De Eredan.
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Histoire
Chapitre 1 - La bataille d'Akushin
C’était un matin comme d’autres... Comme à l’accoutumée, les mêmes gestes, mécaniques, répétitifs. Levé avec le soleil il était l’heure de se rendre aux rizières pour le labeur quotidien. Après avoir fait craquer son dos et pesté contre l’humidité Chen Ziao salua sa femme et ses enfants et quitta la modeste maison que l’empereur leur permettait d’habiter. Le soleil perçait entre les hauts bambous de la forêt de Zan, pas le moindre nuage dans le ciel, c’était déjà ça, aujourd’hui la pluie ne viendrait pas perturber la récolte. Finalement de bonne humeur il s’en alla en direction de la forêt en chantant. Les rizières se trouvaient de l’autre côté à une demi-heure de là. Un peu avant d’emprunter le chemin ondulant parmi les bambous il fit une halte, comme tous les jours, devant l’autel de Yazou le protecteur de la région. Il posa au pied de la petite statuette un fruit en offrande et remercia Yazou pour la protection qu’il lui accordait. C’est alors qu’un bruit vint interrompre sa prière, un craquement qui venait de la forêt proche, quelqu’un approchait en se frayant un chemin parmi les bambous.
- Y a quelqu’un ? Venez par ici ! Dit-il en souhaitant aidé.
Le bruit se rapprocha et d’un coup une personne sortit de la lisière. C’était un xziarite, un voisin plus précisément avec qui Chen travaillait.
- Bonjour Jin, comment vas-tu en ce beau début de journée ?
Mais Jin ne lui répondit pas. D’un pas lent et chaotique il se rapprocha de Chen qui continuait à lui parler. Puis vint le moment où il y eu d’autres bruits dans la forêt et d’autres personnes qui sortirent de la forêt de Zan. Cette fois il n’y avait pas que des xziarites , mais d’autres hommes, femmes et enfants aux allures éparses et surtout ressemblaient à des cadavres vivants. Jin arriva alors au niveau de Chen et ce dernier vit les yeux sans vie de son voisin et ami, du sang coulait par sa bouche et son cou présentait une large estafilade. Chen recula, il comprit alors que ces gens n’étaient plus vivants, il lâcha ses outils et courut le plus vite qu’il put en direction de sa maison, il risqua un coup d’oeil en arrière, c’était un véritable raz-de-marée de morts marchants qui se déversait de la forêt de Zan. A bout de souffle il arriva jusqu’à chez lui hurlant des avertissements, appelant sa famille. Il n’était peut être pas trop tard, ils auraient sûrement le temps de fuir et de se réfugier au château du seigneur Genzo. Mais en fait sa famille et lui ne quittèrent jamais cette maison, du moins pas comme humains libres de leurs actes. A l’intérieur il remarqua vite une personne supplémentaire, un homme à l’allure étrange, la peau blanchâtre, les cheveux noirs longs et crasseux, que la peau sur les os. Chen eut un haut le coeur lorsqu’il vit que cette personne, assise sur le lit discutait avec ses enfants, sa femme quant à elle était debout et tous à part cet étrange personnage lui tournaient le dos. L’homme se leva en voyant Chen.
- Tu as là une délicieuse famille. Tu sais je n’ai pas eu cette chance de mon vivant, mais n’aie pas peur, je serais un monstre de vous séparer. Au fait mon nom est Zejabel, on ne se connaît pas mais je suis ton nouveau meilleur ami, tu verras nous serons bientôt comme cul et chemise.
- Quoi ? Qu’est-ce que vous voulez, venez il faut vite partie des gens morts arrivent, c’est horrible !
- Allons, que racontes-tu là, n’aie pas peur ces gens ne te feront rien, c’est ma famille, à moi, nous sommes une grande famille et vous aussi vous allez faire partie de ma famille.
Chen n’écouta qu’à moitié et alla se saisir d’un de ses enfants. Le petit garçon ne réagit pas lorsqu’on son père le secoua et Chen dut forcer pour le relever. C’est là qu’il vit le regard inerte de l’enfant...
- Tu ne m’en voudras pas je pense, j’ai pris... un peu d’avance, dit le nécromancien en esquissant un petit sourire.
Exténué après avoir couru depuis le palais impérial, le messager passa outre, pour cette fois, des formalités d’usage. A genoux devant l’entrée de la demeure il prévint de sa présence. C’était au beau milieu de la nuit.
- Seigneur Gakyusha ! Seigneur Gakyusha !
Un court moment plus tard Henshin, le grand père d’Iro et d’Ayako, encore endormi, fit coulisser la porte.
- J’espère que vous nous dérangez pour une bonne raison messager impérial, il est très tard.
- Je m’excuse d’avance de venir maintenant, la nouvelle que j’apporte est vitale ! dit-il en tendant un rouleau de parchemin.
Henshin le déroula et lut les idéogrammes à la lueur d’un lampion. Son regard se figea, horrifié.
- Je préviens le Seigneur Impérial immédiatement. Merci d’être venu.
Le messager salua avant de repartir prestement, il avait d’autres personnes à prévenir avant que l’aube ne se lève.
Lorsque le matin arriva, la grande salle du conseil impérial était bondée. L’intégralité des ministres, les généraux, le champion Impérial, le Seigneur Impérial, Maître Toran, Maître Tsuro, ainsi que l’Empereur en personne étaient réunis autour d’une cartographie des terres Impériales. Les visages étaient fermés, fatigués, la nouvelle qu’avait reçu le palais était grave, augurant une crise importante. Le seigneur Genzo avait réussi à faire parvenir jusqu’à Meragi un de ses soldats afin d’avertir l’Empereur de ce qu’il se passait sur son territoire. Une véritable armée de morts marchants était en vue de son château et les premiers affrontements ne laissaient aucun doute sur les intentions de ces créatures.
- J’ai une personne dans les environs, dit Daijin, je devrais recevoir d’ici quelques instants un point sur la situation.
- Combien sont-ils? demanda Toran.
- Le message du seigneur Genzo indique au moins un millier. Cette armée viendrait directement du sud-est, indiqua un des généraux.
Gakyusha posa son doigt sur la représentation du château de Genzo sur la carte et le glissa vers le sud. Hélas cette carte ne représentait que l’Empire et là, au nord il n’y avait que les montagnes qui séparaient l’empire de la Draconie et à l’est la mer.
- Qu’on m’apporte une carte de cette partie des Terres de Guem ! ordonna-t-il aux serviteurs.
- Une idée père ? Demanda Iro.
- Disons une mauvaise impression, les morts qui marchent qui sont décrits par le seigneur Genzo ont la même allure que ceux qui ont attaqué le Zircus des Combattants de Zil.
- Ils viendraient de là ? Demanda Iro.
- Je ne pense pas, intervint Toran, le Zircus est ici, continua-t-il en montrant un endroit loin vers l’ouest de l’Empire.
Un serviteur donna une carte au seigneur Impérial qui la déroula alors à côté de l’autre.
- Regardez, si on reste sur la théorie que cette armée vient de là, dit Gakyusha en montrant les montagnes, les morts qui marchent sont forcement passés par la Draconie ou part... la prison de Néhant.
- Alors nous serions attaqués par des séides de Néhant ? Dit l’Empereur. Nous allons démontrer à ces créatures la puissance de Xzia !
- Bien parlé votre altesse, déclara un des généraux, je peux donner l’ordre de conscription des provinces attenantes à celles du seigneur Genzo.
- Oui, faites-le, déclara Gakyusha.
- Mon espion arrive, dit Daijin en reculant. Un peu d’espace je vous prie, demanda-t-il.
Daijin écarta brusquement les bras et des plumes de corbeau faites de magie de l’ombre s'échappèrent de lui, puis tombèrent devant lui pour former un disque de plumes noires. Une forme en sortie lentement, un humanoïde fait entièrement d’ombre.
- Dis-moi tout Kuro, qu’est-ce que tu as appris?
- La situation est critique. Le château du seigneur Genzo est tombé, l’intégralité des gens vivants dans la ville ont été tués puis ramenés à la vie par magie, venant ainsi grossir les rangs de cette armée.
- C’est ignoble, lâcha Iro en serrant les dents.
- Mais il y a pire, car au milieu de ces morts se trouvent des démons et plusieurs Néhantistes. Leur progression est très rapide et je pense que leur cible est la cité de Shirokoya.
- Shirokoya, grommela l’Empereur, la deuxième plus importante ville de Xzia. Espion, dis-nous si nous aurons le temps de les intercepter avant que cette armée n’arrive à son objectif.
- Oui fils céleste, nous, membres du clan du Corbeau, allons pouvoir freiner leur progression à l’entrée de la province d’Akushin.
- Akushin ? Dit Gakyusha en regardant la carte de l’Empire, étrange coïncidence, notre famille est originaire de cette province, je la connaîs bien. Majesté, j’ai suffisamment de membres de la Kotoba à Meragi et dans les provinces jusqu’à Akushin pour que nous puissions intercepter et temporiser le temps que les généraux et les troupes arrivent.
- Dans ce cas Seigneur Impérial ne tardez pas, acquiesça l’Empereur.
- Je t’accompagne père, dit Iro impatient d’en découdre.
- Et les tsoutaïs sont à votre disposition, indiqua Toran.
- Nous vous attendons à Akushin, dit Kuro avant de disparaître.
Akushin, province située entre les montagnes frontalières et Méragi avait la particularité d’être très accidenté. C’était une région dont le paysage fut fortement modifié par l’Erosion et présentait désormais de grands chaos. L’armée des morts qui marchent s’était engouffrée entre les pylônes de roche et de cristaux de quartz translucide. Ici la Kotoba avait l’avantage du terrain et Gakyusha le savait bien, le plan était prêt il ne restait plus qu’à le mettre à exécution. Le chef de la Kotoba sonna l’assaut, une lame dans chaque main il se jeta dans la mêlée. Les autres, tout au plus une trentaine, suivirent le mouvement. Le but n’était pas de lutter jusqu’à la mort, mais de ralentir l’ennemi et d’attirer son attentions sur la troupe. L’armée xziarite n’était qu’à une heure de là mais il fallait agir avant que les zombies, les démons et les Néhantistes ne parviennent à sortir du chaos. Les lames brillantes tranchaient les chairs et coupaient des membres. Les cadavres s'amoncelaient rapidement. Les morts-vivants n’étaient pas vraiment le principal atout des Néhantistes, non, Gakyusha craignait plus les démons car ceux-ci réfléchissaient et c’était là le réel danger. A l’arrière les quelques Néhantistes présents tentaient d’affaiblir les guerriers de Xzia, mais ils eurent fort à faire car quelques chasseurs de démons étaient là, décidés à contrer la magie noire. La tactique fonctionnait. Attaquée, l’armée des Néhantistes ne progressait plus, bien trop occupée à tenter de réduire ces humains à la mort. Iro et Gakyusha, côte à côte se battaient avec rage et frénésie, poussés par leur désir de sauver l’Empire des griffes de ces choses. Mais plus le temps passait, plus les humains se fatiguaient. Bien qu’ils avaient abattu un nombre considérable de démons et de zombies, l’armée Néhantiste ne semblait pas diminuer pour autant. En effet derrière les lignes une femme à l’allure spectrale réanimait les cadavres pour mieux les renvoyer au combat. Les membres de la Kotoba l’avaient vu mais aucun d’eux ne parvenait à se frayer un chemin jusqu’à elle. Du moins jusqu’à ce qu’un groupe du clan du Corbeau réussisse à trouver une faille pour se faufiler. Hélas lorsque Almaria vit Kuro et Karasu fondre sur elle, elle recula pour se cacher derrière deux démons à la carrure impressionnante. La nécromancienne avait accompli sa tâche, personne ne la revit du reste de la bataille. Une heure avait passé, Gakyusha et ses hommes étaient exténués. Les tsoutaïs, plus endurant que les autres formaient une première ligne, le temps pour les autres de reprendre leur souffle et d’évacuer vers l’arrière les blessés. Le coeur de Gakyusha était serré car il savait qu’ils ne pourraient tenir plus longtemps. Où était l’armée xziarite ? Puis il y eu au loin des bruits de nouveaux combats et des clameurs. Tous comprirent que leur mission était une réussite car l’armée Néhantiste venait d’être sévèrement flanquée. Renforcée par l’intervention xziarite la Kotoba fit une percée, le Seigneur Impérial devait faire rejoindre ses hommes au reste de l’armée. Ce qu’il parvint à faire non sans que certains ne subissent de blessures. Le reste de la bataille ne fut qu’une formalité. L’armée xziarite écrasa l’ennemi avec force, dans une démonstration qui restera gravée dans les mémoires des participants humains. La bataille d’Akushin était gagnée et Shirokoya sauvée.
Mais si la bataille était gagnée, la guerre, elle, ne faisait que commencer. Sur les hauteurs de Méragi un groupe de Néhantistes mené par Amidaraxar et Zejabel entourait Almaria fraîchement revenue d’Akushin.
- Comme prévu ils ont mordu à l’hameçon, leurs plus grands champions sont à plusieurs jours d’ici.
- Parfait, vraiment parfait, exulta Amidaraxar. Lorsqu’ils reviendront il ne restera rien de leur capitale et l’Empereur sera mort.
A ce moment-là un symbole incroyablement grand apparut au sol et des démons, par centaines, surgirent de ce portail pour former une armée qui ne tarda pas à fondre sur Meragi.
Chapitre 2 - Les ruines de Caislean
- Tu comptes me retenir longtemps ?
- J’ai déjà passé une éternité ici, j’ai tout mon temps. Mais toi, ton temps est précieux ma chère Théya, ils doivent attendre de tes nouvelles n’est-ce pas ?
- Tu le sais bien, ex-général, répondit l’Equinoxienne avec dégoût. Tue-moi, qu’on en finisse, je ne peux supporter ma captivité.
- Après le mal que je me suis donné pour te retrouver, je ne vais certainement pas te tuer, j’aurais laissé les Combattants de Zil le faire pour moi.
- Comment as-tu fait pour me retrouver ?
- A chaque fois qu’un Equinoxien a réussi à venir sur cette terre je ressentais la magie de l’Equinoxe affluer. Et depuis que vous êtes là, toi et ton larbin, l’Equinoxe s’est renforcée.
- Je vois... Que veux-tu ?
- Des réponses à mes questions, je veux rentrer chez moi !
- Il te fallait nous suivre alors, au lieu de rester là.
- Vous m’avez abandonnés ! J’ai survécu dans ce monde sans la magie de l’Equinoxe, je me suis caché pour qu’ils ne me repèrent pas. Mais j’ai comme un trou dans mon cœur, un manque que je n’arrive pas à combler, je veux revoir ma famille.
- Pour ça il va falloir me libérer et me laisser ouvrir les portes.
- Certainement pas, nous étions opposés à l’époque, nous le sommes toujours, je ne vous aiderai pas à réaliser votre désir de vengeance. Il y a d’autres moyens de revenir, d’autres chemins. Toi qui foulait autrefois cette terre tu dois les connaître.
- Ces passages ont été détruits.
- Pas tous, j’ai écouté les légendes des peuples d’ici, ils parlent d’un endroit où certains se seraient égarés, passant dans un autre monde aux teintes rouges avant de revenir ici.
Théya connaissait bien ces portails, mais elle ne désirait pas révéler quoi que ce soit sans contrepartie.
- Libère-moi et je consentirai à te répondre, dit-elle avec sévérité.
L’Equinoxien réfléchit quelques instants puis il attrapa son arme avant de couper les liens.
- Je veux savoir où se trouve la chambre des Metamages, j’ai fouillé tous les recoins sans la trouver.
- Parce que ce lieu à été détruit durant la guerre, il est normal que tu ne l’ais pas trouvé.
- Laisse-moi juger de cela, dis moi juste où elle est, dit-il en tendant une carte précise des Terres de Guem.
Théya récupéra le parchemin avant de le dérouler au sol de manière désinvolte. Elle l’examina longuement.
- Nous sommes ici, dit-elle. Donc, dit-elle en cherchant une position avec son doigt, ici. Mais je t’avertis, tu ne trouveras rien d’autres que des ruines.
- L’Avalonie... parfait. Tu peux partir, je pense que tu va vouloir retrouver ton toutou. Je pense que tu n’arriveras pas au bout de ton entreprise. Nos objectifs divergent sur bien des points mais je n’en reste pas moins Equinoxien, ne t’en déplaise. Serrons-nous la main en signe de paix et de séparation, dit-il en tendant la main.
Théya hésita longuement, puis saisit la main. Elle regretta son geste au moment ou le Survivant usa de la magie de l’Equinoxe, une trace noire, comme un tatouage, de forme tribale, apparut sur le main de Théya.
- Alors me disais-tu la vérité, est-ce que la chambre est bien à l’endroit que tu m’as indiqué ?
- Oui.
Camlahan était une cité comme nulle autre. Capitale de l’Avalonie elle avait pour particularité un nombre incroyable de remparts. Au départ il n’y avait que le château, à l’époque résidence secondaire du roi. Mais lorsque le feu ravagea la ville de Boron et dévora son château, le roi décida de s’établir à Camlahan, suivi des survivants du grand incendie. Au fil des ans le bourg est devenu village, puis ville. Le château fut agrandi et des remparts montés. Pour éviter tout problème d’incendie et d’invasion, ces remparts furent construits “en cible” c’est à dire en différents anneaux les uns à l'intérieur des autres. Qui arrivait sur la route principale pour la première fois était toujours impressionné par cette succession de remparts et par la beauté de cette ville.
Aez dirigeait l’Avalonie depuis maintenant plus de dix ans. Bien que dans un premier temps il avait continué de vivre de passionnantes aventures, son rôle de roi l’accapara et bientôt il ne parcourrait plus les routes. Mais il avait pour habitude d’écouter ses chevaliers et les bardes contant les aventures des héros de l’Avalonie. Ce soir là dans la grande salle de banquet, Aez confortablement assis dans un trône près d’une large cheminée recevait ses amis Johan et Enguerrand. Tout deux revenaient d’une aventure et souhaitaient faire part de leur vécu au souverain. Johan s'éclaircit la voix et entama son récit.
- Nous étions, Enguerrand et moi, sur le dos de nos montures, parcourant les routes de l’est du royaume pour que nos bras servent les causes honorables. Arrivés au village de Caislean nous rencontrâmes un vieux.
- C’était une vieille, coupa Enguerrand pour reprendre la geste. Une dame d’un âge au combien avancé dont les dents étaient parties depuis longtemps vers d’autres horizons. Au départ elle ne nous vit pas, en raison d’un voile blanc qui couvrait ses yeux. Cette femme avait un peu l’allure d’une sorcière, mais il n’en était rien. Lorsque nous passâmes à côté d’elle elle eut un sursaut de peur. “Qui est-là ?” Nous demanda-t-elle. Nous nous présentâmes donc.
- La vieille dame fit preuve d’une grande joie en apprenant nos noms, car, nous dit-elle, “il se passe ici des choses pas très naturelles.” reprit Johan.
Aez adorait déjà leur conte, il fixait ses deux amis avec une pointe de jalousie, il aurait aimé les accompagner et vivre cette aventure avec eux.
- “Quoi donc ? Que se passe-t-il ici ?” interrogions-nous. “La mort rode autour de nous, des gens ont vu un homme gigantesque dans les collines et des bergers ont été retrouvés morts !” Nous dit-elle la voix tremblante et suppliante.
- Une cause juste ! Il nous fallait intervenir mon roi, nous ne pouvions laisser ainsi ces pauvres gens. Nous lui avons donc demandé plus de renseignement et elle nous a conduit au centre du village. Nous fûmes alors une véritable attraction. Leurs mines étaient déplorables, tristes. “Il est là quelque part, il nous fait peur, nous ne pouvons plus aller couper du bois ou mener nos troupeaux paître”. Un rôdeur, de grande taille, ici. Pourtant il n’y avait rien de particulier dans cette région. Du moins le croyions nous au départ...
Enguerrand reprit :
- Nous promîmes alors d’enquêter sur cette affaire, que bien sur nous ferions notre possible pour affronter le démon et le vaincre pour que le village retrouve le calme. Nous partîmes immédiatement faire une ronde dans les environs. Mais après plusieurs heures il nous fallut nous rendre à l’évidence, pas la moindre trace d’un quelconque rôdeur, au mieux des chemins empruntés par les bergers et bûcherons. Nous passâmes alors la nuit là, au beau milieu de cet endroit pittoresque.
- C’est au matin qu’il se passa quelque chose de peu ordinaire. Nous allions repartir après un copieux petit déjeuner lorsque nous entendîmes des appels au secours. Ceux d’un homme courant à notre rencontre. “Il est là, il est là !” Hurlait-il. Après l’avoir calmé il nous expliqua se trouver de l’autre côté de la colline où nous nous trouvions alors. Là il le vit, un guerrier plus grand que les plus grands des Avaloniens !
- Et armé d’une redoutable épée.
- Nous avons renvoyé le villageois chez lui avant de nous rendre sur place pour voir ce fameux guerrier. Et nous n’avons point été déçus. Car c’est au milieu des ruines de Caislean dont nous n’avions entendu parlé que par les légendes, qu’il se trouvait. Assurément personne n’avait menti sur sa taille. Son apparence n’était pas celle des hommes, ni d’aucune race que nous connaissions. Nous allâmes donc l’appréhender.
- Ça se gâta très vite. En nous voyant, nous chevaliers en armure, il se plaça de manière défensive, probablement pour nous jauger. Après un échange de civilités, il ne voulait pas se rendre pour que justice soit rendu. Alors nous avons engagé le combat. Je crois qu’il ne s’attendait pas à faire face à d’aussi redoutables adversaires.
- Sans nous vanter bien sur. Mais il ne résista pas bien longtemps. Il n’avait que deux options, se rendre, ou fuir. Il a choisi la lâcheté et comme le scélérat qu’il est il se défila usant de la ruse. Après cela nous avons cherché à comprendre pourquoi il était là, que voulait-il ? Cela prit du temps mais nous avons fini par trouver. Au milieu des ruines il y avait un passage vers d’anciennes pièces. Nous n’avons pas fouillé plus mais les écritures sur les murs ne ressemblaient pas à notre ancien langage, c’était autre chose. Cela avait l’air très important, alors nous sommes revenus de suite ici au château pour vous avertir.
Aez se leva lentement, le visage fermé.
- Vous avez donc laissé le lieu accessible ? Misère ! Il fallait rester sur place et nous envoyer quérir, car le champ est libre désormais pour cet inconnu ! Bon... SCRIBE !! Prévenez le Conseil des Guildes ! Qu’on m’apporte mon armure ! Hurla-t-il en saisissant l’épée des cinq ancêtres.
Chapitre 3 - Les Protecteurs de Guem
La lune était haute dans le ciel. Les étoiles scintillaient par milliers, nettement visibles malgré un voile rouge qui couvrait les Terres de Guem. L’Etranger observait avec sérénité les toits de Noz’Dingard. Voilà déjà plusieurs semaines qu’on le retenait ici suite au combat contre les Combattants de Zil. Lorsque ces derniers eurent informé le Conseil des Guildes de cette arrestation, on leur donna l’ordre de confier l’Equinoxien aux Envoyés de Noz’Dingard. Mais malgré la magie des Noz et les tortures des Zils rien n’y fit, sa bouche resta close. Sa volonté était inflexible, impossible à briser. Avec patience l’Etranger échafaudait un plan. Et pour s’échapper d’ici il comptait sur ses pouvoirs de l’Equinoxe dont il n’avait montré jusque là que quelques extraits...
Au petit matin quelqu’un frappa avec vigueur sur la porte de la maison de Pilkim.
- Maître-Mage ! Vous êtes là ? C’est important !
Quelques instants plus tard la porte s’ouvrit sur un Pilkim encore à moitié endormi. Il ajusta ses lunettes pour mieux voir qui venait le visiter. La tenue lui était familière, un garde de la cité.
- Oui ? Que puis-je pour vous soldat ?
- Vous me voyez au regret de venir à l’improviste, mais l’affaire qui m’amène est grave.
- Et bien... dites moi.
- Le prisonnier connu sous le nom de l’Etranger s’est échappé des geôles il y a une heure.
- Quoi ? Comment !?
- Vous êtes attendu à la prison, je n’ai hélas aucun renseignement supplémentaire à vous donner.
- Très bien, je me prépare et je me mets en route. Merci d’être venu, dit-il en refermant la porte.
Pilkim serra les dents et d’un pas décidé retourna dans sa chambre où une forme enroulée dans les draps du lit bougeait lentement.
- Qui c’était ? chuchota une voix féminine.
- Un problème urgent à régler. Je te tiens au courant, ajouta-t-il en passant sa tenue de Maître-Mage.
La cellule qui retenait l’Etranger était effectivement vide. La porte aux épais barreaux n’était plus sur ses gonds et l’encadrement qui la tenait était déformé, comme si on avait arraché la porte pour la jeter un peu plus loin. Kounok en personne s’était déplacé pour constater le désastre, pour l’occasion il était accompagné d’Erevent, le mage enquêteur. Lorsque Pilkim arriva Kounok le regarda avec une certaine sévérité.
- N’avais-je pas insisté pour que nous l’enfermions à l’académie ? Dit le Prophète sans saluer le Maître-Mage.
- Je préférais qu’on l’éloigne des étudiants. Il n’y a pas eu de blessé ?
Erevent qui était en train de regarder des traces au sol se releva et montra le gardien de la prison, encastré entre les barreaux d’une porte d’une autre cellule. Le pauvre homme avait le cou brisé.
- Les risques du métier, ironisa Erevent. Je ne peux donner tort au Maître-Mage, en cas de danger il était préférable de ne pas risquer la vie des étudiants de l’académie.
- Retrouvez-le avant qu’il ne sorte de la ville. Les Sorcelames et les Chevaliers-Dragon ont bouclé les entrées et sorties de la ville. Il est impossible que l’Etranger ait réussi à quitter Noz’Dingard. Je vais d’ailleurs m’assurer que le plan Vigilance soit correctement appliqué, dit Kounok en quittant les lieux.
- Qu’avons-nous comme piste, Erevent ?
- A vrai dire, peu de choses. Mais je résume. Il y a deux heures exactement l’individu nommé l'Etranger parvient à s’échapper. Il n’arrache pas la porte comme nous pourrions le croire mais donne un coup d’une force prodigieuse par l’intérieur. Averti par le bruit le garde se précipite vers l’Etranger, probablement en lui sommant d’arrêter. Là, l’Etranger saisit le garde par le cou dont il brise les os, puis le projette vers cette porte, dit-il en montrant le cheminement. A partir de ce moment l’évadé part vers les escaliers et la sortie.
- Dans ce cas il a forcement croisé les autres gardes.
- Et pourtant ceux-ci indiquent ne pas avoir croisé l’individu.
- Magie ?
- Possible, mais d’après votre rapport sur ses possibilités en terme de magie l’Etranger n’est pas capable d’un tel tour de force.
- De l’aide extérieure ?
- C’est une possibilité. Dans ce cas, puisque la cité est sous la protection de Dame Anryéna cette aide ne peut être venue que de l’intérieur. Gardons cela en tête pour la suite.
- Si nous avions la Pythie à nos côtés nous irions beaucoup plus vite. Quel sort pourrait me permettre de localiser le fuyard ?
- A ma connaissance... aucun, mais je n’ai pas l’étendue de vos connaissances.
- Quoi que... j’ai une idée !
- A quoi pensez-vous Maître-Mage ?
- Cristalomancie, il me faut aller au laboratoire de Prophète, dépêchons-nous !
Depuis que Marlok était devenu membre du Conseil des guildes, le laboratoire du Prophète Kétanir n’était plus guère visité que par quelques mages en mal d’excentricités magiques. Mais la plupart du temps, seule la poussière occupait les lieux. Pilkim tira les draps protégeant les divers meubles et plans de travail. Il y avait des myriades d’objets, allant de vieux livres à des cristaux taillés de différentes couleurs. Erevent s’émerveilla de tout ce qu’il voyait. Sa fonction d’enquêteur l’éloignait de la recherche magique à laquelle il aimait s’adonner. Pilkim alla jusqu’à la terrasse circulaire qui longeait la circonférence de la tour, surplombant tout Noz’Dingard.
- Que comptez-vous trouver ici Maître-Mage ?
- Regardez, vous voyez ces cristaux dans les murailles externes ? Dit Pilkim en montrant différents points brillant sur les remparts de la ville. Ils ont été mis en place par Kétanir lors de la guerre contre l’Empire de Xzia afin de renforcer le bouclier de Dragon.
- Vous voulez dresser un bouclier pour empêcher l’Etranger de sortir de la ville ?
- Non. Mon idée est de se servir d’eux pour le localiser. Je peux créer des liens et par là-même couvrir la surface de la ville. Une fois en place je pourrais différencier chaque personne.
- Il y a des milliers et des milliers de personnes ici, cela va vous prendre longtemps pour faire le tri.
- Oui, vous avez raison... dit Pilkim en réfléchissant à une solution. Sauf si je mets en place des relais. Oui, ça peut fonctionner. Si je place des mages à certains endroits je peux créer des relais. Dans ce cas le travail sera partagé entre nous tous.
- Astucieux, très astucieux. Que voulez-vous que je fasse, comment puis-je aider ?
- Courrez jusqu’à l’académie, expliquez tout ça à mon père, dites-lui de placer des mages aux intersections des grands axes et de se focaliser sur les cristaux. Lorsque tout le monde sera en place envoyez un éclair dans le ciel. Une fois le sort lancé les mages pourrons examiner les personnes aux alentours.
- D’accord, cela sera fait, dit Erevent.
Pilkim retourna jusqu’au laboratoire afin de comprendre un peu mieux ces cristaux, les carnets de notes de Kétanir traînaient encore dans le laboratoire. Pendant ce temps là, Erevent exécutait le plan. Vu l’urgence et l’importance de la situation Marzhin, à présent directeur de l’académie, organisa dans un temps record la mise en place des mages. Une heure plus tard, chacun était à sa place. Marzhin lança alors l’éclair, donnant le top départ à son fils.
- Que ça fonctionne... que ça fonctionne... s’encouragea le Maître-Mage.
Toujours en haut de sa tour, il ferma les yeux et se concentra sur les cibles. En premier les cristaux, ensuite les mages, enfin, observer. Le premier à bouger indiquera que l’Etranger était dans sa zone, il serait ensuite facile de resserrer les mailles du filet et de renvoyer le fuyard en cellule. Tel était le plan... mais évidemment tout ne se passa pas comme prévu. La première partie fut la plus facile, la magie de Dragon et sa connaissance de la cristalomancie aidèrent. Comme une toile d’araignée invisible Pilkim tissa des liens avec chaque cristal, allant d’un cristal à un autre. Lorsque tous furent liés il passa à la suite du plan, plus délicate. Grâce à son premier sort il identifia chacun des mages et à nouveau un à un il les lia au cristal le plus proche. Ce fut certainement ce qui prit le plus de temps. Une fois relié au réseau chacun examina immédiatement les personnes à sa porté.
C’est alors qu’il se passa un incident. Alors que Pilkim avait les yeux fermés, Anryéna apparût à côté de lui. Sur son visage on pouvait lire l’inquiétude. Elle coupa net le Maître-Mage qui ouvrit les yeux en sursautant.
- Que ? Anryéna ?
- Mon fils... il est danger ! Dit-elle en posant la main sur l’épaule de Pilkim.
Le Maître-Mage se retrouva instantanément à l’autre bout de la ville. Ne comprenant pas trop il regarda dans tous les sens. Enfin il les vit, l’Etranger était là, face à lui, tenant par le cou un jeune homme aux cheveux grisonnants.
- Draconien... Laisse moi quitter cette ville ou je tue ce mage.
- Exhien... pourquoi c’est tombé sur toi ? Chuchota Pilkim.
Levant les mains pour indiquer qu’il ne voulait pas de violence, Pilkim s’approcha lentement.
- Reste où tu es Draconien, ordonna l’Etranger qui allait vers l’une des portes.
- D’accord, d’accord, tu as gagné, tu peux sortir de la ville.
Exhien, s’étouffant à moitié ne comprenait pas pourquoi son Maître n’intervenait pas.
- Maî..tre.. dit le fils d’Anryéna et de Marlok.
- Il ne t’arrivera rien Exhien, je te le promets.
L’Etranger reculait plus rapidement, alors qu’arrivaient d’autres mages qui comme Exhien participaient au plan du Maître-Mage. Pilkim faisait des signes aux gardes, aux mages et à la population pour que personne n’intervienne ni ne se mêle à cette prise d’otage. L’Etranger passa la porte sud, celle qui se trouvait le plus proche de la forêt avoisinante et par conséquent l’endroit le plus stratégique pour quelqu’un qui voudrait fuir. Exhien n’était pas très expérimenté, il était encore jeune et n’avait pas encore été confronté à une situation telle que celle-ci. Mais curieusement il n’avait pas la moindre peur, il pouvait lui-même se mettre hors de danger, un simple sortilège d’air lui permettrait de se défaire de l’étreinte. Mais le regard de Pilkim en disait long, il n’avait jamais vu son Maître avec une telle rage dans les yeux. Enfin la porte était passée et Pilkim se décida à agir. Il souhaitait avoir de l’espace pour intervenir sans risquer la vie des citoyens.
- Maintenant Exhien ! Cria le Maître-Mage tout en créant un large cercle de flammes redoutables.
Le jeune homme fit appel à sa magie, parvenant à se libérer de l’Etranger. Sans attendre son reste il fit un bond de l’autre côté des flammes, laissant le champ libre à Pilkim. Celui-ci comptait bien montrer à l’Etranger que l’on ne pouvait s’échapper de la prison, prendre en otage un mage de l’académie et partir d’ici en toute impunité. Le combat entre les deux protagonistes fut violent. L’Etranger fit appel à l’Equinoxe, des petits éclairs rouge parcouraient ses bras, le renforçant. Les coups portés furent redoutables. Après quelques échanges d’amabilités, Pilkim, habitué au contact, se rendit compte qu’il n’avait pas le dessus. Aussi prit-il ses distances avant de déclencher toute sa rage dans un éclair d’une puissance inouïe. Il y eut une grande lumière bleue... puis une explosion. Pilkim se retrouva projeté plus loin. Quant à l’Etranger, il n’en restait plus une trace.
Chapitre 4 - Invasion
Zejabel fixait la tête coupée de l’infortuné qui venait de croiser sa route. D’un geste lent il l’attrapa par les cheveux et la souleva pour l’avoir au niveau de son visage.
- La vie est fascinante... mais la mort l’est encore plus.
La magie du nécromancien coula sur les cheveux du mort et pénétra dans le crâne du Xziarite. La tête reprit immédiatement vie, les yeux clignèrent, mais aucun son ne put sortir de la bouche, les cordes vocales étant restées sur l’autre partie du corps. Zejabel posa la tête sur le rebord d’une des attractions et se mêla à son armée de zombies qui déferlait sur le tout jeune Zircus land des Combattants de Zil.
Les hurlements d’horreur des visiteurs du parc d’attraction attirèrent l’attention de Télendar qui fut le premier à réagir. De partout les gens couraient, cherchant l’issue la plus proche.
- Attendez ! Qu’est-ce qu’il se passe ? Demanda-t-il en arrêtant une personne.
- L.. là ! Des créatures décharnées nous ont attaqué, faites quelque chose ! Hurla le jeune homme qui serrait une petite fille dans ses bras.
- Décharnées ? Oh non ! Zil ! Saphyra, les autres ! Cria-t-il, des zombies !
L’apparition de l’une de ces créatures confirma les craintes de Télendar. Avec une fulgurante rapidité il dégaina ses dagues et les planta dans le crane de son assaillant. Un sang noir et poisseux gicla sur les deux lames et sur les mains de l’assassin.
- Beurk, dégueulasse, je déteste les zombies ! Râla-t-il en donnant un coup de pied dans son adversaire.
Un autre zombie déboula, puis encore un autre et un autre. C’était l’invasion, il en sortait de partout. Les Combattants de Zil se lancèrent alors dans l'élimination de la menace et à la sécurisation des lieux. Zil laissa éclater sa rage, lui qui avait traqué ces maudits non-morts pendant un temps incroyable. Et voilà qu’ils se pointaient, chez eux, s’en prenant à leur principale source de revenus : le public. Les lames tranchèrent, des bras furent arrachés et par centaines les corps des zombies tombaient au sol. Mais ceux-ci étaient innombrables, renforcés par la présence des dizaines de malheureux visiteurs du parc d’attraction relevés par Zejabel et Almaria. Ces derniers avaient d’ailleurs un plan précis, il ne s’agissait pas d’une vulgaire bataille, non Zejabel voulait en finir avec les Combattants de Zil, une bonne fois pour toute. Sa cible était toute indiquée, Zil en personne, il devait disparaître et avec lui sa guilde.
Danse-lame avait changé de vie quelques années auparavant. La jeune femme parcourait autrefois la Draconie qui l’avait vu naître, au service des Sorcelames elle s’était mêlée à bien des conflits et bien des batailles. C’était un autre temps, une époque désormais révolue et dont elle gardait des souvenirs amers. La magie est quelque chose qu’elle maniait avec panache, la préférant à ses talents de danseuse pourtant incroyables. Elle se rappellerait toujours de ce jour funeste où toute sa magie avait quitté son corps. Encore aujourd’hui en parler lui provoquait un fort sentiment de tristesse. Lorsque cela c’était passé elle avait gardé l’espoir de retrouver ce qu’elle avait perdu, mais le temps avait passé sans la moindre évolution. Les règles de l’ordre étaient précises à ce sujet : il fallait manier la magie pour être une Sorcelame. Cela avait été l’un des derniers actes de Naya en tant que dirigeante et cela lui avait fendu le cœur, mais Danse-lame ne pouvait plus faire partie de l’ordre, elle avait alors été renvoyée. Sombrant dans le désespoir et dans la honte la jeune femme avait quitté la Draconie sans réel but. C’est sur les routes qu’elle avait croisé les Combattants de Zil, elle les connaissait de réputation plus qu’autre chose. C’était un soir sans représentation, les Combattants festoyaient autour d’un large feu. Il y avait de la musique, de la danse et des rires. Danse-lame fut accueillie à bras ouverts lorsque celle-ci se présenta, cherchant réconfort. Poussée par l’alcool et la musique Danse-lame dévoila son talent pour la danse devant les regards intrigués et émerveillés. Très vite adoptée Danse-lame trouva parmi eux ce qu’elle avait perdu, des frères et des sœurs d’aventure.
Hors Danse-lame prouvait au combat qu’on pouvait lui faire confiance et qu’elle défendrait le Zircus au prix de sa vie s’il le fallait. L’Abomination, l’Aberration, Kriss et d’autres s’étaient joints à elle pour mener la contre-offensive. De leur côté Télendar et Saphyra peinaient à suivre le rythme frénétique imposé par Zil. Ce dernier touchait au but, il avait repéré Zejabel au milieu de ses séides. Le nécromancien regardait Zil en le narguant d’un sourire de défi. Télendar ne pouvait arrêter Zil aussi fit-il signe /u]aux[/u] autres, qui de toute façon convergeait vers cet endroit, de venir en renfort. La bataille durait depuis une heure à présent. Le Zircus n’était plus qu’un amas de bois et de métal et des incendies s’étaient déclarés en plusieurs endroits. Pour les Combattants de Zil s’était un désastre. Les zombies s’amassaient autour de Zejabel pour le protéger, mais Zil ne se laissa pas impressionner, il avait déjà découpé des dizaines de ces créatures...
Puis, dans un mouvement coordonné les zombies s’écartèrent pour former un large cercle autour de Zil et Zejabel. Zil fit tourner sa lame dans sa main.
- A découvert, t’es foutu ! S’écria celui qui fut autrefois une partie de l’Archimage Artrezil.
- Tu crois ? Regarde qui j’ai amené avec moi, dit Zejabel qui tenait la main d’une petite fille zombie. Tu l’as reconnaît ?
Zil stoppa net son geste, bien sûr qu’il reconnaissait cette petite fille. Il lâcha sa dague, tétanisé. Autour le reste des membres de la guilde se frottaient aux zombies restant, tentant de comprendre ce qu’il se passait au centre du combat. Télendar savait lui, il l’avait deviné, et la présence de cette fillette, tout comme la réaction de Zil donnaient raison à sa théorie.
- Oui tu la reconnais, dit Zejabel de manière à ce que tout le monde l’entende convenablement. Tu te rappelles lorsque tu as plongé ta dague dans le cœur de cette pauvre enfant ! Tu l'as abattu comme un animal.
- Ne l’écoute pas ! Hurlait Télendar, il veut ta peau !
Mais Zil n’écoutait pas, il regardait la petite fille qui lentement venait vers lui. Zejabel continuait à relever les zombies pour faire rempart, il n’était plus loin de son but.
- Regarde ce que tu as fait ! As-tu le souvenir de la lame entrant dans la chair ?
Zil toujours incapable de réagir tremblait des mains. Bien que Guémélite de l’Ombre, il avait reçu cette partie de morale, héritage d’Artrezil, qui l’empêchait de prendre des vies innocentes. Il avait failli. Les autres Combattants apprirent à ce moment-là le geste de celui qu’ils servaient tous avec fidélité. Télendar esquiva quelques zombies, se frayant un chemin vers l'Aberration.
- Je peux pas passer, alors balance-moi sur la fillette.
Sans la moindre réflexion, le monstre attrapa Télendar et sans trop d'effort l’envoya au centre du cercle. Lame en avant, il tomba pile sur la fillette et lui enfonça le métal profondément dans la tête. L’apparition de Télendar réveilla un souvenir, celui de Dimizar, lorsque ce dernier fut poignardé par l’assassin. Cela paralysa Zejabel suffisamment longtemps pour que Télendar ait le temps d’agir. Il ramassa la lame d’Artrezil que Zil avait laissé tombé quelques temps avant et la lança dans la poitrine du nécromancien...
Incapable de maintenir le lien avec ses zombies, ceux-ci tombèrent comme des mouches. C’est à ce moment qu’Almaria se décida de sonner la retraite, elle enlaça son bien aimé puis un portail Néhantique les avala tous deux avant que les Combattants de Zil n’eurent le temps de les capturer. Ils réapparurent au Manoir de Zejabel peu de temps plus tard. Le Néhantiste tira la lame de sa poitrine sans montrer la moindre émotion, il ne ressentait plus la douleur.
- Est-ce que cela te satisfait ? Demanda Almaria.
- En partie, oui, je crois qu’ils ont compris qu’il ne fallait pas nous chercher des poux, sous peine d’en trouver. Si ces maudits souvenirs de Dimizar ne m’avait pas perturbé, j’aurais eu le temps de tuer ce Zil de malheur, dit-il en jetant la lame d’Artrezil. En attendant leur petite entreprise est réduite à néant et notre petite intervention va jeter à coup sûr un froid sur les relations des Combattants de Zil avec leur chef.
Le Zircus land était en ruine, les flammes dévoraient les petits édifices et les ruelles étaient jonchés de corps désormais sans vie. Zil se retrouvait au milieu de ses congénères, il fixait la petite fille dont la lame de Télendar perforait encore le crane. Sa culpabilité était infinie, tout comme ses remords. Télendar ne comptait pas accabler son ami, mais cela ne serait pas le cas de tous, surtout de ceux ayant le respect de la vie.
- Est-ce vrai ? Demanda Kriss.
- Oui, répondit Zil.