De Eredan.

(Différences entre les versions)
Feerik (discuter | contributions)
(Page créée avec « ==Chapitre 1 - Les portes== http://static.eredan.com/cards/web_mid/fr/Xyi4Pfyq.png Aucun son ne sortait de la gorge de Yakoushou. Le Karukaï agonisait, sa magie s’échap… »)
Modification suivante →

Version du 4 décembre 2012 à 08:23

Sommaire

Chapitre 1 - Les portes

Xyi4Pfyq.png

Aucun son ne sortait de la gorge de Yakoushou. Le Karukaï agonisait, sa magie s’échappait de lui, le vidant de sa substance. Lui qui régnait sur les plus puissants esprits avait perdu un long combat contre cet être sorti de nulle part. Combien de temps s’était écoulé depuis leur première rencontre ? Il ne savait pas, le temps n’avait pas d’emprise sur lui. Des centaines d’esprit-oiseaux avaient péris pour le protéger.

- Qui... qui es-tu, pourquoi... me fais-tu ça ? Demanda Yakoushou fermement retenu par l’Etranger.

- Je ne suis qu’un éclaireur, Esprit, avec une mission que je suis en train d’achever. C’est tout ce que tu as à savoir.

La gigantesque porte face à eux s’illumina de centaines de glyphes, puis elle s’entrouvrit lentement. Une sorte de gros renard au pelage d’argent apparut alors sur le seuil. La bête alla se frotter contre les jambes de l’Etranger. Ce dernier jetait à terre la dépouille du Karukaï qui avait choisi ce monde au prix d’une vie mortelle dans le but de se venger du Corbeau. C’est alors qu’une personne passa par la porte.

C’était une femme qui, à n’en pas douter, avait les mêmes origines que l’Etranger.

- Théya je livre ce monde à vos pieds, dit-il en s’inclinant avec respect.

- Prétentieux, ce n’est pas parce que tu es arrivé à entrouvrir cette satanée porte que cela va améliorer ta condition. Tu devais nous envoyer des rapports plus fréquemment.

- Pardonnez-moi, la cible était plus coriace qu’elle ne le laisser présager.

- Tu es faible, ta lenteur retarde les plans.

A ce moment là la porte derrière se referma, se scellant à nouveau. Théya, au visage lisse et blanc fit une moue de mécontentement.

- Malgré la puissance de la cible la porte ne s’est pas ouverte en totalité et pour un temps trop court. Cela ne me convient pas.

- Il nous faut suivre le plan.

- Bien sûr ! Où est le pion ? Demanda Théya en regardant aux alentours.

La petite créature, arrivée en même temps que Théya, reniflait dans une direction. Plus exactement il venait de sentir l’odeur de Kolère, caché un derrière un rocher.

- Barre-toi souffla Kolère en prenant un air menaçant.

Effectivement l’espèce de renard retourna auprès de Théya, non pas par peur mais pour prévenir celle-ci.

- Le pion est là, dit-elle après avoir communiqué avec son familier.

D’un geste souple elle saisit une flûte attachée à son côté et joua quelques notes. Le son produit n’avait rien de musical, c’était comme une sorte de code. Lorsque Kolère entendit ces notes quelque chose changea, comme si un verrou venait de sauter dans sa tête. Il se leva, sauta le rocher devant lui et marcha à pas lent jusqu’à Théya et l’Etranger.

- Tu joues ton rôle à la perfection, Kolodan, je savais que les Combattants de Zil seraient de parfaits compagnons pour toi, ironisa Théya.

- Ils ne se doutent de rien, dit Kolère. Quels sont vos ordres ?

- Il faut continuer la stratégie que nous avons mis en place. En premier lieu il nous faut ouvrir la porte de la forêt des Eltarites, c’est la porte la plus centrale des Terres de Guem.

- Où va-t-on trouver la puissance nécessaire à son ouverture ? Interrogea l’Etranger.

- Arrête de poser des questions stupides, nous allons capturer l’héritier d’Eredan et absorber la magie qu’il a reçu en héritage.

- Ce n’est qu’un humain, comment peut-il avoir plus de puissance que l’esprit-oiseau ? dit l’Etranger en montrant le cadavre de Yakoushou.

- Je viens de le dire, il a toujours en lui une parcelle de la magie d’Eredan et de Néhant. En plus durant toutes ces années où tu as traîné la jambe pour vaincre le Karukaï, nous avons fait en sorte que l’héritier trouve un peu plus de légitimité...


Kyoshiro parcourait les rapports qui lui parvenaient de l’Empire de Xzia avec beaucoup d’attention. Il n’en croyait pas ses yeux, toute cette histoire avait finalement un sens, la vision de la Pythie n’était pas le passé et encore moins le futur, mais le présent. Le chasseur de démon courut au travers du dédale de couloirs du palais de Noz’Dingard à la recherche d’une autorité compétente. Il finit par trouver la Pythie en discussion avec le Maître-Mage Pilkim. A son approche les deux Draconiens cessèrent de discuter pour l’accueillir.

- Vous tomber bien Kyoshiro, dit Pilkim. Je discutais de l’affaire que vous appelez Mystère Yakoushou avec la Pythie suite à la réception d’une missive provenant de chez vous, ajouta-t-il en montrant un parchemin.

- J’ai reçu semblable lettre, allez-vous intervenir ? Demanda Kyoshiro impatient.

- Certainement. Néanmoins j’ai pour le moment d’autres affaires très urgentes à gérer avec Prophète. Aussi c’est Ciramor qui, étant le plus apte à comprendre cette énigme, va partir sur place. Je l’ai fait prévenir, si vous désirez partir avec lui ou le voir avant qu’il ne quitte Noz’Dingard.

- Oui j’aimerais connaître son avis sur le sujet. Où puis-je le trouver ?

- Il est à l’académie de magie, vous y êtes déjà allé me semble-t-il, non ?

- Oui j’ai l’autorisation nécessaire. Je vous remercie pour votre aide en tout cas. J’ose caresser l’espoir que la situation en Draconie ira en votre faveur.

- L’avenir nous le dira, dit Pilkim en jetant un œil contrarié vers la Pythie.

Kyoshiro s’inclina en signe d’au revoir et laissa les deux Draconiens à leurs soucis.

Depuis le départ de Dragon, la fréquentation de l’académie de magie était en chute libre. Aussi les étudiants n’étaient guère nombreux en cette période de tension internes à la Draconie. Les professeurs discutaient dans les couloirs, attendant de pouvoir délivrer leur savoir à qui voudrait bien. Devant le manque à gagner pour la structure, les étudiants des autres nations furent admis exceptionnellement en plus grand nombre. Sans cet assouplissement dans le règlement de l’académie, jamais Kyoshiro n’aurait pu en parcourir les couloirs et les livres magiques. Une tour entière était même réservée pour ces étrangers. C’est là que depuis quelques années vivait Ciramor. Lorsque l’héritier d’Eredan se sépara de Néhant il fut recueilli par les Draconiens dans un état lamentable. Il mit plusieurs mois à remonter la pente, les pensées souvent envahies par les noirs secrets Néhantistes.

Lorsque Kyoshiro entra dans la salle commune, il retrouva l’héritier d’Eredan sur le départ.

- Ciramor ? J’ai de la chance de vous trouver avant que vous ne partiez, dit Kyoshiro en s’inclinant pour le saluer.

- Oui ? Je vous ai déjà vu il me semble... Kyoshiro ?

- C’est cela, puis-je vous poser quelques questions ?

- A quel propos ?

- Le Maître-Mage Pilkim vous a demandé de partir pour l’Empire afin d’appuyer les investigations de mes compatriotes et des Combattants de Zil, n’est-ce pas ?

- C’est exact, cette histoire-là, outre le fait d’être intrigante, traite d’un sujet qui m’est cher.

- Lequel ?

- Il y a dix ans Dragon et Néhant ont passé une sorte d’immense porte et ont disparu de notre monde. Depuis je n’ai cessé de chercher des informations sur cette porte et ce que j’ai trouvé me parait capital pour réussir à faire revenir Dragon. J’ai interrogé les guildes, fouillé les archives du Conseil, de l’Académie, de l’Empire, de Tantad. L’histoire des Terres de Guem recèle d’apparitions de portes semblables à celle qu’a fait apparaître Dragon. La dernière description d’une telle porte vient de votre compagnon de la Kotoba. Mais ce n’est pas tout. Depuis que Karasu a écrit le rapport que nous avons reçu j’ai eu d’autres informations. Les étrangers arrivés par la porte située à Shirozuo ont quitté l’Empire par le sud-ouest. Je devrais pouvoir les intercepter juste avant qu’ils n’arrivent à une autre porte.

- Mais comment savez-vous tout ça ? S’étonna le Xziarite.

Ciramor tendit sa main et fit apparaître alors un bâton, un objet splendide fait de cristal et d’argent. Une petite créature d’air tournoyait lentement autour. Kyoshiro avait rarement vu un aussi bel objet.

- Ceci est la Sagesse d’Eredan, créée par Dragon en personne elle fut offerte à Eredan pour l’aider dans la lutte contre Néhant. Je n’ai certes pas la même valeur qu’Eredan qui était d’un niveau tout autre que le mien, mais je peux aujourd’hui réellement me sentir comme son héritier.

- Comment l’avez-vous obtenu ?

- C’est une longue histoire et une aventure qui m’a accaparé quelques années. Je vous la narrerai le moment voulu. Si vous n’avez pas d’autres questions, je vous laisse.

- J’en ai sûrement encore beaucoup, mais je ne vous retiens pas plus. Je vous souhaite un bon voyage.

- A bientôt Kyoshiro, et n’oubliez pas, la magie permet de tout faire.

A ce moment là Ciramor saisit la Sagesse d’Eredan à deux mains et la créature d’air voleta autour de lui. C’est alors que dans une gerbe d’étincelles l’héritier d’Eredan disparut, laissant Kyoshiro bouche bée.


Ciramor traversa des lieues et des lieues instantanément, il sut parfaitement où il voulait aller. Sangrépée et Sansvisage, deux membres des Combattants de Zil furent précis quant à l’endroit où ils avaient trouvé Kolodan. C’est là qu’il réapparut. Depuis le passage des deux Zil, la forêt avait repris ses droits et désormais de larges arbres entouraient une clairière d’herbe bien verte. Il ne fallut pas longtemps avant que le phénomène qu’il voulait observer ne se produise. Entre deux arbres une porte à double battant d’au moins trois fois sa hauteur se dessina lentement. L’encadrement était fait de racines et la porte en elle-même de bois sculpté. Ciramor admira l’œuvre, enfin face à l’une de ces portes il commença à percevoir le potentiel. La magie qui s’en dégageait n’avait rien de commun.

- De la magie pure, extraite de Guem, dit une voix en provenance de l’autre côté de la clairière.

C’était Théya accompagnée de l’Etranger et de Kolère.

- Nous avons presque failli t’attendre Ciramor.

- Nous connaissons-nous ?

- Je te connais oui, mais toi tu ignores qui nous sommes n’est-ce pas ?

- Non, mais je sais que vous êtes capables d’ouvrir cette porte, mais qu’est-ce qu’il y a derrière ??

- Tu essayes de me soutirer des informations mais tu n’obtiendras rien de moi. Considère-toi comme étant notre prisonnier. Ne résiste pas et tu garderas la vie sauve, tente quoi que ce soit et nous n’aurons aucun scrupule à t’éliminer, cria Théya.

Ciramor analysa rapidement la situation. Il connaissait Kolère, mais pas les deux autres. L’Etranger commençait à avancer vers lui alors que Théya restait en retrait. Leurs intentions étaient hostiles il ne devait pas laisser faire ça. Il prit alors les devants et deux boules de feu partirent rapidement de sa main droite alors qu’il tenait fermement la Sagesse d’Eredan de sa main gauche. Les deux sorts firent mouche et l’Etranger fut projeté dans les arbres loin derrière lui. Théya avait prévu cette réaction et ordonna à Kolère d’agir. L’homme grogna et alors qu’il avançait se transforma en volk-garou. Ciramor, comprenant que Kolère n’était pas maître de ses gestes le bombarda littéralement de sortilèges dans le but, non pas de le tuer, mais de le neutraliser. Lorsque la fumée produit par les sorts s’en alla il remarqua que Kolère n’avait aucune entrave et avançait toujours. En observant mieux il vit ce qui empêchait ses sorts de faire de leurs effets : une pierre-cœur néhantique.

- Où ? Où as-tu eu ça ??? Hurla Ciramor dans une expression de colère et de peur.

Théya se fendit d’un rire sinistre.

- Tu n’es pas à la hauteur Ciramor, tu ne peux pas empêcher l’inévitable.

- Mais que voulez-vous à la fin.

- Dans l’immédiat, toi et ton bâton.

Chapitre 2 - Fermeture !

UGFSY1ei.png


- Me sous-estimer est une grave erreur, dit Ciramor en restant à bonne distance de Kolère. Si je suis étonné de voir une pierre-cœur Néhantique c’est simplement parce que cela se fait rare, mais cela ne me pose pas le moindre problème, la magie s’adapt...

D’un bond Kolère lui sauta dessus et ses griffes arrachèrent un pan de tissu et des lambeaux de peau. L’héritier d’Eredan lâcha un petit cri de douleur, mais se concentra sur sa cible. Étant au contact de son adversaire il attrapa fermement la pierre-cœur Néhantique et tira pour briser la chaînette du cou de Kolère. La magie afflua jusqu’à sa main et le cristal rouge et noir éclata dans un bruit sec. Le Combattant de Zil profita que l’attention de Ciramor se portait sur la pierre-cœur pour asséner un nouveau coup de griffes. Cette fois la blessure fut profonde et le sang coula abondamment. Théya jubilait, l’héritier allait se faire mettre en pièces par son esclave et le bâton allait être entre ses mains pour enfin ouvrir cette porte. Cela ne se passa pas exactement comme elle le voulait.

A présent que la pierre-cœur Néhantique n’existait plus, le mage déchaîna une pluie de sortilèges puissants. Le pauvre Zil ne put faire grand chose que subir, obligeant Théya a prendre part au combat. La femme au teint blafard plaça sur son visage le masque qu’elle portait à la ceinture et dégaina une dague à lame courbe. Elle s’approcha lentement des deux adversaires aux prises l’un avec l’autre, espérant qu’elle ne se ferait pas remarquer. C’était prendre une nouvelle fois Ciramor pour un incompétent, alors que depuis son départ des Confins pour les terres de Guem il avait acquis un savoir immense et s’était endurci. L’héritier éjecta Kolère grâce à un sort d’air puis dressa un mur de glace autour de lui.

“ils sont trop nombreux, je dois trouver autre chose” pensa-t-il. De l’autre côté du mur Théya testa un peu l’épaisseur de la glace, puis voyant que c’était solide elle se focalisa sur la porte.

- Tu es immobile, c’est parfait, dit-elle. Tu sais c’est surtout ça le principal, plaisanta-t-elle. “Si je me téléporte ailleurs je n’aurais potentiellement plus assez de force pour revenir.” Se dit Ciramor cherchant une idée. La porte de l’Infini s’illumina et il ressentit alors une force qui arrachait de la magie, à lui et à la Sagesse d’Eredan. Poussé dans son dernier retranchement Ciramor eut un déclic. Il lui fallait agir rapidement sans quoi il ne serait plus en mesure de faire quoi que ce soit. Le mur de glace s’écroula sur lui-même laissant le mage sans protection. Théya profita de ce moment pour passer sa lame sous sa gorge. - Ne t’en fait pas je ne vais pas te tuer... pas de suite. Regarde qui revient, Kolère et mon cher souffre douleur. Tu vois, tu es totalement à ma merci. Les deux autres arrivèrent lentement, brûlés et blessés par Ciramor. La porte de l’Infini s’illumina et s’entrouvrit, se gavant de la magie de l’héritier d’Eredan. Ce dernier chuchota alors quelques mots. - Qu’est ce que tu dis ? Tu demandes pitié ? Tu me supplies ?

- A PLUS TARD ! Cria-t-il au moment où des bandes de magie verte partirent d’une zone créée sous lui.

Théya fut la première à se retrouver enserrée par des bandes, qui en fait étaient plutôt des aiguilles d’horloge. Les deux autres se retrouvèrent rapidement empêtrés et tous les trois finirent entièrement recouvert de bandelettes et incapables de faire le moindre mouvement.

Ciramor à bout de force eut juste le temps de parachever son sort avant de s’écrouler par terre, inconscient. Les bandelettes se volatilisèrent, en même temps que Théya, l’Étranger et Kolère.


- Il se réveille... Ciramor, vous allez bien ?

Ses paupières s’entrouvrirent légèrement, il se sentait faible, sans force. Le temps de s’habituer à la lumière ambiante il remarqua qu’il se trouvait dans une grande cahute, allongé sur un lit de feuilles et de mousse. La personne qui s’adressait à lui c’était Fe’y, le jeune Daïs au visage dépourvu de bouche lui faisait face, et ses yeux exprimait l'intérêt qu’il lui portait.

- J’ai l’impression qu’un rocher m’a roulé dessus, mais à part ça je vais bien. Qu’est-ce que je fais ici... et les envahisseurs ?? Dit-il en se remémorant sa bataille contre Théya, Kolère et l’Étranger. Ciramor se redressa péniblement sur le lit, les larges griffures faites par Kolère étaient à présent bandées. Dehors la nuit recouvrait la forêt de son manteau de ténèbres.

- Combien de temps ais-je dormi ?

- Je vais vous expliquer.

Ourénos suivi d’un autre Daïs que Ciramor ne connaissait pas entra dans la pièce. L’Eltarite avait côtoyé l’héritier d’Eredan lorsque celui-ci était venu passer quelques temps avec la Cœur de sève. Ils se saluèrent l’un l’autre, puis Ourénos s’assit au milieu de la pièce.

- Pas de trace des fuyards, dit-il.

- Vous m’expliquez ? Insista Ciramor auprès de Fe’y.

- Oui, donc, vous le savez depuis plusieurs années nous avons renforcé la sécurité de la forêt. Pour ce faire, un système magique a été mis en place. Si par un moyen ou un autre des personnes qui ne sont pas autorisées entrent sur notre territoire, nous sommes immédiatement avertis. Hors ce matin nous avons détecté une intrusion. N’ayant pas de sentinelle Elfine dans les parages, nous avons décidé d’y aller nous-même, une poignée de Daïs et Ourénos en force de frappe. Nous sommes arrivés sur place une bonne heure plus tard et nous vous avons trouvé là, devant une gigantesque porte en partie ouverte. Plusieurs personnes en sont sorties à peu près au même moment et nous ont agressés sans prévenir. Il n’en fallut pas plus à Ourénos pour se lancer dans la mêlée. Quant à nous, nous vous avons mis à l’abri pour ensuite entreprendre de circonscrire les envahisseurs autour de la porte. Il faut bien l’avouer le combat fut rude. Mais ils furent surpris de nous voir aussi vaillants... et puissants. Nous attaquer chez nous, c’est une folie que même les Nomades n’entreprendraient pas à présent. Nous avons repoussé l’assaut et renvoyé tout le monde par la porte, puis notre Eltarite à fini le travail en refermant les deux battants. Le plus étrange fut la fin de cette histoire. Lorsque la porte fut refermée, elle disparut.

Tout cela est très résumé Ciramor, mais c’est dans les grandes lignes ce qu’il s’est passé. Maintenant j’aimerais savoir ce que vous vous faisiez là ?

Ciramor écarquilla les yeux en comprenant qu’il avait échappé à une deuxième belle bataille.

- Il n’y avait personne d’autre quand vous êtes arrivés à la porte ? Demanda-t-il.

- Non, seulement vous par terre, puis les envahisseurs de la porte.

- Je ne suis pas l’intrus que votre magie a détecté car je suis autorisé à venir dans votre forêt. En venant jusqu’ici je comptais intercepter des étrangers arrivés par une porte de l’Infini située dans l’empire de Xzia. Je les ai trouvé et affronté, leur groupe était composé d’un homme en armure, de Kolère le Combattant de Zil et d’une femme qui semblait les diriger. Tout cela n’était qu’un piège, ils ont servi d’appâts pour m’attirer jusque-là afin d’ouvrir la porte de l’Infini que vous avez vu grâce à ma magie et à celle de la Sagesse d’Eredan...

Puis le jeune homme se souvint de son bâton, il ne le vit nulle part.

- Il devait y avoir un bâton en cristal avec moi ! Rassurez-moi et dites-moi qu’il était là lorsque vous êtes arrivés.

- N’ayez pas d’inquiétude, la Sagesse était là, mais elle a souffert. Eikytan est en train de s’en occuper... terminez donc votre histoire Ciramor.

- La femme... c’est une redoutable tacticienne, dit-il en se souvenant du combat. Elle a fait en sorte que mon attention se porte sur ses deux amis, puis acculé j’ai dressé un rempart de glace, j’ai été bête car je me suis bloqué. Elle en a profité pour me drainer ma magie et ouvrir la porte. Mais j’ai résisté et en dernier recours j’ai utilisé un sort de temps.

Fe’y plissa les yeux.

- Un sort de temps ? Vous avez envoyé vos adversaires au travers de la Trame du Temps ?

- Apparemment, c’est ce qui me paraissait le plus logique sur le moment. Le problème c’est que je n’ai aucune idée de quand ils vont réapparaître, dans une minute, demain, dans mille ans ? En tout cas ils ne sont pas dans le passé, sans quoi j’aurais modifié l’histoire.

Plusieurs petits esprits en forme de boule fantomatique traversèrent les murs de l'habitation pour venir chuchoter quelque chose à Fe’y.

- Ils viennent de revenir, dit le Daïs. Deux choix se présentent à nous Ciramor. Soit nous les neutralisons, soit nous prenons le risque de les suivre.

- Je préfère les mettre sous surveillance. Ils ont échoué à ouvrir la porte de l’Infini qui se trouvait là, je veux savoir comment ils vont s’adapter à cet échec.

- Qu’il en soit ainsi.

Lorsque Théya, l’Étranger et Kolère réapparurent la porte de l’Infini, tout comme Ciramor n’étaient plus là. L’equinoxienne tourna sur elle même, fortement décontenancée par ce qu’il venait de se passer elle laissa échapper sa rage et hurla de toutes ses forces. Puis d’un geste elle frappa l’Étranger en plein visage.

- Kolodan s’est mieux battu que toi, si tu avais fait preuve d’un peu de savoir faire nous aurions pu capturer convenablement Ciramor !

L’Étranger ne broncha pas, mais le coup était un de trop. Partagé entre sa fureur et sa loyauté il se contenta de réajuster son armure et de remettre son casque.

- Qu’elle est la suite du plan ? Demanda-t-il d’une voix monotone.

- Ne restons pas là, mon gardien de lune doit avoir trouvé la piste de notre prochaine cible.

Chapitre 3 - Guerre civile

N7IuBdCG.png

Kounok supportait sa tête, le coude posé négligemment sur la large table de cristal. Voilà des heures et des heures qu’il était là, écoutant avec lassitude les rapports de ses généraux sur les avancées et les reculs des divers fronts de bataille. Heureusement tout cela avait enfin cessé, pause salvatrice pour Prophète. Les généraux avaient regagné leurs quartiers jusqu’au lendemain et il se retrouvait seul, ou presque.

- Mère, la situation nous échappe, si nous continuons ainsi nous risquons la dislocation de la Draconie, dit-il en regardant la gemme-cœur de Dragon à travers les hautes fenêtres de la salle.

Mais seul le silence fit écho à sa question et cela n’avait rien d’inhabituel. Voilà déjà plusieurs années qu’Anryéna, sa mère, s'efforçait de résoudre les problèmes magiques et de défense. Elle cherchait avec certains mages une solution pour faire revenir Dragon, mais sans succès jusque-là. Puis alors qu’il se levait de sa chaise, les feuilles de papier et les plans sur la table s’envolèrent légèrement comme si un courant d’air passait. Dans une lumière bleutée Pilkim apparut. Kounok qui avait alors Chimère dans sa main abaissa la lame vers le bas.

- Bonjour Kounok, dit le mage.

- Pilkim... décidément tu soignes de plus en plus tes entrées. Que me vaut l’honneur de ta visite Maître-Mage ? Revenu du front d’Arcania visiblement.

- Ouais, je fais un passage éclair pour une réunion du Compendium, déclara Pilkim en s’affalant dans un des larges fauteuils autour de la table. Et toi, ça avance ? Quel bazar ici !

Kounok fit disparaître Chimère et s'installa dans son siège.

- Pour tout te dire, non, ça n’avance pas, je dirais que c’est de pire en pire. Je désespère...

- Et bien sache que je suis porteur d’une bonne et d'une mauvaise nouvelle en provenance d’Arcania.

- Commence par la bonne.

Pilkim posa sur la table un porte-parchemin de cuir fermé par un sceau de cire. Kounok s’attarda sur le-dit sceau : les armoiries d’Arcania.

- Je viens de la part du Seigneur-Dragon d’Arcania, le document qui se trouve à l’intérieur est un serment de fidélité et signe par là-même l’arrêt des hostilités avec ce territoire.

Le regard de Kounok s’éclaira d'intérêt et pour la première fois depuis longtemps un sourire se dessina sur ses lèvres.

- Splendide ! Voilà un événement qui, je l’espère, fera boule de neige. Comment en es-tu arrivé à ce résultat ?

- C’est ce qui me fait aborder la mauvaise nouvelle et ma présence ici. Il y a quelques jours a eu lieu une bataille rangée entre les forces d’Arcania et deux de nos régiments. Nous avons fini par vaincre, mais un de nos hommes a eu un comportement détestable et fâcheux, entraînant la mort de deux soldats.

- La guerre implique des morts, dit Kounok.

- Deux soldats de notre camp.

- Ha... continue ton histoire.

- Cette personne a fait preuve de cruauté et a mis hors d’état de nuire des soldats d’Arcania qui s’étaient rendus, ce qui le place hors nos lois. Et si je suis ici c’est parce qu’il s’agit de ton neveu, Aerouant. Je viens de le ramener, il est actuellement en détention dans une geôle de l’académie.

Kounok souffla, la victoire était donc entachée d’un acte déshonorant de la part d’un membre de sa famille. Depuis la mort de son père Aerouant avait changé, il était devenu aigri. C’était d’autant plus vrai ces deux dernières années depuis que la Draconie était en guerre civile. Mais là clairement il venait de dépasser la limite et avait sombré.

- Je vais aller le voir. Dois-je assister au conseil du Compendium ?

- Hélas seuls les mages du Compendium pourrons participer à ce conseil, moi-même n'y participerait pas. Même si c’est Prophète qui le demande et à plus forte raison avec le lien que vous avez. Néanmoins je suis certain que mon père saura t’écouter.

- Je vois... je vois... merci de m’avoir prévenu Pilkim, tu fais comme d’habitude un excellent travail et la Draconie se félicite de t’avoir de son côté.


Assis sur son lit, Aerouant était plongé dans ses pensées. Il leva à peine les yeux lorsque Kounok se présenta devant les barreaux de cristal imprégnés de magie. Ce dernier regarda son neveu et remarqua à quel point il avait changé. Il avait vieilli évidemment, devenant un adulte, un homme et un mage accompli. Ses cheveux longs en bataille et ses vêtements sales juraient avec ses origines nobles.

- Que s’est-il passé Aerouant ?

Le mage leva la tête et passa sa main dans ses cheveux.

- Prophète en personne, je trouve que l’on fait un tapage exagéré d’une affaire mineure, répondit Aerouant sur le ton du défi.

- Affaire mineure dis-tu ? Les enjeux de cette guerre sont importants. Comment rester crédible si un de nos mages bafoue nos règles, foule du pied notre honneur et se laisse aller à la surenchère magique. Aerouant tu as beau être mon neveu je reste le Prophète de la Draconie et je me dois d’avoir une position ferme vis à vis de tes actes. Que va penser ta mère de ce que tu as fait, elle qui est la dirigeante des Sorcelames.

- A vrai dire... je m’en contrefiche de ce qu’elle pense, nous ne nous parlons plus depuis des lustres. Si tu as fini ton sermon je souhaiterais me reposer en vue de mon passage devant le conseil du Compendium demain.

Kounok garda son calme, sachant pertinemment qu’Aerouant jouait la provocation.

- Très bien, je te laisse au jugement de tes pairs. Tu me déçois Aerouant, tu me déçois beaucoup, tu gâches ton potentiel et je crois pas que ton père apprécierait.

Le prisonnier sauta de son lit et attrapa les barreaux de cristal avec rage. Ceux-ci brillèrent intensément en blessant les mains d’Aerouant. Mais celui-ci avait beaucoup de ressources en magie aussi il put résister le temps de placer quelques mots.

- Laisse mon père en dehors de ça ! Arrête de me parler comme si nous étions une famille car le sang de Dragon qui coule dans nos veines est porteur d’une malédiction qui nous interdit de vivre les uns avec les autres.

Impressionné, choqué et encore plus déçu, Kounok se retourna et s’en alla de la prison de l’académie, le cœur lourd et blessé.


Les mines graves des mages du Compendium indiquaient à quel point le problème les affectait. Marzhin était debout devant le petit amphithéâtre où toutes les places étaient prises. Alishk, la Pythie, Vaerzar, Blanche et d’autres avaient répondu à la convocation de l’archimage afin de régler “l’affaire Aerouant”.

- Chères consœurs, chers confrères. Nous sommes réunis afin de juger du comportement d’Aerouant. Je vous rappelle les faits puis nous ferons entrer l’accusé.

Marzhin ouvrit un petit coffre et en sortit un cristal en forme de demi-sphère. Il alla ensuite la poser sur une petite table devant les rangées de fauteuils. Le cristal brilla vivement et des hologrammes magiques s’en échappèrent. Des images, au départ immobiles, s’animèrent pour retranscrire une scène.

- Ce que vous voyez et la retranscription magique du souvenir du Maître-Mage Pilkim, présent au moment des faits. Les images montraient un combat fratricide entre deux armées, celle de Noz’Dingard et celle d’Arcania.

- Le but de Prophète est de remettre les choses en ordre dans la Draconie, mais pas au prix des vies de nos semblables. Il a donc été interdit d’utiliser des sorts visant à tuer, nous laissant la faveur d’utiliser de quoi neutraliser nos adversaires de manière non létale. Les stratégies mises en place pour cette bataille ont porté leur fruit et comme vous pouvez le constater le Seigneur-Dragon en personne s’est incliné devant Pilkim en signe de soumission. Hors à quelques mètres de là nous voyons parfaitement Aerouant utiliser un sort de Foudre sur une dizaine de soldats, et ce, des deux camps. Deux d’entre eux ne se relèverons pas.

Certains mages commentèrent les hologrammes par des “oh” et des “ah” de stupeur. La fin de la retranscription montra que Pilkim, voyant Aerouant agir, immobilisa l'arrière petit-fils de Dragon pour l'empêcher de nuire. Puis le cristal cessa de produire les images et redevint inerte.

- Je vous propose d’écouter Aerouant pour qu’il nous explique son geste, dit Marzhin en demandant aux gardes de le faire entrer.

L'arrière petit-fils de Dragon plissa les yeux derrière ses mèches de cheveux colorées en examinant l’assemblée. Des entraves de cristal, telles des menottes magiques lui interdisaient la pratique des arts mystiques. Il fut placé à côté de Marzhin, face au conseil du Compendium.

- Ne vous fatiguez pas à me questionner, dit-il à brûle-pourpoint. Oui j’ai grillé ces soldats d’Arcania, je l’ai fait pour les empêcher de tuer les nôtres. Seulement il semble que j’y suis sois allé un peu trop fort...

- Maîtrise ! Cria l’un des mages de l’assistance. C’est la première des règles du Compendium !

L’homme, assit à côté de Blanche se leva. Il s’agissait de Tanaer d’Arcania, jugé comme étant un guerrier avec des pouvoirs magiques.

- Si tu n’es pas capable de respecter les règles, tu n’as rien à faire parmi nous, descendant de Dragon ou pas, ajouta-t-il avec virulence.

- Tu crois ? Il existe une règle du Compendium : PUISSANCE !

A ce moment là le sol sous Aerouant se craquela et le symbole de Néhant apparut. Les Mages eurent à peine le temps de réagir que le prisonnier disparaissait aspiré par ce portail démoniaque. Tanaer s’élança et voulu sauter dans le portail, mais il fut stoppé par Marzhin.

- Certainement pas ! cria l’Archimage. Nous en avons vu assez pour statuer sur son cas... Aerouant ne fait plus partie du Compendium !


Chapitre 4 - Ziloween

ROMWighz.png

- Bon, mes amis, nous y sommes. Nous avons mis des années et des années pour que notre rêve se réalise.

Farouche, debout sur un tabouret était radieuse, pour une fois elle avait délaissé sa veste striée de noir et de violet au profit d’une robe. D’ailleurs elle n’était pas la seule à être sur son trente et un, la plupart avait fait un effort vestimentaire.

Et pour cause c’était un jour important : l’inauguration du Zircus land, tout le savoir faire des Combattants de Zil au sein d’un même endroit !

- Pour un temps nous allons arrêter de sillonner le monde pour nos représentations, notre public viendra désormais parcourir les allées du parc. Je vous remercie tous pour les efforts que vous avez fourni, tant durant la construction de chacune des attractions, qu’au niveau politique et plus encore. Je lève mon verre pour vous tous !

Les Combattants de Zil crièrent leur joie et trinquèrent de bon cœur. Le territoire offert par l’empire de Xzia était l’endroit rêvé pour leur nouveau parc. En effet c’était probablement l’endroit le plus éloigné de Meragi, le fin fond de l’empire, un lieu presque marécageux accolé aux montagnes où se trouvait la demeure d’Artrezil.

Les Zils en avaient fait un endroit qui leur ressemblait, effrayant, amusant et surtout paisible.

Les jours qui suivirent furent exaltant. Au début il y eut peu de visiteurs, mais très vite la renommée du parc, ainsi que le bouche à oreille ramenèrent des visiteurs en provenance des quatre coins du monde. De fait la guilde attira de nouveaux membres et la vie s’organisa au Zircus land.

Un beau matin, Sangrépée vit arriver un messager portant la bannière de la Kotoba.

- Bonjour Combattante de Zil, je suis porteur d’un message du seigneur Malyss.

- Seigneur Malyss ? Il a pris du galon. Donne.

Le messager tendit alors un parchemin plié en quatre. Sangrépée commença à lire avant de s'apercevoir que c’était écrit en Xziarite.

- Vous êtes des farceurs à la Kotoba, dit-elle en rigolant.

Mais visiblement la boutade n’était pas du goût du voyageur. Ce dernier récupéra le parchemin et lut à haute voix.

- A l’attention des Combattants de Zil. Je suis au regret de vous apprendre que Kolère est désormais passé à l’ennemi. Celui-ci a combattu aux côté des étrangers contre Ciramor, l’héritier d’Eredan.

Aussi il vous appartient d’arranger la situation et ce avant que le Conseil de Guilde ne s’en mêle. En vous souhaitant bonne chance. Malyss.

Une fois fini le messager replia le parchemin et le donna à Sangrépée.

- Dis-moi messager, tu viens d’où ?

- Je viens du village en bordure de votre territoire.

- Très bien, merci, j’ai cru que tu venais de Meragi, du coup l’information est récente. Reste au Zircus land si tu veux, nous te donnerons une réponse pour Malyss.

Poussé par la curiosité le Xziarite accepta, et cette petite aventure dans le parc le marquera à jamais...

- QUOI !? Kolère a fait QUOI !?? Hurla Farouche.

- Tu m’as bien compris, je suis on ne peut clair sur ce qui est écrit noir sur blanc, dit Kuraying en montrant le message de Malyss. Cependant il y a peu de détails. Le mieux serait d’entrer en contact avec Ciramor.

- C’est pas possible, on a fait quoi pour que les traîtres soient toujours dans nos rangs hein ? Grogna la chef de guilde. Tu en dis quoi toi ? Demanda-t-elle en s’adressant à Zil.

- Il doit y avoir une raison logique à cela, mais il faut vite régler ce problème pour prouver que nous sommes de bonne foi. Kolère étant un membre de la meute je suggère que celle-ci soit chargée de retrouver Kolère. Les autres Combattants vont tenir le parc le temps de votre absence.

- Et faut que ça tombe pendant les jours qui suivent le lancement du Zircus... Bordel ! Kuraying comment on fait pour entrer en contact avec Ciramor ?

- On demande aux ombres très chère, que veux-tu lui dire ?

- Je veux savoir où il est et ce qu’il s’est passé avec Kolère.

- Très bien, je m’occupe de cela, ensuite je retournerai auprès de Yu Ling, visiblement j’ai raté quelque chose.

- On dirait bien ouais ! Répondit Farouche sèchement. J’aurais peut être pas du te faire revenir pour l’inauguration du Zircus, tu aurais pu intervenir dans cette histoire. Bon... Au travail !

Ciramor fut prévenu alors qu’il était encore en convalescence, le message des Combattants de Zil le réconforta d’une certaine manière. Kolère n’agissait pas pour le compte de cette guilde et celle-ci proposait son aide.

Eikytan et Fe’y n’eurent rien contre cette collaboration, Ciramor une fois en pleine possession de ses moyens proposa aux Daïs de gagner du temps en téléportant les Combattants de Zil là où ils se trouvaient. Poussés par la curiosité de voir agir l’héritier d’Eredan ils acceptèrent.

La démonstration fut très impressionnante, Ciramor fit apparaître en cercle plusieurs cristaux transparents de la taille du poing. Puis ceux-ci se modifièrent, des filaments de cristaux s’échappèrent d’elles pour se rejoindre et former comme une porte de cristal.

Là le paysage visible au travers de cette porte changea, il ne s'agissait plus de la forêt Eltarite mais du Zircus avec une petite dizaine d’étranges personnages, presque toute la Meute en fait, Farouche en tête.

A des lieues de là les Zils virent apparaître une porte semblable avec de l’autre côté la forêt en paysage, Ciramor, Eikytan et Fe’y les regardaient.

- Venez, dit Ciramor leur faisant signe. C’est un sort me demandant beaucoup de magie, je ne vais pas pouvoir le maintenir bien longtemps. Farouche n’hésita pas et passa le portail, s’étonnant de la prouesse de l’héritier d’Eredan. C’était comme s’il avait coupé la distance entre les deux lieux grâce à ce portail.

- Soyez les bienvenus, Combattants de Zil, dit Eikytan une fois que tout le monde eut passé le portail.

- Merci bien. Alors on peut en savoir plus sur Kolère ? demanda Farouche avec impatience.

- Je vais y venir, rétorqua Ciramor qui fermait son portail magique. Je comprend le sentiment qui t’anime Farouche, je réagirais pareil à ta place.

Les Combattants de Zil s’installèrent sur la place principale du village et furent vite entourés de curieux. Ourénos se plaça derrière eux de manière... défensive. Là, Ciramor expliqua l’altercation avec les étrangers et Kolère, comment ce dernier semblait ne plus être maître de lui même.

Le doute était permis sur sa liberté d’action, agissait-il de son propre chef ou pas ? Les théories de ses compagnons affirmaient que non, mais malgré tout la question resta en suspend. Ceci dit le fait que la Cœur de sève surveille de près ces inconnus redonna du baume au cœur des Combattants de Zil.

- Alors qu’attendons-nous pour agir ? dit Farouche.

- Avant de tenter quoi que ce soit contre ces gens, nous voulons en savoir plus sur leurs buts et qui ils sont.

- Hors de question de laisser Kolère vadrouiller et provoquer des dégâts, répliqua Farouche en commençant à s'énerver.

- Ne prenons pas ce risque, je sais que le passif de votre guilde joue sur votre vision des choses, expliqua Ciramor en regardant la troupe. Les enjeux sont bien plus importants que

vous ne pouvez le supposer. Ces gens sont venus par des portails d’une puissance inouïe, jusqu’à présent il y en a un dans l’Empire de Xzia, un dans la forêt des Eltarites et je suppose qu’il y en a d’autres parsemés sur les Terres de Guem, je veux en savoir plus.

- Tu vas avoir tes réponses, héritier. Ils sont combien ?

- Trois, dont Kolère.

Les Combattants de Zil se regardèrent le uns et les autres avant de rire à gorges déployées.

- Que trois, allez, finie la plaisanterie, on va les capturer et on va les faire parler, parole de Zil ! Déclara Farouche en serrant le poings, mène nous à eux.

Devant leur détermination Ciramor n’eut rien à redire. Ourénos se leva et ajouta une couche aux arguments de la chef des Zils.

- La p’tite a raison, c’est bien de savoir ce qu’il font ici, mais par précaution il vaut mieux les stopper avant qu’ils ne déclenchent on ne sait quelle catastrophe.

- Et vous Eikytan, qu’en pensez-vous ? Demanda Ciramor en pensant trouver un appui auprès du dirigeant de la Cœur de sève.

- Notre réaction a été tardive lors des événements de la Pierre tombée du ciel, il faut apprendre de nos erreurs. Demandons un rapport sur la situation à Melissandre et envoyons les forces conjuguées des Combattants de Zil et de la Cœur de sève arrêter ces envahisseurs.

- Très bien, je m’incline, je ne voulais pas d’une confrontation directe. Si jamais les deux étrangers venaient à être tués durant le combat cela nous porterait préjudice.

- T’en fait pas, on sait se retenir... déclara Farouche en regardant d’un regard menaçant les éléments de la Meute les plus enclins à la violence, c’est à dire tous.

Pendant ce temps au Zircus les spectateurs affluaient alors que la nuit tombait. C’était le moment le plus intense en terme de fréquentation. Chacun était à son poste, prêt à terrifier ou à faire rire les badauds pour certains venus de loin. Le moins que l’on pouvait dire c’était que la guilde avait réellement mis tout son savoir faire dans cette superbe entreprise.

Zil était ravi de pouvoir enfin avoir un moment de répit. Il avait passé les dernières années à courir après les zombies et Dimizar sans jamais parvenir à attraper le maudit nécromancien.

Finalement lorsque l’idée du Zircus fut émise il profita pour se donner un temps de repos. Hélas ce court instant de calme cachait une tempête qui balayerait ce monde.

Le messager de la Kotoba avait rit de bon cœur aux tours effroyables de Terrifik. Il déambulait dans les petites ruelles, on lui avait dit que certaines attractions étaient cachées et qu’il fallait bien chercher. A un croisement, il tomba sur une petite fille. Après s’être confondu en excuse de l’avoir bousculé il se rendit compte que la fillette ne bougeait pas.

- Tu vas bien, demanda-t-il.

Sur ces entrefaites un homme s’approcha, grand, mince, les cheveux noirs tombants sur ses épaules d’écharnées.

- Ce monsieur t’embête ma chérie, dit Zejabel d’une voix monotone.

- Non non, pardon, je ne l’ai pas v...

Le Xziarite s’arrêta de parler lorsque la fillette bougea en se plaçant sous la lumière d’une torche. Sa peau était sèche, collée aux os de son crane.

Ses grands yeux vitreux ne trompaient pas : c’était un cadavre... mais vivant. L’homme abasourdi par la découverte posa son regard sur Zejabel avant d’apercevoir l’éclat d’une faux. La tête roula au sol alors que par dizaines des zombies entraient dans le Zircus.

Chapitre 5 - La Légion perdue

HYkTQD2x.png

- Le sable, je hais le sable ! Il y en a à perte de vue, j’ai parfois l’impression que la terre est vivante, tout peut changer si rapidement. Un coup de vent et on perd tous ses repères, je n’ai jamais réussi à m’y habituer malgré les conseils des voyageurs du désert. J’ai marché des jours sous ce soleil de plomb et des nuits poussée par un vent glacial. J’ai fouillé les moindres recoins et la moindre masure. J'ai appris plus sur cette civilisation que je n’aurais pu le faire au long de ma vie. Et finalement je suis restée dix ans sans la moindre nouvelle de la Légion. Combien de fois me suis-je demandée s’il ne fallait pas arrêter les recherches ? J’ai perdu le compte, mais en aucun cas je ne devais abandonner là mes compagnons ! Comment aurais-je pu me présenter devant toi père sans avoir trouvé ? Je sais que je ne suis pas le modèle de vertu que tu voulais et j’espère à présent que tu comprends mieux cette absence et ce silence. Dix ans sans te faire parvenir de nouvelles, je sais, c’est long. Les Clairvoyants d’Abypolis et peut être les dieux eux-mêmes t’ont-ils conseillé de ne pas intervenir dans ma quête et ils ont eu raison car j’ai trouvé la Légion, père.

Le centorium Aurius regardait sa fille en retenant ses larmes, Myrina ne s’était pas adressée au Cénacle, mais à lui. Les autres membres de l’instance dirigeante de Tantad n’osèrent pas intervenir dans ces retrouvailles, mais ils brûlaient d’impatience d’en savoir plus. Aurius se leva et serra sa fille dans ses bras si fort qu’elle faillit s’étouffer. Puis, relâchant son étreinte il la regarda, elle avait changé. Elle n’était plus la jeune femme qu’il avait envoyé à l’autre bout du monde, mais une femme à la peau séchée, brûlée par le soleil. Par endroit sa peau était striée par de larges cicatrices, derniers vestiges de combats passés.

- Tu dois me trouver dur, mais j’ai gardé un œil sur toi durant ton périple et désormais des chants font les éloges des aventures de Myrina fille du Centorium Aurius.

- Je n’arriverais jamais à ta hauteur.

- Ne te dévalorise pas, nous n’avons pas les détails de comment tu es parvenu à retrouver la Légion. J’ai proposé au Cénacle de t’accorder un Cantique et tu en auras un d’ici quelques jours.

- Un Cantique ? C’est... c’est un grand honneur.

- L’honneur est pour Tantad, Myrina. Tu dois être fatiguée, revoyons-nous un peu plus tard, pour que le père retrouve la fille.


Du haut de ses quatre étages et de part sa circonférence, le cirque de la capitale de Tantad s’imposait, faisant passer les autres édifices pour des cabanes. Il pouvait à lui seul contenir tous les habitants de la ville et en ce soir de Cantique seuls les soldats d’astreinte ne participaient pas aux festivités. Le peuple acclamait ses héros de retour après dix ans d’absence, pour l’occasion le cirque s’était paré d’or, comme le voulait la tradition en cas de Cantique. Une scène à la mesure de la taille de la piste avait été construite, c’est là que les orateurs déclamaient leurs histoires concernant la Légion Runique. A la suite de quoi les membres de la guilde entrèrent en conquérant, parés de leurs plus beaux atours. Saluant le peuple venu pour eux, ils défilèrent ainsi tout autour de la piste. Pendant ce temps là Myrina expliquait au Cénacle et aux orateurs comment elle avait vécu tant de temps dans le désert et surtout, le plus intéressant comment elle parvint finalement à retrouver la Légion.

- J’avais entendu parlé d’un village récemment reconstruit où autrefois vivaient des mystiques qui avaient résisté aux dieux eux-mêmes. j’entrepris d’aller sur place n’étant plus à un voyage près. Celui-ci fut terriblement éprouvant pour moi car je dus gravir des montagnes où les émeraudes étaient coupantes comme les meilleures lames de Telb. Puis après les montagnes se furent les sables mouvants d’Arkesh, je faillis me retrouver engloutie par le désert et je ne dus mon salut qu’à ma fidèle lance, dit-elle en montrant son arme. J’espérais enfin arriver à destination après cela, mais non ! Une nouvelle épreuve m’attendait lorsqu’un petit groupe de pilleurs en voulut à ma vertu. Erreur fatidique pour eux, je réussis à me défaire d’eux et surtout j’appris que je n’étais désormais plus loin de mon objectif. La cité en question n’avait pas grand chose de particulier, mais j’y croisais certains de nos anciens alliés Nomades. L’agitation régnait, je tombais visiblement à un moment critique, un évènement impactant directement sur ma recherche s’était produit. Je remercie les dieux de m’avoir accordée leurs faveurs. En effet, après avoir demandé aux Nomades se qu’il se passait on m’informa que le Vizir Mahamoud était de retour avec une créature nommée Nebsen ainsi qu’une centaine de personnes. La créature correspondait en tout point avec les dernières informations laissées par le Seigneur runique Eilos. Il me fallait donc le rencontrer. Avec patience j’attendis qu’il veuille bien me recevoir. Il reconnut ma tenue, il savait pertinemment ce que j’allais lui demander. Il me raconta son duel contre Eilos ainsi que la disparition de la Légion toute entière, envoyée dans un monde souterrain. Il m’indiqua comment faire pour créer un accès vers ce lieu. Mais dix ans étaient passés, aussi je fus à la fois inquiète de retrouver mes compagnons sans vie et excitée par la perspective de clore toute cette histoire. J’allais sur place le plus rapidement possible et je tombais nez à nez avec d’autres créatures, toutes aussi agressives les unes que les autres, j’avoue que sans les runes et l’art du combat que m’enseigna mon père, le Centorium Aurius, j’aurais péri là. C’est une nouvelle fois les runes qui me permirent de briser la roche scellant le passage. Attirés par le bruit je ne tardais pas à entrevoir une forme, puis deux. C’était la Légion !

Le Cénacle fut ravi d’entendre l’histoire de Myrina et les orateurs prirent sur eux d’envelopper le récit pour le rendre encore plus héroïque. Le Cantique se termina tard dans la nuit...


Quelques jours plus tard dans la salle su Cénacle où la quasi totalité de ses membres étaient présents. Myrina, le Seigneur Runique Eilos, le Seigneur Runique Harès ainsi qu’une partie de la Légion furent convoqués en vue de leur donner une nouvelle mission.

- Vous me voyez désolé de vous renvoyer si tôt dans de nouvelles affectations, déclara Aurius. Mais rassurez-vous j’espère que cela sera de courte durée et puis il n’y a rien de bien dangereux, enfin je l’espère. Je pars pour le Conseil des Guildes, je compte sur vous pour former ma garde. Le sujet qui sera abordé est l’infiltration de personnes étrangères à notre monde par le biais de portes magiques. Les guildes doivent mettre en place un plan anti-invasion. Je crois que tout cela sera très... passionnant, dit-il sur un ton moqueur.


Chapitre 6 - Le Pacte

mAwEXXlG.png

- J’lui fais pas confiance, déclara Poukos de sa grosse voix déformée par l’eau contenue dans son scaphandre.

- Et sur quel fait te bases-tu je te prie ? Demanda Jon au visage habituellement squelettique.

- Bah un mec avec sa face à moitié calcinée par la corruption m’inspire pas confiance.

- Ah bon ? Et que penser d’un pirate mort et maudit comme moi ainsi que d’un homme poisson comme toi ?

- Mouai, ok, t’as raison, mais je le sens pas quand même ! regarde ce pauvre Galène comme il est anxieux, faut vraiment qu’on lui retrouve son jouet.

- Son désarroi est à la hauteur de sa perte mon ami. Mais il ne faut pas oublier les objectifs de notre venue ici.

- Donc trouver S.A.R.A.H.

- Entre autre, oui. Prévenons les autres que nous allons mener l’enquête... que tout ceci est exaltant ! Dit Jon en serrant ses doigts dépourvus de chair. Alors que le reste de l’équipe se lançait dans la recherche de l’automate, Al la Triste continuait sa discussion avec Balastar sur divers sujets.

- Que sais-tu du maelström ? Depuis le temps que tu es là tu dois sûrement avoir des renseignements à me donner à son sujet non ? Balastar plissa les yeux, réfléchissant aux mots qu’il allait utiliser dans sa réponse.

- Commence par me dire ce que tu connais à son sujet ? Je compléterai les manques, dit-il en ne faisant que répondre à une question par une autre question.

- Il est responsable de la destruction de Bramamir, qu’il a été créé par Néhant et qu’il est d’une certaine façon vivant. Mais qu’est-il exactement je ne le sais pas, à priori un Néhantiste maintiendrait le vortex et aurait passé un pacte avec l’ancien Gouvernement. Voilà. - C’est léger.

- Ne tient qu’à toi de m’en dire plus.

- Commençons par le début, le maelström tel que nous le connaissons n’existait pas lors de la dislocation du royaume de Bramamir. C’est un démon qui en est responsable, l’un des plus puissants qui doit exister. C’est lui qui par la suite a créé le vortex, lui permettant, comme tu l’as dit, de pactiser avec les survivants et aussi de les manipuler à sa guise.

- Donc ce démon n’est pas le vortex ?

- Non.

- Et donc ? Il a une forme physique ? On peut le retrouver ? Le tuer ?

- Attends, je crois comprendre ce que tu veux faire et je te le dis de but en blanc, c’est de la pure folie ! Tu n’arriveras qu’à ta perte si tu tentes de détruire ce démon.

- Je dirige les Iles Blanches désormais et il m’appartient de juger ce qui est bon ou non pour ses habitants. Aussi je juge inconcevable de jeter en pâture des âmes à ce démon ! Sais-tu, oui ou non où le dénicher ?

- Si je te le dis, qu’est-ce que j’y gagne ? Dit Balastar qui se trouvait en position de force.

- Du marchandage ? Avec moi ? Tu plaisantes ?

- J’ai une tête à plaisanter ? Al la Triste hésita entre tirer son sabre et pourfendre son interlocuteur, ou bien de jouer le jeu et de voir où cela pouvait la mener. Elle choisit la seconde option.

- Très bien, que veux-tu ?

- Ton navire est en bon état, je pense qu’il peut décoller, si je t’amène jusqu’au démon je veux que tu nous emmènes tous...

- Je ne comptais pas vous laisser là...

- Laisse moi finir. Si jamais nous arrivons à revenir dans les Îles Blanches, je veux l’île de Mortetourbe.

- Morte... Mortetourbe !? C’est une île marécageuse, s’il n’y a que ça pour ton bonheur... accordé.

- Parfait ! Par contre tu viens seule, je veux pas de tes amis.

- Des trucs à cacher ?

- Des milliers, comme toi.

Alors qu’Al la Triste quittait les lieux avec Balastar, le reste de l’équipe continuait ses investigations. Jusque-là le manque de piste ne permettait pas de résoudre l’énigme de la disparition de S.A.R.A.H et Galène se désespérait de retrouver son ultime créature. Les habitants de ce drôle d’endroit n’étaient pas vraiment coopératifs, les indiscrétions ne faisaient qu’ajouter de l’eau au moulin de cette forme de crainte ou de xénophobie.

Voici plusieurs heures que l’enquête piétinait jusqu’à ce que Galène eut un coup de génie.

- Je sais comment la retrouver ! Dit-il enthousiaste à ses compagnons.

- Exblique, dit Poukos en enlevant la buée sur son scaphandre.

- Je suis vraiment un âne, ajouta l’ingénieur en s’asseyant par terre.

Galène vida alors le contenu de sa large besace de toile. Plusieurs petits automates tombèrent avec fracas sur le sol glacé, semant rouages et autres ressorts. Il dégaina alors un ensemble de petits outils de précision reliés entre eux par un fin cercle de métal, attrapa un des automates et se mis au travail avec toute sa passion habituelle.

- Vous voulez bien nous éclairer sur ce que vous faites mestre Galène ? Demanda Jon qui ne comprenait pas les agissements du jeune capitaine du Titan de fer.

- Avant de concevoir S.A.R.A.H j’ai expérimenté une source d’énergie à base de cristaux en prenant exemple sur les magies des Lieurs de Pierres et sur la magie de la foudre. Il se trouve que vous avez devant vous le Frelon, une petite bête mécanique bien utile qui vole grâce à cette énergie. Je vais effectuer un petit changement dans son comportement. Comme il n’a plus beaucoup d’énergie, je vais faire en sorte qu’il se dirige vers une source semblable.

- Ça va marcher ? Demanda Poukos.

- Cela devrait, dit Galène en finissant de remonter son Frelon.

La créature mécanique bourdonna puis cliqueta. Ses ailes remuèrent lentement au début puis si vite qu’elle s’envola. Après avoir stagné une bonne minute le Frelon fonça dans une direction à la surprise de tout le monde. Flammara fut prompte à la réaction et s’élança, suivie des autres. L’automate tourna dans le dédale de couloirs creusés dans la roche puis se fixa devant une porte faite de bric et de broc. Un homme qui tenait un fusil perfectionné s’interposa à l’arrivée de la petite troupe.

- Hop là les gens ! Doucement, doucement, où allez-vous ainsi ?

- Laisse-nous entrer ou je t’écrase ! Menaça Poukos.

- Tu veux que je te brise le bocal la Rascasse ? Railla le jeune homme en visant Poukos de son arme. On m’a dit personne ne passe, alors personne ne passe.

Poukos lâcha une série de jurons avant de regarder les autres pour voir ce qu’ils allaient faire. Flammara s’avança, sûre d’elle.

- Écoute, je vais pas discuter longtemps, ma spécialité à moi, c’est les flammes.

- Ouai et alors ?

- C’est quoi ton nom ? Demanda-t-elle.

- Je suis Mathurin, bras droit de Balastar.

- Très bien Mathurin, tu sais je connais les gens comme toi, ceux qui aiment les flingues, ils ont souvent des traces noires sur la peau, tu sais ce que sont ces traces ??

- Euh...

- De la poudre. Et tu sais quoi, la poudre je peux l’enflammer d’un seul claquement de doigts. Dit-elle en faisant claquer ses doigts.

A ce moment là l’une des traces noires prit feu, provoquant une vive douleur à Mathurin. Le jeune homme recula, se rendant compte de l’horrible destin qui l’attendait si elle continuait.

- Waow, regard de braise hein ? Bon bon, je vais pas insister, je vais pas risquer ma peau pour une porte. On va dire que je me suis absenté pour aller me soulager, déclara Mathurin en reculant d’autant plus.

- Je t’ai à l’œil. Poukos, ouvre la porte maintenant.

Ni une, ni deux la porte éclata en morceau sous le poids de Coule-grouillot l’arme-ancre de Poukos. A l’intérieur se trouvait l’automate tant désiré. S.A.R.A.H était en partie démontée et raccordée à divers câbles.

- Mais qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? demanda Galène les lèvres tremblantes.

Après examen il s’avéra que l’automate alimentait le complexe en énergie. Sans la moindre réflexion de sa part Poukos arracha les câble, pensant bien faire.

- MAIS NON !! QU’AS-TU FAIT !? Hurla Galène.

- Nous y voilà. Regarde bien car il ne faut plus venir par ici à l’avenir.

- J’y comptais pas.

Balastar et Al la Triste se trouvaient à l’exact centre de l’œil du Vortex. Au loin bien plus haut des îles flottaient les unes au-dessus des autres. Autour d’eux de très nombreuses épaves de navires volants étaient plantées sur des pics rocheux comme des papillons venus plantés sur des aiguilles. Tout à coup une forme noire se matérialisa devant eux. Al la Triste le reconnut immédiatement.

- C’est bien toi ?

- Ah, mais ne serait-ce pas la somptueuse et impétueuse Alexandra. Quel plaisir de te parler enfin.

- Le plaisir n’est pas partagé, tu as voulu ma peau et je ne te le pardonnerai jamais.

- Ne restons pas sur tant de rancœur, le passé est le passé, pensons au présent. Pourquoi voulais-tu me voir... Amiral ?

- Il est temps que tout s’arrête, tu n’as plus rien à faire sur cette terre. Je veux que Bramamir redevienne Bramamir.

- Ce que tu veux n’est pas forcement compatible avec la réalité. Car je te le dis, sans moi les Îles Blanches seraient englouties par le vortex, c’est moi qui grâce à ma magie le maintient à sa puissance minimale. Si je pars d’ici cela aura de très funestes conséquence pour ce monde. Et laisse-moi te dire que si les Îles s’écrasent ici je n’en mourrai pas.

- Dans cas, je n’ai plus rien à faire ici, dit Al la Triste qui ne voyait pas d’issue à cette discussion.

- Tu as encore quelque chose à faire, ma chère pirate. J’avais un pacte le gouverneur de Bramamir. En échanges de quelques humains je maintenais le vortex stable. Mais le gouverneur est mort, tu es désormais la représentante du peuple qui vit au dessus de ma tête, il me faut donc continuer le pacte avec toi. Quelques âmes lorsque je les réclame et ce monde est sauf. C’est simple n’est-ce pas ?

- C’est horrible surtout, lâcha Al al Triste avec dégoût.

- Question de point de vue, je parle là d’un marché réciproquement profitable. Continue à exécuter les gens en les jetant dans le vortex et ça sera parfait. A présent... signe ! Une main gantée déroula un parchemin alors que l’autre main lui tendait une plume. Al hésita longuement puis saisit la plume. Elle allait signer lorsqu’elle arrêta son mouvement.

- Je vais signer, mais avant cela tu dois laisser partir les exilés qui résident plus loin.

- Qu’ils partent, ils ne m’intéressent pas.

Al la Triste apposa sa signature et tourna le dos au démon.

- Voilà une bonne chose de faite Alexandra, j’ai beaucoup d’espoir dans notre relation.

- Il n’y aura pas de contact entre nous. A présent excuse-moi je dois retrouver mes gars et repartir dès que possible.

Alors que l’Amiral et Balastar arrivaient au complexe, ils virent tous deux des gens s’enfuirent. Poukos tenait dans ses bras S.A.R.A.H et Galène hurlait :

- EVACUEZ ! EVACUEZ !

Flammara stoppa sa course au niveau de l’Amiral.

- Il faut partir, le système de survie du complexe va exploser.

Balastar réalisa ce qu’il se passait lorsqu’il vit l’automate, mais n’osa pas dire quoi que ce soit. L’Arc-kadia, à peine réparé eut juste le temps de décoller avec difficulté avant que l’explosion n’ait lieu.

- C’est une chouette histoire mam’, c’est là bas que tu as connu pap’ ? Dit la fillette à Flammara.

- Et oui ma fille, le destin nous joue des drôle de tours.

A ce moment là entra dans la pièce où se trouvaient la mère et la fille un homme portant un fusil en bandoulière.

- Pap’ ! Dit la fillette avant de sauter dans les bras du nouveau venu.

- Flam’ prépare tes affaires, Al nous demande à bord de l’Arc-kadia.

- Il se passe quoi ?

- Je ne sais pas trop, une histoire de portes et de Conseil des guildes.

- Très bien, j’arrive.

Chapitre 7 - Prélude à l’apocalypse.

sztKXneP.png

Aerouant tomba ventre contre terre. Son visage portait une multitude de petites griffures, résultat de son court voyage au travers des méandres. Jamais il ne s’était senti aussi mal, il imaginait ce que devaient ressentir les Néhantistes en utilisant là leur magie. Il se releva tant bien que mal, après un moment de récupération. Le lieu d’arrivée n’avait rien de très particulier, c’était une simple cave avec diverses étagères où se trouvaient des conserves et autres bouteilles couvertes de poussière. La lumière éclairant l’escalier qui remontait fut voilée, projetant une ombre inquiétante, celle d’Amidaraxar. Aerouant s’époussetait en même temps que le Néhantiste arrivait vers lui.

- Je crois que le message est passé, dit Aerouant. Après l’humiliation que je viens de leur infliger ils vont focaliser leur attention sur moi, dit Aerouant d’un ton sardonique.

- Il faudra m’expliquer comment tu as réussi à leur échapper, je pensais vraiment ne jamais te revoir. Tu nous es plus précieux qu’il n’y parait.

- Les menottes anti-magie sont faites à partir de cristaux et de magie de Dragon. Il ne m’a pas fallu beaucoup de temps pour en venir à bout, moi Aerouant descendant de Dragon, expert en magie.

- Expert en magie, mais pas de toutes les magies. Tu as presque gagné notre confiance, tu prouves à chacune de tes actions que tu peux être un parfait Néhantiste. Depuis que Dimizar est devenu ce fou de Zejabel il nous manque des mages de valeur.

- Presque gagné votre confiance ? Que puis-je faire de plus pour enlever les dernières miettes d’hésitation à mon égard.

- Plusieurs choses. Cela fait presque dix ans que dort dans les geôles du Conseil une des nôtres, il est temps de la libérer.

- De qui parles-tu ?

- De l’ancienne Conseillère Edrianne.

Aerouant dégagea les mèches cachant son visage et posa un regard interrogateur sur Amidaraxar. Son visage se reflétait sur son masque frappé du sigle de Néhant.

- Edrianne ? Mais ce n’était qu’un simple pion ? Demanda Aerouant intrigué.

Derrière son masque Amidaraxar souriait, mais ça Aerouant ne le savait pas.

- C’est exactement ce que nous voulions faire croire. Le Conseil pensait que Haine utilisait Edrianne, ce n’est pas tout à fait cela. Edrianne est une Néhantiste, à l’époque plus néophyte dans notre art, mais aujourd’hui je pense qu’elle doit être prête à agir.

- Et je suppose que je vais être seul à agir ?

- Non, même moi je ne suis pas certain d’y parvenir seul, alors toi... Tu vas y aller avec Azaram.

- Azaram ?

- Un problème avec ça ?

- Aucun, au contraire. Est-il là ?

- Oui, à l’étage, je te prierais de ne pas faire de bruit, nous sommes au milieu d’une cité d’Yses. Je ne veux pas attirer l’attention sur nous.

Azaram appuyé sur le côté de la fenêtre guettait de manière discrète la rue animée de la cité, dans l’ignorance du péril que représentaient les Néhantistes. Il ne fit pas attention à l’arrivée d’Amidaraxar et d’Aerouant. Un larbin lové entre ses jambes leur adressa un regard exempt de toute intelligence.

- Regardez-les vivre, ils me font vomir, il me tarde de débarrasser ce monde de ces larves, dit Azaram d’une voix empreinte de dégoût.

- Patience. Poursuivons le plan tel que prévu, répondit Amidaraxar.

- Et quel est ce plan ? Il est peut être temps de m’inclure dans le cercle, intervint Aerouant.

Amidaraxar s’installa dans le vieux fauteuil faisant face à une large cheminée éteinte. Azaram cessa de regarder dehors pour se tourner vers le fils de l’ancien Prophète.

- Nous te révélerons ce fameux plan lorsque Edrianne sera parmi nous, je déteste me répéter.

- Hâtons-nous de la libérer dans ce cas, répondit Aerouant tentant de rebondir après le refus d’Azaram.

- Montre moi ta pierre-cœur Aerouant, s’exclama Amidaraxar. Je sais que tu l’as récupéré je sens sa magie d'où je suis.

Le draconien fit la moue, mais ne pouvait se soustraire à la demande il détacha une bourse de sa ceinture et en tira une pierre d’un bleu profond. Celle-ci était brute, non taillée et luisait légèrement dans la main du mage. Après une brève hésitation il posa la pierre dans la main que lui tendait le Néhantiste. Immédiatement le pierre se teinta jusqu’à devenir d’un bleu nuit.

- Ainsi je m’assure de ta fidélité et te permet d’améliorer les sorts de Néhant que tu utiliseras, ce qui va être le cas bientôt.

- Nous n’avons pas choisi cette ville par hasard, expliqua Azaram. Edrianne est secrètement emprisonnée ici. La libérer ne nous aurait pas posé de problème si les gardiens n’étaient pas les Chevaliers-sorciers de Dhun.

- Combien sont-ils ? Questionna Aerouant.

- A notre connaissance il ne sont “que” deux, dit Azaram.

- Je comprend mieux pourquoi vous avez besoin de moi, que ça soit vous deux ou n’importe lequel des démons, aucun ne peut en venir à bout. Vous avez besoin de ma cristalomancie n’est-ce pas.

Azaram fut agréablement surpris par la perspicacité du draconien.

- Tu t’en sens capable ? Ne t’en fait pas je serai à tes côtés, je suis à l’aise avec une Lame-démon en main.

- Les Chevaliers-sorciers de Dhun sont redoutables, mais il ne faut pas oublier que leur connaissance de la magie vient en partie de Dragon. J’en viendrai à bout.

- La nuit tombe, nous allons pouvoir agir.


Évidemment le lieu où Edrianne était enfermée n’avait pas l’air d’une prison au sens commun du terme. Là où on aurait pu s’attendre à une citadelle fortifiée on retrouve une bâtisse de taille modeste perdue à l’écart de la cité. Il fut facile pour les deux missionnés de se glisser jusque-là sans se faire repérer de qui que ce soit. Cachés derrière une vieille carriole abandonnée ils observaient les environs, cherchant le moindre signe d’activité. Mais rien ne bougeait à part les flammes des torchères encerclant la cour qui elle-même entourait la large maison.

- Il n’y a même pas de garde, ça sera plus facile que prévu, ironisa Azaram.

- Méfia... commença à dire Aerouant avant d’être interrompu par la soudaine apparition d’une personne.

Une large lame tenue par un large guerrier en armure plongea vers Aerouant. Azaram eut tout juste le temps de pousser Aerouant que leur agresseur levait à nouveau son épée pour poursuivre le combat. A présent au bord de la cour, ils virent mieux à quoi ressemblait leur adversaire. Il les dépassait d’une bonne tête, son armure ressemblait à celle des avaloniens mais à la différence que celle-ci semblait beaucoup plus légère vue les déplacements de son porteur. De large pans de tissus brodés de symboles cabalistiques indiquait son appartenance à l’ordre des Chevaliers-sorciers de Dhun. Son casque intégral ne présentait aucun orifice pour les yeux, la respiration ou la bouche. Azaram tenta de lancer un sort de Néhant mais se ravisa comprenant à qui il avait à faire, aussi dégaina-t-il sa lame-démon avant de revêtir son apparence démoniaque. Le combat s’engagea avec fracas et violence. Les forces semblaient inégale entre les protagonistes, les chevaliers-sorciers étant certainement les gardiens les plus défensifs qui existaient. La tactique était simple : repousser l’adversaire, l’empêcher d’avancer. Inutile de tenter de le fatiguer, celui-ci pouvait tenir le combat un temps extrêmement long. Il fallait faire vite avant que le deuxième Chevaliers-sorciers ne viennent se joindre au combat, auquel cas la mort les attendait. Azaram entreprit d’occuper l’adversaire en lui assénant des coups, alors que de son côté Aerouant se mit au travail. Il utilisa l’un de ses sorts de cristalomancie préféré parfois utilisé par Marlok. Son bras se recouvrit de cristal et une lame poussa dans prolongement de sa main. Il se contenta d’esquiver la lame, qui pouvait le terrasser en un coup, cherchant une faille dans l’armure.

- Qu’est-ce que tu fiches !? S'énerva Azaram croyant qu’Aerouant ne faisait rien.

Le Draconien vit alors la faiblesse du Chevalier-sorcier, lorsque celui-ci levait son arme pour frapper : son aisselle. Aidé par la magie il agit avec rapidité et frappa. La lame fit son œuvre et s’enfonça profondément. Puis avant que l’adversaire n’ait le temps de réagir il utilisa ses dons de cristalomancien et fit pousser des cristaux à l’intérieur du corps du Chevalier-sorcier, perçant à plusieurs endroit l’armure. Il s’écroula en se crispant.

- Magnifique ! S’extasia Azaram.

- Ne perd pas de temps et avance, je vais m’occuper de lui, dit Aerouant.

Le seigneur-démon tiqua, mais vu l’urgence il laissa là Aerouant et courut vers la porte de la bâtisse qu’il ouvrit d’un geste brusque. De son côté le Draconien utilisa sa magie sur le Chevalier-sorcier et son corps se couvrit d’une fine couche de cristal bleu. A l’intérieur Azaram tomba presque nez à nez avec le deuxième garde. Le rez-de-chaussé n’était qu’une grande pièce protégée de nombreux sorts. Edrianne se trouvait au centre dans une cellule de verre. Son immobilisme prouvait qu’elle était sous l’effet d’un sort de stase, utilisé souvent sur les prisonniers les plus dangereux. Le Chevalier-sorcier procéda de la même façon que son homologue à qui il ressemblait en tout point. Le Chevalier-sorcier agit avec célérité, surprenant Azaram qui para les assauts de son adversaire. Pourquoi avait-il écouté Aerouant ? Car il se retrouva vite surclassé par son adversaire. La lame coupa la chair épaisse du démon, puis du plat de son épée il donna un coup au niveau de la tête, l’envoyant valdinguer plus loin. Il perdit conscience immédiatement...

- Azaram ! Azaram !

La voix était celle d’une femme, pas n’importe laquelle, il s’agissait d’Edrianne, libre de ses mouvements.

- Que s’est-il passé ? Bégaya-t-il.

- Je suis arrivé à temps, dit Aerouant en montrant le Chevalier-sorcier figé telle une statue de cristal. Seul je n’ai pas réussi à renouveler l’exploit du premier combat. Alors je l’ai entièrement cristallisé.

- Je ne savais pas que ce draconien était avec nous, questionna Edrianne sur un ton de reproche.

- C’est une longue histoire, dit Aerouant. Je serais ravi de vous en dire plus, mais pas maintenant, et pas ici. Ce Chevalier-sorcier n’est pas mort, profitons-en pour partir. Je ne vous conseille pas de tenter de briser ou percer le cristal.

- Oui, partons, je ne suis pas en état, j’ai la tête qui va exploser, se plaignit Azaram en se relevant tant bien que mal.

Le groupe de Néhantistes quitta les lieux, la mission étant achevée avec un franc succès. Ils traversèrent la cour et s’enfoncèrent dans le bois qu’ils traversèrent sans rencontrer de problème. Regagner leur repaire ne fut alors qu’une simple formalité.

Aerouant venait de démontrer l’étendue de ses pouvoirs, les Néhantistes gagnèrent ce jour-là deux mages de valeur dans leurs rangs...

Chapitre 8 - La Porte du désert

HpLZ0jil.png

En dix ans, Mineptra n’était plus la même. Le père du prince Metchaf, accablé par la vieillesse, avait abdiqué, passant ainsi le relais à la nouvelle génération. Metchaf balaya l'hégémonie du dieu unique pour installer l’ancienne religion du royaume du désert. Les anciens dieux furent redécouverts et les lois interdisant leurs cultes furent abandonnées. De nouveaux temples furent construits et certaines peuplades qui vivaient dans la clandestinité de part leur préférence religieuse s’établirent dans la cité. Peu à peu Mineptra retrouvait l’ambiance et la splendeur d’un lointain passé.

- Pardon ! Pardon ! Hurlait la petite fille qui portait contre son cœur un papyrus enroulé.

A cette heure-ci la chaleur était insupportable pour les étrangers qui de plus en plus nombreux visitaient le désert d’émeraude. Mais pour les habitants de Mineptra la chaleur n’était plus qu’un détail, ils s’y étaient habitués. La petite fille courrait pieds nus sur le sol ardent sans ressentir la moindre gène. Son objectif se trouvait en dehors des grands remparts protégeant la cité des fréquentes tempêtes de sable. Elle se faufila sur le chemin courant de la route principale vers une ouverture entre deux gros rochers, sous le rempart. De l’autre côté, caché et isolé se trouvait le temple de Ptol’a récemment achevé. Une statue de la déesse gardienne de l’après-vie s’imposait au milieu d’un jardin jurant de part sa luxuriance. Le sommaire système d’irrigation, abreuvant les nombreuses plantes exotiques, permettait un tel prodige. Là, devant l’effigie des hommes et des femmes à genoux pleuraient leurs défunts, demandant à la déesse de prendre soin des êtres qui leur étaient chers dans la mort. La petite fille cessa de courir pour ne pas déranger et marcha jusqu’à l’entrée du temple, une bâtisse à moitié construite dans la roche et dont la partie visible se composait de quatre large murs lisses. Seul le mur de façade avait une ouverture, une porte suffisamment large pour laisser passer une civière lorsqu’une personne décédée était conduite vers sa dernière demeure. En effet, alors que les rites funéraires de Sol’ra préconisaient la crémation, Ptol’a souhaitait que les morts reviennent vers elle par un autre biais. Un peu intimidée la petite fille entra, il faisait frais à l’intérieur malgré la chaleur externe et les torches allumées. La première pièce, rectangulaire, servait de sas en cas de tempête de sable, il y avait d’ailleurs des petits tas de sable dans les coins. Une ouverture semblable à celle de l’entrée donnait sur la pièce principale, un lieu de culte où le prêtre de Ptol’a officiait. Il n’y avait pas ici le moindre son, même le prêtre, qui était là en train de prier devant une autre statue de Ptol’a, ne produisait pas le moindre bruit. Lorsque la gamine entra, le prêtre s’interrompit et leva la tête vers elle. Se relever sembla être pour lui un véritable châtiment, les heures avaient passé depuis le début de ses prières et il ne s’en était pas rendu compte. L’homme se saisit de son bâton surmonté de la tête de chacal, animal gardien de l’après vie et regarda de ses yeux dorés la petite fille qui était intimidée au point de rester figée.

- Approche, tu n’as rien à craindre de moi. Que viens-tu faire ici... Ptana, c’est ton nom n’est-ce pas ? Demanda-t-il en faisant tournicoter le bout de sa longue barbichette. Ravi de te rencontrer, je suis Netjhim, prêtre de Ptol’a.

Encore plus impressionnée elle adjoint à son immobilité un écarquillèrent les yeux. Elle acquiesça timidement tout en tendant son papyrus.

- Je vois, je ne m’offusque pas de ton silence, mais il va me falloir me dire qui t'envoie, dit-il d’une voix calme et incroyablement douce.

- Ha... Hakim.

- Et bien, soit remerciée pour m’avoir apporté cette lettre. Les pleureurs me laissent beaucoup trop de nourriture, regarde si quelque chose te plaît et ensuite retourne voir Hakim pour lui dire que j’ai bien reçu son message.

La petite fille se tourna vers l’endroit où des fruits et autres victuailles attendaient leur heure. Elle choisit un pain de viande et s’en alla très vite. Nethjim déplia le papyrus avec minutie et en lut le contenu. Les nomades avait la chance et le malheur de posséder une écriture incroyablement perfectionnée mais aussi souvent vague. C’est à dire qu’il fallait peu de pictogrammes pour vouloir dire beaucoup de choses, mais qu’en même temps il fallait une part d’imagination et d’interprétation. Cependant des codes existaient pour réduire cette interprétation.

- Pourquoi me demande-t-il cela ? Dit Netjhim comme s’il parlait à quelqu’un.

- Parce que cela le dépasse et nécessite une personne qui a une bonne connaissance des légendes du désert. Dit une voix féminine que seul le prêtre entendait.

- Comme moi... je vois. Qu’est-ce que le Conseil des guildes peut vouloir aux ruines qui parsèment le désert ?

- L’Equinoxe a commencé, elle sera bientôt à son paroxysme, les mortels s’agitent, les morts sont de plus en plus nombreux, dit Ptol’a à son prêtre.

- Les dieux se préparent-ils à s’affronter de nouveau ?

- Non, c’est autre chose dont même nous, dieux, en ignorons l’origine. Cela concerne les mortels.

- Inquiétant et passionnant. Je me prépare au voyage, les morts attendrons mon retour.

- A ton retour il nous faudra traiter d’une autre problème, tout aussi grave.

- A propos de ?

- Nous traiterons de cela plus tard, un problème à la fois, prêtre.

- Je vois, déesse.


Netjhim parti à dos d’alback une sorte de grosse gazelle capable de rester une semaine sans boire la moindre goutte d’eau. Dotée de sabots larges et plats l’alback se déplaçait sans beaucoup d’effort. Il suivit les indications données par le Conseil en se demandant comment cette organisation avait eu vent de l’existence de la ruine qu’on lui demandait de visiter. Était-ce un autre Nomade du désert qui avait fait un rapport ou des espions du Conseil parcourant le désert ? Netjhim avait de nombreuses théories qu’il vérifierait le moment venu. Et ce moment vint lorsqu’il vit un campement là où il devait se rendre. Plusieurs personnes sortirent des deux larges tentes au moment où il arriva. Leurs habits indiquait leurs origines : des serviteurs des Gardiens du temple, et donc par extension, d’Hakim. L’un des serviteurs se pressa d’aider le prêtre à descendre de sa monture avant de l’inviter à entrer dans une tente.

- Soyez le bienvenu...

- Netjhim, prêtre de Ptol’a.

La figure de l’homme fut d’un coup moins accueillante.

- Je vois que vous êtes des Serviteurs des gardiens du temple, de qui dépendez-vous ? Hakim ?

- Hakim oui.

- Je vois, c’est un homme... prévoyant. Parlez-moi de la ruine pour laquelle j’ai voyagé jusqu’ici. Je n’ai hélas guère de temps à accorder à cette histoire, vous comprendrez facilement que mes fonctions me demandent d’être présent au temple de Ptol’a.

- D’accord, dans ce cas ne tardons pas, c’est à peine deux dunes plus loin.

- Je vois... je vous suis.

Le serviteur et Netjhim sortirent de la tente pour partir en direction du soleil qui commençait à décroître à l’horizon. Peu de temps plus tard ils avaient parcouru la distance jusqu’à cette fameuse ruine. En apparence celle-ci n’avait rien de particulier, il s’agissait d’une porte de très grande taille dont il ne restait qu’un battant sur les deux.

- Et bien ? Une simple porte ? On m’a dérangé pour ça ?

- Je comprend votre étonnement mais si cette porte n’a rien d’exceptionnelle en apparence, sachez que c’est le lieu où nous nous trouvons qui est particulier.

- Qu’entendez-vous par là ?

- Je suis un historien royal, j’ai étudié chaque région du désert et leur histoire aussi loin que je pouvais. Sauf que nous sommes dans une des régions les plus dépeuplée et au passé sans faits notables. Donc cette porte est là, mais il n’y avait pas d’habitation autour, pas de palais, rien qui ne justifie qu’elle se trouve ici.

- Je vois... vous avez bien fait de me dire cela, j’ai jugé un peu précipitamment.

A ce moment là un autre serviteur qui fouillait les alentours appela. Il semblait avoir trouvé quelque chose d’intéressant.

- Regardez ! Regardez ! dit le serviteur en montrant un trou qu’il venait de creuser.

Au fond il y avait un objet brillant, l’historien sauta et dégagea la trouvaille.

- Qu’est-ce ? Demanda Netjhim piqué par la curiosité.

- Il y a plusieurs objets... et un squelette. C’est un homme en armure !

- S’il vous plaît, dégagez-le, demanda le prêtre aux deux serviteurs.

Une bonne demi-heure plus tard le squelette était remonté et conduit jusqu’au campement où les hommes du désert seraient plus à l’aise pour l’examiner. Ce guerrier mesurait deux mètres et la ligne de son armure indiquait qu’il devait être très svelte.

- Fais-le parler... souffla la voix de Ptol’a à Netjhim, il n’a pas rejoint l’après-vie.

Netjhim utilisa alors tout son savoir faire et demanda aux serviteurs de quitter la tente, il devait rester seul avec le mort. Après avoir défait son armure, il installa le squelette sur un des lits de camp, puis il entama une prière à Ptol’a. La déesse accorda à son prêtre le droit de contacter l’âme du défunt avant que celle-ci ne s’en saisisse. Il sentait que le guerrier était là, mais la déesse l’avertit, la magie était à l’origine de sa mort.

- Que veux-tu, humain ? résonna la voix du mort.

- Qui es-tu ?

- Je ne peux te le dire suis car je n’en ai pas le droit.

- Qui t’a ôté ce droit ?

- Ceci je peux le dire, se sont des créatures proches de Guem, ceux qui mangent les pierres.

- Qu’est-ce que cette porte ?

- Ceci je peux le dire, c’est une porte de l’Infini, elle a été brisée dans une grande bataille.

- Quand ?

- Bien avant que vous ne fouliez cette terre.

- Où menait cette porte ?

- Je ne peux te le dire suis car je n’en ai pas le droit.

- Je vois.

- Laisse moi partir à présent.

- Une dernière question, y a t-il d’autres personnes comme toi sur les terres de Guem ?

- Oui il y en a d’autres.

- A présent va, quitte ce monde physique et part dans l’après-vie.


La nuit tombait sur le campement, le groupe s’était réuni autour du prêtre pour connaître les suites de cette affaire qui intéressait tout le monde. Netjhim finissait d’écrire un rapport à l’attention d’Hakim et du conseil pour les informer des découvertes faites. Une fois fini, il s’adressa à l’historien royal.

- Dites-moi, que savez-vous sur les origines du désert d’émeraude ?

- Nul ne le sait, il n’existe aucun récit, ni aucun écrit sur les origines du désert, seulement une multitudes de théories parfois farfelues.

- Je crois que cette porte était là bien avant notre civilisation.

- Tout est possible, mais comment en avoir le cœur net ? demanda l’historien.

- Il existe des personnes qui pourraient nous le dire, j’ai fait une recommandation dans ce sens auprès de la guilde et du Conseil.

- Pourvu que l’on ait une réponse rapidement, nous allons continuer les fouilles demain, Netjhim, peut-être y a t il l’autre battant de la porte quelque part et d’autres squelettes gardés intacts sous le sable.

- Je vois. Moi qui pensais rentrer demain à Mineptra, je crois que je vais un peu prolonger mon séjour ici.