer le plus grand et le plus magnifique spectacle que nous ayons jamais fait. L’histoire gardera cette date comme étant celle où les Combattants de Zil se sont montrés dignes de l’héritage d’Artrezil, dit-il en regardant Salem plus particulièrement. Je compte sur vous pour donner le meilleur de vous.
Sur ces belles paroles, le Psychurgiste qui restait depuis le début du rassemblement à regarder le public par un trou fait dans le décor se retourna vers Abyssien.
- Je confirme, le démon est bien dans l’assistance, précisément c’est la jeune femme qui accompagne la Conseillère Edrianne.
- Parfait. Nous restons donc sur le déroulement établi par le plan. Chers amis, en piste !!!
Tout le petit monde se dispersa, le premier à passer fut évidement Abyssien, qui en temps que meneur de la troupe se devait de commencer le spectacle. Toutes les lumières s’éteignirent alors, plongeant tout le monde dans un noir absolu. Kriss se mit à jouer un air à la fois lugubre et entraînant. Il n’y avait pas un chuchotement, pas un applaudissement, juste cette mélopée. Puis d’un coup la musique cessa et Abyssien au milieu de la piste lança un sortilège, créant de petites marionnettes violettes et lumineuses à son effigie. Celles-ci tenaient des cristaux de la même couleur qu’eux, elles se mirent alors à courir vers des poteaux dont le haut était à deux mètres. Une fois placées les cristaux lancèrent un rayon de lumière violette très claire vers Abyssien, le rendant visible aux yeux de tous.
- Chers amis ! Petits et grands, puissants et gens du peuple ! Soyez les bienvenus au cirque de Zil !
Tout le monde se mit à applaudir chaudement.
- Vous qui avez osé braver la peur pour venir ici sachez que vous repartirez rassasiés des émotions que vous êtes venus chercher.
Abyssien faisait apparaitre au fur et à mesure de ses paroles des créatures de fumée toutes aussi incroyables et affreuses les unes que les autres. La foule, peu habituée à la magie fut impressionnée, agréablement et émotionnellement.
- A présent que vous êtes là, tremblez devant les vertigineuses cascades aériennes de notre duo de choc !!!
La lumière s'éteignit pour revenir peu de temps après. Les petites doublures d’Abyssien éclairèrent le haut du chapiteau d’une vive lumière blanche. Perchée en hauteur, Sangrépée se jeta dans le vide devant des clameurs de frayeur des spectateurs. Elle fut rattrapée in extremis par Soriek qui se balançait sur un trapèze. S’ensuivit alors de nombreuses cascades toutes plus périlleuses les unes que les autres. A la fin un tonnerre de bravos et clappements de mains finirent le numéro.
Nouveau changement d’ambiance, cette fois-ci les cristaux des mini-Abyssiens devinrent pourpres, plongeant la salle dans une atmosphère oppressante. Prenant un air mystérieux, toujours accompagné d’effets magiques, Abyssien reprit la parole.
- La personne qui est là pourrait vous faire croire que vous êtes un animal et deviner bien des choses ! Si cet homme entend des voix il n’en est pas pour autant fou, il vous dira même que la folie n’est qu’une illusion des esprits sains !! Veillez accueillir le Psy !!
Abyssien disparut dans des volutes de fumée rouge laissant à sa place un homme fin au regard étrange et à la tenue très simple. Intimidés les spectateurs ne firent que chuchoter.
- Bonsoir à tous et toutes ! Je vais faire vivre ce soir des expériences incroyables à plusieurs d’entre vous. Pour cela j’aimerais que l’un d’entre vous vienne sur la piste ! Allons n’ayez pas peur, vous ne risquez rien !
Après quelques hésitations un jeune garçon leva le doigt.
- A voilà un jeune homme courageux, viens donc me rejoindre ! Encouragez-le vous autres !
Sous les applaudissements, le garçon s’approcha de la piste. Au moment où il était sur l’une des caisses qui entouraient la piste il se figea en plein mouvement, le Psy avait plongé son regard dans le sien et l’avait contraint à s’arrêter.
- Danse ! Cria-t-il.
Le garçon se mit à faire une gigue sur la caisse faisant rire tout le monde. Le Psy relâcha sa volonté et le garçon fut libre de ses mouvements, il était époustouflé par ce qu’il venait de vivre.
- Gamin, tu t’appelles Gontrant, tu viens de Valdoria... Tu as huit ans et tu rêves de devenir aventurier pour voir le monde !
Le garçon, passionné par les révélations du “magicien”.
- Oui oui c’est ça ! Bravo messire ! Cria Gontrant.
- Oui, il ne pouvait en être autrement. Mais c’est simple avec un enfant. Alors prenons quelqu’un d’autre, un adulte.
Le Psy fit le tour de la piste et stoppa devant une loge des personnalités importantes.
- Mais ne serait-ce pas le conseiller Argalinard de Valdoria ! Cria le Psy en regardant une personne précise. Venez, joignez-vous à moi.
Le conseiller refusa de suite.
- Allez, encouragez-le il est timide.
Le Psy se mit à taper des mains dans un rythme particulier. Abyssien en coulisse observait la scène avec beaucoup d'intérêt, à côté de lui Kriss semblait s’échauffer.
- Il l’a trouvé, indiqua le mage.
- Très bien je l’attends, répondit Kriss.
Devant l’insistance et pour ne pas perdre la face, le conseiller accepta de rejoindre le Psy pour le numéro. Haine qui regardait le spectacle non loin de la conseillère Edrianne fut alors dérangée par un des serviteurs du Conseil.
- Excusez-moi de vous déranger, la présence de la conseillère Edrianne est impérativement requise en salle du conseil par le conseiller-doyen.
- Là maintenant ? Interrogea Edrianne.
- Hélas oui, cela ne souffre d’aucun délai, répondit le servant.
Après avoir soupiré tant et plus, la conseillère et Haine sous les traits de la suivante de la dame quittèrent leurs sièges.
Le Psy impressionna tout le monde avec des tours d’hypnotisme particulièrement dangereux et saisissant. La tactique du Psy était de faire durer le numéro aussi longtemps que possible le temps pour lui de finir ce qu’on lui avait demandé de faire. Alors que ses paroles se concentraient sur le numéro, il agissait par télépathie et imprimait lentement sa volonté. Il ressentait le lien étroit entre Néhant et le conseiller. Malgré cela il réussit à le commander. “Une fois le numéro terminé et alors que le clown sera sur la piste, vous vous éclipserez prétextant un besoin naturel. Vous sortirez en passant par les coulisses”. Puis le spectacle arriva à son terme salué une fois de plus des applaudissements chaleureux. Le conseiller Argalinard retourna à sa place.
Haine revint à la fin du numéro, visiblement irritée car au final le conseiller-doyen avait changé d’avis la dérangeant pour rien.
Et de nouveau la lumière s’éteignit, mais cette fois un rire sarcastique se fit entendre. Assourdissant, effrayant et moqueur. Et là un nouveau personnage se présenta devant la foule, un clown triste. Les premières personnes autour de la piste se mirent alors à rire de lui de façon irrésistible...
Chapitre 3 - Le spectacle continue
Le conseiller Argalinard exécuta l’ordre mental implanté par le Psy et lorsque Terrifik le clown entra en scène il s’esquiva de sa place et se rendit dans les coulisses. Soriek qui gardait le passage le laissa passer et surveilla que personne d’autre ne suivait le mouvement. Mais les serviteurs du conseiller étaient restés sur leurs sièges pour profiter du spectacle. Une fois arrivé dans les coulisses le conseiller fut de nouveau libre de penser par lui-même. Il s’étonna de se retrouver à cet endroit, mais il n’eut pas le temps de réagir plus. Kriss arriva de façon discrète dans son dos et le ceintura. Le Psy qui était là aussi posa sa main sur le front d’Argalinard.
- Vous êtes désormais en mon pouvoir, je refoule en vous toute volonté agressive, vous ne pouvez plus bouger.
Effectivement, la victime fut incapable de parler ou de faire le moindre mouvement. Abyssien arriva à son tour.
- Vous l’avez, bien voyons voir ce qu’on va voir, dit-il en commençant à fouiller le conseiller.
Il trouva une bourse de cristaux mais, plus intéressant une pierre-cœur de couleur rouge, enfin presque rouge car la plupart de sa surface était devenue noire. Le mage ouvrit grand la bouche, une main d’ombre en sortit pour se saisir de la pierre. Abyssien ravala ensuite la main et la pierre.
- Psy, à toi de jouer, dit-il.
- Bien, vous avez toujours eu une aversion pour la magie Néhantiste, vous ne comprenez pas qu’elle puisse être pratiquée et être de nouveau autorisée. Tous les sorts Néhantistes que vous connaissez sont désormais oubliés, enfouis au plus profond de votre inconscient. Vous ne vous rappelez plus les avoir appris. A présent vous allez retourner à votre place, vous revenez des latrines et vous avez oublié tout ce qu’il s’est passé depuis votre arrivée dans les coulisses.
Kriss relâcha son étreinte et le conseiller s’en alla comme il était venu.
- Ça va marcher ? demanda Kriss.
- Oui pour un moment, ça nous laisse le temps d’agir et de faire le ménage, répondit le Psy en se recoiffant.
- A présent il faut croiser les doigts pour que Sombre et les autres réussissent leur mission.
Au château de Kaes, les ombres n’étaient pas uniquement le résultat d’un jeu de lumière. Elles bougeaient et vivaient par les mouvements de personnes furtives. Sombre, Sangrépée et Salem étaient partis au tout début du tour du Psychurgiste en direction du château dans la ferme intention de faire un coup mémorable. La garde en cette soirée de festivités n’était pas très présente et les couloirs n’étaient parcourus que par quelques rares serviteurs. Ils suivirent les plans qui leur avaient été fournis par le conseiller Vérace, supposé et d’après ses dires le seul conseiller qui ne soit pas sous la coupe des Néhantistes. Après avoir fait le tour du propriétaire, le petit groupe arriva aux quartiers des Conseillers et de leur suite. En effet la particularité de cette organisation était que tous ses membres vivaient au même endroit. Mais là, la garde restait vigilante, ce qui leur posa un problème très temporaire. Salem profita alors des cristaux offerts par Marlok. L'épouvantail prit alors l’apparence d’un conseiller et ses acolytes devinrent de séduisantes servantes. Les gardes ne dirent rien lorsqu’ils passèrent pour aller dans les quartiers.
- Bien, trouver le quartier d’Edrianne et de sa suivante, indiqua Sombre en suivant le plan. C’est au fond du couloir à droite.
- Tu penses vraiment qu’on va trouver quelque chose ? Demanda Sangrépée.
- BieN sUR ! QuEL meiLLEur EndrOIt qu’IcI poUr cAcHER quelQUe chOsE ? Répondit Salem toujours sous une autre apparence.
Ils trouvèrent alors la porte d’entrée des appartements de la conseillère, évidemment close. C’était une énorme porte à double battants dotée d’une serrure assez impressionnante. Sombre l’examina quelques temps puis sortit des outils de crochetage. La serrure ne résista pas à l’agilité de l’ancienne apprentie traquemage.
L’intérieur était luxueux mais restait sobre, de beaux meubles, des rideaux parfaitement assortis au reste et des chandeliers magiques qui s’illuminèrent tout seuls au passage des trois Zil.
- Et bien, on s’ennuie pas au Conseil, dit Sangrépée admirative des lieux. Enfin je n’y vivrais pas, c’est trop riche ici, et pas assez violet.
- PAr LA ! Dit Salem en montrant une porte au fond de la pièce principale.
Cela donnait sur un long couloir et une succession d’autres portes qui elles-mêmes donnaient sur les logements des servants. Ils étaient tous vides, à l’exception d‘un. Edrianne ne gardait qu’une et une seule personne pour son service. Celle-ci s’avérait être un démon véritablement dangereux qui était dans son élément au sein du Conseil des guildes où la politique était reine. La porte n’était pas fermée, démontrant un excès de confiance en la sécurité des lieux. C’était une simple chambre avec des vêtements sur des portants et quelques livres négligemment posés ci et là. Il y avait sur le mur opposé à un lit de taille modeste un joli miroir gothique. Salem écarta immédiatement ses deux amies de devant celui-ci.
- FoUIlloNs, mAIs attENtION au MiRoIr !
Grâce à leur expertise, les filles trouvèrent une partie de ce que le groupe cherchait : des contrats. Il y en avait quelques-uns, mais pas ceux voulus. De son côté, Haine sentit immédiatement que quelqu’un touchait à ses biens et un système de défense se mit automatiquement en route. Elle disparut de sa place pour réapparaître dans l’encadrement de la porte de sa chambre.
- Sales petites fouines !!! cria-t-elle.
Mais elle n’eut pas vraiment le temps de dire plus que Sombre se jetait déjà sur elle, suivie de près par Sangrépée qui dégaina son étrange lame. Haine encaissa la charge de Sombre et se retrouva dans le couloir. Il fallait faire vite et la mettre hors d’état de nuire et surtout l'empêcher de hurler. Mais la démone n’était pas seulement une bonne entremetteuse, c’était aussi une adversaire coriace au corps à corps. Grâce à ses pouvoirs elle fut aspirée par le sol pour réapparaitre derrière la fille en costume étrange et lui asséna un coup violent. Sombre fut éjectée à l’autre bout du couloir mais se reçut impeccablement. Sangrépée en profita pour frapper sans retenue dans le dos de la démone, la perforant de part en part.
- Ne lA TUe pAs ! Cria Salem !
Mais la démone était encore bien vivace. Elle voulut se traîner dans la chambre pour prévenir Dimizar ou un autre néhantiste. Sans succès, Salem emprisonna sa proie dans une sorte de toile d’ombre, l’immobilisant ainsi. Sombre qui était à nouveau au corps à corps finit le travail en assommant Haine.
- Coriace la bête !
Salem tira Haine dans la chambre et referma la porte en vérifiant que personne ne venait voir le raffut.
- BieN ! Je REcoNNAis ce TYpe de MIrOiR... FaISonS-la ParlER !
Sombre, experte dans ce domaine là réveilla Haine.
- Où sont les autres contrats ?? Dit-elle en mettant une lame sous sa gorge.
Mais elle resta silencieuse.
- Les menaces de ce style ne fonctionnent pas avec toi hein ? Dans ce cas passons un contrat tous les deux, tu nous dis où sont les contrats et je ne te livre pas à Dragon ou aux Noz.
Haine se savait en mauvaise posture, être confiée aux draconiens pouvait être la pire chose qui pouvait lui arriver, eux seraient capables de lui soutirer toutes les informations.
- Et les Noz ne sont pas très loin d’ici, ça serait fait rapidement ! Ajouta Sombre.
- Bien, je n’ai vraiment pas le choix... marché conclu. J’ai confié les contrats à mon Maître, il ne vous les donnera jamais. De toute façon si je meurs, les gens qui me sont liés mourront aussi.
- HahA, MerCI pOuR ceS iNForMatiONS !
Sombre rigola aussi.
- Comme promis JE ne te livrerais pas aux Noz, par contre je te confie à ma collègue, qui elle n’a rien promis, ajout-t-elle en assommant à nouveau la démone.
Salem s’accroupit alors devant Haine et attrapa un morceau de son ombre qu’il tira jusqu’à ce qu’elle soit détachée d’elle. Puis d’un geste rapide Salem se faufila dans l’ombre et prit peu à peu l’apparence de la démone, avec un aspect un peu plus sombre, mais vraiment réaliste. Sombre et Sangrépée furent toutes deux impressionnées.
- Faut que j'apprenne à faire ça, admira Sangrépée.
- Pas possible très chère, ceci est un secret de Zil, dit Salem avec voix de Haine. A présent on va s’amuser. Cachez la démone et mettez-vous en embuscade. Si quelqu’un apparaît ici, buttez-le !! A présent silence.
Les jeunes femmes se cachèrent de manière à ce qu’on ne les voit plus puis Salem se plaça devant le miroir et en effleura la surface. De l’autre côté apparut le visage d’un homme aux cheveux et à la barbe noire.
- Qu’est ce que tu veux ? Nous n’étions pas sensés avoir de contact aujourd’hui, dit Dimizar l’air suspicieux.
- Oui je sais, excusez-moi de vous déranger, mais j’ai une excellente nouvelle.
- Quoi ?
- J’ai réussi à obtenir plus de pouvoir sur le Conseil.
- Ah oui ?
- Oui, figurez-vous que le Conseil serait prêt à dissoudre les Envoyés de Noz’Dingard, mais pour cela il me faudrait les contrats qui me lient aux conseillers, c’est qu’ils sont gourmands...
- Intéressant... Dit Dimizar en réfléchissant à une telle perspective.
“Allait-il mordre à l’hameçon” s’interrogea Salem.
- Bien, nous n’allons pas refuser ce petit extra qui va mettre un peu d’animation. Je t'envoie Mâche l’âme, dit-lui de revenir de suite, j’ai trop peur qu’il fasse n’importe quoi.
L’image s’effaça et Salem redevint lui même. Il ne fallut que quelques instants avant l’arrivée du fameux Mâche l’âme. Sur le sol, à côté du lit se forma un étrange symbole, la marque de Néhant qui disparut pour laisser place à un trou béant et rougeoyant. Mâche l’âme se reforma en même temps que le portail démoniaque se refermait. Il tenait dans sa main un sac en cuir dont des rouleaux de parchemin dépassaient de l’ouverture. Qu’elle ne fut pas sa surprise de ne pas trouver Haine en face de lui, mais un vieil épouvantail défraîchi. Sombre et Sangrépée ne lui laissèrent pas le temps de comprendre ni de pouvoir faire quelque chose. Le “pauvre” démon ne fit pas le poids face à cette attaque préparée. Étant aussi courageux qu’intelligent, il se plaça en défense le temps de créer un nouveau portail. Sombre pu couper les lanières du sac de cuir avant que le démon, blessé, ne puisse repartir...
Le tombeau des ancêtres - Chapitre 1
Le Seigneur Galmara avait fait un long voyage jusqu’à Méragi. Il aimait l’étonnante architecture xziarite ainsi que l’ordre et la sérénité qui y régnait. Il appréciait le style épuré et simple des habitations ainsi que le respect des gens qui vivaient là. C’était ce qui l’avait poussé à devenir un spécialiste des relations entre les nations. Il aimait voyager, voir des lieux, faire la connaissance de nouvelles personnes et bien sur il appréciait la politique et la diplomatie. C’était justement une mission diplomatique qui l’amenait dans l’Empire. En premier lieu et de manière toute à fait officielle il se devait en tant que représentant de la Draconie de présenter ses respects à l’autorité suprême, l’Empereur, et lui apporter un message. Il avait une bonne connaissance de l’administration et sans un bon relationnel il aurait du attendre plusieurs jours avant de rencontrer l’Empereur. Depuis le temps qu’il arpentait les couloirs en compagnie de certains conseillers, il avait désormais droit à quelques faveurs. Galmara fut reçu par l’Empereur lorsque le soleil se cacha derrière les collines entourant la grande cité. La rencontre eut lieu dans une pièce qui faisait office de bureau. C’était beaucoup moins cérémonieux qu’une rencontre à la cour. L'émissaire de Dragon s’appliqua à bien suivre le protocole de présentation. L’Empereur coupa court.
- Allons Envoyé de Dragon, je connais le respect que vous avez pour nos traditions, mais nous sommes là en toute simplicité. J’ai peu de temps à vous accorder, soyez bref.
Galmara tint à deux mains devant lui un rouleau de parchemin.
- Je viens vous transmettre les plus cordiales salutations de Dragon et de Prophète. Ils m’ont chargé de vous remettre ce message.
L’ambassadeur avança à genoux comme les règles de comportement le voulaient. L’Empereur, un peu hésitant, accepta finalement le message qu’il lut dans la foulée. Il finit la lettre sur un air grave.
- Vous remercierez Prophète pour nous avoir rapporté ces nouvelles. Nos éclaireurs en poste à Okïa nous ont informé il y a peu de faits semblables. Nous ne pensions pas à l’impact que cela aurait sur le Tombeau des ancêtres. L’Empire de Xzia fera donc ce qui doit être fait. Le nécessaire sera fait pour annuler le pacte visant à établir une zone neutre entre l’Empire et la Draconie. Il est véritablement honorable de la part de Dragon de nous redonner les terres qui étaient nôtres. J’invite aussi une délégation Draconienne à la table des discussions, conscient que si nous ne faisons pas front, nous risquons la disparition.
L’Empereur écrivait à l’aide d’un fin pinceau en même temps qu’il parlait.
- Comme le désire Prophète, je vous laisse le soin de convenir de la marche à suivre auprès du clan du Corbeau, dit-il en finissant sa lettre. J’ai conscience qu’il est temps de ne plus vivre dans la crainte de ce qui nous entoure, nous sommes à l’aube de relations nouvelles avec ce monde. Je vous offre la protection impériale.
Galmara s’inclina respectueusement.
- Vous allez être conduit auprès du Seigneur Impérial Gakyusha.
- Merci pour votre générosité Augure Céleste.
L’ambassadeur quitta la pièce, très satisfait de cet échange et heureux que l’Empereur soit si compréhensif de la situation. Mais maintenant il fallait convaincre le Corbeau. Mais avant cela, il fut ordonné à Asajiro de conduire leur invité de marque auprès de Gakyusha, celui-ci se remettant de sa récente blessure lors d’une bataille à la Pierre tombée du ciel. La maison du dirigeant de la Kotoba était encore animée à cette heure-ci. Gakyusha étant revenu il y avait beaucoup d’allées et venues des membres de la Kotoba. L’accueil fut chaleureux, Galmara avait déjà visité cette grande demeure. Le Seigneur Impérial, habillé d’un simple kimono était dans le jardin et parlait avec son fils, le champion de l’Empereur. Ceux-ci s’interrompirent lorsque Asajiro leur amena l’ambassadeur Noz. Ce dernier s’inclina devant ces illustres personnes.
- Bienvenue en ma demeure Galmara, je suis ravi de vous revoir, déclara Gakyusha en s’inclinant à son tour. Que nous vaut l’honneur de votre visite ?
- Je crains hélas que ce ne soit la guerre qui m’amène. Une offensive devrait être menée contre les Nomades.
Gakyusha plissa les lèvres.
- Et si vous êtes ici c’est que cette guerre c’est nous qui allons la faire ? Ajouta Iro.
- La situation est délicate, le conflit vous concerne, mais sachez que c’est une question d’honneur. Vos ancêtres vous appellent.
- Allons discuter de ça à l’intérieur. Partagez donc notre repas et acceptez l’hospitalité en ma demeure, dit Gakyusha en invitant tout le monde à entrer dans la maison.
Galmara expliqua de quoi il retournait et bien que Gakyusha ne puisse participer, il enverrait Iro et quelques uns des membres de la Kotoba. Le champion de l’Empereur accompagnerait l’ambassadeur auprès du Corbeau le lendemain.
Le Corbeau rencontra le champion et le courtisan dans la matinée, prévenu par le palais impérial de leur visite. L’esprit à l’aspect d’un vieil homme reçut ses invités dans un grand salon en présence d’autres membres du clan. Il y avait là Karasu et Oogoe de la famille Kage, mais aussi une étrange vieille dame assise à côté du Corbeau. Même Malyss, récemment revenu de son voyage était présent. Comme le voulait la tradition et de part son statut, Iro resta debout, signifiant ainsi l’autorité qu’il servait. Galmara usa à nouveau des coutumes pour saluer le Corbeau.
- Merci de nous accorder du temps seigneur Daijin, commença l’ambassadeur.
- Je suis au service de l’Empire et lorsque l’Empire a besoin de moi je réponds. Que peut le Corbeau pour toi, Diplomate.
- La guerre est à nos portes. Peu à peu la Pierre tombée du ciel ronge les terres et le Tombeau des ancêtres est aujourd’hui menacé. Il va disparaitre. Et vous savez ce que cela implique, n’est ce pas ?
La vieille femme glissa quelques mots à l’oreille du Corbeau qui répondit ensuite.
- Dans ce cas, nos ancêtres seront enfin délivrés de leur malédiction.
- Oui et non, ils disparaîtront purement et simplement. Ils n’auront pas le droit à la réincarnation, expliqua Galmara.
Le Corbeau ouvrit de grands yeux, comprenant ce qu’il allait se passer.
- En tant que conseiller mystique de l’Empereur et de nature... dirons nous... extraordinaire, il vous appartiendrait de défendre ce lieu sacré.
- Comment être sur de ce que vous dites ?? Critiqua Oogoe. Peut être est-ce une manœuvre pour affaiblir notre clan !
Sur ce Gan’so, jusque là invisible s’approcha et s’inclina en attendant qu’on lui accorde le droit de parole que le Corbeau lui donna immédiatement.
- Seigneur, je vous prie de bien vouloir nous laisser vérifier en allant sur place, dit-il de manière très lente.
- Il est de notre devoir de voir si tout cela peut se produire ou pas, Yu Ling partira avec quelques uns d’entre vous. En attendant nous allons préparer notre clan à la bataille si cela était nécessaire, dit le Corbeau assez irrité par la situation. Ne tardez pas.
Yu Ling, Gan’so, Malyss et Iro furent donc envoyés pour vérifier sur place la situation au Tombeau des ancêtres. Galmara ayant effectué son travail s’en retourna apporter la conclusion de ses échanges à Noz’Dingard. Le groupe avait quitté Okïa deux jours auparavant, informant les membres de la Kotoba en faction et prenant les dernières nouvelles de la région. Au loin, la Pierre tombée du ciel brillait comme un soleil, tant et si bien que la nuit n’était jamais noire. Et c’était encore plus vrai dans les ruines du village qui fut le centre de bien des convoitises et qui devint par la suite le Tombeau des ancêtres. Tout cela donnait une ambiance étrange, contrastant entre la désolation environnante et la clarté de la pierre. Après avoir posé leurs affaires dans un lieu en pas trop mauvais état, le groupe se mit au travail.
- Gan’so !! Il va falloir que tu retournes dans le royaume des esprits ! Vois ce que tu peux voir ! Ordonna la vieille dame. Malyss, aide-moi à ouvrir le passage.
Le mage sortit une longue plume noire d’une boite de bambou et l’utilisa pour tracer des symboles au sol, formant un cercle. Une fois fini, il l’activa à l’aide de sa magie.
- Vas-y Gan’so, je vais le maintenir ouvert, dit-il en regardant le fantôme.
Ce dernier avança prudemment et entra dans le cercle disparaissant aussitôt.
- Quant à vous, champion de l’Empereur, vous feriez mieux de sortir votre arme car il nous faut garder le passage pour que Gan’so puisse revenir, mais durant ce temps d’autres créatures peuvent sortir de là, dit Yu Ling.
Un peu circonspect, Iro dégaina son wakizashi.
- Pas cette arme là, elle ne ferait rien à ces esprits, dit-elle en montrant Kusanagi.
L’écoutant, il rangea sa lame pour se saisir de Kusanagi. Il s’échappait de la lame une étrange aura bleu-verte.
“Qu’est ce que ?” Ce demanda Iro alors qu’apparaissait une créature dans le cercle. C’était une sorte de grosse limace translucide et vaguement noire.
- Frappez Iro !! Cria Yu Ling alors qu’elle faisait des gestes dans le but de lancer un sort.
Sans hésitation et avec facilité le champion trancha cette grosse chose qui émit un cri aiguë, une sorte de sang verdâtre gicla sur le sol en aspergeant Malyss au passage. Le mage du corbeau dut vraiment rester zen pour ne pas briser sa concentration. Yu Ling avait fini son sortilège et posa ses deux mains au sol. La créature disparut comme l’avait fait Gan’so juste avant elle. Malyss toussait pour éviter d’étouffer, mais le sang vert s’évapora sans laisser la moindre trace.
- Peuh peuh ! Faites attention la prochaine fois ! J’ai cru sentir comme des centaines de petites limaces sur mon visage... beuuuh...
Dans le cercle, quelqu’un apparut. Cette fois, pas de monstre bizarroïde, mais une personne. C’était un homme de grande taille à la carrure impressionnante. Sa tenue ne laissait aucun doute quand à son origine. Il portait une armure de cristal abimée et tenait à la main une large épée ébréchée et brisée en son bout. Il présentait aussi une large cicatrice sur le côté gauche de son visage, ses cheveux très longs étaient en bataille.
- Je suis le Chevalier-Dragon Arkalon d’Arpienne !
Iro avait déjà entendu ce nom de la bouche de son grand père. Ce chevalier fut un véritable fléau pour les armées de Xzia durant la guerre contre la Draconie. Il fut tué alors qu’il luttait seul face à Xzia et les maîtres d’armes impériaux de l’époque. Il avait alors réussi à vaincre les maîtres d’arme et blesser l’Empereur en personne avant de mourir. Devant l’incroyable héroïsme de ce chevalier tombé au combat, il reçu les honneurs de l’Empire et entra dans la légende aux côté des autres héros de la guerre.
- Que voulez-vous Arkalon d’Arpienne ? Demanda Yu Ling sur la défensive.
- J’ai entendu Gan’so parler, je peux vous aider à combattre ces nomades.
- Et vous feriez ça sans contrepartie ? Ironisa l’exorciste.
- Non, j’aimerais à nouveau fouler les terres de Guem, le temps pour moi de faire ce que j’ai à faire. Mais si vous voulez un autre argument, je peux aussi convaincre un certain esprit d’enlever votre malédiction.
Effectivement, cette proposition était très alléchante pour Yu Ling qui bien qu’elle ait l’apparence d’une vieille dame avait en réalité un peu plus d’une vingtaine d’années.
- Champion de l’Empereur, si vous êtes d’accord, je souhaite accéder à la requête de cet esprit, dit-elle sur un ton adouci.
- Je ne m’y connais pas dans le domaine des esprits, je m’en remets à vous. Je suis partagé entre le fait de laisser cet ennemi du passé où il est et de le libérer, nous aurions beaucoup à apprendre de lui. Mais tiendra-t-il parole ?
- C’est à moi de faire en sorte que oui, dit-elle en s’avançant vers le Chevalier-Dragon.
Yu Ling tendit la main à cet ancêtre.
- Prenez ma main, vous serez alors de nouveau dans ce monde, mais nous serons liés, si vous ne respectez pas votre parole, vous retournerez d’où vous venez.
Sans hésiter Arkalon attrapa la main tendue et passa le cercle, reprenant partiellement corps dans ce monde. Peu de temps après Gan’so réapparut avec un homme en armure complète criblée de flèches.
- Voici le général impérial et ancien champion de l’empereur Zatochi Kage, annonça le fantôme.
Iro reconnu aussi ce nom là car il faisait parti du panthéon des héros. Zatochi avait créé un art de combat au sabre devenu depuis un standard de l’instruction martiale. Lui-même avait été formé par son père à ces techniques. Iro se prosterna devant cette illustre personne. Sans parler de ses titres qui situaient bien son niveau d’honorabilité.
- Nous vous remercions d’être venus, vivants, dit le général d’une voix caverneuse. Nous sommes ancrés à ce lieu et si ce lieu disparaît nous ne seront plus rien. La pierre ronge notre monde au même titre que le votre. Si nous devons disparaître, nous le feront en combattant !
- J’ai proposé aux ancêtres de nous aider à remettre les nomades à leur place et d’arrêter définitivement cette maladie qu’est la pierre. Mais cela implique que vous soyez capable de faire revenir une armée d’esprits dans ce monde, expliqua Gan’so.
Après réflexion, Yu Ling inclina la tête affirmativement.
- Votre aide sera la bienvenue général, nous pouvons faire revenir tout le monde d’ici un ou deux jours. Mais vous ne pourrez pas sortir de la région car vous serez liés à ce lieu.
- Nous le sommes déjà, répliqua le général.
- Dans ce cas mettons nous au travail.
Malyss stoppa sa concentration, le cercle cessa de briller et le général impérial retourna parmi les siens en attendant le moment de leur retour.
Iro envoya un message au palais impérial pour prévenir de ce qu'il se passait au tombeau des ancêtres. L’attaque contre les nomades étant prévue sous peu, l’Empire n’aurait pas le temps d’envoyer des renforts. Yu Ling et Malyss créèrent un rituel immense. Il fallait reproduire le même sort de passage mais sur une surface bien plus grande et à ceci près qu’il fallait laisser un passage pour tous les esprits, sans distinction, ce qui était dangereux. Yu Ling devrait donc confiner les indésirables pour ne garder que les esprits “bienveillants”. Quand à Malyss, il était bon pour une nouvelle séance de concentration. Quant à Iro, il allait pouvoir mettre en pratique ses dons de commandement, et de combattant évidement.
Le moment était arrivé. Malyss et Yu Ling avaient fini les préparatifs et le cercle de glyphes était fin prêt. Lentement, une a une les glyphes s’illuminèrent jusqu’à ce que toutes brillent de magie. Malyss resta le plus éloigné par rapport à la pierre Tombée du ciel, lui permettant d’observer la scène. Un a un des hommes et des femmes apparurent, tels des fantômes ressurgissant du passé. Il fut très surprenant de voir que les ancêtres de l’armée impériale ne furent pas les seuls à participer. Bien que moins nombreux il y avait aussi des soldats de la Draconie, prêts à défendre les deux mondes face à Solar. Le général fut le premier à sortir du cercle magique, suivi par les autres esprits. Les membres de la Kotoba furent impressionnés par la quantité de personnes présentes, il devait y avoir au bas mot plus de trois milles âmes prêtes à en découdre. Il y avait même les Chevaucheurs de Drakidés avant que ces derniers ne disparaissent mystérieusement, les maîtres d’arme aussi étaient apparus, portant un simple hakama et deux sabres à leur ceinture. Arkalon prit le commandement des troupes de la Draconie, le général Zatochi fit de même pour les Xziarites.
Au bout de quelques heures, l'armée du tombeau des ancêtres se mit en marche vers la pierre, menée par un Iro peu habitué aux mouvements de troupes. Mais il pouvait compter sur l'expérience des deux commandants. Au fur et à mesure de leur progression les terres autour d'eux étaient de plus en plus accidentées, des mottes de terre, puis des rochers flottaient dans les airs de manière chaotique. Certaines pierres s'entrechoquaient libérant de multiples particules flottantes qui retombaient ensuite par terre. Iro remarqua vite que les plantes mourraient et que le sol asséché par l'absence de la pluie se couvrait doucement d'une couche de sable qui devint de plus en plus importante au fur et à mesure qu'ils approchaient de la pierre tombée du ciel.
Kararine en éclaireuse suivait la progression de cette étrange armée, elle accéléra le pas pour prévenir au plus vite Ïolmarek. Le paysage autour de la pierre était devenu un désert. La chaleur était étouffante. Mais les nomades habitués à ces conditions ne s'en souciaient pas. Seule la pierre était le centre de leur attention. Ils étaient là depuis de nombreux mois maintenant. Mais jusqu'à présent et malgré la progression de la transformation des terres avoisinantes rien ne s'était passé. L'entité dans la pierre attendait l'arrivée de quelqu'un. Les nomades attendaient donc, profitant du spectacle offert par cette transformation incroyable par la volonté divine de Sol'ra.
Kararine essoufflée arriva au campement au pied de la pierre tombée du ciel. Le Sphinx qui, comme à son habitude, veillait à la sécurité arrêta la jeune nomade dans sa course.
- Qu'est ce qui se passe ? Qu'as-tu à détaler ainsi ?
- Une... armée arrive sur nous... dit-elle en récupérant son souffle.
Tous les nomades l'entendirent, éveillant des inquiétudes parmi les humains présents. Ïolmarek calma les angoisses et intervint pour organiser la défense.
- Il fallait s'y attendre. Après notre dernière confrontation avec les créatures de la forêt et de leurs alliés mages, il était à prévoir que nous aurions de nouveau de la visite.
- Ceux-ci sont étranges grand prêtre, on voit au travers d'eux ! Je n'ai vu que leur chef, un homme habillé de rouge comme ceux qui avaient leur campement non loin d'ici.
- Peu importe qui ils sont ! Sol'ra saura trouver leur faiblesse.
- Ils sont des milliers ! Ajouta Kararine.
Ïolmarek se mit alors en colère.
- Es-tu sur d'être un Solarian ? Je me demande parfois si l'esprit humain que tu habites ne prend pas le dessus. Peu importe leur nombre, nous avons Sol'ra à nos côtés ! Alors battons-nous avec toute notre conviction, sans faiblir et avec tout ce que Sol'ra nous accordera comme pouvoir.
Le Sachem
L'Arc-Kadia s'était posé non loin de la forêt Eltarite. Malyss et Ergue étaient en route pour retrouver leurs guildes respectives. Œil de gemme salua Ciramor et Le Grêlé qui se dirigeaient avec le Mangepierre en direction des territoires des habitants de la forêt. Certains de ses habitants observaient d’ailleurs l'étrange bateau volant, cachés dans les arbres. Alors qu'Al la Triste donnait le signe du départ, une ombre sauta par dessus bord. Le Sachem était monté à bord durant l'assaut des Hom'chaï sans que personne ne s'aperçoive de sa présence. Il avait observé ces intrus avec la plus grande minutie et, patiemment, il avait attendu le moment propice pour agir. Mais aucune occasion ne s’était présentée à lui, jusqu'à ce moment où le bateau stoppa enfin sa course.
Au moment où il passa la lisière de la forêt, il sentit une présence familière, comme si ceux de sa tribu étaient auprès de lui. La magie circulait entre les branches des arbres. Mais il ne se focalisa pas sur ces détails, seules la vengeance et la volonté de récupérer ce qu'on lui avait volé le motivait. Il suivit les traces laissées par Ciramor, car Le Grêlé, en tant que Daïs dans son élément, ne pouvait être pisté. Le petit groupe s’enfonçait profondément dans la forêt de plus en plus dense. Le Sachem croisa sur sa route plusieurs petites créatures qui n’eurent pas l’air très effrayées par la présence du vieil Elfine. Il se cacha grâce à sa magie pour ne plus être visible aux yeux des autres. Le Grêlé et Ciramor arrivèrent devant une gigantesque souche. Celle-ci avait été sculptée pour devenir un village. Le Sachem fut déstabilisé de voir que des Elfines et des Hom’chaï vivaient là avec ceux qui ressemblaient à ce voleur de Grêlé. Mais ce dernier ne s’arrêta pas au village et continua sa route pour s’enfoncer de nouveau dans la forêt. Au bout d’une heure de marche, il arriva à une habitation faite de bois et au style très particulier. Des branches étaient tressées pour former des piliers entre lesquels des végétaux formaient les murs de la cahute. Il y avait tout autour de la maison des petits objets chamaniques dans les arbres et des champignons gigantesques et phosphorescents poussaient un peu partout. Les deux voleurs furent accueillis par un autre Daïs à la couleur et à l’aspect différent du Grêlé. Il sembla alors y avoir comme une cérémonie. Ce nouveau protagoniste fut visiblement ravi de voir le Mangepierre.
- Le voici enfin celui qui doit nous sortir de la destruction.
La voix du Kei’zan raisonnait dans la tête du Sachem qui commençait à percevoir le mode de communication des Daïs.
- Soyez le bienvenu Ciramor. Vous avez beaucoup à me raconter. Quant à toi, mon frère, tu as montré que tu étais capable de retenir toute la fureur qui est en toi. Tu ne retourneras pas dans ta prison.
“Une prison ? J’étais sur que c’était un voleur”, se dit le Sachem, conforté dans son idée. “Attendons la nuit pour agir”.
Le Kei’zan examina ensuite ce fameux Mangepierre. La petite créature avait le comportement d’un enfant de deux ans et s’amusait avec les morceaux de bois et autres bibelots étalés autour de lui.
- Je sens un pouvoir incroyable dans ce petit corps, c’est un Guémélite. Ciramor, que pouvez-vous nous dire à son sujet ?, demanda le Kei’zan en invitant tout le monde à rentrer.
Le Sachem observa donc la suite par un interstice entre deux morceaux de bois. L’intérieur était chaleureux et n’était qu’une seule grande pièce. Il y avait plusieurs peaux de bête au sol et de très nombreuses décorations tribales. Chacun se trouva un endroit pour s'asseoir. Le Mangepierre fut installé au centre.
- Tout ce que je sais du Mangepierre nous a été transmis par Eredan lorsqu’il est venu dans les Confins. Alors que le monde était jeune, ces créatures foulaient les terres de Guem. Elles vivaient en paix et en harmonie. Mais il y aurait eu un changement important qui fit disparaître cette civilisation à l’exception de quelques œufs. Le temps a passé et il resterait de nos jours encore quelques-uns de ces œufs cachés quelque part. Le seul dont j’ai eu connaissance était celui-ci.
- On dirait que c’est juste un enfant, comment pourrait-il nous aider ??
Le Mangepierre marcha tant bien que mal jusqu’à une sorte de tabouret sur lequel il y avait une grosse gemme verte posée sur un coussin. Tout se déroula bien jusqu’à ce que la créature tente de croquer dedans. Le Kei’zan bondit juste à temps pour lui arracher des mains. Ciramor récupéra la créature qui était apeurée par ce geste brutal.
- Il porte bien son nom. Il mange des gemmes.
- S’il avait avalé celle-ci, cela aurait été la fin de mon peuple ! Mais il doit me rester encore quelques pierres...
Le Kei’zan fouilla dans ses affaires et trouva un petit sac de cuir. Il fit tomber son contenu devant le Mangepierre qui s’émerveilla devant ce festin. Il s’agissait de morceaux de cristaux verts, brillant de la même couleur et intensité que ceux profondément enfoncés dans la chair du Grêlé. Il sauta goulûment sur le morceau le plus proche et le mâchouilla avec délectation.
- Tu lui donnes des fragments de la pierre-cœur de l’Arbre-monde !?, s’indigna le Grêlé.
- Oui, quelque chose me dit qu’il le fallait, répondit Le Kei’zan.
Tous trois regardèrent le Mangepierre engloutir les cristaux. Une fois son repas terminé, il s'endormit rapidement.
- C’est incroyable ! Vous avez raison Kei’zan. Je sens la magie grandir dans ce petit corps, remarqua Ciramor. Laissons-le se reposer, nous verrons bientôt ce qu’il sera capable de faire.
- Vous pouvez rester ici le temps qu’il faudra, invita Le Kei’zan.
La nuit arriva vite et une chose inattendue provoqua une petite animation. Le Mangepierre s’était mis en position fœtale et une coquille s’était formée autour de lui, créant ainsi un nouvel œuf et prouvant une nouvelle fois que cette créature était pleine de surprises.
Voyant qu’il n’y avait plus rien à faire à part attendre, Ciramor s’enroula dans une couverture et s'endormit rapidement. Les Daïs mirent plus de temps mais, gagnés par la fatigue, ils sombrèrent à leur tour. Le Sachem avait là l’ouverture tant attendue. “Un œuf pour un œuf”, songea-t-il. Sans faire le moindre bruit, il entra dans la hutte et récupéra le Mangepierre dont l’œuf était beaucoup plus gros et lourd que celui dont il avait l’habitude. Il ne traîna pas et s’enfuit avec son butin.
Mais à son grand malheur, il ne connaissait pas cette forêt et se perdit vite. Après plusieurs heures de course, il arriva dans un vallon où l’ambiance était différente. Les arbres avaient de longues feuilles très fines et il y avait de vieux totems recouverts de mousse. Peu importait, il devait avancer et trouver un moyen de repartir vers les siens. Puis, au détour d’un arbre, il tomba nez à nez avec une créature à la carrure imposante. C’était comme un chat mais de très grande taille dont le pelage était bleuté. Il avait sur le haut de la tête une corne de cristal bleue elle aussi, tout comme son encolure bardé de pics cristallins. Encombré par l’œuf, il ne sut que faire si ce n’était rester figé. Il n’en crut pas ses yeux, cet animal avait quelque chose de familier. Il le reconnut enfin : Akem, l’esprit félin. Celui-ci aurait eu une relation étroite avec sa tribu et quelques histoires parlaient de lui.
- Bonsoir Sachem, dit la créature.
- Tu... tu parles !, dit-il en serrant l’œuf.
- Bien sûr, je te parle au travers de tes pensées. Sais-tu qui je suis ?
- Serais-tu Akem, l’esprit félin ?
Le cristocat étira la tête en signe de satisfaction.
- N’aies pas peur, je ne te veux aucun mal, bien au contraire. Je suis bien Akem, tel que l’on me nommait autrefois dans cette partie de la forêt. Veux-tu que je t’aide ? Tu as l’air perdu.
- Je dois sortir d’ici, dit le Sachem en ne révélant pas toute la vérité.
- Dans ce cas, suis-moi !
Akem s’avança sur un vieux chemin. Le Sachem n’avait pas vraiment le choix. Il suivit l’esprit. Une heure plus tard, l’aube arrivait doucement sur la forêt et la brume bleutée se leva.
- Vois-tu Sachem, cette partie de la forêt est désertée depuis des années.
- Ah ? Pourquoi, cela me semble bien comme endroit, répondit le Sachem en regardant les vieux totems sculptés en forme de chats.
- Il y a très longtemps a vécu ici une tribu dont j’étais l’esprit totem.
- Etait ? Que leur est-il arrivé ?
- Leur sachem et la plupart des guerriers sont devenus fous, croyant être les esclaves des Daïs ils se sont rebellés et ont quitté la forêt Eltarite.
- Les Daïs ? Ces voleurs !, cracha le Sachem.
Chemin faisant ils arrivèrent dans une grande clairière où il restait des ruines de très vieilles habitations et partout, encore et toujours de vieux totems.
- Regarde. Nous sommes là où ils vivaient, dit Akem en s'asseyant. Vois donc par toi-même ce qui leur est arrivé.
Autour d’eux tout changea. Les ruines redevinrent des huttes qui furent à nouveau habitées par une tribu. Il y avait des Hom’chaï et des Elfines bien sur, mais aussi plusieurs Daïs. La disposition de ce village ressemblait étrangement à celle de son propre village. Les décorations et les tatouages étaient étrangement semblables. Il se passait un évènement déterminant pour l’avenir de cette tribu. Plusieurs guerriers Hom’chaï et Elfine entouraient le Sachem de l’époque et plusieurs Daïs ligotés. Ce Sachem portait de longs cheveux mêlés de colifichets et avait les yeux violets.
- Vous pensiez pouvoir nous dominer et faire de nous de simples esclaves !, dit-il avec rage. Mais c’est fini, nous ne resterons pas un moment de plus dans cette forêt maudite !
L’un des Daïs fit résonner sa voix dans les têtes des personnes présentes.
- Astenaki, tu punis ton peuple par ta folie !
- Astenaki, répéta le Sachem serrant toujours l’œuf du Mangepierre. Le père fondateur de notre tribu ?
- En personne, fit écho Akem.
La scène se poursuivit par l’exécution pure et simple des Daïs et l’annonce du départ de la tribu vers des cieux plus cléments. Le tout se passant de jour, on pouvait voir l’ombre de l’Arbre-Monde.
- Comprends-tu maintenant ?
- Je le crains... Nous vivions autrefois ici et nous sommes partis pour suivre la folie d’Astenaki. Et moi qui suis son descendant, j’ai continué à m’adonner à la haine.
- Les Daïs, les Elfines et les Hom’chaï vivaient en paix depuis des siècles. Astenaki avait tort et il a fait l’erreur de se croire au-dessus de tous. L’œuf du Mangepierre que tu serres dans tes bras était autrefois ici-même. Il avait été confié à ta tribu pour qu’elle le protège jusqu’au jour où il apparaîtrait pour lui enseigner tout ce qu’elle devrait savoir.
Le Sachem baissa la tête. Ses pensées s’entrechoquaient dans son esprit. Akem avait-il raison ? Mentait-il ? Pourtant l’Elfine n’arrivait pas à ressentir la moindre haine et, même s’il avait du mal à croire tout cela, l’histoire correspondait aux légendes dont il avait connaissance. La vérité était là sous ses yeux. Astenaki s’était érigé en dieu et pourtant ce n’était qu’un meurtrier colportant que les Daïs étaient des créatures maléfiques. Mais lui n’était pas Astenaki et, à présent, bien que troublé, il était apaisé qu’on lui ait ouvert les yeux.
- Et maintenant ?, demanda-t-il.
- Il est temps qu’une nouvelle ère s’ouvre pour ta tribu. Il est temps pour elle de revenir parmi les siens. Je t’aiderai à finir la tâche qui incombe à ta tribu et tu seras celui qui prendra soin du Mangepierre.
Akem se mit alors à courir vers le Sachem et plongea dans le corps de l’Elfine. Le félin disparut et le Sachem perdit connaissance.
Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsqu’il se réveilla. La brume avait disparu avec Akem. L’œuf du Mangepierre était juste à côté de lui devant un totem de pierre à l’effigie de l’esprit félin. L’Elfine eut la surprise d’avoir autour de ses épaules une peau de bête, celle d’un cristocat. Il se releva pour s'asseoir face à ce totem qui brillait légèrement.
- J’accepte cette tâche, esprit félin.
A ce moment-là, une dizaine de personnes apparurent dans la clairière parmi lesquels Le Grêlé, Le Kei’zan, Sylikat, Parleroche et d’autres Elfines et Hom’chaï. Le Grêlé et Sylikat reconnurent le chef de la tribu qu’ils avaient fuie quelques jours auparavant.
- Toi !, hurla Sylikat. Qu’est ce que tu fais là ??
Elle sortit ses armes et allait pour frapper l’Elfine lorsque Parleroche la retint.
- Non !, lui dit-elle. Attends, je sens la présence d’un esprit puissant en ce lieu.
La meute d’Eltarite entoura le Sachem.
- Tu es revenu reprendre ce que je t’avais pris ?, questionna Le Grêlé.
Le Sachem leva sur le Daïs des yeux repentants.
- Oui j’étais venu pour ça, mais aujourd’hui je vous dois des excuses. A vous tous.
Il se leva alors et débarrassa le totem des quelques plantes qui le recouvraient encore.
- Je suis le Sachem de la tribu d’Akem, descendant d’Astenaki. Je vous demande pardon pour ce que mon ancêtre a fait.
- Akem ! Parleroche fut très surpris qu’on prononce ce nom. Cet esprit a disparu depuis bien longtemps.
- Non il est resté là, attendant notre retour. Si vous saviez toutes les horreurs que j’ai faites au nom d’un faux dieu. Sylikat, nous venons d’ici-même.
- La tribu d’Astenaki ? De retour ? Le Kei’zan était perplexe. Étrange que tout cela se produise à ce moment précis.
- Je sais que vous allez avoir du mal à me faire confiance après ce que j’ai fait, mais je peux vous aider. Je peux prendre sous mon aile ce jeune Mangepierre comme nous l’avons fait par le passé. Laissez-moi corriger les erreurs du passé et ramener ma tribu dans son véritable foyer.
Tous se tournèrent vers Le Kei’zan qui était l’autorité la plus élevée dans la société Eltarite. Parleroche s’approcha du Daïs pour lui parler.
- Si il est détenteur du pouvoir d’Akem, nous devons lui faire confiance. Cet esprit est resté ici au lieu de suivre ceux qui l’avaient comme esprit totem. Autrefois, Akem était connu pour sa sagesse.
Le Kei’zan prit quelques minutes de réflexion. Le récit fait par Ciramor et Le Grêlé n’allait pas à l’avantage de cet Elfine, mais sa repentance semblait sincère.
- Bien, j’accepte ton retour sur ces terres sacrées. Je ne sais pas comment prévenir ta tribu qui se trouve si loin, mais nous trouverons une solution. Mais, cela à condition que tu prennes soin du Mangepierre et que tu répondes sur ta vie de la sienne. Je vais demander à ce que certaines tribus des environs aident à redonner à ce lieu l’apparence qu’il devrait avoir. Cela te va-t-il, Sachem ?
- Cela me va. Sylikat, veux-tu me tenir compagnie et m’apprendre ce que je dois savoir ?
- Je vais plutôt t’avoir à l’œil.
- C’est moi qui vous apprendrai ce que vous devez savoir, coupa Parleroche. Bienvenu chez vous, Akem.
L'Œil de Sol'ra
Chapitre 1 - Persuasion
Le prince Metchaf et Urakia ne laissèrent pas leurs armes à cette personne qui prétendait que ni lui, ni les gens autour, n’étaient un danger pour eux. Il y avait pourtant parmi eux une manifestation d’une déesse terriblement mauvaise et surtout honnie par le culte de Sol’ra.
- Si vous pensez qu’on va se rendre sans se battre je vais vous décevoir, lança le prince à son auditoire. Certains ont essayé...
- Nous savons très bien qui vous êtes, prince Metchaf, mais je vous en prie, partagez avec nous cette nourriture. Vous devez avoir faim.
L’homme invita ses hôtes à venir s’asseoir autour d’un feu. Méfiante, Urakia resta debout à côté du prince pour prévenir tout problème. Le chef des rebelles proposa de la viande et de la semoule à ses invités qui, malgré tout, acceptèrent, la faim les tiraillant depuis longtemps déjà.
- Savez-vous qu’Istaryam est une cité interdite et que tous, vous allez subir le courroux de Sol’ra ?, dit le prince en gardant son calme.
- Nous en prenons le risque, car nous croyons en d’autres choses. Nous croyons aux anciens dieux et en la gloire passée de notre civilisation, répondit le chef.
- Tout ce qui va vous arriver, c’est de perdre la tête, rétorqua Urakia.
- Peut-on tuer des gens déjà morts ? Car aux yeux de Sol’ra nous ne sommes rien de plus que des insectes sacrifiables, nous comme vous. Savez-vous ce qu’est un Solarian ?
- C’est une haute distinction qui fait de nous les êtres les plus proches de Sol’ra, répondit le prince.
- Un Solarian est une créature divine qui vit dans votre corps et qui prend possession de vous au fur et à mesure. Vous perdrez votre libre arbitre pour devenir des esclaves. Ces créatures n’ont que faire de vos corps et de vos vies, assura le chef.
- Si c’est là la volonté de Sol’ra, ajouta Urakia.
- Vous allez être difficile à convaincre. Vous êtes ici dans l’ancien temple d’Istaryam, aujourd’hui devenu une prison pour les dieux vaincus par Ra. Connaissez-vous l’histoire de Ra ? Je suppose que non, ce n’est pas une histoire que l’on raconte à des fidèles de Sol’ra.
Metchaf et Urakia ne répondirent pas, laissant le chef dire ce qu’il avait à dire.
- Cela commença il y a plusieurs siècles. Jadis, les hommes du désert priaient les dieux pour qu’ils accordent leurs faveurs à leurs serviteurs. Les dieux étaient nombreux et ce panthéon était dirigé par cinq dieux : Ptol’a la gardienne de l’après-vie, Kapokèk le guerrier repoussant la nuit, Naptys déesse du renouveau et de la vie, Ra dieu du soleil et de la lumière et Cheksathet gardien du savoir. Ils étaient le principe de l’équilibre et grâce à eux notre civilisation devint florissante et puissante. Istaryam fut la plus belle et la plus grande cité, bien plus magnifique que Mineptra. Mais Ra jouait un double jeu. En apparence, il respectait les hommes en les baignant dans la lumière du soleil. Mais en vérité il n’avait qu’une idée, devenir le seul et unique dieu. Le premier à tomber fut Assthèt déesse tutélaire de la lointaine cité de Kta, puis les uns après les autres, ils ont tous disparu, renforçant la puissance de Ra. Sa trahison fut démasquée par Cheksathet qui prévint les autres des actes de Ra. Ce dernier réserva à ce dieu là un sort bien cruel, mais je vais y revenir. La guerre des dieux fut déclarée, opposant les monothéistes aux polythéistes. Ces derniers ne purent arrêter Ra qui prit le nom de Sol’ra. S’ensuivit la perte de la guerre lorsque la tête de la grande prêtresse de Ptol’a roula dans le sable encore chaud. Ce qu’il advint ensuite n’est pas raconté. Istaryam devint une prison, sorte de tombeau d’où les dieux défaits ne pourraient plus sortir. Ils y furent enfermés avec tous leurs suivants, prêtres, fidèles, qu’ils soient hommes, femmes ou enfants. Ils périrent dans d’ignobles conditions. Il y a quelques mois et au prix de nombreuses vies nous avons retrouvé Istaryam et l’entrée du tombeau.
- C’est bien beau tout ça, mais vous nous voulez quoi ?, demanda Metchaf.
- La question n’est pas ce que je veux, mais ce que vous pouvez faire. Vous êtes le prince Metchaf, héritier du roi du désert. Il vous appartient de faire éclater la vérité au grand jour et rétablir le panthéon et de remettre Ra là où il doit être.
- Pourquoi ferais-je ça ? Je suis le prince, je ne manque de rien, j’ai tout ce que je veux.
- Oui, il semble que ta personne, prince Metchaf, ne manque de rien. Mais qu’en est-il de ton peuple et de ton futur règne ? Veux-tu être celui qui rétablira l’ordre dans le désert ou le monarque qui ne sera qu’un jouet pour Sol’ra ? Je n’ai aucune raison de te mentir, si nous n’étions que de simples rebelles, comme l’autorité le prétend, penses-tu que nous aurions pris la peine de te raconter tout cela ? Non, nous t’aurions tué ou emprisonné et asservi ta charmante garde. Nous aspirons à un monde meilleur et plus juste, délivré de la domination de Ra.
Metchaf semblait perdu, submergé par toutes ces informations. Urakia qui voulait ne pas faire paraître le moindre doute sur son visage se posait aussi une multitude de questions. Entre les peintures, les écrits laissés par ceux qui ont été emprisonnés et l’histoire de ce rebelle, le doute s’était saisi d’eux.
- Si ces dieux sont là pourquoi ne peut-on les voir ?, dit Urakia alors qu’elle avait croisé Ptol’a peu de temps avant cela. Sur ces entrefaites, un homme bouscula gentiment les autres pour se frayer un chemin jusqu’aux invités. C’était un colosse au crane rasé, une véritable montagne de muscles.
- Je suis Kébèk, dit-il d’une voix puissante. Je suis un guerrier de Kapokèk. Les dieux sont enfermés et retenus par l’oeil de Sol’ra au plus profond d’Istaryam. Seule Ptol’a peut se manifester.
Et justement, en parlant d’elle, elle apparut au côté du guerrier.
- Tu vois prince, tu as été berné comme tout le monde, Sol’ra ne veut qu’une chose : exterminer tout le monde et être seul. Il est de ton devoir de faire en sorte que cela n’arrive pas. Mais si tu doutes encore, je t‘invite à suivre Kébèk jusqu’à l’oeil de Sol’ra, tu te rendras compte par toi même de l’étendu de notre souffrance.
Chapitre 2 - L’immortel guerrier de Kapokèk
Le prince, malgré les hésitations et l’avis contraire d’Urakia accepta la proposition. Les arguments du chef et de Ptol’a le poussaient au moins à la curiosité. Qu’est-ce que cet œil de Sol’ra ? Comment vérifier que toute cette histoire n’était pas une manipulation dans le but de prendre le contrôle du désert par la disparition du culte de Sol’ra ? Kébèk, suivi des habitants des lieux, les mena jusqu’à une ouverture pratiquée dans un mur. Il devait y avoir précédemment une statue d’un sphinx mais elle avait été brisée pour libérer le passage. A partir de là, ils furent seuls à progresser dans un véritable dédale de couloirs. Tout avait été fait pour que celui qui entrait là se perde et n’arrive pas jusqu’au bout. Mais c’était sans compter sur le guerrier de Kapokèk.
- Celui que je sers me guide, nous ne pourrons nous égarer. Mais je ne sais pas ce qui nous attend de l’autre côté, aussi, soyez vigilants.
- Pour qui nous prends-tu, je suis garde royal !, grogna Urakia.
Kébèk fut amusé par la réaction de la jeune femme.
- Je ne disais pas ça pour vous rabaisser, je connais bien la valeur des gardes royaux. Ah ! Nous arrivons !
Le couloir déboucha sur une antichambre éclairée par des soleils peints sur les murs, le sol et le plafond. Metchaf avança en premier, il ressentait ici une puissante bénédiction de Sol’ra.
- Tu ne passeras jamais Kébèk, je pense que seuls les Solarians peuvent traverser cette pièce, de manière à ce qu’aucun infidèle ne puisse violer les lieux.
Le guerrier n’écouta pas et avança dans la pièce. A la grande surprise d’Urakia et du prince, il ne se passa rien de plus.
- J’ai aussi un Solarian qui sommeille au fond de mon âme, dit-il avec un sourire narquois. Mais je ne suis plus affecté par sa présence.
Puis alors qu’il s'apprêtait à couper de sa lame les symboles de Sol’ra, Urakia arrêta le bras du guerrier.
- Non, profaner c’est prévenir Sol’ra.
- Parce que tu crois qu’il ne sait pas déjà que nous sommes là ?, ironisa Metchaf. Cet endroit doit être l’un des plus surveillés qui soit.
- Sauf que les nomades du désert ont d’autres sphinx à fouetter en ce moment. Le regard de Sol’ra est tourné vers une autre partie de ce monde. Etrange que vous, prince du désert, ne soyez pas au courant.
- Si si, je suis au courant, répondit-il en ignorant totalement de quoi il parlait.
Ils passèrent la porte de la pièce pour arriver dans un couloir assez large. Tout le long, il y avait des inscriptions, des mises en garde à l’encontre de ceux qui profaneraient ce temple, jurant une malédiction éternelle aux contrevenants. Metchaf et Urakia avaient le cœur serré, elle suivait le prince mais elle allait aussi vers la damnation. Devait-elle interrompre ce périple ? Non, elle devait prouver la supercherie et montrer à Kébèk qu’ils avaient tous tort. Et qui sait, peut être y avait-il une sortie au bout du chemin ? Ils remarquèrent d’ailleurs que leurs pas les menaient dans un nouveau dédale, mais qu’autour d’eux le décor était époustouflant. Il y avait des façades de maisons de part et d’autres d’une route pavée. Au dessus d’eux, le sable reposait sur un dôme de verre. Il en émanait une douce lumière qui éclairait suffisamment les lieux.
- Les anciennes rues d’Istaryam... chuchota Kébèk.
Au centre du dôme était gravé un soleil de grande taille dont l’intérieur était un œil. Un rayon jaune en partait et frappait un temple au beau milieu de la ville.
- C’est ça l’œil de Sol’ra ?, demanda Metchaf.
- Oui c’est ça, dit Kébèk en avançant. Quelle puissance.
- Et tu crois que tu vas pouvoir faire quelque chose contre ça ?, ironisa une fois de plus le garde royal.
- Moi seul, non, mais nous sommes trois. Ne faiblissez pas maintenant, vous avez un doute et la vérité est là-bas.
Le temple n’était plus très loin à présent lorsqu’une créature s’interposa devant eux. C’était une sorte de gros lion à tête de crocodile et aux pattes d'hippopotame. Elle mesurait bien deux fois la taille du guerrier de Kapokèk. A ses pieds une balance apparut. Il y avait une plume sur l’un des deux plateaux.
- Si vous voulez passer, il vous faudra poser votre cœur sur le plateau vide de la balance. Si vos pêchés sont plus lourds que la plume alors vous serez détruits par la volonté de Sol’ra.
Après avoir fait reculer Metchaf et Urakia, Kébèk dégaina une longue lame avant de ce jeter sur la créature. Celle-ci esquiva les premiers coups.
- Voyons quels sont tes péchés, arrogant humain, dit-elle en s’entourant d’un halo lumineux.
Kébèk ressentit alors une grande douleur. Une lance, surgie de nulle part, lui avait transpercé la poitrine et perforé le cœur. Urakia et le prince regardèrent le spectacle de façon incrédule. Si le guerrier mourait cela signifierait donc que la vérité était du côté de Sol’ra. Kébèk était tombé à terre, mais n’était pas inconscient pour autant. Il souffla une fois, puis deux et s’élança comme une flèche. La créature surprise n’eut pas le temps de réagir. La lame du guerrier traversa sa poitrine.
- Je suis béni par Ptol’a, j’ai la force de Kapokèk ! Voyons si ton cœur est rempli de sombres péchés !
La créature s’écroula sur les pavés de la rue ensablée. Kébèk prit appui sur son épée. Il regarda la blessure dans sa poitrine et en extirpa la lance dans un cri presque inhumain. La blessure, qui aurait tué n’importe qui, se referma juste après. Metchaf et Urakia n’en croyaient pas leurs yeux.
- Vous n’êtes pas un humain !, supposa le prince.
- Je le suis, mais je suis investi par des pouvoirs qui me dépassent.
Chapitre 3 - Sacrifice
Le sang noir de la créature se répandait sur le sol alors que les trois habitants du désert avançaient vers le temple. Le rayon de l’œil de Sol’ra, bien que lumineux, ne les empêcha pas de rentrer à l’intérieur de la bâtisse. C’était un ancien lieu de culte ouvert au panthéon des cinq anciens dieux : Ptol’a, Kapokèk, Ra, Naptys et Cheksathet. Tout était intact comme si les habitants s’étaient évaporés, laissant là leurs affaires. Seules les statues à l’effigie des dieux avaient toutes été décapitées, probablement par les soldats de l’armée de Sol’ra lors de la prise d’Istaryam.
- Une civilisation éradiquée par la folie d’un dieu, lâcha Kébèk. Allons voir ce que cache ce rayon.
- Commençons par explorer les étages et non par se précipiter tête baissée comme nous l’avons fait jusqu’à présent, demanda Urakia.
- Vous avez raison, les dieux attendent depuis longtemps, ils peuvent encore patienter un peu, répondit Kébèk.
Le temple possédait trois étages, de larges escaliers extérieurs desservaient ceux-ci. Le premier étage était dédié à Naptys, la déesse du renouveau. Il y avait de très nombreuses plantes mais il ne restait d’elles que des traces et des souches mortes. La déesse était au centre de la pièce les bras écartés comme pour accueillir ses fidèles auprès d’elle. Comme les autres statues, elle n’avait plus sa tête. Le rayon de l’œil de Sol’ra tombait exactement sur cette représentation. Le second étage était le domaine de Kapokèk, il y avait là des mécanismes permettant d’amener de l’eau jusque dans de grands bassins. Des squelettes d’animaux jonchaient le sol, indiquant que des crocodiles devaient vivre là. Comme à l’étage inférieur, il y avait une statue. Celle de Kapokèk le représentait une lance à la main, plongeant la pointe vers le sol. Elle aussi était décapitée, le rayon de l’œil passant par elle aussi. Quant au troisième étage, qui était aussi le toit, il était le domaine de Ra. Une mosaïque de carreaux de verre tapissait le sol, donnant une ambiance très lumineuse. Au centre, Ra était représenté, majestueux les bras tendus vers le ciel. Mais par contre cette représentation avait conservé sa tête.
- Regardez, la mosaïque au sol forme un soleil, c’est exactement le même que celui sur le dôme, remarqua le prince Metchaf. Il y a un œil aussi.
- Bien, nous avons vu ce qu’il y avait à voir ici. Ne restons pas là, toute cette lumière est gênante, demanda le guerrier de Kapokèk. Allons voir en bas à présent.
Le rez-de-chaussée était le lieu d’habitation et de gestion du temple. Il y avait de nombreux appartements et petits bureaux, sûrement réservés aux prêtresses et aux prêtres du panthéon. Au centre, il y avait une grande salle de prière où nombre d’autres divinités étaient invoquées et vénérées. Le rayon de l’œil passait au centre de cette pièce, traversant une grande dalle de verre très épais. Par un astucieux système de miroirs, la lumière du soleil devait passer par des ouvertures dans les murs pour éclairer l’étage en sous sol. Hélas, tout était hors d’usage, mais le rayon éclairait suffisamment pour y voir presque comme en plein jour.
Ils trouvèrent un escalier poussiéreux s’enfonçant sous le sol. Il y avait un couloir qui faisait tout le tour d’une grande salle circulaire. Tous les cinq pas, se trouvait une ouverture vers la grande salle permettant une bonne circulation. Un peu partout dans les murs, des alvéoles avaient été aménagées dans le but d’y placer des objets ou des papyrus qui permettaient à ceux qui le désiraient d’augmenter leurs connaissances. Mais tout était vide désormais. La statue représentant cette divinité était entièrement détruite. Ainsi était l’antre de Cheksathet.
- Lui n’a pas eu de chance ! D’après ce que je sais, ce dieu a été absorbé par Ra, lui donnant une incroyable puissance, indiqua respectueusement Kébèk. Un dieu ne peut en théorie pas mourir, mais il y a pire : être absorbé par un autre.
Il n’y avait pas d’autre issue à part celle de l’entrée.
- Si il y a un étage pour chaque dieu, où est celui de Ptol’a ?
Chacun partit alors dans une direction pour fouiller un peu plus consciencieusement. Urakia trouva alors quelque chose d’insolite. Bien qu’il y eut des gravats et du sable, elle trouva une forme sur le sol qui éveilla sa curiosité. Elle frotta et souffla pour chasser le sable découvrant une partie d’un immense symbole en forme de soleil. Celui-ci avait été gravé et n’était pas là à l’origine. Ils entreprirent de dégager le tout, au risque de passer au travers le rayon. Il y avait encore une fois cet œil de Sol’ra.
- Si c’est un œil, alors crevons-le ! Le domaine de Ptol’a doit être dessous !, dit Kébèk en sortant son épée.
- Non ! Attends !, hurla Metchaf.
Mais il était trop tard, le guerrier de Kapokèk planta la lame dans le sol au beau milieu de l’œil, entrant ainsi dans le rayon. Celui-ci devint plus intense et le temple commença à trembler. Kébèk subit alors un choc qui l'éjecta à l’autre bout de la pièce. Il sombra, inconscient...
- Qui ose ? Qui ose mettre en doute l’autorité de Sol’ra ?
Une forme humaine se forma dans le rayon, Metchaf fut étonné de voir qu’elle ressemblait à Shrikan à ceci près qu’il n’avait qu’un seul œil.
- Je suis le prince Metchaf fils du roi du désert, ôte toi de là et libère le passage.
- Retourne d’où tu viens prince Metchaf, ne t’oppose pas à la volonté divine, ordonna le Solarian, alors qu’il retirait l’épée du sol. Pars et laisse ce profanateur qui sera puni par la mort.
- Je ne partirais qu’après avoir des réponses ! Sol’ra est-il en réalité Ra ? A-t-il absorbé Cheksathet et fait tué tous les fidèles des dieux anciens ?
- Ne pose pas ces questions, prince Metchaf !!! Ne te préoccupe pas de cela et pars, ou, à ton tour, tu trouveras la mort.
- A-t-il détruit d’antiques civilisations pour sa suprématie ?, insista fortement le prince.
Le Solarian se mit alors en colère, une lance de lumière apparut dans ses mains puis d’un geste rapide, il la projeta sur le prince. Mais Urakia, agissant d’instinct, protégea Metchaf en s’interposant devant lui. Elle se retrouva empalée par la lance. Le sang coula mais le garde royal tint bon. Pour le prince, il était impensable qu’un serviteur de Sol’ra agisse ainsi.
“Va, je vous protège, les coups ne te tueront pas !” lui dit la voix de Ptol’a.
Inspiré par la présence de la déesse le prince fonça après avoir tiré son arme. Le Solarian, entouré de la puissance de Sol’ra reçu la charge sans sourciller et répliqua à son tour. Grâce à ses pouvoirs théurgiques, il implora Sol’ra pour que cet infidèle soit brûlé. Le prince hurla de douleur sentant son âme flamber comme de la paille. Mais Ptol’a insufflait un peu de sa puissance et soulageait Metchaf de ses blessures.
- Je reconnais la présence de Ptol’a ! Nous sommes de nouveau face à face !
La déesse parla par la bouche du prince.
- Oui mais cette fois c’est toi qui va perdre. Ton maître n’est pas avec nous.
Urakia et Kébèk aussi bénéficiaient de la protection de Ptol’a. Le garde royal enleva la lance et s’en servit contre le Solarian. Kébèk ramassa son arme et fonça.
“Visez son œil !!” chuchota Ptol’a à ses protégés.
Comme guidées, leurs armes se dirigèrent vers son œil. Metchaf, quant à lui, l’immobilisa pour que les coups portent au bon endroit.
- Raaaah nooon !! Traitres !! Je vais...
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase. La lance et l’épée fendirent le crâne du Solarian en perçant son œil. Immédiatement, la créature de Sol’ra explosa dans une gerbe de lumière plaquant tout le monde au sol.
La suite alla rapidement. En même temps que le sol se fendait de larges crevasses, le dôme de verre retenant le sable du désert céda. Istaryam fut engloutie sous des tonnes et des tonnes de sable. Metchaf et ses acolytes tentèrent bien de se sauver, mais ils étaient piégés comme des rats.
Ils se réveillèrent à l’oasis non loin de l’entrée d’Istaryam. Trois personnes les regardaient. Elles étaient reconnaissables grâce aux statues du temple : Ptol’a, Naptys et Kapokèk. Et c’est Naptys qui prit la parole.
- Recevez la gratitude des dieux et notre éternelle reconnaissance. Vous avez ouvert la voie du renouveau, soyez-en les instruments.
L'Amiral
Chapitre 1 - L’Amiral
L’Arc-kadia trembla en décollant des abords de la forêt Eltarite. Al la Triste regardait vers l’horizon alors que le navire se dirigeait à présent vers leur repère dans une des très nombreuses Iles Blanches. Après avoir affronté un géant et Palpegueuse, après avoir accompli maintes épreuves, il était temps pour l’équipage de prendre un repos bien mérité. Avec le retour d’Œil de gemme, tout le monde était présent et il n’y avait jamais eu autant de pirates à bord depuis le temps du Géant Triste. Briscar fut donc démis de la fonction de second au profit de la guémélite de l’air qui était ravie de revenir à bord.
Al remplaça alors Bragan à la barre, elle avait toujours aimé se retrouver à cette place. Les cheveux au vent, elle se laissa bercer par le doux bruit des moteurs. Tout pirate rêve de trésors et Al la Triste avait enfin récupéré celui dont elle entendait parler depuis son enfance : le trésor du Capitaine Hic du Titan. La voilà à l’abri du besoin pour un long moment. Il était désormais temps de passer à autre chose et elle avait une idée derrière la tête. La fuite devant la Dame Noire lui restait encore en travers de la gorge. Pour sauver son honneur de pirate, il lui fallait partir à la recherche de son navire et le combattre à nouveau. Mais cette fois-ci, l’Arc-kadia et son équipage seraient prêts à faire mordre la poussière à Palpegueuse et ses sbires.
Deux jours plus tard, le bateau arriva en vue des Iles Blanches et du sombre vortex qui avait dévoré l’ancien royaume. Le navire prit la direction du nord pour éviter les vaisseaux de la flotte de Bramamir et rejoindre ainsi la route des pirates.
- Capt’ain, on peut s’arrêter sur la Dent de requin ?, demanda Klémence. J’aurais besoin d’obtenir quelques pièces.
- Va pas gaspiller ta part d’butin fillette, lui répondit Al.
- Y’en a d’autres qui veulent s’y arrêter, intervint Œil de gemme. Moi aussi il me faut des trucs.
- Très bien, mais on reste pas longtemps. Une paire d’heures et j’veux tout l’monde à bord, compris ?
- Oui Cap’tain !, s’exclamèrent de concert Œil de gemme et Klémence.
- Remarquez, j’crois qu’faut faire le plein de bouffe et de gnôle. Profitons-en !
La Dent de Requin était autrefois une véritable île entourée par l’océan. Son nom lui vient de la vague forme d’un gros rocher qu’un pirate un peu saoul vit comme étant une grosse dent de requin. C’était aussi l’une des nombreuses îles sous le joug de la piraterie. La particularité de cette île était ses grottes anciennement sous-marines, devenues depuis le repère de nombreux pirates. Une véritable ville s’était créée sous l’île au lieu d’être dessus. L’Arc-kadia s’arrima à l’embarcadère déversant son lot de pirates fiévreux de dépenser leurs richesses. Al la Triste, Bragan, Klémence, Œil de gemme et Crochet laissèrent le navire à la garde du reste de l’équipage. Crochet se sentit oppressé, comme s’il y avait une présence gênante, les autres aussi mais dans une moindre mesure. Le vieux pirate regarda à droite et à gauche et aperçut à l’autre bout du port un drôle de navire.
- Que ? On dirait... dit-il avec une légère appréhension. Ça serait ? Noooon.
Crochet attrapa le bras d’Al la Triste et lui montra le bateau. La pirate regarda mieux mais ne reconnut pas le navire.
- Viens, lui dit Crochet.
En s’approchant, ils virent mieux le bateau. Plus petit que l’Arc-kadia, il n’en restait pas moins impressionnant de par son style très ancien. Le bois était noir, vieux et abîmé. La proue était une sirène tenant une épée brisée vers l’avant. Sur son flanc une plaque en partie rouillée donnait le nom du navire : l’Amiral. Bragan recula en tenant Al et Œil de gemme.
- L’Amiral ! L’Amiral ! L’Amiral ! On ferait mieux de décamper d’ici fissa !
Al se souvenait parfaitement de la légende de l’Amiral. Il fut autrefois le fleuron de la flotte de Bramamir à l’époque où les navires voguaient sur l’eau. Il fut impliqué dans de nombreuses batailles faisant rejaillir la gloire sur son commandant. Il disparut après une bataille contre les pirates du nord lors de la guerre contre Néhant. Depuis, les légendes racontent qu’il hanterait les abords des Iles Blanches pour capturer les âmes des navigateurs.
- Panique pas pépère !, asséna Œil de gemme. Si l’Amiral était là pour prendre les âmes des gens nous s’rions plus là et les gens de la Dent non plus. Regarde autour de toi.
Les abords du port étaient comme d’habitude assez animés bien que personne n’osait s’approcher de l’Amiral à part l’équipage d’Al la Triste.
- A la limite on s’moque, allons faire nos emplettes et on r’part illico, trancha Al.
Le petit groupe quitta le port, Crochet devint encore plus paranoïaque qu’à la normale et Ti mousse regardait partout autour de lui si jamais il apercevait un quelconque pirate fantôme. Le village n’étant pas très grand et ils arrivèrent vite en son centre sur une place jonchée de pylônes qui tenaient les planches formant le sol. Tout autour de cette place rectangulaire les gens entraient et sortaient d’une multitudes de maisonnettes faites de bric et de broc. L’attention de nos aventuriers fut attirée par un attroupement devant l’une des maisons. A la vue de la pancarte qui représentait une bonbonne la tête à l’envers, il en déduisirent qu’il s’agissait d’une taverne.
- T’las vu ?, demanda un passant à un autre. Dingue, hein ?
Al la Triste alla donc voir de quoi il retournait. A être là, autant céder à la curiosité. De sa haute stature, elle poussa les badauds pour se frayer un chemin vers la porte. L’intérieur était totalement vide, seul le tavernier tentait de faire comme à son habitude en “nettoyant” des pichets. Lorsqu’il se rendit compte de la présence du groupe, il fut soulagé.
- Ah, entrez ! Entrez ! dit-il tremblotant. Installez-vous... où vous voulez.
Mais les pirates n’écoutèrent pas, leur attention était focalisée sur la présence qu’il y avait au fond de la salle. Crochet ouvrit de larges yeux et recula d’un pas, tout comme Bragan. Al la Triste, elle, au contraire, s’avança pour mieux voir, suivie d’Œil de gemme et Ti mousse. La chose qui était là avait du être un homme autrefois, mais ce n’était plus qu’un squelette coiffé d’un très vieux chapeau pirate. Ses orbites vides sondaient les âmes des vivants.
- Le com’dant de l’Amiral, j’présume, dit Al la Triste.
Le squelette se leva et posa ses mains osseuses sur la table puis s’avança jusqu’à elle. Il lui saisit alors sa main de métal et lui fit un baise-main.
- Madame, je vous prie, asseyez-vous donc à ma table et acceptez de boire en ma compagnie.
- Volontiers, dit-elle en tirant une chaise.
Le tavernier osa à peine servir à boire à Al. Il posa avec une rapidité incroyable verres et alcool.
- C’est offert par la maison, dit-il en s’enfuyant vers son comptoir.
Le squelette mordit dans le bouchon et l’arracha à la bouteille, puis il servit généreusement son invitée.
- Alors com’dant, que v’nez-vous faire ici ? Effrayer les vivants ?
- Ô allons, appelez moi Jon. Vous faites fausse route, je ne viens pas effrayer les vivants, je viens chercher leur aide. Mais il semblerait que leur peur soit trop forte. Ceci dit une seule personne m’intéresse réellement : vous !
- Vous aider pour quoi faire ? dit-elle avant de réaliser qu’il venait la chercher.
- Pour sauver un lieu connu de tous et dont je suis le gardien, le cimetière pirate !
Tout bon pirate avait entendu parlé de cet endroit, fruit de nombreuses légendes et fantasmes. Lorsqu’un navire ou qu’un vieux capitaine doit finir sa vie, il part alors en quête d’une île, celle du cimetière. On raconte que de très nombreuses épaves s’y trouveraient, ainsi que des trésors fabuleux. Beaucoup ont cherché ce cimetière sans jamais le trouver. Les badauds et le reste de l’équipage présents commentaient les échanges entre les deux capitaines.
- Le gardien ? Expliquez-vous. Et pourquoi moi ?
- C’est une longue histoire que je serais ravi de vous raconter à bord. Mais pour faire plus court sachez que le gouvernement de Bramamir a décidé qu’il était temps de passer à l’action. Je ne sais par quel hasard ils ont réussi à obtenir l’emplacement exact du cimetière, mais ils sont en route. Votre père veille sur vous, c’est lui qui m’a dit de venir ici, que je vous y croiserai. Jon avait touché la corde sensible.
- Mon père ?, dit-elle en bredouillant, émue. Il est encore en vie ?
- Non ma chère, bien sur que non. N’ayez pas de faux espoirs, mais à travers la mort il veille sur vous.
- Mais j’comprends pas, si vous êtes le commandant de l’Amiral, pourquoi avez-vous besoin de moi ?
- Je ne pourrai pas repousser à moi seul la flotte entière de Bramamir, j’ai besoin de vous et de l’Arc-kadia. Acceptez et vous serez très justement récompensée.
- J’ai déjà toutes les richesses que j’veux.
- La récompense que j’ai à vous offrir est bien plus belle que n’importe quel trésor. Que diriez-vous d’avoir l’opportunité de revoir votre père à nouveau ?
Al la Triste se mit à rire puis cracha dans sa main avant de la tendre à Jon.
- Marché conclu !, dit-elle.
Derrière elle les gens n’en revenait pas, la célèbre Al la Triste venait de pactiser avec le commandant de l’Amiral...
Chapitre 2 - Le cimetière pirate
L’Amiral et l’Arc-kadia quittèrent rapidement la Dent de requin. L’équipage eut juste le temps de faire les provisions pour le navire et pour leurs usages personnels. En réalité, le cimetière n’était pas très loin, mais personne ne pouvait le trouver, perdu à l’intérieur d’une très grande île. Mais grâce à Jon, ils purent donc accéder au mythique cimetière pirate. Cette caverne était pour moitié remplie de navires échoués, brisés, tels de vieilles épaves. Le nombre était colossal, au bas mot une trentaine de navires avaient fini ici. Le tout était éclairé par une multitudes de lampes-tempête posées un peu partout. Ce spectacle donnait beaucoup d’émotions à l’équipage. Al la Triste était plus inquiète. Ici, ils étaient faits comme des rats. Jon amena l’Amiral contre la coque de l’Arc-kadia pour établir un plan de bataille.
- Ne vous en faites pas, nous sommes en position de force. Leurs navires ne pourront pas passer à plus d’un à la fois. Si jamais ils arrivent jusque là, rassura le commandant. L’Amiral est un excellent éperonneur et votre bateau pourvu de canons d’exception. Faites parler la poudre, je ferais crier l’Amiral !
- Combien s’ront-ils ?
- Avec de l’arrogance, ils ne seront qu’une dizaine. Avec de la prudence, ils seront une vingtaine.
- C’est beaucoup.
- Alors gageons pour dix.
- Bien j’sais pas pourquoi j’me suis fourrée dans ce guêpier, mais bon, quitte à mourir, autant l’faire avec panache ! dit-elle en retournant à la barre. Branle-bas de combat !!!
A ce moment là, tout l’équipage se mit en ordre. Bragan, Mylad et Foudre-bec se préparèrent à griller les adversaires. Klémence réglait Ekrou et Hic-kar. L’équipe d’assaut se prépara. Armada jubilait à l’avance de pouvoir utiliser ses dernières trouvailles. Œil de gemme beuglait des ordres à tout bout de champ. C’était comme si quelqu’un avait mis un coup de pied dans une fourmilière. De son côté, Jon était prêt, seul à bord de l’Amiral qui lui répondait comme si le navire était vivant.
Un premier navire apparut dans l’embouchure de la caverne. L’Amiral fonça avec vélocité ne laissant aucune chance à la coquille de noix, bien plus petite que lui. Il le fendit en deux comme un couteau dans une motte de beurre. Un deuxième navire plus gros en profita pour passer juste après le premier. “Un éclaireur pour faire diversion. C’est un Fendlevent... les moteurs !”.
- En avant, ordonna-t-elle, préparez les canons !
L’Arc-kadia fila et se plaça derrière le navire ennemi.
- Visez les moteurs ! FEEUUUUUU !
Les canons crachèrent du métal et du feu, réduisant en morceaux la machinerie du navire adverse. Sans propulsion, ce dernier piqua du nez pour aller s’écraser parmi les autres épaves. De son côté, l’Amiral vira pour éperonner un autre navire qui suivait ses prédécesseurs. Celui-ci était un navire de guerre sensiblement de même taille que l’Amiral. Jon se contenta de foncer sur l’arrière afin de casser le gouvernail. Son antique navire se planta de biais en atteignant son but. C’est à ce moment qu’apparut une véritable menace. Arriva par l’entrée de la caverne un immense galion noir au pavillon rouge peint du symbole de Néhant. L’Amiral en mauvaise posture se retrouva éventré par ce mastodonte. Briscar qui analysait la bataille courut à toute vitesse rejoindre Al la Triste.
- Capitaine ! C’est la Dame noire !
- Quoi ?
Elle arracha la longue vue des mains du pirate.
- C’est bien elle ! Cette fois, on te loupera pas !!!
Le navire noir présentait encore les traces de leur dernier affrontement, Palpegueuse n’avait même pas pris la peine de faire réparer son navire. Al trouvait ça révoltant et indigne d’un pirate. Elle barra à nouveau pour amener l’Arc-kadia près de la Dame noire. Cette fois-ci, c’était Al qui menait l’assaut.
- A l’abordage !, cria-t-elle. Armada ! BOMBES !
La jeune femme emportée dans sa folie lança ses créations explosives sur le pont adverse, les dégâts furent considérables. L’équipage de la Dame noire s’était divisé entre ceux qui défendaient le navire et ceux qui tentèrent l’incursion sur l’Arc-kadia.
Klémence lâcha bâbords et tribords tandis qu’Ekrou et Hic-kar défendaient le pont. Aucun de leurs adversaires ne put passer cette défense parfaite. Al elle-même prit part au combat. Après avoir tailladé plusieurs ennemis et être montée sur la Dame noire, elle chercha du regard celui qui devait avoir tout manigancé, Palpegueuse. L’affreux capitaine de la Dame noire poussa tout le monde pour faire face à Al. Un combat déterminant s’engagea alors. Palpegueuse était un homme redoutable, très massif aux cheveux sales et à la longue barbe noire huileuse. Son regard était celui d’un fou, lui donnant un air très impressionnant.
- Aaaahhh la fille du Géant, un trophée qui ornera ma cabine durant des nuits et des nuits, dit-il en postillonnant.
- Bats-toi au lieu d’parler !, répondit Al en ouvrant les hostilité.
Elle se battait avec deux pistolames usant à outrance de la puissance de son bras mécanique. Mais Palpegueuse était un redoutable pirate qui avait tué bien des hommes. Aucun des deux ne semblait prendre l’avantage. Non loin Crochet assenait des grands coups de sabre quand son bras se décida à agir tout seul. Tiré par une force invisible son bras le traîna jusqu’à Al la triste qu’il saisit par les cheveux. Avant de la secouer dans tous les sens. La jeune femme fut surprise et elle fut blessée par un coup d’épée. Elle remarqua alors l’aura noire autour de son adversaire, Palpegueuse semblait changé !
- Voilà qui est bien !! dit-il la voix déformée. Vous aurez compris que je ne suis pas Palpegueuse le célèbre pirate, mais Morte-gueuse, serviteur de Néhant !
Les réjouissances du démon ne durèrent pas longtemps, Jon avait abandonné l’Amiral et trancha net le bras de Crochet, libérant Al la triste de l’étreinte. Profitant de la surprise, Al utilisa la pression maximale de son bras mécanique et enfonça sa lame dans le coup de Morte-gueuse.
- Mange ça !, dit-elle en tirant.
La tête du pirate explosa comme une citrouille.
Pendant l’affrontement, une jeune femme avait profité du chaos ambiant pour se faufiler jusque dans la cale de la Dame noire. Ce qu’elle y trouva lui fit froid dans le dos. Des cadavres jonchaient le sol, pirates ou non. C’était trop pour elle, elle plaça les charges aux endroits stratégiques et s’en alla en courant.
- RETOURNEZ A BORD DE L’ARC-KADIA, TOUS A BORD ! cria Armada.
Al la triste soutenant Crochet et les derniers membres de son équipage remontèrent juste à temps. L’Arc-kadia s’éloigna alors que la Dame noire et l’Amiral explosait dans une gerbe de fumée noire et de flammes vertes. L’équipage quelque peu amoché venait de remporter une bataille dont on parlerait durant des années.
Jugement et Châtiment
Chapitre 1 - Jugement
Comment j’en suis arrivé là ? Je me demande parfois ce qui me vaut un destin si atroce. Il semble que la mort soit mon lot, qu’elle m’a pris pour compagnon, elle-même me refusant son doux baiser. J’ai commis mon premier meurtre à ma naissance en emportant la vie de ma mère. Elle est partie en même temps que je poussais mon premier cri. Puis vers mes sept ans c’est mon grand frère qui succomba par ma faute. Et j’ai fui un père fou de rage, le laissant seul, sans famille. Sur ma route j’ai croisé une bande de gens loufoques et affectueux, ils ont bien voulu de moi, il faut dire que je suis doué une lame à la main. Ils ont placé leur confiance entre mes mains. Mais je n’ai pas pris mon rôle au sérieux et j’ai failli, manipulé par les ténèbres, dévoré par mes doutes et ma malédiction. J’ai servi la mort encore mieux que je ne l’avais fait jusque là, j’ai tué aveuglement des gens que je ne connaissais pas. Enfin les ténèbres m’ont rejeté pensant m’abandonner à un sort pire que la mort, mais j’ai survécu... encore. Je m'appelle Télendar, j'attends que la mort me laisse enfin passer de l’autre côté pour expier mes fautes. J'attends mon heure, ici dans une cellule de la prison de Noz’Dingard. Nul doute que les Draconiens mettent un terme à ma folie.
La large porte de bois menant vers les cellules grinça lorsque le gardien l’ouvrit, laissant échapper un rayon de lumière qui éclaira l’ancien chef des Zil. Zahal entra en premier épée à la main, son air sévère tranchait avec son humeur habituelle. Fallait-il à nouveau faire face à ses propres échecs ? Prophète avait fortement insisté pour que le chevalier vienne assister à l’interrogatoire de Télendar. Derrière lui la Pythie lui emboîta le pas. La jeune femme ne portait plus le voile traditionnel de son ordre. Son visage n’exprimait rien, seuls ses yeux trahissaient sa répugnance à venir ici et accomplir sa tâche .
Le geôlier s’empressa d’ouvrir la porte à barreaux de la cellule du prisonnier le plus important en ce moment. Télendar leur tourna le dos, il n’avait rien à leur dire. Ce geste fut très mal accueilli par Zahal qui s’attendait certes à une réaction pareille à leur présence, mais qui ne manqua pas de réveiller sa colère. Il donna un vif coup de pied au prisonnier et une fois celui-ci dos au sol il pointa son épée d’un air rageur.
- Il y en a assez de toi !! Donne-moi encore une raison et j’enfonce ma lame dans ta gorge !
Télendar fut surpris par tant de haine, mais il se reprit vite.
- Qu’attends-tu, frappe donc !! répliqua-t-il en espérant le geste salvateur.
La Pythie posa la main sur celle du chevalier, retenant ainsi son geste.
- Je comprends vos émotions Zahal, mais le tuer serait lui rendre un immense service et nous ne sommes pas venu pour cela.
Devant les grands yeux de biche et la douceur du visage de l’oracle de la Draconie, le chevalier se calma et souleva son pied, libérant Télendar. Ce dernier recula vivement et se frotta la poitrine pour faire partir la douleur.
- Pourquoi vous êtes là alors ? demanda t-il.
- Je viens vous interroger sur vos agissements, dit la Pythie le visage figé. Bien sur je n’attend pas à ce que vous parliez, je pense que toutes les informations à votre connaissance nous ont été portées. A présent il va falloir aller plus loin.
Qu’entendait-elle par aller plus loin ? Télendar le sut immédiatement. La Pythie attrapa son visage entre ses mains et plongea son regard dans le sien, déchirant la volonté de son esprit. L’Oracle fouilla, elle cherchait quelque chose de précis. Enfin c’était là, la peur suffisante pour faire effacer la volonté du jeune homme et ressortir tout ce qui était caché. L’apparence de la Pythie changea légèrement, ses traits devinrent plus reptiliens, ses yeux se fendirent tels ceux d’un serpent. Le jeune homme pris d’effroi sombra dans une sorte de catatonie, tout se révéla alors. Zahal surveillait l’échange avec beaucoup d’attention, prêt à frapper au moindre geste incongru.
- Voici donc la faille qu’utilisa notre adversaire pour vous soumettre, dit la Pythie à voix haute. Nous allons enfin avoir une vision claire de ce qu’il s’est passé avec vous et conclure cette histoire.
Effectivement la Pythie avait désormais une vision précise de la vie de Télendar, elle vit les moments heureux comme les pires. Elle se concentra sur l’année passée, lorsque le jeune homme était sous la coupe des Néhantistes. Bien que les souvenirs de son esclavagisme s’effaçaient au fil des jours, pour elle tout était encore là intact. Télendar avait tué bon nombre d’opposants sans jamais pouvoir rien faire. Mais le plus important étaient les lieux et les personnes rencontrées en compagnie du Néhantiste responsable de tout cela. Il y avait beaucoup d’images, de sons et de sensations. La Pythie passa beaucoup de temps à remettre tout ça en ordre et à faire le tri.
- C’est bien ce Dimizar derrière les assassinats et la prise du Conseil. A présent que je sais ceci la donne va changer.
La Pythie allait arrêter de fouiller dans la tête du prisonnier lorsqu’elle sentit une présence diffuse dans la cellule, ce n’était ni Télendar, ni Zahal, mais autre chose. Elle ne sut pas vraiment pourquoi mais elle eut comme un sursaut et elle lâcha le jeune homme.
- Ça va ? S’enquit Zahal.
La présence ayant disparue, la Pythie ne s’en inquiéta plus.
- J’ai ce que je voulais, à présent son avenir est entre les mains de Prophète.
Télendar, prostré dans son coin se tenait la tête laissant échapper quelques larmes.
Le lendemain matin, Noz’Dingard était en effervescence. Bien que l’évènement du jour se passait à huis clos, une partie de la population s’était agglutinée devant le palais où Télendar avait été conduit pour y être jugé. Pour le commun des mortels la culpabilité de l’ancien Zil ne faisait aucun doute, pourtant l’affaire était bien plus complexe que cela. Le service d’ordre de la cité avait fort à faire et les Sorcelames étaient venues compléter la garde. D’habitude très discipliné le peuple scandait des “à mort l’assassin”, “qu’on le pende” et autre “justice doit être faite”. A l’intérieur, l’avenir du jeune homme se jouait devant un parterre de personnalités venues assister en tant qu’Envoyés de Noz’Dingard à la sentence qui serait rendue par Kounok. Anryéna était présente en tant que dirigeante du Compendium et de l’académie de magie et mère du défunt Prophète. Il y avait également le Maître-Mage Marzhin et son fils Pilkim, Aerouant, Marlok, Zahal, Valentin, Alishk, Eglantyne, Moîra convalescente et enfin la Pyhtie qui avait tenu à assister au procès.
La plupart de ces personnes avaient vécu les évènements qui amenèrent à l’assassinat de Prophète. Chacun alla donc de son témoignage dans de grands témoignages. Une heure plus tard et après moult explications, la Pythie intervint pour clore les discussions. Elle s’avança au milieu de la salle de façon à ce que tout le monde puisse la voir.
- Notre ennemi dans son orgueil pense être à l’abri caché dans son manoir. Mais il a fait l’erreur de nous donner ce que nous voulions, une personne qui l’a côtoyé de près et qui a agi pour lui. Le fait qu’il ait mis un terme à la vie de Prophète est un fait, mais Télendar est-il responsable ? Comme une partie des Combattants de Zil sa volonté est devenue celle de l'ennemi. Celui qui devrait être à la place de Télendar a un nom : Dimizar ! Ne soyons pas aveuglés par notre colère et notre haine contre celui qui n’a été qu’un instrument, une arme dans la main d’un Néhantiste.
Dans l’assistance Aerouant était tiraillé entre plusieurs sentiments. Il avait devant lui le meurtrier de son père mais ce n’était pas lui qu’il fallait punir mais cet abject corrupteur. Anryéna percevait bien cela, la mort de son fils serait vengée le jour où ce Dimizar périrait. Le brouhaha s’installa rapidement mais tous les Envoyés étaient d’accord : Prophète était mort à cause des Néhantistes. Kounok se leva de son siège et prit la place de la Pythie au centre de la salle devant Télendar qui fut mis à genoux devant lui.
- Vous n’êtes pas responsable du meurtre de Prophète. Néanmoins d’après les lois du Conseil des guildes vous vous deviez en tant que chef de guilde des Combattants de Zil protéger les gens sous votre commandement des pouvoirs Néhantiques.
Cette règle faisait effectivement partie des lois du Conseil des Guildes, mais personne ne l’appliquait vraiment car plus aucune activité Néhantique n’avait été recensée depuis plus de vingt ans.
- Étant apte à vous juger au nom du Conseil de guilde, je vous condamne donc à passer le reste de votre vie à réparer vos erreurs. Sous notre surveillance et celle du Conseil vous allez contribuer à la lutte contre le Néhantiste nommé Dimizar. Ce sera votre unique raison de vivre. Une fois cela accompli, vous serez libre.
Une sentence magique ! Cela s’avérait rare mais important pour les Envoyés de Noz’Dingard car cela signifiait que Télendar ne trouverait le repos qu’une fois l’objectif atteint. Cela lui laissait une chance de se dépasser pour régler cette affaire dans les meilleurs délais.
- Vous allez retourner dans votre cellule jusqu’à ce que le Compendium soit prêt pour appliquer la sentence.
Kounok retourna devant son siège et fit face à l’assemblée.
- Au nom de Dragon je déclare cette affaire close. Gardes ! Emmenez-le.
Zahal, Moîra et Eglantyne l'escortèrent jusqu’à la prison pour éviter tout heurt avec la population.
Dans la grande salle du palais de Noz’Dingard, alors que Kounok s’entretenait avec Marzhin, Dragon apparut sous apparence humaine non loin d’eux. Le Maître-Mage mit un genou à terre en signe de respect.
- Allons Maître-Mage, je vous en prie, relevez-vous.
- Souhaitez-vous que je vous laisse entre vous ? Demanda Marzhin.
- Non, ce que j’ai à dire vous concerne. Des nouvelles des plus importantes me sont parvenues. L’expédition partie dans les Confins est revenue et avec elle le Mangepierre.
- Excellente nouvelle, coupa Kounok.
- Oui, et il est nécessaire que certains Envoyés se rendent sur place, ajouta Dragon.
- Ce sera fait, assura Kounok.
- Quand à l’autre nouvelle elle découle de l’action du Seigneur Galmara. Un passage a été ouvert entre ce monde et celui des esprits des morts. Arkalon d’Arpienne, tombé durant la guerre contre l’empire de Xzia en a profité pour revenir parmi nous rejoignant au passage les membres de la Kotoba qui se sont mis en marche pour mettre fin à la présence des Solarians au tombeau des ancêtres. J’aurais préféré que l’on nous demande de participer, mais tel n’a finalement pas été le désir de l’Empereur. Le retour d’Arkalon est déterminant, tout s'accélère. A présent et pour le moment quatre Chevaliers Dragon cohabitent. Ils guideront les armées de la Draconie vers de grandes batailles. Arkalon doit revenir vers nous et jouer le rôle qui est le sien. Il faut se préparer, Prophète, car tout cela va arriver dans un avenir proche.
Dragon tourna la tête vers Marzhin.
- J’ai une tâche très importante à vous confier Maître-Mage, il va falloir travailler avec votre fils.
- Nous sommes à votre service, Dra...
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que Dragon lui toucha l’épaule, tous deux disparurent instantanément.
Chapitre 2 - Châtiment
La petite fille attendait depuis des heures devant cette immense pierre bleutée. Elle s’ennuyait fermement et tuait le temps comme elle pouvait. Heureusement le jardin bordant le palais était une bénédiction en cette saison. Outre les milliers de fleurs qui s’y trouvaient c’était aussi un lieu de calme et de sérénité. La petite fille qui en avait marre d’attendre entreprit l’exploration des environs. Elle qui venait du fin fond de la Draconie profitait d’avoir la chance d’être ici. Elle s'émerveilla devant les statues des héros du passé et devant le grand bassin où des poissons aux formes exotiques vivaient en toute quiétude. Elle s’assit au bord de l’eau la tête pleine de rêves et d’espoir. Qu’elle était la raison de sa venue ? Elle n’en savait rien, mais peu importait. Un bruit la tira de sa torpeur, une petite créature apparut d’un buisson.
- Un dragon ! S’exclama-t-elle, chouette !
Effectivement toutes les caractéristiques attribuées par les légendes concernant les dragons étaient réunies devant elle, peau écailleuse, allure reptilienne, paire d’ailes et yeux fendus. A peine plus grand qu’un chiot le petit dragon s’approcha d’Ardrakar sans avoir peur. Il se frotta contre elle en réclamant les caresses ce qu’elle lui offrit avec joie.
- Tu es mignon, moi c’est Ardrakar et toi ?
- Il s’appelle Kounok répondit une personne qui s’approchait.
Venant de l’entrée du jardin deux personnes arrivaient. Il s’agissait de deux hommes, l’un ressemblait à un mage, il portait de petites lunettes, de longs cheveux longs bleu-gris, sa tenue bien que simple était remarquable par son épaulette de cristal à tête de dragon. Le deuxième était plus grand et visiblement porté sur les arts de la guerre de part son armure et son épée. Sa particularité physique se situait au niveau de sa chevelure entièrement blanche malgré un âge relativement jeune.
- C’est elle ? Dit ce dernier avec une pointe de déception. Elle est chétive.
Mais Prophète ne l’écoutait pas, il était fasciné par le lien tissé de manière si rapide entre Ardrakar et Kounok.
- Aucun de doute là-dessus mon ami, lui dit-il finalement.
Le mage s’accroupit devant Ardrakar et Kounok.
- Je vois que tu as fait connaissance avec Kounok, je suis Prophète. Tu sais qui est Prophète n’est-ce pas ?
La petite fille fit oui de la tête tout en prenant un air timide.
- Quand à lui c’est le Chevalier Dragon Arkalon, il aurait besoin d’une personne pour l’aider, en échange il te protégera et t’instruira.
Elle se leva alors avec agilité, tenant dans ses bras le dragonnet.
- J’aurai aussi une armure et une épée moi aussi ? demanda-t-elle en regardant Arkalon.
Le Chevalier Dragon s’approcha d’elle et posa sa large main sur la tête de la fillette.
- Si tu en es digne, oui, mais avant ça on va commencer par te donner un nouveau foyer et une bonne éducation.
Ardrakar se réveilla alors avec une étrange sensation. Pourquoi avait-elle rêvé de ce passage là de sa vie précédente ? Les sentiments l’affectaient moins depuis son passage dans le camps Néhantiste. Ce n’était pas de la tristesse, non, plutôt comme un mauvais pressentiment, une impression funeste, voire un malaise. Elle sentait une vague présence, quelque chose d’à la fois terriblement familier mais de si lointain. Ce matin là elle resta à l’écart des autres, songeuse, tentant de comprendre ces sentiments. Il lui fallait mettre au placard ces sensations si humaines qu’elle voyait comme une faiblesse. En début d’après-midi elle quitta le manoir de Zejabel sans en parler à personne. Elle se mit alors à marcher sans trop savoir où aller réellement. le temps passa sans même qu’elle s’en rende compte, elle franchit même la frontière de la Draconie. Et toujours ses sentiments...
La nuit était bien avancée lorsqu’elle arriva dans un endroit qu’elle connaissait.
- La tombe d’Ehxien... J’ai marché jusque là, combien de jours sont passés ?
Une légère brume exacerbait le côté mystique du lieu. La tombe du fondateur de Noz’Dingard et premier Chevalier Dragon était sacrée pour l’ordre dont elle fit partie autrefois. Elle progressa lentement pour arriver finalement devant le mémorial dédié à ce héros du passé. Une statue de cristal bleu avait été érigée sur un promontoire au cœur duquel reposait la dépouille d’Ehxien. Elle resta figée devant, des souvenirs ressurgissaient, lui rappelant ses origines.
- Honneur !
Le mot résonna comme un écho dans sa tête. Elle se retourna et fit face à une personne se trouvant là. C’était Arkalon d’Arpienne portant son armure complète de Chevalier Dragon, son visage était maigre et surtout c’était un fantôme. Ardrakar fut saisi d’effroi lorsqu’elle le réalisa. Arkalon serrait une arme mais restait immobile. Elle reconnut immédiatement l’épée, Azur, la lame qu’elle porta autrefois.
- Dévotion ! Fidélité ! Pragmatisme ! Te souviens-tu de ton serment Ardrakar ??
L’intonation ne laissait aucun doute quant à l'énervement et à la colère d’Arkalon.
- Comment en es-tu arrivé là, toi qui faisait ma fierté et ma joie ?
Il marqua une courte pause et reprit.
- Je suis revenu d’entre les morts pour toi, je viens sceller ton destin.
Ardrakar ne lui répondit pas, elle qui côtoyait des démons et les horreurs du Néhantisme était devant la seule personne capable de lui faire peur. Elle connaissait bien son ancien maître, elle l’avait vu combattre avec hargne les combattants de l’empire de Xzia. Le destin avait voulu qu’il ne repose pas ici parmi les anciens Chevaliers Dragons. Mais que voulait-il exactement, sa mort ? D’instinct, elle fit appel à sa lame, Chimère noire. Arkalon de son regard vide de vie regarda la lame confiée par Néhant. Elle prit son courage à deux mains et répondit.
- Tu ne sais rien de ce que j’ai vécu Arkalon.
- Je sais que tu as été faible, tu as cru pouvoir maîtriser Chimère mais son pouvoir t'a rendue folle.
- C’est faux, c’est elle qui m’a détourné du chemin, mais je ne regrette rien, regarde aujourd’hui, je suis bien plus puissante que toi.
- Je te regarde et je ne vois rien d’autre qu’une imitation ! Cria le chevalier avec rage.
Sur ce Arkalon planta Azur dans le sol, puis d’un geste ample la véritable Chimère apparut dans sa main. Ardrakar fut terrifiée d’être à nouveau en présence de la lame. En elle se mêlaient tellement de sentiments contradictoires qu’elle vivait là un véritable paradoxe. Qu’attendait Arkalon pour la châtier de ses actes ? Fallait-il que ce soit elle qui mette un terme à leur discussion ? C’est en tout cas ce qu’elle pensa alors qu’elle plongea pour affronter Arkalon. Le combat s’engagea par le choc des Chimères. A travers leur combat ce n’étaient plus les anciens frères d’armes qui se battaient, mais une opposition entre Néhant et Dragon. La violences des coups produisaient des bruits de cristaux qui s’entrechoquaient, comme des cris aiguës au travers de la nuit. Ardrakar fit appel a ses pouvoirs de Guémélite de Néhant alors qu’Arkalon comptait sur le lien étroit qu’il avait avec Dragon. L’ancien maître était impressionné par le savoir-faire d’Ardrakar, il était à la fois heureux de la voir avec un tel potentiel et triste pour ce qui lui était arrivé. Hélas pour Ardrakar elle ne fut pas à la hauteur, la véritable Chimère dépassait largement son alter égo Néhantique. Au détour d’une passe d’arme, Arkalon désarma son adversaire et lui assena un coup qui le projeta plus loin, inconscient.
Chimère satisfaite de la tournure des évènements retourna auprès de Kounok. Arkalon s’agenouilla ensuite près d’Ardrakar, puis pris d’un geste affectueux, il lui caressa la joue.
- Je te considère comme ma fille. Comme un père veillant sur son enfant je ne peux pas te laisser aux mains des Néhantistes.
Sur ce, il sortit d’une bourse de velours une pierre bleue tachetée de noir et la posa dans la paume de la main d’Ardrakar.
- Dragon m’a chargé de te donner ceci. Je t’échange la copie de Chimère contre Azur. Désormais à toi de prouver que tu es forte, il faut mourir pour pouvoir renaître.
Arkalon déposa un baiser sur la joue d’Ardrakar avant de la laisser là.
Elle émergea au bout d’un long moment avec un sacré mal de tête. Elle s’assit et remarqua la pierre dans sa main émettant une douce chaleur. C’était son ancienne pierre-cœur, celle qu’elle avait autrefois liée avec celle de Dragon avant d’obtenir de la main de Néhant une nouvelle pierre. A ce moment là elle craqua. Elle serra les jambes contre sa poitrine et laissa échapper des larmes noires. Devant elle Azur brillait intensément, comme si elle attendait qu’Ardrakar la manie à nouveau. La tentation était forte, elle se souvint des moments passés auprès d’Arkalon, l’homme lui avait tout appris pendant presque dix ans avant que la guerre ne lui prenne sa vie. Elle avait encore une chance de pouvoir faire marche arrière et prouver qu’elle était en fait un chevalier de la Draconie.
Elle se leva doucement et sans pouvoir arrêter elle appela Chimère noire, mais la lame ne vint pas. Une raison supplémentaire pour Ardrakar de ramasser Azur. Elle serra la poignée de l’épée et la tira de la terre. La lame était légère, bien plus que la Chimère de Néhant dont la magie néfaste était agressive. Azur quand à elle était un plaisir à manier, plus légère et plus fine.
Elle resta là à réfléchir sur sa condition et son avenir. Devait-elle continuer à suivre Néhant dont elle fut l’amante il y a bien longtemps mais aujourd’hui il lui préférait Ombreuse. Le moment de l’introspection était arrivé, elle quitta ce lieu sacré le cœur engourdi.
Dissidence
Chapitre 1 - Le lien invisible.
- C’est fait. Le germe du doute pousse lentement mais sûrement, elle sera l’une de nos meilleures alliées. A présent, mon fils, il est temps de jouer ton rôle et de la protéger.
Anryéna observait son plus jeune enfant, Exhien, qui jouait dans les jardins du palais. Kounok avait l’air affecté par les paroles de sa mère, mais doutait.
- Mère, je sens à nouveau le lien. Je vais vous laisser le commandement durant mon absence.
- J’en ai l’habitude, soit rassuré, la Draconie est sous bonne garde, indiqua Anryéna en se levant du banc sur lequel ils étaient.
- Je n’en doute pas, mais je n’ai pas quitté Noz’Dingard depuis que je suis devenu Prophète, dit-il avec un soupçon de culpabilité.
- Fonction que tu remplis à merveille. Je sais que tu penses ne pas être à la hauteur de ton frère, mais vous êtes très différents avec des méthodes différentes et des résultats différents. Être Prophète c’est aussi ramener vers Dragon les êtres qui se sont détournés de sa voie. Elle va avoir besoin de toi.
Pour réponse Kounok se leva à son tour, embrassa Anryéna sur la joue.
- J’espère ne pas être absent longtemps.
Anryéna regarda Kounok partir avec les yeux d’une mère pour son enfant.
- Tu éloignes encore un de mes enfants, père, nos adversaires sont autant des guerriers dangereux que des mages corrupteurs. Je ne supporterais pas de le perdre, dit-elle à voix haute.
- Défaitisme ! Il est plus à craindre pour les Néhantistes qui encourent le courroux de Chimère et de Prophète que l’inverse. Résonna la voix de Dragon.
- Il vaut mieux partir défaitiste et être agréablement surpris qu’avoir un excès de confiance et tomber de haut. Où est-elle ?
- Comme je m’y attendais, elle part vers l’autre personne en mesure de lui apporter des réponses. Mais sa progression est lente, Kounok la rejoindra à temps.
Anryéna parut alors inquiète.
- Viens mon chéri, dit-elle en tendant la main à Exhien qui l’attrapa aussi sûrement que si on lui avait tendu une sucrerie.
- Je suis avec lui, ma fille, n'oublie pas ça.
Chaque pas qu’elle faisait était une réflexion, un poids dans chaque plateau d'une balance qui déterminerait son allégeance. Le jeu du pour et du contre tournait en boucle dans sa tête sans que l’un ne puisse l’emporter sur l’autre. Elle avait jeté Azur loin d’elle avant de regretter son geste et de retourner la chercher. La pierre dans son front lui rappelait l'allégeance qu’elle suivait depuis plusieurs dizaines d’années, mais la pierre qu’elle tenait fermement dans sa main depuis l’affrontement contre son ancien maître Arkalon la tirait dans l'autre direction, vers Dragon. Que faire ? Cruel dilemme, odieux partage qu’elle ne désirait plus vivre. Pourtant, inexorablement elle poursuivit sa course vers une destination précise sans se rendre compte qu’elle ne décidait rien. Elle était appelée par une force qui la dépassait, Néhant. Ce voyage fut pour elle une introspection et une succession de remises en questions. Néhant, de sa prison de cristal n'appréciait pas ce doute, aussi il fit appel à celui qui l’avait rejoint depuis peu, son fidèle lieutenant Amidaraxar. C’est lui qui, grâce à ses pouvoirs attirait le seul et unique chevalier de Néhant qui existait, fermement décidé à ne pas laisser partir une possession de son maître.
Le soleil se cachait derrière l’horizon. Kounok laissa paître sa monture le temps d’une nuit de repos bien méritée. Assit près d’un feu il regardait le cœur battant vers le lointain. Il voyait l’épaisseur de la brume des Confins qui cachait la prison de Néhant, une réflexion lui vint “Quand est-ce que la Draconie sera débarrassée de ce furoncle purulent ?”. Pour Prophète cette prison était une tache d’encre sur un parchemin vierge. Son voyage à la recherche d’Ardrakar le mènerait-il à faire disparaître Néhant à jamais ? Demain il retrouverait celle pour qui il risquait tant. Il se souvint du début de l'entraînement lorsqu’elle était enfant, il ne ratait aucune occasion d’être en présence de la future remplaçante d’Arkalon. Le lien se renforçait, il en était parfaitement conscient. Cela lui rappela aussi le temps béni où sous sa forme de dragonet il était libre de voler et jouer avec sa compagne d’aventure. Il n’avait jamais compris pourquoi ce lien qui s’était fait entre eux dès leur rencontre existait. Etait-ce là le pouvoir d'un amour inavoué ? Ou bien un tour de Dragon pour que Kounok se sente moins à l’écart d’un monde qui ne lui ressemblait pas ?
Au centre de la brume des Confins, la prison de Néhant avait rarement connu autant d’animation depuis la fin de la guerre. Les Néhantistes préparaient consciencieusement la libération de leur maître à penser. La magie l'enfermant faiblissait, mais jusque là Amidaraxar n’arrivait pas à percer les secrets du puissant rituel fait par Eredan. Malgré cela Néhant pouvait faire sortir une manifestation magique de la gemme dans laquelle il était, donnant plus de réel à sa présence. Une dizaine d’esclaves travaillait jours et nuits à améliorer le confort des lieux, ils avaient érigé un trône sculpté dans la roche rouge des environs. Ombreuse passait la plupart de son temps à surveiller l'endroit afin que personne ne s'aperçoive de leur petit manège.
Néhant, bien en hauteur sur son trône, rageait.
- Comment ose-t-elle avoir un doute ! Comment peut-elle échapper à ma magie ?! Hurla-t-il.
Amidaraxar, genou en terre, regardant vers le sol répondit.
- Enfermé dans cette prison votre emprise est moins forte maître. Laissez-moi régler cela.
On ne voyait pas le visage de Néhant, caché dans une large capuche noire, mais nul doute qu’à ce moment celui-ci était figé par la réflexion. Ombreuse avait prit la place d’Ardrakar auprès de Néhant, ce dernier tenait à son ancienne amante pour des raisons pratiques : son incroyable talent de combattante. Mais il ne pouvait laisser un tel élément revenir dans le giron de Dragon. Aussi la décision fut-elle radicale.
- Fais donc, débarrasse-moi de ce problème.
Amidaraxar avait une idée derrière la tête en se proposant ainsi, il s’en alla mettre son plan en action. Il ordonna à un des humains présents de le suivre en dehors des brumes des Confins. Au-delà, la nuit tombait lentement. Le Néhantiste mit à genoux devant lui l’homme sous son contrôle et fit apparaître ensuite un large grimoire dans ses mains. Au fur et à mesure de l’incantation, un cercle se dessina autour d’eux et un halo de lumière rouge sombre se forma autour de l’homme qui se mit à hurler de douleur. Son corps changea pour devenir énorme et plus du tout humain. Son allure était celle d’un démon de la taille de deux hommes dont se dégageait une chaleur incroyable.
- Qui appelle Fournaise ?? Dit-il d’une voix étrange.
- Tu dis toujours la même phrase lorsqu’on t’invoque, tu pourrais varier un peu, répondit Amidaraxar avec humour.
- Toi ?!
Fournaise recula de deux pas en voyant son invocateur.
- Je suis à vos ordres maître, se ravisa-t-il.
- Je fais fi du tutoiement, je vais mettre ça sur le compte du temps passé sans avoir eu à faire à tes maîtres. J’ai besoin que tu fasses venir tes larbins.
Fournaise inclina la tête puis posa la main droite sur le sol qui se fendit en une multitude de crevasses rougeoyantes. De là sortirent une dizaine de petits démons, comme autant de mini-Fournaise. Caquetants et gémissants ils se groupèrent en se serrant les uns les autres.
- Les voilà maître, ordonnez, ils obéiront.
- Courrez à travers la plaine et ramenez-moi Ardrakar ! Dit-il en montrant une direction. Suivez l’odeur de la démone Déchirure !
Chapitre 2 - Déchirure
Ardrakar avait fini par sombrer dans le sommeil, vaincue par une fatigue qui s’accumulait de jour en jour. Même dans ses rêves son ancienne vie faisait irruption...
La guerre faisait rage depuis plusieurs mois. Les forces de Néhant gagnaient du terrain sur tous les fronts. Les 7 royaumes étaient tombés rapidement, l’attaque venant des terres barbares de l’ouest. Ardrakar avait reçu la charge d'arrêter une tribu dont la rumeur prétendait composée d’êtres s’abreuvant de sang. Les soldats sous son commandement avaient beau être des vétérans de la guerre contre l’Empire de Xzia, elle se retrouvait aussi avec une bonne moitié de troupe constituées de conscrits effrayés.
- Que des pleutres ! Ils doivent être forts pour Dragon.
Chimère parlait au chevalier dragon avec force. Depuis plusieurs jours elle dormait mal, la tête emplie de visions affreuses.
- Emmène-moi au combat Ardrakar, je ne te décevrai pas.
Elle guida ses hommes jusqu’à la frontière de la Draconie où elle rencontra les sauvages. La bataille fut violente à l’extrême, si bien qu’à la fin la victoire de la Draconie était totale, mais au prix de nombreuses vies.
Un bruit coupa le rêve, ou devrions nous dire cauchemar, d’Ardrakar. Ses yeux de démon lui permettaient une vision claire même s’il n’y avait pas la moindre lumière. Elle ne les vit qu’au moment où les larbins lui sautèrent dessus. Sa réaction fut trop tardive pour leur échapper. Elle eut le temps de saisir Azur et d’en embrocher un avant d’être submergée et finalement assommée.
Kounok se réveilla comme si on venait de lui hurler dans les oreilles. Il plaqua ses mains contre sa tête pour atténuer le bruit, mais rien n’y fit. Le lien était là, bien présent et désormais clairement établi. Il sentait qu’elle était en danger aussi se lança-t-il immédiatement à sa recherche. Il fila comme le vent à travers la plaine, poussant sa monture au maximum. Il se dirigea d’instinct dans la bonne direction et au bout d’une heure il trouva un objet brillant ainsi que d’autres affaires. Au sol il découvrit bon nombre de traces de pas griffus.
- Azur !
L’épée gisait quelques mètres plus loin recouverte d’une substance gluante et rougeâtre. Juste à côté un larbin bien mal en point tentait de se traîner pour fuir les lieux. Kounok fit apparaitre Chimère et l’enfonça dans la créature qui succomba immédiatement. Il récupéra Azur et se remit en route, sentant toujours Ardrakar en danger.
Kounok avait raison de s’en faire pour elle car les larbins arrivèrent où était Amidaraxar avec leur précieux chargement. Ils la déposèrent non loin du corps de l’humain que Fournaise avait habité. Ensuite ils se mirent en cercle autour du Néhantiste et de sa proie. Ardrakar avait mal partout, les larbins l’avaient traînée sans faire attention la cognant sur des cailloux. Amidaraxar marcha autour d’elle comme un vautour s'apprêtant à se délecter d’un cadavre.
- Chère Ardrakar, tu es tombée bien bas.
- Ami.. daraxar... A quoi rime cette mascarade ?
- Mascarade ? Ceci n’est pas une mascarade, ceci est la fin de l’aventure pour le chevalier de Néhant. Après tant de temps tu t'avères un échec, un soldat perdu pour la cause, se délecta le Néhantiste. Aussi je vais récupérer ce que le maître t’a prêté. Ce sera un processus lent et extrêmement douloureux. Il est probable que tu en meures même.
- Dimizar ne permettra pas ça, tenta-t-elle de répliquer.
- Di... mais laisse ce fou où il est, il n’a aucun pouvoir, il sert le maître comme moi et si le maître veut te voir morte, alors sa volonté sera faite. Je me souviens lorsque j’ai fait de toi la guerrière qui fit trembler les civilisations. Ce jour là je t’ai confié mon meilleur élément, pensant faire de toi la créature ultime, un être proche de Néhant ! Regarde-toi, tu es pathétique !
Amidaraxar s’éloigna d’elle et regarda les larbins.
- Tenez-lui les jambes et les bras, ordonna-t-il en sortant une lame de cristal noire de sa manche. Officions !
Il fit alors une profonde entaille dans le bras d’Ardrakar et imprégna la lame de son sang. Les larbins entrèrent en transe et commencèrent à l’unisson une sorte de mélopée incantatoire et lugubre dans une langue que peu de personnes osaient parler en terre de Guem. Amidaraxar plaça sa main libre en hauteur au dessus de sa victime tout en incantant des sorts Néhantiques. Une fois terminé, il posa sa main à plat sur le ventre d’Ardrakar qui hurla de douleur. Son armure et les vêtements recouvrant la peau de son abdomen se consumèrent rapidement laissant la peau apparente. Puis par magie le symbole de Néhant apparut, comme gravé au couteau, la douleur était incomparable et insoutenable. Elle perdit connaissance lorsque le symbole fut complet et s’illumina de rouge sombre.
- Je coupe les entraves qui te retenaient, démone, à présent tu es libre de revenir vers moi !
Une main translucide sortit du symbole, puis une deuxième. Elles s'agrippèrent à ce qu’elles purent puis ce fut le tour d’une chevelure, puis d’une tête de dépasser du symbole Néhantique. Enfin, d’un coup, s’aidant de ses mains la créature se propulsa pour se libérer du corps d’Ardrakar. Elle avait les traits caractéristiques d’un démon, une peau lisse et épaisse, des cheveux de feu, des cornes en haut d’un visage inexpressif et dépourvu de bouche. Ses formes étaient celles d’une femme et avait exactement la même taille et allure qu’Ardrakar. Elle s’inclina pour saluer un Amidaraxar ravi de revoir la démone.
- Autre temps, autre nom, désormais tu seras nommée Déchirure.
La démone fit apparaître une arme très étrange, sorte de faucille à la forme particulière.
- Oui tu peux l’achever, de toute façon elle est perdue.
Kounok arriva au moment où Déchirure brandissait son épée avec la volonté d’ouvrir la gorge d’Ardrakar. Le Chevalier Dragon sauta de cheval en plongeant sur la démone qui n’eut guerre le temps de réagir à l’assaut. L’impact fut rude mais l’un comme l’autre encaissèrent le choc et se relevèrent rapidement. Kounok fit apparaître Chimère en même temps que les larbins détalèrent pour éviter l’affrontement. Le temps se figea, Kounok observait ses adversaires consciencieusement. Certes il y avait la démone, mais il y avait aussi un Néhantiste inconnu. Aussi ne chercherait-il pas à vaincre ses ennemis, préférant établir une stratégie de protection afin de récupérer Ardrakar. Doucement il alla s'intercaler entre la démone et Ardrakar toujours inconsciente. Amidaraxar prenait la situation très au sérieux, on l’avait mis au courant de la nomination d’un nouveau Prophète ainsi que de sa description exacte. Il connaissait bien l’ancien Prophète pour avoir fait un duel magique lors de la guerre contre Néhant aussi aurait-il pu réagir en fonction s’il l’avait eu en face de lui. Mais là ce Prophète semblait être un combattant aguerri, de plus il portait Chimère et ça le rendait très dangereux. Il se contenta donc de regarder Déchirure se battre contre lui. Les premiers échanges entre les deux adversaires n’étaient que prétextes à une mesure des forces de l’autre. Chimère vibrait de contentement dans la main de Kounok et pour la première fois depuis qu’ils étaient côte à côte, la lame se fit entendre.
- Venge-toi Kounok ! Ils ont tué ton frère et tu es arrivé juste à temps pour sauver un ancien Chevalier Dragon. Frappe !!!
Le Prophète se concentra et fit appel au lien privilégié avec Dragon et s’élança contre la Déchirure. Mais celle-ci était redoutable, faisant preuve d’une agilité hors du commun, esquivant la lame de Kounok avec dextérité. Elle aussi préparait un coup. Chaque démon avait ses spécificités, pour elle c’était le fait d’être plus puissante en compagnie de ses larbins. Aussi fit-elle appel à ces derniers qui arrivèrent par un portail démoniaque. La situation se compliqua pour Kounok, ces petits démons avaient l’air plus menaçants que les autres. Hélas pour les créatures elles n’étaient pas très résistantes et en quelques coups trois d’entre elles mordaient la poussière. Les larbins sautèrent sur Kounok qui les évita, mais cela laissa une ouverture à Déchirure qui plongea lame en avant pour entailler profondément le flanc du Guémélite. Fort heureusement son armure le protégea en partie. Il répliqua en la propulsant sur Amidaraxar. C’était maintenant ou jamais. Kounok planta Chimère dans le sol, souleva Ardrakar pour la mettre sur son épaule avant de courir vers sa monture. Il aurait été vite rattrapé si Chimère n’avait pas émis une forte lumière bleue. Amidaraxar sentant là la magie de Dragon et craignant un coup fourré stoppa la course de Déchirure qui allait poursuivre le fuyard.
- Non !! Attends !! Cria-t-il en tenant le bras de la démone.
Il eut bien fait d’attendre car la lame s’évapora créant un effet magique destructeur.
- Intéressante rencontre. Ce Prophète va nous causer des problèmes. Activons-nous pour délivrer le maître le plus rapidement possible. Quand à toi démone je vais t’envoyer porter un message à Dimizar.
Chapitre 3 - De nouvelles révélations
La pluie battait le manoir de Zejabel depuis plusieurs jours. Dimizar savait qu’Ardrakar avait mis les voiles sans prévenir, ce qui l'avait mis hors de lui. Mais la colère laissa la place à la réflexion et aux interrogations. Il s’enferma dans son laboratoire avec pour consigne de ne le déranger sous aucun prétexte.
- Que fais-tu Dimizar, demanda une voix en provenance du miroir.
Mais il ne répondit pas.
- Que fais-tu Dimizar, répéta la voix avec plus d’insistance.
- Je cherche quelque chose. Mais merci de vous inquiéter de ce que je fais. Dit-il en lisant une page précise du journal. Je viens de trouver.
D’un pas décidé il traversa la caverne et fit face à son reflet déformé. Il respira profondément et dicta à plusieurs reprises une même phrase dans une langue ancienne.
- Que fais-t...
Mais l’image déformée disparut d’un coup, laissant place à une autre vision. Le sort qu’il venait de lancer servait autrefois à localiser les troupes Néhantistes, Zejabel très paranoïaque l’utilisait principalement pour espionner les autres mages adeptes de Néhant.
- Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt.
En effet Dimizar pouvait ainsi voir où se trouvait exactement Ardrakar. Le sort fut au-delà de ses espérances car il localisa Amidaraxar. Par curiosité il s’arrêta sur lui et regarda de quoi il pouvait bien parler. A sa grande surprise la discussion portait sur Ardrakar qui n’était pas loin de la prison de Néhant. Il observa donc tous les faits et geste du lieutenant de Néhant durant de longues heures, jusqu’à la capture d’Ardrakar. Un passage l’intéressa plus que le reste.
“Di... mais laisse ce fou où il est, il n’a aucun pouvoir, il sert le maître comme moi et si le maître veut te voir morte, alors sa volonté sera faite. Je me souviens lorsque j’ai fait de toi la guerrière qui fit trembler les civilisations. Ce jour là je t’ai confié mon meilleur élément, pensant faire de toi la créature ultime, un être proche de Néhant ! Regarde-toi, tu es pathétique !”
Fronçant les sourcils la colère monta.
- Ah oui, je n’ai aucun pouvoir ? Moi qui t’ai aidé à sortir de ta prison dont tu étais incapable de sortir tout seul, dit-il comme si Amidaraxar était devant lui. Pourquoi me traites-tu de fou ?
Les idées se bousculaient dans son cerveau. Il continua d’assister à la scène et vit le combat contre Prophète et l’inertie d’Amidaraxar face à lui.
- Tu pues la traîtrise à plein nez.
Dimizar continua le voyage avec l’aide du miroir pour arriver jusqu’à Masque de fer. Ce dernier était derrière la porte fermée du laboratoire et écoutait ce qu’il se passait.
- Bien... de mieux en mieux. Je comprends pourquoi Zejabel était aussi prudent, va falloir que je protège mes arrières, dit-il en annulant le sortilège.
Son image dans le miroir se déforma à nouveau.
- Alors Dimizar, c’était instructif ?
- Maître qu’est ce que ça signifie ? Déplora-t-il. Vous n’êtes pas satisfait de moi puissant Néhant que votre lieutenant et mon apprenti jouent contre moi.
- Je crois que tu es prêt pour apprendre une vérité.
- De quoi parlez-vous ?
- Ne t’es-tu jamais demandé pourquoi tes compagnons ne pouvaient ni me voir ni m’entendre ?
- Parce que telle est votre volonté ?
- Non, parce qu’ils ne le peuvent pas et ne le pourront jamais. Tu me prends depuis le début pour Néhant, or je ne le suis pas, bien que je l’eut servi autrefois.
- Zejabel, répondit Dimizar.
- Exactement, tu as notre pierre-cœur rappelle-toi, et je l’ai dit au travers de la lettre que j’ai laissé. Tu es moi et je suis toi.
- Pourquoi m’avoir fait croire que vous étiez Néhant. Vous m’avez trompé.
- C’était nécessaire. Et puis je ne t’ai pas fait croire, c’est toi qui m’a nommé ainsi. Mais grâce à moi tu es désormais aussi puissant que moi. Et ce n’est pas fini. Libéré de Néhant, attendant mon héritier j’ai réfléchi à ma condition et à mes pouvoirs. Ils étaient encore bien présents malgré tout. Aussi ai-je entrepris de les récupérer. C’est grâce à mes découvertes que j’ai fait de toi ce que tu es. Puis tu as permis à Néhant de se rétablir modérément.
- Et alors ?
- Pour Néhant tu n’es rien qu’un serviteur, tout comme moi je l’étais et à ce titre sacrifiable. Ce que j’essaie de te dire c’est que tous les pouvoirs que tu as, tu les garderas même sans être à la solde de Néhant et ce grâce à moi. Devenons celui que tu veux être. Tu es déjà lié à mon ancienne pierre-cœur alors cela ne sera pas difficile.
Le miroir se mit à luire, provoquant un flash verdâtre. Lorsque celui-ci cessa Dimizar sentit les changements. Il s’observa dans le miroir, son image était toujours déformée, sauf que cette fois, il le savait, le reflet était bien le sien.
- A présent, occupons nous du fouineur, dit-il en ouvrant la porte. Masque de fer fort surpris recula dans les escaliers.
- C’est ta pierre-cœur que j’ai là, dit Dimizar en montrant sa main où effectivement une pierre verte sombre se trouvait.
Masque de fer mit la main dans la poche intérieure de son long manteau et confirma l’absence de sa pierre-cœur.
- Que comptes-tu faire Dimizar ?
- Ce que j’aurais dû faire lorsque nous nous sommes rencontrés.
La pierre devint alors noire comme les ténèbres...
L'offensive Zil
Chapitre 1 - Le vent du changement
Kaketsu, le plus âgé des Conseillers se regardait dans le miroir de sa salle d’eau. Il devait se présenter sous ses meilleurs atours car ce jour était un tournant dans sa vie. Ses servants l’avaient habillé de la tenue cérémonielle du Conseil, celle qu’il n’endossait qu’en de très très rares occasions.
- J’ai vieilli, dit-il à ses servants.
- Nous sommes tous des prisonniers du temps, Doyen, mais chez nous la vieillesse est signe de sagesse.
- Flatterie, lâcha le vieil homme en rigolant. Venez autour de moi mes compagnons.
Les trois serviteurs arrêtèrent leurs activités pour écouter le doyen.
- Je suis fier de vous avoir à mon service, certains depuis quelques années, d’autres depuis presque une vie. Vous êtes mes appuis, mes confidents, mes conseillers et à vrai dire j’espère que vous continuerez à assumer ces rôles dans mes nouvelles fonctions. Je sais que je vous demande beaucoup, mais ça serait un véritable honneur de vous avoir à mes côtés.
Les serviteurs furent surpris. Le plus âgé d’entre eux, originaire de l’empire de Xzia souriait.
- Vous savez bien que je vous suivrai vers vos nouvelles fonctions, dit le serviteur en s’inclinant respectueusement.
Les deux autres suivirent le mouvement.
- Dans ce cas, préparez-vous pour le voyage, nous partirons dans deux jours. Quant à moi, il est temps de faire ce que j’ai à faire.
Ce jour là le Conseil de guilde, diminué de quelques membres se réunit pour une réunion ô combien exceptionnelle, ce qui avait une fâcheuse tendance à arriver souvent ces derniers temps. Le Doyen entra dans la grande salle où certaines places étaient inoccupées, il fut accueilli par une salve d'applaudissements de la part des Conseillers. Le vieil homme fut si ému qu’il prit la parole la gorge nouée et la voix tremblotante.
- Merci à tous, mes amis. Avant de commencer cette séance permettez-moi de prendre la parole. Je suis à l’aube de quatre-vingts années de vie. J’avais une dizaine d’années lorsque Eredan stoppa Néhant, clôturant ainsi une époque de guerre. J’eus même l’immense privilège de le rencontrer et de lui parler. Je me souviens encore de ce qu’il m’a dit - Une nouvelle ère de paix s’ouvre aux peuples de Guem. Des héros se sont levés face à l’adversité et ont vaincu. A présent d’autres héros vont apparaître, garants d’une paix précieuse.
Kaketsu marque une pause pour reprendre son souffle.
- J’ai vu le Conseil de guilde se créer et je savais que ma place était là, pensant protéger le monde. Ce que j’ai fait jusque-là. A présent un nouveau conflit ravage les terres de Guem et moi je suis trop vieux, incapable de voir le serpent se faufiler entre les pierres. Des conseillers ont failli, ils sont tombés sous l’influence du mal et sans l’intervention des Combattants de Zil et des Envoyés de Noz’Dingard la situation aurait empiré. Le flambeau doit être transmis à une nouvelle génération de conseillers et il doit y avoir un nouveau doyen.
L’émotion se fit sentir parmi l’assemblée.
- C’est au plus âgé d’entre vous de prendre le relais et de devenir à son tour Conseiller-doyen.
Kaketsu quitta son pupitre pour se mettre au centre de la pièce.
- Conseiller Vérace, approchez.
Vérace le savait, en l’absence d’Edrianne qui n’était plus conseillère, c’est lui qui était le plus vieux. Il s’avança avec fierté.
- Il vous appartient de guider les autres conseillers. La fonction de Doyen n’est pas simple, il vous faudra beaucoup de patience et de sang-froid pour résoudre les pires situations. Mais votre détermination à mettre un terme à la tempête que nous avons affrontée me fait penser que vous êtes la personne idéale. Je vous nomme au nom du Conseil et par ma qualité, Conseiller-doyen, dit-il en tendant la main au nouveau Doyen.
Tout le monde salua cette nomination, validant ainsi l’accession à la fonction par Vérace.
- A présent, Doyen, Conseillers, je vous quitte, mes appartements seront vides d’ici quelques jours. Bonne route à tous, dit Kaketsu en reculant vers la sortie. Je ne vous dis pas adieu car nous nous reverrons.
Le vieil homme laissa ceux qu’il avait côtoyés des années durant. Laissant Vérace prendre ses premières décisions. Ce dernier s’installa au pupitre-siège du Conseiller-Doyen et prit la parole.
- Chers conseillers, nous avons beaucoup de travail pour améliorer la situation. En premier lieu il faut nommer de nouveaux conseillers qui viendront s'asseoir parmi nous. Comme le veulent les règlements du Conseil vous avez deux jours pour me faire part de vos recommandations qui seront ensuite discutées dans une séance particulière le lendemain.
Les conseillers commencèrent à parler entre eux, laissant déjà échapper quelques noms. Vérace nota avec application les actes pris aujourd’hui comme devait le faire le Doyen. Pour cela il fut grandement aidé par un morceau de parchemin laissé par Kaketsu lui indiquant des points à traiter. Une fois cela fait et pour la première fois il tapa le sol du bout du bâton de cérémonie. Et se leva.
- En tant que Conseiller-Doyen, je suis chargé du bien fondé des lois votées par le Conseil. Suite aux récents évènements j’invalide la loi sur l’autorisation de la pratique du Néhantisme ! De même la guilde du dénommé Dimizar est déclarée hors la loi.
Il n’y eut pas un seul bruit dans la pièce, juste des hochements de tête appuyant la décision.
- Nous savons de sources sures et avec de nombreuses preuves que la tentative de prise de pouvoir est l’œuvre de ce Dimizar. Aussi je demande que soit mise à prix la tête de cette personne et que toutes les guildes en soient informées. Nous voterons demain sur ce sujet...
Une semaine plus tard.
Le Conseil sortait de plusieurs jours de délibérations sur divers sujets très importants. Kaketsu avait quitté le château de Kaes pour retourner vers l’empire de Xzia où un poste important l’attendait. Marlok et Abyssien furent tous les deux convoqués au château, la raison de leur venue n’était pas clairement citée aussi, mais ils s’y attendaient bien, le Conseil les avait nommés pour rejoindre l’organisation. Vérace les reçut dans une des salles annexes.
- Merci d’avoir accepté dit-il en donnant un verre rempli d’un breuvage à ses invités.
- Je n’ai pas encore dit oui, ironisa Abyssien.
Marlok prit une lampée et se posa dans un large canapé.
- Allons Abyssien, tu ne refuserais pas un retour au Conseil mon ami.
Abyssien s’installa à son tour dans un fauteuil.
- Bien sur que non, je comptais redonner la main au niveau des combattants.
- Vous honorez le Conseil, je suis certain que nous serons efficaces avec vous. Vous réglerez les détails administratifs avec le conseiller en charge de ça, j’aimerais que nous parlions de la situation actuelle.
- Vous songez à Dimizar en disant cela n’est-ce pas ? Demanda Marlok d’un air sérieux.
Vérace s’assit à son tour, soupirant.
- Nous avons frôlé le pire avec cette démone infiltrée. Dès lors il est important de prendre les devants et de frapper avant que l’ennemi ne s'aperçoive de notre action. Ne leur laissons plus aucun répit.
- Vous avez raison Doyen, dit Abyssien. Plus le temps passe plus nous laissons la corruption s’installer. Donnez carte blanche aux Combattants de Zil et nous débusquerons Dimizar et ses amis.
- La démone qui a été capturée a parlé, mais Dimizar est au courant il ne va pas rester sur place, j’appuie donc la demande du conseiller Abyssien, argumenta Marlok.
- Ce Néhantiste ayant été déclaré hors la loi, les combattants peuvent agir, le Conseil n’a pas spécialement d’aval à donner, répliqua Vérace. Tout cela nous amène à un deuxième point qui est directement lié à notre première affaire. Il semble que les Nomades du Désert soient aussi un sérieux problème. Mais nous ne pouvons pas dissoudre cette guilde sans que leurs membres aient enfreint les lois, hors tous les rapports les concernant sont clairs sur ce point, ils ont été attaqués et se sont défendus.
- Vous oublié que leur présence provoque un changement important, provoquant une sorte de corruption des terres alentours.
- Oui, Marlok, bien que cela soit du bon sens, aucune de nos lois ne permet de leur donner tort tant qu’ils sont sur un territoire qui n’appartient à personne.
- Vous voulez dire que tant que cela n’a pas atteint la Draconie, l’Empire de Xzia ou les territoires Eltarites nous ne pouvons rien faire ? reprocha Marlok.
- Hélas.
- Bon ! Je vais prévenir Farouche et vous laisser complo... euh, je vous laisse discuter du futur, dit Abyssien très amusé.
Chapitre 2 - Attaque directe
Grâce à diverses indications, les Combattants de Zil avaient localisé avec plus ou moins de précision l’endroit où devait être le manoir de Zejabel. Farouche menait les troupes avec beaucoup de passion et tout le monde était très enthousiasmé par ce raid contre ceux qui leur avaient causé bien des problèmes l’année passée. Bien que l’infiltration était pour eux un jeu d’enfant, ils eurent beaucoup de mal à trouver l’entrée du tunnel menant au manoir qui était bien cachée par un sort d’ombre. Celui-ci n’échappa pas à l’expérience de Salem.
- Maintenant on applique le plan à la lettre, pas d’écart ou de fantaisie. En premier lieu Sombre, Sangrépée, et Granderage vous partez en éclaireur, j’veux savoir combien ils sont dans leur repère. Une fois qu’on saura qui est où, on attaque avec la force de frappe. L’objectif est de capturer leur chef. Il sera facile à repérer c’est lui qui donne les ordres et qui est protégé par ses ptits copains. Souffla Farouche.
L’ensemble des Zil écoutaient avec beaucoup d’attention et d’excitation. Certes tout cela était extrêmement dangereux, mais cela n’était pas important vu l’enjeu de la manœuvre.
- Salem, Kuraying, je vous laisse mettre votre art en pratique. Ergue tu sais ce que tu as à faire. Grosse tête tu nous fais le réseau s’il te plait ?
- Ne m'appelle pas grosse tête, répondit le Psy avec beaucoup de patience. Je m’occupe de ça.
- Génial !
Farouche respira un grand coup.
- On se rate pas ! Dit-elle en regardant Kuraying.
L’étrange personnage se leva et s’inclina devant la jeune femme. Son visage ne laissait pas de doute sur ses origines, il venait de l’empire de Xzia. Son rôle au sein des Combattants était de préparer le terrain et de faire des spectacles en solitaire afin de repérer les endroits où les gens étaient ouverts aux artistes.
- Maître Salem, puis-je avoir l’honneur de m’occuper de cacher nos amis à la faveur des ombres.
L’épouvantail dodelina de la tête et Kuraying se leva.
- Venez à moi combattants nommés par Farouche que je vous cache aux yeux des ignorants, demanda l’homme au regard sombre.
Kuraying les emmena à l’écart à l’ombre d’un énorme rocher.
- Je vous demande de ne pas bouger, restez les bras le long du corps.
Alors qu’il fit comme une sorte de danse autour de l’ombre du rocher, des serpents noir comme la nuit sortirent de ses manches pour aller lentement jusqu’à une des filles. Et ainsi de suite jusqu’à ce que toutes soient enroulées par une des créatures. Tels des boas, ils se mirent à serrer très forts leurs "proies".
- Laissez l’ombre s’emparer de vous pour ne faire plus qu’un !
Les serpents tournoyèrent en serrant de plus en plus fort lorsque d’un coup il ne resta plus qu’eux, les filles Zil avaient disparu. Transformées en serpents des ombres elles avaient de quoi passer totalement inaperçues. Serpentant elles glissèrent entre les rochers et entrèrent dans l’orifice caché dans la paroi de la montagne.
Du côté de Farouche une autre partie du plan se mettait en place. Ergue chantait un air très perturbant, étrange et exotique. Soriek tenait un petit tambour à la forme particulière, rythmant ainsi le chant de son ami. Les autres Combattants de Zil surveillaient les alentours pour qu’aucun curieux ne vienne fourrer le nez dans leurs affaires.
Le Psy tenait la tête de Farouche de ses deux mains au niveau des tempes. “Farouche, tu peux désormais parler aux Combattants de Zil”. Salem assistait au rituel de Ergue avec beaucoup d'intérêt. En cet instant il ne regrettait pas la présence de ces personnes dans la guilde qu’il avait fondée, aujourd’hui il avait ce pourquoi il s’était battu, une guilde soudée et forte.
“Sombre, Sangrépée, Granderage, que voyez-vous? ”
“SSsssuis dans les jardinss, y a plein d’humainsss, des esssclaves. Ah y a aussssi une créature de cristal tout rouge et moche qui garde la sortie du tunnel.” répondit Granderage.
“Je suis dans le manoir, y a un démon qui se balade et un démon avec des drôles d'ailes” dit à son tour Sangrépée.
“Moi j’ai touché le gros lot, ils sont nombreux en dessous, y a comme une caverne, une sorte de laboratoire.”
A ce moment, Ergue et Soriek furent entourés par une fumée rougeoyante et tournoyante. Salem y vit à plusieurs reprises comme des masques tribaux, proche de ceux des Elfines, mais plus imposants. Peu à peu la fumée ce concentra et entoura une personne de la taille de Soriek, sauf qu’il n’y avait plus Ergue. Lorsqu’il n’y eut plus de fumée, Salem comprit, Ergue et Soriek ne faisaient plus qu’un, c’était très impressionnant.
“Faut les faire sortir de là, les filles, et comment fait on sortir des rats de leur trou ?” Interrogea Farouche.
“Avec du feu !” s’exclama Sombre, “Sangrépée vient me filer un coup de main s'il te plait.”
"J'arrive !"
“Attendez mon ordre pour agir ! Granderage, je crois que tes copains t’attendent, rends-toi à l’entrée de la caverne côté manoir et prépare-toi”.
“Très bien, ssss'est parti”.
- Maintenant que Mashtok est là, on peut y aller, on va les défoncer ! Dit la créature avec le mélange des voix de Ergue et Soriek.
- Dans ce cas, passe devant et amuse-toi bien. “Les filles, faites parler les flammes !" lança Farouche avec fermeté.
De leur côté Sombre et Sangrépée reprirent leur apparence dans un coin du laboratoire de Dimizar. Le Néhantiste était là avec une partie de sa clique. Sombre fit signe à Sangrépée de lancer sa bouteille enflammée en même temps qu’elle. Un petit signe de la tête et la fête commença. Les bouteilles s’écrasèrent sur les meubles de bois, répandant leur matière qui s’enflamma instantanément. La surprise fut totale pour les Néhantistes. A la vue du feu Dimizar et Masque de fer détalèrent comme des lapins devant des chasseurs. Seule Anagramme resta, visiblement irritée elle remarqua entre la fumée et les flammes les deux responsables. Sombre et Sangrépée qui commencèrent à leur tour à se diriger vers la sortie. Anagramme, très perverse attendit que Sombre commence à monter les marches pour attaquer. Sangrépée s’en rendit vite compte et un combat débuta entre elles avec la menace des flammes pour décor.
A peine l’assaut fut-il donné par Farouche que Mashtok se précipita dans le tunnel, son objectif était simple, agir tel un rocher déboulant une pente et ouvrir le passage jusqu’au manoir. Les autres Combattants de Zil lui emboîtèrent le pas, bien décidés à éradiquer toute créature Néhantique. Granderage attendit que la tête de Mashtok sorte de l’ombre du tunnel pour attaquer Carkasse. La créature à moitié Ergue à moitié Soriek plaqua Carkasse avec violence, laissant le champ libre aux autres de passer.
Dimizar ordonna à Masque de fer de défendre le manoir pendant qu’il se rendait dans son bureau. L’apprenti de Dimizar rejoint par Mâche l’âme tentèrent de faire front. La magie de Néhant fusa sur Mashtok, ayant pour effet de donner de la force à Carkasse qui reprit le pas pour finalement avoir le dessus. Mâche l’âme affronta Sanvisage et Kolère alors que Saphyra s’élança contre Masque de fer avec Salem. Manipulés par la magie de Dimizar et Masque de fer, les humains aux alentours furent contraints de s’interposer, dégoûtant les Combattants de Zil d’une telle perfidie. Un orage éclata au dessus du manoir déversant une pluie battante. Quant à Granderage, elle avait reculé et avait entamé un rituel semblable à celui de Ergue et Soriek avant l’attaque. Mashtok donna un grand coup à Carkasse de ses deux mains jointes pour le faire reculer, puis il fit un bond en arrière pour rejoindre Granderage. Terrifik le clown et le Psy s’interposèrent le temps que le rituel soit fini, ce qui ne dura que quelques minutes. C’est alors qu’un rugissement se fit entendre dans ce lieu entouré de hautes falaises. Ce cri, c’était celui d’un monstre, LE monstre, l’Abomination venait de refaire son apparition, mélange de Granderage, Ergue et Soriek. La créature Zil se jeta sur Carkasse et lui assena des coups de poings rageurs. Sa fureur était infinie et le pauvre Carkasse n’eut guère de chance contre un adversaire aussi fort. Un uppercut fit valser le colosse rouge, puis un autre coup de poing commença à fendre la croute de cristal. Enfin l’Abomination mit toutes ses forces dans un ultime coup. L’armure de cristal qui recouvrait la pauvre victime des expériences de Dimizar explosa en des dizaines d’éclats qui se mêlèrent à la pluie. Le cœur de l’’homme de chair et de sang qui se trouvait dessous cessa de battre, terrassé par son ennemi...
Dans le sous-sol Anagramme, Sombre et Sangrépée se battaient comme des furies. Mais les flammes les avaient repoussées dans les escaliers donnant l’avantage à la femme aux allures d’araignée en lui accordant un affrontement un contre un. Mais les Zil étaient toutes deux fortes et agiles, Anagramme savait qu’à présent elle devait s’échapper. Grâce à ses pattes elle s’agrippa au mur et d’un bond les positions s’inversèrent, elle était en haut et elles en bas, c’était le bon moment, elle se mit à courir vers la sortie.
Au deuxième étage, Dimizar, rejoint par le Déchu avait récupéré quelques affaires importantes. La fumée nocive roulait sur le plafond. Le Néhantiste n’avait pas le choix, la seule issue était bloquée par les Combattants de Zil, il lui fallait prendre un tout autre chemin. Il ne prit pas vraiment le temps de bien faire, il renversa son bureau et se mit à dessiner des symboles sur le plancher.
- Pourvu que ça tienne, dit-il, inquiet.
Dans le couloir le Déchu fut confronté à un problème pour le moins inattendu. Télendar, qui avait discrètement suivi les Combattants de Zil depuis plusieurs jours, profita du dos du Déchu pour lui planter une dague bien profondément entre les omoplates et la retirer aussi vite. Le Démon hurla et pour éviter un deuxième coup sauta par la fenêtre dans un grand fracas. Il eut énormément de mal à battre des ailes entre sa blessure et la pluie, mais il y arriva au prix de grands efforts. A l’intérieur, Télendar allait pouvoir prendre sa revanche et régler sa dette envers la Draconie. Il enfonça la porte du bureau de Dimizar et plongea dague en avant vers la forme qui s’y trouvait. Le Néhantiste était entrain de disparaître au moment où la lame perfora sa poitrine. Télendar lâcha la lame et roula par terre pour finir sa course la tête dans les bouquins posés en vrac.
La bataille du Manoir était finie quelques minutes plus tard. Le bilan n’était pas à la hauteur des espoirs de la guilde. La pluie s’arrêta assez vite, laissant le feu consumer doucement mais sûrement le manoir de Zejabel. Télendar alla à la rencontre de ses anciens camarades étonnés de le retrouver ici.
- Bien que Dimizar ai pris la fuite, j'ai réussi à lui porter un coup qu'il n’oubliera pas. J'espère qu'il va en mourir.
Enfin les humains étaient libres et le reste des Néhantistes en fuite, cela donnerait du répit à un monde qui en avait bien besoin. Enfin le pensaient-ils tous.
Dimizar réapparut à l’autre bout du monde dans un lieu sombre et humide. Il était à quatre pattes, du sang coulait par sa bouche et le long de la poignée de la dague plongée dans son poumon gauche.
Il sentait sa vie partir...
Le tombeau des ancêtres - Chapitre 2
Il faisait chaud en cette journée de fin d’automne si bien que le maquillage de Kyoshiro perlait en se mêlant à sa sueur. Les rues d’Okïa fourmillaient de soldats de l’armée impériale en garnison. Malgré cela il n’eut aucun problème pour circuler dans la ville en raison de l’énorme créature qui marchait à côté de lui. Mais la nouvelle de la présence du champion de lutte de l’Empire de Xzia se propagea très vite.
- La rumeur était donc vraie, on a bien fait de venir mon vieux, dit-il à l’attention d’Okooni.
Le Guémélite de la guerre n’avait qu’une idée en tête : manger ! Il resta donc silencieux jusqu’à leur arrivée sur la seule et unique place du village où une délicieuse odeur vint aux narines du colosse. Celui-ci attrapa son ami qui bien que de bonne taille paraissait minuscule à côté.
- Eh ! Qu’est-ce qu’il y a ? Lâcha Kyoshiro secoué par son ami.
- Manger ! Répondit-il avec force.
L’odeur venait d’un restaurant itinérant très connu qui suivait les mouvements de la Kotoba et tenu par l’un des meilleurs cuisiniers au monde, l’honorable et très respecté Ramen. Le petit homme aux joues bien rondes vit débarquer les deux compères et en fut extrêmement ravi. Les soldats bien que présents s’occupaient plus de leurs affaires que de nourriture. Okooni poussa les sièges et s'assit à même le sol pour être à la bonne taille vis à vis du comptoir de ce mini restaurant au grand désarroi de l’acteur Kotoba.
- Excusez mon ami, il a un gros creux, dit Kyoshiro à Ramen qu’il connaissait déjà.
- Ne vous excusez pas. répondit Ramen en se penchant vers le Guémélite. Alors honorable Okooni, je vais voir ce que j’ai pour votre... corpulence.
Le repas se passa au rythme de la description des derniers combats d’Okooni jusqu’à ce que le bruit d’une animation attire leur attention. Un énorme loup courrait dans la rue sans faire attention aux gens, provoquant une panique. C’était Ryouken, le féroce loup de guerre de la Kotoba. Il semblait perturbé levant le museau pour sentir l’air. Il s’arrêta près de la boutique de Ramen, reniflant à tout va.
- Qu’est ce qu’il y a ? Demande Kyoshiro. Un problème ?
Kyoshiro connaissait de nombreuses légendes sur Ryouken, il savait que ses apparitions menaient toujours à un combat, un affrontement ou une bataille. Le loup continua sa course effrénée en direction de la sortie de la ville.
- Suivons-le ! Hurla-t-il.
Okooni avala le reste du gigantesque bol que Ramen lui avait préparé, lâcha une bourse pleine de pièces de cristal avant de lever son énorme masse pour suivre tant bien que mal la frêle silhouette de Kyoshiro. Ce dernier voyant Ryouken les semer à vive allure, accéléra leur progression grâce à la magie de l’air. S’apercevant qu’il était suivi, Ryouken se mit à ralentir mais ne fut rejoint au bout d’une journée de course. Au loin la pierre tombée du ciel brillait de mille feux, entourée de rochers volants lentement. Le loup de guerre regardait dans cette direction précisément et repartit de plus belle accompagné cette fois d’Okooni et Kyoshiro.
L’armée éthérée de l’ancien général Zatochi Kage accompagnée de certains membres de la Kotoba s’était immobilisée pour laisser les vivants profiter de la nuit. Le tombeau des ancêtres était loin désormais et le lendemain augurait d’une bataille qui promettait d’être mémorable. Zatochi et Yu Ling regardaient les environs avec dégoût. La terre n’était plus que sable sans vie là où la nature autrefois s’épanouissait. Même la nuit était bouleversée par la forte lumière émanant de la pierre tombée du ciel. Mais cela ne choquait pas Iro qui se posa pour méditer et réfléchir à un plan de bataille. Il ne connaissait pas les forces des adversaires, mais leur magie était puissante et terriblement différente de celle des draconiens.
Yu Ling de son côté n’avait aucune appréhension, la vieille femme était dépositaire d’un savoir ancestral, celui des chasseurs de démons, et par le plus grand des hasards Zatochi fut aussi un membre de cet ordre en son temps.
- Malyss ! Cria-t-elle, réveillant le mage du Corbeau qui somnolait non loin.
- Oui ? Qu’est ce qu’il y a ? Paniqua-t-il.
- Nous allons avoir affaire à la magie d’un dieu, nous allons avoir besoin de renforts. Préviens de suite les traqueurs qu’ils viennent le plus vite possible ils nous seront utiles. Et préviens aussi Gakyusha et l’Empereur, qu’ils préparent les armées.
Malyss pesta d’être utilisé comme un simple messager, mais il fit ce qu’on attendait de lui et créa plusieurs corbeaux d’ombre qui s’envolèrent dans cette nuit lumineuse.
Quant à Arkalon, ancien Chevalier-Dragon, il restait de son côté, évitant de trop se mêler à ceux qui furent ses ennemis. Depuis son retour dans ce “monde” il sentait le lien avec Dragon se reformer. Au beau milieu de la nuit il fut de nouveau capable de converser avec lui.
- Ainsi tu es revenu, lui dit Dragon. Que cherches-tu Arkalon ?
- J’ai vu ce qu’est devenue Ardrakar et j’en suis offensé. Permettez-moi de la remettre sur le droit chemin, ensuite je ne perturberais plus l’équilibre des mondes. J’ai fait serment d’aider le général Zatochi et la dénommée Yu Ling à affronter je ne sais qui.
- L’équilibre a déjà été rompu au moment où la pierre tombée du ciel c’est écrasée sur Guem.
Dragon marqua une pause.
- Je regrette que tu n’aies pas eu les funérailles dignes de ton rang. Lorsque tout cela sera fini, tu seras honoré comme il se doit.
- Merci Dragon. Peut être ai-je mal jugé nos opposants, je sens ma magie vaciller ici.
- Mes yeux sont aveugles, je ne vois pas ce qu’il se passe au tombeau des ancêtres.
- A mon avis, Seigneur, il n’est pas certain que l’empire gagne cette bataille. C’est un pressentiment.
- Tu as bien dit général Zatochi ? L’ancien maître des chasseurs de démons ? La bataille s’annonce épique. Je vais envoyer des gens pour aider au combat, quant à toi nous t’aiderons à accomplir ce pourquoi tu es revenu parmi nous.
- Je vous remercie, Dragon.
Ïolmarek, en hauteur sur une des pierres flottantes autour de la gemme jaune observait l’armée de fantômes arriver sur eux. Ils étaient si nombreux qu’à côté les nomades n’étaient qu’une insuffisante poignée.
- Eksoun ! Aramak zar !
Il avait déjà entendu cette voix auparavant, c’était celle du chant du cristal ! Elle venait de l'appeler dans une langue qu’il comprenait sans jamais l’avoir parlée.
- Je suis votre dévoué ! Assura le vieux nomade.
- Je serais bientôt là, serviteur, et alors ce monde deviendra un amas de cendres. Défend la pierre, IL sera à ton écoute.
Ïolmarek le savait déjà, il sentait qu’ici tout était possible et il avait déjà un plan pour défendre les lieux. Il appela Soraya pour faire le point avec elle sur l’ordre qu’il lui avait donné.
- Oui grand prêtre ?
- Seras-tu capable d’accomplir le miracle que j’ai demandé ? S’inquiéta-t-il.
- Il va revenir oui, encore un peu de patience.
- Ma patience atteint ses limites.
Le soleil pointait le bout de ses rayons lorsqu’un hurlement vint percer le silence funeste. Iro se réveilla, fatigué mais malgré tout en alerte. Il se leva d’un bond pour voir d’où venait ce cri animal. Ryouken arriva à toute allure, précédant d’une longue distance ses deux compagnons à bout de souffle. Le loup de guerre traversa les rangs des fantômes ne s’arrêter qu’à la hauteur de Zatochi qui fut surpris de le voir. Ryouken sauta sur la cuirasse en partie vermoulue du général manquant presque de le reverser. Ce dernier passa sa main dans l’épaisse fourrure du Guémélite de la guerre.
- Vous vous connaissez ? interrogea Iro stupéfait.
- Nous avons un destin en commun. Ryouken a combattu avec moi ici-même, à l’époque il y avait une meute entière de vaillants combattants comme lui. Je les ai vus arracher des bras comme si leurs ennemis n’étaient que de vulgaires poupées. Tu as senti l’odeur d’Ushikami le chef de meute n’est-ce pas ? Reste à mes côtés et tu auras l’occasion de très vite le revoir à l’œuvre.
- Ushikami... Maintenant que vous en parlez je me souviens de la statue qui vous représente à Meragi, vous chevauchez une créature énorme, ajouta Iro.
Kyoshiro et Okooni se frayèrent un chemin à leur tour, impressionnés par cette armée ô combien extraordinaire. L’homme de scène qu’était Kyoshiro se retrouva au milieu de glorieux ancêtres dont certains avaient hanté nombre de ses histoires. Il s’inclina respectueusement devant Iro et Zatochi.
- C’est un immense privilège pour les modestes personnes que nous sommes que de vous rencontrer. Nous espérons que nous vous seront utiles dans cette... bataille ?
- Soyez les bienvenus, les accueillit Yu Ling. Toute bonne volonté est appréciée, dit-elle en montrant un tatouage bizarre sur son avant-bras.
Kyoshiro et Okooni reconnurent le symbole en forme de tête stylisée d’une créature, comme un masque de samouraï : celui des chasseurs de démons. Cet ordre depuis la fin de la guerre contre la Draconie était devenu secret et avait soi-disant disparu. En réalité il agissait en coulisse, ses membres éparpillés aux quatre coins du monde ne connaissaient dans leur vie que peu d’autres chasseurs de démons. Kyoshiro prit un air sérieux et à son tour leva sa manche, découvrant le même symbole.
- Je trouve cette coïncidence étrange, dit-il d’une voix beaucoup plus monocorde et grave qu’à son habitude.
- Je suis Grande chasseresse de l’ordre, mais nous en parlerons à un autre moment, pour l’instant je vais vous demander de mettre en pratique ce que l’on vous a enseigné, ordonna-t-elle avec détermination. Général, remettons-nous en route.
Les genoux de Soraya s’enfonçaient dans le sable chaud au pied de la pierre. Elle implorait depuis maintenant une bonne heure que le dieu qu’elle avait servi toute sa vie daigne lui accorder ce qu’elle désirait. Sa prière était presque finie, elle plongea les mains sous les grains de sable en entonnant cette fois à haute voix l’antique invocation que son prédécesseur et grand prêtre de Kehper lui avait confiée avant sa mort.
Soudain il y eut comme des vagues sur la surface lisse de ce désert miniature, puis Soraya fut prise de spasmes et se roula au sol. Sa respiration devint haletante et son cœur battait la chamade.
- J’entends ta prière et y réponds, prêtresse, le temps est venu pour moi de fouler cette terre comme je le fis jadis.
La jeune femme ressentit alors l’extase d’une présence divine, le dieu qu’elle avait prié toute sa vie l’honorait en l’incarnant. Sa peau devint entièrement noire avec des reflets dorés et aussi dur que la chitine. Sur son front poussèrent deux antennes et ses yeux devinrent opaques et à la couleur d’or. Ses soubresauts cessèrent et Soraya, enfin Kehper, se releva. Elle respira un grand coup et examina ses mains qui se terminaient par des petits crochets. Les nomades qui assistèrent à la scène furent très impressionnés. Ïolmarek sentit la présence d’une divinité et il fut rassuré.
- Venez à moi mes fidèles guerriers, hurla l’incarnation de Kehper en plongeant ses mains dans le sable.
Le sol trembla puis des créatures sortirent de terre. Leur apparence était celle de gros scarabées noirs dont les mandibules pouvaient couper même du métal. Il en poussait de partout si bien qu’au final c’était une armée qui était sortie du sol.
- Sol’ra n’aura pas à intervenir, mon armée exterminera quiconque nous fera face, qu’ils soient humains ou non !
- Je prierais pour votre réussite, ajouta un Ïolmarek galvanisé par la perspective de la défaite adverse.
Le soleil était à son zénith lorsque les deux armées se firent face. Il n’y eut aucun temps mort, aucune hésitation et encore moins d’évaluation des forces adverses. Avec fureur, l’incarnation de Kehper, les créatures scarabées ainsi qu’une bonne partie des nomades se jetèrent sur l’armée adverse composée de Zatochi, des fantômes des ancêtres, de Iro et des chasseurs de démons.
Le rouge des tenues impériales se mêlèrent au noir des scarabées. Rapidement les chasseurs de démons firent des ravages dans les rangs nomades, d’antiques sortilèges de la guerre fusèrent, éclatant pattes et carapaces. De leur côté les nomades n’étaient pas en reste. Kararine, Ahmid, Lodir et Malika, inspirés par les prières à Sol’ra repoussaient les fantômes avec facilité.
Au milieu de ce chaos total Kehper incarné dans le corps de Soraya dévoilait une redoutable puissance. Se rendant compte de la difficulté de ses troupes à résister aux vivants de la Kotoba, le dieu entreprit de s’interposer. Il se retrouva face à Zatochi qui devant lui planta son sabre à double lame et frappa le sol avec la paume de sa main. Des symboles Xziarites apparurent avant de s’effacer aussi vite. Zatochi venait d'appeler Ushikami. L’énorme loup était vraiment une réplique de Ryouken, mais de taille démesurée, il était bien plus gros qu’un bœuf. Il déchira de sa puissante mâchoire plusieurs scarabées avant que le général ne monte sur son dos. A présent ils n’avaient plus qu’une obsession.
Au fil de la bataille les positions s’inversèrent. Iro se trouvait être un fin tacticien, voyant que le flanc gauche de la mêlée leur était acquis il ordonna aux troupes de continuer la percée pour prendre à revers le flanc droit. Ce dernier n’était pas à l’avantage des Xziarites mais tint bon grâce à Kyoshiro et Ookoni qui prouvèrent aux autres membres de la Kotoba qu’aucun d’eux n’avait volé leur présence au sein de la guilde impériale. Les minutes défilèrent comme des années. Kehper faisait face à Zatochi, mais ce dernier bien que redoutable combattant ne faisait pas le poids. Yu Ling et Malyss lui prêtèrent main forte, résistant tant bien que mal. Iro vit la bataille changer son cour. Kehper comprit que les fantômes n’étaient que des soldats sans grande importance et appela ses troupes afin que telle une vague insectoïde, elle submerge Zatochi et les autres vivants. Une fois ces personnes détruites le reste ne serait que du détail. Le champion de l’empereur hurla ses ordres demandant à Kyoshiro et ses compagnons de bataille de percer le centre des rangs nomades. Ce qu’ils firent avec l’aide de l'impressionnante masse d’Okooni. Iro joignit le mouvement, mais quelque chose le perturba. Tout autour de lui sembla ralentir, sa main se porta alors sur Kusanagi, l’épée semblait vouloir l’aider. La lame brillait intensément et guida le bras du champion, taillant les scarabées d’un seul coup.
Yu Ling était blessée, tout comme Malyss. Zatochi était affaibli par la théurgie de Kehper. La bataille allait être perdue ! L’incarnation désarçonna le général puis l’attrapa par la gorge. Bien que fantôme et insensible à la douleur, la poigne de la femme insecte provoquait des ravages en terme spirituel.
- Pauvre de toi, tu vas disparaître à jamais ! affirma Kehper.
Zatochi se sentait partir, il était vidé de sa substance, son âme fondait comme neige au soleil. Alors qu’il s’attendait d’un moment à l’autre à disparaître, Iro intervint. Le héros de la Kotoba utilisa toute son expertise en terme de maniement de lame et coupa d’un geste l’avant-bras qui tenait le général. L’incarnation du dieu de son visage mi-humain sembla en colère.
- Comment oses-tu porter la main sur un dieu ! Misérable chose !
Iro répondit en se mettant en garde, lame en avant. Sur le côté Yu Ling et Malyss se soutenaient l’un l’autre pendant que Ryouken les protégeait. A ce moment précis, la bataille se joua, Iro affrontait Kehper, chacun le savait celui des deux qui survivrait ferait remporter la victoire à son camp. Le champion sentit qu’il n’était pas seul. Outre ses compagnons et ses ennemis il y avait quelqu’un d’autre, et pas n’importe qui. Focalisé sur son duel il ne fit pas attention à qui était à ses côtés. Mais tous les autres Xziarites le virent, Zatochi reconnut immédiatement cette personne qui était dans la même position martiale qu’Iro. Son armure était splendide et le masque qui cachait son visage était célèbre car triste et effrayant. Lui aussi tenait une épée, la même que celle brandie par Iro, Kusanagi ! Aucun doute sur l’identité de l’apparition, c’était le premier empereur, celui qui posa les fondations d’une civilisation florissante, le chef de guerre Xzia.
Iro s’élança en même temps que Xzia si bien que l’on pouvait se demander qui imitait l’autre. Kehper fit appel à ses dons divins et une nuée de scarabées se forma devant lui en même temps qu’il fit repousser sa main. Inconscients du danger Iro et Xzia plongèrent au travers des insectes pour atterrir juste devant l’incarnation. Mordus par des dizaines de petit scarabées, Iro sentit sa peau se déchirer, mais il passa outre la douleur, porté par l’empereur il frappa de toutes ses forces, serrant Kusanagi comme si elle était une extension de sa propre vie. Kehper tenta d’esquiver mais n’échappa pas à la lame qui lui trancha la tête au niveau du cou, le décapitant.
La tête de Soraya roula sur le sable entre les pattes des créatures scarabées...
L’hiver arrive
Noir...
La chaleur devrait partir...
Mais elle est encore là au plus profond de la terre...
Cela ne peut être ainsi, j'entends l’écho de la lente agonie...
Combien de temps ai-je passé à dormir ?
La terre couverte de feuilles mortes se souleva, découvrant le riche humus de la forêt Eltarite. Quelque chose sortit de là, on aurait dit une main, mais faite de racines. Puis lentement l’espace autour se souleva à son tour avec pour seuls bruits le bruissement du vent dans les branches presque dénudées. Les rares animaux qui se préparaient à passer la saison froide cachés au fond d’un terrier ou d’un trou dans un arbre s’arrêtèrent intrigués par l’activité. Des mottes de terre mêlées de végétaux morts tombèrent du dos d’une créature pour le moins étrange. Elle avait bien deux bras, deux jambes et toutes les caractéristiques d’un humanoïde mais son dos était voûté, ses doigts touchaient le sol. Son allure chétive contribuait à lui donner l’apparence d’une créature morte, mais tel n’était pas le cas. Elle se balança de droite à gauche, puis commença à marcher dans une direction. Ses pas imprécis et ses jambes ayant perdu l’habitude de la porter manquaient de le faire tomber. Avec douleur, son corps engourdi par le sommeil se réveillait lentement. Ses yeux s’habituaient doucement à la faible lumière de l’automne et ce qu’elle entrevit le catastropha. C’était l’automne, bien avancé certes, mais l’automne tout de même. Or, depuis qu’elle existait, fruit de l’Arbre-Monde, chacun de ses réveils ne se faisait invariablement qu’au plus profond de l’hiver. Désorientée, sans repère, la créature tourna en rond jusqu’à ce qu’enfin elle sache où aller, attirée par ses congénères.
Parlesprit suivait depuis quelques temps déjà les esprits de la forêt qu’il trouvait perturbés. Ceux-ci suivaient un chemin qu’eux seuls semblaient connaître mais qui n’avait pas de logique. Tournant au détour d’un arbre, passant sous une racine ici, faisant parfois demi-tour. Il crut même à un moment que ses petits compagnons lui jouaient un tour facétieux. Les esprits en forme de flamme s’arrêtèrent près d’un trou fraîchement creusé où des vers de terre luttaient contre la goinfrerie de quelques hérissons. Parlesprit ressentit une magie de la nature encore en activité et les petites créatures se mirent à suivre une piste tout aussi erratique que le chemin parcouru jusque-là. Finalement le Daïs se retrouva face à face avec la créature sortie de terre. Les esprits l'entourèrent et sautillèrent comme pour la saluer. Elle ne bougea pas, se stabilisant sur ses deux larges pieds, ses yeux fixaient le Daïs avec intensité. Parlesprit examina ce qu’il venait de trouver avec intérêt et curiosité, puis perçut ses pensées confuses. Il lui parlait comme le faisait les siens. Malgré l’aspect physique il n’y avait pas de doute, ce qu’il avait en face de lui était un Daïs, mais il ne le connaissait pas, il avait l’air vieux. La créature couverte de racines et de terre se rapprocha de Parlesprit.
- Fruit du Grand Arbre, enfant de la nature, accepteras-tu d’aider ton aîné ? Lui dit-il par la pensée.
Parlesprit inclina la tête.
- Le temps m’a courbé et brouillé les idées, mène moi à mon frère, Quercus, ainé de tous les Daïs.
Quercus ? Oui, le nom de ce Daïs faisait partie des légendes, il fut le premier fruit de l’Arbre-Monde et celui qui enseigna la voix de la nature au Kei’zan.
- Quercus ? Il s’est éteint il y a bien longtemps, qui êtes-vous pour l’avoir connu ?
- Quercus... retourné à la terre. Eikytan, c’est le nom que m’a donné le Grand Arbre. Qui dirige les Eltarites ?
Ce nom aussi, Parlesprit l’avait déjà entendu, le Kei’zan le mentionnait dans d’autres histoires en d’autres temps. Eikytan... le gardien de l’hiver que l’on priait lorsque venait la saison froide afin que chacun puisse trouver un lieu et de quoi passer cette période. Mais en aucun cas il ne s’agissait de quelqu’un de vivant ! Les Daïs étaient rarement impressionnés par quelque chose ou quelqu’un, mais cette fois-ci Parlesprit ressentit de l’honneur de rencontrer et discuter avec une si illustre personne.
- Venez Eikytan, je vais vous conduire au Kei’zan.
- Kei’zan ? Hum... bien. Prête-moi ton épaule que j’y pose ma main, mes jambes sont engourdies.
Sa réaction mit un froid à Parlesprit, mais il n’en dit mot et préféra voir ce qu’il allait advenir de la rencontre entre eux deux.
Au nord de la forêt des Eltarites, le Sachem et le Kei'zan s’occupaient du Mangepierre. Le Grêlé, quant à lui arrivait sur le territoire d’Akem en compagnie de deux invités de marque et alliés des Coeurs de Sève - Pilkim et son père, le Maître-Mage Marzhin. Ces derniers étaient envoyés par Dragon afin de rencontrer le Mangepierre et de juger de sa capacité à être la réponse au conflit de la pierre tombée du ciel. Le Kei’zan accueillit ses invités avec une grande diplomatie.
- Envoyés de Dragon, vous êtes ici chez vous...
Il n’eut pas fini sa phrase que Pilkim, derrière son père se décala et vit un peu plus loin le Sachem en train de discuter avec le Mangepierre, petite créature d’à peine un mètre de hauteur et à l’aspect qui ne laissait présager d’aucun pouvoir particulier. Le jeune Draconien tira le manteau de son père en lui montrant la créature.
- Veuillez pardonner mon fils, Kei’zan, s’il est doté d’un génie en terme de puissance magique, il est peu doué pour le protocole, dit Marzhin gêné.
- Ce n’est rien, vous êtes venu voir le Mangepierre, aussi ne perdons pas de temps, ajouta le Daïs en les invitant à rentrer dans le village aujourd’hui peuplé de ceux qui furent autrefois dans les confins.
Le vent soufflait lentement dans les arbres, les dénudant un peu plus à chaque fois de leurs feuilles orangées. Pilkim courut jusqu’à la petite place centrale et s’arrêta juste avant d’atteindre le Sachem qui tendait justement quelques gemmes de couleurs différentes à son petit protégé.
- Alors c’est vrai, il mange bien des cristaux s'extasia le jeune mage. Il en mange beaucoup ? Il a grandi depuis qu’il est sorti de son œuf ? C’est bien d’un œuf qu’il est sorti n’est-ce pas ? Il fait de la magie ? Il dort combien d’heures par nuit ? Enfin si il dort bien sûr...
Pour une fois l’adolescent se montra véritablement loquace alors qu’en temps normal il n’aurait pas dit un mot, surtout en présence d’étrangers qui plus est d’une autre origine.
- Pilkim ! Cesse donc de harceler ce monsieur veux-tu ! Contente-toi pour le moment d’observer, car c’est par là que tout commence.
L’enseignant qu’était Marzhin reprit le dessus et il s’adressait à Pilkim comme s’il était un de ses étudiants. Pourtant il ne l’était plus depuis bientôt deux ans, mais ça le Guémélite avait beaucoup de mal à l’admettre. Le jeune garçon fit alors ce qu’on attendait de lui et même plus, prouvant qu’il était surdoué. Il se pencha au-dessus du Mangepierre et l’examina, percevant ainsi sa nature.
- Et bien à en juger la magie qui émane de lui on pourrait penser que c’est un Guémélite. Mais dans ce cas il devrait avoir une pierre-cœur visible quelque part sur son corps. Hors il ne présente pas cette caractéristique, aussi cela ne laisse supposer qu’une chose, la pierre est à l’intérieur de son corps.
Pilkim hésita puis toucha la peau grisâtre du Mangepierre, parcourant les étranges bandes blanches qui telles des tatouages parcouraient sinueusement son corps.
- Je ressens une puissance incroyable et unique... Père de quel élément est-il ?
Le Maître-mage était un spécialiste des Guémélites, lui-même l’était devenu, et à plusieurs reprises, ce qui en soit était un exploit de haute volée. Il existait beaucoup d’éléments, mais dans le cas du Mangepierre cela n’était ni le feu, ni l’air, ni l’eau, ni même un élément plus exotique comme l’ombre ou la lumière. Non cette fois, c’était très différent, il y avait en lui une puissance que les draconiens côtoyait, si familière.
- N’y a-t-il rien qui te fasse penser à quelque chose au niveau de la magie mon fils ?
Pilkim sourcilla puis plaça ses deux mains sur le dessus de la tête du Mangepierre. La relation évidente entre elle et Dragon lui sauta à la figure.
- C’est un Guémélite... de Guem ??? S’étonna-t-il.
- C’est la théorie que j’ai. Dragon ne nous a pas envoyé ici par hasard, il devait se douter ou connaître la nature du Mangepierre.
Les Eltarites assistaient à la scène en tentant de suivre la conversation, mais les termes utilisés par les draconiens n’étaient pas les même que les leurs et ils furent à la traîne rapidement.
- Ce qui est étonnant c’est que son attitude correspond à celle d’un enfant, difficile alors de connaître ses pouvoirs. Ajouta Marzhin avec perplexité. Vous dites qu’il était dans un œuf ?
- Oui, répondit le Sachem. Il est resté sous cette forme depuis que nous l’avons eu, il y a très longtemps.
- Pourquoi a-t-il éclos maintenant alors ? Demanda Pilkim.
- Là aussi j’ai une théorie. Vous devez savoir que la magie émane de Guem. Si nous autres Guémélites pouvons utiliser un fragment de magie, comme par exemple la magie du feu pour les Guémélites du feu, nous entretenons un lien étroit avec le dit élément. Dragon est lié à Guem, c’est pour ça que sa perception du monde est si précise. Il doit en être pareil pour le Mangepierre.
- Vous voulez dire que Guem aurait demandé au Mangepierre d’intervenir ? Interrogea Kei’zan.
- Tout à fait ! Mais pas directement, je crois que c’est par notre biais que cela est arrivé. Ceci dit, je me demande toujours quels sont ses pouvoirs.
Alors que Marzhin et Pilkim analysaient le Mangepierre, l’attention du Kei’zan et du Grêlé fut attirée par l’arrivée de deux personnes. Parlesprit arrivait sur le chemin menant au village d’Akem et celui qui le suivait glaça le dos du Grêlé. Cela lui rappela des souvenirs très désagréables.
- Eikytan !!! Fit-il raisonner dans les têtes de toutes les personnes présentes avec une grande amertume.
Kei’zan attrapa le bras de son frère pour le retenir.
- Non ! Ne fait rien qui pourrait te valoir un retour dans ta prison d’ambre ! Menaça-t-il.
Eikytan ne reconnut le Kei’zan et le Grêlé que lorsque sa vue lui permit c’est à dire que lorsqu’ils arrivèrent à leur niveau.
- Voici Eiky... allait dire Parlesprit.
- Nous savons qui c’est, coupa le Grêlé énervé de se retrouver en présence du vieux Daïs.
- Dans ce cas je ne vais pas déranger plus, répondit Parlesprit très gêné de la soudaine détérioration de l’ambiance.
- Tu peux rester, mon ami. Quant à toi Eikytan je suis dubitatif quant à la raison de ton réveil.
Le vieux Daïs tenta de se redresser mais la douleur le contraignit à attendre plus avant de renouveler l’expérience.
- Ainsi tu as pris la place de Quercus jeune Daïs.
- Il n’a pris la place de personne, le rôle de guide de la nation Eltarite lui a été confié à la mort du vénérable ! Râla le Grêlé.
- Je ne t’adresse pas la parole paria. Tu n’as pas à t’adresser à moi ainsi. Ordonna Eikytan.
Sentant que son frère allait craquer il s’interposa.
- Va donc prendre des nouvelles de nos éclaireurs et préviens-nous de toute nouveauté s’il te plait mon frère.
Rageur, le Daïs frappa un innocent caillou de son pied et quitta les lieux très rapidement. Kei’zan invita Eikytan à se reposer au village et délaissa temporairement les Draconiens qui de leur côté étaient de toute façon très occupés à percer les mystères du Mangepierre.
- La nature crie, Kei’zan, l’entends-tu hurler sa souffrance ? Interrogea Eikytan.
- Tu as des nouvelles à m’apporter ? Quelque chose que j’ignore ? Pourquoi t’es-tu réveillé ?
- Quelque chose ronge la terre, il fait trop chaud, l’hiver arrive mais risque de ne pas être comme à son habitude. Souviens-toi, je suis le gardien de l’hiver et en tant que tel je me devais de réagir à ce profond changement.
- Ce dont tu parles est le résultat d’une pierre tombée du ciel il y a quelques temps. Nous cherchons avec nos alliés une façon de nous débarrasser d’elle, mais elle est bien protégée par des gens à la magie très différente de la nôtre.
- Je me joindrai à toi, Kei’zan, dans la lutte qui est celle de notre peuple. Une fois que je serai rétabli je partirai réveiller les créatures de l’hiver.
Le gardien de la Cœur de Sève avait aussi oublié ce détail, les gardiens des saisons pouvait en cas de danger réveiller les esprits liés aux saisons. Ceux de l’hiver étaient glaciaux et implacables comme la saison dont ils étaient issus. Pour le moment et après plusieurs semaines le Mangepierre n’avait pas fait grand-chose et la situation pressait de plus en plus, si la pierre agressait la nature il fallait se décider vite, agir sans le Mangepierre ou attendre une réaction de sa part ?
- Très bien, toute aide est la bienvenue en ces temps de conflits.
Marzhin et Pilkim passèrent la soirée en présence du Mangepierre. L’adolescent en avait profité pour noter tout ce qu’il pouvait afin de faire plus tard un compte rendu auprès du compendium, organisation qu’il espérait rejoindre à sa majorité. Il avait tout répertorié, sa taille, sa forme, comment il se déplaçait, la forme de l’œuf d’après les restes. Le plus remarquable c’était son métabolisme absolument incroyable. Son nom n'était pas volé, il ne mangeait que des pierres mais avec une énorme préférence pour les cristaux. Eikytan se posa non loin de l’attraction et se prit à son tour d'intérêt pour la petite créature. Il écouta avec beaucoup d’attention les remarques des humains et il les trouva sages et intelligents. Lui aussi connaissait les légendes sur le Mangepierre, mais c’était vague dans son esprit et c’est seulement au prix de gros efforts que les souvenirs se rappelèrent à lui. Ce qu’il allait révéler allait faire l’effet d’une bombe.
- Lorsque je suis né, parmi les premiers fruits de l’Arbre-Monde, il y avait plusieurs Mangepierres. Nous les appelions simplement Cristaliens. A cette époque les nations humaines n’étaient que quelques tribus éparpillées sur Guem. Un beau jour ils ont disparu sans que l’on puisse savoir ce qu’il advint d’eux. Seuls restèrent quelques œufs, dont celui-ci. Le Kei’zan fut très surpris de cette histoire, lui était né longtemps après la disparition des Mangepierres. A son tour il s’installa pour écouter l’histoire de son ainé.
- Vous en avez vu des adultes alors ? Osa demander Pilkim.
- Oui. Lorsqu’un jeune Cristalien avait trop de puissance en lui alors il s’isolait pour devenir autre chose.
- Comme une chenille et un papillon ? Dit Marzhin fasciné.
- Mais comment faire pour avoir de la... Mais Pilkim arrêta sa phrase et se leva lentement pour ne pas laisser échapper sa lumineuse idée. Père, les pierres-cœur sont bien sources de grand pouvoir magique n’est-ce pas ?
Il ne laissa pas son père répondre car il connaissait très bien la réponse.
- Je crois que les Mangepierres peuvent acquérir de la puissance en ingurgitant des pierres-cœur.
- Mais je doute que quelqu’un laisse dévorer sa pierre-cœur et les Guémélites ne peuvent vivre sans la leur.
Marzhin testait son fils, il y avait des solutions pour fournir au Mangepierre de quoi obtenir le nécessaire.
- La pierre-cœur de l’Arbre-Monde, dit Kei’zan, évitant ainsi à Pilkim de répondre.
Si Eikytan était pourvu d’une bouche, alors il aurait souri.
- L’Arbre-Monde avait une pierre-cœur ? Décidément cette journée est vraiment pleine d'enseignements ! Marzhin se leva à son tour.
- Oui il en avait une, mais elle a explosé en même temps que lui. Il reste encore des fragments, mais seulement un d’eux a encore de la magie de l’Arbre-Monde et il est hors de question que le Mangepierre le croque. Coupa le Kei’zan de manière abrupte.
La joie des draconiens fut donc éphémère, mais il y avait d’autres possibilités à explorer.
- Les éclats de Dragon ? Nous nous en servons pour nos plus puissants rituels mais cela pourrait faire l’affaire ? Questionna Pilkim à l’attention de son père.
Après une longue respiration et une intense réflexion du Maître-Mage, celui-ci acquiesça.
- C’est la meilleure solution, celle que je retiens. Nous aurions pu solliciter les vendeurs de pierres-cœur, mais le résultat serait incertain. Il nous faut contacter Dragon sans tarder ! S’enthousiasma-t-il. Pilkim, sors ce que t’a confié Marlok avant de partir, ça va nous être utile.
A des lieues de là, Marlok s’afférait dans son laboratoire lorsqu’il ressentit un des cristaux magiques posés sur son bureau s’activer par magie. Il courut jusqu’à lui et l’attrapa de sa main gauche car il fallait le contact de la chair pour que la liaison se fasse. Immédiatement l’esprit de Marzhin et de Marlok entrèrent en contact comme si leurs pensées se joignaient. L’expérience était perturbante pour les deux draconiens. Une étrange discussion se passa entre eux, mais pas comme s’ils étaient face à face, mais comme un entremêlement de réflexions, d’impressions, de sentiments. Cela ne dura qu’un instant mais le message était passé. Marlok reposa avec précaution le cristal sur le bureau, mais l’objet se fendit de part en part.
- La prochaine fois faudra que le cristal résiste, ça va me coûter une fortune sinon. Bon, faire parvenir un éclat de Dragon à Marzhin... Rien que ça...
Marlok se rendit donc au palais afin de demander audience à Anryéna qui assumait la gérance durant l’absence de Kounok. Du coup obtenir ce qu’il désirait s’avéra bien plus simple qu’il ne le présageait. Restait alors à faire parvenir l’objet rapidement, vu la distance entre la Draconie et la forêt Eltarite, Marlok dut une nouvelle fois faire preuve d’ingéniosité. Mais les membres du Compendium sont de redoutables magiciens et grâce à eux, ainsi que d’un coup de pouce de Dragon en personne, l’éclat fut téléporté jusqu’à Marzhin et son fils.
C’est Pilkim qui eut l’honneur de donner l’éclat de Dragon au Mangepierre. Ses yeux brillaient de joie lorsque le magicien lui présenta le cristal gavé de magie, il ne résista pas et se jeta dessus comme un enfant sur un gâteau. L’éclat de Dragon ne résista pas à sa puissante mâchoire, écrasant avec plaisir chaque particules il avala goulûment ce met succulent. Une fois fini, il se leva tant bien que mal et prit la direction de la sortie du village. Toute la troupe lui emboîta le pas et traversa ainsi un bon bout de forêt avant l’arrêt du Mangepierre dans un endroit calme et serein. Là au milieu des arbres et de grosses racines le Mangepierre tomba, inconscient. Les Eltarites ne furent pas étonné par ça, Eikytan retint Marzhin.
- Attendez, admirez la nature faire.
Le Mangepierre se replia sur lui-même puis une coquille se forma lentement autour de lui, si bien qu’au final il se retrouva à l’intérieur.
- Laissons le tranquille, dit le Kei’zan. Draconiens si vous voulez rester pour observer, vous avez l’air d’en avoir... envie.
Effectivement Pilkim n’avait pas attendu plus et s’était remis à prendre des notes.
- Oui, merci Kei’zan, nous allons rester là pour assister à son éclosion. Mais vous ne voulez pas rester aussi ?
- Nous ne serons pas loin rassurez-vous.
Deux jours avaient passé et les Draconiens avaient fini depuis longtemps leurs observations. Ils attendaient avec fébrilité ce qui allait être une renaissance. Le moment venu, l’œuf se fendit en une multitude de fissures sur tout le haut de sa surface, craquant comme si on brisait du verre. Pilkim était au summum de l'excitation, il assistait à ce qui était pour lui “le meilleur moment de sa vie”. Un à un les morceaux de coquilles tombèrent parmi les vieilles racines.
- C’est gluant ! Remarqua avec joie Pilkim. J’ai le droit d’en garder ?
- Oui bien sûr, l’académie a besoin de ce genre de retours. Regarde bien Pilkim, je doute que nous ayons l’occasion de revoir ça un jour.
Marzhin aida le Mangepierre à se dégager de sa coquille et la surprise fut de taille. Le Mangepierre avait désormais des formes féminines et avait la taille de Pilkim. Elle avait les cheveux courts à la couleur blanc cassé.
- C’est une fille ! Incroyable ! Lâcha Pilkim un peu gêné. Je ressens une forte magie qui se dégage d’elle.
- Oui et bien plus que ça, lui répondit son père.
Le Mangepierre s’étira, bailla à s’en décrocher la mâchoire puis sourit à ses spectateurs. Elle se leva encore engluée par l’étrange liquide contenu dans l’œuf puis fit quelques pas, s’adaptant à sa nouvelle taille. Marzhin, attentionné lui offrit son manteau pour la couvrir.
- Merci, Maître-Mage Mazhin, dit-elle en touchant la pierre sur le front du draconien. Vous êtes proche de Guem, continuez ainsi !
- Je... je vais vous mener à vos gardiens, dit-il en bafouillant.
Pilkim ne put se retenir de poser des questions.
- Vous parlez notre langue ? Vous nous reconnaissez alors ? Quels sont vos pouvoirs ? Et...
La Guémélite de Guem lui posa la main sur la joue, faisant rougir comme une écrevisse le jeune mage peu habitué au contact féminin.
- Tu auras tes réponses Pilkim, mais pour le moment laisse-moi me remettre, la transformation a été rapide grâce à Dragon, mais elle m’a beaucoup fatigué.
Au village, le Grêlé réapparut avec Melissandre à ses côtés, l’Elfine était très inquiète.
- Kei’zan, les gens de la Kotoba avec une armée partent attaquer les envahisseurs. Il est peut-être temps de joindre nos forces aux leurs pour éradiquer définitivement cette menace ?
Le Daïs analysa la situation et prit l’une des décisions des plus importantes de sa vie.
- Melissandre, que ta tribu se prépare. Eikytan, pars réveiller les esprits de l’hiver, quant à moi je vais faire l’Appel. A présent que nous avons le Mangepierre nous pouvons remporter la victoire.
Arrivèrent les Envoyés de Noz’Dingard et leur nouvelle amie.
- De ce que je sais, intervint Marzhin, Dragon va aussi envoyer une délégation pour appuyer la Kotoba. Ma mission étant achevée je vais d’ailleurs les rejoindre.
- Comment vous remercier pour votre aide ? Demanda Eikytan.
- Et bien vous savoir à nos côtés durant la bataille qui s’annonce est déjà une belle récompense.
L’Epopée
Chapitre 1 - Retour
Le retour d’Aez à Camlahan fut triomphant. Brandissant l’épée des Cinq Ancêtres sur son cheval au caparaçon vert, le guerrier longtemps errant revenait en héros, porteur des espoirs de son royaume. Les serviteurs du château s’étaient affairés pour tout préparer avant son retour annoncé par les éclaireurs de l’Est. Comme pour saluer le revenant, de grandes oriflammes à la tête de lion blanc flottaient dans une douce brise en ce jour radieux. La nouvelle s’était répandue dans la cité et toute la population était là pour cette grande occasion. La mère d’Aez, la douce reine Isabelle, le cœur empli de joie serrait contre sa poitrine la couronne de son défunt époux. De par son statut elle devait rester digne et ne pas se laisser aller mais au fond d’elle revoir son fils en vie et porteur de la lame était un rêve.
Les gardes de Camlahan écartèrent la foule pour laisser passer le chevalier qui arriva à vive allure jusqu’à la porte du château. Là, il sauta de sa monture pour marcher sur le chemin central qui gagnait l’entrée du bastion. A mi-chemin, d’un large geste il dégaina l’épée des Cinq Ancêtres de manière à ce que tous puissent l’admirer et comprendre que l’Avalonie avait désormais un roi. Le jeune homme arriva devant sa mère et mit un genou à terre la pointe de l’épée contre le sol de pierre.
- Mère, voici la lame des Cinq Ancêtres forgée par le premier roi d’Avalonie et symbole de mon rang. Que me soit confiée la couronne et qu’à jamais je sois le gardien du royaume ! Dit-il de manière à ce que toute personne autour d’eux entende ses mots.
La reine afficha un large sourire et avala une grande goulée d’air avant de répondre.
- Dans le respect des traditions le roi d’Avalonie doit brandir l’épée des Cinq Ancêtres. Tu as sauvé l’honneur d’une famille, l’honneur d’un peuple. A présent soit reconnu comme le roi légitime !
A ce moment là elle posa délicatement la couronne sur la tête de son fils. Quelques secondes passèrent avant que celui-ci ne se relève pour faire face au peuple. Il n’y avait plus un bruit. Courtisans et nobles s’inclinèrent devant lui, suivis par les gens du peuple. Les hommes se découvrirent de leurs couvre-chefs quant aux dames elles se baissèrent en tenant un pan de leur robe en signe de respect.
L’Avalonie avait un roi.
De son balcon en haut de la plus haute tour du château, Aez regardait le ciel avec beaucoup d’inquiétude. Il n’y avait pas un seul morceau de ciel visible, tout était caché par d’épais nuages dont la couleur ne laissait rien présager de bon. L’atmosphère était pesante, lourde et étouffante. “Que se passe-t-il ? Est-ce la fin du monde ?” se demanda-t-il. Il n’attendit pas plus longtemps car il était décidé à tirer cela au clair. Dehors la ville n’était plus que des rues vides, les habitants s’étaient réfugiés chez eux car très superstitieux. Il traversa sur son cheval la cité pour rejoindre rapidement une maisonnette de pierre isolée au milieu d’un bois. Dehors un homme attendait. En voyant Aez arriver, il se leva de son banc et s’inclina en signe de respect. Cet homme portait un grand manteau violet et son âge se lisait sur son visage et sa barbe grise. Le roi regarda à gauche, puis à droite cherchant quelqu’un du regard.
- Majesté, je suis ravi de vous revoir, dit le vieil homme. Je n’ai que peu de temps à vous accorder aussi je serai bref.
Aez se concentra et le reconnut.
- Tempus ? C’est vous mon ami ? Dit-il en descendant de cheval. Que vous est-il arrivé.
- C’est bien moi. J’étais jeune quand vous êtes parti pour de lointaines contrées et vous me retrouvez désormais âgé. C’est une longue histoire, mais qui n’a rien à voir avec ce qui vous amène.
- Parce que vous savez pourquoi je suis là ?
- A cause de l’Equinoxe mon ami.
- L’Equinoxe... QUOI ?? Une Equinoxe !
- Oui majesté, vous avez bien entendu. La dernière eut lieu durant le Grand Tournoi d’Yses, il y a un peu plus de vingt ans. Et voilà que cela recommence. Sauf que cette fois cela va être différent. Ecoutez-moi bien car vous devez agir maintenant. L’Equinoxe va être l’occasion pour une créature de répandre des œufs sur toute la surface des terres de Guem. Il vous appartient de nettoyer l’Avalonie pour qu’aucun ne vous échappe.
Aez pensait déjà à diverses stratégies, il lui faudrait faire appel à tous les seigneurs, barons, comtes et ducs. Le destin lui jouait un tour cruel en le mettant ainsi au défi. Nombreuses étaient les questions qui se bousculait dans sa tête.
- Comment cela va-t-il se passer ? A quoi cela va-t-il ressembler ? S’inquiéta-t-il.
- Regardez majesté, répondit le vieil homme en l’invitant à le suivre.
Derrière la maison, collé contre le tronc d’un arbre se trouvait une sorte d’œuf à la couleur sombre et à l’aspect rugueux. L’odeur qui s’en dégageait était aussi atroce que son apparence.
- Brûlez-les par le feu, ajouta le mage en créant magiquement des flammes qui dévorèrent l’œuf en peu de temps.
- Comment vous remercier pour vos conseils ? demanda le roi.
- Et bien la prochaine fois que nous nous verrons pensez-y, répondit-il en souriant. A présent je dois partir. Au revoir majesté à très bientôt.
- Au revoir messire Tempus.
L’Equinoxe dura seulement quelques jours. La différence entre la nuit et le jour était minime, perturbant la vie des habitants des terres de Guem. Jamais l’Avalonie n’avait vécu une si grande chasse. De partout les ordres du roi se propageaient, la population se mobilisa pour lutter aux côtés des armées des seigneurs d’Avalonie. Les terres furent ratissées de long en large. Par milliers les œufs furent détruits libérant dans l’atmosphère une odeur de putrescence qui stagna faute de vent. Seuls quelques incidents mineurs furent à déplorer et lorsque les nuages se dispersèrent annonçant la fin de l’Equinoxe aucun œuf n’échappa aux flammes.
Cette histoire conforta Aez dans son rôle de roi et grâce aux indications de Tempus il ressortit de cette aventure grandi et surtout aimé de son peuple. Il avait pris les bonnes décisions et avait contribué à passer cette épreuve. Mais l’histoire ne s’arrêta pas là. L’Avalonie avait un héros.
Chapitre 2 - La créature
Le jeune Firmin n’avait que sept ans. Fils du meunier de son village il aimait imaginer des aventures où il était un fier chevalier du roi Aez, pourfendant des créatures sorties des œufs de l’Equinoxe afin de sauver les donzelles en détresse. Mais cette fois-ci l’aventure qu’il venait de vivre n’était pas affaire d’imagination, elle était bien réelle. Il ne sentait plus ses jambes et ses pieds meurtris n’étaient mûes que par sa volonté. Il soufflait comme un cheval après une harassante course il se devait de tenir jusqu’à sa destination. Il tenait dans sa main un morceau de tissu sali et noirci. Il devait le montrer au roi ! Tel un fantôme il marcha à travers les rues de Camlahan, rencontrant les regards suspicieux des habitants et dans l’indifférence des gardes il se rendit directement au château. Ses forces l’abandonnaient, il n’en pouvait plus. Mais c’était sans compter sur la chance qui récompensa ses efforts. Aez s’entretenait dans la cour avec quelques conseillers, s'évertuant à leur faire comprendre sa vision de la gestion du royaume. La voix du garçon retentit contre les murs. Une voix pleine de tristesse, mais forte appela le roi.
- Majesté, roi d’Avalonie !!!
Firmin fit quelque pas dans la cour avant de rencontrer les gardes qui lui bouchèrent le passage. Voyant cela le jeune garçon renouvela l’appel.
- Aidez-moi Majesté ! Un grand malheur est arrivé à Lodèc !! Aidez-moi !!
Les gardes refoulèrent le garçon qui tomba par terre exténué laissant s’échapper quelques larmes, il répétait sans cesse “Aidez-moi... Aidez-moi !”. Aez jeta un œil vers le raffut et vit le garde repousser avec violence le jeune garçon. Il ne put admettre cela et alla voir en personne de quoi il retournait.
- Et bien garde, ce garçon est-il si dangereux que vous le battiez ainsi ?
La remontrance suffit au garde qui se mit au garde à vous sur l’instant.
- Désolé majesté mais ce gueux voulait rentrer dans le château.
- Certes, mais il y a d’autres façons d’agir que la brutalité ! Disparaissez de ma vue !
Le garde ne se fit pas prier pour partir et quitter une situation embarrassante. Aez écarta les mèches de cheveux des yeux mi-clos de Firmin. Il respirait avec difficulté et lorsqu’il se rendit compte qu’il était dans les bras du roi il tendit le morceau de tissu.
- Majesté... Lo...Lodèc a été attaqué... une créature... aidez...
Mais il sombra dans l’inconscience. Aez donna le garçon au deuxième garde qui assistait à la scène.
- Emmenez-le dans une chambre, qu’il soit soigné et nourri. Dit-il en regardant mieux le tissu donné par Firmin.
C’était un morceau de tenture, il le tourna dans un sens, puis dans un autre et reconnut grâce à quelques détails son origine.
- Un morceau de la grande tapisserie du château de Lodèc... Ce qui arrive m’a l’air grave.
Le garçon ne fut en état de raconter son histoire que le lendemain matin après une très longue nuit de sommeil et un bon repas. Aez entra alors qu’une servante finissait de ranger les ustensiles de son repas. Elle salua le roi puis quitta la pièce sans tarder. Firmin paraissait minuscule dans ce grand lit couvert de fourrures. Il fut très intimidé de se retrouver devant celui qu’il admirait tant. Saisi de timidité, il ne dit mot attendant qu’Aez lance la conversation. Ce dernier s’assit sur le bord du lit, préférant agir avec moins de distance que leurs rangs ne leur permettaient.
- Comment ça va mon garçon ?
Le garçon indiqua que ça allait d’un léger signe de la tête.
- Quel est ton nom ?
- Je... Firmin, fils du meunier de Lodèc.
- Firmin, raconte-moi ton histoire.
Le garçon se recroquevilla dans le lit.
- Une créature haute comme le château de Camlahan a attaqué le village en cassant tout sur son passage. Nous nous sommes alors réfugiés dans le fort de Lodèc mais... mais...
Le garçon tomba en sanglot.
- Tout le monde est mort, majesté, il ne reste que moi !
- Firmin, qu’est ce qu’il s’est passé ensuite, dis-moi.
- Le seigneur et les soldats ont tenté de s’opposer à la créature, mais elle était trop forte, elle a brisé les murs qui se sont écroulés sur nous. Et lorsque tout fut à terre elle est partie. J’ai échappé à la mort et je suis venu vous avertir...
- Tu as bien fait, Lodèc n’est pas loin d’ici, je ne laisserai pas une telle créature rôder dans les environs, annonça le roi en se levant. Reste ici le temps que tu voudras puis mets-toi au service des cuisines. Quant à moi je pars voir ce qu’il est advenu.
Aez et quelques gardes royaux étaient prêts. Sur son cheval portant son armure verte et or le roi était rutilant. A son côté son porte bannière faisait flotter au vent ses armoiries. Lodèc n’était pas très loin, le voyage ne durerait tout au plus que quelques heures. La reine mère n’aimait pas voir son fils partir.
- Pourquoi y vas-tu toi même, Aez ?
- Mère, cette créature a détruit un fort et rasé un village, qui d’autre que moi pourrait la combattre ?
- Ton armée.
- Cela n’est pas nécessaire,
- Prends soin de toi, soit prudent et reviens moi en vie ! Rappelle-toi d’une chose, si tu venais à disparaître sans héritier l’Avalonie sombrerait dans un Grand Tournoi, telle est la loi des Sept Royaumes.
Mais Aez ne fit pas attention aux mises en garde de sa mère et la troupe quitta le château au trot provoquant l’admiration de la population. Très vite ils se retrouvèrent sur la seule et unique route pavée qui traversait le royaume de part en part. Le bruit des fers brisait l’habituel silence de la région prévenant les voyageurs de leur passage imminent.
Lodèc était une petite seigneurie coincée entre les terres du roi, le comté de Barkaram et le grand duché de Sälan. Il n’y avait rien de particulier si ce n’est de la forêt à perte de vue où vivait le gibier en abondance. Bien qu’il y ait quelques hameaux par-ci par-là, la seule bourgade d’importance était le village du seigneur Lodèc. Les cavaliers arrivèrent alors que dans le ciel une colonne de fumée s’élevait. Devant eux, une véritable scène de désolation se dessinait. Les maisons étaient détruites et certaines en feu. Sur une colline, en surplomb du village le fort n’était plus qu’un tas de cailloux. Les Avaloniens n’en crurent pas leurs yeux.
- Fouillez tout et voyez s’il y a des survivants, éteignez les foyers d'incendie. Une fois tout ça fait construisez un campement à la sortie du village. Vous deux, dit-il en montrant deux cavaliers, patrouillez et gardez les yeux bien ouverts. Aez espérait que dans le fort il restait encore quelques personnes vivantes. Il songeait aussi à Leodran de Lodèc qu’il connaissait bien depuis son enfance, un homme noble et de valeur selon lui, mais une tête brûlée et souvent trop téméraire. De par ses traits de caractère le roi se doutait de l’issu à priori fatale...
Son cheval était nerveux, il tira donc les rennes pour qu’il aille droit jusqu’au fort. Toute la partie n’était que décombres, entremêlement de bois et de grosses pierres. Ci et là une main inanimée ou un visage sans vie. “Quelle catastrophe ! Tant de vies brisées...”. Hélas la porte était close à jamais car à l’intérieur le plafond s’était écroulé, probablement sur les gens qui s’y trouvaient et qui pensaient trouver là un refuge sûr. Il fit le tour de la ruine et imagina la taille de la créature responsable d’un tel sinistre. La chose était probablement passée au travers de la bâtisse pour ensuite partir vers la forêt. En effet plus bas des arbres étaient couchés comme si un gosse s’était roulé dans un champ de blé. Sans avoir la moindre peur le roi bifurqua pour suivre cette piste bien visible. Sur sa route il retrouva plusieurs cadavres de soldats de Lodèc ou d’habitants du village, leurs corps étaient souvent déchiquetés.
- La mâchoire de cette chose doit être énorme ! Dit-il à haute voix.
Il parcourut une lieue vers le nord avant de l'apercevoir. Enorme, monstrueuse, incroyable furent les premiers mots qui lui vinrent à l’esprit. Cette chose avait plusieurs têtes et un aspect digne des créatures dont on faisait allusion dans les légendes. Il prit son courage à deux mains et lança son cheval au galop. Il avala la distance le séparant de sa cible. Prenant la créature par surprise il se jeta sur elle épée à la main.
Voilà quatre jours que Johan et Aelide voyageaient. Envoyés par leurs parents, le Duc et la Duchesse de Haute-Abîme, afin de présenter leurs respects au roi Aez. Le duc avait dans l’idée de se débarrasser pour quelques jours de sa fille qui se comportait plus comme un garçon. Johan lui avait été collé dans les pattes comme chaperon, mais cela ne dérangeait pas Aelide qui aimait son frère plus que tout. Ce qui ne devait être pour eux qu’un voyage protocolaire se transforma vite pour devenir le début d’une grande aventure qui changea leurs vies. C’était l’heure du repas. Tous d’eux installés autour d’un feu échangeaient comme à leur habitude des histoires toutes plus fantastiques les unes que les autres. Puis un bruit vint déranger leur discussion, comme lorsqu’un arbre tombait coupé par un bucheron. Au départ simple bruit de fond, voilà que cela se rapprochait au fil du temps. Puis enfin la créature fut visible, ses têtes dépassaient des arbres qui, tels de simples branches, étaient écartés sur son passage. Furieuse et enragée elle semblait blessée à plusieurs endroits. Ils n’eurent pas le choix car elle fonçait droit sur eux. Johan attrapa sa grande épée et son bouclier et poussa Aelide derrière lui.
- Passe ton chemin ou mords la poussière ! Hurla-t-il pour se donner du courage.
Aelide attrapa son arme et se mit en garde de façon à épauler son frère. Le terrain ne leur était pas favorable mais Johan était un redoutable chevalier. La créature attaqua. Une mâchoire claqua non loin du visage de l’Avalonien, une autre tête s’écrasa sur le large pavois de métal à tête de lion, symbole du royaume. Un coup d’épée de Johan manqua de peu une autre tête, puis Aelide trouva une ouverture et frappa en tenant son arme à deux mains, tranchant un œil de haut en bas. La créature avait beau être forte, le fait qu’elle ait une multitude de têtes la gênait plus qu’autre chose, elle ne pouvait attaquer avec toutes au même moment. Aelide et Johan l’avaient bien compris et ils résistèrent aux incessants assauts des mâchoires. Ils s’en sortaient pas mal et malgré leur habilité au combat la masse de leur adversaire les faisait paraître ridicules. Aelide faillit y passer lorsqu’une mâchoire s’abattit sur son bras, heureusement elle n’eut qu’une grosse éraflure. Elle laissa échapper un cri qui désorienta Johan. Une tête gueule ouverte fonça sur le chevalier et... Aez plongea la lame dans l’un des cous de la bête, lui arrachant un râle de douleur et sauvant in extremis Johan d’une mort que ce dernier croyait certaine. Le roi ne put tenir sur son épée plantée et la lame coupa la chair et le cuir ouvrant une grande entaille sanguinolente. L’odeur qui se répandit ne lui était pas inconnue et “Equinoxe” fut le premier mot qui lui vint. Etait-ce un œuf qui avait éclos ? A ce moment là peu lui important, il fallait agir ! Aez remarqua les deux autres humains qui comme lui affrontaient la chose. Celle-ci éprouvait de grandes difficulté à présent que ses opposants étaient plus nombreux, surtout qu’ils s’avéraient être de farouche combattants ! Quant à Johan et Aelide à la vue de l’armure et l’épée de ce nouvel arrivant ils comprirent vite qui se joignait à eux. Cela leur redonna du baume au cœur et l’envie de se surpasser. Les lames fendirent l’air et la chair. Une tête vola, puis deux, puis trois et à chaque fois les appendices ainsi coupés s’évaporèrent comme de la fumée. La créature allait être vaincue ! Tous trois le pensaient fermement, mais l’illusion de la victoire s’effaça lorsque une à une les têtes commencèrent à repousser.
- Cette créature est immortelle ! Cria Johan désabusé.
- Coupons les toutes ! Ordonna Aez.
Avec application et une discipline quasi militaire les trois Avaloniens appliquèrent le plan, certes simple sur le principe, mais difficile dans la pratique. Et à nouveau les têtes furent coupées si bien qu’il n’en resta plus à la créature qui finalement s’écroula sur le sol. Aez, Johan et Aelide épuisés par le combat se regardèrent les uns les autres en réalisant qu’ils étaient tous en vie. Le regard d’Aelide croisa les yeux verts émeraude du roi et elle se sentit chavirer. On lui avait déjà parlé du roi et on le disait bel homme, du moins selon les critères des Sept Royaumes, mais la rumeur était en deçà de la vérité. Son cœur battait fort dans sa poitrine, était-ce l’effet du combat ou la rencontre avec le roi ? Ni l’un ni l’autre ! Un insidieux poison se répandait doucement dans le corps de la jeune femme. Elle s’écroula...
- Aelide ! Cria Johan en jetant arme et bouclier. Aelide !
Il souleva avec précaution sa sœur et trouva la large blessure sur son bras. Le long de la blessure une matière noire coulait.
- Du poison... Oh non ! Ne meure pas, sœurette !
Aez allait regarder à son tour la blessure lorsqu’il vit la créature bouger. Elle se releva d’un coup et une des têtes repoussa instantanément.
- Morbleu ! Cria Aez, elle n’est pas morte !
Johan attrapa son épée mais ne pouvait se résoudre à reposer sa sœur. Le roi se retrouva donc seul face à la bête. Alors que celle-ci se relevait il prit quelques secondes pour mieux l’observer. Un peu plus bas au niveau de son poitrail se trouvait une sorte de grosse sphère noire d’où s’échappaient des petits éclairs en direction des différents cous. Avec rapidité et force il lança la lame des Cinq Ancêtres dans l’étrange objet. Il y eut une explosion qui projeta les Avaloniens au sol puis une pluie de matière étrange, comme s’il y avait de la chantilly partout. Cette fois nul doute l’hydre des brumes de l’Equinoxe n’existait plus. Johan se releva tant bien que mal et s’occupa de sa sœur alors qu’Aez récupérait son épée recouverte de matière visqueuse.
- Comment va-t-elle chevalier ?
- Elle est inconsciente.
- Regagnons mon campement qui est de l’autre côté de la colline. Nous y serons plus à l’aise.
- Merci majesté, mille fois merci !
L'Avalonie était vengée.
Chapitre 3 - La quête
La sueur perlait sur le front à la peau blanche d’Aelide. Voilà déjà deux jours que son état était stable permettant à Aez de la faire mener à l’une des chambre du château de Camlahan. Le vieux rebouteux de la famille royale ne connaissait pas le poison de la créature et le fait que son corps ait explosé en milliers de petits bouts n’arrangeait rien. Aez était assis sur le bord du lit, ses cheveux attachés et sa longue barbe le vieillissait mais en réalité il n’était guère plus âgé qu’Aelide et Johan. Dans les rares moments d’éveil de la jeune femme celle-ci cherchait Aez afin qu’il la rassure en lui prenant la main. Johan mort d’inquiétude avait laissé sa sœur aux bons soins du roi et de sa suite afin de trouver une solution, la voir dans cet état lui était simplement insupportable. Debout à côté de la porte de la chambre il regardait sa sœur souffrir et il était dans l’impuissance la plus totale. Il s’approcha d’Aez.
- Majesté je ne peux rester plus longtemps à ne rien faire. Mon père le Duc de Haute-Abime est en route, il sera là demain matin, j’aimerais vous confier ma sœur.
Aez dont le regard vert exprimait l’inquiétude ne voyait que la beauté d’Aelide et bien qu’elle ne soit pas dans ses meilleurs atours il la trouvait tout à fait à son goût.
- Votre sœur sera sous bonne garde chevalier. Partez chercher ce qui nous importe et dites à ceux qui vous barrerons le chemin que vous êtes mon bras et ma lame.
Johan se pencha au-dessus du lit et fit un baiser sur la joue de sa sœur dont les yeux mi-clos le fixaient.
- Résiste ma sœur je serai bientôt de retour...
Le chevalier quitta la pièce le cœur lourd. Serait-elle encore en vie à son retour ? Il l’espérait de tout son être car jamais il ne se remettrait si elle venait à trépasser en son absence. Il tenta de se vider la tête de ces pensées pour qu’il puisse aller de l’avant. Il dévala les escaliers au risque de glisser, bousculant au passage plusieurs servants envers qui il s’excusa platement. Mais par où commencer ? Aller voir une personne de foi dont la magie pouvait soigner les pires blessures ? C’était à son sens la meilleure idée à suivre, hélas en Avalonie ce genre de personne était rare. Il y avait plusieurs endroits réputés sacrés dans le royaume mais il n’y avait pas ouvertement comme en Yses des congrégations de dévots, peut être y en avait-il encore ici. Il se mit en selle et partie au galop en direction du nord là où dans ses souvenirs plusieurs lieux sacrés existaient.
Quand la nuit vint, Johan n’avait rien vu passer de cette journée tellement il était focalisé sur sa quête. Il arriva au village du Siemhar lorsque la route n’était plus éclairée que par la lune. Il y trouva alors une activité plutôt inhabituelle à cette heure-ci. Le village était construit en couronne sur une grosse colline dont le sommet avait été aplati pour y bâtir une grande place pavée de pierres plates. En son centre plusieurs gros rochers taillés toisaient la région de leur hauteur. C’est donc aux pieds de ceux-ci que s’était réunie la population, les lieux étant éclairés par de multiples torches donnaient un air mystérieux à cette place. Johan démonta pour continuer en respectant l’étrange spectacle qui se produisait à ce moment là. Assis sur une malle de bois, un barde pinçait les cordes de sa lyre avec passion et entrain. Celui-ci racontait l’histoire de l’Equinoxe et d’Aez, embelli par la verve poétique le récit était terriblement épique et néanmoins résolument réaliste. Les applaudissements accueillirent la fin de la représentation et les piécettes de cristal tintèrent en tombant par terre.
La place se vida rapidement si bien qu’il ne resta plus que le barde et Johan éclairés par les flammes mourantes. Le chevalier s’approcha du barde et l’aida à ramasser les offrandes du public.
- J’ai rarement entendu aussi belle histoire.
Le barde se releva et durant quelques secondes examina son interlocuteur et par ses connaissances en héraldiques supposa de son identité.
- Merci messire Johan de Haute-Abime, avez-vous apprécié le passage sur votre père ?
- Non je suis probablement arrivé après. Quel est votre nom ami barde ?
- Je suis Psaume, vagabond des routes et conteur, dit-il en s’inclinant.
- Où allez-vous dormir ce soir Psaume ?
- J’ai vu un bel arbre en contrebas du village, il m’a l’air très confortable et me protégera de la rosée.
- Connaissez-vous des histoires sur les lieux sacrés d’Avalonie ?
Le barde se concentra et s'énuméra les contes à ce sujet.
- Oui je dois pouvoir satisfaire votre curiosité, répondit-il.
- De par les règles de la chevalerie le chef de ce village va devoir m’offrir le gîte et le couvert, acceptez de m’accompagner pour discuter de ces lieux.
La perspective de passer la nuit au chaud et dans une vraie maison eut tôt fait de le convaincre. Les deux hommes allèrent donc trouver le chef de village qui invita le chevalier et le barde en sa demeure. Le reste de la soirée et une bonne partie de la nuit furent consacrées à la thématique choisie par Johan : les lieux sacrés. Et effectivement il ne s’était pas trompé quant à leur existence. Bien sur ce que raconta Psaume n’était pas forcement le reflet de la réalité, mais comme il l’expliqua les légendes prenaient souvent corps dans des évènements, des lieux ou des personnages ayant existé.
- Les premiers hommes qui vivaient ici et qui plus tard fondèrent l’Avalonie puis les Sept Royaumes vénéraient d’antiques dieux. C’était une population véritablement croyante. D’ailleurs bien que nous ne soyons plus aussi fervents ces dieux-là sont encore priés. Les légendes parlent d’un arrêt soudain des pratiques sans en donner les raisons, mais une théorie veut que ce soit l’orgueil des hommes qui ait contraint les dieux à couper le lien avec les hommes.
Johan écoutait avec beaucoup d’attention ces histoires.
- Pensez-vous que ces dieux aient permis aux hommes de guérir ce qui ne pouvait l’être ?
Le chef de village qui jusque-là ne pipait mot se souvint de quelque chose.
- La légende de la coupe de vie ?
Ces mots éveillèrent la curiosité du chevalier et du barde qui se redressa sur sa chaise.
- La coupe de vie ! Oui bien sûr ! S’écria-t-il.
- Racontez-moi, dit Johan avec espoir.
Psaume attrapa sa lyre dont le tour était sculpté en serpent de brume.
Mon dieu que mes yeux pleurent,
Que ces lieux sacrés à la nuit,
Que vivent ces quelques lueurs,
Que ne résonne plus aucun bruit.
Que de tristesse des larmes coulent,
Tandis que mon cœur cesse,
Puisse ma peine devenir houle,
Et balaye toute bassesse.
De la coupe et de mes larmes
Naissent alors cette sainte arme,
Que portera la main royale,
Et ce jusqu’à mon dernier râle.
La musique cessa laissant Johan et le chef du village pensifs. Ce dernier reprit la discussion.
- A peu de chose près c’est bien ça. Ces mots sont écrits sur une grande pierre plate qui se trouve à quatre lieues d'ici. Si je peux vous aider en vous guidant.
- Je vous en serai extrêmement reconnaissant, répondit le chevalier.
Psaume posa son instrument et se leva pour aller se réchauffer près du feu.
- Jeune seigneur je dois vous mettre en garde. Les dieux ont pris soin de cacher tout ceci aux yeux des hommes. Bien des personnes cherchant la gloire ou la fortune ont tenté de trouver cette coupe ou d’autres objets et n’ont jamais été revus.
- Je n’ai pas le choix, si cette coupe peut libérer ma sœur de ce mal qui la ronge alors je dois la trouver.
- Dans ce cas je vous souhaite bonne chance souffla le barde les yeux perdus dans la danse des flammes.
Le lendemain et comme promis le chef du village et Johan partirent en direction de l’ouest. Le paysage au départ vallonné devint peu à peu accidenté et montagneux, presque inquiétant. Le chemin serpentait en montant doucement le long d’une falaise d’où il ne valait mieux pas tomber. La progression lente et dangereuse n'entama que le moral du chef de village, peu habitué à s’aventurer ici. A vrai dire il n’était passé ici qu’une fois il y a bien longtemps. Enfin ils arrivèrent sur un large plateau plongé dans la brume où rien ne poussait à part une mousse grisâtre sur les parois rocheuses.
- La pierre est là-bas, droit devant nous, de l’autre côté. Je vous y amène et ensuite je regagne mes pénates.
Johan donna un petit coup sur les flancs de son cheval qui s’avéra nerveux le temps de la traversée de cette mer de brouillard. De l’autre côté et devant une ouverture donnant sur un autre chemin se trouvait une grande stèle gravée d’une écriture. Le chevalier donna les rennes à son compagnon de route avant de frotter les écritures pour les rendre lisibles. Après un bref coup d’œil il s’agissait de la même maxime que l’histoire de Psaume.
- Bien, je vais voir par ici, attendez-moi un instant je vous prie.
- Soyez prudent.
- N’ayez crainte, dit-il en empruntant le chemin qui le plongea rapidement dans l’épaisse brume. La main posée sur son épée il tata du pied devant lui pour éviter tout obstacle ou trou. Puis en descendant tout devint clair, la brume n’était qu’un nuage noir accroché dans les hauteurs. La piste longeait une crevasse jusqu’à un pont de cordes et de bois qui amenait de l’autre côté, un être attendait devant le pont.
- Quelqu’un ici ? Dit-il en marchant jusqu’à lui.
C’était un vieil homme très maigre et habillé de guenilles qui s’appuyait sur un bâton. Il barra le chemin de Johan au moment où il voulut traverser le pont.
- Quel est votre nom jeune homme ? Dit-il d’une voix tremblante.
- Je suis Johan de Haute-Abime.
- Et quelle est votre quête ?
- Ma quête... je cherche le moyen de guérir ma sœur empoisonnée.
- Et qu’elle est la couleur de la peluche de Zahal le chevalier dragon ?
- Je vois pas le rapport. Je peux passer s’il vous plait ?
- Vous pouvez... tenter oui... tenter... oui... Dit-il en se poussant du chemin.
Johan se précipita. Les lames de bois étaient vermoulues mais tinrent bon. De l’autre côté il aperçut quelqu’un qui regardait vers lui. Il reconnut le vieil homme.
- Comment est-ce possible ?
Il regarda derrière lui et effectivement c’était la direction dans laquelle il voulait aller. Il tenta à nouveau de passer, mais la même chose se produisit. Cette fois il allait tirer ça au clair avec le vieil homme.
- Qu’elle est cette magie.
- As-tu lu les mots ?
- Les mots ? Vous voulez dire le poème ? Je l’ai lu.
- Lu mais pas compris !
Johan eut le déclic, il retourna en courant jusqu’à la stèle où essoufflé il retrouva le chef de village qui s’inquiéta de son état. Mais il n’écouta pas décortiquant chaque mot. Il s’arrêta sur “Que portera la main royale”. Bien que fils d’un Duc il n’était pas de sang royal.
- Aez...
- Le roi ?
- Oui qui d’autre ? dit Johan embêté par la situation. Je n’ai pas le choix, il va devoir venir jusqu’ici, ajouta-t-il en fouillant dans le sac de cuir attaché à la selle de son cheval.
Il en extirpa de quoi écrire un message. Il rédigea à la hâte une demande à son roi en lui expliquant la situation. Il plia soigneusement la lettre et apposa un sceau de cire aux armes de sa famille.
- J’ai vu un pigeonnier dans votre village, retournez-y et faites envoyer ceci au château de Camlahan. C’est très important, vous comprenez ?
- Oui oui, dit-il en prenant la lettre.
Chapitre 4 - Reliques
Aez arriva le lendemain soir. Camlahan n’était pas très loin de Siemhar, comme quoi l’Avalonie pouvait receler de lieux magiques sous le nez de ses dirigeants. Le roi parut épuisé, les traits tirés, de gros cernes sous les yeux et un regard vague. Malgré cela il restait noble dans l’allure.
- Majesté, merci d’être venu.
- Votre sœur est en compagnie de vos parents, je me devais moi aussi de participer à cette quête. Montrez-moi ce que vous avez trouvé chevalier.
- Il va falloir laisser les montures ici, le passage ne permet pas de descendre avec.
- Très bien, je vous suis, dit-il en descendant de cheval. Ah, j’y pense...
Aez dégaina l’épée des Cinq Ancêtres et prit un air solennel.
- Johan de Haute-Abime, mettez un genou à terre.
Sans discuter il s'exécuta. Aez plaça le plat de sa lame sur l’épaule du chevalier.
- Vous prouvez votre valeur au travers de vos actes. L’Avalonie a besoin d’un protecteur, un homme de confiance, un chevalier infaillible !
Aez rentra son arme et prit un objet enveloppé dans un tissu vert.
- Tenez, portez fièrement cette épée, dit-il en révélant l’objet. Votre père a appris comment vous vous êtes dressé face à la créature et a été très impressionné, il m’a confié ceci pour vous.
Johan admira la lame. Il l’avait admiré tant de fois au château de ses parents. On lui avait raconté que celle-ci appartenait au premier seigneur de Haute-Abime et que le temps ne l’affectait pas. Il se releva détacha son ancienne épée pour garder la nouvelle.
- A présent, Protecteur du royaume, montrez-moi ce pont !
Les deux hommes prirent le chemin et sortirent du nuage. Le vieil homme était toujours là au même endroit, à croire qu’il n’avait pas bougé depuis le moment où Johan était venu. De ses yeux vitreux le vieux les observa descendre la corniche jusqu’à lui. Lorsqu’Aez voulu passer l’homme s’interposa à nouveau.
- Quel est votre nom jeune homme ? Dit-il d’une voix tremblante.
- Je suis Aez roi d’Avalonie !
- Et qu’elle est votre quête ?
- Je dois sauver ma mie de la mort !
Devant le regard assassin de Johan l’homme stoppa là son enquête et se poussa de l’entrée du pont.
- Passez... et mourrez par la volonté des dieux...
Johan et Aez se regardèrent, la perspective de subir un châtiment divin les inquiéta, mais ils donneraient leur vie pour sauver celle d’Aelide. Aussi le roi se lança sur le pont dont les lames de bois craquèrent sous le poids de l’homme en armure.
- Volonté des dieux ? Plutôt bois pourri si vous voulez mon avis, pesta Aez à mi parcours. Qu’est ce qui nous attend de l’autre côté ?
- Je ne sais pas altesse, mais nous ne failliront pas !
Cette fois nulle magie ne leur barra la route et ils arrivèrent du bon côté du pont sur un chemin qui grimpait à flanc de montagne. Ils marchèrent longtemps et à la nuit tombante ils parvinrent au bout de la route qui terminait sa course contre la paroi rocheuse. Ce qui était fort étrange puisqu’il n’y avait rien de plus, nul endroit pour grimper, nulle porte.
- Nous voilà bien. Avons-nous raté un embranchement ? S’exaspéra le roi.
Johan examina mieux la roche et habitué des montagnes il remarqua que sa surface était beaucoup trop régulière pour être l’œuvre de la nature. Il tapa de sa main gantée de fer contre la pierre et il remarqua deux choses : la paroi était creuse et il y avait des traces d’écriture gravées. Il gratta pour arriver à lire les inscriptions. Aez déchiffra au fur et à mesure et bien que parcellaire le message lui sembla suffisamment compréhensible :
Métal contre pierre,
Clé d’un temps passé,
Que tu ne peux troubler
Telle est la prière.
- Ecartez-vous Johan ! Dit le roi en sortant l’épée des Cinq Ancêtres.
Le protecteur se poussa. Aez prit son épée à deux main pointe vers le bas, prit quelques pas d’élan et planta la avec force dans la paroi. Elle s’y enfonça jusqu’à sa moitié avant de se coincer. Il tourna la lame comme s’il désirait infliger plus de douleur à un ennemi. La roche craqua puis des fissures apparurent à partir du point d’impact. Là il retira la lame et donna un coup de pied dans la paroi qui s’effrita et tomba en morceaux, découvrant une entrée à travers un pan de poussière.
- Pensez-vous que c’était judicieux ? Interrogea Johan.
- Vous ne voulez plus sauver votre sœur ?
- Bien sûr que oui !
- Alors c’était judicieux. Trêve de bavardages et de doutes, notre cause est noble, jetons-nous dans la gueule du loup s’il le faut et nous briserons sa gueule, dit-il en passant le pas de l’entrée.
L’intérieur était un passage creusé dans la roche. Des cristaux de quartz lumineux éclairaient faiblement mais suffisamment pour permettre aux Avaloniens d’avancer. Le tunnel montait légèrement au travers de la montagne et déboucha sur une autre falaise et une vue imprenable. En face d’eux au loin se trouvait Camlahan et les hautes tours de son château, en contrebas Siemhar avec sa construction en cercle. Bien que de nuit le spectacle était époustouflant de par la beauté des paysages sous les rayons de lune. Ils ne s’attardèrent pas plus pour poursuivre leur périple. La route plus large montait pour rejoindre les nuages accrochés aux pics et s’enfonçait dans une forêt de vieux chênes. L’ambiance changea et le manque de lumière leur joua de nombreux tours surtout lorsque la brume eut rejoint l’obscurité. Là, même leur témérité fut mise à rude épreuve et seules leurs armes les rassuraient. Voilà de grands guerriers capables de terrasser un ennemi haut d’une montagne mais qui au travers de la nuit éprouvaient une baisse de courage.
Ils furent tous deux soulagés d’en sortir alors que le chemin les avait conduits sur un plateau au-dessus des nuages. Ils remarquèrent plusieurs lumières entre les quelques arbres éparpillés. Le chemin devint une route pavée qui au fur et à mesure s’élargissait et finit par rejoindre une place circulaire, des torches brûlaient tout autour et la construction rappela à Johan la disposition de la place de Siemhar. De l’autre côté de là s’échappait d’un monticule de pierres blanche une petite cascade qui coulait sur un dolmen bâti en dessous. Quelque chose brillait sur la table de roche, un objet.
- C’est la coupe ! S’écria Johan.
Oui c’était bien elle, la coupe de vie, mais au moment où tous deux s’avancèrent sur la place, une femme à l’aspect fantomatique apparut devant eux.
- Autrefois les dieux nous accordaient leurs prodiges, mais l’orgueil nous a étreints. Aussi nous ont-ils punis. Ils vous ont regardés Aez roi d’Avalonie et vous Johan de Haute-Abime, vos cœurs sont dénués de cet orgueil aussi vous pourrez repartir avec ce que vous êtes venus chercher. La personne qui boira dans cette coupe devra la ramener ici et alors un nouveau cycle commencera.
Le fantôme s’écarta laissant le roi récupérer la coupe.
- N’oubliez pas mes paroles, ne provoquez pas la colère des dieux !
Quelques jours plus tard à Camlahan. Aelide était totalement rétablie à la grande joie de son entourage et une fois celle-ci prête et comme convenu elle entreprit le retour vers le lieu sacré où attendait le fantôme.
- Vous êtes gens d’honneur et les dieux sont apaisés. Vous mènerez tout deux l’Avalonie dans une nouvelle ère de prospérité. Vos cœurs battent à l’unisson.
Aez et Aelide se regardèrent avec les yeux de gens amoureux.
- Lorsque avec le temps vous serez prêts. Revenez ici avec les personnes qui vous sont chères et devant les dieux vous serrez unis.
Le voyage du retour fut l’occasion pour Aez et Aelide de se dévoiler leur amour réciproque et une fois au château le roi demanda officiellement au Duc de Haute-Abime la main de sa fille. Ce dernier n’ayant aucune raison de refuser offrit sa bénédiction à cette union qui allait renforcer le royaume. La reine-mère fut tout aussi satisfaite par cette nouvelle elle qui désespérait de voir son fils un jour marié.
Le roi ordonna la reconstruction de la route jusqu’au lieu sacré afin d’en faciliter l’accès. Et quelques mois plus tard durant la saison chaude Aez et Aelide échangèrent la promesse d’un amour éternel devant la coupe sacrée et devant les dieux.
L’Avalonie avait une reine.
Société secrète
Chapitre 1 - Chantelain
Les flammes des bougies vacillaient à chaque fois que le vent soufflait au dehors, les ombres dansantes ne perturbaient pas le Conseiller Chantelain. Installé à son vieux bureau recouvert de parchemins il notait avec minutie toute information jugée pertinente tout en fouillant parmi la paperasse. La plume tremblante étalait l’encre avec frénésie, chaque mot ainsi inscrit le rapprochait d’une vérité, de LA vérité, celle qui briserait un mythe. Il plongea la plume dans l’encre, respira un grand coup en regardant la porte fermée par une barre de métal. L’homme, originaire des hautes terres de l’ouest avait très tôt obtenu ses galons de conseiller grâce à ses capacités d’investigateur, depuis il ne comptait plus le nombre d’enquêtes résolues grâce à lui. A presque trente ans il était l’un des piliers du Conseil des guildes. Mais cette fois l’enquête était un véritable sac de nœuds, un panier de crabes où il faillit bien perdre les doigts. Une goutte d’encre tomba sur le bois usé de son bureau, le sortant ainsi de sa torpeur. Il allait recommencer à écrire lorsque toutes les bougies s’éteignirent, plongeant la pièce dans le noir. Le bruit du vent sifflant était la seule chose audible à ce moment-là. Chantelain se leva doucement, balayant l’espace du regard, il attrapa une dague cachée sous plusieurs parchemins. A ce moment là il le savait, IL était là.
- Approche Traquemage, facilite-moi la tâche en te livrant toi-même, dit-il comme si son adversaire était là.
Chantelain se plaça dans un coin de la pièce pour avoir une meilleure visibilité. Au final peut-être n’était-ce qu’un courant d’air qui avait soufflé les flammes ? Toutes les flammes ? Non impossible. Soudainement au loin un éclair traversa le ciel éclairant en un instant la pièce. Là ! Il l’avait vu, il était bien là au milieu. Le combat s’engagea, Chantelain n’attendit pas et surtout n’avait pas peur. Il s’attendait à cette visite et s’y était préparé. Les échanges furent rythmés par les éclairs fendant la nuit. Les lames tantôt s’entrechoquaient, tantôt faisaient mouche, de part et d’autre. La lentille sur la figure du Traquemage lui aurait permis s’il n’y avait pas les flashes des éclairs d’avoir un atout de taille car pour lui l’obscurité n’était pas un problème. Le corps à corps fut violent, le Traquemage ne s’attendait pas à une si importante opposition, il avait mal jugé sa cible. Cela tourna au ballet, l’un poussa l’autre, puis ce fut le contraire, des objets chutèrent, s’écrasant ou se brisant sur le sol avec fracas.
Toute cette agitation attira les gardes de la demeure qui eurent tôt fait de tambouriner à la porte fermée en criant des “messires” et autres “qu’est ce qu’il se passe”. Le Traquemage n’avait pas le choix, il fallait appliquer le plan. Il donna un coup de pied à Chantelain qui recula jusqu’à son bureau puis d’un geste ample mais rapide il dégaina un pistolet et tira au moment où un éclair apparu à nouveau. Du coup il rata sa cible qui réagit alors. D’un bond il sauta sur le Traquemage et le souleva en le poussant vers la fenêtre. Sa manœuvre fonctionna, le conseiller savait que pour se tirer de ce guêpier il lui fallait que les gardes puissent intervenir. Fort de la poussée tous deux passèrent à travers la vitre et tombèrent du premier étage. Le Traquemage qui se trouvait en dessous s’écrasa sur le sol herbeux sonné par le coup, Chantelain tomba juste à côté et eut plus de chance sur la réception. Il plongea de suite sur son arme pour reprendre le combat. Le Traquemage se releva tant bien que mal et à présent que les éclairs devenaient presque incessant il n’y voyait plus rien.
- Alors Traquemage, c’est tout ce que tu peux donner ? Cria Chantelain dans le but de narguer le célèbre assassin. Je connais tes petits secrets.
Ce dernier arracha son masque pour y voir mieux, découvrant le visage d’un homme brun aux cheveux courts et à la mine abîmée par diverses cicatrices. Les deux hommes s’observaient, Chantelain faisait attention au moindre détail pour ne rien perdre de cette rencontre. S’il fuyait le Traquemage l'abattrait sans le moindre problème, il fallait donc continuer à se battre ! Le pistolet de son adversaire étant tombé dans le bureau avant la chute il n’avait plus rien à craindre de ce côté-là, seule leur habileté allait faire la différence. Le Traquemage attaqua, il sortit de petits fourreaux des dagues de lancer très courtes qu’il jeta sur Chantelain dans le but de se donner le temps d’arriver au contact. Effectivement son adversaire les esquiva sans trop de difficulté et conscient de la manœuvre se recroquevilla en tenant sa dague à deux mains. A cet instant là, pile au moment où le Traquemage allait frapper de biais le Conseiller sauta dague en avant. Le Traquemage trop proche n’eut pas le temps de contrer l’attaque, la lame s’enfonça dans sa poitrine du côté de son poumon droit. Dans le même temps il avait réussi à planter sa dague entre une des côtes de Chantelain. Le Traquemage s’effondra sur le sol alors que Chantelain lâchait la poignée de son arme. Le Conseiller vacilla et passa la main au niveau de sa blessure, le sang coulait mais sa vie n’était pas en jeu. Par terre le Traquemage bougeait encore mais était désormais hors d’état de nuire.
Puis Chantelain eut une violente douleur à la tête, il tomba à genoux, sa vision se brouilla. La douleur se propageait lentement.
Une ombre passa à côté de lui, puis une deuxième. Il reconnut tant bien que mal un autre Traquemage. Quand à l’autre sa tenue était différente, moins fournie elle semblait plus proche du corps et prévue pour une liberté de mouvement importante.
- Si tu connais nos secrets tu sais que nous sommes plusieurs... et pas tous du même niveau. Ne t’en fais pas, je ne ferais pas l’erreur de te tuer Chantelain je sais ce que tu t’es préparé pour notre rencontre...
- Qu’est...ce que...vous...m’avez fait. Dit le Conseiller avec peine.
Le Traquemage avec la cape ramassa son homologue alors que l’autre se retourna vers Chantelain.
- Tu ne reverras jamais la lumière du jour Conseiller.
- Cette...voix...tu es...
La douleur était trop forte, tous ses muscles se contractèrent. Son corps ne résista pas et il sombra dans l’inconscience...
Chapitre 2 - Sombre
Deux mois auparavant, Vérace accédait au poste de Conseiller-Doyen, ouvrant une nouvelle ère, plus moderne et moins léthargique dans un contexte qui le nécessitait. Comme les autres conseillers il fut à son tour convoqué pour prendre connaissance des nouvelles directives. Chantelain avait été un farouche opposant d’Edrianne et l’allié de Vérace avant que le grand ménage ne soit fait au Conseil et que les conseillers corrompus par les Néhantistes soient déchus de leurs statuts. Avec Vérace aux commandes l’Ouestien était persuadé qu’il allait y avoir du changement, bousculant ainsi de vieilles habitudes. Il ne fut pas déçu, car la rencontre entre les deux hommes se fit dans les jardins où malgré l’arrivée de la saison froide les fleurs profitaient du soleil.
- Félicitation pour ta nomination Conseiller-Doyen.
- Merci Chantelain, dit-il en serrant la main de son ami. Je te dois en partie cette nomination et ça je ne l’oublierais pas, ajouta-t-il en l’invitant à marcher.
- Quelles sont mes nouvelles prérogatives désormais ? Demanda Chantelain.
- Et bien, cher ami, j’ai une affaire importante, je dirais même capitale à te confier, répondit-il solennellement. Ce soir devrait arriver une personne, membre des Combattants de Zil. D’après le Conseiller Abyssien elle aurait des informations importantes et vitales concernant le Traquemage.
A l’évocation de ce nom Chantelain s’arrêta, l’œil pétillant de curiosité.
- Tu veux que j’enquête sur le Traquemage ? Si mes souvenirs sont bons, la dernière personne à avoir tenté de découvrir l’identité de ce tueur a été assassinée et c’était il y a dix ans.
- Je sais que c’est périlleux et ta vie m’est chère, mais je ne vois personne d’autre pour cette délicate mission.
Chantelain réfléchit quelques instants avant de poursuivre la marche.
- C’est une situation périlleuse, mais la perspective de démasquer le Traquemage est une motivation à la hauteur du danger. J’accepte l’affaire.
Le soir-même, Chantelain reçut en secret ce fameux témoin qui n’était autre que la jeune Sombre. L’audition se passa dans une des salles d’interrogatoire d’ordinaire très peu utilisée. La pièce était vraiment très petite, n’ayant en tout est pour tout que trois meubles ; une table et deux chaises. Chantelain alluma trois bougies collées à même le bois et invita Sombre à s'asseoir. La jeune combattante de Zil examina la pièce et la jugeant suffisamment en retrait et à l’abri des oreilles indiscrètes elle prit place. Le Conseiller sortit de son sac de quoi prendre des notes et une fois fin prêt il débuta par quelques questions générales.
- Sombre, c’est un surnom n’est ce pas ? Quel est votre vrai nom ?
Pourtant banale cette question demanda à la jeune femme beaucoup d’efforts comme si elle ne connaissait pas son véritable nom.
- Je crois que c’était Yasma. Mais je ne suis pas sûre. On m’a appelé Sombre peu de temps après.
- Vous avez perdu la mémoire ?
- Perdu n’est pas le bon mot, on m’a enlevée lorsque j’étais petite et ils ont fait en sorte que je ne sois plus qu’une entité...
- Ils ont ? Vous voulez dire qu’ils sont plusieurs ?
- Oui c’est une organisation, ils sont nombreux.
- Donnez-moi plus de détails s’il vous plait. Avez-vous un nombre à me donner ? Un lieu ? Des noms ? Qu’elles sont leurs méthodes ?
Chantelain était visiblement enchanté de cette rencontre, on lui livrait là des informations de premier ordre !
- Hélas ils ont fait en sorte que je me souvienne de peu. Je vivais dans un petit village. Je me souviens avoir été vendue à un marchand par des parents qui ne pouvaient pas m’élever. Je ne me rappelle plus de leurs visages et à vrai dire le souvenir que j’ai ensuite est celui d’un homme qui m’achète et m’amène dans un endroit où il y a d’autres enfants comme moi. Je ne sais pas où c’était mais on nous a entraîné pour devenir de parfaits assassins. Les plus faibles ont été éliminés si bien que parmi ceux de mon âge nous avons été qu’une poignée à avoir le droit au Passage.
- En quoi consistait ce... Passage ?
- Tuer quelqu’un sans se faire prendre.
- Quelle folie !
- Maintenant que je pense par moi-même, je trouve aussi que c’est ridicule, mais lorsque l’on fait partie de l’organisation Traquemage on pense différemment.
- Continuez, ensuite que s’est-il passé.
- Je me rappelle de celui que j’ai tué, un apprenti magicien au fin fond de la Draconie. J’ai encore l’odeur de son sang dans les narines. Dit-elle en grimaçant. Mais j’ai réussi et on m’a alors donné le costume pour devenir une partie du système. C’est là que l’on perd pied, la doctrine et les règles sont strictes et qui ne les suit pas risque sa vie.
- Ça à l’air tentaculaire comme organisation.
- Le réseau est gigantesque et ils sont extrêmement bien informés. Nul doute que notre entretien ne restera pas privé bien longtemps. J’ai trouvé des gens capables de me protéger en retour de mes services, mais ?
- N’ayez pas de crainte pour moi, j’ai de la ressource. Continuez votre histoire je vous prie.
Sombre inspira profondément, se remémorant des passages de sa vie qu’elle préférerait oublier.
- Une fois que l’on devient Traquemage on nous met sous la tutelle d’un Traquemage plus ancien, un contrat, une personne à abattre. La personne que je devais tuer était une prêtresse, une cible facile. Mais rien ne s’est passé correctement, à croire que le destin ne voulait pas que j'accomplisse cet acte. Au final je me suis retrouvée mourante aux abords d’une rivière, le Traquemage qui m’accompagnait m’a abandonnée en me pensant morte. Il a fait une grave erreur car dans ce cas il aurait dû me chercher pour faire disparaître mon corps. Mais il ne l’a pas fait.
- Et dans ce cas ?
- Deux choix. L’un est de réparer son erreur, l’autre est la mort. Vu que nous ne l’avons pas revu je pense qu’il est mort. Mais si jamais c’était pas le cas, je l’attends de pied ferme.
- Je vois, dit Chantelain en posant sa plume sur la table. A présent, sauriez-vous me donner un lieu ?
Sombre fit non de la tête.
- Les Traquemages utilisent une magie et une technologie étonnante, tant qu’une mission n’était pas terminée impossible de se souvenir d’un point de retrait. Généralement on ne trouve pas un Traquemage, c’est lui qui nous trouve. Je n’ai hélas guère plus à vous dire.
- Vous avez déjà ouvert bien des portes, je n’ai pas encore connaissance du reste du dossier, mais votre témoignage sera utile. Merci pour tout et merci pour votre courage.
- Ce n’est pas du courage, je n’ai qu’une attente, qu’ils crèvent tous ! Dit Sombre en se levant de sa chaise.
Chapitre 3 - Traquer le Traquemage
Les archives du Conseil prenaient à elles seules une tour entière de l’imposant château de Kaes, la demeure qui appartenait autrefois au célèbre protecteur. En presque cent ans, la construction avait subi de nombreuses modifications et n’avait presque plus rien à voir avec sa forme primaire. Chantelain avait parcouru un véritable dédale avant d’arriver à destination, un lieu où rares étaient les visiteurs. Pourtant, de son avis, les archives étaient un point stratégique, une mine d’informations et une source de connaissances. Accolées à la bibliothèque, elles étaient beaucoup moins bien rangées et le conseiller pensait passer de nombreuses heures avant de trouver ce qu’il voulait. Visiblement son arrivée réveilla le responsable de tout ce Capharnaüm.
- Que puis-je faire pour vous conseiller Chantelain ? Demanda le jeune homme.
Après avoir déplié un parchemin et lu son contenu, il répondit à son homologue.
- Il me faut obtenir l’accès aux rapports de feu le conseiller Egobert. Ensuite il me faut avoir accès au dossier dont le numéro est inscrit ici, dit-il d’un air strict.
Très impressionné l’archiviste partit au quart de tour en balbutiant un “suivez-moi” qui, tel l'écho, se répercuta sur les murs de la tour. L’intérieur avait une architecture vraiment originale. Plusieurs escaliers longeaient les murs de la tour en montant. Les parois étant construites sans aucun mur ni poutre pour les maintenir, le visiteur venant là pour la première fois pourrait penser que tout ça pouvait s’écrouler d’un coup. Mais tel n’était pas le cas et malgré le temps peu clément de la région rien ne bougeait. Au centre de la tour se trouvait un énorme pilier de pierre autour duquel un escalier s’enroulait jusqu’à son sommet. Et de partout, le long des dits escaliers, se trouvaient des étagères regorgeant de parchemins et bibelots en tout genre. Le jeune archiviste emmena Chantelain tout en haut dans la seule partie de la tour fermée à double tour. Cette section, réservée aux personnes autorisées était étonnamment rangée. Chaque étagère possédait un numéro, comme pour le reste des archives, mais ici la magie protégeait chaque alcôve pour que nul intrus ne puisse mettre la main sur des informations sensibles.
- Ah, voilà. Veuillez signer le registre des retraits.
Chaque archive avait sa fiche, permettant ainsi de retracer les diverses consultations faites. Chantelain y jeta un rapide coup d’œil sans faire plus attention aux détails. Puis, après avoir signé il récupéra un large coffret de bois avant le plonger rapidement dans un sac de toile qu’il portait en bandoulière. Une fois sorti de la pièce l’archiviste conduisit Chantelain jusqu’à une autre étagère au milieu de la tour.
- Voici les notes du conseiller Egobert. Il n’était pas connu pour sa rigueur.
- Je vois, dit Chantelain en haussant les sourcils. Bon je vous remercie, vous pouvez disposer, ça va me prendre du temps.
Effectivement le conseiller resta là près d’une heure. Egobert fut en poste durant près de dix ans et étant en charge des affaires courantes, ses rapports furent nombreux. Après un tri intense et un rangement obligatoire Chantelain s’étonna. Chaque conseiller devait tenir un registre de ses rapports afin de servir de table des matières à quiconque voulait consulter ses écrits, hors là il manquait plusieurs feuilles du registre. Du coup en retraçant l’historique des rapports la disparition flagrante de documents lui sauta à la figure.
- Guère étonnant.
Malgré tout et grâce à ses dons de déduction il trouva quand même quelques rapports de plainte intéressants.
Le lendemain son bureau s’était transformé en véritable chantier, accumulant les parchemins Chantelain ne rata rien, guettant le moindre indice.
- Allez mon vieux, concentre-toi.
“L’homme était en noir et très grand”....”rapide comme l’éclair, petit avec une cape, quelque chose brillait sur son visage”...”Organisation”.
- C’est déjà ça de confirmé nous avons affaire à une société secrète. Si j’en crois les rapports d’assassinat ils ont toujours su faire mouche avec précision, les détails sont troublants car tous les systèmes de sécurité, même magiques étaient déjoués. Ils sont trop renseignés pour que ça soit le fruit du hasard, il doit y avoir un cerveau derrière tout ça. Faut que je me protège.
Il attrapa une clochette et la fit tinter, appelant un de ses serviteurs. Puis après avoir griffonné quelques mots il donna un parchemin cacheté à un jeune homme.
- Pour le Conseiller-Doyen Vérace. Vous ne parlez à personne avant de le lui avoir donné, compris ?
L’homme brun aux cheveux courts et à la mine abîmée prit le parchemin avec beaucoup de respect et s’en alla dans le dédale, jusqu’à trouver, une demi-heure plus tard, le destinataire. Vérace parcourut la lettre rapidement et remercia le serviteur.
Il toqua à la porte du bureau de Chantelain peu de temps après.
- Qui est là ? Demanda l’enquêteur du conseil.
- C’est moi, Vérace.
- Ah ! Attends, répondit-il en enlevant la lourde barre fermant la porte.
- Tu t’enfermes ? S’étonna le conseiller-doyen en rentrant.
- Oui, écoute-moi bien, nous avons affaire à une organisation qui à mon avis est aussi importante que le Conseil ou n’importe quelle guilde. Ce que je découvre me fait peur, j’ai besoin que tu me rendes un service.
- Demande-moi.
- J’aimerais que tu me lances le sortilège du messager fantôme. Si jamais je venais à être tué je veux que tu sois prévenu.
Vérace réfléchit à la requête de son ami, mais la réponse coula de source.
- Bien sûr que j’accepte, il me semble qu’Edrios sait le faire.
- Non, tu dois le faire toi-même, tu comprendras autant que moi les risques d’avertir plus de monde.
- Bien sûr, je m’en occupe.
Chapitre 4 - Origines
Fin de la trente-sixième année du calendrier impérial, soixante-dix ans avant que les terres de Guem ne s’embrasent dans le conflit de la pierre tombée du ciel. Néhant à présent enfermé dans sa prison, les peuples sortaient doucement de plusieurs années de dévastation. Sur les cendres d’un monde à l’agonie les héros de la guerre et les dirigeants des grandes civilisations décidaient du futur. La Kotoba et les Envoyés de Noz’dingard avaient construit leurs campements au pied des ruines du château de Kaes. Au bas mot dix mille hommes et femmes étaient présents aux alentours, qu’ils soient de simples aventuriers ou de grands héros. C’était un moment important car les guildes prenaient officiellement pieds dans cette existence. Dans une immense tente de commandement les plus importantes personnes des terres de Guem discutaient en savourant leur victoire.
- Où est Eredan ? Demanda Prophète examinant les visages autour de lui.
- Il consolide la prison de Néhant, il nous charge de finaliser le pacte des guildes, répondit Artrezil.
- En ce cas, il serait temps d’agir et aussi de laisser nos hommes retourner dans leurs foyers, s’interposa un petit bout de femme qui devait avoir à peine vingt ans et arborant les couleurs de la Kotoba. L’Empire doit se préparer à dire au revoir au premier empereur.
- Vous avez raison seigneur impérial Ayako, honorable fille de Xzia. Si l’assistance me le permet, je présiderais cette réunion.
L’homme qui venait de s’exprimer avait l’allure des gens de Tantad. Ses longs cheveux noirs n’avaient jamais connu la moindre lame, il les portait donc tressés avec des bijoux d’argent pour les maintenir. Il portait également une armure de cuir noire rigide sur le haut ainsi que des jambières et des brassards d’argent ternis par l'âge. Ses yeux bleus très clairs appuyés par un maquillage noir en forme de tête de mort sur la moitié de son visage lui donnaient un charisme incroyable. Sa voix à la fois forte et calme était pour lui une arme aussi importante que son épée. Effectivement tout le monde, y compris les rois et les dirigeants de nations présents s’étaient tus attendant la suite, confirmant la demande de cet étrange personnage.
- Nous vous écoutons seigneur d’Orgos, dit Prophète, sonnant ainsi le début de la création du pacte des guildes.
L’homme monta sur une caisse de bois, non loin de lui quatre autres personnes ayant sensiblement le même équipement que lui regardaient l'assemblée avec défiance.
- La guerre est finie, c’est un fait. Les erreurs que nous avons faites sont sources d’enseignements. Ceux que nous nommons héros se sont levés contre l’adversité et se sont réunis. C’est ainsi qu’ont été créés la Kotoba, les Envoyés de Noz’Dingard, les Thanatosiens et bien d’autres. J’y vois ainsi le véritable moyen de prévenir toute menace dans un monde qui a besoin de se reconstruire. Les pertes ont été lourdes, les armées des grandes puissances ont été balayées par la fulgurance des attaques des forces de Néhant. Je crois nécessaire de créer un statut, reconnu de toutes les nations des terres de Guem, qui permettra aux guildes d’être reconnues et acceptées quelques soient leurs origines ou leur but.
- N’est-ce pas là la porte ouverte à l’opportunisme que pourraient avoir certaines personnes peu scrupuleuses mais protégées par un statut de guilde ? Interrogea Artrezil.
- A ceci j’ai une idée que je vous propose. Outre les différents détails qui se régleront par la concertation mutuelle, il parait essentiel d’éviter tout débordement par la création d’une organisation centrale. Son rôle serait de faire observer les règles établies par le traité et qui contrôlera les créations de guildes. Une sorte de conseil des guildes dont les membres seraient déterminés par le traité, je songeais à un membre de chaque guilde s’étant formée durant la guerre.
Deux jours plus tard, le traité des guildes était prêt. Ratifié par les grandes puissances du monde, officialisant ainsi la création du Conseil et du système des guildes. En hommage envers ce grand évènement le roi de Lokta’ch offrit au Conseil des guildes le château de Kaes et les terres environnantes. Le seigneur d’Orgos et la guilde des Thanatosiens dont il était le dirigeant resta sur place en donnant rendez-vous aux nouveaux conseillers trois mois plus tard afin d’ouvrir la première séance du Conseil. Lui-même fut nommé, pour ses faits honorables durant la guerre comme premier Conseiller-Doyen de l'histoire. Ainsi le Château de Kaes retrouva le calme et la quiétude qu’on lui connaissait. Mais dans la grande salle qui deviendrait plus tard un lieu où de grandes décisions seraient prises, les Thanatosiens écoutaient leur chef.
- Mes amis, mes frères, comme moi vous avez perdu votre famille et des êtres chers à votre cœur. Vous me connaissez bien autant que je vous connais. Notre haine pour Néhant est totale, absolue, implacable. Pour cela nous n'avons d'autres choix que de passer par le fil de l'épée les contrevenants. Vous savez que le traité ne punit pas par la mort ceux qui seraient attirés par Néhant.
D'Orgos se calma, le souvenir de sa famille lui perça une nouvelle fois le cœur.
- Notre plan se passe comme nous l’avions prévu. Ebohki arrivera demain ou après demain, il se mettra au travail de suite. Si jamais vous aviez un doute sur notre action il est encore temps pour vous de renoncer, je ne vous en tiendrai pas rigueur.
Mais aucune des trois personnes présentes ne recula acceptant ainsi une nouvelle vie.
Ebohki arriva deux jours plus tard, visiblement fatigué. L’artisan et véritable génie venait directement de la région de Thane où une affaire importante l’avait retenu plus longtemps que prévu. Il fut accueilli devant le château par le seigneur d’Orgos.
- Maître de Kref’ga, soyez le bienvenu au château de Kaes, berceau du Conseil des guildes.
Ebohki était un homme d'une constitution solide et à l’intelligence vive. Lorsqu’il examina l'extérieur de la bâtisse, il l’imaginait telle qu’elle devait être avant qu’une partie ne s’écroule et telle qu’il pourrait l’améliorer. Il récupéra un gros sac de toile, apparemment lourd de sa roulotte qui ressemblait plus à un coffre fort qu’à une carriole.
- Il va falloir sortir le matériel et tout amener à l’endroit voulu, dit l’artisan.
- Ça sera fait ne vous inquiétez pas, venez vous reposer avant que nous n’attaquions notre affaire. Votre voyage depuis Thane s’est bien passé ?
- Ce que j’avais à y faire est fait, j’ai englouti la route en pensant à votre projet. Je vous ai amené quelques petites choses qui j’espère vont vous plaire, dit-il en montrant son sac.
Une fois dans la grande salle Ebohki se posa sur le sol froid et invita tout le monde à s'asseoir devant lui.
- Je ne suis pas le meilleur quand il s’agit d’armement, mais je me suis inspiré de vos désirs et surtout de vos origines.
Il commença alors à déballer divers objets ; plusieurs sortes de revolvers, des dagues et des épées, des objets plats, des vêtements et d’autres. Les yeux des Thanatosiens brillaient d’intérêt devant tout cela.
- Comme vous me l’avez demandé seigneur d’Orgos le style de ces objets est très différent du votre.
- Je vois cela, je vais laisser mes amis prendre connaissance de vos créations. Nous nous voyons tout à l’heure pour vous montrer le lieu que j’aimerais aménager.
Comme son nom l’indiquait, le château était l’ancienne demeure de Kaes, l’un des protecteurs des sept royaumes qui disparut du jour au lendemain. La légende voulait que le château reste vide jusqu’au retour du protecteur, mais celui-ci ne revint pas et par conséquent il était désormais propriété du Conseil des guildes. Kaes était un homme secret un guerrier savant qui ne faisait rien au hasard. Aussi avait-il fait construire son château sur un lieu empli de magie. Ebohki et Orgos visitèrent donc les souterrains, véritable labyrinthe. Le chef des Thanatosiens avait repéré les lieux depuis longtemps déjà, il s’y était réfugié avec les siens durant la guerre, c’est d’ailleurs de là que son plan avait émergé car au détour d’un couloir un mur s’était effondré, laissant une ouverture béante sur ce qui était une immense caverne où l’atmosphère était nimbée de magie, exhalant des centaines de cristaux bleutés. Ebohki qui avait une certaine affinité pour la magie resta estomaqué devant le spectacle qui s’offrait à lui.
- J’aimerais que ce lieu soit aménagé pour devenir un repère. Il faut une grande salle de réunion au centre, puis de multiples petites pièces afin d’y faire dormir des gens. Il me faudrait aussi des appartements privés et un coffre-fort afin que les objets néhantiques qui ne pourraient être détruits y soient à l'abri des tentations. Enfin si mon sens de l’orientation ne me trompe pas je pense que nous pouvons créer un accès secret au fond de la caverne pour entrer et sortir sans être vu.
Les idées venaient naturellement à Ebohki, il imagina d’un coup un système incroyable.
- Pour le coffre il n’y a pas de problème, je viens d’en créer un très puissant, je pourrai le refaire en version plus petite. Dit-il en restant concentré sur ses réflexions.
Il sortit d’une petite bourse un cristal violet de la taille d’un doigt et l’approcha d’un des gros cristaux bleus. La lumière se concentra aussitôt entre les deux, formant comme une fumée colorée et lumineuse. Cela s’arrêta au bout de quelques instants. Ebohki tint le cristal dans la paume de sa main pour montrer à Orgos de quoi il s’agissait.
- Ces cristaux regorgent de magie. C’est un endroit fabuleux et unique, je vais vous fabriquer une technologie qui n’aura aucun égal...
Mais ça coûtera cher car les matériaux sont rares.
- Considérez que vous avez un budget illimité.
Le sourire d’Ebohki fut une réponse très convaincante.
- Je me mets au travail.
Presque trois années avaient passé. Les Thanatosiens et l’artisan avaient œuvré sans relâche pour l’œuvre du seigneur d’Orgos. A présent la caverne avait un style bien plus étrange et moins naturel. Un peu partout gravés dans la matière étrange servant de mur se trouvaient des sortes de sillons où coulait une énergie magique bleue. Il y avait des piliers sur lesquels des runes étaient gravées afin de contenir et attirer la magie des cristaux qui faisaient désormais partie intégrante de l’édifice.
L’artisan parut satisfait de son œuvre.
- C’est fini, tout est en place, préparez-vous je vais vous montrer comment cela fonctionne.
Orgos et ses amis s’équipèrent donc, abandonnant leurs armures de cuir et leur maquillage pour quelque chose de plus léger et facile à porter. Ebohki avait créé un masque qui possédait une seule grosse lentille.
- C’est incroyable rien ne gène nos mouvements, affirma l’un d’entre eux.
- Vous ne trouverez rien de commun dans les terres de Guem. J’ai créé tout ceci avec des matériaux qui ne viennent pas de cette partie du monde, chaque fibre, chaque lame, chaque cristal, chaque partie de vos armes sont imprégnés de magie. Vous serez capable de prouesses incroyables et à vrai dire vu votre réputation de guerrier j’ai presque peur du résultat.
Orgos examina une des lames, elle était elle aussi parcourue de petites runes bleutées. Il en connaissait la signification car c’était la magie utilisée en Tantad, dès lors il sut que son but était atteint.
- Venez, suivez-moi ! Ordonna l’artisan.
Il les emmena à l’autre bout de l’édifice dans une pièce très particulière. Sur le plafond les multiples sillons convergeaient vers un point central. Une fois tous entrés la porte se referma hermétiquement.
- Nous voici dans ce que j’appelle la salle de ressourcement. Lorsque vous vous servez de vos équipements la magie s’en échappe, lorsqu’un point critique est franchi vous le sentirez. Alors il vous faudra rester plusieurs heures enfermé ici. Pour activer le ressourcement placez-vous au centre du cercle gravé dans le sol.
Les thanatosiens firent le tour de la pièce, admirant la construction et la réalisation parfaite des lieux.
- Je dois vous mettre en garde, il ne faut pas abuser du ressourcement car il est susceptible d'abîmer vos équipements. Tout cela reste expérimental, personne n’a encore créé de telles choses. De plus un excès de magie pourrait avoir de très fâcheuses conséquences. Orgos qui avait retiré son masque félicita Ebohki pour son travail puis ils quittèrent la pièce pour retourner dans la salle principale.
- Je vais rester quelques temps, déclara l’artisan, je vais vous apprendre à vous servir de ce que j’ai créé pour vous ensuite je retournerai à d’autres occupations.
L'entraînement dura plusieurs jours, laps de temps suffisant pour les Thanatosiens de s’habituer à leurs nouvelles facultés et d’apprendre à se servir des armes de distance. Mais cela ne posa guère de problèmes tant la technologie était simple à utiliser et naturelle pour eux. Un soir Ebohki les pensa fin prêt.
- Je n’ai plus rien à vous apprendre vous êtes à présents parés pour les missions que vont vous donner le Conseil, annonça-t-il.
D’Orgos s’approcha de l’artisan, le fixant au travers de sa visière-lentille, il savait que viendrait ce moment et que pour que l’entreprise réussisse il allait devoir sacrifier un innocent.
- Le Conseil ne sait pas ce que nous faisons et ne le saura jamais.
Sur cette fin de phrase d’Orgos plongea sa lame dans la poitrine d’Eboki puis tira d’un coup sec. L’homme s’écroula mort sur le coup sans comprendre le geste de celui qu’il avait aidé.
- Désormais les Thanatosiens n’existent plus, seul reste le Traquemage. Nous ne sommes plus qu’un et nul ne devra connaître notre secret sans quoi c’est la mort. J’espère que c’est entendu. A présent je vais prendre ma place au sein du Conseil et expliquer que notre guilde est officiellement dissoute, continuez l'entraînement et bientôt notre première cible sera désignée. Vu le nombre de Néhantistes encore dans la nature cela ne devrait pas tarder.
Chapitre 5 - Affaires internes
“Bam bam bam”
Le soldat de la garde du Conseil tambourina fortement à la porte du Conseiller-Doyen.
- Conseiller-Doyen, Conseiller-Doyen, réveillez-vous !
Vérace qui avait le sommeil léger se leva sans mal de son lit. Il attrapa la cape de sa tenue et la jeta sur ses épaules.
- Qu’est ce qu’il y a ?
- C’est le Conseiller Chantelain...
- Il s’est fait avoir ? Coupa le Vérace.
- Disparu.
- Amenez-moi jusqu’à ses appartements je vous prie. Et faites réveiller les conseillers Marlok et Abyssien, soyez discrets je ne veux pas que la panique s’empare du château.
En tenue de nuit, Vérace courut le long des couloirs, s’inquiétant pour son ami, rageant intérieurement de cet incident. Sur place il trouva le chaos. La porte enfoncée, la vitre cassée, les meubles renversés et des papiers partout. Vérace se pencha par la fenêtre, les rares éclairs ne lui offraient pas assez de lumière. Comprenant plus où moins ce qu’il s’était passé ici il fit sortir les gardes et se plaça pile à l’entrée du bureau. Là il utilisa sa magie et l’intérieur devint trouble.
- Vous n’avez rien touché ? Demanda-t-il agacé.
- Non Conseiller-Doyen.
- Bien, demandez au servants de ramasser les débris qui sont tombés en contrebas, qu’ils ne répondent à aucune interrogation de qui que ce soit.
Peu de temps après Marlok arriva, suivi d’un Abyssien encore endormi.
- Conseiller-Doyen, vous nous avez fait demander ?
- Oui Conseiller Marlok. Venez tous les deux, dit-il en entrant dans le bureau.
- Un sort de stase ? Remarqua Abyssien.
- Désolé de vous déranger en pleine nuit, mais la situation l’exige. Le Conseiller Chantelain a disparu, probablement à cause du Traquemage. Il avait pour mission d’enquêter sur cette personne.
- De toute évidence cela ne lui a pas réussi, déclara Abyssien en baillant à se décrocher la mâchoire.
- Oui et non. Il est venu me voir hier en me demandant de lui accorder un sort de messager fantôme. J’ai compris qu’il avait de sérieuses pistes et qu’il fallait faire plus. J’ai lancé plusieurs sorts en plus du messager fantôme. Il porte une marque de l’ombre, en espérant qu’elle soit active.
- Il est curieux que le Traquemage n’ai pas tué directement Chantelain, je ne me souviens pas d’enlèvement de sa part, mais plutôt des morts spectaculaires, remarqua Marlok.
- Une marque de l’ombre ? Dans ce cas je peux le pister.
- Oui Abyssien, je vous ai fait venir pour ça. Retrouvez-moi Chantelain et reprenez l’enquête avant qu’il ne lui arrive malheur. Quant à moi j’ai quelques petites choses à faire rapidement. Si Chantelain n’est pas mort c’est que le Traquemage savait que sa cible portait un messager fantôme.
- On s’y met de suite, annonça Marlok.
Chantelain avait un horrible mal de tête, il mit longtemps à émerger, ses paupières se levant puis se refermant presque immédiatement. Une main le secoua, puis une claque lui donna un coup de fouet le réveillant instantanément. La lumière projetée par des sortes de lampes, probablement magiques ne fut pas agressive, bien au contraire.
- La douleur va vite passer, ne vous en faites pas Chantelain.
Le conseiller se concentra et sa vision redevint claire, la voix était la même que celle de la personne qui l’avait assommé tantôt. Il se souvint d’où il l’avait déjà entendu. Devant lui un Traquemage le regardait, mais celui-ci n’avait pas le même costume que celui qu’il avait affronté. Tout cela se passait dans une grande pièce close, sans fenêtre ni porte. La décoration luxueuse détonnait avec la modernité des murs lisses striés de sillons lumineux.
- Qu’est ce que je vais faire de vous ? Attendre que le message fantôme ne se dissipe et vous tuer ?
A présent Chantelain était certain quant à l’identité de ce Traquemage.
- Edrios... Enlevez ce masque, votre voix à l’accent de Tantad vous trahie.
Le Traquemage tira son masque de cuir, découvrant le visage du Conseiller Edrios. Celui-ci tira alors un fauteuil pour s’y installer, faisant face à son prisonnier qui, lui, était par terre, attaché.
- Vous avez toujours été un fin limier Chantelain, et, j’ai pu le voir, un être redoutable l’arme à la main. Vous avez tué un apprenti, mais ce n’est pas grave.
- Relâchez-moi Edrios, vous ne gagnerez rien à me garder captif et encore moins à me tuer, je ne fais que mon travail.
- Et moi, le mien. Je dois protéger l’organisation.
- Vous ne protégez rien, au contraire, le Conseil mettra tout en œuvre pour me retrouver tant que le messager fantôme sera actif.
- Le Conseil ? Dit Edrios en soupirant. Le Conseil a été créé par celui qui a créé l’organisation Traquemage, nous sommes ici même sous le château de Kaes. Bref, ils ne vous retrouveront pas.
- Comment vous croire ? Après tout on pourrait être à l’autre bout du monde et vous pouvez très bien me mentir.
- Je pourrais oui, mais sachez que mes buts sont honorables. Je lutte contre Néhant grâce à mon organisation.
Chantelain se remémora les différents rapports qu’il avait obtenu et ses conclusions n’étaient pas glorieuses.
- Tuer des innocents et les voler ensuite c’est ça l’honneur pour vous ?
Edrios fronça les sourcils, visiblement la remarques le mit hors de lui. Il se leva d’un coup, tira son arme de son fourreau.
- Taisez-vous ! Vous ne connaissez RIEN du sacrifice que nous faisons pour sauver les terres de Guem de cette folie nommée Néhant !!!
Chantelain ne se laissa pas impressionner, il avait déjà eu plusieurs confrontations d’opinions dans la grande salle du Conseil.
- Vraiment ?? Comment pouvez-vous dire ça après ce qu’il vient de se passer ?? Un démon qui réussit à contrôler le Conseil ! Si quelqu’un a failli, c’est vous !! Dit-il en hurlant.
Pendant ce temps, Abyssien et Marlok parcouraient les couloirs de château de Kaes, suivant une petite créature d’ombre “sniffant” le sol.
- Ça fait déjà un bon moment qu’il tourne sans sortir du château, Chantelain serait donc ici ? Questionna Marlok.
- C’est même sur, il a délimité la zone de recherche, il devrait passer...
Abyssien ne finit pas sa phrase, le pisteur s’emballa et se mit à courir.
- Ah bien voilà ! C’est parti !
Les deux conseillers suivirent donc leur petit compagnon magique, dévalant couloirs et escaliers. Tantôt à droite, tantôt à gauche, descendant et remontant les étages puis enfin ils s’engagèrent dans un couloir au plus profond des entrailles de la demeure. Là sans autre raison le pisteur stoppa sa course effrénée devant un mur, au milieu d’un couloir que nul n’empruntait jamais. La créature d’ombre en forme de chien resta alors immobile pointant le mur de son museau.
- Il est détraqué ton pisteur, s’amusa à plaisanter le Draconien.
- Que nenni mon ami. C’est juste que Chantelain est là quelque part derrière ce mur.
Marlok toucha de sa main de cristal la surface de la pierre pendant qu’Abyssien examinait les alentours. Le Draconien se concentra et fit appel à ses pouvoirs de mage.
- J’ai quelque chose, dit-il sérieusement.
- Moi aussi, bien que cela ne se voit pas, je pense que des personnes passent par là.
- Tu as raison Abyssien, y a du passage et à vrai dire, il y a de la magie dans cette histoire.
La main de Marlok s’illumina d’une lueur bleutée, à ce moment là des inscription apparurent sur le mur, formant un cercle magique. Puis une fois qu’elles furent toutes visibles un passage magique se forma, comme si la surface était de l’eau. Marlok tira de sa veste un tube de cristal d’une vingtaine de centimètres et en passa une extrémité au travers la porte magique.
- Et bien voilà ! Se réjouit Abyssien, on va voir ?
- Oui oui, mais il faut être prudent, j’ai déjà vu cette magie autrefois, celle des runes de Tantad. J’ai vu des prouesses incroyables lors de mes voyages dans cette partie du monde. Mais quelle relation avec le Traquemage ?
- A nous de le découvrir, dit Abyssien en les recouvrant tous deux d’un voile de ténèbres. Et pour cela devenons invisibles !
Aspirés par la porte, transformés en ombres, les deux conseillers se retrouvèrent de l’autre côté. Glissant ainsi dans les nombreuses ombres du repère des Traquemages. D’ailleurs ils s’aperçurent assez rapidement de l’activité présente. Dans cette grande pièce principale il y avait une dizaine de Traquemages. Ils continuèrent leurs recherchent, se faufilant à l’insu des assassins.
Chantelain continuait de défier Edrios, à présent il cherchait à gagner du temps de manière à ce que la douleur arrête de le figer et surtout le temps de défaire ses liens sans que cela ne se voit. Un plan avait vite germé dans son esprit. Sur une table non loin de là une des dagues de Traquemage était plantée, probablement dans le but de l’impressionner. S’il pouvait défaire ses liens, et vu que ceux-ci étaient lâches... Edrios était parti dans un monologue vertueux, expliquant que Chantelain avait tort et qu’il suivait la seule et véritable voie de la lutte contre Néhant. Le prisonnier avait observé la pièce, il y avait là certains objets connus comme des œuvres d’art propriétés d’un roi, d’un seigneur, d’un marchand et d’autres mais qui n’avaient rien à voir, et avec certitude, avec les Néhantistes. Il comprit alors qu’Edrios n’avait pas un discours cohérent par rapport à ses actes. La situation allait évoluer plus rapidement que prévu. Marlok et Abyssien réussirent à atteindre la pièce où Chantelain était enfermé. Ce dernier passa à l’action à ce moment là. Il fit appel à toutes ses forces restantes pour bondir entre Edrios et la table. De sa main gauche il attrapa le bras de son adversaire, de l’autre il arracha la dague de la table. Hélas pour Chantelain il ne fut pas assez fort, ni rapide. Edrios parvint à se défaire de l’étreinte de Chantelain.
Les deux mages cachés dans les ombres reconnurent les deux protagonistes et agirent à ce moment précis. Tous deux reprirent leur véritable forme. Abyssien se servit des ombres présentes pour créer plusieurs tentacules qui s’enroulèrent autour des jambes d’Edrios. Marlok quand à lui modifia la structure de son bras de cristal pour qu’il devienne une lame et la planta dans les côtes de leur adversaire. Edrios n’eut pas le temps de blesser Chantelain, surpris et entravé par les tentacules d’ombre. Le combat tourna court, voyant que l’issue lui était défavorable, ne pouvant faire face à trois conseillers de cette valeur, Edrios emporté par sa folie n’avait pas d’autre choix que de se donner la mort. Il s’enfonça la lame de son épée dans le ventre et s’écroula ensuite, la vie s’échappant de lui... Chantelain, mort de fatigue se posa à terre, soulagé de par l’intervention au combien providentielle de Marlok et Abyssien.
- Comment vous m’avez retrouvé ? Demanda Chantelain.
- Vous verrez ce détail avec le Conseiller-Doyen, répondit Marlok un peu gêné.
- Bon et maintenant ? Interrogea Abyssien. On peut ressortir comme nous sommes entrés, je tiens pas à rester là, on s’occupera des Traquemages plus tard maintenant que nous savons où ils sont.
- Non attendez, j’aimerais fouiller cette salle. Il faut aussi emporter le corps d’Edrios pour éviter que sa mort ne soit remarquée.
Chantelain se leva tant bien que mal et entreprit de fouiller la pièce. Ses recherches furent très fructueuses car il trouva plusieurs grimoires qui étaient les notes du seigneur d’Orgos et de ses successeurs, d’autres objets et costumes de Maître-Traquemage.
- J’ai fini, partons. J’ai un service à vous demander, il va falloir enlever les vêtements d’Edrios, les brûler et lui en passer d’autres.
- Vous avez une idée derrière la tête vous; affirma Marlok.
- Plus d’une même, ne parlez à personne de tout ça, nous ferons une réunion privée avec Vérace dès que j’aurais lu ce que j’ai pris.
Avec difficulté Abyssien réussit à transformer tout le monde en ombre, disparaissant du repère des Traquemages sans que ceux-ci ne se rendent compte de ce qu’il venait de se passer ici.
Quelques jours plus tard, Marlok, Abyssien, Chantelain et Vérace s’étaient réunis dans le bureau, à présent rangé, de Chantelain. Le Conseiller-Doyen scella magiquement la pièce pour que personne d’indiscret n’assiste à leurs échanges.
- Conseillers, Doyen, j’ai lu, dans les grandes lignes, les grimoires trouvés chez les Traquemages. Ce qu’on y découvre est incroyable. C’est le Conseiller-Doyen d’Orgos qui a créé les Traquemages par haine des Néhantistes. Le Conseil n’accordant pas de peine capitale, il a créé une société secrète, qui perdure encore après soixante-dix ans d’activités. Plusieurs conseillers ont dirigés les Traquemages jusqu’à Edrios. Mais c’est là que ça tourne vinaigre. C’était il y a presque vingt ans lorsqu’il s’est vu confier la direction de l’organisation. Mais il l’a perverti, s’en servant pour ses propres intérêts et pour son profit personnel. Vérace n’en crut pas ses oreilles. Les Traquemages, ici, depuis si longtemps et sous le contrôle d’un conseiller.
- Décidément, j’en apprends tous les jours, déplora-t-il. Bon réfléchissons à ce que nous pouvons faire d’eux maintenant.
- J’ai déjà une idée, déclara Chantelain. Je ne donne pas raison à d’Orgos, mais nous avons là une opportunité. Le Conseil doit garder le contrôle des Traquemages et faire perdurer l’organisation, mais avec nos directives. Le tout sans qu’ils sachent la vérité.
- C’est dangereux, affirma Marlok. Si la vérité est révélée on accusera le Conseil d’assassinat et cela nuira à une réputation déjà entachée par les derniers évènements.
- Mais c’est aussi un moyen de lutter contre les Néhantistes, ils en ont les outils, expliqua Chantelain avec conviction.
- Peut être dans ce cas devrions-nous temporairement garder le contrôle des Traquemages, au moins jusqu’à ce que nous ayons éliminé le problème Néhantiste, intervint Abyssien.
Le Conseiller-Doyen regarda les autres conseillers les uns après les autres, il lui fallait prendre une décision sur l’avenir des Traquemages. Que deviendraient-ils s’il démantelait l’organisation ? Allaient-ils devenir des bandits ? Que faire de personnes dont la seule façon de vivre était d’être Traquemage ?
- Chantelain, vous prenez la succession d’Edrios. Les Traquemages devront être réorientés vers leur but primaire et se remettre au travail. Marlok, vous connaissez le rituel du serment de parole ?
- Oui, oui, je le connais.
- Dans ce cas il va falloir le faire, afin que ce secret reste entre nous et soit caché pour toujours.
Eclosion
Chapitre 1 - Le prêtre-roi
“Hakim...
Hakim...
Lorsque le soleil de ses rayons éclairera ton visage. Alors que tu te réveilleras, tu devras venir à moi. Tu marcheras vers l’astre jusqu’à ce qu’il soit haut dans le ciel. Là tu me trouveras, moi Ozymandias...”
Le jeune homme sursauta sur sa couche. Le jour était levé, la lumière baignait la petite chambre qu’il habitait depuis plusieurs années. Un peu hagard il se leva et se passa un peu d’eau sur le visage. Un nom ne cessait de se répéter dans sa tête : Ozymandias. Une fois convenablement habillé il sortit de sa chambre et parcourut le petit temple dédié à Sol’ra. A cette heure-ci les autres serviteurs et le prêtre dormaient encore. Son rêve était encore présent, aussi voyant là un appel mystique Hakim marcha jusqu’au porche du temple. Là dormait un garde, en poste en raison de l’insécurité des lieux suite à la recrudescence des actions de rebelles dans la région. Il se saisit d’un cimeterre posé contre le mur, jurant de le ramener à son propriétaire. Il quitta les lieux, marchant dans le désert, suivant le soleil qui eut tôt fait de progresser dans le ciel immaculé.
Mouktar avait reçu quelques jours plus tôt des ordres du vizir en personne. On lui avait demandé un rapport sur les activités rebelles d’Aksenoun. Ce qu’il avait découvert lui vaudrait sûrement une gloire et une récompense incroyable, mais le destin, finalement, s’attarda sur son cas et ne lui laissa pas le temps de rapporter des faits accablants pour le prince Metchaf et Urakia. Il avait suivi ces derniers jusqu’à Istaryam où il les espionna dans la plus grande discrétion. Mais il n’alla plus loin que ne lui permit la présence de Pto’la. Il observa donc chaque personne présente et comprit rapidement que c’était un groupe de rebelles, le prince et Urakia n’ayant rien fait à leur encontre Mouktar serait obligé d’en faire part à qui de droit. Puis lorsque le sol trembla alors que les dieux anciens étaient libérés il décida de ne pas traîner plus dans les parages. En dehors d’Istaryam un étrange spectacle s’offrait à lui. Le désert était littéralement avalé là où il y avait le dôme, découvrant ainsi quelques vestiges de l’ancienne Istaryam. Lorsque tout cessa et que le sable eut fini d’envahir la ville le Scorpion Blanc de Selik remarqua un détail pour le moins intéressant. Tout au bout de l’ancienne cité, le bout d’une pyramide dépassait du sable. sur la parois le symbole du soleil de Sol’ra. A sa connaissance il n’y avait pas de temple de quoi que ce soit ici. Poussé par la curiosité il obéit au deuxième commandements des Scorpions Blancs : Apprends tout ce que tu pourras.
Le soleil était haut dans le ciel lorsque Hakim remarqua le nuage de poussière. Il pensa de suite que c’était là un signe et continua sa route. Il monta une grande dune et une fois en haut il fut époustouflé par la vue - des ruines sortaient du sable ! En contrebas de là où il était, le symbole de Sol’ra attira toute son attention. Il entreprit alors de descendre la dune pour aller voir. Il ressentait désormais une présence familière comme si le prêtre Sol’ra qui l’avait presque élevé était à ses côtés.
Mouktar caché derrière l’une des arrêtes de la pyramide regarda arriver Hakim en se demandant d’où il venait ainsi. Savait-il que cette pyramide était là ? Il ne se laissa pas démonter et alla à la rencontre du jeune homme surprenant ce dernier.
- Qui êtes-vous ? Demanda le Scorpion Blanc.
- Je... Hakim, je viens d’un temple à une demi-journée d’ici. Et vous ?
- Mouktar, Scorpion Blanc de Selik.
Mais cela ne disait pas grand chose à Hakim.
- Qu’est ce que vous voulez ? Je n’ai pas d’argent à vous donner, rétorqua-t-il pensant avoir à faire à un bandit.
- Je ne veux pas votre argent... Je ne suis pas un voleur... Je travaille pour le vizir. Je viens juste voir ce qu’il se passe ici car c’est pour le moins étrange...
Hakim plongé dans ses réflexion laissa là Mouktar pour ce concentrer sur ce pourquoi il était là. Hélas après un tour complet de l’édifice il n’avait pas trouvé d’entrée, seulement des blocs scellés les uns aux autres. Le Scorpion Blanc s’amusa à le regarder faire, plus habitué aux ouvertures secrètes il avait déjà compris comment rentrer.
- Dites-moi pourquoi vous êtes là et je vous aide, commenta-t-il.
- Je suis là par la volonté de Dieu, si vous voulez en savoir plus aidez-moi à entrer là-dedans, répondit Hakim un poil irrité.
- Très bien, venez voir... là ! Dit-il en montrant le symbole de Sol’ra.
Mouktar pointa du doigt quatre symboles hiéroglyphiques qu’Hakim comprit de suite comme étant une courte prière. Une fois assimilée il s’agenouilla et plaqua les mains contre la pierre brûlante. Il chuchota ensuite et à plusieurs reprises les paroles qu’il venait d’apprendre. Le bruit de la pierre contre la pierre indiqua qu’un passage venait de s’ouvrir. Une des pierres s’était enfoncée dans la pyramide, laissant le champ libre aux deux nomades. Une fois à l’intérieur tout changea autour d’eux. Les murs disparurent et ils se retrouvèrent au milieu du désert devant un cristal jaune.
- Qu’est-ce que ? Marmonna Mouktar impressionné.
“Approchez !” Commanda une voix qui semblait venir de nulle part. “Je suis Ozymandias, Prêtre-roi au service de Sol’ra. Venez à moi fidèles”.
- Ozy...mandias... répéta Hakim.
Il avait eu le temps durant son voyage de réfléchir à ce nom et il ne voyait qu’une personne ayant été nommée ainsi par le passé. L’un des premiers rois du désert. Mais c’était il y a longtemps, très longtemps, par quel miracle cela pouvait être lui ? Surtout que cette voix venait de le confirmer “Ozymandias, Prêtre-roi”. Mouktar quant à lui ne connaissait pas ce nom mais ça ne l'empêcha pas d’aller voir ce cristal pour se faire une idée “Apprends tout ce que tu pourras”. A l’intérieur, pris dans le cristal il y avait un homme. Mouktar toqua à la surface pour tester la solidité de l’objet, cela ne sonnait pas creux. Hakim fit le tour, examinant la vieille tenue et l’état de l’homme. Il reconnut là une tenue comme celle d’un prêtre de Sol’ra avec sa couleur bleue caractéristique et ses symboles. Accrochée à son dos et se calant derrière sa tête, une parure en or représentait le soleil.
- C’est bien Ozymandias !
“Hakim... Brise mes chaînes... Libère-moi de ce cristal ! Et je répondrai à tes interrogations”.
Le jeune Gardien du Temple, poussé par sa ferveur prit de l’élan et frappa le cristal de son cimeterre. Le cristal se fendilla mais ne céda pas. Mouktar décida de l’aider et frappa à son tour avec force. Ils répétèrent leurs gestes jusqu’à ce que le cristal se brise totalement. Ozymandias tomba à genoux au milieu des éclats, il prit une grande goulée d’air comme un nourrisson venant de sortir du ventre de sa mère. Tant bien que mal il se leva, sa grande silhouette filiforme supplantait en taille celles des deux autres. Il serra ses poings comme pour faire revenir ses forces. Puis il se retourna vers Hakim et Mouktar et leur tendit les mains. - L’histoire n’oubliera pas vos noms et lorsque Sol’ra aura détruit ce monde il vous accueillera à ses côtés. Saisissez ma main et allons vers les nôtres qui attendent au loin un signe fort, le signe de mon retour, le signe de Dieu.
Ce n’était visiblement pas une suggestion, mais un ordre divin. Les deux hommes attrapèrent chacun une main et tout vacilla autour d’eux. La lumière s’intensifia, jusqu’à les rendre aveugles, le sol se déroba sous leurs pieds. La sensation n’était pas désagréable car, ils le sentaient, ce prodige était l’œuvre de Sol’ra.
Chapitre 2 - Prélude à la guerre
Noz’Dingard
L’inquiétude pesait sur la conscience d’un des êtres les plus proche de Guem existant à l’heure actuelle. Dragon n’avait ressenti cela qu’en de rares occasions, l’une d’elle fut l’arrivée de Néhant. Cela n’allait pas. Et bien que sa façon de ressentir les sentiments différaient des humains, l’angoisse montait. Au loin Arkalon se battait aux côtés de la Kotoba dans une bataille contre les nomades du désert. Il s’était focalisé sur son ancien Chevalier-Dragon afin de voir par ses yeux et ce qu’il voyait ne lui plaisait pas. La terre autour de la pierre tombée du ciel n'était désormais que sable stérile et jamais encore ce maudit caillou n’avait autant lui d’une puissance aussi forte. Dragon le savait, cette bataille allait être la dernière, il lui fallait agir et cesser d’être un simple spectateur. Il se matérialisa devant le trône du palais de Noz’Dingard où Anryéna lisait un parchemin. Elle cessa immédiatement sa lecture lorsqu’elle vit son père. Le visage de Dragon était crispé et son humeur impactait l’ambiance. Anryéna s’inquiéta de cet état.
- Père, qu’est ce qu’il y a ?
- Ma fille, le monde bascule et nous sommes désormais à la croisée des chemins. Si l’une des routes mène à la victoire, l’autre nous plongerait dans le chaos. Ne restons pas repliés sur nous même en attendant la résolution de ce conflit, mais appuyons ceux qui offrent leur vie. Rassemble le plus rapidement possible les gardes de la cité, nous n’avons pas le temps de faire appel à toute l’armée de la Draconie.
Sur ce Dragon ferma les yeux pour ce concentrer, il ressentait chaque personne avec qui il était lié, tous ses gens qui lui avaient donné leur pierre-cœur et qui faisaient désormais partie des Envoyés de Noz’Dingard. Il appela chacun d’entre ceux qui se trouvaient dans la capitale.
“Envoyés, entendez mon appel, Je vous attends au palais afin de vous donner une mission primordiale pour les terres de Guem. Mettez-vous en route sans tarder.”
- Ma fille tu devras rester là pour diriger, en l’absence de Kounok je ne peux me résoudre à te laisser risquer ta vie.
Anryéna comprenait bien la situation aussi ne répondit-elle pas à son père et se contenta d’obéir en convoquant le capitaine de la garde de la ville.
Les premiers à se présenter furent ceux qui étaient préparés à la guerre à savoir les Chevaliers-Dragon Zahal et Valentin ainsi que Naya et une partie de ses Sorcelames. Puis les mages arrivèrent, Aerouant avec son golem bien sur, mais aussi Marlok de passage dans la cité ou encore Alishk. Si bien qu’à part Marzhin, Pilkim, Kounok et la Pythie il ne manquait personne. Enfin se fut le tour de la soldatesque d’arriver si bien que la grande place devant le palais fut très vite remplie. Dans le palais Dragon s’adressa aux plus hautes autorités de la cité, Zahal qui en temps de guerre devenait le dirigeant des armées, Naya en tant que dirigeante des Sorcelames et Marlok qui fut nommé en tant que représentant du Compendium dans la mission qui allait suivre.
- Ce qui va advenir est capital pour les terres de Guem. Je vais vous ouvrir un portail magique jusqu’au tombeau des ancêtres où une partie de la Kotoba affronte ceux venus du désert. Rangez-vous à leurs côtés et conjuguez vos forces. Sur place vous trouverez facilement le Chevalier-Dragon Arkalon, indiquez-lui qu’il prend la tête de l’armée de la Draconie. Je ne vous cache pas que cette mission est terriblement risquée et je ne m’attarderai pas plus. Cela va bien au-delà d’une guerre de Guilde.
Marlok fit un pas afin de prendre la parole.
- Dragon, je ne suis pas en simple visite ici, mais envoyé par le Conseil des guildes. Sachez que nous venons de voter la dissolution de la guilde connue sous le nom de Nomades du désert. Nous pouvons agir sans crainte de représailles de la part du Conseil.
- En ce cas, frappez, frappez fort et mettez à genoux nos ennemis. Mais surtout il nous faut détruire cette pierre tombée du ciel !
Dragon sortit alors du palais suivi par les Envoyés de Noz’Dingard. Il fit appel à sa magie et un portail de magie s’ouvrit devant lui.
- L’ouverture d’un passage me demande énormément de magie, alors partez immédiatement. Je vais faire appel à nos alliés pour leur indiquer que nous entrons en guerre.
Okïa un jour avant l’affrontement.
Le Seigneur Impérial tenait bon sur son cheval, la douleur à son côté lui rappelait la défaite subit lors de la dernière bataille au tombeau des Ancêtres. A présent il lui fallait faire face et réparer le déshonneur par une victoire éclatante. Son fils, le Champion Impérial Iro le précédait et les dernières nouvelles étaient inquiétantes. A part ceux déjà sur place le reste de la Kotoba et une partie de l’armée impériale, c’est à dire environ deux mille hommes étaient là attendant les ordres du Seigneur Impérial. Ordre qui vint une fois que tous les capitaines de section eurent signalé qu’ils étaient prêts à partir.
Le cortège démarra, vidant peu à peu le village qui n’avait pas connu autant d’animation depuis des décennies. Les villageois encourageaient les fiers soldats impériaux pour leur donner le courage et du cœur à la bataille. Telle une colonne de fourmis les troupes se dirigeaient vers cette pierre qui brillait au loin. Gakyusha, flanqué de Tsuro et Xïn discutait de stratégie.
- Mes Traqueurs nous précèdent et les nouvelles que j’ai font état de deux armées surnaturelles qui seront en train de s’affronter au moment où nous arriveront. Shui Khan, Hime et Amaya seront prêts à intervenir à notre signal.
- Et le clan du corbeau, que fait-il ?
- D’après ce que je sais, intervint Xïn, le seigneur Daijin a envoyé quelques-uns de ses hommes en plus de son exorciste. Si vous voulez mon avis, nous ne les verrons pas avant qu’ils agissent.
- Du moment qu’ils écoutent les ordres tout ira bien. Hâtons-nous je veux que nous intervenions le plus rapidement possible et que nous libérions le tombeau des Ancêtres de ces envahisseurs venus du désert.
- Nous allons leur montrer ce que vaut la Kotoba ! S’exclama Xïn en écrasant son poing droit dans la paume de sa main gauche.
Forêt des Eltarites au moment où les Envoyés de Noz’Dingard passaient le portail.
Le Maître-Mage Marzhin était très impressionné par la rapidité de croissance du Mangepierre des Confins. En l’espace de deux jours ses cheveux avaient poussé d’une trentaine de centimètres. Pilkim ne quittait plus la créature des yeux, non pas pour son physique féminin mais pour tout ce qu’elle représentait. Elle avait réussi tous les tests que les draconiens lui avaient fait passer et pourtant ceux-ci étaient réputés difficiles au sein de l’académie de magie de Noz’Dingard. Au beau milieu de l’un d’entre eux, le Mangepierre se figea, ne réagissant plus aux questions de Marzhin et Pilkim. Le Kei’zan qui observait pencha la tête, il voyait bien que quelque chose n’allait pas.
- Mangepierre ?
La créature se leva et se tourna dans une direction précise.
- Cela a commencé ! Dit-elle à haute voix.
- Quoi donc ? Qu’est-ce qui a commencé ? Demanda Marzhin curieux.
- Ce pourquoi vous êtes venus me chercher, ce pourquoi je me prépare, ce pourquoi nous allons partir d’ici. Les forces se déplacent, je ressens la puissance divine là-bas au loin, la guerre commence.
- Quoi ? maintenant ? S’exclama Pilkim.
- Faut-il que la guerre t’attende fiston ? Ironisa Marzhin.
- Les vôtres sont en route pour la pierre tombée du ciel, dit le Mangepierre à l’attention des draconiens.
Puis s’adressant au Kei’zan.
- Nous devrions nous mettre en route, la Cœur de Sève doit à son tour intervenir.
- Vous avez raison Mangepierre, partons, la grande majorité de la Cœur de Sève nous attend à la lisière de la forêt et les autres sont là. Venez-vous Maître-Mage ?
Marzhin se leva et s'épousseta en réfléchissant à se qu’il allait faire. Si les Envoyés de Noz’Dingard se jetaient dans la bataille, pourquoi pas lui. Et puis sa mission ici était finie après tout, sans parler du fait que cette bataille était importante et peut-être déterminante.
- Bien sur que nous venons, vous n'allez pas vous amuser sans nous.
Pilkim ne sut pas quoi en penser entre l'excitation de la perspective d’une bataille et la peur d’affronter la mort. Mais si son père décidait de participer alors il le devait aussi.
Sans tarder plus la Cœur de Sève se mit en branle et quitta sa forêt pour prendre en tenaille les nomades du désert.
Chapitre 3 - La fin ?
La tête de Soraya roula par terre et s’enfonça légèrement dans le sable.
Le corps de l’incarnation de Kehper tomba lourdement devant Iro et les autres membres de la Kotoba présents à ce moment là. Le jeune Xziarite s’attendait à voir les guerriers scarabées détaler à cet instant précis, mais le fait qu’il ait vaincu l’incarnation de Kehper n’eut pas l’effet escompté. La vague de chitine continua de plus belle et très vite l’armée des ancêtres dut reculer.
- C’est pas vrai, comme ça se fait ??? lâcha Iro énervé par la situation, coupant des têtes d’insecte à tour de bras.
Yu Ling vit que le général adverse se relevait, marchait jusqu’à sa tête et la reposa à sa place comme si de rien n’était. Elle resta ébahie par cette vision catastrophique. Ils allaient perdre s’il ne pouvait le terrasser définitivement.
C’est là qu’apparurent non loin de la mêlée les troupes de la Draconie. Le bleu se mêla alors au noir et au rouge pour un mélange des couleurs chaotique. Zahal trouva Arkalon, bien visible parmi l’armée des ancêtres. Comme tout bon Chevalier-Dragon le jeune homme connaissait la prestigieuse lignée des porteurs du titre, aussi il reconnut là celui qui autrefois perdit la vie contre l’empire de Xzia.
- Seigneur ! Je suis Zahal je dirige les troupes régulières de la Draconie, suivant les ordres de Dragon nous nous plaçons sous votre commandement.
Arkalon n’était guère surpris par l’arrivée des “siens”. Il ne fut pas non plus étonné de voir plusieurs Chevaliers-Dragon, cela avait déjà été le cas autrefois. Aussi assuma-t-il le rôle confié. Il amena Zahal jusqu’à Iro afin de faire un plan rapide. Mais à peine étaient-ils au niveau du Champion que Yu Ling montra quelque chose.
- La bannière de mon père ! D’autres renforts ! Cria le Champion plein d’espoir. La bataille n’est pas perdue !
Pendant ce temps l’incarnation de Kehper taillait dans le vif, détruisant vivant comme ancêtres. Voyant cela, les quelques nomades du désert présents dans la bataille se replièrent vers la pierre tombée du ciel.
Au pied de la pierre Tombée du ciel l’avenir du monde était en train de se jouer. Ïolmarek observait la bataille en criant des ordres à tout va, il vit arriver les Xziarites et projetait de jeter ses forces dans la bataille. Mais l’apparition soudaine des Draconiens réduisait ses efforts à zéro.
- Que faire !?
“Garde espoir, prêtre, garde espoir, il arrive et avec lui la fin de ce monde !” déclara la voix venue de la pierre tombée du ciel “garde la foi”.
- Qui arrive ? Et quand allez-vous agir ?
“Celui qui fut mon réceptacle, celui qui fut moi, celui qui sera moi, le fléau de Guem !”
A ce moment là une forte lueur jaune attira le regard du grand prêtre de Sol’ra. Des hommes venaient d'apparaître comme par miracle. Djamena non loin de là n’en revint pas. Elle s’approcha du Prêtre-roi, puis elle effleura sa joue de dos de ses doigts.
- Toi... Tu es revenu..
Elle mit alors genou à terre en signe de respect. Ïolmarek sauta de son rocher volant pour en savoir plus sur ces arrivants. Ils portaient les symboles de son ordre religieux et s’il avait déjà croisé Hakim et Mouktar il ne connaissait pas celui devant qui Djamena se prosternait.
- Lève-toi Djamena, nous sommes à nouveau réunis, sais-tu ce que cela signifie ?
- Non qu’est ce que ça signifie coupa Ïolmarek.
Djamena s’interposa pour faire les présentations alors que d’autres nomades se rassemblaient autour d’eux.
- Voici le Prêtre-roi Ozymandias, dit-elle en le montrant, puis à l’inverse, Prêtre-roi, voici le grand prêtre de Sol’ra Ïolmarek.
Le vieil homme connaissait ce nom et surtout savait ce qu’il avait fait autrefois.
- Je vous croyais mort depuis longtemps. Vous avez survécu ??
- Sol’ra n’aurait jamais permis que je meure, moi seul, je suis capable de contenir sa puissance ! Avec ta permission je prendrais la parole.
- Oui bien sur... se résigna un Ïolmarek impressionné.
- Solarians, enfants de Sol’ra, le moment est venu de libérer sur ce monde celui qui attend patiemment dans la pierre venue du ciel. Il est temps de vous réveiller éclats du soleil pour que nous terminions le duel qui nous oppose à Guem. Laissez parler votre nature, dit-il en écartant les bras. Lancez les suppliques et les litanies, faites entendre notre foi !
Ïolmarek prit à l’écart le Sphinx, les autres gardiens du temple et certains membres de l’Eclipse.
- Empêchez quiconque d’interrompre ce qu’il va se passer maintenant, n’oubliez pas que vous êtes le bras armé de Sol’ra et que nos vies lui appartiennent.
- C’est compris ! Dit le Sphinx en se frappant la poitrine. Moi vivant personne n’approchera.
- Regardez par là bas annonça Malika en montrant de l’autre côté de la pierre. On a de la visite... encore.
C’était le Kei’zan et la Cœur de Sève, accompagnés par le Mangepierre, Marzhin et les Draconiens. Le Sphinx cracha par terre.
- Je vais prendre ma revanche ! Dit-il en marchant calmement en direction des troupes Eltarites.
- Attends, vous ne tiendrez pas face à eux. Je vais faire en sorte que vous les écrasiez, dit Ïolmarek en soufflant ensuite sur sa lampe.
Une créature bleue en sortit alors.
- Oui, mon maître, puis-je réaliser votre dernier souhait ?
- Donne à ces personnes la capacité de résister à la magie de Guem afin qu’elles puissent vaincre nos ennemis.
Le génie écarta les bras et une aura brillante apparut autour du Sphinx et des autres nomades.
- Accordé ! Dit le génie. A présent que je t’ai servi par trois fois, à toi de respecter le pacte.
- Je sais. Va à présent, tu es libre.
Dans un “plop”, le génie disparut pour toujours. Ïolmarek jeta la lampe au sol.
- A présent allez et terrassez-les ! Ordonna le grand prêtre.
C’était la guerre.
Voilà que cette région du monde connaissait une nouvelle fois une incroyable bataille. D’un côté la Kotoba et les Envoyés de Noz’Dingard se battaient contre Kehper et son armée de scarabées, de l’autre la Cœur de Sève se mesurait à l’incroyable puissance d’une partie des nomades du désert. Tout allait très vite et malgré la volonté de cohésion des différents chefs cela tourna vite en une grande mêlée générale. Le Sphinx et ses amis, protégés par la magie du génie ne craignirent pas la magie de la nature des Daïs. Ces derniers impuissants n’eurent d’autres choix que de laisser les Hom’chaï tenter de briser la ligne d’attaque des nomades. Le Mangepierre des Confins attrapa l’épaule de Marzhin.
- Vite, ils vont ouvrir un passage ! Il faut aller à la pierre maintenant.
- Mais on ne peut pas passer les nomades nous barrent la route et semblent résister à notre magie.
Agacée la créature de Guem décolla littéralement du sol pour se poster au dessus du sphinx. Au dessus de sa tête une boule blanche se forma, puis d’un geste des deux mains elle la lança sur sa cible.
- Allez il faut avancer ! cria-t-elle.
Marzhin et Pilkim profitèrent de la diversion pour se faufiler de l’autre côté. Ils pouvaient désormais aller jusqu’à la pierre.
Djamena, Ahlem, Ïolmarek, Ozymandias et les autres Solarians priaient ensemble dans un but commun. Placés tout autour de la pierre, leur foi renforcée par la perspective d’accomplir la volonté divine. Pour eux plus rien ne comptait autour d’eux, seul leur objectif commun importait. Leur ferveur fut telle qu’ils provoquèrent la fin de cette bataille. Un craquement cristallin se fit entendre dans toute la région. La pierre tombée du ciel trembla puis s’éleva doucement dans les airs en même temps que les nomades qui priaient autour. Aucune des guildes présentes qui se battaient contre eux ne put faire quoique ce soit. Le Mangepierre, Marzhin et Pilkim n’était pas encore à portée pour agir.
- Nous allons arriver trop tard ! Déclara le Mangepierre en commençant à léviter à son tour.
A présent la pierre dominait les environs. Les nomades continuaient à psalmodier alors que la lumière émise par le cristal venu du ciel s’intensifiait.
“Ozymandias...”
La voix résonnait dans la tête de chacun des Solarians.
“Tu vas à nouveau connaître l’extase de ma présence, toi, seul réceptacle à pouvoir contenir ma puissance”
Une large fissure apparut en travers de la pierre.
“Grand prêtre, es-tu prêt au sacrifice ?”
Ïolmarek avait voué sa vie à Sol’ra, sa vie ne lui appartenait pas car à présent c’était le Solarian qui résidait en lui qui avait le dessus. Il était prêt. Il sentit sa vie quitter ce corps et ce qui faisait de lui un Solarian entrer dans la pierre. A nouveau celle-ci se fissura et des morceaux tombèrent dans le sable en contrebas. Le Mangepierre volait au-dessus de la pierre avec l’espoir qu’il n’était pas trop tard. Le guémélite de Guem fit appel à tout son pouvoir et tenta une expérience inédite, mêler les types de magie pour faire disparaître la pierre et les Nomades. Le Mangepierre ressentait la présence de Guem et la magie la plus pure circula autour de lui puis il la projeta avec toute sa volonté sur la pierre. La magie parcourut la surface du cristal jaune provoquant l'éclatement de sa surface et l’agrandissement des fissures. Il n’en fallut pas plus pour libérer ce qui était à l’intérieur.
La pierre explosa dans une conflagration d’une violence inouïe. Toutes les personnes qui bataillaient non loin de là furent projetées au sol, soufflées par la puissance de l’explosion. Le Fléau de Guem qui jusque là était enfermé dans la pierre plongea dans le corps du Prêtre-roi. Ce dernier se mit à grossir et changer d’aspect. Sa tête devint celle d’un faucon, ses jambes laissèrent la place à des filaments d’énergie divine. Tel un astre solaire la température autour de lui augmenta rapidement. Marzhin et Pilkim furent ses premières victimes, frappés de plein fouet par l’aura divine des brûlures apparurent sur leurs bras et leurs visages. Voyant cela le Mangepierre s’interposa entre eux et cet être.
- Partez vite ! Cria-t-il.
Les draconiens ne traînèrent pas vu leur état. Ils abandonnèrent l’espoir d’intervenir, laissant le Mangepierre face à cet avatar de Sol’ra.
- Enfant de Guem ! Tu es ma première victime, et après toi le monde qui t’a engendré n’existera plus, dit l’avatar de Sol’ra avant de plonger vers le Mangepierre.
La chaleur incroyable dégagée par la divine créature était insoutenable, mais le Mangepierre tint bon. Du moins au début car l’avatar s’avéra trop fort pour celui qui portait l’espoir des terres de Guem.
- NOOOON FUYEZ TOUS ! OU VOUS ALLEZ PERIR !!! Hurla le Mangepierre comprenant qu’elle serait incapable de contrer l’avatar de Sol’ra.
Voyant la résistance dont faisait preuve la créature de Guem, l’avatar décida de commencer son œuvre et de détruire les environs et toutes les créatures vivantes qui s’y trouvaient. Un rayon de soleil le frappa, comme si l’astre qui brillait haut dans le ciel réagissait à la volonté de l’avatar, la chaleur augmenta encore plus, puis servant de relais il envoya à son tour le rayon solaire. Le Mangepierre vit le rayon partir, et il le savait, si ce dernier touchait terre ça serait une catastrophe. Il n’avait pas le choix, il devait l’arrêter. Il plongea à toute vitesse et s’interposa.
Le tombeau des ancêtres explosa dans le feu de la colère de Sol’ra...