De Eredan.

Le trésor du bois de Shu Eps

Ses grands yeux d'onyx plissés par la concentration, les lèvres pincées par la détermination, un gros sac à dos à ses pieds, Akiko préparait consciencieusement son aventure. Elle releva la tête, Meragi dormait encore. Elle darda sur l'horizon un regard intense, la fine brise soulevant ses mèches d'un noir brillant, l'aventure l'appelait. L'expédition serait dangereuse, elle le savait, mais la récompense serait à la mesure du péril encouru, un tel trésor méritait bien de risquer sa vie. Le samouraï ne craint pas la mort, elle ne la craindrait pas, le samouraï doit être une figure de droiture et de bravoure, elle n'avait peur de rien.

Elle s'accroupit de nouveau et entreprit de vérifier son équipement, pour la troisième fois. Elle ne voulait rien oublier. Elle allait pénétrer en plein territoire hostile et ne comptait pas perdre bêtement la vie sur une étourderie. Rejoindre ses ancêtres ne l'effrayait pas mais elle n'avait pas non plus l'intention de se précipiter vers eux. Tout semblait en ordre, elle se releva en époussetant son yukata et disparut à l'intérieur pour se choisir une tenue plus adaptée. Un hakama serait bien plus confortable, ce pantalon ample était théoriquement réservé aux hommes mais il lui offrait une plus grande liberté de mouvement, elle le ceignit cependant d'un large nœud de obi en soie noire pour conserver une touche féminine. Elle troqua ses geta, les sandales de bois à plateforme, contre des bottes de paille tressée, plus pratiques pour la marche en forêt et fit une escale à la réserve pour remplir une pleine bourse de graines de tournesol qu'elle attacha autour de sa taille avant de sortir.

«  Kitsu ! Kitsu, où tu es ? Allez Kitsu, montre-toi, on y va ! »

Elle glissa son arme la ceinture et fouilla le jardin du regard. Où pouvait encore se cacher ce maudit animal ? En soupirant, elle se mit à le chercher, écartant les branches des buissons, le nez au ras du sol dans l'espoir d'apercevoir son petzouille domestique. Il avait beau n'être pas plus gros qu'un chaton, il avait le chic pour créer plus de pagaille qu'un troupeau de buffles ! Mais sa capacité à souffler un gaz soporifique quand il était gavé pouvait s'avérer bien utile. Il s'était établi une complicité entre eux, Kitsu savait que quand elle laissait tomber la bourse rouge à terre, il devait se dépêcher d'engloutir ses friandises. Akiko, elle, savait qu'elle devait retenir sa respiration le temps que tout se dissipe.

«  Ah ! Tu es là, petite fripouille ! Allez, en route espèce de fainéant. »

Elle tendit les mains en corbeille en riant et caressa délicatement sa petite trompe. Outre son coté pratique, elle s'était surtout énormément prise d'affection pour la minuscule boule de poil. Après avoir frotté tendrement son nez contre son museau, elle le laissa sauter au sol et entama son épopée. Le cœur battant, elle s'enfonça dans la forêt, bataillant contre les plantes et les racines qui semblaient mettre un point d'honneur à empêcher son périple. Elle progressait avec précaution, guettant le moindre bruit suspect.

Elle était en sueur, couverte d'écorchures et de terre lorsqu'elle arriva sur les lieux. Elle leva les yeux sur l'imposante masse qui s'étalait devant elle. Un sorte de gigantesque temple creusé dans le bois d'un arbre millénaire large comme deux maisons. Elle posa la main sur l'écorce aussi lisse et polie que le marbre le plus pur. Jusque là tout s'était bien déroulé mais maintenant commençaient les difficultés, maintenant elle allait devoir affronter les pièges, les gardiens et autres joyeuseté qui protégeaient le trésor tant convoité.

« Bon, Kitsu, c'est sérieux maintenant ! On va se préparer un peu... Voyons voir, où il est ce truc ? Je suis sûre de l'avoir emmené. Ah ça y est, je l'ai ! »

Elle tira triomphalement de son bagage une petite fiole de liquide vert munie d'une longue aiguille. Elle avait passé un long moment avec la jeune alchimiste aux cheveux roses, à l'écouter parler de l'art aléatoire et pourtant très précis que constituait la création de ses mixtures. Fort heureusement, ce qu'Akiko désirait savoir n'était pas aussi compliqué... Elle voulait juste apprendre à se servir de la potion à retardement. Elle plaça l'objet contre son bras ainsi qu'elle le lui avait montré et enfonça l'aiguille dans sa chair. Elle sentit le fluide couler comme une eau fraiche dans ses veines. Le moment venu, lorsque son corps subirait des blessures, il refermerait les plaies.

Elle se releva, sortit une paire d'insectes d'une boite et les caressa jusqu'à ce qu'ils émettent une lueur bleutée. Elle les glissa dans la fiole vide, prit une profonde inspiration et s'enfonça dans l'antre végétale. Elle avançait lentement, ses iris foncés glissant sur les parois et le sol à l'affût du moindre danger. Elle ne vit pourtant pas l'infime différence de couleur du bois qui se déroba brusquement sous son pied. Un trou deux fois plus large qu'elle venait de s'ouvrir et l'écorce était plus glissante qu'une peau de serpent. Elle tenta de s'accrocher au rebord mais ses doigts ne rencontrèrent aucune prise, elle bascula en arrière et dévala la pente la tête la première.

« Splotch... »

Elle venait d'atterrir dans une sorte de gelée gluante. Elle pataugea plusieurs minutes avant de parvenir à extraire la partie supérieur de son corps et avala de longues goulées d'air. Un bref regard, lui appris qu'elle se trouvait dans une sorte de salle circulaire, emplie à moitié de cette matière peu ragoûtante. A quelques mètres, juste au dessus du niveau de l'espèce de marmelade, se trouvait un orifice plutôt étroit. Soudain, elle se figea, quelque chose glissait sur son cou, quelque chose de vivant... Elle pouvait sentir les minuscules pattes griffer sa peau. Elle détendit brusquement le bras pour l'attraper, s'apprêtant à le projeter contre le mur,

« Kitsu ! Andouille, tu m'as fait peur ! »

Le petit animal pencha le museau avant de courir se nicher sur son épaule. Elle secoua la tête en levant les yeux au ciel et traversa la pièce, les traits déformés par une grimace dégoûtée. Elle observa l'ouverture de près, constatant qu'elle devrait ramper en poussant devant elle son sac à dos, elle soupira, déposa son bagage dans le conduit et s'y hissa à son tour, la bestiole à sa suite. Elle détacha la fiole des lucioles de cristal de sa ceinture et la tint devant elle pour être certaine de ne pas la briser. Après ce qui lui sembla une éternité à se tortiller dans le tunnel, elle parvint enfin à un espace plus dégagé et inspira à pleins poumons. Pour un peu, elle aurait commencé à se sentir claustrophobe.

Elle raccrocha la petite boule de verre lumineuse autour de sa taille, elle allait avoir besoin de ses deux mains. Akiko entendait le bourdonnement caractéristique des ailes, le crissement des mandibules. Résolument, elle s'avança. Ils étaient là, les gardiens, avec leurs yeux hideux aux multiples facettes et leurs dards acérés. Elle longea le mur en espérant ne pas se faire repérer. En vain. Tous convergèrent vers elle. Elle dégaina son arme et entama le combat. Elle se fendait, esquivait, frappait de toute ses forces. Ils étaient des dizaines, des vingtaines même... Après de multiples blessures, elle parvint à se frayer un chemin jusqu'au fond de la salle. Elle essuya la sueur qui coulait dans ses yeux d'un revers de la main et s'empara du trésor avant de se précipiter vers l'extérieur.

Elle revint chez elle complètement exténuée mais le cœur gonflé de fierté. Elle fila directement dans sa chambre pour se changer. Elle se débarbouilla rapidement et passa un kimono de soie. Il n'y avait plus qu'à rejoindre Keiko, sa meilleure amie. C'était son anniversaire aujourd'hui et le trésor était son cadeau. Arrivée chez elle, elle lui tendit un paquet rond, large comme un pamplemousse et la félicita pour son entrée dans sa dixième année. La fillette déballa le présent avec un sourire rayonnant.

« Wouaaaah ! Génial ! Merci, merci, merci ! Le miel des abeilles cobalt, c'est le meilleur de tout Guem ! »

Hey ! What did you expect ?



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