De Eredan.
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Histoire
Prologue - Le naufragé
La mer
Qu´on voit danser le long des golfes clairs
A des reflets d´argent
La mer
Des reflets changeants
Sous la pluie
Charles Trenet
Cette histoire-là commence d’un manière très peu habituelle, loin du tumulte du Conseil de guilde et de l’Equinoxe qui à ce moment-là menaçait les Terres de Guem. Elle débuta donc sur un navire, mais pas n’importe quel navire, celui-ci ne volait pas comme les redoutables bâtiments des pirates, mais fendait les eaux de sa proue de métal. En pleine mer la tempête faisait rage, déversant sur le Rutilant des trombes d’eau, le chahutant tantôt par tribord, tantôt par bâbord. Il disparaissait dans le creux entre deux vagues avant de réapparaître au sommet de l’une d’elles, manquant par là-même de chuter ensuite et d’avoir sa coque brisée.
A son bord l’équipage donnait son maximum pour maintenir le cap. Les marins le savaient, cet endroit précis de l’océan ne pouvait être traversé sans encourir le courroux divin. Ils n’avaient pas eu le choix et ils n’avaient plus le choix, ils luttaient pour leur survie. Le chef beuglait des ordres entre chaque grondement du tonnerre. Le Rutilant avait quitté le port d’une cité bâtie sur une île quelque part au milieu de l’océan, loin, très loin des terres de Guem. On pouvait imaginer la cargaison de mets exotiques ou de choses plus précieuses les unes des autres, mais en réalité le navire était à la disposition d’une seule personne.
Presque personne n’avait réussi à vaincre la tempête et cette fois-là le Rutilant n’y parvint pas…
Les vagues léchaient lentement la plage dans un rythme irrégulier, c’était le matin, il faisait frais. Et comme tous les matins depuis des années Rémy promenait son Omega, un terrier pure race toujours foufou malgré le poids des années. Quelques mouettes volaient non loin de là, narguant de leurs cris rieurs et moqueurs l’homme et son chien. Omega allait et venait entre son maître et les vagues en aboyant sans cesse. Puis le chien s’arrêta dans son ardeur et fixa quelque chose qui se trouvait derrière un énorme rocher et que Rémy ne pouvait voir. Puis le chien aboya à nouveau sans bouger.
- Et bien, qu’est-ce qu’il y a ? Reviens par ici, on va rentrer.
Puis voyant que le chien n’écoutait rien et continuait sa cacophonie, l’homme alla voir de plus près et tomba des nues devant un spectacle d’apocalypse. En partie brisé, la coque éventré, un navire était venu s’échouer là. La mer recrachait les débris et les corps des marins. Une planche de bois portant une plaque indiquait un nom : Le Rutilant.
- Mazette ! Quelle horreur ! S’écria Rémy en avançant prudemment entre les débris.
Mais il n’y avait plus rien à sauver, le bateau était éventré et les marins étaient tous morts… tous sauf un homme. Celui-ci était inconscient sur un morceau du navire. Omega léchait le visage de cet homme qui réagissait en gémissant. Rémy se précipita pour examiner ce naufragé. Son pouls était faible et il souffrait de larges coupures d’où son sang s’échappait. Rémy n’était homme à laisser mourir quiconque aussi avec des moyens de fortune il achemina le blessé jusqu’à sa masure située derrière une haute dune pour y panser les blessures de cet inconnu.
Quelques jours plus tard le naufragé reprit conscience, il était sauf mais souffrait encore de ses blessures. Non loin de lui Rémy discutait avec un homme de grande taille à la carrure d’un ours. Le Naufragé n’entendit qu’une partie de la conversation.
- ...plage. Un bateau de bois et de métal presque entièrement détruit, expliquait Rémy.
- Des victimes ?
- J’ai compté dix-neuf morts.
- Et le survivant ?
- Inconscient depuis que je l’ai trouvé, messire Prévôt.
L’homme appelé Prévôt jeta un œil sur le naufragé et vit que celui-ci était réveillé. Il s’en approcha alors, faisant craquer le parquet de lames de bois gondolées.
- Comment vous vous sentez ? demanda le prévôt.
- Où… où suis-je ?
- Vous êtes non loin de la cité indépendante de Gardara.
- De quel royaume ?
- Les Hautes terres de l’Ouest dans les sept royaumes.
- En terres de Guem ?
- Bien sûr, où d’autre voulez-vous que nous soyons ?
- Aidez-moi à me redresser voulez-vous, dit le naufragé en tendant sa main.
Le prévôt attrapa la main, aussitôt quelque chose se produisit. Les yeux du prévôt changèrent de couleur pour devenir argentés.
Quelques instants plus tard Rémy gisait sur le sol de sa maison, le naufragé s’éloignait de là, le prévôt à ses côtés.
Chapitre 1 - Dans le bois
Le prévôt de la cité indépendante de Gardara ne bougeait pas, le regard argenté perdu dans la danse chaotique des flammes. L’odeur d’un lapin grillé prenait le pas sur l’odeur de fumée et de bois brûlé. De l’autre côté du feu le naufragé réfléchissait à ses actions futures. Le Rutilant n’était plus qu’une épave échouée sur le côté d’un monde qu’il ne connaissait pas où il y cherchait quelqu’un dont il ignorait tout d’où il pouvait bien se trouver à présent. Dans ce cas de figure comment faire ? Il devait remettre de l’ordre dans ses pensées et en apprendre plus sur ces terres. Pour cela il ne disposait que de maigres informations ramenées il y a plusieurs années par Elysia, une des rares personnes à avoir réussi l’exploit de trouver les terres de Guem puis d’en revenir. Il se remémora les explications de cette dernière : ces terres sont gigantesques, trois fois plus grandes que les nôtres. Il y a un désert au sud et les glaces au nord. Contrairement à notre patrie il existe une multitude de royaumes. Mais au-delà de ça des groupes nommés Guildes ont une grande liberté d’action et un pouvoir qui peut même être supérieur à celui d’un royaume. Ces dernières regroupent des héros aux pouvoirs incroyables.
- Guildes… Des héros aux pouvoirs incroyables… Tu connais les guildes prévôt ? Demanda le Naufragé à son compagnon de fortune.
- Oui. Que voulez-vous savoir?
- Combien il y en a ? Et surtout où est-ce que je peux trouver un héros de ces guildes le plus proche d’ici ?
- Je crois qu’il y a presque une quinzaine de guildes messire. D’ici, dit-il en regardant les alentours, c’est la Cœur de Sève la plus proche.
- Cœur de Sève... Quelles sont leurs idées ? Qui sont-ils ?
- Des créatures de la forêt, je crois que c’est la guilde avec le plus de monstres. Ils vivent dans la forêt que vous voyez au loin là. Ils n’aiment pas trop ceux qui sont pas comme eux si vous voyez ce que je veux dire. La forêt est à eux et ils le font savoir aux intrus qui oseraient s’y aventurer. Ils sont capables de savoir qui entre chez eux et de vous pister pour vous trucider.
- Je te remercie… prévôt. Nous allons rendre visite à cette Cœur de Sève et ces monstres, ça sera un parfait commencement. Nous partirons juste après notre repas, nous devrions arriver sur place à la nuit tombante. Je saurai convaincre ces monstres, dit le Naufragé à grand renfort d’éclats de rire.
Les rayons de lune se frayaient un passage entre les larges branches feuillues des arbres de la forêt Eltarite. Le Naufragé appréciait cette verdure sauvage mais non dénuée de trace de civilisation. Disséminés un peu partout de petits totems d’ambre à l’effigie de créatures grimaçantes prévenaient ceux qui s’aventureraient ici : vous entrez dans un territoire qui n’est pas le vôtre, partez !
Mais le naufragé n’en avait que faire, il était là pour provoquer une rencontre avec ces créatures de la forêt dépeintes comme monstrueuses par le prévôt. Ce dernier marchait avec la peur au ventre, il ne pouvait que suivre le Naufragé, son maître, sans rien faire d’autre que d’espérer que tout se passe bien pour lui.
- Allez, montrez-vous, chuchotait en boucle le naufragé, je sais que vous êtes là…
Et il ne se trompait pas les créatures de la forêt étaient là tapis dans l’ombre, cachées dans les arbres ou les hautes fougères. Elles les surveillaient depuis bien avant qu’ils n’entrent dans la forêt. Les intrus ne semblaient pas vouloir quitter les lieux, aussi les gardiennes de l’orée du bois intervinrent. Une flèche, suivie d’une autre se plantèrent devant le Naufragé et son acolyte. “Le poisson mord à l’hameçon”, se dit le Naufragé.
- Faites demi-tour ! Vous n’êtes pas les bienvenus humains ! cria une voix féminine en provenance de derrière un arbre.
- Nous sommes désolés de venir ici sur votre territoire sans votre permission, je suis un émissaire venu à la rencontre de la Cœur de Sève. Je m’excuse de ne pas avoir prévenu de mon arrivée mais j’ai un délai assez court pour apporter mon message.
- Quel est ton message étranger, cria la même voix.
- Allons, je ne peux donner mon message qu’à un membre de la Cœur de Sève.
- Vous avez ce que vous cherchez devant vous.
- N’ayez pas peur de nous, nous ne sommes pas armés. Puis-je approcher pour vous parler de face à face ?
Il y eut des échanges entre plusieurs personnes, puis au bout d’un petit moment une forme sortit de derrière un arbre. C’était une femme, ou plutôt une Elfine, mais ça le Naufragé ne pouvait pas le savoir. Celle-ci était accompagnée d’un énorme loup arborant comme une sorte de masque de cuir. L'Elfine approcha à pas lent, avec une démarche légère et hypnotique. Enfin le loup géant et elle s’arrêtèrent en face des visiteurs.
- De là d’où je viens nous faisons le baise-main aux damoiselles. Me permettez-vous ? Demanda le Naufragé en s’inclinant légèrement et tendant sa main gauche.
Malgré un léger grognement du loup, l’Elfine n’avait pas plus de raisons de se méfier cet homme au charisme incroyable. Et puis personne ne lui avait jamais fait un baise-main, c’était donc l’occasion, cela marquait pour elle sa domination sur l’intrus. Aussi elle posa sa main sur celle gantée de l’intrus. Elle sentit alors comme quelque chose d’agréable, une douce sensation de confiance absolue envers ce monsieur. Son cerveau fonctionnait au ralenti, ses yeux ne quittaient plus ceux du Naufragé. Puis son regard se teinta d’argent. Melissandre, car c’était bien elle, sentait parcourir dans son corps une énergie nouvelle, bienfaisante, apaisante. Le Naufragé souriait. “Le tour est joué” se disait-il.
- Maintenant que les choses sont clarifiées, pouvons-nous entrer ?
- Bien sûr, répondit Melissandre à l’étonnement des autres Elfines présentes autour d’eux.
Chapitre 2 - Vendetta
La forêt des Eltarites étaient derrière, loin à l’horizon. Grâce à Melissandre, le groupe avait traversé sans encombre un lieu véritablement hostile pour des étrangers comme le Naufragé et son sous fifre le prévôt de la cité indépendante de Gardara. Les deux hommes avaient ensuite récupéré de quoi monter un camp digne de ce nom en volant diverse chose à droite et à gauche. Pendant ce temps Melissandre avait entreprit un rapide voyage vers une des annexes du Conseil des Guildes afin de s’informer d’un sujet précis. Bien sur son déplacement jusqu’à cette annexe n’était pas le fruit du hasard, mais bien un ordre du Naufragé qui continuait sa quête pour retrouver quelque chose… ou plutôt quelqu’un. L’Elfine revint donc en possession des précieuses informations récoltées auprès du Conseil puisqu’elle avait, en tant que membre de la Coeur de sève, accès à certains dossiers consultables par les Guildes. Le Naufragé semblait impatient de prendre connaissance de ces informations et à peine l’Elfine fut-elle assise que la question, courte et simple à la fois sonna :
- Alors ?
- J’ai trouvé ce que vous vouliez, du moins en partie.
- En partie ?
- Un rapport en provenance de Bramamir et signé par l’Amiral Al la triste indique que ce que vous cherchez est dans les Îles Blanches. Elle a été enfermée dans une prison de haute sécurité, mais elle a réussi à s’enfuir et à semer le désordre dans toute la région. Mais sa cavale a été de courte durée, Klémence de l’équipage du navire volant l‘Arc-kadia, a capturé la fugitive.
- Où l’ont-ils emmené ensuite ?
- Et c’est là que ça se complique. Jugée dangereuse elle a été enfermé dans un lieu tenu secret par la guilde des Pirates.
A l’intérieur de lui le Naufragé sentait son sang bouillir, il était très en colère de tomber face à cette barrière. Depuis son arrivée il s’en sortait à peu prêt mais là il allait devoir chercher plus en profondeur. Il souffla un long soupir d’exaspération en réfléchissant aux prochaines actions à mener. Puis se dirigeant vers ses “amis” il expliqua se qu’il attendait d’eux désormais.
- Ils ne savent pas qui ils ont enfermé… C’est intolérable, les habitants de cette terre n’ont aucun respect. Puisque c’est ainsi, je récupèrerai celle pour qui j’ai traversé l’océan et ça ne se fera pas sans avoir laissé un souvenir impérissable sur ce continent de malheur. Prévôt !
- Oui messire ? Dit l’homme en adoptant une pose semblable au garde à vous.
- Je veux que tu te fasses enrôlé par ce Conseil des Guildes, ils doivent bien avoir besoin d’un homme de ta carrure. Explique leur que tu désires servir cette organisation de ton mieux. Nous nous retrouverons dans quelques semaines le temps que tu sois… opérationnel, en attendant tu seras mes yeux et mes oreilles. Quant à toi Melissandre… Tu vas retourner parmi les tiens et faire comme si de rien n’était. Tu répondras à mon appel en temps voulu.
- Comment je justifie mon absence de ces derniers jours ?
- Tu es partie surveiller les abords de la forêt de ce côté-ci. Tu n’as rien trouvé de suspect et tu es repartie…Bien, avant que nous ne nous séparions, j’aimerais savoir qu’elles sont les guildes que je peux rencontrer vers ces Îles Blanches et comment y aller.
- Je vais vous faire un plan pour aller jusque là bas en évitant le maximum la civilisation, dit Melissandre en attrapant un parchemin recouvert de poussière qui traînait par terre. Il y a la Légion runique qui est très active le long de la frontière entre Tantad et les Îles blanches.
- Je ne veux pas forcement éviter la civilisation, au contraire, j’ai toujours eu de bons contacts avec les gens, dit-il en rigolant. La Légion runique ? Un nom qui en impose. Qu’elles sont les relations de cette Légion runique avec les Pirates ?
- Relations cordiales, ils ont été ennemis très longtemps, mais aujourd’hui les deux guildes semblent avoir formé une alliance.
- C’est plus que je ne l’espérais. Il ne me reste plus qu’à trouver un membre de cette légion. Au travail mes amis…
Les Îles blanches flottaient lentement au dessus de Maelström. Sanquinam attendait patiemment que les prochains jours ne passent car il pourraient enfin quitter la garnison d’Obolys et rentrer chez lui, de l’autre côté de Tantad. De ce fait le légionnaire était de relative bonne humeur, posté en bout de ponton il regardait le Requin-aigle, un navire de Bramamir dépasser les dernières îles volantes. C’était le dernier rendez-vous avec les pirates et Sanquinam avait hâte que celui-ci accoste, que la cargaison soit déchargée, les corvées administratives faites pour voir le navire repartir dans la foulée. Seulement ce jour là rien ne se passerait ainsi car le destin, funeste, de Sanquinam frappait à sa porte. Un homme aux cheveux longs et blancs s’approchait de lui lentement, en silence. A l’un des doigts de la main gauche de cet homme une bague brillait, crépitante d’une magie totalement inconnue des Terres de Guem. Le légionnaire senti la main se poser sur son épaule et vit l’éclat de la bague… trop tard, le contact était établi et comme il l’avait fait plusieurs fois depuis son arrivée le Naufragé venait de se faire un allié de plus.
- Je vous salue légionnaire, dit le Naufragé. Comment allez-vous ?
- Parfaitement bien, qu’est-ce que je peux faire pour vous messire… quel est votre nom ?
- Appelez moi Naufragé, je n’ai guère envie de vous donner mon véritable non.
- Très bien, Naufragé.
- C’est bien un navire de la guilde des Pirates d’Al la Triste qui arrive là ? Dit-il en montrant le Requin-aigle.
- Tout à fait.
- Est-ce qu’il y a des membres de cette guilde à bord ?
- Bien sur.
- C’est une bonne nouvelle. Vous allez les accueillir et m’amener l’un d’eux. J’ai vu qu’il y avait des cavernes par là bas, je vous y attends, venez seul avec ce pirate, trouvez une bonne raison. Lorsque vous me l'amènerez vous l’immobiliserez pour que je puisse agir paisiblement.
- D’accord, ça sera facile.
Le Requin-Aigle avait accosté, déversant son flot de pirates et de marchandises venus des Îles Blanches. La garnison plutôt calme avant cela se retrouva perturbée dans sa quiétude. Sanquinam, incapable de résister à la demande du Naufragé conduisit alors un des Pirates jusqu’à la caverne située à quelques pas de la garnison. La jeune femme aux côtés du légionnaire ne se doutait pas de ce qui l’attendait exactement, le prétexte d’une cargaison “sensible” pour l’Amiral Al la Triste avait fonctionné. Watahata écoutait le blabla de Sanquinam d’une oreille distraite. Elle n’avait accepté de prendre le Requin-Aigle que pour échapper à la monotonie de Bramamir et de voir un peu du pays. Elle ne comprit rien de ce qui lui arrivait lorsque, une fois dans la caverne, le légionnaire dégaina son glaive et passa la lame sous sa gorge tout en tenant la jeune femme.
- Que… Quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ?
- Reste tranquille, siffla Sanquinam.
- Cela ne prendra qu’un instant, dit le Naufragé en avançant vers Watahata la main en avant. Allons, allons, aucun mal ne vous sera fait, je ne veux que vous poser quelques questions, fini-t-il de dire en posant la main sur l’épaule de la jeune femme qui allait à ce moment là déchaîner une pluie d’éclairs magiques.
Mais la magie se tue car au contact du Naufragé toute agressivité disparue.
- Laissez-là légionnaire, dit-il à l’attention de Sanquinam. A présent demoiselle au visage maquillé, j’aimerais que vous m’aidiez à trouver mon amie.
- Si je peux vous aider, j’en serais ravi dit-elle.
Chapitre 3 - Overdose
Sanquinam…
Le nom, tel un écho, emplissait les cieux. Le lumière éblouissante perçait des nuages à l’allure de monstres blancs. Le légionnaire ouvrit alors les yeux, son nom résonnait encore dans sa tête, il était debout sur une route pavée envahie d’une mousse verte émeraude. De part et d’autre, des champs d’herbes hautes à perte de vue. Que faisait-il là ? C’est quelque chose qu’il voudrait bien savoir car il n’en avait strictement aucune idée. Pire, il n’avait pas le moindre souvenir, pourtant il connaissait bien son nom et ceux de ses proches.
- Hé Ho ! Cria-t-il, quelqu’un !?
Mais il n’y eut pas la moindre réponse à son appel aussi il décida d’avancer droit devant lui. Mais pourquoi droit devant ? Se disait-il en jetant un œil derrière lui. Mais le lointain de ce côté-là ne l’inspirait pas, non, il fallait qu’il avance. Mais pour aller où ? Alors autant aller de l’avant. Il marcha donc un long moment sans croiser personne, il remarqua plusieurs faits aussi intéressants que troublants. Certain d’avoir avancé plusieurs heures durant il s’étonna de ne pas voir bouger l’astre solaire. De plus il ne ressentait nulle fatigue, il ne transpirait pas malgré la chaleur, aucune faim ne tiraillait ses entrailles.
- Qu’est-ce qu’il se passe ? Chuchota-t-il en s'arrêtant au bord du chemin. Je ne ressens plus rien… je… je ne respire plus !
C’est alors que des bruits attirèrent son attention. Il aurait pu reconnaître le clac des fers à cheval sur les pavés. Protégeant ses yeux des rayons du soleil il observa ce cheval arrivant vers lui. Jamais il n’avait vu de bête aussi imposante que celle-là, noire comme les ténèbres, musculeuse, le crin tressé de son cou touchait presque le sol, des yeux clairs comme de l’eau. Son cavalier n’en était pas moins remarquable. Incroyable chevalier à l’armure magnifique aux runes brillantes de mille feux. Son casque arborant une longue crête de plumes rouges cachait son visage. Le cheval s'arrêta devant un Sanquinam à la fois inquiet et curieux. Ce cavalier… sa tenue lui disait quelque chose mais quoi ?
- Bonjour, vous êtes visiblement un Tantadien si j’en juge votre armures et les runes. Pouvez-vous m’aider ? Je ne sais pas du tout ce que je fais là.
- Je suis venu te chercher Sanquinam, dit le cavalier d’une voix semblant sortir d’outre-tombe.
- Est-ce que nous nous connaissons ? Je suis confus de ne pas vous reconnaître, n’en soyez pas offensé. Que se passe-t-il ?
- Je t’amène au Forum pour y être jugé, tu as marché plus vite que je ne l’aurais pensé.
C’est alors que Sanquinam remit les pièces du puzzle entre elles : la longue route, le soleil figé, ni faim, ni soif, ni fatigue, le cavalier sur son cheval noir…
- Attendez… Vous… Tu es Psykios… Fils de Psyché la déesse des âmes errantes. Celui qui parcourt Domitia la route vers le Forum. Celui qui mène les guerriers morts devant les dieux afin qu’ils soient jugés… Ce qui veut dire que je suis… Mort ?!
Le cavalier tendit la main vers Sanquinam afin que celui-ci monte derrière lui.
- Je ne crois pas à ces histoires, je suis un Kertasien !
- Et pourtant tu es bien là Sanquinam fils d’Amalorius, je ne peux pas répondre à tes questions.
- Dis-moi au moins comment je suis mort !
Le cheval s’en alla galopant à vive allure le long de la Domitia, filant comme une étoile. Sanquinam aurait bien pu marcher une éternité qu’il n’aurait pas parcouru la moitié du chemin menant au Forum avec Psykios. Au bout de la route se dressait l’édifice immense, plus gros que le plus imposant bâtiment de Tantad et peut-être du monde. Le cavalier stoppa sa monture sur le seuil d’une porte à double battant à la mesure du reste et laissa descendre le légionnaire.
- Va maintenant, tu es attendu. Et un conseil, n’oublie pas à qui tu t’adresses.
Sanquinam, tout de même assez intimidé, entra dans cette démesure divine. En réalité ce forum n’avait pas la forme que le Légionnaire attendait, cela ressemblait d’avantage à un amphithéâtre pour géant qu’à une large place où les gens se rencontraient. La porte claqua fermement dans un bruit assourdissant. Sanquinam s’attendait à voir les dieux assis devant lui, mais non car il oubliait que les Dieux n’aimaient pas qu’on les voit, ce tribunal serait celui de l’invisible.
- Sanquinam, dit une voix féminine, tu t’es détourné de nous, toi que nous avions marqué de notre sceau.
- Je ne me suis détourné de rien car je ne suis pas devant vous, vous n’êtes pas là, je suis un Kertasien, ce qui signifie que je ne crois pas aux dieux.
- Tu côtoies la Légion runique depuis longtemps, comment peux-tu encore douter de nous ? N’as-tu pas assisté à l’accomplissement de leurs prodiges, reprit la voix.
- Ce qu’il font n’est que de la magie, j’en ai vu des gens accomplir de tels prodiges sans autre intervention que leur propre pouvoir.
- Montrons-lui, dis une voix masculine, une voix rauque et forte.
- Me montrer quoi… que… qu’est-ce.
- Nous te rendons tes souvenirs, tu n’es pas dans un rêve, ceci n’est pas le fruit de ton imagination.
Sanquinam fut alors assailli par ses souvenirs, un flot incroyable d’images, de sensations et de sentiments. Tout lui apparaissait clairement, et à présent il savait comment s'était terminé sa vie, un peu par hasard, avec beaucoup de malchance…
Une grotte au fin fond des terres de Guem non loin des Îles Blanches. Watahata ne bougeait plus, le Naufragé la tenait sous sa coupe. Sanquinam rangea alors son glaive dans son fourreau sans ressentir la moindre émotion sur le devenir de la jeune pirate.
- A présent, pirate, tu vas me conduire à bord de ton navire volant. Si on te demande quoi que ce soit tu diras que je suis ton invité et que tu ne tolères aucune question à ce propos.
Watahata inclina la tête pour signifier qu’elle avait bien compris le message et obéit à l’ordre sans sourciller. Voici donc la petite troupe repartie à bord du Requin-aigle où le Naufragé allait questionner sa nouvelle “conquête”.
- Es-tu au courant d’une évasion qui a eu lieu il y a quelque temps d’une prison de haute-sécurité ?
- Non, mais je sais qui était au cœur de cette affaire.
- Qui ?
- Une mécaniste du nom de Klémence.
- Tu sais où je peux trouver cette personne ? dit-il avec un certain agacement.
- Oui, elle a son atelier sur une île un peu plus au nord.
- Donne le changement de cap, nous y allons.
- D’accord, dit-elle en sortant de sa cabine pour aller relayer l’ordre.
Plusieurs heures plus tard, toujours à bord du Requin-aigle, Watahata revenait du chantier où Klémence et une trentaine d’hommes et de femmes s’attelaient à reconstruire l’Arc-Kadia, en partie détruit lors de la poursuite avec l’Echappée. Jugeant qu’il ne pourrait pas placer Klémence sous son contrôle il envoya Watahata pour user de sa magie et faire parler la cible. Le résultat fut très convaincant et la jeune pirate avait réussi sa mission avec brio.
- Alors ? S’impatienta le Naufragé. Que t’a-t-elle dit ?
- Celle que vous cherchez n’est pas dans les Îles Blanches. Suite à sa spectaculaire évasion il fut décidé qu’il valait mieux la confier au Conseil des guildes qui saurait comment la maintenir captive.
- J’en ai MARRE ! Dit le Naufragé avec colère, frappant dans un des murs de lattes de bois du Requin-aigle. Bon… ajouta-t-il en contrôlant sa respiration. Ce Conseil des Guildes est-il loin ?
- Avec le Requin-aigle pas longtemps non, quelques jours tout au plus. Mais la disparition du navire des Îles Blanches va probablement attirer l’attention de l’Amiral.
- Je m’en moque de ton Amiral, j’espère avoir résolu cette histoire avant qu’on s’aperçoive de la disparition de ton navire, pirate. Je vais m’occuper de ton équipage. On change le cap, direction le Conseil des Guildes.
- Selon vos désirs, dit Watahata en laissant Sanquinam et le Naufragé.
- Ils veulent la guerre, il vont l’avoir ! Viens près de moi légionnaire, tu vas servir ma cause et montrer que nul n’est à l’abri de mon courroux !
- Je me souviens… Que m’a-t-il fait ? Cette magie, irrésistible, ce pouvoir fabuleux et incroyable qui coulait en moi. J’adorais ça, je me rappelle lui en demander encore et encore.
- Et ça causa ta perte, dit la voix féminine. C’était trop de pouvoir pour toi, manipulé, sous contrôle, tu as servi le dessein de ce sorcier.
- Oui… je me revois marchant dans la grande salle du Conseil des Guildes en pleine séance ouverte au public… Par les cornes des minotaures ! J’ai explosé !
- Oui, tu as été négligeant, le sorcier n’a eu qu’à aller dans ton sens, tu préférais croire en la magie plutôt qu’en nous. Il t’a donné ce que tu voulais et tu es responsable de la mort de plusieurs personnes innocentes.
- Mais que vouliez-vous que je fasse !? Il n’a eu qu’à me toucher pour que je tombe sous son influence.
- Nous veillons sur ceux qui croient en nous, cela ne serait pas arrivé si tu n’avais pas douté.
Sanquinam comprenait les paroles des Dieux, il s’était écarté du chemin que le destin lui avait tracé, préférant ignorer les Dieux et leurs philosophies.
- Qu’attendez-vous de moi ?
- Que ceux qui se sont égarés de la voie des dieux reviennent vers nous. Les Terres de Guem ne pourront faire face à ce sorcier sans que nous intervenions.
- Deus ex machina !
- Te voilà devant un choix que peu de mortels ont eu avant toi. Nous pouvons te faire revenir sur les Terres de Guem.
- Et en échange ?
- Plus jamais tu ne douteras, tu seras notre voix, tu partiras chercher ceux qui ne nous entendent plus. Si tu doutes alors nous te rappellerons et s’en sera fini de toi.
Sanquinam ne pouvait pas laisser passer une telle offre, l’idée même de ne plus exister, de mourir à son âge, n’était pas envisageable.
- Nous lisons en ton âme comme dans un livre ouvert. Tu vas retourner sur les Terres de Guem, retrouve Mynos, celui dont le chagrin guide les pas.
Chapitre 4 - Morts contre Morts
- Je n’en peux plus, je vais devenir fou ! Râlait Zejabel en tournant en rond dans une sordide grotte au milieu de nulle part. Voilà des jours, que dis-je, peut-être même des semaines que je ne suis pas sorti d’ici, je vais craquer !
- Seigneur, vous êtes à l’abri ici, Dimizar ne peut pas vous retrouver ici, dit Ishaïa.
- Moi aussi je ne souhaite plus me cacher dit Almaria en appuyant les dires du nécromancien. Je ne vois même pas pourquoi nous nous cachons, bien que Dimizar possède le corps de Néhant et semble immunisé aux pouvoirs néhantiques, il ne peut rien contre nos légions de morts.
- Tu as raison Almaria, je ne vivrai pas en reclus, advienne que pourra.
Tel un chien de chasse cavalant derrière sa proie, Ayept, tristement surnommé dieu du mal suivait la piste de Zejabel. Ce dernier avait eu la malchance d’échouer dans une mission confiée par Ptol’a, déesse de la mort et du renouveau, attirant sur lui le courroux divin. Le dieu du mal poursuivait donc Zejabel depuis le désert d’émeraude, un lieu qu’il n’avait pas quitté depuis une éternité. Suivi par ses créatures à tête de serpent il progressait inexorablement vers sa cible, guidé par la rage de ne pas profiter du corps que son épouse lui avait choisi. Il le savait, bientôt il prendrait sa revanche, et pas qu’une seule. Tout d’abord sur ce Zejabel à cause de son échec, mais aussi vis-à-vis de l’autre, ce fabuleux corps qui avait repris vie par magie.
Ayept le savait, son objectif était là quelque part dans ces collines rocheuses qui lui faisaient face. Seulement il ne savait pas vraiment où exactement, aussi commença-t-il à tourner en rond au grand dam des quelques malheureux qui eurent la malchance de croiser sa route. Car Ayept tuait sans aucun remord les vivants qu’il trouvait. Puis au détour d’un chemin les créatures à tête de serpent devinrent nerveuses, elles avaient vu quelque chose passer non loin de là. Qu'à cela ne tienne, il fallait avoir le cœur net de ce que cela pouvait être. Les créatures, suivies d’Ayept se lancèrent dans une course poursuite avec une forme humanoïde inconnue.
- Mâche l’âme… mon petit Mâche l’âme… as-tu fait ce que je t’ai demandé ?
- Oui maître Dimi… Néhant, se ravisa le démon en s’inclinant devant le corps de celui qu’il servit il y a bien longtemps. C’est un démon rapide qui ne se laissera pas attraper.
- Je m’inquiète plus pour l’humain qu’il a choisi d’habiter tiendra-t-il suffisamment longtemps ? Mortelame est tellement avide d’énergie vitale… Prépare-toi, si jamais il flanche, tu prendras sa place, je veux que ce spectre du désert arrive à destination.
- Il n’en est plus très loin.
- Nous sommes aux premières loges, on se prépare à assister à un beau combat. Voyons comment va s’en sortir notre ennemi.
- Lequel ? répliqua Mâche l’âme dans un sursaut d’intelligence.
- Les deux mon petit démon, les deux !
Néhant et Mâche l’âme regardaient les créatures et Ayept avec un certain empressement à voir ce qui allait suivre.
Mortelame courrait entourée d’un halo noir de magie néhantique. Le corps de la pauvre femme dont elle avait pris possession souffrait atrocement, criant intérieurement, elle n’était plus qu’une enveloppe dénuée de volonté. Mus par une force incroyable les muscles de la jeune femme étaient sur le point de rompre, mais Mortelame s’en moquait éperdument, seul son objectif importait, et celui-ci se trouvait juste là ! Car c’est à ce moment que Zejabel et sa clique sortaient de la grotte dans laquelle ils s’étaient réfugiés depuis des jours et des jours. D’un bond Mortelame asséna à Ishaïa un magistral coup de coude en plein visage. Elle espérait ainsi qu’Almaria et Ishaïa la poursuivent ce qui fonctionna parfaitement, il ne restait plus qu’à finir le plan, continuer jusqu’à ce que cette humaine ne puisse plus assurer. Almaria et Ishaïa suivirent donc l’assaillante, laissant seul le nécromancien. Puis déboulant à vive allure Ayept et ses créatures surprirent Zejabel qui recula de quelques pas. Ayept aussi s’arrêta, retenant ses sbires.
- Enfin ! Dit le dieu du mal, tu es celui que je cherchais !
- Mmmm, le mari de Ptol’a je présume. Je suppose que tu viens réclamer ton… dû ?
- Oh ça oui… je vais commencer par toi et te briser la nuque avant de séparer la tête de ton corps, puis je m’occuperai de l’autre, il me faut son corps.
- Bon, inutile de discuter dans ce cas. Je vois que tu es accompagné. Mes amies ne vont pas tarder, mais en attendant je me permets d’équilibrer les forces. Je n’ai pas choisi cette grotte par hasard, ici dorment des guerriers tombés dans une embuscade il y a peu, dit Zejabel en activant sa magie nécromantique.
Il n’avait pas menti, ici se trouvaient de nombreux zombies qui sortirent de terre, se dressant entre leur nouveau maître et Ayept. Ce dernier lança l’assaut.
Plus loin Ishaïa et Almaria venaient de rattraper Mortelame dont le corps ne pouvait plus avancer. Les muscles déchirés la pauvre humaine était désormais à terre, tenue par une Ishaïa très en colère. La magie noire s’estompa, laissant visible les marques de Néhant sur son visage.
- Salut Ishaïa, dit Mortelame avec un sourire.
- Qu’est-ce que ça veut dire ? Demanda Almaria.
- On se joue de nous, rétorqua Ishaïa. Tu es un démon !
- Mortelame pour vous servir…
- Laisse ce démon, retournons vite auprès de Zejabel, dit Almaria en sentant que tout cela sentait bon le piège.
- Déjà, vous voulez même pas savoir pourquoi tout ceci ?
Les deux non-mortes laissèrent là Mortelame pour s’en retourner auprès de leur maître. Mais il était trop tard, la démone avait exécuté le plan à la perfection et forte de cette victoire elle libéra l’humaine pour retourner auprès des siens dans les méandres.
- Mâche l’âme, veille à ce qu’il n’arrive rien à Zejabel.
- Mais je croyais que vous le vouliez mort, maître ?
- Mort, il l’est déjà, mais son agonie doit être éternelle alors veille à ce qu’il ne soit pas détruit dans ce combat.
A ce moment-là plusieurs portails démoniaques s’ouvrirent autour d’eux et plusieurs démons de tailles et d’aspects différents apparurent.
- Tout est prêt seigneur Néhant, dit Utkin.
- Parfait… ce dieu ne m’échappera pas ! Je serai bientôt en possession d'une essence magique tellement puissante que même l'Héritier d'Eredan ou Dragon ne pourront affronter.
Chapitre 5 - Prophétie
Un hurlement déchira la nuit, oh, ce n’était pas un cri de douleur, mais plutôt une effroyable plainte. Dans une des nombreuses chambres du palais de Noz’Dingard Dragon venait de se réveiller subitement, horrifié par un cauchemar qui l’avait sorti de son repos. Haletant il posa ses yeux sur la décoration de la pièce - il était bien chez lui. Il se laissa retomber sur le lit en expirant, passant la main sur son front détrempé de sueur. Ses pensées étaient confuses, il devait remettre de l’ordre dans tout ça. Aussi il se leva et marcha lentement, pieds nus sur la pierre, jusqu’à la large fenêtre ouverte. Dehors il faisait nuit, Noz’Dingard dormait paisiblement, la lune était haute et le ciel étoilé sans le moindre nuage. Là devant lui au loin, la Draconie, terre qu’il avait “conquise” il y a bien longtemps. Déjà les affres des cauchemars de la nuit s’estompaient. Lorsque quelqu’un frappa à sa porte, sortant Dragon de sa rêverie.
- Oui ?
- C’est Kounok, je peux entrer ?
- Oui, entre donc.
- Je m’excuse, mais j’ai entendu ton hurlement.
- On a dû m’entendre à l’autre bout de la cité.
- Comme presque toutes les nuits depuis notre retour de l’Equinoxe. Les rumeurs commencent à circuler dans le palais et le quartier des liés.
- Ce n’est pas Néhant qui me provoque ces visions si c’est ce que les gens veulent savoir. J’ai vécu dans l’Equinoxe des épreuves qui auraient rendu fou le plus endurci des hommes. Et ce que j’ai fait à l'Impératrice…
Kounok se gratta la barbiche en se remémorant les événements de la guerre de l’Equinoxe.
Le combat des Chevaliers Dragon et Dragon se déroulait sur la grande terrasse d’une tour du palais Impérial contre l’Impératrice et deux de ses généraux. Aucun des deux camps ne prenait l'ascendant sur l’autre car les unes profitaient de la magie de l’Equinoxe alors que les autres équipés et appuyés par Dragon étaient d’une résistance à toute épreuve. Mais dans le feu de l’action tout bascula, Dragon, impacté par sa captivité et par la réintégration de Néhant perdit pied, la colère fut trop importante, il ne put plus la contenir. Son apparence se modifia légèrement, ses mains devinrent plus larges et plus puissantes, son torse plus musculeux, son visage même arborait désormais des caractéristiques de Néhant et de Dragon. Les Chevaliers Dragon et les Equinoxiennes eurent l’impression de voir la scène au ralenti. Dragon s’avança jusqu’à l’Impératrice qui préparait un sortilège néfaste, puis il l’attrapa au niveau du coup avec sa main gauche et de l’autre il s'agrippa au bras gauche. Il tira d’un coup sec avec une force vertigineuse et arracha le bras. Le temps que les Equinoxiennes réagissent Dragon avait jeté par terre le membre arraché avant qu'il ne commette ce qui le traumatisait encore aujourd’hui. Il arracha la tête de l'Impératrice avant de la jeter de la terrasse vers la ville en partie incendiée.
- Nous étions en pleine guerre, Dragon, l’Impératrice t’avait torturé, sans parler des expériences qui ont, au final, engendré des monstres. Je crois que tu peux considérer avoir déjà payé cette colère, Dragon. Tu nous a tous sauvé. Lorsque nous avons reçu l’avertissement de ma mère tu n’as pas hésité à sacrifier définitivement de ta magie pour sauver tout le monde en nous ramenant à la porte des Dieux.
- Tu as sûrement raison, ne t’en fais pas je vais me ressaisir. J’ai juste besoin de temps pour m’adapter à ma nouvelle condition. Merci d’être venu me voir, je crois que je vais profiter des rues vides de Noz’Dingard pour marcher un peu, cela me fera du bien.
- D’accord, sache que tu peux compter sur nous, tu es notre famille.
- Je sais.
Dragon arpentait les ruelles désertes de la ville, dans les maisons les familles dormaient paisiblement. Cela lui faisait du bien d’être à nouveau chez lui et ce bien qu'il ne soit plus lié à l’immense pierre-cœur au centre de la ville. A son retour Anryéna avait définitivement pris le flambeau comme “reine” de la Draconie. Qu’allait-il faire maintenant ? Il pensait intégrer un temps l’académie de Noz’Dingard, il avait tant à enseigner autant à la jeune génération qu’aux professeurs.
Au détour d’une rue Dragon arrêta sa marche, une sensation qu’il n’avait pas ressenti depuis des années venait d'apparaître en lui. Des formes se dessinèrent dans la rue, au départ floues puis de plus en plus précises. Il y avait là plusieurs personnes, hommes et femmes dans des tenues différentes : Kotoba, Lieur de pierre, Cœur de sève… on ne pouvaient distinguer leurs visages à part leurs sourires, clairement visibles, toutes semblaient satisfaites. Par terre, Dragon, gisant inerte dans une mare de sang. Dans le ciel la lune, pleine, était de couleur argentée.
- Une prophétie...
Chapitre 6 - Chroniques de la Kotoba : Ijin Shisei
Après la disparition de l’honorable et vénérable Chroniqueur Impérial Sima Qian, l’Empereur, dans son extrême bonté a exprimé le souhait que je reprenne, en tant que membre et dirigeant de la Kotoba, l’écriture de la chronique de la guilde. C’est un peu délicat de traiter de la vie des membres de la Kotoba, je les connais tous personnellement, beaucoup d’entre eux sont mes amis, mes parents, des élèves, comment garder un avis neutre sur eux ? Je crois que le mieux est donc que je commence ce nouveau livre de la Chronique par une personne que je connais en définitive assez peu, il faut dire qu’il reste un grand mystère pour moi, comme pour la majorité de sa caste à vrai dire. Il s’agit donc du très énigmatique et très controversé Ijin Shisei. Si ce nom vous est totalement inconnu comparé aux célèbres Zatochi Kage et Yu Ling, c’est parce que son rôle a longtemps été tenu secret. Aujourd’hui l’affaire “Kiria” a placé Ijin sur le devant de la scène, à son grand désarroi.
Mais commençons par le commencement car ceci est une chronique, il convient donc de parler de ce membre de la Kotoba depuis son enfance. La famille Shisei n’est pas connue pour être riche ou puissante, mais elle est réputée pour servir l’Empire de son mieux et elle a déjà brillé à maintes occasions en venant en aide à la classe la plus basse de la population et en évitant une révolte lors de l’invasion de l’Empire par les Néhantistes. Ijin est né deuxième fils d’un deuxième fils et sa destinée était de devenir Tsoutaï comme certains membres de sa famille avant lui. Il fut accepté au temple de Sakoï et montra rapidement une excellente maîtrise des arts martiaux et une prédisposition pour la magie. Mais le jeune Ijin ne parvenait pas à maîtriser les esprits et encore moins à les apprécier. Dans ce cas comment aurait-il pu trouver un cherchefaille et devenir un véritable Tsoutaï ? La décision brisa le cœur du maître du temple et celui d’Ijin car leurs chemins devaient désormais se séparer, une autre destinée attendait Ijin, là juste à la sortie du temple de Sakoï un homme l’attendait. Je ne peux écrire ici son nom car, même moi, je n’en ai pas le droit. Je peux néanmoins indiquer qu’il s’agissait de l’un des plus grands chasseurs de démon que ce monde ait connu. C’est lui qui prit la relève des Tsoutaï et entraîna Ijin pour qu’il devienne un redoutable membre de cette caste. Et c’est ce qu’il devint, un exorciste et pas n’importe lequel comme je vais vous le raconter un peu plus loin.
Evoquer Ijin, c’est évoquer les chasseurs de démons et ses mystères. Si nous avons une bonne connaissance de ce que sont les Tsoutaï ou les Traqueurs, les chasseurs de démons eux restent la plus obscure de nos castes. Que font-ils réellement ? Qui sont-ils exactement ? Comment s’organisent-ils ? Je ne pourrai répondre à ces questions car malgré mes nombreuses tentatives je me suis toujours heurté à un mur de silence, leur silence. Même l’auguste Empereur écarta le sujet lorsque j’abordais avec lui le sujet. Envers tout cela j’ai lutté, pensant que comme les autres castes celle-ci me devait allégeance et ne devait en aucun cas avoir de secrets pour moi, Seigneur Impérial de la Kotoba. Or, et je faisais fausse route, le secret étant crucial pour cette caste, je ne pouvais que l’accepter, notre relation devait être basée sur la confiance, ce que j’ignorais ne pouvait être que profitable car cela ne m’occupait plus l’esprit. Les agissements des chasseurs de démon sont ce qu’ils sont, souvent à la limite de l’honorabilité, mais il faut que cela soit ainsi, que des gens au sein de la Kotoba aient cette liberté-là, de faire ce qu’ils font.
Si je traite des chasseurs de démons et de leur… philosophie, c’est parce qu’Ijin la suit particulièrement, il est secret, puissant, et limite dans ses actes. A la fin de son apprentissage on lui confia le rôle de Marcheur, il s’agit là des chasseurs de démon n’ayant plus aucune attache, n’entretenant plus aucun lien avec sa famille, et dont la vie est dédié à chasser les monstres qui menacent l’Empire : un vagabond sur les routes. Les rumeurs qui me sont parvenues font état d’une réussite totale de chacune de ses missions, la population alla jusqu’à rendre ses aventures légendaires, l’homme qui protège la population face aux démons. Je ne sais pas combien d’adversaires il a affronté dans sa vie, par contre Yu Ling me confia un jour que les tatouages couvrant le corps d’Ijin étaient la représentation de ses ennemis vaincus.
Mais c’était bien plus que cela.
J’aborde alors l’affaire “Kiria”. Kiria est le prénom d’une femme venue d’au-delà les mers et les océans qui, par je ne sais quel hasard, s’était retrouvée enfermée dans une prison de haute sécurité dans les Îles Blanches. La femme, plutôt rusée était parvenue à s’en échapper avant d’être capturée à nouveau quelques temps plus tard. Jugée plus que dangereuse, le Conseil des Guildes ordonna son transfert dans une autre prison. Secrètement, le conseiller-doyen Vérace me demanda de m’occuper de l’emprisonnement de cette femme. Je ne pouvais laisser les chasseurs de démons à l’écart de cette affaire et je demandais leur aide. On m’envoya Ijin. Lors de notre voyage vers l’Empire celui-ci me fit une belle démonstration de l’étendue de ses pouvoirs. Kiria tenta bien d’user de son étrange magie pour nous fausser compagnie, mais à chaque fois Ijin fut en mesure de la neutraliser, ses étranges tatouages bougeant étrangement lorsqu’il utilisait sa magie. Je commençais à avoir des soupçons et ceux-ci furent confirmés lorsque, une fois sur place, Kiria essaya de nouveau de s’évader, mais cette fois le chasseur de démons s'énerva si bien qu’apparurent des attributs pour le moins curieux que je ne m’attendais pas à voir là : Il avait l’air d’un véritable démon. Il immobilisa Kiria sans trop d'efforts avant d’entrer dans le lieu secret que nous avions choisi. Il revint quelques temps plus tard, cette fois bien calmé. Je lui demandais alors la vérité à propos de ses tatouages. Il répondit sans aucune hésitation : la magie de ceux qu'il avait vaincu circulait dans les lignes de ces dessins sur sa peau, ils lui donnaient la force de vaincre les monstruosités qui menaçaient l’Empire.
Que pouvais-je dire à cela, je n’avais rien à lui reprocher, bien au contraire. Je décidais donc de passer outre ce qui peut être considéré par quelques uns comme une abomination. Mais au fond, quel chasseur de démons n’était pas une abomination ?
Chapitre 7 - La reine des monstres
Un vent léger soufflait doucement, provoquant un va-et-vient des branches des arbres de la forêt Eltarite. Parfois les feuilles s’envolaient pour partir dans une bourrasque et vivre une vie éphémère dont nul n’aura conscience. Là, au beau milieu de l’étendue verte plusieurs héros de la Cœur de Sève discutaient. Assis sur de vieux troncs d‘arbres que le temps avait fini par abattre, ils échangeaient sur divers sujets concernant les affaires qui touchaient à la guilde de la Cœur de Sève.
- Il est temps d’aborder à présent la disparition de Melissandre durant plusieurs jours alors qu’elle était en mission pour la guilde, dit Eikytan qui était au centre de la petite clairière.
Immédiatement Aleshane se leva.
- Je croyais ce sujet déjà traité et… clos, dit-elle avec une certaine déconvenue.
- La justification qu’elle nous a apporté n’empêche pas un débat, répondit Eikytan de façon assez tranchée.
La jeune Elfine n’osa pas aller plus loin dans sa plaidoirie, elle aurait sûrement le temps de le faire plus tard. Le visage faisant la moue elle se rassit.
- Aleshane a raison, pourquoi devrions-nous discuter de ça ? Demanda Koria, est-ce que vous douteriez de l’explication de notre sœur Elfine ? Je pense que oui, sinon vous n’aborderiez pas ce sujet.
Eikytan ne répondit pas sur l’instant. Les membres de ce conseil se regardaient les uns les autres en attendant qu’on veuille bien leur fournir une explication. Mais aucun d’eux, même le puissant Eikytan, ne savait que non loin de là, cachée par la végétation, Melissandre écoutait leur conversation. L’Elfine était silencieuse, immobile, respirant lentement.
- Il y a quelques semaines, Kei’zan a ressenti une magie qu’il ne connaissait pas, une magie étrange. Il pense que c’est une personne disposant d’un pouvoir venant d’en dehors des Terres de Guem et qui aurait traversé la forêt sans être vu de personne. Aucune de nos sentinelles n’a indiqué avoir observé un étranger sur notre territoire.
Aleshane se sentit mal, elle avait menti pour protéger sa sœur. Elle savait pertinemment qu’un étranger avait traversé la forêt et ce grâce à Melissandre, car Aleshane était présente lors de la rencontre avec cet étranger. Le poids de la culpabilité pesait trop lourd sur sa conscience. Elle craqua.
- C’est vrai, quelqu’un est passé ! Dit-elle à l’étonnement de tout le monde.
Koria, Eikytan, Yaz, Belladone, Fouisseur… tous avaient les yeux braqués sur elle.
- C’était il y a quelques semaines, nous patrouillions à la lisière nord lorsque nous avons vu deux personnes venir en direction de la forêt. Nous les avons arrêté et Melissandre est allé discuter avec eux…
Pendant qu’Aleshane parlait de ce qu’elle avait vu et fait, Melissandre décida de ne pas rester sur place. Elle devait agir pour que le Naufragé ne soit pas recherché par la suite. Mais comment faire ? Elle recula de quelques mètres pour rejoindre son loup puis le monta pour s’en aller dans une région moins peuplée.
- Tu es sûr de ce que tu me dis ? Demanda Melissandre la dague à la main.
- Oui, oui, et re-oui ! Pourquoi veux-tu que je te mente ? Je sais qui tu es Melissandre, j’ai pas envie d’avoir tes cousines sur mes talons, dit une étrange petite créature simiesque.
- Alors conduis-moi jusque là-bas, tu en seras… récompensé.
- Euh… euh… je vais t’accompagner jusqu’à leur territoire, je t’indiquerai leur pyramide et ensuite tu te débrouilleras toute seule.
- Que de courage !
- Le courage n’aide pas forcement à rester en vie… Crois-moi.
- Allez, ça m’ira parfaitement, dit-elle en attrapant la créature.
Elle posa son guide sur le devant de la selle de son loup géant avant de, à son tour, monter sur la bête. En un bond le loup s’élança, conduit par une Melissandre déterminée et menée par une créature sylvestre. Ils avalèrent la distance en un temps record, évitant les sentinelles de la Cœur de sève. Enfin plusieurs heures après leur départ la créature demanda l’arrêt.
- C’est ici, dit-elle avec une certaine pointe de crainte, par delà la rivière s’étend le territoire des Kuars. Mais tu es certaine de vouloir t’aventurer là-bas ? Ce sont des cannibales, ils mangent la chair de tout ce qui bouge sur deux jambes.
- Je n’ai pas peur d’eux, je connais les légendes à leur sujet. Où est la pyramide ?
- Et bien… là, dans la rivière, sous l’eau se trouve un passage discret qui te mènera à l’intérieur. A l’extérieur les Kuars par dizaines surveillent tous les accès.
- Merci.
- Tu peux me payer maintenant ?
- Tiens, prends ceci et n’oublie pas, ne parle de ceci à quiconque, dit Melissandre en donnant sa magnifique dague d’Ambre.
Ni une ni deux, la créature détala si vite avec son butin qu’elle disparut dans les arbres en quelques secondes à peine, laissant Melissandre et son loup aux portes du territoire Kuar.
- Bon, mon vieux, je ne peux t’emmener avec moi, je dois me débrouiller seule. Reste dans les environs, au cas où ça barde je sifflerai.
Le loup plaqua ses oreilles en arrière pour montrer sa tristesse, puis lécha la main de sa maîtresse.
- A très vite, dit Melissandre en s’approchant su bord de la rivière.
- Plouf*
L’Elfine n'y voyait pas grand chose dans cette eau troublée par la vase remuée et les algues. Heureusement elle s'avérait être une extrêmement bonne nageuse. Elle repéra un endroit un peu plus obscur qui dessinait une forme rectangulaire. Elle progressa jusque-là et effectivement c’était bien l’embouchure d’un couloir de pierre à peine assez grand pour qu’elle puisse se faufiler à l’intérieur. Elle remonta lentement le boyau qui était en réalité plus long qu’elle ne pourrait le supposer. L’air commença alors à lui manquer, elle n’y voyait pas grand chose. A présent elle nageait en tirant sur les pierres du plafond de ce couloir. Elle commençait vraiment à être au bout de ses capacités. Puis sa main ne trouva plus de pierre et se retrouva hors de l’eau. Dans un ultime effort elle s’extirpa de là et ce fut enfin la bouffée d’air salvatrice. Elle examina les alentours et comprit qu’elle était dans une sorte de puits qui montait car il y avait en haut de la lumière. Après la nage, il lui fallait donc faire un peu d’escalade, ce qui fut assez épique compte tenu du fait que l’humidité n’aidait vraiment pas à l’ascension. A plusieurs reprises Melissandre glissa et se retrouva dans l’eau, manquant de peu de se cogner la tête. Mais l’Elfine n’était pas du genre à fuir devant les difficultés et au bout d’une heure d’essais elle parvint enfin en haut. Elle n’en pouvait plus, ses muscles et ses doigts la faisaient souffrir.
Au dessus d’elle se trouvait le ciel bleu et le soleil éclairant un des murs de cette pièce sans plafond. Un rapide examen des environs confirma sa localisation et elle était précisément là où elle voulait être, à l’intérieur de la pyramide, et pas n’importe où : dans la salle du masque sacré. Ce masque était gardé là par les Kuars en attendant le retour prophétisé de leur roi. En lui-même l’objet n’avait pas une grande valeur, il n’y avait pas de pierre précieuse, c’était un masque comme on aurait pu en trouver ailleurs. Non, la valeur était spirituelle et sentimentale. Melissandre s’empara du masque et l’examina.
- Ça sent le mort ce truc… bon ma fille, il va falloir assurer, mon plan tient à ce masque. Ils me tueront sans la moindre hésitation.
Elle passa le masque sur son visage. Au début il ne se produisit rien de particulier, mais quelques minutes plus tard elle comprit que ce masque avait des propriétés magiques. C’était comme si elle s’imprégnait de la culture, des connaissances et des coutumes de ce peuple méconnu. Elle respira un grand coup et s’avança. Une patrouille de Kuars arrivait vers elle et quel ne fut pas leur étonnement en voyant cette apparition quasi divine ! Melissandre s’adressa à eux dans une langue qu’elle n’avait jamais parlé jusque-là.
- Votre reine est revenue vous guider ! Menez-moi devant le peuple que je m’adresse à lui !
Les Kuars furent abasourdis, mais ils virent là la providence aussi ne cherchèrent-ils pas la moindre explication. Ils lâchèrent leurs armes et s’en allèrent en courant et criant “Notre reine est là ! Notre reine est là !”.
- Jusque-là tout va bien… Pensa Melissandre en avançant vers le village Kuar.
Les habitants furent comme hypnotisés, subjugués par celle qui portait le masque des rois Kuars. La nouvelle de l’arrivée de Melissandre fit le tour du village rapidement et tout le monde se rassembla devant elle. Qui était-elle ? Que voulait-elle ? Ils allaient le savoir rapidement car lorsque tous furent là elle s’adressa ainsi à eux :
- Kuars ! Je suis descendue de la pyramide sacrée pour vous ! Vous vivez depuis longtemps enfermés dans la boucle de la rivière aux eaux vertes. Il est temps de la traverser et de reprendre les territoires perdus !
Les paroles touchèrent le peuple, mais une forte tête osa s’adresser à la reine.
- Où étais-tu tout ce temps ? Nous t’attendons depuis longtemps !
Melissandre s’approcha de lui et alors les yeux du masque luisirent d’une couleur argentée très intense.
- Comment oses-tu t’adresser à ta reine ainsi !
Devant l’effet magique et la voix forte de leur reine la peur s’empara de leur cœur et nul n’osa plus contester quoi que ce soit. La forte tête, impressionnée, se jeta au sol, à genoux devant la reine.
- Pardon ! Pardon ! Pardon ! Répétait-il.
Devant cela tous les Kuars présents firent la révérence devant leur reine.
- Bien, à présent il est temps de détourner l’attention de la Cœur de sève, pensa Melissandre.