De Eredan.
Sans titre
Je hais ce monde. Je hais tous ceux qui y habitent, tous ceux qui y vivent en paix et dans la joie, tous ceux qui peuvent y sourire… Sourire je ne sais même pas si j’en suis capable, si j’en ai même la faculté. Ai-je déjà souris ?
Depuis que je suis venu au monde, je n’ai connu que la violence, la peur, la colère, la haine et la souffrance. J’en viens parfois à me demander pour quel dessein mon père nous a créés, mes frères et sœurs et moi.
Et encore, certains ont eu beaucoup plus de chance que moi ! Certains ont reçu plus de force, de vitesse, de pouvoir ou tout simplement un but. Moi, je suis enchainé depuis tellement longtemps ! Je n’ai pas eu le droit de voir le monde, de sortir de cet endroit, de rencontrer les autres.
Père et ses subalternes n’ont jamais fait appel à moi, pour quoique ce soit. J’en viens à me demander si je n’ai pas été oublié. Seul, dans cet abîme de noirceur, je ne peux ni bouger, ni parler, ni voir quoique ce soit. Mes deux seules occupations, depuis bien trop longtemps, sont d’écouter et de penser. J’entends les autres qui parlent de tout ce qu’ils ont vu et fait là-bas, de l’excitation qu’ils ont ressenti à combattre, du plaisir de vaincre et prendre une vie, de la fierté qu’ils éprouvaient à servir Père…
Pourquoi ? Pourquoi m’a-t-il infligé ça ? Pourquoi ?! POURQUOI !?!
Je n’étais pas le plus fort, ni le plus intelligent, ni même le plus impressionnant de mes frères. Et pourtant, Père s’est intéressé particulièrement à moi. Il m’a dit qu’il pourrait faire de moi sa création la plus importante, la plus utile, que je deviendrai son chef d’œuvre ! Pour ça, il devait me tuer et me faire renaitre.
Bien sûr, il savait parfaitement que je lui dirais oui. Aucun de nous ne peut résister à sa force ni à son pouvoir. Nous sommes écrasés par sa simple présence, par son aura. Mais pourtant, ce n’est même pas ça qui nous pousse à lui obéir aveuglément. Est-ce parce que nous sommes ses enfants ? Est-ce parce que nous sommes liés à lui par magie ? Est-ce que nous sommes maudits ?
Ma mort fut douloureuse ! OH COMBIEN ! J’ai souffert plus que je n’aurais cru imaginable. Mes hurlements, dans lesquels se mêlaient douleur et terreur, ont fait fuir tous mes frères et sœurs. Seul Père et quelques uns de ses subalternes restaient pendant le rituel, l’un d’eux me regardait avec un sourire comblé. Le sale cloporte ! Si je le recroise un jour, je lui ferai subir une mort lente est douloureuse, je savourerai la douleur criante de son visage, je me délecterai des ses cris d’agonie, il appellera l’apaisement de la mort de tout son être et….
Umpf, à quoi bon tout ça ! Je ne sortirai sans doute jamais. A jamais prisonnier de cette… prison, à jamais prisonnier de mes propres pensées. Sans cesse tourmenté par mes frustrations, sans cesse battu par la rage, sans cesse harcelé par la soif de vengeance. Oui. Oh oui ! Me venger de tous, sans distinction. De tous ceux qui ont pu jouir d’une existence, qu’elle soit paisible ou pénible. Je les hais TOUS !
Pourtant… pourtant je ne me suis jamais senti aussi bien que lorsque je suis revenu à moi après ma… après ma mort. Ce n’était pas seulement le fait que mon esprit soit libéré du flot d’horreur qu’il subissait lors du rituel et de l’information qu’il recevait de mon corps en train de se détruire. Non, c’était plus que ça ! Je me sentais différent, tout puissant, plus proche de Père que jamais…
Quel supplice oui ! A l’instant où j’ouvrais les yeux et voulais mouvoir mon nouvel être, je m’aperçus que j’étais enfermé dans… hé bien même ça je ne sais pas ! Une cage magique, un cocon, une autre dimension, que sais-je. Bien entendu, on ne m’en avait rien dit !
D’ailleurs, si ça se trouve je ne suis qu’une expérience ratée, mise au rebut ! On me garde peut-être de côté pour me réutiliser ou me sacrifier. Après tout, le sacrifice des faibles est une pratique courante parmi nous. L’essence des uns accroît la force des autres. Chacun son rôle, au moins… Quel est mon rôle à moi ? QUE DOIS-JE FAIRE ?!
…Chaque pic de colère s’éteint aussitôt qu’il arrive. Ils sont inutiles, tout comme moi. Mes efforts pour bouger ou parler ont tous été vains. J’en viens parfois à me demander si mon corps existe toujours où si seul subsiste mon esprit. Auquel cas, aurais-je déjà été sacrifié ? Mon essence servirait-elle de ressources à un autre ou même à Père ?! Non… non, je le sentirais. Enfin, je crois. Je ne sais plus. Je suis fatigué de tout ça.
- RAAAAAAAAAAAAAAH !!!! Que quelqu’un me sorte de là ! N’importe qui, n’importe comment, à - n’importe – quel - prix !!!
.....
Mais ?... Qu’est-ce donc ? C’est la première fois que je ressens ceci. Je sens l’énergie de Père m’atteindre, il m’appelle ! Que se passe-t-il ? Serait-ce enfin le jour de la libération ?
Je sens d’énormes quantités d’énergie me parcourir. C’est enivrant ! Tellement plaisant ! Tellem- … Mais ! Oui ! C’est l’essence de bons nombres de mes frères et sœurs que je sens en moi. Pour m’invoquer il a du sacrifier beaucoup d’entre nous. Nous ne sommes vraiment que des pions pour lui. Me sacrifiera-t-il à mon tour ?
Qu’importe ! Enfin, enfin, enfin, enfin, enfin ! MON tour, MON heure, MA gloire et… LEUR FIN ! Ça y est, je me sens attiré vers l’extérieur !
Maintenant j’arrive et le monde dérive. Ils ne pourront survivre car je sens que je m’enivre ! La terreur maintenant m’escorte. Leur royaume de l’ombre leur ouvre ses portes !
Oui, je reprends vie. J’ai pleinement conscience de mon corps ! Il est… majestueux ! Rien à voir avec l’ancien. Je me sens tellement puissant par rapport aux autres. Seul une aura m’écrase littéralement.. Celle vers qui mon lien se dirige.
- Me voilà Père !
- Je t’ai déjà dis mille fois de ne pas m’appeler ainsi, stupide démon !
- Oui, Ô puissant Nehant.
- Bien. Tu semblais fin prêt et je vois que je ne me suis pas trompé. Te voici sur Guem. Là-bas, une coalition des différentes Nations affronte mes troupes. Fais un carnage, profite de ta liberté avant de retourner dans ta chrysalide !
- Quoi ? Mais pourquoi y retournerais-je ?!?! Non !!
- Maintenir ton enveloppe corporelle est très difficile sur Guem. Pour le monde d’en bas, nous en reparlerons. Maintenant va, apporte-leur le malheur et la désolation ! NE ME DÉÇOIS PAS ! Va, mon petit Désespoir !
Je hais ce monde…