De Eredan.
La dernière fois !
Le soleil Brille fort dans le ciel et frappe sans relâche le pauvre crâne de frère Dhan. Sur son front de lourdes gouttes de sueur ruissellent.
«Fiuuu, mais on va y laisser notre peau dans ton traquenard ! »
Jeanne perdue dans de pieuses pensées n’intervint qu’après deux bonnes minutes.
«C’est aussi de ta faute, toi et ton foutu vœu de pauvreté. Regarde donc les vieilles carnes que tu nous a dégoté, la mienne va me claquer dans les pattes à coup sûr !»
Dhan jeta un œil à son mulet, il n’avait pas l’air en grande forme mais pouvait encore parcourir quelques lieux.
Il se retourne pour voir celui de Jeanne et se retient avec difficulté d’exploser de rire, celui-ci a les yeux révulsés et la langue pendante jusqu’au sol.
A chaque pas, ses pattes tremblent dangereusement et son regard supplie le ciel pour que ce cauchemar s’arrête.
Il est vrai que le saint séant de la douce ecclésiastique a de quoi plier plus d’un âne, songe-t-il.
«Faut qu’on trouve un coin d’ombre pour reposer les bêtes, y a que du sable dans se foutu désert» gémit Dhan.
«D’après mes notes on devrait pas être loin du temple» répondit la nonne.
«Et c’est quoi comme style de temple ?» s’enquit il.
«Euh... Normalement y a rien à craindre, c’est hyper touristique comme bled.» hésita-t-elle
«Touristique dis-tu ? Comme pour le coup de la chapelle des îles Pock ?»
«Oh ça va, je pouvais pas deviner que se serait un repère de cannibales» expliqua-t-elle.
«J’ai beau avoir une foi inébranlable, parfois tu me fais douter de tout Jeanne. Je me demande même pourquoi je te fais encore confiance après toutes les galères où tu as pu me traîner.
C’est comme la Croix de la saint Pelos qui devait être super simple à trouver, résultat on a du jouer les survivants en mangeant des insectes pendant deux semaines et en prime on s’est fait chasser comme des malpropres sur des lieux et des lieux»
Dhan se frotte le fondement où quelques mois plus tôt une flèche était venue se loger, souvenir de l’une des nombreuses promenades de santé improvisées par l’insatiable curiosité religieuse de la dame.
«Il est là ! regarde ! Le temple ! C’est magnifique» s’écrit la nonne.
Au loin une espèce de forme grossièrement pyramidale apparaît.
Les cavaliers accélèrent le rythme, jusqu’à ce qu’une course s’improvise entre les deux collègues.
Le mulet de la dame semble trouver de la vigueur et double celui de Dhan avant de s’effondrer envoyant rouler la nonne dans le sable.
«Saloperie de mule ! Je vais lui foutre une nova dans la tête à celle-là !» hurle Jeanne en se relevant et en postillonnant le sable qu’elle a avalé durant son acrobatie.
Dhan lui passe à côté en riant à gorge déployée, sa bête trottine et ne tarde pas à atteindre le pied de l’édifice.
Après quelques théurgies de soin l’animal de Jeanne semble être remis sur pied.
La bête, profitant d’un instant d’inattention, parvient à s’échapper au grand galop de l’emprise de sa cavalière.
Tandis que la bête hennit de bonheur, la nonne hors d’elle se met à vociférer :
« Espèce de mulet de l’enfer ! Attend un peu que je te remette la main dessus mule ingrate ! Je te rosserai jusqu’à ce que mort s’ensuive et je te soignerai pour te rosser à nouveau. Mulet du diable ! MULET DU DIAAAABLE !»
Elle reprend la route à pied tout en marmonnant :
«Et comment que je vais rentrer maintenant ? Je hais les mules, vilaine mule, prochaine fois je m’achète un cheval, un cheval de course même, où même un dragon tient, ça se trouve encore ça les dragons ? M’en fous j’en trouverai, tant que ça ressemble pas à une idiote de mule de malheur...»
Pendant ce temps Dhan fais la découverte du temple, d’étranges signes gravés à même la roche tapissent l’ensemble des murs de la galerie, les chemins partent dans toutes les directions et Dhan se décide pour un malgré que tous soient affreusement identiques.
Toujours des tas de couloirs avec à chaque fois une bonne volée de marches ascendantes où descendantes au cœur de ceux-ci. Au bout d’un moment Dhan décide de faire demi-tour pour se rendre compte qu’il est inéluctablement perdu.
Pris de panique il se met à appeler son amie.
La réponse lui vient comme de tout près de lui : «Oui quoi Dhan ?»
«Où es-tu ?»
«Euh, j’en sais rien j’ai commencé à visiter à ta recherche puis je me suis rendu compte que j’étais complètement paumée»
«On dirait un labyrinthe ton temple, non ?»
«Pour-sûr, on est bête de pas y avoir fait gaffe avant. L’acoustique est excellente, c’est comme si on était l’un à côté de l’autre, ça doit être magique ça.»
«C’est pas un temple Jeanne, tu as raison je le sens c’est bourré de théurgie mais c’est pas un temple c’est...»
Les deux en cœur, la terreur pouvant se lire sur leurs deux visages : «Un tombeau maudit, fuyons !»
Pris de panique, ils se mettent à courir en tous sens, se loupant de peu à plusieurs reprises.
Lorsque l’un passe à l’étage, l’autre passe en dessous, dans un sens puis dans un autre pendant 10 bonnes minute. Enfin ils se retrouvent l’un en face de l’autre et s’arrêtent net tout deux. Une sorte de grand cercueil d’or flanqué de divers trésors les sépare. Tandis que Jeanne se jette sur les gemmes et plonge ses mains dans l’or en s’extasiant, Dhan s’approche du tombeau pour y découvrir d’étranges symboles et une inscription qu’il tente de déchiffrer.
«Prenez mon or, déposséder... tiens là les inscriptions sont illisibles, puis : ne troublez pas mon sommeil où vous connaîtrez la malédiction des soldats sans repos»
Dhan souffle et époussette le couvercle du sarcophage quand celui-ci se met soudainement en mouvement, le faisant sursauter d’un bon mètre et reculer en arrière.
Dans une lenteur glaciale celui-ci s’ouvre puis vient se briser au sol. Les visages des deux ecclésiastiques semblent se décomposer.
Un long râle guttural brise le silence.
«Dhan, pitié dis moi que c’est toi qui vient de gémir ?»
«Non mais maintenant c’est bien moi» gémit-il.
Soudain une main recouverte de bandelettes crasseuses et de pourriture vient prendre appui sur l’un des rebords du cercueil. Une créature immonde en sort lentement, son visage déformé et hideux fait échapper un petit cri de jouvencelle à Dhan visiblement horrifié. Dame Jeanne reprend ses esprits et se concentre pour créer une nova sacrée sur le non-mort mais rien ne se passe.
La nonne recommence le processus ; rien.
Dhan se joint à sa complice et c’est maintenant une pluie de novas sacrés qui visent le zombie.
Celui-ci ne semble pas broncher, à peine une où deux éraflures le distingue au mieux.
Dhan s’écrie « C’est vraiment un scandale cette théurgie, la honte de la profession, jamais ça marche»
Dame Jeanne tout en jetant sa sandale au visage de la créature tentant vainement de la ralentir, lance à Dhan «Bon bein on se casse. D’ici que ça marche on se sera fait becter trois fois»
«Pas moyen.» Répond-il «Moi je retourne pas me perdre dans ce dédale avec cette bestiole à nos trousses»
Dhan se retrousse les manches et prend une posture burlesque qui cherche, sans succès, à se faire passer pour de l’art martial.
«Vient goûter à la tatane du père Dhan, pourriture démoniaque»
Prenant de l’élan, il bondit et assène à l’infâme monstre un magistral coup de pied plongeant en plein dans le torse.
Sous la force d’impact la créature se disloque en deux parties.
Les deux confrères ont à peine le temps de se jeter un regard mutuel de satisfaction et de béatitude retrouvée que l’angoisse les prend à nouveau.
En effet, les deux morceaux de cadavres se réaniment et rampent en direction de Dhan.
«Quelle horreur !» Crie celui-ci tout en reculant manquant de tomber dans la tombe de peu.
Dhan en passant près de la sépulture, remarque qu’une bonne dizaine d’autres de ces monstres commencent à s’animer et à sortir du tombeau.
Le prêtre pousse un hurlement et s’envole vers la plus proche sortie, suivi de Jeanne perdant en chemin les trésors dont elle s’était quasiment recouverte.
Un dernier regard en arrière leur permette de voir d’autres non-morts sortir de passages invisibles jusque-là. Ils sont maintenant une bonne trentaine de cadavres debout à les pourchasser avec une lenteur sinistre, mais en une marche infernale et inexorable. Les deux compères sprintent comme des déments en hurlant. Partout sur leur chemin de nouveaux passages dérobés s’ouvrent laissant s’échapper de toujours plus nombreuse abominations de la nature. A plusieurs reprises il ne s'en faut que de quelques centimètres que l’un où l’autre ne se fassent attraper. La marche de la mort est à leurs talons et plus leurs pas se pressent et plus la cohorte qui les suit semble compacte et imperturbable.
Les deux amis arrivent dans une salle avec de lourds battants qu’ils ferment aussitôt pour bloquer les hordes de la mort.
«Réfléchis l’abbé, qu’est ce qu’on peut faire ?» Demande la dame.
«On est foutu, ils doivent être des centaines là derrière et vu leur acharnement je pense pas que la porte va les retenir longtemps» Répondit le prêtre.
«Ma mère me disait toujours, tu seras une grande guerrière ma fille, j’aurais du l’écouter parce que niveau théurgie je suis désolé mais on a pas le moindre truc pour taper dans le tas»
«A qui la faute si on se retrouve dans de tels draps, t’es tellement siphonnée que tu serais capable de les soigner pour qu’ils aient l’air plus sympa.
Aller vas-y, va leur inculquer la foi à ceux-là. Des touristes du désert qu’elle disait. Quelle hospitalité ! C’est des foutus mangeurs de foie, oui»
La porte craque dans tous les sens, les gonds grincent et les râles laissent présager le pire.
Le flot incessant d’une masse grouillante de créatures putrides frappent et poussent la porte.
Bientôt l’une des planches de celle-ci cède et déjà une dizaine de bras tels de vils tentacules cherchent à attraper leurs victimes invisibles Dhan s’agenouille et se met à prier en sanglotant comme une fillette.
«Notre père qui êtes aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne viennent pour des...mais pourquoi donc tu m’a mis dans les pattes de cette grande malade ? Avec tous les efforts que j’ai fais pour être un bon croyant c’est quand même dégueulasse de finir comme ça. Et d’abord ils étaient où tous ces monstres ? pas un seul dans tous le labyrinthe, on se perd 120 ans et maintenant y’en a dix mille qui tombent des murs, c’est de l’acharnement de poisse, une foutue injustice. Et je le savais qu’il fallait pas la suivre bon sang, à chaque fois c’est la même chose, je le savais, je le savais...»
Dame jeanne regarde Dhan l’air grave, puis les mort-vivants avec conviction.
«C’est peut être ça l’idée, si je les soigne ils vont peut être redevenir normaux ? Bon le type se fera bouffer mais foutu pour foutu il aura pas vraiment le temps de nous en vouloir. et puis nous ça nous laissera juste le temps de passer incognito en les imitant. Aller je la tente !»
Dhan rétorque : «Et bien oui, c’est la fête, tu vas soigner des morts et on jouera les cadavres ambulants pour se tailler en douce, non mais t’es vraiment à la masse, ma pauvre enfant que les dieux pardonnent ta naïveté.»
Dame Jeanne lance finalement un soin sur la première créature à avoir passé l’ouverture, elle s’effondre immédiatement.
Jeanne sautille de joie :
«C’est génial ! Ça marche super bien.»
Dhan écarquille les yeux complètement abasourdi.
«Non, c’est trop improbable, c’est un coup de bol ?»
Quelques corps putrides parviennent à s’extraire de la porte et approchent dangereusement.
Un gond de la porte finit par craquer et c’est l’ensemble de l’entrée qui s’effondre.
Jeanne se concentre un peu plus et envoie un soin avec toute la ferveur qui coule dans ses veines.
Une bonne dizaine de zombie s’écrasent au sol, tout à fait inertes. Dhan se joint à elle pour amélioré la qualité de la théurgie, les mort-vivants tombent au sol par paquet.
Bientôt, toutes les créatures ont enfin pu rejoindre le repos éternel.
Leur besogne accomplie et en chemin vers la sortie, le prêtre ne peut s’empêcher de demander.
«Et maintenant, tu m’expliques comment on rentre avec une mule pour deux ?»
Jeanne, n’attendant que ça, en profite pour annoncer :
«J’ai l’ami d’une amie qui m’a parlé d’un vendeur de chameaux à des prix très raisonnables. C’est à quoi ? Une heure de marche maximum. Le seul hic c’est que le coin est tenu par des derviches tueurs mais d’après mon plan on ne devrait pas les croiser. Sur ce plan tu peux me faire confiance à cent pour cent».