De Eredan.

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(Chapitre 17 - Imprévu)
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- Je ne sais pas ce qu’il s’est passé ici, mais on dirait bien que Yakoushou a eu des ennuis, dit Iro en tirant Kusanagi de sa ceinture.
- Je ne sais pas ce qu’il s’est passé ici, mais on dirait bien que Yakoushou a eu des ennuis, dit Iro en tirant Kusanagi de sa ceinture.
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==Chapitre 18 - Retour à Noz'Dingard==
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La marche fut longue jusqu’à Noz’Dingard. La victoire était certes acquise, mais elle le fut dans la douleur, les larmes et le sang. Les grandes barges de cristal créées magiquement ramenaient les nombreux défunts vers leur dernière demeure, glissant lentement sur la route pavée menant à la capitale. Déjà les hautes tours volantes perçant le ciel accueillaient les soldats alors que les habitants de la cité affluaient de partout. Kounok entra le premier, en tête de la petite cohorte, suivi immédiatement par Zahal et les autres chefs des différents corps de l’armée draconienne. Aucun d’eux n’avait le cœur à faire la fête mais Prophète se devait de saluer cette foule impressionnante venue les couvrir d’un honneur gagné sur le champs de bataille. Le peuple avait-il compris l’impact qu’aurait la disparition de Dragon sur l’avenir de leur nation ? La question n’échappa aux principales personnalités occupants des places stratégiques en Draconie.
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La file progressa lentement le long de l’avenue menant au quartier des liés. Anryéna attendait patiemment devant la porte de cristal bleu à double battant, elle se devait d’être là pour accueillir les héros et pleurer les morts. Elle ne retint plus ses larmes lorsque le visage aux traits tirés de son fils lui apparurent. Sautant de cheval Prophète parcouru le reste de la distance à pied avant de serrer fort sa mère dans ses bras, faisant fi du protocole.
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- J’ai le cœur fendu mon fils, mais je suis tellement heureuse de te revoir en vie, dit-elle la joue contre la poitrine de Kounok.
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- Mère, mon cœur est aussi fendu, tant de braves sont morts... Va... Valentin.
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- Je sais cela, coupa-t-elle en relâchant son étreinte et séchant ses larmes. La Draconie pleurera ses héros comme il se doit. Mais avant cela renvoie tes soldats dans leurs foyers, qu’ils se reposent.
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Naya, dirigeante de la caste des Sorcelames, Maître-Mage Marzhin et son fils Pilkim, Ardrakar, Aerouant... ils étaient tous épuisés, aussi lorsque Prophète ordonna le renvoi au foyer chacun fut soulagé. Les au-revoir furent amicaux et promettaient d’un temps nouveau. Les soldats se mêlèrent à la foule recevant les accolades des hommes et les baisers des femmes, libérés de plusieurs menaces.
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Ardrakar, enveloppée dans un simple drap regardait Noz’Dingard du balcon des appartements de son époux au palais. Cette vie qu'était la sienne jusque là, mouvementée, dure, avait prit une tournure qu’elle n’avait pas prévu. Elle souri lorsqu’elle songea à l’avenir, passant sa main sur son bas ventre, elle jugea le moment idéal.
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- Kounok, dit-elle de manière à se faire entendre. Si nous avions un enfant, quel nom porterait-il, demanda-t-elle ?
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Prophète fut surpris par la question, alors allongé sur le lit il se redressa d’un coup.
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- Que... quoi ?
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- Je ne croyais pas cela possible, dit-elle en se retournant vers lui, ses cheveux châtains détachés flottant au vent. Je crois que nous allons être parents dans quelques mois, annonça-t-elle, craignant la réaction de Kounok.
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Ce dernier resta bouche bée, l’air un peu idiot, puis bondit du lit pour enlacer son épouse avec la plus grande tendresse.
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- Quel nom pourrions nous bien choisir ? Ceili si c’est une fille et Krenv si c’est un garçon ? Chuchota Kounok.
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- Ce sont de beaux noms.
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- Je l'annoncerai à mère après les funérailles. Je pense que ça lui mettra un eu de baume au cœur après la perte de son père, et je sais de quoi je parle.
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Ce jour là la pluie battait les flancs des maisons et des tours de Noz’Dingard, contribuant ainsi à l’ambiance morose. Depuis la veille les familles endeuillées parcouraient les allées bordées de cristaux du funérarium. Le chevalier dragon semblait paisiblement dormir dans son cercueil de verre, pourtant il ne foulerait plus la Draconie, ne parlerait plus avec Zahal pour lui prodiguer ses conseils. C’était un homme d’une grande discrétion, vivant simplement aux côtés d’une femme qu’il chérissait et avec qui il avait eu deux enfants, des jumeaux. La femme éplorée se tenait en avant, face au cercueil, elle écouta d’une oreille distraite les paroles de Prophète, comme le devait la tradition de l’ordre des Chevaliers Dragon. Puis une fois fini elle se retourna vers Zahal et plongea son regard dans celui du chevalier. Il avait vu la main se lever et arriver sur sa joue, mais il laissa le geste se finir, il penser amplement le mériter. Puis la colère laissa place à la tristesse et elle embrassa sur chaque joue le chevalier qui pleurait, avant de laisser là les puissants de ce monde.
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- J’ai mérité cette haine, dit Zahal à l’attention de Kounok, je n’ai pas protégé Valentin, tout comme je n’ai pas protégé Ketanir.
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- Allons, tes états d’âme t’honorent, mais Valentin était un chevalier de Dragon, il n’avait pas à être protégé, encore moins par toi. Sa vie fut longue et pleine d’aventures, la peine s’effacera avec le temps, nous lui ferons une cérémonie au temple d’Ehxien demain.
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Une par une les personnalités quittèrent les lieux laissant le chevalier dragon seul face à son ancien maître.
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- Au revoir mon ami, tu m’as tout appris, à mon tour je passerais le flambeau comme tu l’as fait avec moi il n’y a pas si longtemps.
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Zahal posa la main sur le cercueil de cristal, il espérait tant que cela ne soit pas vrai, que cela ne soit qu’un mauvais rêve dont il pourrait s'échapper bientôt. Mais l’eau et les larmes sur son visage lui rappelaient la triste réalité de ce monde brisé.
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- Qui sont ces enfants ? Demanda Ardrakar intriguée à Arkalon venu spécialement de l’Empire de Xzia pour le dernier adieu à Valentin.
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- Valentin avait une famille, une femme certes, mais aussi deux enfants, des faux jumeaux.
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Les enfants se tenaient droits impressionnés qu’ils étaient de voir le temple d’Ehxien, leur mère discutait depuis une bonne demie heure avec Zahal et visiblement la conversation était animée. Depuis la veille le chevalier dragon cherchait un potentiel apprenti à qui il pourrait enseigner tout se qu’il savait. Hors durant son enquête rapide il tomba vite sur un fait peu ordinaire. Une femme se serait faite agresser dans un quartier extérieur de la cité et son salue serait venu de deux enfants déguisés, l’un en sorcelame, l’autre en chevalier dragon. Ils auraient ainsi attiré l’attention de miliciens et permit l’arrestation des agresseurs. Cette histoire peu banale interpella d’autant plus Zahal lorsqu’il apprit le nom des héroïques jeunes gens : Nadarya et Absalon, respectivement fille et fils du chevalier dragon Valentin. Aussi Zahal s’escrimait de négocier auprès d’une mère peu encline à se retrouver seule et endeuillée.
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- Il ne s’agit pas de vous priver d’eux, ils resterons à Noz’Dingard tant que leur formation durera, c’est à dire au moins cinq ans. Vous pourrez les voir quand vous voudrez, je ne pourrais jamais laisser ces enfants sans l’amour de leur mère. J’ai moi même perdu mes parents très tôt.
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- Je n’ai pas envie qu’Absalon devienne comme son père et meurt au combat, je veux qu’il ai une vie paisible loin des conflits.
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- Et si il ne veut pas de cette vie ? Lui avez vous demandé se qu’il désirait le plus au monde ?
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Elle savait très bien se que voulait son fils, ressembler à son père et servir Dragon. cela lui brisa le cœur une fois de plus, mais Zahal avait raison, elle devait les laisser partir et vivre leur vie, quelles qu’elles soient dans le futur.
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- Je... Dit-elle en fixant ses enfants. D’accord, très bien, qu’ils suivent leurs propres voies. Qui va s’occuper de Nadarya ?
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- L’ordre des Sorcelames va l’accueillir, Moîra sera sa préceptrice, vous n’avez aucune inquiétude à vous faire.
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Puis un son cristallin se fit entendre, la cérémonie d’adieu au chevalier dragon allait commencer.
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Un mois plus tard l'entraînement d’Absalon battait son plein. Le jeune garçon s’avérait très appliqué avec une excellente discipline. La leçon du maniement d’épée allait bon train et était l’occasion d’un jeu entre le maître et son élève. L’un courait après l’autre dans les jardins du palais, dérangeant les rares personnes qui y cherchaient un peu de sérénité. Puis Prophète débarqua la mine soucieuse, coupant là l’entraînement.
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- Zahal, j’aurais besoin de toi, enfin de vous, dit-il en regardant l’apprenti chevalier.
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- Nous sommes à tes ordres Prophète.
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- Depuis deux semaines les rapports du Seigneur-Dragon Anselme d’Arpienne ne nous parviennent plus, et aujourd’hui nous venons de recevoir un message de Moîra, le contenu est plus qu’explicite, incroyable et inédit. Le Seigneur-Dragon la chasse de sa cité et de ses terres, il déclarerait ne plus vouloir être sous le joug de Noz’Dingard.
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- Moïra ? Et ma soeur ? Demanda Absalon inquiet.
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- Elle va bien rassure toi. Moîra essaye de temporiser son départ et je veux que tu te rendes sur place pour tirer ça au clair.
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- Anryéna ne peut pas intervenir ?
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- Elle est très occupée par d’autres gros problèmes qui requièrent toute son attention. Je préfère éviter un affrontement direct en t’envoyant là bas.
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- Nous partons sur le champs.
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Version du 16 août 2012 à 12:50

Sommaire

Acte 1 : Tombée du Ciel

Voyage

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Voilà déjà plusieurs jours que les membres de la Kotoba arpentaient les routes impériales. Ils avaient traversé de nombreux villages et, à chaque fois, les habitants prévenus de l'arrivée d'illustres héros, leur avaient offert le gîte et de somptueuses fêtes. Ils avaient quitté Okïa, l'endroit le plus éloigné de la capitale Impériale mais aussi le plus proche du Tombeau des Ancêtres. Le lieu où se trouvait la pierre Tombée du Ciel n'était plus qu'à deux jours de marche.

Ils avaient franchi les grandes portes de Ji construite par leurs ancêtres afin de conduire les morts vers le monde du repos éternel. En cela, ils avaient brisé le traité passé entre la Draconie et l'Empire. Mais peu importait, les temps avaient changé et leur victoire sur les étrangers était acquise. Du moins le pensaient-ils...

Les routes au travers de ces contrées depuis longtemps oubliées n'étaient plus que de vagues chemins. Amaya remarqua alors des traces de pas.

- Là ! Regardez !, s'exclama-t-elle.

La jeune femme montrait du doigt une fumée s'élevant dans les airs non loin de là. Aku s'approcha timidement du Seigneur Impérial.

- Je crois savoir de qui il s'agit. Nous avons rien à craindre d'eux.

Très vite la Kotoba fut sur place. Là attendaient deux personnages énigmatiques. L'un habillé avec fantaisie et la figure maquillée amusait l'autre, un énorme monstre aussi musclé que gras.

- Kyoshiro et Okooni ! S'écria le jeune Iro, des étoiles plein les yeux.

Les deux personnages se retournèrent vers le groupe.

- La Kotoba réunie ou presque. C'est une bonne chose que vous soyez là, leur dit Gakyusha.

Kyoshiro, le plus petit des deux s'avança vers son chef pour le saluer.

- Mon Seigneur, nous avons vu la pierre météore et j'ai su à l'instant où elle s'est écrasée que vous viendriez jusque là.

Sen'Ryaku alla jusqu'au feu pour l'éteindre en l'étouffant.

- Tout ça n'est pas très malin, par contre. Les dragons ne sont pas très loin d'ici, ils vont nous repérer !, lança-t-elle.

En réponse Kyoshiro la regarda dans les yeux puis secoua la tête négativement.

- Ils savent que nous arrivons depuis longtemps. Ne les sous estimez pas !

Campement

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Voilà déjà une bonne journée que les Envoyés de Noz'Dingard avaient monté leur campement au pied de l'immense pierre Tombée du Ciel.

Zahal, Eglantyne et Moîra étaient partis explorer les environs et surveiller l'éventuelle arrivée de leurs ennemis de toujours : la Kotoba. Durant ce temps-là, le reste de la troupe discutait tranquillement, profitant de la relative quiétude des lieux.

Prophète était installé dans un fauteuil de voyage, grattant avec beaucoup d'attention un Kounok couinant de plaisir. Anryéna discutait avec son petit-fils d'un sujet qui passionnait le jeune homme : sa famille.

- Anryéna, vous êtes la mère de Prophète et par conséquent ma grand-mère. Mais Prophète n'a jamais voulu me dire qui était son père.

- Mon petit, il est naturel que tu t'interroges sur la lignée qui est la nôtre. Je pense qu'il y a des secrets que ton père aurait dû te révéler depuis quelques temps déjà et que tu dois connaître. Le jeune homme bouillait d'impatience.

- Je suis la fille de Dragon et de Zaïna la première Sorcelame.

Aerouant ouvrit de grand yeux, la relation devint évidente. Il était l'arrière petit-fils de Dragon ! Assis dans son fauteuil, Prophète écoutait sa mère dont le physique était éternellement celui d'une belle jeune femme.

- J'ai eu deux enfants, ton père est l'ainé. Le second ... Le plus surprenant, est le fait que ton oncle ne soit pas de forme humaine.

- Kounok !! s'exclama Aerouant.

Le petit dragon fixa le cristallomancien avec beaucoup d'intérêt.

- Quand à toi, descendant de Dragon, ta mère n'est autre que l'actuelle dirigeante des Sorcelames, la vénérable Naya. Mais Prophète et elle sont en froid depuis bien des années déjà. Seules leurs fonctions respectives les obliges à se côtoyer.

- Mère, il suffit ! Se sont là des histoires qui ne le regarde pas, du moins pas directement...

Un peu plus loin Alishk était perdu dans sa concentration. Depuis leur arrivée ici, il avait ressenti quelque chose d'étrange avec cette pierre Tombée du Ciel et il était resté ainsi, examinant de tous ses sens magiques l'immense gemme.

Mais il s'était heurté à une sorte de champ de protection dont la nature lui échappait totalement. Nul ne pouvait toucher la pierre. Elle diffusait une douce lumière jaune qui remplissait l'exilé du désert d'une énergie salvatrice.

- Alors Alishk, qu'est ce que ta magie te fait ressentir ?

Le petit garçon qui venait de parler se cachait derrière de grandes lunettes.

- Etrangement je ne ressens rien d'agressif, mais je pressens aussi que cela n'est qu'une façade. Tu devrais peut-être essayer toi aussi de ressentir ce qu'il en est, Pilkim.

- Oui, tu as raison....

Tempête

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Le vent soufflait au travers des branches des arbres millénaires de la forêt des murmures. Moîra, Eglantyne et Zahal avaient fait le tour à l'orée du bois et retournaient vers le campement quand les sens magiques de la plus jeune des Sorcelames s'éveillèrent.

- Nous avons de la visite. Des gens se cachent non loin d'ici.

Zahal fit signe aux sœurs d'aller voir ce qu'il en était. Celles-ci exécutèrent rapidement une passe magique avant de plonger dans l'ombre de la forêt. Le Chevalier Dragon attendit quelques instants avant de s'élancer à son tour dans les broussailles...

Le Seigneur Impérial de son côté avait envoyé Tsuro, Amaya et Ryouken en éclaireurs afin d'en apprendre plus sur les Envoyés de Noz'Dingard et sur les personnalités présentes. Les trois Kotoba s'étaient alors aventurés aux abords du campement "ennemi". Ils virent les Sorcelames et le Chevalier s'éloigner du campement et se diriger vers la forêt. C'était là une bonne occasion de récolter des informations sur ces étranges personnes dont la renommée était parvenue jusqu'aux oreilles de l'Empereur. Les deux traqueurs ne parlaient pas avec leur voix, mais par signes. Ils purent ainsi communiquer en silence et suivre les Envoyés. Bien cachés, ils n'imaginaient pas qu'ils puissent être découverts par des êtres qui, pensaient-il, leur étaient inférieurs. Amaya, encore novice dans l'art de la discrétion, se fit repérer par les femmes de Noz'dingard...

Eux sont les maîtres de l'invisible. Les Combattants de Zil avaient longuement espionné les Envoyés et la Kotoba. Ils avaient repéré leurs victimes. Mais Télendar n'était pas homme à agir sans avoir toutes les cartes en main.

- Soriek, Ergue, Granderage, allez dans la forêt et éliminez tous ceux que vous y croiserez.

Le jeune homme examina Marlok.

- Tu sais manier les éléments si mes souvenirs sont bons.

- C'est exact. Mais il y a longtemps que je n'ai pas utilisé mes pouvoirs.

- Peu m'importe. Fais ce que je te demande.

Le mage obéit à l'ordre donné par son chef. Il se plaça sur un rocher pour avoir une bonne vision d'ensemble et commença à psalmodier des incantations magiques. Rapidement des nuages s'amoncelèrent au-dessus du point d'impact de la pierre Tombée du Ciel. Puis le vent se mit à battre la plaine et la Forêt des Murmures. Marlok continuait ses efforts, mais hélas il n'était pas le meilleur dans la création de tempête et très vite elle échappa à son contrôle, libérant des forces dévastatrices. Des éclairs déchirèrent le ciel et des tornades commencèrent à se former un peu partout. Le mage Zil fut très embarrassé, mais Télendar, lui, se réjouissait de cette déconvenue qu'il trouvait très opportune.

- Allons-y Combattants de Zil, tuons-les, tuons-les tous !!!!

Affrontements

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Alors que la tempête soufflait de plus belle, la forêt des murmures fut le témoin de l'ouverture des hostilités entre les différentes guildes venues jusqu'à la pierre Tombée du ciel. Les Envoyés affrontaient et observaient les traqueurs de Xzia. Chacune des parties jaugeant les forces de l'autre. Jusque là, les traqueurs avaient l'avantage sur leurs opposants. Leur discrétion ne permettait pas aux Sorcelames et au Chevalier Dragon de leur mettre la main dessus. Un évènement inattendu vint alors perturber leur face à face...

Amaya contournait un arbre en même temps qu'elle sortait une lame droite de son fourreau. Elle n'était qu'à quelques pas de Moîra et dans son esprit le tour était joué : elle allait faire une première prise. Alors qu'elle allait bondir sur sa victime, elle sentit un fil au niveau de sa cheville. Le temps qu'elle réalise ce qu'il se passait, il était trop tard. Un filet habilement caché sous des feuilles mortes se referma sur elle. Le bruit avertit alors Moîra.

- Et bien alors, voilà une souris prise au piège !

- Sors-moi d'là, foutue sorcière ! Railla la traqueuse.

- Mais ce n'est pas moi qui vous y ai...

La Sorcelame s'interrompit brusquement en entendant des bruits de pas précipités. Elle se retourna et vit sa sœur foncer vers elle.

- Baisses-toi ! cria-t-elle à sa sœur. Eglantyne plongea au-dessus de sa sœur, la rapière à la main.

Tsuro, observant sa jeune élève, ne pouvait la laisser dans cette situation. Profitant de l'agitation du combat, il fit le tour et grimpa sur l'arbre auquel le filet était attaché. Le vieux traqueur escalada sans bruit les branches et se retrouva nez à nez avec une créature verte qui le regardait avec de grands yeux.

- SSsssSss pas touche vilaine mouche ou gare à ta bouchheee !

Tsuro sauta et mit un violent coup de pied qui fit chuter Granderage qui se réceptionna sans mal sur ses pattes reptiliennes avant de mettre les voiles. Le traqueur coupa la corde tout en effectuant un bond vers le sol, fit une roulade et se retrouva contre Granderage.

- Je ne sais pas qui tu es, mais tu vas avoir de sérieux problèmes.

Granderage ne répliqua pas, car elle préparait un mauvais coup. Elle l'occupait le temps nécessaire pour que Ergue puisse frapper vite et fort. Mais on n'apprenait pas au vieux singe à faire la grimace. Et surtout, Amaya, qui venait de se libérer, sauta sur Granderage au moment même où Ergue passa à l'action. Laissant son plan tomber, car cela ne se passait vraiment pas comme il le souhaitait, le chasseur lança son étrange arme en forme de cercle vers le traqueur qui eut juste le temps d'esquiver l'attaque.

Eglantyne et Moîra se relevèrent. Dans leur chute, elles avaient vraisemblablement atterrit sur quelque chose caché dans un fourré. Des bruits sourds commencèrent alors à s'en échapper. Une énorme créature à la peau bleue en sortit. Soriek s'élança vers les deux soeurs. Eglantyne engagea alors une attaque rapide, mais la créature para les coups de son adversaire. Cependant, arrivant de nulle part, Aez brandit son fléau pour protéger ses alliées et envoya valser Soriek...

Exécution

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Alors que les premiers affrontements avaient lieu, à la frontière entre le Tombeau des Ancêtres, la Draconie et les Sept Royaumes, Dame Jeanne était depuis quelques temps déjà à la tête d'une mission au temple de Precadès. A la fois couvent, auberge et hospice, le temple était en permanence fréquenté par des voyageurs ou par les habitants des environs venus se faire prodiguer des soins ou simplement passer une nuit avant de reprendre la route. En effet, les nones de Précadès étaient reconnues pour leur foi sans faille à leur divinité : la déesse Méra. La jeune femme avait grandi en ces murs, aimée par ses sœurs. Elle suivait la voie qui lui était destinée, venir en aide à son prochain. Elle avait trouvé sa place dans ce monde souvent hostile...

- Jeanne...

La jeune femme était en train de prier dans une petite salle voutée où elle aimait se réfugier de temps à autre. La voix était celle d'une femme. Elle était douce et chaleureuse mais totalement irréelle. Son sang ne fit qu'un tour, la présence qu'elle ressentit lui était déjà très familière, mais jamais Méra n'intervenait directement dans la vie de ses servants. Elle ne bougea plus d'un pouce de peur que la présence ne s'en aille.

- Jeanne... Je suis ton existence avec beaucoup d'intérêt...

Cette révélation serra fort le cœur de la jeune femme, des larmes coulèrent sur ses joues rougies par les émotions. Elle ne pipa mot.

- Jeanne... une épreuve t'attend là où est tombée la pierre. Va ma fille et n'oublie pas que je suis toujours avec toi.

Elle remercia le ciel de cette attention. Mais Dame Jeanne ne s'attendait pas à ce que cette épreuve vienne aussi rapidement...

- Adieu ! la voix du Traquemage était étrange, comme modifiée par le masque qu'il portait.

La pauvre femme passa de l'intense joie d'avoir communié avec sa déesse à la peur du Traquemage, ce dernier s'étant fait une réputation depuis bien des années par ses exécutions sommaires et ses assassinats spectaculaires. Il appuya sur la gâchette, mais le résultat ne fut pas celui attendu. Un mince voile de lumière entoura la silhouette généreuse de Jeanne et le rayon projeté par le pistolet rebondit alors sur la protection et vint percuter l'épaule de l'assaillant.

Les règles du Traquemage était strictes, si jamais une exécution tournait mal, la solution était le repli. Ni une ni deux, il passa au travers d'un vitrail dans un fracas qui attira l'attention des pèlerins présents. La situation empirait pour le Traquemage. Les rares personnes à l'avoir jamais vu étaient soit mortes soit proches de l'être.

- Suis-le, Jeanne !

La voix de Méra résonnait dans sa tête. N'étant pas très agile, elle courut comme elle pu pour sortir du temple. Les personnes présentes comprirent rapidement ce qui venait de se passer car la jeune femme brillait encore du halo divin. Ils lui firent signe et lui montrèrent le chemin qu'avait pris l'assassin. Tout était confus en elle. Des tas de questions lui venaient, mêlés à son excitation et à la peur. La trace était facile à suivre. Il y avait de nombreuses tâches de sang qui la menèrent dans le Tombeau des Ancêtres. Au loin, la tempête provoquée par Marlok déversait sa rage et, hélas pour Dame jeanne, le Traquemage fonçait tout droit dans cette direction.

La blessure de ce dernier semblait plus grave qu'il ne l'avait pensé.

- Je dois trouver l'autre, il m'aidera à arrêter l'hémorragie et dissipera cette maudite théurgie qui me ronge.

Son costume était brûlé au niveau de son épaule droite et une partie de son casque était brisée, laissant échapper une chevelure longue et brune...

Vengeance

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Il n'en fallait pas plus pour que les Envoyés de Noz'Dingard et la Kotoba ne se jettent dans une bataille. La tempête avait servi de prétexte aux deux camps pour s'accuser l'un l'autre. Le campement des Draconiens fut ravagé en peu de temps par la fureur de cette haine ancestrale. Mais, plus la bataille avançait et plus Prophète sentait que cette tempête n'était pas l'œuvre des étrangers de Xzia. La magie employée ressemblait à celle que maniaient certains apprentis de Noz'Dingard. Il décida de mettre fin aux intempéries afin que la magie de Dragon ne soit plus perturbée. La pluie cessa, le vent se tut et l'incontrôlable magie se dissipa.

C'est ce moment précis qui donna l'occasion à Aku de se libérer du sceau qui retenait sa fabuleuse puissance. La fine feuille de papier bloquant la magie d'Aku se déchira et brûla d'un coup. Aussitôt, il convoqua Akujin qui miaula de plaisir en le revoyant. Et pour cause, le Cherchefaille avait l'emprise sur Aku depuis le premier jour où leurs chemins s'étaient croisés.

- Nous voilà libre, lâcha le jeune homme avec soulagement.

- Tu crois ça ?

Aku reconnu immédiatement la voix de son ancien maître. Toran était là devant lui le fixant de ses yeux vengeurs. Il y eut comme un moment hors du temps où maître et élève se jaugeaient, puis Akujin ouvrit les hostilités et força Aku à se joindre à lui pour devenir Akutsaï. Toran attendait ce moment depuis des années. Il allait enfin venger les siens tués par son arrogance et son ignorance. Les tatouages du vieil homme commencèrent à bouger puis sortirent de son corps dans une apparition spectrale. Les deux Tsoutaïs se lancèrent l'un contre l'autre, s'échangeant de puissants coups, se poursuivant au travers du Tombeau des Ancêtres. Mais Akutsaï n'arrivait pas à prendre le dessus sur son maître. Le fait que ce dernier ait deux Cherchefailles faisait de lui un adversaire à sa hauteur. En dehors des traqueurs de Xzia, personne ne l'avait jamais mis en défaut et surtout pas les Tsoutaïs. Akutsaï se cacha dans les ruines même du Tombeau des Ancêtres, une ancienne ville de l'Empire que les affres de la guerre avaient entièrement ravagée. Toran avait tout prévu. Son plan était infaillible et sa vengeance serait implacable. Il avait poussé son ancien élève à le suivre là où il le voulait. Il avait préparé un antique rituel Tsoutaï qui avait servi à vaincre autrefois Akujin. Tout se passa pour le mieux du monde. Il s'était entraîné depuis des années dans l'attente de cette confrontation. Il avait poussé à son paroxysme l'art ancestral des Tsoutaïs. Les meilleurs ennemis se retrouvèrent au centre du village en ruine. La nuit tombait lentement et plusieurs heures s'étaient écoulées. Toran fit croire à son ancien élève qu'il était désormais trop faible et s'agenouilla à quelques mètres de lui.

- Hahahaha ! Le puissant Toran est à mes pieds. Qu'est-ce que cela fait de savoir que tu vas rejoindre tes chers amis ? Te sens-tu libéré ?

Toran plissa les yeux et fixa Akutsaï.

- Libéré ? Oui, bientôt. C'est surtout Aku que je vais libérer.

Alors que la nuit étendait son manteau de noirceur sur le Tombeau des Ancêtres, apparurent autour des deux Tsoutaïs des formes évaporées, pâles comme des fantômes.

- Tu les reconnais ? Ils sont venu pour toi Akujin, ils sont venus me donner la force de réaliser mon vœu le plus cher. Dans ta fureur et ton emprise sur Aku, tu ne fais plus appel à ses connaissances. Regarde le sol.

Akutsaï reconnut effectivement ceux qu'il avait tués quelques années auparavant. Le sol se mit à luire, dessinant des formes complexes. Mas il n'eut pas le temps de se questionner d'avantage. Les deux Cherchefailles plantèrent leurs crocs dans les bras du monstre, un de chaque côté. Toran commença alors le rituel et psalmodia d'antiques prières. La magie immobilisa Akutsaï qui commençait à ressentir une intense douleur. Puis les Cherchefailles tirèrent chacun de leur côté comme s'il voulaient déchirer une feuille de papier. La douleur était trop forte. Il comprit alors ce qu'il se passait. Après quelques minutes, les deux entités étaient de nouveau séparées. Aku tomba au sol, évanoui. Quant à Akujin, il luttait à présent pour se libérer de l'emprise de Toran.

- Akujin, je te bannis de cette terre. Ne pouvant te tuer je vais t'enfermer à jamais. Je brise ainsi l'emprise que tu as sur Aku.

Le vieil homme déroula un parchemin où des milliers de symboles avaient été dessinés. Ces derniers se mirent à émettre une lueur rouge. Akujin disparut, aspiré par le parchemin. Toran s'inclina devant les fantômes qui s'étaient entre temps placés en cercle autour d'eux.

- Merci à vous, vous pouvez enfin reposer en paix, vous êtes vengés.

Le Monstre

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Les combats mettaient à sac la Forêt des Murmures. Ergue et ses acolytes étaient tenus en échec par la coalition de fait de Tsuro, Amaya, Eglantyne et Moîra. Le vent arrachait branches et feuilles, réduisant la visibilité des combattants.

Acculés, les Combattants de Zil ne comptaient plus sur l'effet de surprise mais sur l'étonnante faculté du chasseur. Ergue attrapa une bourse de cuir souple et détacha précipitamment la cordelette usée par le temps. S'en extrait alors une poudre blanche qui au contact de l'air se forma en brume et commença à se répandre comme si elle voulait occuper tout l'espace qu'on lui donnait.

A ce moment-là, le vent se tut et le soleil perça les cimes des arbres de ses rayons. Très vite, la brume monta, gênant la visibilité des traqueurs et des Sorcelames qui cherchaient leurs adversaires. Pendant ce temps, Ergue avait entamé comme une sorte de rituel, une litanie aux sons exotiques. Il était l'un des rares à connaître ce secret gardé par les habitants d'une lointaine île. Des bruits de tambour se firent entendre, d'abord sur un rythme lent, puis de plus en plus rapidement.

Moîra et Eglantyne ressentaient que quelque chose d'anormal se passait. Une magie étrange était à l'oeuvre et cela ne leur plaisait pas. Quant aux traqueurs, dès l'apparition de la brume, ils s'étaient tous deux mis dans une position martiale et faisaient des signes en répétant les mêmes mots dans leur langue natale. Visiblement, eux aussi se doutaient d'une entourloupe de la part de leurs agresseurs. Et ils avaient raison. Ergue, à l'abri des regards ennemis accomplissait une danse particulière. Soriek et Granderage ne bougeaient pas d'un poil alors que le chasseur leur tournait autour. C'est alors que toute la brume se retira tout comme elle était apparue et ceux qui tendaient l'oreille auraient entendu comme des mots dans un dialecte très primitif. Elle se concentra alors autour des Combattants de Zil, les rendant invisibles aux yeux des observateurs extérieurs. Enfin, elle disparut et en lieu et place des trois acolytes, il ne restait plus qu'un monstre, un hybride parfait, colosse immense à la peau parfois verte, parfois bleue, aux griffes tranchantes arborant la corne de Soriek.

- Et maintenant place au spectacle !!! S'exclama la chose d'un mélange de trois voix. Elle bondit, déracinant les jeunes arbres comme s'il s'agissait de simples brindilles. Ses adversaires entendirent les craquements des branches cassées.

- Préparez-vous, ce qui arrive est puissant. Amaya, Kaïdan !

La jeune femme regarda son maître avec étonnement et réagit d'un coup. Un masque de couleur rouge assez effrayant apparut dans sa main. Elle le plaça instinctivement sur son visage avant de disparaître.

Les Sorcelames aussi réagirent prestement. Moîra se plaça devant sa sœur et commença à incanter un enchantement pour son arme. Sa sœur, elle, entama une sorte de prière.

- Ô Dragon, accorde à tes servantes le pouvoir nécessaire pour vaincre. Fait que l'esprit de ma sœur et le mien soient en harmonie.

C'est alors que la créature arriva à leur niveau. Le monstre s'arrêta net devant la petite assemblée.

- HAHAHAHA ! Vous auriez dû fuir pendant que vous le pouviez encore !!! Vous êtes perdus !

- Que tu crois ! S'écria Tsuro. A son tour, un masque apparut dans sa main. Le traqueur s'en équipa et s'élança vers la créature.

Le combat s'engagea, mais cette fois-ci l'intensité était toute autre ! Ce qui était jusque là une simple escarmouche se transforma en véritable bataille où les vies étaient désormais en jeu. Le sang ne tarda pas à couler. L'offensive de l'Abomination était redoutable. Les coups assénés par Tsuro et Moîra semblaient n'être que des piqûres de moustique. Rapidement, le monstre prit le dessus. Moîra, pourtant endurante était à bout de souffle. Tsuro quand à lui déployait tout son art de traqueur, mais hélas sa spécialité était la neutralisation de mages, pas l'affrontement contre les monstres.

Quelques minutes plus tard, les protagonistes étaient au bord de la rupture. Blessés et fatigués leur moral coulait à pic.

- Eglantyne... tu y arrives ???!! Il va nous faire la peau ! Moîra sentit une énergie familière, celle de Dragon. Ses blessures se refermèrent. Sa volonté et son courage de venir à bout de cette abomination furent ravivés. Eglantyne se posta à côté de sa sœur, un dragon de fumée bleue s'entoura autour d'elles. Leurs rapières flamboyèrent d'un feu bleuté et étaient aussi légères qu'une plume. Les demoiselles se jetèrent sur le monstre qui hurla à chaque estafilade.

De son côté, Amaya aussi avait fini sa préparation. Elle avait gravé des symboles traqueur sur les arbres des alentours. Elle fit signe à son maître et ce dernier se mit en position d'attaque. Un idéogramme dans un cercle apparut sur le sol au-dessous de lui. Le symbole palpita quelques secondes et disparut d'un coup. Le vieil homme frappa l'abomination avec une vitesse incroyable. Chaque coup porté fit mouche. Le monstre attrapa Eglantyne par le pied, la souleva pour la jeter sur le traqueur qui esquiva. Folle de rage, Moîra enfonça la lame de son épée dans le dos du monstre qui hurla de douleur. Tsuro en profita alors pour utiliser une technique particulière héritée des grands maîtres de sa famille. Il toucha plusieurs points névralgiques en priant que cette créature soit constituée comme un humain classique. Et, par miracle, cela fonctionna. L'abomination tomba raide au sol, une brume blanche s'échappa d'elle et réapparurent en lieu et place les trois Combattants de Zil...

La mort de Prophète - Chapitre 1

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La nuit avait recouvert le Tombeau des Ancêtres de son manteau de ténèbres. Les Envoyés de Noz'Dingard et la Kotoba s'étaient retranchés chacun de leur côté. L'art ancestral du maniement des armes faisait jeu égal avec la magie. Les combats avaient duré toute la journée. A présent, le calme revenait sur la région. Ou presque. Car dans l'ombre des plans s'ourdissaient...

Les mots raisonnaient dans la tête de Télendar et de ses acolytes. L'ordre était simple : tuer Prophète. L'homme mystérieux ne les avait pas choisi par hasard, sélectionnant des êtres sans remords, spécialistes de l'assassinat et des coups fourbes. Le chef des Combattants de Zil avait tué à de nombreuses reprises, prenant un plaisir non dissimulé à chaque fois.

Cette fois le plan était simple : diviser pour mieux frapper. La première partie avait fonctionné avec succès. Ergue, Soriek et Granderage avaient été envoyés pour créer une diversion. Pendant ce temps, Télendar en avait profité pour analyser ses ennemis et connaître toutes leurs faiblesses. La Kotoba ne serait pas un danger si loin du lieu du crime, Gakyusha préférant monter un camp de l'autre côté de la pierre tombée du ciel.

- Ma chérie, on va bien s'amuser. L'enthousiasme de Silène fit sourire sa sœur.

- J'espère bien, on s'ennuie un peu depuis que nous sommes arrivés. Télendar nous a promis de l'action.

Le jeune homme se gratta l'arrière de la tête.

- Ah ? J'ai dit ça moi.... Oui, vous avez raison. Si tout se passe selon mes plans, ce soir va être un grand soir pour les Combattants de Zil. Nous allons montrer à tous qui nous sommes et que nous valons bien mieux que ces fausses guildes ! N'oubliez pas, vous devez les attirer le plus loin possible le temps que j'accomplisse ma tâche. Marlok ne devrait pas tarder à lancer son offensive.

Les deux Guémélites répondirent en cœur un « Oui chef ! » des plus joyeux. Aussitôt Télendar disparut dans des volutes de fumée. Les sœurs, quant à elles, se mirent à courir en direction du camp des Envoyés.

Ces derniers s'étaient retranchés dans ce qui restait de leur campement, en partie mis à mal par la tempête. Les voiles des tentes claquaient au vent et la plus part de leurs affaires étaient éparpillées dans la boue.

Le jeune Pilkim commençait déjà à ramasser ses précieux rouleaux. Bien qu'admis dans cette guilde depuis peu grâce à ses facultés magiques incroyables, il n'en restait pas moins un jeune étudiant et cette jeunesse était pour lui une faiblesse. Il suivit les parchemins qui s'étaient envolés en dehors du camps. Il n'était pas vraiment attentif à ce qu'il se passait autour de lui, perdu dans ses pensées. Il finit par ce cogner dans un rocher.

- Aïïeuuhh ! Lâcha-t-il, surpris. Qui m'a mis un truc...

Il s'arrêta net lorsqu'il vit de quoi il s'agissait vraiment. Un énorme golem de cristal vieux et sale.

- Waouu ! S'extasia Pilkim ! Un golem... de cristal...

Le jeune garçon se mit tout de suite en garde, sentant que quelque chose clochait. Et pour cause. Une personne arrivait dans son dos.

- Salut petit, t'es perdu ?

Pilkim se retourna pour faire face à celui dont la réputation n'était plus à faire : Marlok, le traitre. Immédiatement le jeune mage lança un sortilège de rempart de glace pour faire barrage à Marlok et à son golem et, ce, avant de s'enfuir sans attendre son reste.

Il cria suffisamment fort en gesticulant pour que tous les Envoyés l'entendent.

- AAAAHHH Y A MARLLOOOOKKKK !!!

C'est à ce moment précis que Silène et Sélène attaquèrent à la surprise générale, suivies de prêt par Marlok et son golem. L'effet attendu eu lieu, un chaos total régnait sur le campement ! La rage des sœurs et la puissance du mage exilé désorganisa les troupes draconiennes. Anryéna repéra très vite son ancien apprenti et prit sur elle de le remettre à sa place. Le mage Zil voyant la descendance de Dragon arriver vers lui recula doucement, gardant en tête que le but était de les éloigner de la cible.

De leur côté, les sœurs étaient aux prises avec Aerouant, Alishk et Pilkim. Les sortilèges fusaient de toutes parts sans parvenir à toucher les Guémélites, habituées à affronter des mages. Ils dévastèrent le campement qu'ils venaient juste de remettre en ordre, en ajoutant cette fois des flammes ravageuses. Après quelques échanges, les mages de Noz'Dingard s'organisèrent et prirent le dessus. C'est à la faveur de la nuit que Silène et Sélène choisirent de mettre un peu de piment dans le combat. Depuis toujours, ces deux-là avaient la faculté de se transformer en une seule créature : Ombreuse. La surprise fut de taille tant la créature surprenait par sa dimension et sa formidable apparence. Elle ressemblait à un serpent d'ombre au buste de femme et à quatre bras.

Le chef des Zil, quant à lui, s'était approché de sa proie au moment de l'attaque. Avec dextérité il lui griffa le dos, non pas pour le blesser mais pour attirer son attention. Une fois le coup donné, l'assassin Zil recula de façon à attirer Prophète dans ses filets.

- Évidemment, les charognards ne sont pas loin ! Je reconnais bien là la bassesse des Zil !

Le maraudeur ne répondit que par une attaque rapide puis un recul. Cela énerva un tant soit peu le mage Noz qui commença à incanter de puissants sortilèges. Mais Télendar ne se laissa pas avoir et esquiva à chaque fois, faisant toujours face à son adversaire. Ce petit manège dura le temps nécessaire à la mise en place du traquenard. C'est dans un endroit presque clos que se passa l'un des drames qui allait changer à jamais le destin des Combattants de Zil et des Envoyés de Noz'dingard.

- Tu es fait, comme le rat que tu es ! Jeta Prophète satisfait de sa prise.

- Tu crois ?? Le sang de Dragon coule en toi et te remplit d'orgueil...

La voix provenait de quelqu'un surplombant la scène, habillé de noir.

- Toi ! Cria le mage avec rage, je croyais les gens de ton espèce disparus à jamais.

- Il ne faut jamais dire jamais...

L'inconnu laissa tomber une gemme et Télendar la ramassa rapidement. Prophète ouvrit de gros yeux à la vue de cette chose.

- Je vois que tu as compris, demi-dragon, que pour toi la mort est la seule issue.

Télendar frappa de toute ses forces. Prophète riposta avec ses plus puissants sortilèges d'éclairs mais la pierre autour du cou de son adversaire le protégeait. Vint alors le moment fatidique où les griffes du maraudeur se plongèrent dans le poitrine du mage. Le sang coula...

La mort de prophète - Chapitre 2

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Sous le regard de l'Inconnu, Télendar jeta le corps de Prophète au sol et l'acheva en lui plantant une griffe dans la gorge. Ainsi périt Prophète.

- Tu fus autrefois un adversaire plus vaillant que cela, se vanta l'Inconnu.

Le Dragon sentit la rupture soudaine entre son Prophète et lui, le blessant profondément. Tous les Envoyés de Noz'Dingard surent que quelque chose de grave venait de se passer. La pensée semi-collective avertit tout le monde de la disparition de leur dirigeant. Anryéna fut la première à réagir. Son premier sentiment ne fut pas la tristesse, mais la colère.

- Qu'avez vous fait maudits Zil !!!???, hurla-t'elle avec rage. Qu'avez vous fait !!!??

Son apparence changea. Ses traits humains devinrent reptiliens. Des ailes percèrent ses vêtements en haut de son dos. Aussitôt, Kounok se transforma en un draconoïde de grande taille, lui aussi dans une rage non feinte.

- Vous allez payer !, cracha-t'il avant de se jeter sur Ombreuse, aidé de Pilkim dont les larmes coulaient sans qu'il n'ait pu les retenir.

Aerouant mit un certain temps avant de se ressaisir. Outre le lien filial, il était lié à son père car lui ressemblant énormément. C'était lui qui l'avait initié à la magie de Dragon et à la cristalomantie dans laquelle il excellait. Son cœur se serra lorsqu'après un rapide coup d'œil autour de lui il ne vit pas Prophète. Tout cela n'était pas un rêve. Et là, à son tour, il explosa. Faisant appel à toute la magie qui l’imprégnait, il souhaita être auprès de son père. La voix ancestrale de Dragon résonna dans sa tête : « Exaucé ».

Instantanément, il se retrouva sur le lieu du crime. Prophète gisait là sans vie. Il serra alors son père dans ses bras avec tout l'amour qu'il avait pour lui. Il ne retint pas se larmes.

- Mais qui voilà, le fils fils à son papa, ricana Télendar.

- Débarrasse-nous de ce gêneur, ordonna l'Inconnu.

Le jeune homme ne répondit pas et fixa l'assassin. Il laissa éclater sa colère dans un attaque fulgurante. Des cristaux apparurent sur les poings du mage, puis une armure protégea son corps. Télendar fut très surpris de cela. La pierre-cœur noircie ne le protégeait que des sortilèges qu'on lui lançait. Ce mage de Noz'Dingard était bien différent de Prophète. De son côté, Aerouant n'avait plus qu'une seule chose en tête : faire mordre la poussière à cette ignoble créature. Mais le bougre savait se battre et il n'avait pas l'avantage. Le jeune homme vit alors la pierre accrochée à la cordelette autour du coup de Télendar, et tout s'éclaira. Une pierre-coeur noircie ! Il n'en avait jamais vu, mais grâce à ses talent de cristalomancien, il pouvait faire quelque chose. Il fit appel à la puissance des lieux. Alors des cristaux effilés et gigantesques sortirent du sol dans un tremblement sourd. Télendar savait que son adversaire préparait quelque chose contre lequel il ne pourrait probablement rien. L'Inconnu qui observait jusque là perdit son sourire moqueur et laissa place à une moue d'inquiétude.

Aerouant était un spécialiste des cristaux et des pierres-cœur. Celle de Télendar était visiblement corrompue et il fallait la lui retirer. La barrière de protection cristalline protégeait Aerouant. Il capta la magie contenue dans les cristaux qui se désagrégèrent puis se concentra sur la pierre-cœur noircie. Le chef des Zil hurla de douleur tenant la pierre comme s'il s'agissait effectivement de son cœur.

- Je vais te libérer de l'emprise de l'insidieux et tu paieras pour ton meurtre !

L'Inconnu s'élança vers Télendar et lui arracha la pierre-cœur des mains. D'un revers de sa main libre, il incanta rapidement un puisant sortilège d'ombre les plongeant dans d'impénétrables ténèbres. Peu de temps après, l'ombre se dispersa. Hélas pour Aerouant, ses adversaires n'étaient plus là.

- Lâches, les Envoyés vous retrouveront où que vous soyez !!!

Les ennemis partis, la colère céda la place à la tristesse. Anryéna, qui venait d'arriver après s'être défoulée sur Ombreuse, était penchée sur le corps de son enfant et lui caressa amoureusement la tête.

- Je te ramène auprès de Dragon mon enfant, ton esprit et ton corps ne feront qu'un avec lui. Aerouant, le temps qu'un nouveau Prophète ne s'annonce, tu prends la tête des Envoyés.

Un halo de lumière bleue se propagea autour d'eux, puis ils disparurent, laissant les Envoyés de Noz'Dingard sans chef et un Aerouant rongé par la tristesse, la colère et le doute.

Au loin, Tsuro et Amaya avaient discrètement suivi toute la scène et firent leur rapport au Seigneur impérial.

- Seigneur, le chef des Envoyés de Noz'Dingard est mort, assassiné par un félon Zil.

Gakyusha but une gorgée d'un alcool xziarite et sembla songeur.

- Les Envoyés n'ont plus de chef, nous pouvons considérer que la pierre est à nous. Mais cela m'attriste que Prophète soit mort ainsi, par traitrise. Honorons sa mémoire car c'était un adversaire des plus valeureux.

Chronique du Roi

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Je suis Aez, autrefois j'étais le prince d'Avalonie, aujourd'hui je suis roi. Mais, durant un temps, j'ai erré comme une âme en peine, en proie à une soif infinie de vengeance.

Comme je vous le disais, je suis né premier fils de Mirion et j'étais destiné à lui succéder le moment venu. Hélas, un tragique événement m'empêcha d'accéder au trône. Il y a quelques années, comme tous les princes des 7 royaumes, je me devais de séjourner pour 2 ans dans une des familles royales. J'avais choisi de faire cet apprentissage chez les Valdoria avec qui nous entretenions d'excellents rapports. Nos parents respectifs m'avaient d'ailleurs promis à Myrie, leur fille cadette. Rien ne pouvait aller mieux que cela. Je faisais pratiquement partie de leur famille et les connaissances acquises étaient précieuses pour mon futur règne.

Mais vint un funeste jour. Alors que je m'entrainais dans la cour du château, un messager arriva au galop. Il portait les armoiries de ma famille. Celui-ci portait une cape noire, signe de deuil. Etait-il arrivé quelque chose dans mon royaume ? Le brave homme ne me remarqua pas et fonça directement vers la salle du trône.

Peu de temps après, Myrie arriva en courant vers moi, les larmes aux yeux.

- Aez... Le roi d'Avalonie... ton père.

Elle s'arrêta, tombant en sanglots.

- Et bien ? Parle ! Qu'y-a-t'il ?, lui dis-je le cœur tambourinant.

- Il a rejoint tes ancêtres...

Ce fut là comme un coup de poignard en plein torse.

Je partis immédiatement en Avalonie afin d'en apprendre plus sur toute cette histoire. Ma mère m'accueillit l'air grave et au combien triste. On m'informa donc que mon père, recevant des Xziarites de passage en notre demeure, aurait soi-disant injurié l'Empereur en personne. Il y aurait alors eu un combat entre lui et un jeune guerrier. Ce dernier l'aurait vaincu et mon père de son grand âge n'y aurait pas survécu. Et pour cause, le vainqueur aurait réclamé l'épée des 5 ancêtres comme présent du perdant au vainqueur. Les Xziarites seraient repartis dans la foulée emportant la précieuse lame.

En effet, la coutume voulait que pour devenir roi d'Avalonie il fallait brandir cette épée. L'épée des 5 ancêtres fut forgée il y a plus de deux cent ans par le premier de nos rois. Sans elle, impossible d'accomplir mon destin. Je devais donc me lancer dans une quête pour la reconquérir. Je laissais les rênes du pouvoir à ma mère qui devint régente. Je partis alors à travers le monde à la recherche de ce qui me revenait de droit.

Trois longues années passèrent, trois années de vagabondage et de pistes ne menant qu'à des chemins sans issue. Qui étaient donc ces Xziarites ? J'ai traversé une bonne partie de l'Empire sans que nul n'ait jamais vu l'épée des 5 ancêtres. C'est lorsque je quittai l'Empire que la pierre tombée du ciel s'écrasa non loin de là.

Là-bas, un conflit semblait avoir éclaté entre plusieurs guildes. Je n'avais jamais trop prêté attention à ces groupes jusqu'à ce jour. Mais, est-ce par chance ou qu'enfin il était temps pour moi de prendre ma revanche, je trouvais enfin le voleur d'épée. Mais ce n'était qu'un jeune homme d'une quinzaine d'années. Comment avait-il réussi à défaire mon père ? Je l'observai quelques jours et je compris. Son talent dans l'art de manier les armes étaient impressionnant. Moi-même je n'aurais pu le battre ! Le destin s'acharnait-il sur moi que je ne puisse être à la hauteur de ce Iro ! En plus, il n'était pas seul. Il était entouré de guerriers qui, ma foi, semblaient aussi redoutables les uns que les autres. Néanmoins, n'étant pas un couard, je me présentai à leur chef et je défiai cet Iro. Mais le combat tourna court, j'étais trop lent et trop lourd dans cette armure, mon fléau ne fit que le frôler. Je ne vous raconterai pas cette honteuse défaite.

J'étais désespéré, Avalonie allait devenir à son tour une terre ouverte au Grand Tournoi. C'est alors que j'ai rencontré un individu qui me permit de devenir ce que je suis aujourd'hui. Je me souviendrai toujours de cette conversation.

- Il y a un temps pour tout. Un temps pour la tristesse, un temps pour agir et un temps pour la vengeance.

C'était un étrange petit monsieur, assit sur un drôle d'engin flottant au dessus du sol.

- Qui êtes-vous ?, lui dis je. Vous ne voyez pas que vous m'importunez.

- Si, je le vois. Et je sais ce qui vous chagrine et comment faire en sorte que votre honneur soit rétabli.

A ces paroles, il ajouta le geste en me tendant un objet rond avec des aiguilles.

- Qu'est-ce ?

- Ceci te permettra d'obtenir ce que tu veux. Il va te falloir être malin et bien réfléchir à ce que tu vas faire. Exploite les faiblesses de ton ennemi.

- Pourquoi faites-vous cela pour moi ? On ne se connait pas.

- Je sais bien. Disons que nous ne nous connaissons pas encore. Enfin bref ! En échange de cela, un jour je viendrai te demander quelque chose de très important. Tu te souviendras de la dette que tu as pour moi et tu accepteras.

Tout cela était bien énigmatique. J'en avais vu des choses particulières, mais celle-là dépassait tout. On m'offrait l'occasion de faire mes preuves. J'acceptai.

Aussitôt, les aiguilles de cet objet se mirent à tourner à vive allure et tout se brouilla autour de moi. Je perdis rapidement connaissance. Lorsque je revins à moi, je n'étais plus au même endroit, mais à ma grande surprise dans une grande cité Xziarite qui s'avérait être Méragi la capitale impériale. Pourquoi m'avoir envoyé ici ? Certes, mon adversaire venait de cet endroit, mais il était à des lieues d'ici. Je vis alors un attroupement de personnes qui semblaient fêter quelque chose. Je me renseignai à ce sujet. Il s'agissait du passage de Iro, le champion de l'Empereur, qui venait encore une fois de vaincre un grand combattant. Je cherchai du regard afin de voir s'il s'agissait bien du même Iro et, effectivement, c'était bien lui. Mais son apparence avait bien changé. Il était désormais bien plus vieux que moi. Impossible !

J'essayai de comprendre la situation. J'étais donc à Méragi, probablement dans le futur. Et maintenant, que devais-je faire ? Je me renseignai alors sur cet Iro, car au final je ne savais rien de lui et les renseignements que j'obtins de la population me permirent de préparer ma revanche.

Quelques jours plus tard, j'avais enfin un plan. Je me rendis donc au palais impérial et m'arrêtai devant les gardes.

- Moi, Aez prince d'Avalonie, lance un défi à Iro, champion de sa majesté l'Empereur de Xzia.

Les gardes furent surpris. Puis l'un d'eux s'en alla prévenir qui de droit. Un peu plus tard, un homme, visiblement un servant, vint me chercher pour m'amener dans une grande pièce que je reconnus comme la salle du trône. Je remarquai cependant un fait particulier. Il y avait accroché aux murs de très nombreuses armes, principalement des épées. Mon cœur s’arrêta un instant en voyant la lame de mes ancêtres. Là, au milieu, m'attendait Iro. Nous étions entouré des gens de la cour médisant sur mon compte, me condamnant à une défaite rapide. Visiblement, il ne me reconnaissait pas, à mon avantage.

- J'accepte ton défi, étranger, et j'offrirais cette victoire à l'Empereur. Tout cela devrait être terminé assez rapidement, dit-il avec un sourire qui en disait long. Autour de lui les gens riaient. Puisque je suis le défié, je choisis la lame comme arme pour ce duel.

- N'ayant pas d'épée, puis je me permettre d'en choisir une parmi celles-ci, lui dis-je en montrant les murs.

- Soit, mais elles ne te feront pas gagner, ces lames sont celles de ceux qui ont perdu contre moi.

Nous y étions, sans plus attendre, j'allai chercher l'épée des 5 ancêtres. Le fait de la tenir fut pour moi un bonheur immense. Les ancêtres étaient là, ils m'attendaient. "Venge-toi", chuchotaient-ils. "Venge-moi, mon fils !" Cette voix-là, je ne l'avais plus entendue depuis bien des années.

Galvanisés et confiants, nous allions pouvoir donner du spectacle à ces braves gens. Iro, de son côté, se battrait sans aucune armure, juste avec deux sabres. Il s'élança avec dextérité, mais cette fois-ci la situation était différente. Je connaissais certains de ses coups et, surtout, j'avais l'épée. Je parai ses coups. J'étais un roc imperturbable. De son côté, mes quelques assauts étaient évités.

- Eh bien voilà un adversaire à ma mesure !

Il changea alors de position et plaça ses sabres de façon parallèle. Un vers moi et pointant le deuxième dans l'autre direction. Une technique de combat ! Je serrai alors mon épée avec force en murmurant des prières à mes ancêtres. La lame commença à émettre une lueur verte, puis en jaillirent des éclairs de la même couleur. Iro me fonça dessus, et à mon tour je m'élançai, criant avec toute la rage que j'avais contenue jusque-là. Une grande lumière verte aveugla tout le monde et lorsque nos yeux se furent remis, Iro était à terre. J'avais gagné. Mon bouclier était coupé en deux. Mais, un de ses sabres était brisé.

Je me tournai vers lui et lui dit ceci :

- Je suis Aez, roi d'Avalonie, et tu vivras à tout jamais avec la honte de cette défaite.

Le Sceau

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Autre temps, autre lieu.

Le roi Gaumatta avait trépassé, laissant Yses dans le chaos d'un Grand Tournoi. A quelques lieues de la capitale, Guedenot rentrait d'une tournée des marchés de la région pour vendre le peu de récoltes qui lui restait après les différentes taxes. Chemin faisant, au détour du bois de Moshat, le marchand entendit du bruit dans sa carriole. Il découvrit deux créatures habillées de haillons, aussi faméliques l'une que l'autre. Le marchand, considéré comme quelqu'un de très dur en affaire, n'avait jamais laissé quelqu'un dans le besoin, qu'il soit humain ou non, et humains, ces deux là ne l'étaient pas.

- Et bien que voilà ? Guedenot s'approcha pour mieux voir de quoi il retournait. Ça alors, des créatures de la forêt, on en voit rarement par ici. Approchez que je vous vois mieux.

Bien qu'apeurées, les deux créatures se découvrirent plus, laissant leurs traits se dessiner au soleil faiblard de l'automne.

- Bon sang, vous êtes deux petits épouvantails. Vous avez quel age ? Vous venez d'où ? Vous me comprenez au moins ?

Le plus gros des deux était un hom'chai au regard craintif, quand à l'autre il s'agissait d'une elfine, plus petite que son compagnon, elle avait de long cheveux et serrait quelque chose entre ses frêles petites mains.

- Bon je vais vous ramener chez moi, je peux pas vous laisser ainsi. Cachez-vous là dessous, dit-il en montrant une couverture.

Ils ne demandèrent pas leur reste et se faufilèrent pour n'être plus que deux bosses sous la laine. Le marchand parcourut les quelques lieues le séparant de son village en pensant à ce qui allait advenir de ces deux voyageurs. Dans cette partie du royaume les superstitions étaient légion et le racisme envers tout ce qui était non humain très fort. En arrivant, la nuit tombait sur la quinzaine d'habitations qui composaient le village d'Herberonde. Niché au creux d'une forêt, les habitants étaient pour la plupart des bucherons ou des récolteurs de Sèvemiel. Tout ce qui venait de l'extérieur était perçu avec appréhension de crainte de voir arriver des malheurs dans la petite communauté.

Guedenot plaça sa carriole de façon à faire rentrer les enfants dans la grange sans que quiconque ne puisse les voir. Il les cacha entre deux ballots de paille.

- Ne bougez pas de là, je reviens, vous avez compris ? Ne sortez surtout pas.

Les enfants se blottirent l'un contre l'autre, jetant des coups d'œil sur leur nouvel environnement. Le marchand alla jusqu'à sa maison où son épouse et ses deux enfants attendaient impatiemment son retour. Il fut accueilli comme il se devait après plusieurs semaines d'absence par la joie des retrouvailles. Il expliqua ensuite sa rencontre avec ses passagers clandestins et annonça qu'il souhaitait leur venir en aide.

- Mais tu n'y penses pas ! Tu te rends compte des risques que cela comporte ??

- Bien sur que je sais, mais se sont des enfants, Mewëen, des enfants ! Tu veux les abandonner à leur sort ?

La femme de Guedenot hésita un long instant, puis se retourna brusquement pour se rendre à la cheminée. Elle plongea son regard dans les flammes crépitantes en songeant que oui, elle ne pouvait laisser des enfants ainsi, fussent-ils non humains.

- Très bien, allons voir à quoi ressemble nos invités.

Depuis ce jour là les deux Eltarites, car c'est ainsi qu'étaient nommées les créatures des forêts devinrent les nouveaux membres de la famille de Guedenot. Les habitants du village bien que très craintifs au départ furent vite pris d'affection, et le temps poursuivit son interminable course...



Quelques années plus tard.

La constitution des hom'chaïs et des elfines était incroyable. Les deux enfants grandirent à une vitesse fantastique atteignant pour l'elfine la taille d'une adolescente, et l'hom'chaï dépassait déjà la plus part des plus robustes bucherons. C'est tout naturellement d'ailleurs qu'il avait trouvé une utilité dans ce métier là. A cette époque là on les appelait Elaine et Gaherhis, deux prénoms typiques de cette région d'Yses. Ils avaient appris les us et coutumes et la langue pour s'intégrer au mieux mais certaines personnes semblaient ne jamais vouloir les approcher ou leur parler. Mais cela ne les gênait pas, ils avaient compris qu'ils n'étaient de toute façon, pas chez eux, et ne le seraient probablement jamais.

Un beau matin de printemps, alors que des festivités étaient préparées en l'honneur d'un mariage, un homme important arriva avec deux chevaliers. Il s'agissait du seigneur de ces terres, qui de temps à autres inspectait ses villages. C'est le hasard qui l'amenait là, c'est ce même hasard qui le fit rencontrer les deux adoptés. La réaction fut immédiate. Le seigneur devint furieux que ses villageois ne l'ai pas prévenu et voulut châtier le chef de village et Guedenot. Elaine et Gaherhis s'interposèrent, les chevaliers réagirent vite et molestèrent les Eltarites. L'hom'chaï fut gravement blessé au visage, l'elfine se mise en colère et tua le fautif avec son étrange lame d'ambre. Cet objet particulier avait grandi en même temps qu'elle et ce qui n'était qu'un simple couteau à son arrivée, ressemblait maintenant à une belle épée courbe. Au contact du sang de son adversaire, la lame se teinta de rouge à son grand étonnement.

Tout cela tourna très vite en cohue générale, Elaine avec l'aide de Mewëen trainèrent Gaherhis en dehors du village pour panser ses plaies. Hélas pour lui, il garderait de profondes entailles pour le reste de sa vie. Au cœur de la forêt, le hasard frappa encore à la porte des Eltarites. A deux lieues des évènements tragiques une petite troupe de saltimbanques s'était installée là. Mewëen les implora de prendre soin d'eux car désormais, ils ne pouvaient plus résider au village.

C'est ainsi qu'ils rejoignirent les combattants de Zil.



Aujourd'hui.

Après la venue de l'Inconnu, les deux compagnons avaient suivi les autres combattants de Zil. De leur nature d'Eltarite ils résistaient mieux à la folie qui emportait les Zil. Peu avant leur arrivée au Tombeau des ancêtres ils décidèrent de se séparer du groupe et de faire un crochet par la grande forêt au nord. C'était l'un des rares endroits non visités jusque là et les légendes racontaient que des créatures de la forêt y vivraient.

Abyssien les avait pourtant prévenu que la recherche des leurs pouvaient les mener à des déceptions. Grandir dans la société des hommes les avait plongé dans une culture très différente de celle qui aurait dû être la leur.

La nuit tombait sur leur campement de fortune, au loin la lumière émise par la pierre Tombée du ciel éclairait faiblement les nuages bas. Sangrépée et Sanvisage étaient perdus dans leurs pensées, les yeux dans le vague. Le silence fut coupé par un raclement de gorge. Les deux Zil sursautèrent.

- Je... je suis désolée de vous déranger. Je suis un peu perdue...

Sangrépée examina l'arrivante qui avait un aspect assez étrange et surtout le blanc de ses yeux ne trompaient pas, elle était aveugle.

- Puis-je m'installer avec vous et bénéficier de votre présence pour cette nuit ?

Cette rencontre avait quelque chose d'irréel, Sangrépée se demandait comment cette personne était arrivée jusque là, seule et aveugle.

- Et vous avez raison de vous poser de telles questions. Il est vrai que lors de notre dernière rencontre vous étiez très jeune.

- De quoi parlez-vous, rugit Sansvisage, qu'est-ce que vous connaissez de nous ??

- Je connais tout de vous, je sais qui vous êtes, je connais votre histoire.

Sangrépée sorti alors sa lame.

- Alors vous savez que vous allez devoir tout nous dire !

La jeune femme aux cheveux blancs repoussa la lame avec son ombrelle.

- Oui, ne vous en faites pas, je vais vous dire. Dit-elle avec un large sourire. Mais laissez moi m'installer.

- Quel est votre nom ?

- Un nom ? Et bien ici on m'appelle l'Apôtre. Je trouve pas ça très féminin, mais je m'en accommode.

Ce nom ne leur disait rien du tout. Elle s'installa prêt du feu, attendant visiblement qu'on lui pose des questions.

- Qui sommes-nous ?

- Vous êtes les perdus, deux enfants qui ont une destinée importante dans l'histoire de ce monde. Vous descendez d'un peuple secret qui habite cette forêt dit-elle en montrant la direction de leur destination. Mais pour retrouver les votre, il vous faudra d'abord trouver comment rentrer sur le territoire Eltarite.

- Vous avez dit que vous nous avez déjà croisé avant. Dites-nous en plus.

- Je vois que vous êtes vive d'esprit, oui je vous ai croisé, c'est moi qui vous ai placé sur la route de Guedenot, vous vous souvenez de lui ?

- Bien sur que oui !! S'exclama Sansvisage de sa forte voix enrouée.

- Pourquoi ne pas nous avoir recueilli ou ramené chez les nôtres ?

- Et être élevés par une aveugle ? Allons, je ne pouvais pas.

- Admettons. Donc vous nous parliez des nôtres, vous pouvez nous dire comment rentrer chez nous.

- A vrai dire je pourrais, mais je ne sais pas s'ils souhaiteraient vraiment vous voir revenir, vous êtes très différents des "vrais" Eltarite.

- Il faut savoir, vous nous dites : je vous dirais tout, alors allez-y, de quoi s'agit-il.

L'Apotre marqua un moment de réflexion.

- L'entrée de la forêt est une porte qui en fait se trouve juste à côté d'ici. Personne n'y fait jamais attention car la plus part des gens n'y voient qu'un mur végétal. Seul des gens comme vous peuvent la voir telle qu'elle est réellement et surtout, l'ouvrir.

- Et bien qu'attendons-nous pour y aller ? S'encouragea Sangrépée. Prend tes affaires Sanvisage, nous partons retrouver les nôtres.

Et voilà les deux Zil partis, avec l'espoir de revoir leurs semblables.

- Merci de nous avoir aidé cria l'elfine qui s'éloignait déjà. Mais par où est-ce exactement ?

- Suivez votre instinct ! Vous trouverez !

Une fois ses hôtes partis l'Apôtre se retrouva seule devant le feu. Une larme perla sur sa joue.

- Pourquoi m'obliges-tu à leur mentir ? Comment veux-tu que je les ramène vers la lumière si je ne leur apporte que mensonge et déception ? Ce que je viens de faire va changer à tout jamais le destin des habitants de ce continent.

Sanvisage et Sangrépée marchèrent une bonne heure dans la noirceur de la nuit, cela faisait longtemps qu'ils n'avaient pas ressenti une telle joie. De longues années de recherches enfin récompensées.Enfin ils arrivèrent devant la porte, immense et majestueuse. Des glyphes descendaient verticalement sur chacun des deux battants qui la composait. A l'approche des Eltarites, les inscriptions se mirent à luire. Instinctivement Sangrépée et Sanvisage se placèrent chacun devant une des lignes de glyphes. Ensemble il posèrent une main sur la première d'entre elles. Un bruit sourd se fit entendre, comme une sorte de "crac", puis la porte s'ébranla...

Les glyphes cessèrent de briller, la porte de l'Infini était ouverte. Elle ne donnait pas sur la forêt, mais sur autre chose. Sangrépée et Sanvisage comprirent vite qu'il ne s'agissait nullement d'une porte vers chez eux...

L'Appel

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La Pierre fendait le ciel à vive allure, sa course effrénée devait se terminer dans le Désert d'Émeraude. Mais tel ne fut pas le cas. Elle vint s'écraser au beau milieu du continent, dans un endroit dit neutre, où de grandes batailles avaient eu lieu autrefois : le Tombeau des Ancêtres. La gemme aussi grande qu'une maison attira l'attention des nations aux alentours. Leurs chefs pensaient tous qu'un grand pouvoir serait accordé à ceux qui en auraient le contrôle. Les premiers affrontements avaient entrainé la mort de Prophète, la trahison de Télendar et la victoire toute relative de la Kotoba...

Le campement des Xziarite était calme. La veille, les membres de la guilde fêtèrent leur "victoire" et l'adieu à un ennemi valeureux : Prophète. Le soleil brillait avec une rare intensité, pas un nuage ne venait tacher le ciel bleu. Asajiro, qui était de garde, surveillait les alentours avec tout le zèle dont il savait faire preuve. Il s'éloigna des ronflements de ses compatriotes, intrigué par cette fameuse Pierre tombée du ciel qui attirait l'attention de beaucoup de monde. Il s'en approcha plus qu'il n'aurait dû. Un énorme rayon de soleil frappa la pierre, aveuglant l'officier impérial par la même occasion. Lorsque cela se produisit, Alishk, alors en méditation, n'en crut pas ses yeux. Le rayon avait frappé la pierre avec une puissance inouïe, mais il ne voyait en cela aucune magie. Il n'avait rien ressenti de tel. Rapidement, il réveilla les autres Envoyés. Aerouant ne dormait pas, incapable d'oublier le malheur qu'il venait de vivre. Lui aussi pressentait quelque chose "d'anormal".

- Tout cela ne me dit rien qui vaille, chuchota le mage du désert.

- Je suis d'accord. A quoi va-t-on être confronté cette fois ?

De son côté, Kryss, qui nettoyait son orgue, resta planté la bouche ouverte en voyant le rayon. Abyssien, qui était à côté de lui, secoua l'épaule de son camarade Zil.

- Et beh ? Ça va pas ? Qu'est-ce que t'as ?

Mais pour toute réponse le musicien montra la pierre tombée du ciel en marmonnant des gargarismes incompréhensibles.

Nassaafaraa oukt naass oukt nassaaafaraaa...

- Entends-tu cette voix Aryhpas ? Elle est très claire et douce.

Saphyra était une jeune femme qui parcourait le monde à la recherche de connaissances sur les différentes croyances existantes. Elle avait entendu parler du culte de Méra et du temple de Précadès et s'y était donc rendue.

- Nan, z'entend rien moua. Quess ça te dit ?

La créature qui venait de parler n'était autre qu'une poupée de porcelaine dont elle en se séparait jamais. Etait-elle vivante ? Elle était persuadée que oui.

- Elle appelle des gens dans un langage bizarre, mais j'en saisis le sens. Des gens vont venir pas loin d'ici. Allons-y vite. Je veux voir qui sont ces personnes.

Nassaafaraa oukt naass oukt nassaaafaraaa...

A des lieues et des lieues de là était le désert d'Émeraude. Ici nul arbre mais du sable à perte de vue d'où jaillissent d'immenses cristaux couleur émeraude. Malgré cela, une civilisation a réussi à dominer l'environnement hostile. Mineptha est la capitale de ce peuple qui, lorsqu'il n'habite pas entre les murs de cette cité, parcourt le désert à la recherche de denrées rares et de pierre soleil servant à confectionner bijoux et objets précieux. A côté du palais royal, se trouvait le temple de Sol'ra, leur divinité tutélaire. La grande particularité de ce lieu était que que la plupart des pièces qui le composaient n'avait pas de toit afin que la lumière du soleil soit présente tout au long de la journée. Ïolmarek, le grand prêtre de Sol'ra et Ahlem priaient dans la grande cour lorsqu'ils entendirent à leur tour les paroles.

Nassaafaraa oukt naass oukt nassaaafaraaa... Partez à la recherche du présent qui vous était destiné. Les infidèles tentent de se l'approprier. Châtiez-les comme il se doit.

A ce moment-là, quelque chose jusqu'à présent caché en eux se réveilla.

- Alhem, tu pars avec Aziz et ceux qui sont dans les environs, le temps que je réunisse les autres.

- Bien grand prêtre, je m'en vais les quérir de suite. Quels sont vos ordres concernant les infidèles ? Dois-je emmener votre disciple ?

- Oui oui bien sur qu'elle est du voyage. Quand à ceux vous rencontrerez sur place, s'ils se mettent au travers de votre route qu'ils soient alors placé sous le jugement de Sol'ra !

Le lendemain, une petite troupe quitta discrètement Mineptha et se mit en route pour rejoindre le tombeau des ancêtres.

Le Précieux

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Ne dit on pas que la nuit, tous les chats sont gris ? C'est un proverbe que notre jeune voleuse expérimentait sur elle le plus souvent possible. Quelques jours au auparavant, Héléna avait eu un tuyau, une information qui d'après elle serait le coup du siècle. Un indic lui avait dit qu'on lui avait dit que le célèbre trésor du légendaire capitaine pirate Gol'denaï avait été retrouvé par le gouvernement des Iles blanches et serait bientôt exposé au grand public avant de retourner dans les caisses nationales. LE Trésor de Gol'denaï ! Incroyable ! Non seulement l'histoire de ce célèbre pirate se transmettait entre les différents équipages hors-la-loi, mais sa valeur inestimable faisait briller les yeux des chercheurs de trésors et autres voleurs. Héléna ne pouvait pas manquer cette occasion unique de s'en emparer. C'était trop tentant. Elle se hâta, car cette nouvelle se répandait aussi vite qu'un ziaf (un oiseau très peureux) ayant le vent dans le dos. Elle risquait de ne pas être la seule sur le coup.

La voilà donc à Pierrevent, la capitale des îles blanches, un endroit où l'étourdi pouvait glisser et tomber dans le vortex. Car ces iles n'étaient pas maritimes, mais aériennes, cela, suite à la grande guerre contre Néhant.

Le plan était prêt, ficelé, il ne laissait nulle place au hasard. Son génie était à son paroxysme. Évidement rien ne se passa comme prévu. Et en y repensant bien, aucun de ses plans n'avait correctement fonctionné, car justement le hasard intervenait toujours. Manque de chance ou coïncidence ? Tombée de la nuit, plan première partie : désactiver les protections magiques. Aucun problème de ce côté-là. L'alarme, une Cristagard 2.0 ne présentait aucune difficulté. Un peu de poudre de gemme miroir et l'affaire était jouée. Puis elle grimpa en haut de la tour grâce à son fidèle enchanfilin : un cordage très fin, très résistant.

Parfait, personne ne l'avait vu, il restait à passer les gardes. Facile !! Ils étaient à peine deux pour surveiller un antique trésor. Le gouvernement des îles blanches était soit radin soit ne connaissait pas la célèbre Héléna ! Les nuls !

Le petzouille était un animal assez particulier, à peine plus grand qu'un chaton avec une trompe et une faculté prisée par les brigands de haut vol. En effet, lorsqu'un petzouille mangeait des graines de tournesol, il se mettait à gonfler comme une baudruche. Il suffisait ensuite, grâce à un ingénieux mécanisme inventé par Larcène, grand maître voleur, de le lancer dans une pièce pour qu'il libère un gaz soporifique très rapide. Deux gardes endormis plus tard, la voilà dans la salle d'exposition. Le coffre, immense et convoité, trônait au milieu. Bizarrement aucun système magique ne le protégeait. Plus rien ne l'étonnait.

Clic ! Le coffre était ouvert. Les yeux brillants et le cœur serré elle l'ouvrit et... rien ! Vide, le coffre était vide ! Par les cornes de Dragon ! Un piège ? Non, visiblement. Un bout de parchemin se matérialisa alors, entourant un cristal de cachemin, un objet dont les voleurs se servent pour se laisser des messages entre eux. Dessus, à peine quelques mots : "Je t'ai bien eu !!" Et c'était signé Quilingo.

La voleuse serra le parchemin avec rage.

- QUILINGOOOO !! Hurla-t-elle. Je l'aurais ce foutu ours ! Je l'aurais !

Très vite elle rebroussa chemin. Elle devait partir avant de se faire attraper, ce qui n'arrivait jamais, enfin presque jamais. Quelques instants plus tard, la voilà dans une des ruelles sombres de la cité, ruminant cette humiliante défaite. Pas de trésor... pas de trésor... Bon réfléchis ma fille, réfléchis. Un panda ça ne passe pas inaperçu. Je vais faire jouer mes cercles d'influences et le traquer, jusqu'au bout du monde s'il le faut.

Quelques jours plus tard, au cœur d'une dense forêt à l'extrême sud-ouest de la Draconie, la jeune voleuse avait monté un nouveau plan. Un plan encore plus parfait que le dernier, ne laissant une fois de plus aucune place au hasard, qui pourtant s'invita bien entendu à cette petite fête. La piste d'un panda, surtout humanoïde était facile à suivre. Où allait-il ainsi ? En fait, peu lui importait, puisque dans peu de temps, le trésor serait sien ! Elle avait choisi un endroit où toute fuite était impossible, un immense pont de cordage au dessus d'un gouffre de dix mètres donnant sur une rivière déchainée infestée d'animaux peu amicaux. C'était aussi le seul point de passage pour aller de l'autre côté de la forêt. Elle avait donc placé quelques pièges qui immobiliserait Quilingo sans lui faire de mal. Elle se cacha ensuite et patienta jusqu'à l'arrivée de sa pauvre victime. Le temps lui sembla une éternité et son attention se relâcha jusqu'à ce qu'un bruit la fit sursauter. Une planche se mit à grincer. Elle se risqua à voir de quoi il retournait. C'était Quilingo, déjà à la moitié du pont. Mais.. mais.. mais... comment a-t-il fait pour échapper à mes pièges ?? Sa réaction fut immédiate, elle se jeta à la poursuite du panda qui, aux aguets, la repéra très vite. Une course poursuite éclair s'engagea, elle ne dura que le temps de passer de l'autre côté. Car sitôt le pont derrière lui, Quilingo s'arrêta pour faire face à Hélena.

- Alors, t'veux l'trésor ? T'sais qu'il t'appartient pas ?

- Allons mon gros, ne me provoque pas, laisse moi le coffre et va t'en. Ça t'évitera des soucis.

- HAHAHAHA, t'veux me voler ? Moi ? J'suis pas un garde-coffre pour rien. T'entend ça Er'vent ? Ta copine veut m'voler !

Héléna plissa les sourcils. Qu'est ce qui raconte le gros ?

Alors apparu à côté de lui Erevent. Tout comme Héléna, il était un membre des Envoyés de Noz'Dingard.

- J'ai entendu et tout consigné. Tu as fait du bon travail.

La figure de la jeune femme se décomposa.

- Tu... tu as monté tout ça contre moi ?? Mais pourquoi ?

- Les Envoyés doivent être respectables. Voler quelque chose à des alliés n'est pas... acceptable.

- C'est pas à toi de me dire ce qui est respectable ou pas, fiente de petzouille.

Hélena échafaudait un nouveau plan, il fallait faire durer la discussion le plus longtemps possible.

- Des insultes, voilà que tu t'abaisses au niveau des autres brigands. Non ce n'est pas à moi de te dire ce qui est acceptable ou pas. Dragon jugera si tu es encore digne de rester dans les rangs des Envoyés. Ma mission est finie. Considère-toi comme prisonnière.

- Mais bien sûr ! Hurla-t-elle en jetant au sol une sphère de verre qui libéra une fumée blanche... qui fut aussitôt éparpillée par un vent violent. La voleuse tenta l'évasion, mais échoua. Erevent faisait partie des meilleurs enquêteurs de la Draconie. Et les tours de passe-passe comme celui-là, il les connaissait tous. Il avait discrètement lancé un sort dit de "bave de troll" qui figeait une personne au sol.

- D'accord, d'accord... Discutons, dit-elle avec le sourire.

Mais il était trop tard. Quilingo sortit une corde, la saucissonna et la jeta sur son épaule. Et tous partirent pour Noz'Dingard.

Le Runique - Chapitre 1

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Le Désert d'Émeraude regorgeait de petits lieux incroyables où la vie grouillait comme nulle part ailleurs. Tout cela était possible grâce à l'eau qui ressortait et attirait toutes sortes de créatures. Elle favorisait aussi la végétation luxuriante.

C'est dans une de ces oasis, car c'est ainsi que les gens du désert les appelaient, qu'une tribu entière qui vivait là depuis des générations fut en partie détruite. L'attaque eut lieu à l'aube, alors que tous dormaient encore. Elle fut brutale et sans pitié. Les assaillants étaient nombreux et très bien organisés. Il s'agissait d'une des plus grandes bandes de trafiquants d'esclaves. Les cris réveillèrent les oiseaux au couleur chatoyantes et le sang, beaucoup de sang, coula. Les hommes qui avaient vaillamment tenté de défendre leurs familles périrent devant la férocité des brigands et de leurs lions de guerre. Lorsque toute l'attaque cessa, il ne restait plus que des cadavres dans l'eau alors que femmes et enfants étaient devenus des prisonniers pour être revendus. Parmi eux, le jeune Kalhid, âgé d'à peine 9 ans.

Le garçon fut vendu quelques jours plus tard au marché aux esclaves de Mineptha à un homme puissant qui résidait dans les montagnes tout au nord du désert. A son arrivée à la propriété de Abn el hissan, il fut envoyé dans les mines de sephra, une épice rare qui avait pour originalité de se trouver dans une terre particulière des montagnes. C'est ainsi que s'était battit la fortune du maître de Kalhid.

De nombreuses années passèrent et le garçon était devenu un homme. Contre toute attente, alors que la grande majorité des esclaves des mines décédait assez vite, lui résista, se battant contre sa condition, car ceux de son peuple pensaient que la vie valait tout et que l'espoir devait toujours être un moteur pour avancer sur le long chemin de l'existence. Et le moment était venu. Après tout ce temps en captivité, il était temps de reprendre cette liberté qu'on lui avait volé. Grâce à son imposante force et à un plan soigneusement établi, lui et quelques autres esclaves réussirent à s'évader. La chance lui souriait enfin. Mais elle l'abandonna très vite car quelques heures à peine après avoir fui, une tempête de sable s'abattit sur eux avec une violence incroyable. Ils furent tous ou presque balayés comme de vulgaires morceaux de paille. Kalhid n'en pouvait plus, malgré sa résistance il ne pouvait plus lutter contre les éléments. A bout de force, il s'abandonna à une mort certaine.

Kalhid ouvrit les yeux en sursautant, haletant mais vivant il plaqua sa main droite contre son coeur. Il battait fort. Cela le rassura car cela voulait dire qu'il était en vie. La pièce dans laquelle il se trouvait était plongée dans le noir. Il n'y voyait rien. Tout à coup, quatre flambeaux s'allumèrent. Il était allongé sur un lit confortable, autour de lui quelques meubles dont le style lui était inconnu et tout juste à côté de lui une vasque contenant de l'eau. Il en but une gorgée et s'aspergea le visage. Des centaines de questions tambourinaient dans son crane. La porte s'ouvrit alors et une voix se fit entendre, une voix grave qui lui disait d'approcher. Il passa la tête dans l'encadrement et découvrit un long couloir lui aussi éclairé de flambeaux. Tout le long, il y avait des symboles qui scintillaient en harmonie. Il passa devant plusieurs portes toutes fermées et il déboucha dans une immense salle. Partout des symboles luisaient faiblement et, ce qui l'intéressa d'avantage, il y avait là des dizaines d'armes et d'armures magnifiquement ouvragées. Au bout de la salle, trônait ce qui ressemblait vaguement à une énorme enclume. Derrière elle, à moitié cachée dans l'obscurité, une créature arborant apparemment une paire de cornes le regardait.

Il hésita à avancer mais la voix le rassura.

- N'aie pas peur. Nous n'en voulons pas à ta vie. Sinon nous t'aurions abandonné à ton triste sort.

Effectivement le raisonnement se tenait et il s'avança, jusqu'à une distance raisonnable.

- Je vous remercie de m'avoir sauvé.

- Ne nous remerciez pas, coupa la créature. Hélas nous n'avons pu sauver vos compagnons, ils ont tous péri.

- C'est une chance que vous m'ayez trouvé.

- Ce n'est pas de la chance, nous savions que celui que nous attendions tous serait là.

- Je ne comprend pas très bien.

- Nous venons de loin et nous cherchons des personnes au destin particulier et vous faites partie de ceux là.

Kalhid plissa les yeux.

- Vous attendez quelque chose de moi n'est-ce pas ?

Acte 2 : Le chant du cristal

Le Chant du Cristal

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La marche dans le Désert n'était pour eux qu'une promenade de santé. Ils avaient une mission de la plus haute importance et à chaque levée du soleil, les prières étaient prononcées avec une ferveur incroyable. Galvanisés par leur foi, ils ne virent pas le temps passer. Enfin, au milieu d'une journée particulièrement radieuse, tous l'entendirent. C’était comme une sorte de chant, majestueux. Il les appelait, les guidait jusqu’à l’endroit de l’impact. Plus ils progressaient et plus le chant devenait clair. Alhem s’arrêta brusquement de marcher.

- Pourquoi t’arrêtes-tu ? dit Aziz en posant sa main sur l’épaule du prêtre de Sol’ra.

Les autres nomades les regardaient, attendant les paroles de leur chef spirituel.

- Ce chant est un appel au secours. La pierre vit, elle résonne et raisonne. Les infidèles sont nombreux et puissants. Elle est en danger. Nous devons faire vite avant qu’il n’arrive une catastrophe.

Aziz se tourna vers Kararine et prit l’air le plus autoritaire possible.

- Tu vas partir en éclaireur et nous faire un rapport sur ces chiens qui osent s'approprier ce qui n’est pas à eux.

Pour toute réponse, la jeune femme le salua de la tête avant de se mettre à courir dans la direction de l’impact.

Quelques heures plus tard, elle arriva enfin à destination et son coeur se serra lorsqu’elle posa les yeux sur la pierre. Elle était magnifique et baignait dans une lumière rappelant à la jeune femme le temple de Sol’ra lorsque le soleil, au zenith, léchait de ses rayons les murs de la salle de prière. Au pied, de part et d’autre, il y avait deux camps. Un aux tentes bleutées parées d’oriflammes aux symboles de Dragon, l’autre aux tentes rouges bien alignées. Un peu partout, il y avait divers campements plus au moins gros aux styles parfois très différents. Kararine estima qu’il y avait beaucoup de monde, mais que de toute façon Sol’ra protégerait ses fidèles et qu’ils viendraient facilement à bout de ces parasites. Intérieurement, elle jubilait déjà, imaginant les combats qui allaient avoir lieu. Bientôt ce dit-elle, ces tentes brûleront dans les flammes de la fureur du dieu soleil. Tout à coup, elle entendit des bruits de pas qui s’approchaient d’elle. Elle sentait que l’air se rafraîchissait. Les bruits cessèrent et une voix à l’accent étrange s’éleva.

- Vous entendez ce chant vous aussi ?

Kararine risqua un coup d’oeil en dehors de sa cachette. Il y avait là une femme à la peau bleue pâle et au regard intense. il y avait chez cette personne comme un pouvoir caché qui mis en confiance la jeune nomade. Elle se décida à aller examiner cette étrangère. Sans prononcer un mot, elle tourna autour d’elle et comprit que le froid émanait de sa personne.

- Qu’est-ce que vous êtes ? De quel chant parlez vous ?

- Je suis Yilith, j’ai fait un long voyage jusqu’ici et j'entends un chant dans ma tête. L’entendez-vous ? Tout cela est incroyable.

Pour Kararine, cette infidèle cherchait à la déstabiliser. Elle devait prévenir Alhem et Aziz le plus vite possible.

- Je ne sais pas de quoi vous parlez ? s’exclama-t-elle en reculant. Elle dégaina une dague et se mit en position défensive. Laissez-moi tranquille et il ne vous arrivera rien.

- D’accord, vous n’êtes pas très aimable. Je vais voir si d’autres personnes pourront m’aider. Puis elle continua son chemin comme si de rien n’était.

Kararine continua ses investigations dans la forêt qui se trouvait non loin de là car il lui semblait y avoir de l’agitation. Le plus furtivement possible, elle se déplaça en espérant cette fois ne pas faire de mauvaise rencontre. Là aussi, manquant de chance ou peut-être à cause de sa méconnaissance des lieux forestiers, elle faillit de peu se faire empaler par une dague de lancer. Alors, une personne vêtue de gris avec une cagoule assez déroutante lui bondi dessus sans crier gare. Cette fois, il n’en fallait pas plus à la jeune femme pour la mettre en colère. Elle esquiva avec agilité tout en prenant une dague dans chaque main. Elle répliqua avec vitesse prenant son adversaire de court, mais celui-ci para une dague et tenta une acrobatie pour éviter l’autre qui coupa net un morceau de sa cape. Le combat dura ainsi plusieurs heures, tous deux étaient de forces équivalentes mais Kararine avait établi un plan, peu à peu elle se rapprochait des siens. Si bien qu’au bout d’un moment l’ashashine (car tel était le nom de son rôle chez elle) sut que son ennemi allait perdre car désormais, ils étaient cinq contre elle. C’est Aziz qui se lança dans la bagarre, déroutant le Traquemage qui esquiva de justesse une lance qui aurait dû le traverser de part en part. La situation lui échappait, sa proie aussi. Il fallait de nouveau disparaître pour repenser sa stratégie. Il s’enveloppa dans sa cape et se jeta par terre. Le tissu s'aplatit alors contre le sol avant de se faire couper en petit morceau par Kararine et Aziz. Hélas, le Traquemage avait disparu.

L’éclaireuse expliqua alors ce qu’elle avait vu et qui elle avait rencontré. Elle insista sur l’étrangeté des infidèles et proposa de ne pas attaquer de front sans quoi la défaite, malgré l’appui de Sol’ra, serait cuisante. Aziz, qui avait longuement servi dans l’armée de Kahani III proposa, en attendant l’arrivée des renforts, de tenter de s’approcher de la pierre en menant de petites attaques ciblées contre des groupes de peu de guerriers. Alhem accepta avec une certaine réticence, mais il fallait impérativement suivre les ordres de Ïolmarek et il était certain que les infidèles croiseraient leur route. De plus la pierre les appelait, il fallait faire vite désormais.

Ces infidèles allaient goûter la puissance des fidèles de Sol’ra. Ainsi, les Nomades du désert entrèrent dans le conflit de la Pierre Tombée du Ciel.

La Malédiction

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La porte était ouverte, et la lumière qui s’en échappait faiblissait doucement. Sangrépée et Sanvisage se regardèrent un long moment avant que l’un deux ne prononce le moindre mot.

- Et maintenant ? Il se passe quoi ? dit l’Hom’chaï à sa compagne ?

- Et bien, on y va !

Mais a peine eut-elle fini sa phrase qu’une forme se dessina. Un homme passa le seuil de la porte, fit quelques pas et s’écroula. Puis, sans le moindre bruit, la Porte de l’Infini se referma, puis disparu. Les deux Zil firent les gros yeux, ils ne s’attendaient vraiment pas à ça. On leur avait promis un retour chez leurs semblables, et ils se retrouvaient finalement avec quelqu’un débarqué de nulle part.

Sangrépée examina l’inconnu. Celui-ci portait une magnifique armure de plaques couverte de cuir durci, qui lorsqu’elle était neuve devait probablement être rouge. Une capuche couvrait sa tête, laissant apparaître quelques mèches de cheveux que le temps avait grisé. L’Elfine se pencha sur le corps inanimé et souleva la capuche.

- Il est en vivant. Ramenons le à Kriss, il pourra probablement voir ce qu’il a.

Sansvisage attrapa l’inconnu et le jeta sur son épaule tel un vulgaire sac.

Tout au long du chemin vers le campement du reste de la guilde, Sangrépée semblait perdue dans ses pensées. Quelque chose la dérangeait sans trop savoir quoi. Elle avait cette vague impression que cet inconnu n’était pas si inconnu que ça. Arrivés au chapiteau, ils furent accueilli par Abyssien.

- Vous voilà enfin, nous avons des choses à nous dire.

- Nous aussi nous avons des choses à te dire. Nous devons voir aussi Télendar et Kriss pour qu’on leur explique.

- C’est une longue histoire, mais Télendar n’est plus des nôtres. Je reprends le rôle de chef des Combattants de Zil.

C’était décidément une journée pleine de surprises !

- Euh... Très bien, de toute façon je ne l’ai jamais aimé. Quand il a pris ta place à l’époque je lui aurais bien mis quelques tartes.

- Sansvisage, toujours en finesse et en poésie.

Ce dernier posa délicatement son paquet au pied de leur ex-nouveau ou nouveau-ex chef qui regarda l’inconnu d’un regard étonné.

- Ça alors ! Cette armure me dit quelque chose.

- Toi aussi ? coupa Sangrépée. Depuis qu’on l’a trouvé, j’ai l’impression de le connaître.

- C’est parce qu’on vous a sûrement raconté cette histoire. Enfin, son histoire lorsque vous étiez chez les humains à Yses.

Sur cet entre-fait, Kriss attiré par l’attroupement rejoignit ses compatriotes.

- Qu’est-ce qu’il se passe ici ? interrogea le musicien.

- Tu tombes bien toi, tu peux regarder ce qu’il a. Ordonna le chef des Zil en montrant l’inconnu.

- Oui bien sûr, mais pas ici. Sansvisage, amène-le dans ma roulotte, je te prie.

Abyssien et Sangrépée s’installèrent confortablement sous le chapiteau qui, en dehors des représentations, servait d’immense salon où les membres de la guilde pouvaient se prélasser à leur guise.

- Alors cette histoire ?

- Oui, j’y venais, dit-il en posant son chapeau.


Tout autour d’eux, le chapiteau disparut pour laisser place à une forêt lugubre. Là, un animal se faufila entre les arbres, puis en vint un autre, puis un autre pour finalement former une meute. Puis ils sortirent du bois. Sangrépée les reconnut : des Volks ! C’étaient de terribles créatures quasi disparues à l’heure actuelle. L’un d’eux était particulièrement imposant. Il était visiblement leur chef. La suite ne fut que carnage. Les volks attaquèrent plusieurs villages et dévorèrent tout les êtres vivants qu’ils purent, autant par plaisir que par faim. La scène changea, désormais ils étaient dans un château. Là, trois personnes noblement vêtues devisaient vivement.

- Sire, nous avons tout tenté contre les volks, sans succès. Ils sont doués de raisons et leur chef nous sent arriver.

L’homme couronné fixa le sol réfléchissant à la meilleure solution.

- Je ne vois plus que lui pour nous venir en aide. Je sais que vous ne l'appréciez guère, mais il faut vous faire une raison.

- Vous n’y pensez pas ! Gaumatta, malgré l’amitié qui nous lie, ne pouvez-vous pas intervenir plutôt que de faire appel à lui ?

- Mergis, tu es certes mon ami, mais ma décision est prise. Bardiya, allez prévenir Kolodan de la situation.

L’image se brouilla et le chapiteau réapparu. Kolodan !! Elle connaissait cette histoire. Ce protecteur fut le dernier rempart contre ces monstres. Il les décima tous et combattit leur chef durant des jours. Puis, après cela, il disparut mystérieusement.

- Tu veux dire que cet homme est Kolodan ?

- Ce n’est pas certain et la meilleur façon de vérifier ça est de lui demander.

La nuit tomba sur le Tombeau des ancêtres. Kriss avait officié et ses quelques blessures n’étaient plus qu’un souvenir. Abyssien, Sangrépée et Sansvisage attendaient autour du feu que Kriss leur donne des nouvelles. La porte de la roulotte s’ouvrit.

- Sansvisage, viens donc nous filer un coup de main.

Le musicien tenait par le bras l’inconnu qui avait repris connaissance. Ils l’installèrent avec eux autour du feu. Tous attendaient la suite de l’histoire, était-ce Kolodan ?

- Qui êtes vous ? demanda Abyssien.

- Je... Je suis Kolère...

- Kolodan vous voulez dire ?

- Kolo... Non ! Cet être-là a disparu il y a longtemps. Il ne reste plus que celui qu’il est devenu.

- Et qu’est-ce que vous êtes devenu si je peux vous demander ça ?

- Je ne suis pas homme, mais pas tout à fait volk. Je ne suis que Kolère.

- Où étiez vous durant tout ce temps ?

- Tout ce temps ? Quand sommes-nous ?

- Si mes souvenirs sont bons, les sept royaumes utilisent le calendrier impérial. Nous sommes donc en l’an 105.

Ce fut comme un coup de poignard pour Kolère. Plus de vingt années s’étaient écoulées sans qu’il ne s’en rende vraiment compte.

- Où étiez-vous, ajouta une Sangrépée visiblement passionnée par le sujet.

- J’étais... j’étais...

Il ne termina pas sa phrase. Il fixait le ciel avec crainte. La lune se levait, immense et rouge. La malédiction opéra.

- Nooon ! Non non non non non non ! cria-t’il.

Une transformation s’opéra alors. Kolère se tordit de douleur, de longs poils noir apparurent sur ses bras, son armure céda par endroit. Puis son visage changea, s’allongea en un long museau, ses dents poussèrent. Il était devenu moitié homme, moitié volk. Bien qu’il fut visiblement enragé, il s’arrêta brusquement devant Sangrépée. Il fut littéralement hypnotisé par la jeune elfine. La colère partit peu à peu.

L'Ordalie

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Ïolmarek attendait patiemment le reste des troupes qui devaient le rejoindre pour prendre ensuite la direction de l’impact. Il flânait dans la cour principale du temps de Sol’ra, perdu dans ses pensées. Voilà maintenant de très longues années qu’il était au service du Temple et bien que sa foi n’ait jamais faibli, depuis le chant du cristal, le vieux prêtre était en doute. Pourquoi alors que durant ces dernières longues années la présence divine avait été faible, tout à coup une manifestation aussi importante de Solar se produisait ? Il se souvient que lorsqu’il fut jeune prêtre, il y eut une autre manifestation de ce genre, et cela c’était terminé en hécatombe. A quoi servirait ce présent ? Quel est la finalité de tout cela ? Autant de questions qui germaient dans l’esprit du vieil homme.

- Le doute ne t’est pas autorisé grand prêtre.

Ïolmarek sortit de sa rêverie et regarda autour de lui. La présence qu’il senti lui était étrangement familière, comme ressurgie du passé.

- Je connais cette voix, montrez-vous.

- Regardez-moi... père.

Il se tourna alors vers la statue qu’il avait fait sculpter il y a de cela presque trente ans. La jeune femme représentée était nimbée d’une douce lumière. Elle n’avait d’ailleurs plus l’apparence d’une statue figée, mais bel et bien d’une personne vivante. Ïolmarek tomba à genoux, le cœur serré les larmes lui vinrent.

- Dja.. Djamena, c’est bien toi ?

- Je viens à toi comme messagère. Écoute mes paroles car elles sont commandement !

Une Messagère ! Cela augurait quelque chose de très important car leur apparition était toujours synonyme de changement et d’intervention divine. Les écritures antiques inscrites sur les murs du temple faisaient état de plusieurs interventions de cette nature.

- Je t’écoute Messagère.

- Tu t’écartes peu à peu du chemin grand prêtre et celui qui m'envoie a besoin que ta foi soit infaillible. Je viens te soumettre à l’Ordalie !

- Que... Quoi !? Ïolmarek n’en crut pas ses oreilles. On le soumettait à une épreuve pour prouver sa foi. J’ai déjà prouvé ma fidélité par le passé et ma vie est au service de Sol’ra !

- La foi n’est pas une affaire de passé, mais de présent. Sol’ra a besoin de son grand prêtre et tu dois être prêt. Plusieurs évènements vont avoir lieu et les infidèles feront tout pour vous contrecarrer. Tu serras tenté et si ta foi n’est pas assez forte, tu mèneras les tiens à leur perte.

- Je me soumet à l’Ordalie, qu’elle est la tâche que je dois accomplir ?

- Un père et sa fille arrivent au temple. L’homme est aveugle et survit grâce à sa fille. Tu devras convaincre le père que Solar réclame sa fille, le condamnant à une mort certaine.

Effectivement une carriole tirée par un bœuf passa l’arche de l’entrée du temple. Une jeune femme tenait l’animal par une corde. Il fut frappé de stupeur lorsqu’il se rendit compte de la ressemblance frappante entre Djamena et cette jeune femme. Il comprit a quel genre d’épreuve il se confrontait. Le jeune femme aida son père à descendre puis tous deux avancèrent vers le vieux prêtre et firent le salut de circonstance une fois à son niveau.

- Nous avons fait un long chemin pour prier Sol’ra afin de lui demander son aide et qu’il guérisse mon père.

Sol’ra dieu du soleil et de la lumière était souvent invoqué lorsqu’il s’agissait de prière afin de recouvrer la vue, en de rares cas les prières sont entendues. Ïolmarek avait encore les mots prononcés par la Messagère et à cette épreuve il avait déjà la réponse.

- Quel est ton nom ? Demanda t-il.

- Djamena.

La coïncidence était de trop. Il lui prit la main et ce concentra, se focalisant sur l’âme qui habitait ce corps. Il sourit lorsqu’il comprit que cette âme était celle de sa fille. Sol’ra l’avait renvoyée vers lui. Plus jamais il ne douterait.

- Et bien Djamena, amenez donc votre père au pied de la statue afin qu’il se recueille, nous prierons avec lui.

Ils prièrent pour que Sol’ra prenne en pitié cet homme qui vivait dans le noir et pour que de nouveau il puisse voir la lumière. Ïolmarek utilisa ses pouvoirs et plaça ses mains sur les yeux de l’infortuné.

- Tes prières ont été entendues.

Lorsqu’il enleva ses mains l’homme cligna des yeux alors que peu à peu sa vue revenait.

- Je vois ! S’exclama-t-il. Je vois à nouveau !! Il tomba à genoux devant Ïolmarek, Djamena fit de même. Comment puis-je vous remercier ?

- Et bien gardez la foi et suivez les préceptes de Sol’ra, ne doutez jamais. J’ai besoin que vous me rendiez un service.

- Dites-moi, je ferais tout ce que vous me demanderez.

- Ta fille appartient à Sol’ra.

Cette phrase signifiait-elle qu’elle serait sacrifiée en son honneur ? L’homme ne répondit pas, abasourdi par cette nouvelle. Devait-il regagner la vue au prix de la perte de son enfant ?

- N’ayez crainte, j’aimerais qu’elle reste au temple et devienne prêtresse. Djamena fut surprise. Elle une servante de Sol’ra ? L’homme se leva et pris le visage de sa fille entre les mains.

- Si mes souvenirs sont bons, une jeune prêtresse ne doit pas être vue des hommes tant que les préceptes de Sol’ra ne lui sont pas parfaitement connus. Tu n’as eu jusqu’ici une vie de misère accompagnée d’un aveugle. Il est temps que tu vives ta propre existence, même si pour cela je ne devais pas te revoir avant longtemps.

Djamena se jeta dans les bras de son père comme s’ils se disaient adieu. Le grand prêtre observait la scène avec nostalgie. Lui aussi avait tenu sa fille ainsi, il se souvient de l’amour qu’il éprouvait pour elle. C’était pour lui une deuxième chance, un renouveau, une renaissance, il compris que ce que Sol’ra prenait, il pouvait aussi rendre.

Une fois l’homme parti, Djamena et Ïolmarek se retrouvèrent seuls. Là les yeux de la jeune femme changèrent et brillèrent de mille feux.

- Tu as réussi cette première épreuve, mais ils y en aura d’autres. Tu as deviné, je vais revenir mais pour cela il faut que je reste ici. Le moment venu je te rejoindrai, père.

Le Runique - Chapitre 2

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Kalhid attendait une réponse, même s’il était certain que c’était “oui”. Mais après tout, il valait mieux cela que de retourner à l’esclavage.

- Il y a quelque chose que tu peux faire pour nous. Sache que tu es libre de refuser, la porte au fond de la salle t’emmènera vers la sortie. Car ce qui t’attend va être difficile à accomplir.

- Je ne suis pas un ingrat. Vous m’avez sauvé de la mort et je vous suis redevable. Alors je vous écoute, que souhaitez-vous que je fasse ?

La forme s’approcha du jeune homme, mais ce dernier n’osa pas lever les yeux car il était beaucoup trop intimidé.

- Bien, ton choix est fait, ta parole est donnée. Il y a plusieurs jours une météorite s’est écrasée au beau milieu du continent. Si l’évènement en lui même est assez banal, c’est la nature de la météorite qui nous intéresse.

L’Inconnu alla du côté des armes et armures et, tournant le dos à Kalhid, il continua son discours.

- Vois-tu, nous parcourons le monde à la recherche de certaines pierres qui possèdent des facultés magiques ou qui s’assimilent à cela. Or, celle-ci présente un grand pouvoir que nous ressentons jusqu’ici.

Il se baissa et, d’une main assez peu humaine, il attrapa un objet. Il revint ensuite face à son interlocuteur.

- Nous aimerions que tu ailles là où elle s’est écrasée, et que tu nous ramènes un morceau de cette pierre. Cette tâche est périlleuse, aussi nous te confions ceci. Il posa la chose au sol produisant un bruit métallique. Kalhid hésita puis l'attrapa. Aussitôt la chose se développa autour de sa main et de son poignet. C’était comme une sorte de gantelet. Le jeune homme sentait presque comme une sorte de conscience à l’intérieur.

- Ceci est un objet runique. Prends-en soin car tu devras le ramener. Plus vous serez en symbiose tous les deux, plus le gantelet se développera. Après quelques mouvements, il se rendit vite compte que le poids de l’objet ne correspondait pas à son apparence, mais pourtant il semblait très résistant.

- Je vous remercie. Si j’ai bien tout suivi, il me faut aller à l’endroit où une météorite s’est écrasée, en prendre un morceau et revenir ici. C’est cela ?

- Oui.

- Bien, cela ne me semble pas très difficile.

- Si, ça va l’être. Mais avant que tu ne partes, saches que ton nom n’est plus Kalhid, tu seras désormais le porteur de runes Harès.

Un nouveau départ, avec un nouveau nom ? Au final, il valait mieux ça. De toutes façons, il comptait bien changer de nom.

- Dehors un cheval et des provisions t’attendent. Va maintenant, nous t’attendrons ici.

Harès partit donc vers ce nouveau destin qu’on lui avait prédit.

Une semaine plus tard, Harès trouva le lieu de l’Impact. En chemin, il avait rencontré d’autres personnes qui, comme lui, allaient vers cette fameuse pierre. Il apprit que de grandes guildes étaient sur place et qu’elles se livraient à des affrontements pour sa propriété. Quand il arriva sur place, il y avait là un véritable champ de tentes. Si tout le monde voulait cette pierre, il doutait qu’on puisse le laisser prendre un bout comme ça. Il attendit donc la nuit pour agir. Une faible lumière s’échappait de la météorite qui s’avérait être bien plus grande qu’il ne l’imaginait. Il ne s’attendait pas non plus à tomber sur un os. Après tout, qui surveillerait une pierre grande comme deux maisons de peur que celle-ci se fasse voler ? Et bien visiblement, les Combattants de Zil, eux, le pensaient. Enfin, un Combattant de Zil : Marlok. Celui-ci passait une bonne partie de la nuit à étudier la pierre. Évidemment, il faisait ça le plus loin possible du campement des Draconiens.

Harès se dirigea vers la pierre puis une fois devant posa sa main gantée sur sa paroi. Marlok fut surpris car personne n'avait pu passer la barrière qui protégeait la pierre. Lorsqu’il vit Harès assener de grand coup dessus il n’hésita pas une seconde. La prudence avec la magie était de mise et là ce n’était pas de la magie, donc potentiellement encore plus dangereux. Le mage lança un sort de fusion golemique qui eu pour résultat un mélange surprenant entre le mage Zil et son vieux golem de cristal.

- Éloigne-toi de là ! Tu risques de provoquer des catastrophes.

Harès regarda l’étrange chose avec suspicion. Son gantelet réagit à la menace et recouvrit la totalité de son bras droit.

- Ce n’est que de la pierre, ni plus ni moins. Je ne veux que prendre un morceau. Ne vous inquiétez pas, il ne se passera rien de plus.

Golemarlok secoua la tête de façon négative et sauta sur Harès, des flammes apparurent dans ses mains. L’homme du désert esquiva de justesse et asséna un coup magistral à son opposant qui faillit se retrouver à terre. Mais Golemarlok était coriace et frappa de ses deux mains jointes sur l’épaule du colosse du désert qui vacilla. Mais, pour Harès, se battre était un art de vivre. Il ne comptait plus le nombre de fois où il s’était battu dans les mines pour sa survie et celle des êtres qui lui étaient chers. Et comme à chaque fois la colère montait rapidement. Les échanges de coups se firent plus violents, la magie du mage-golem glissait sur le gantelet runique du colosse comme l’eau sur une peau d'un serpent. Puis, ce même gantelet finit par recouvrir les deux bras d’Harès et les symboles gravés dessus flamboyèrent. Golemarlok ne connaissait pas cette étrange magie et il l’apprit à ses dépends. Il souffrait de plus en plus et un malaise s’installait, il perdait le contrôle de sa magie. Mais le mage Zil n’avait pas dit ses derniers mots, et si la magie était inefficace il avait bien d’autres ressources. Il contre-attaqua avec des lames de cristal infligeant de sévères coupures à son opposant. Mais la rage d’Harès surpassait la douleur. Il mit toutes ses forces dans un dernier coup. Golemarlok eut le réflexe de se séparer de son golem pour éviter le coup qui allait sûrement le tuer. Ce fut donc sa création qui accueilli le poing ganté dans un craquement qui signifiait destruction. Harès plaqua si fort le golem contre la pierre tombée du ciel que cette dernière se craquela, libérant quelques morceaux de cristaux jaunes qui se mêlèrent aux cristaux bleu-nuit du golem.

Le mage Zil était vaincu. Et alors qu’Harès jetait les restes du golem de cristal, des personnes s’approchèrent. Ils étaient trois, leurs habits arboraient l’emblème des Envoyés de Noz’Dingard. L’un d’eux s’inclina devant Harès.

- Je suis Aerouant, fils de Prophète. Je dirige actuellement les Envoyés de Noz’Dingard.

Harès ne savait pas vraiment qui ils étaient, mais il s’en fichait vraiment. Le mage ne voyant aucune réaction enchaîna.

- Nous vous remercions pour ce que vous avez fait. Les Combattants de Zil sèment le trouble dans la région et ont commis des crimes odieux, dit-il avec amertume.

Aerouant se pencha sur Marlok. Ce dernier ne pouvait plus bouger d’un pouce, traumatisé par la perte de son golem et de sa défaite cinglante.

- Marlok, au nom de Dragon je vous arrête. Vous serez jugé en Noz’Dingard. Anryéna a vraiment hâte de vous voir. Le jeune mage ne cachait pas une certaine joie.

- Je ne sais pas qui vous êtes mais si jamais vous avez un jour besoin d’aide, prévenez-nous, nous avons une dette envers vous, ajouta Aerouant.

Alishk serra la main d’Harès à la façon des hommes du désert.

- Tu viens du désert d’émeraude n’est ce pas ? Pourtant l’armure que tu portes ne me semble pas être fabriquée là bas.

Le colosse ne répondit pas et commença à ramasser les éclats de la pierre tombée du ciel.

Les envoyés repartirent avec leur prisonnier et Harès se remis en route sans plus attendre. Il suivit le chemin aller sans s’en écarter une seule fois et une semaine plus tard il était revenu à ce mystérieux temple. Là un homme l’attendait, d’une cinquantaine d’année les cheveux bruns longs au regard fier. Il portait une armure complète de plaque de couleur dorée et argentée.

- Bienvenue Harès, je suis le seigneur runique Eilos. Si tu es là, je suppose que tu as accompli ta mission.

Harès lui jeta le sac dans les bras.

- Viens, nous avons un présent pour toi, Harès le runique.

Intrigues

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Depuis la chute de la Pierre, de plus en plus de guildes et de curieux convergeaient vers les terres du Tombeau des ancêtres. Les tensions étaient à leur paroxysme et beaucoup racontaient déjà qu’une guerre avait lieu. Ceux qui étaient présents, qu’ils soient de la Kotoba, des Envoyés de Noz’Dingard ou d’autres guildes le savaient bien, le conflit plongeait peu à peu le continent vers un embrasement total. Tout cela pour le contrôle d'un pouvoir extraordinaire dont personne à part les Nomades du désert ne connaissait l'origine.

Un peu partout dans le monde, de valeureux aventuriers s'affrontaient parfois même avec des compagnons du passé...

Deux mois après le début des hostilités, en Kastel Drakren, la plus proche ville draconienne avant le Tombeau des ancêtres.

Lorsque l'issue d'une guerre est incertaine, on fait souvent appel à la politique et à l'étiquette pour tenter de trouver une solution satisfaisante pour tout le monde. Tout cela se passait évidement en coulisse, depuis quelques temps déjà, mais cela personne ne le savait, du moins jusque là. Drakren était souvent utilisé pour les rencontres entre des ambassadeurs de l'Empire de Xzia et les politiciens de la Draconie. Et en cette heure tardive, dans l'une des salles de réception, les tractations se menaient avec tact et phrases bien tournées.

Kimiko et Oogoe kage étaient missionnés par l'Empereur pour faire négocier le départ des Envoyés de Noz'Dingard, mais le négociateur envoyé par Dragon avait des années d'expérience et allait être un adversaire redoutable.

- Seigneur Galmara, je suis certaine que nous pouvons nous entendre. Vous savez bien que seul un accord entre nos deux puissances permettra de finir cette guerre stupide.

- Ma chère, ce que vous proposez me semble difficilement réalisable. Rendez-vous compte, le Tombeau des ancêtres est une zone neutre depuis la fin de la guerre entre la Draconie et l'Empire. Que cette partie du monde redevienne Xzia et qu'ainsi la pierre soit votre n'est pas possible.

- L'Empereur est conscient que cela risque de provoquer un conflit encore plus grand. Mais dans sa grande magnificence, nous vous apportons une proposition qui je suis certain vous satisfera pleinement.

Oogoe faisait partie du Corbeau une faction présente au sein de la Kotoba et qui jouait un rôle plus que particulier.

- En échange du retour du Tombeau des ancêtres dans l'Empire, nous vous accordons un droit de passage à vie sur ces terres. Et en plus de cela vos mages pourrons venir à Méragi étudier la Pierre, une fois que celle-ci y sera rapatriée, et seconder nos mages, ajouta Oogoe.

- De plus, coupa Kimiko, voici une somme offerte par l'Empereur en gage de présent. Nous savons que la Draconie souhaite ouvrir des écoles de magie, ceci pourra l'y aider.

Galmara savait que la proposition n'était pas dénuée d’intérêt, mais la contrepartie était trop faible.

- Vous êtes bien renseignés, cela ne m'étonne guère de vous ma chère. Je retiens cette proposition et accepte au nom de Dragon le présent de l'Empereur. Je vais de ce pas faire part de votre requête à qui de droit. Je vous convie à nous revoir demain afin de vous donner une réponse.

Galmara s'inclina devant ses invités et les laissa pour rejoindre dans une autre pièce plusieurs autres personnes arborant toutes les couleurs draconiènes. Il y avait là Anryéna et une autre personne dont le visage était caché par une large capuche bleue nuit.

- Seigneur Galmara, nous vous écoutons.

- Dame Anryéna, Seigneur Prophète, l'Empire de Xzia souhaite que le Tombeau des ancêtres repasse sous leur égide. En échange de quoi la Draconie aura accès, très probablement sous contrôle à la Pierre tombée du ciel afin de l'étudier.

Anryéna regarda en direction de Prophète, puis ce dernier pris la parole.

- Dragon a été formel, nul ne doit avoir cette pierre. Elle est le poison qui va ronger Guem et nous mener tous à notre perte.

Galmara fut perturbé en entendant Prophète. Il se connaissaient bien pour avoir eu de longues discussions par le passé, mais il ne reconnaissait ni le son de sa voie ni sa façon de se tenir. Mais sachant rester à sa place il ne dit mot à ce sujet.

- Très bien, mais la situation est délicate. Si la Kotoba et les Envoyés se sont soigneusement évités jusque là, nous parlons bien ici d'une probable guerre ouverte, dont nous sortirons tous perdants. Si je peux me permettre nous avons mieux à faire.

- C'est exact, répondit Anryéna.

A ce moment quelqu'un frappa à la porte et rentra. Il s'agissait de Marlok, mais celui ci était habillé au couleur de la Draconie. Il avança jusqu'à la petite troupe et mit genou à terre.

- J’ai identifié le “souci”. Nous pouvons vaincre la Kotoba si le plan ce déroule correctement.

Galmara ouvrit grand les yeux.

- De quel plan parlez-vous et depuis quand êtes-vous devenu membre des Envoyés ?

- Ceci est long à expliquer, et le temps nous manque cruellement, répondit le mage. Prophète, vous aviez raison les Combattants de Zil sont sous une emprise Néhantiste, certains d’entre eux, comme ce fut le cas pour moi n’agissent plus de leur propre chef. Nous pouvons les libérer et faire d’eux de puissants alliés.

Prophète avança jusqu’à la hauteur du mage.

- Lève-toi Marlok, tu as bien oeuvré. Tu regagnes ta place au sein du Compendium. D’autres risquent aussi de courtiser les Zil. Mets-toi en route avec Aerouant et pistez Télendar. Il ne doit pas être loin de son “maître”. Va, j’ai encore à parler avec le seigneur Galmara. Anryéna quitta la pièce en même temps que Marlok laissant Prophète et Galmara à leur discussions.

- Que pensez-vous des Nomades ?

- Je les ai côtoyé autrefois, il faut se méfier d’eux.

- J’ai peur qu’ils préparent quelque chose de grave. Seigneur Galmara, il va falloir user de ruse. J’ai une liste d’invités que je souhaite convier à une grande soirée, ici-même. Durant cette réception, il nous faudra découvrir des secrets et déjouer les complots qui se fomentent dans l’ombre.

Dans le couloir adjacent, Oogoe souriait. Oui, bien des complots se montaient...

Présage

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Toran avait vaincu Akutsaï et emprisonné Akujin. Ne souhaitant pas abandonner son ancien élève, le vieux maître avait décidé qu’il était temps pour lui de revenir au temple de Yafujima et qu’enfin Aku devienne vraiment un membre de l’Ordre. Il l’avait quitté il y a bien longtemps, honteux d’avoir échoué dans sa tache de maître Tsoutaï. A présent, il était en paix. Il avait réussi l’épreuve que la vie lui avait imposée et, si on voulait bien de lui, alors il reprendrait sa place.

Leur arrivée ne passa pas inaperçue. Toran avait bien choisi son moment pour rentrer, car il était précisément l’heure de l'entraînement dans la cour. Les présents s’arrêtèrent, s’écartant pour leur laisser le passage. Les chuchotements se mirent à bourdonner jusqu’à ce que Toran et Aku furent de l’autre côté de la cour. Alors, tous attendirent les paroles du maître du Temple, le vénérable Zaoryu. Ce dernier n’en croyait pas ses yeux. Il fut autrefois un ami proche de Toran et avait eu le même maître. Toran s’inclina devant Zaoryu en présentant un rouleau fermé d’un sceau de papier.

- Voici le Cherchefaille dénommé Akujin, autrefois nommé Senjin. Je souhaite qu’il soit à nouveau gardé par les Tsoutaï de Yafujima.

Zaoryu accepta le rouleau et le confia dans la foulée à un Tsoutaï au regard assez froid. Puis à son tour il s’inclina devant Toran.

- Je suis heureux de te revoir mon ami, ta présence et tes enseignements ont beaucoup manqué. Je pense que nous avons à parler. Le jeune homme à tes côté est-il ton ancien élève, Aku ?

Aku n’avait pas prononcé le moindre mot depuis des jours. A présent libéré de son Cherchefaille il se rendait compte du mal qu’il avait causé et la honte s’était emparée de lui. Il répondit à la question de Zaoryu par une affirmation de la tête discrète.

- Vénérable, je souhaite finir de transmettre mes enseignements à Aku.

- Et tu souhaites donc rester ici et revenir parmi ceux que tu as abandonné ?

Toran se sentit mal. Oui, il les avait abandonnés.

- Mais nos enseignements sont tels qu’il ne nous est pas autorisé de vous refuser votre réintégration. Les blessures sont pansées et il faut désormais se tourner vers l’avenir. Toran ton erreur t’es pardonnée. Aku redevient ton élève...

Il fut interrompu par le cris de Aku.

- Maîtres, regardez, dit-il en désignant un immense oiseau qui passait au dessus d’eux. C’est un Cherchefaille !

Les Tsoutaï s’exclamèrent, aucun d’eux à part Aku n’avait ressenti sa présence, pas même Toran. Cela rappelait à tous quelle affinité avait le jeune homme envers le monde des esprits. L’oiseau, qui se trouvait être un Héron passa au dessus du temple et commença à s’éloigner.

- Toran, veux-tu suivre ce Cherchefaille et trouver pourquoi celui-ci se balade librement dans notre monde ? Surtout un Héron.

- Oui. Aku, reste là. Je reviens dès que je peux.

Le vieux Tsoutaï s’en alla rapidement avant de perdre la piste du Héron. En route, il se remémora une légende au sujet d’un Cherchefaille Héron.

Okïa, village Xziarite en bordure du tombeau des ancêtres. Hime avait été envoyée en tant que renfort auprès de la Kotoba et sur les recommandations du maître traqueur, Tsuro. Mais elle devait rester discrète car des informations lui indiquaient que des espions pouvaient surveiller les environs. C’était la nuit et elle patrouillait de toit en toit lorsqu’elle manqua de peu de louper sa réception. Elle se sentait observée. Mais il n’y avait pas l’ombre d’un quidam dans les rues à cette heure avancée de la nuit. Elle descendit pour se cacher le temps de voir si on ne la suivait pas. Or, c’était le cas, un vieux bonhomme déboula dans la rue, cherchant visiblement quelque chose, ou plutôt quelqu’un. Elle attendit patiemment qu’il passe à son niveau pour lui bondir dessus. Hélas pour elle, le vieux était Toran, qui ne fut guère surpris, prévenu par ses Cherchefailles. Ces derniers sortirent au moment de l’agression pour le protéger. Hime fut très surprise et recula de quelques pas. A ce moment là apparut devant la jeune fille un immense Héron violet qui écarta ses ailes. Le Tsoutaï n’en revenait pas, la jeune femme non plus d’ailleurs.

Les esprits se calmèrent lorsque chacun reconnût l’ordre dont faisait partie l’autre. Puis le Héron disparut, voyant que Hime était sauve et la situation sans danger. Toran observa la jeune fille avec beaucoup d'intérêt et remarqua les tatouages violets caractéristiques d’un lien avec un Cherchefaille.

- Que me voulez vous vieux pervers ?, lui lança Hime voyant ses yeux se balader sur son corps. C’était quoi tout ça ??

- Comment as-tu obtenu ces tatouages ?

- Et bien, je les ai depuis toujours.

- Bien, voilà quelque chose d’intéressant. Je veux parler à Tsuro, je sais que tu peux le contacter et ta présence ici indique de toute façon que tu devais probablement être en route pour le rejoindre.

- Je ne vois pas de quoi tu parles.

- Tu fais la maligne. Mais je sais que tu sens sa présence depuis toujours, que parfois tu as des rêves ou des visions que tu n’expliques pas. Je peux t’aider à comprendre ce qui arrive, mais je dois parler à Tsuro.

Il avait raison. Elle connaissait de réputation les Tsoutaï et c’est vrai qu’elle n’avait jamais pensé à eux pour régler son problème.

- D'accord, je vais le faire.

Le lendemain en toute fin d’après midi, Ramen, le très célèbre vendeur de nouilles s’était installé sur la place du village. Hélas pour lui, ses deux seuls clients, pour cause de réquisition, se trouvaient être Toran et Tsuro. Ramen était honoré de leur présence dans son humble échoppe. Mais deux clients, c’était mauvais pour ses affaires. Mais là n’était pas le sujet.

- Que sais-tu de Hime ?

- Tout, ou presque. Elle a fait une sottise ?

- Non, non, bien au contraire, je pense que sa destinée n’est pas celle qu’elle pense avoir.

- Soit plus clair veux-tu, les élucubrations des Tsoutaï sont toujours difficiles à comprendre.

- Hime est une Tsoutaï.

Tsuro ne parut guère étonné.

- Oui je le savais, mais ses talents sont au service de l’Empereur et l’Empereur souhaite qu’elle fasse partie de mes Traqueurs. Tu ne voudrais pas fâcher l’Empereur n’est ce pas ? De plus, j’ai beaucoup d’espoir pour son avenir au sein de mon ordre. Le vieil homme baissa la voix pour ne pas qu’Amaya, qui gardait l’entrée, ne l’entende. Plus tard, elle a de bonnes chances de prendre ma place.

- Mais si elle ne maîtrise pas son Cherchefaille, elle risque de provoquer des accidents et ainsi nuire à l’image de l’Empereur. Tu ne voudrais pas que l’Empereur apprenant cela se fâche non ?

Un silence pesant s’installa entre les deux hommes. Chacun ne voulait pas donner raison à l’autre. Mais c’est Toran qui trouva la solution.

- Oryukage. Tu connais ce nom ?

- Pfff, oui, bien sur, il fut un de mes prédécesseurs, il y a plusieurs siècles de cela.

- Et il était aussi le seul faire partie de nos deux ordres.

- La situation était différente.

- Non, pas différente. Je pense qu’Hime est sa descendante, je n’en sais pas plus pour le moment, mais le Cherchefaille d’Oryukage était un Héron, comme celui de Hime. Je te propose qu’elle suive donc nos deux enseignements. Je n’avais pas ressenti une telle puissance depuis Aku, et cette fois-ci je ne compte pas faire d’erreurs. Réfléchis donc au potentiel qu’elle peut apporter à l’Empire.

Tsuro se grattait la barbe.

- J’ai besoin d’elle pour une mission. Mais, dans un mois, je te l’enverrai.

Avec beaucoup d’ironie, Toran répondit.

- Je suis sur que l’Empereur ne sera pas fâché.

Le Bal des courtisans

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Kastel Drakren, plusieurs semaines après la rencontre entre le seigneur Galmara et les Envoyés de Noz’Dingard...

Comme convenu, il avait porté la nouvelle à une liste au combien particulière d’invités prestigieux. Tous jouaient de grandes batailles, mais point d’armée pour eux, seule la parole leur servait à vaincre. L’intrigue, la politique et les complots étaient le quotidien de ces hommes et femmes. Galmara savait que réunir toutes ces personnes lors d’une soirée donnerait un évènement dont tous se souviendraient. Depuis, il avait reçu de nouvelles consignes suite au refus de laisser l’Empire de Xzia redevenir maître du Tombeau des anciens. Il devait désormais se focaliser sur les gens venus du désert, empêcher la Kotoba d’avoir de nouveaux alliés, et voir si les Combattants de Zil pouvaient, ou non, servir les intérêts de Dragon, rien d’inhabituel en somme.

Tous avaient répondu présents et la soirée s'annonçait passionnante. Oogoe Kage, Kimiko, Hasna, Marlok, Angélique et Masque de fer avaient fait le déplacement jusqu’au château et chacun d’eux étaient un redoutable adversaire. Galmara les accueillit dans la grande salle de bal. Il y avait aussi des notables des environs ainsi que les gens de compagnie des courtisans. Il allait commencer son discours de bienvenue, comme le voulait le protocole, lorsque le portier annonça une nouvelle personne.

- Dame Ishaïa, envoyée du Conseil.

A ce nom tous se retournèrent. Galmara fronça les sourcils, cette personne n’était pas invitée, surtout pas elle. Ishaïa faisait partie du Conseil, une guilde co-créée par les puissances de ce monde afin de réguler les autres guildes. Son pouvoir était au moins aussi grand que celui d’une nation et les décisions du Conseil devaient être respectées sous peine de terribles représailles. Enfin, le Conseil était le seul à autoriser la création de Guilde et le seul à pouvoir les dissoudre.

Ishaïa était probablement l’une des personnes les plus craintes de ce monde. Sa beauté fatale cachait un esprit vif et une intelligence redoutable. Et, ce soir là, aucune autre femme ne pouvait se vanter d’être son égale. Avançant au milieu des convives elle salua au fur et à mesure ceux qu’elle connaissait. Galmara s’empressa d’aller à sa rencontre pour ne pas faire d’erreur. Ne pas accueillir convenablement un membre du Conseil en cette soirée pouvait provoquer des vagues. Le baise-main fut de rigueur.

- C’est toujours un plaisir que de recevoir un membre du conseil.

- Pas de balivernes, seigneur Galmara. J’ai eu vent de cette petite réception, vous ne m’en voulez pas, j’espère, de m’y être invitée.

- Certainement pas, vous n’avez nul besoin d’invitation.

- C’est exact. Mais, très cher, j’ai vu que vous alliez ouvrir la soirée. Je vous en prie, faites donc.

Le courtisan regagna l’estrade avec rapidité.

- Chers amis, le monde aujourd’hui est au bord de la ruine. Nous savons tous qu’il ne tient qu’à nous de trouver une solution diplomatique. Nous avons tous des connaissances, des amis, de la famille qui en ce moment même s’inquiètent pour leur avenir. C’est pour cet avenir que vous êtes là ce soir. Il est temps que nous retrouvions confiance les uns en les autres.

Tous applaudirent, pour beaucoup par politesse plus que par conviction. Une douce musique commença et des servants entrèrent en salle, apportant alcools raffinés et mets succulents. Et les discussions d’usage débutèrent.


Dans leur coin, Masque de fer et Oogoe se donnaient les dernières nouvelles.

- Marlok a réussi.

La voix de Masque de fer était rauque et semblant venir de très loin. Le courtisan Corbeau jouait avec une plume noire de geai.

- C’est à la fois une bonne chose et une mauvaise. S’il a restitué les pierre-coeur aux Zil, il a déjà commencé à les mettre de son côté.

- Oui, pour une fois, les Envoyés ont brillé. C’est un réel exploit que de reprendre à un Nehantiste des pierres-coeur noircies. Il m’a fallu beaucoup d’efforts pour que Marlok joue son rôle. Mais c’est fait, comme prévu.

- Désormais il faut faire en sorte que les Zil gardent leur indépendance. Et pour ça, j’ai une solution à apporter.

- Quelle est-elle ?

Oogoe sorti alors un parchemin d’une de ses nombreuses poches cachées.

- Ceci est un acte de propriété. Le Corbeau offre aux Zil un morceau de terre tout prêt de la frontière avec le Tombeau des ancêtres. Je sais bien que vous aimez voyager à travers le monde, mais cet endroit pourrait vous donner un pied à terre solide et vous permettrait d’être chez vous. Masque de fer faisait tourner un délicieux vin d’Yses dans son verre de cristal. Finalement il attrapa le papier.

- Les Combattants de Zil n’oublieront pas ce geste.


De son côté, Marlok voulait en savoir plus sur cette Ishaïa. Son nouveau rôle au sein des Envoyés le plaçait devant des situations inconnues. S’il avait déjà entendu parler du Conseil, il n’avait jamais croisé un de ses membres. Voyant que peu de personnes l’avait invitée à danser, il se lança.

- M’accorderiez-vous cette danse, ma Dame ?

- Volontiers, ils pensent tous que je dois mordre parce que je suis du Conseil, dit-elle en saisissant la main.

Marlok ne vit pas le regard noir d’Angélique qui en cet instant mourrait de jalousie. Les danseurs tournoyaient à un rythme relativement lent, ce qui leur laissa le temps de discuter.

- Vous êtes Marlok n’est ce pas ? J’ai entendu parler de votre si singulière histoire.

- Triste histoire, heureusement pour le moment elle se termine bien.

- J’ai lu le rapport que Prophète a envoyé au Conseil, et de votre coup d’éclat. Impressionnant.

- Je vous remercie du compliment.

- Je sais donc que les vôtres, et donc que vous, avez affronté un Nehantiste.

Marlok cessa de danser.

- Allons parler de ça un peu plus loin, voulez-vous, lui dit-il en lui tendant le bras, qu’elle saisit en toisant l’assemblée d’un regard espiègle.

Sur l’un des nombreux balcons du château, les deux courtisans continuaient leur discussion. Au loin, la pierre tombée du ciel luisait faiblement comme si une étoile brillait sur Terre.

- Vous permettez ?

Marlok fit apparaître cinq petits cristaux bleutés.

- Rassurez-vous, c’est uniquement pour que nos paroles restent entre nous.

Ishaïa acquiesça et le mage plaça à distance égale les cinq cristaux au sol autour d’eux. Puis, d’un geste, ces derniers lévitèrent et une sorte de bouclier magique bleuté se forma, tel une bulle.

- Voilà nous pouvons parler librement. Que voulez-vous savoir ?

- Ce n’est pas tant ce que je veux savoir l’important, mais ce que je vais vous apprendre. Voilà déjà plusieurs mois que nous observons des comportements inquiétants au sein des guildes. Ce qui s’est passé avec les Combattants de Zil n’est pas isolé. Le nom de Nehant revient sans cesse et votre dernier rapport le confirme. Nous pensons qu’un ou plusieurs Nehantistes profitent du conflit de la Pierre Tombée du Ciel.

- Nous avons affronté un Nehantiste effectivement, mais nous ne l’avons pas vaincu, seulement fait fuir. S’il y en a plusieurs, j’ai bien peur que nous ayons beaucoup de soucis si nous devions les affronter.

La jeune femme prit un air sérieux.

- Le Conseil souhaite vous confier une mission, dit-elle en attrapant un des rouleaux attachés à sa ceinture.

Marlok fut surpris.

- Pourquoi moi ?

- Parce que vous avez l’expérience, la maturité et les dons nécessaires. Il nous faut le plus de renseignements possibles sur ce qu’il se passe en coulisses. Nous voulons des noms et surtout nous voulons savoir ce qu’est devenu Eredan.

- Rien que ça ! s’exclama t-il sur un ton ironique. Vous pensez sérieusement que tout seul je vais pouvoir agir au mieux ?

- Non, pas tout seul. Il y aura d’autres personnes qui auront la même mission que vous. Pour le moment et pour des raisons de sécurité, nous préférons que chacun garde l’anonymat.

- De toute façon, je n’ai guère le choix. Je dois me plier aux ordres du Conseil. Mais je suis lié à Dragon et Dragon saura ce qui se trame. Je doute que vous puissiez lui interdire de mêler les Envoyés de Noz’Dingard à cette histoire.

- Dragon sait déjà et nous avons convenu que pour le moment il n’interviendrait pas.

Marlok soupira puis ouvrit le parchemin et déroula l’ordre de mission. Après avoir parcouru son contenu, il le rangea.

- Je me mets en route dès demain.

- Alors si l’affaire est entendue, j’ai encore envie de danser.

Le mage annula son sort et tous deux rejoignirent l’assemblée.

- Une dernière chose, méfiez-vous de ces deux là, dit-elle en montrant Masque de fer et Oogoe.

Mort et renaissance

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Prophète gisait allongé sur une table de cristal disposée au milieu de la grande place de Noz’Dingard. Le peuple était en deuil car désormais il n’avait plus de meneur. Anryéna, les yeux rougis par les larmes incessantes serrait la main de son fils. Autour d’eux, le silence n’était perturbé que par les pleurs des femmes. Kounok désormais de taille adulte dépassait de très loin tous les présents. Il se rendit compte, en voyant que quasiment toute la ville était venue, à quel point son frère était aimé. Naya et l’ordre des Sorcelames presqu’au complet saluait sa mémoire.

Tous lui dirent adieu.

Comme le veut la tradition, la nuit tombant sur Noz’Dingard, la foule s’éparpilla et, très vite, il ne resta plus qu’Anryéna et Kounok. Alors l’immense gemme bleue, point central de la vie en Draconie s’illumina. Une forme se dessina, d’abord simple lueur bleutée elle se matérialisa en un majestueux et immense dragon. Il se posa alors à proximité du défunt. Un halo apparut autour de Prophète et un double spectral sortit de lui. Anryéna semblait à la fois heureuse de revoir son fils, mais elle savait que c’était là sa dernière apparition.

- Ton existence est arrivé à son terme, je suis venu te chercher pour t’accompagner jusqu’à ta dernière demeure.

Prophète s’approcha de sa mère et, de sa main fantomatique, lui caressa la joue. Anryéna pleura de plus belle.

- Mère, retient tes larmes. Je serais toujours auprès de toi et Dragon va veiller sur moi.

- Je sais mon fils, je sais. Mais une mère a le droit de pleurer la mort de son enfant.

Kounok n’avait pas bougé d’une écaille et regardait son frère avec insistance. S’il avait pu parler, il lui aurait dit combien il allait lui manquer. Comme si Dragon avait su lire en lui, ce dernier approcha son immense tête.

- Es-tu prêt à prendre la relève Kounok ?

Anryéna protesta alors vivement.

- Quoi ? Me prendre un de mes enfants ne te suffit pas père ? Tu veux à présent faire prendre des risques inconsidérés à ton dernier petit fils.

Mais Kounok comme pour répondre regarda Dragon et acquiesça de la tête.

- Il a fait son choix ma fille. La Draconie a besoin d’un guide et, en cette ère de conflit, un nouveau Prophète doit apparaître.

- Mais Kounok n’est pas un mage. Or, tous les Prophète l’ont été auparavant.

- Il en est ainsi. Tes tentatives pour me dissuader sont vaines.

Anryéna baissa la tête.

- Mon frère, je sais que tu feras un Prophète fort et sage. Tu réussiras là où j’ai échoué.

L’ancien Prophète plaça sa main droite sur le museau de Kounok.

- Je te transmet la volonté de ceux qui nous ont précédés. Que leur sagesse et leurs connaissances soient tiennes.

A ce moment-là, une aura blanche enveloppa Kounok qui se sentit aussitôt comme assailli par des émotions et des images qui lui étaient inconnues. Dragon murmurait des paroles dans un langage inconnu. Kounok se transforma alors... en homme. L’aura blanche cessa peu à peu. Son incroyable ressemblance avec son frère était frappante. Il regarda ses mains puis toucha son visage en souriant. Il se racla la gorge et, pour la première fois de sa vie, put enfin s’exprimer par autre chose que par des grognements ou par le biais de la magie.

- Adieu frère, tu resteras à jamais dans mon coeur et dans celui de ceux qui t’ont connu.

Le fantôme de l’ancien Prophète disparut alors.

- Un Prophète part, un autre arrive. Comme tes prédécesseurs, un nouveau Chevalier dragon apparaîtra pour t’aider dans ta tâche.

- J’ai une bien meilleure idée, répondit Kounok.

- Je t’écoute, Prophète.

- Je ne souhaite pas de nouveau Chevalier dragon. Bien qu’il ait failli à sa tache, je veux garder Zahal auprès de moi.

- Si c’est là ton choix, je l’accepte.

- Ce n’est pas tout. Je souhaite aussi porter ce titre, car je ne suis pas mage comme mon frère, j’irais au combat l’épée à la main.

- Mais, cela va à l’encontre des règles, s’exclama Anryéna.

- Mère ! Les règles nous ont conduit à l’impasse. Il est temps de passer à autre chose et de montrer que notre peuple sait aussi se battre.

- Soit, je t’accorde ce droit.

- Encore une chose. Il me faut Chimère.

A ce nom, s’installa une sorte de malaise. Chimère était autrefois l’épée d’Ardakar qui restera comme le plus puissant des Chevaliers Dragon. C’est en partie grâce à lui que la Draconie l’emporta sur l’Empire de Xzia. Hélas Chimère, son épée fut l’instrument de sa chute lorsque la guerre contre Nehant éclata. L’épée fit faire des mauvaises actions à son porteur. Pour se débarrasser de l’emprise qu’avait Chimère sur lui, il n’eut d’autre choix que de la briser. Plus personne ne le revit jamais après ça. Le Prophète d’alors récupéra les morceaux de Chimère afin de les garder à jamais enfermés. Une épée apparut alors dans la main de Kounok. Sa lame de cristal était brisée et sa garde était usée.

- Dragon ! Pourquoi lui confier un tel instrument de mort ?

- Ma fille, je n’ai rien fait.

- Incroyable ! Elle est venue d’elle même !

- Elle n’est plus que le reflet de ce qu’elle fut jadis. Mais je sens qu’elle te sera utile.

Kounok regardait Chimère avec intérêt, il ne l’avait jamais vue ailleurs que dans un livre. Il espérait qu’elle devienne le symbole de la puissance militaire de la Draconie.

Plusieurs semaines passèrent et Kounok assurait pleinement ses nouvelles fonctions. Voilà quelques jours qu’il souhaitait repartir au Tombeau des Ancêtres et rejoindre les Envoyés, mis au courant de la nomination par Dragon de Kounok au rang de prophète. Mais le destin voulut que ce soit les Envoyés qui reviennent, du moins en partie, à Noz’Dingard. Prophète était en grande discussion avec quelques conseillers lorsqu’un garde lui apporta un message. Aerouant, Alishk et Zahal venaient d’arriver en ville et rapportaient avec eux Marlok le traître. Il les fit donc mander afin de les recevoir dans la grande salle. Zahal rentra en premier, tête basse, il savait qu’il allait être puni pour sa faute, suivi d’Alishk, de Marlok, maintenu prisonnier par des liens magiques, et enfin d'Aerouant qui en voyant Prophète fut déstabilisé. Kounok ressemblait tant à son père.

Zahal jeta Marlok au sol.

- Seigneur voici Marlok le t...

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que Chimère apparue dans la main de Kounok. Guidés par leurs instincts, ils avaient immédiatement vu une présence derrière Marlok, avec entre eux un lien étroit. Prophète frappa la présence avec rapidité et précision, coupant le lien invisible. Marlok perdit connaissance à cet instant. Une forme noire et vaguement humaine se forma.

- Aaahhhh, un nouveau Prophète... Tes jours sont comptés...

Puis la forme s’évapora.

Zahal, Alishk et Aerouant étaient abasourdis par la scène qui venait de se produire.

- Qu’est ce que c’était ?, demanda Aerouant.

- Je ne suis pas certain, mais j’ai bien l’impression que je viens de libérer Marlok de l’emprise d’un Nehantiste.

Zahal regardait l’épée de son nouveau chef, elle lui disait quelque chose. Puis ses souvenirs lui revinrent. Oui, il l’avait déjà vue, cette lame brisée... Chimère ! C’est à ce moment qu’il sentit que Prophète était aussi un Chevalier Dragon, ce qui l’affligea au plus haut point. C’était cela sa punition, allait-il perdre son statut ?

Le lendemain, Marlok avait repris connaissance. Bien sûr, il était enfermé dans une des cellules de la prison de la ville, bien gardé par deux Sorcelames. Mais de cela il se moquait bien car enfin il parvenait à penser par lui-même.

- Alors traître, tu es réveillé ?, la voie d’Anryéna symbolisait bien son sentiment du moment : la colère. Tu sais ce qui t’attend ?

Marlok se leva avec nonchalance et s'épousseta.

- Tu sais, je viens de vivre plusieurs mois sous l’emprise d’un Néhantiste. Tu peux bien me laisser croupir ici jusqu’à la fin de mes jours.

- Que... quoi ?

Marlok comprit aussitôt. Kounok ne lui avait rien dit.

- Je vois que ce Prophète-là se permet de te cacher des choses importantes. D’un autre côté c’est vrai qu’il est très différent de son frère.

- Je verrai avec lui.

- Voir quoi, mère ?, dit Prophète alors qu’il entrait dans la salle des cellules.

- Pourquoi vous ne lui dites pas tout, répondit Marlok.

Kounok regarda les Sorcelames.

- Veuillez nous laisser, je vous prie.

Sans bruit, les deux jeunes femmes quittèrent la salle.

- Je sais ce que vous avez fait par le passé Marlok. Voler des informations et des sorts interdits de cristalomancie sont des crimes graves. Mais je sais que vous avez toujours gardé ça pour vous. Ma mère vit dans ce passé et n’est pas capable de pardonner. Vous avez déjà été puni et je ne rajouterais qu’une chose. Vos fautes sont lavées, aujourd’hui plus que jamais la Draconie et les Combattants de Zil ont besoin de vous.

- Si j’ai été sous l’emprise d’un néhantiste, eux le sont probablement aussi n’est ce pas?

- C’est ce que j’aimerais savoir, ajouta Prophète en ouvrant la porte de la cellule.

Anryéna était blessée et en colère, mais comprenait que l'intérêt de la Draconie exigeait d’elle qu’elle ne fasse rien.

- Je vous renvoie parmi les combattants. J’aimerais que vous utilisiez ceci. Kounok tendait un monocle usé.

- Ceci a été fabriqué par Asal d’Arguemand, l’illustre inventeur de la cristalomancie. Il a été fabriqué durant la guerre contre Néhant afin de repérer les gens qui étaient sous emprise. Il vous appartient désormais. Vous êtes libre de faire ce qu’il vous plaît. Vous pouvez parfaitement ignorer, bien que cela m’étonnerait, la possession de vos amis Zil ou bien fuir. Ou vous pouvez revenir à vos racines et gagner votre place au sein des Envoyés. A vous de choisir votre chemin.

Marlok avait perdu plusieurs mois de sa vie et son golem bien aimé, qui lui avait d’ailleurs valu son renvoi du Compendium. Plus rien ne le rattachait désormais à cette vie d'errances. Par contre, il ne pouvait se résigner à abandonner les Zil à leur sort. Eux qui l’avait recueilli lorsqu’il n’avait plus d’endroit ou aller...

Abandonnée

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Ergue était fatigué. Son combat contre Tsuro et les Sorcelames lui avait demandé une attention de tous les instants. Il n’avait pas réussi à maintenir son état d’Abomination suffisamment longtemps pour les vaincre et la fuite était la seule solution qu’avait trouvé le chasseur Zil. Ses compagnons Soriek et Granderage étaient partis de leur côté pour brouiller les pistes. Depuis plusieurs semaines, ils dormaient dans les environs et jouaient à la guérilla, tantôt avec les Envoyés de Noz’Dingard, tantôt avec la Kotoba.

Ergue s’abreuvait à la rivière passant de l’autre côté de la forêt. Il vit alors coincé entre deux gros cailloux un morceau de tissu gris, puis le courant fit passer un autre morceau devant lui. Interloqué il jeta un œil un amont. Il vit plus haut une forme allongée sur la berge, à moitié dans l’eau glacée.

- Va voir. Chuchota une voix dans sa tête.

Il se releva et alla donc voir ce que cette chose pouvait bien être. Il devina en s’avançant qu’il s’agissait d’une personne. Ses habits étaient à moitié déchirés, Ergue releva un morceau de sa cape qui cachait en partie le visage de sa trouvaille. Il reconnu immédiatement à qui il avait à faire. Cette étoffe grise, ce masque si particulier, bien qu’il n’en ai jamais croisé, Ergue en était certain, c’était le Traquemage ! Mais pourquoi était-il dans cet état ? Et surtout... Le T.R.A.Q.U.E.M.A.G.E !!! Voilà une découverte sensationnelle, la réponse à bien des questions sur les origines d’un des plus célèbres assassins du monde. Ergue retourna le Traquemage qui était face contre terre, les formes sous le costume ne trompaient pas, c’était une femme. Des mèches de cheveux dépassaient de son masque presque entièrement déchiré, et le reste du costume n’était guère mieux. Le chasseur Zil en profita pour lui attacher les mains. Il décida de la ramener au campement, les autres sauraient probablement quoi faire avec elle.

En cours de route, la Traquemage se réveilla et prit doucement conscience qu’elle était trimballée comme un sac à patates. Ni une ni deux ses réflexes prirent le dessus. Un coup de genou dans le plexus, enchainé d’un coup de pied extrêmement bien placé et la voilà libre. Elle se mit alors à détaller comme un lapin. Hélas pour elle, Ergue était un chasseur et face à une proie en partie ligotée il n’eut pas de mal à la rattraper. Cette dernière se débattait avec rage et férocité, mais malgré cela, elle finit tout de même saucissonnée. Durant son retour au camp, Granderage rejoignit la petite troupe et fut fort intéressée, et il faut bien l’avouer un peu jalouse, de l'intérêt porté par son camarade Zil à ce “paquet”.

- Quesss que cessss ??

- J’l'ai trouvé au bord d’une rivière. C’est le Traquemage.

- Le quooi ?, dit-elle, l’air innocent.

- Tu sais bien, te fout pas de moi, compris, je suis pas spécialement d’humeur, rajouta-t-il en se tenant les côtes.

Un peu plus tard au campement Zil. Il n’y avait pas grand monde. Seul Abyssien, fidèle à son poste, gardait les lieux.

- Ah, Ergue, je commençais à m’inquiéter de ta présence. Soriek n’est pas avec toi, enfin avec vous puisque Granderage est là.

- Non, je sais pas où est passée cette barrique, mais il a intérêt à vite rentrer.

- Tu m’as l’air bien énervé, est-ce en rapport avec ce que tu as sur ton épaule et qui gigote ?

- Oui. Et il jeta sa prise sur l’un des nombreux coussins.

Abyssien se pencha sur la jeune femme qui grognait autant qu’elle pouvait. Il remarqua le costume et le reste de masque.

- Où l’as-tu attrapée ?

- Je l’ai trouvée au bord de la rivière à quelques heures d’ici. Elle était inconsciente.

Le chef des Zil s’adressa alors au Traquemage.

- Je vais vous libérer, nous ne vous voulons pas de mal, juste savoir ce qui vous est arrivé. Nous voulons vous aider. Vous ne pourrez pas sortir de ce chapiteau, je le scelle magiquement dans ce but. Avez-vous compris ? Le Traquemage fit oui de la tête et Abyssien après avoir clos les accès au chapiteau la détacha. Cette fois, elle ne fit aucun mouvement, mais des larmes coulait sur ses yeux.

- Êtes-vous réellement le Traquemage ?

- Je...

- Ne vous en faites pas, tout ce que vous allez dire restera entre nous.

- Je ne suis pas le Traquemage, mais j’aurais dû le devenir.

- Ah ? Vous alliez le remplacer ?

- Non, j’allais en devenir un, dit-elle avec une pointe de colère et d'amertume.

- Que voulez-vous dire par là ? Il y aurait plusieurs Traquemage ?

- Oui, nous... enfin ils sont nombreux à porter le costume.

Abyssien se retourna vers ses camarades.

- Apportez donc de quoi sustenter notre invitée.

Alors que Granderage et Ergue allaient chercher ce qu’il fallait, le chef des Zil en profita pour lancer un sort du Temps passé qui lui permettait de voir quels évènements avaient conduit cette jeune femme là où elle en était. Ce qu’il découvrit était une sacrée révélation. En effet, des images distinctes montraient plusieurs personnes en costume de Traquemage. Elles étaient toutes plus ou moins de la même taille. Elles entouraient la jeune femme comme dans une sorte de rituel. L’un d’eux s’avança alors.

- Je prends cette élève sous mon aile, je lui inculquerai nos secrets, je lui apprendrai à traquer et à tuer nos cibles sans jamais se faire prendre.

Un autre s’avança alors.

- Sombre, je prend ton nom car il n’est plus. Aujourd’hui tu es un Traquemage, tu serviras l’organisation jusqu’à la mort.

Un autre encore, qui avait un masque entre les mains le lui mit sur la tête.

- Allez maintenant, vos premières cibles sont désignées.

La scène s’arrêta là. Abyssien comprenait maintenant comment était bâti la réputation de ce célèbre assassin.

- Alors, Sombre, comment t’es tu retrouvée dans cet état ?

- J’ai été abandonnée par mon maître. La mission sur laquelle on nous avait envoyée a mal tournée et j’ai dû affronter plus fort que moi. J’ai failli. Mon maître m’a cru morte et il m’a laissée. De toutes façons, un véritable Traquemage se serait sorti d’une telle situation. Mais nos règles sont strictes, lorsqu’un Traquemage tombe, celui qui l’accompagne doit s’occuper de régler le souci. Tuer et faire disparaître le corps d’un Traquemage qui a failli fait partie des règles.

- Et bien, on ne doit pas rire tous les jours dans cette organisation. J’ai encore quelques questions, après, promis, je te laisse tranquille. Pourquoi me révèles-tu tout ça ?

- Parce que je les déteste !

- C’est une raison suffisante. Et donc, maintenant que tu n’es plus Traquemage, que vas tu faire ?

- Je sais pas.

- Les gens qui ne savent pas où aller sont les bienvenus. Reste avec nous le temps que tu voudras, Sombre, je suis sûr que tes talents seront très appréciés. Nous pouvons apprendre de toi, et nous, nous te protégerons des Traquemages si besoin est. D’ailleurs, ceux avec qui je souhaite que tu ailles arrivent.

En effet, après qu’Abyssien ait réouvert la porte, entrèrent Sangrépée, Sansvisage et Kolère...

L'Ambassadeur

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Le campement Xziarite avait retrouvé son calme. Les lueurs des torches éclairaient sa tente d'une douce lueur rouge. L'encens baignait le lieu d'une odeur suave. Gakyusha profitait de l'accalmie pour prendre un repos mérité. Une fois de plus, l'Empereur serait satisfait de ses services.

Soudain, une voix tonna à l'extérieur :

- Monseigneur ! Nous avons un problème.

Las, Gakyusha soupira. Se redressant de sa couche, il sortit de sa tente.

Avisant la sentinelle à genoux devant l'entrée :

- Que se passe-t-il ?

- Un heu... un être étrange s'est présenté à l'entrée du camp. Il réclame une audience.

- Un être ? S'agit-il d'un draconien ou d'un de ces forbans de Zil ?

- Ni l'un ni l'autre, monseigneur... Il dit parler au nom de la forêt.

- De la...? Allons bon... Je suis curieux de savoir ce que nous veut cet énergumène. Fait prévenir mon fils et Asajiro. Qu'ils se tiennent prêts au cas où il s'agirait d'une nouvelle fourberie Zil.

La sentinelle escorta Gakyusha jusqu’à trois sièges dressés un peu à l’écart de son campement. Sur celui du milieu était assis Ergue le dresseur, un peu plus à l’écart se tenait Soriek, le colosse bleu sur lequel Tsuro avait fait un rapport. Grandrage se tenait probablement à proximité dissimulée parmi les ombres des arbres.

Mais le plus surprenant dans cette rencontre était l’être étrange qui faisait face aux trois sièges. Sur sa droite, se tenait un Hom’Chai à la carrure impressionnante, le visage marqué de peintures rouges. Une grosse lance terminée par une lame d’ambre taillée était plantée dans le sol juste derrière lui. Mais l’être qui semblait avoir organisé cette rencontre était totalement inconnu du Xziarite. Il avait une physionomie plutôt chétive, pas très grand et peu musclé, ses grands yeux pales étaient dénués de pupilles et, surtout, il n’avait pas de bouche. Juste vêtu d’un pagne de feuillage et de lianes qui couraient sur son corps comme si la nature elle-même voulait le protéger des agressions. Dans sa main reposait un bâton terminé par une sorte de lune en ivoire taillée au centre de laquelle se trouvait une petite créature nimbée de flammes bleutées.

Ergue se tourna vers Gakyusha. Ce dernier lut dans son regard qu’il semblait aussi surpris que lui de l’étonnant déroulement des évènements. La voix résonna dans sa tête aussi claire que s’il l’avait entendu :

- Salut à vous Seigneur Gakyusha de l’Empire de Xzia. Je suis Parlesprit, je parle au nom du peuple Eltarite. Si nous avons souhaité vous rencontrer aujourd’hui, c’est pour vous faire savoir que les terres que vous foulez ne vous appartiennent pas. Elles ont été un territoire du peuple des forêts bien avant l’existence de vos nations respectives.


D’abord interloqué, Gakyusha éclata de rire...

- Vous plaisantez ? Le Tombeau des Ancêtres se dispute entre les draconiens et l’Empire depuis bien longtemps. De plus, la nation dont vous vous prétendez être le porte-parole nous est totalement inconnue. Je doute même que le Conseil ait connaissance de votre existence. Autant vous dire que votre entreprise est vouée à l’échec.

- Nous serions navrés de devoir user de nos pouvoirs pour protéger nos terres résonna la voix du Daïs. Nous l’avons déjà fait par le passé et nous sommes prêt à le refaire lorsque le danger est grand.

- Allons coupa Ergue, les conflits qui ont lieu ici n’engagent que peu d’hommes et ne s’enfoncent pas trop loin dans la forêt. Ne me dîtes pas qu’ils vous nuisent autant ?

- Le plus grand danger ne vient pas de ce conflit à proprement parler mais plus exactement de cette écharde dans la surface de notre monde. Le Daïs pointa son bâton en direction de la pierre tombée du ciel. Aussitôt, comme un mirage en plein désert, l’air se voila. La Pierre tombée du ciel brillait tel un ersatz de soleil. Le sol lui, semblait en feu et profondément blessé. En réalité la terre pourrissait comme une infection provoquée par un corps étranger.

- Bon sang murmura Ergue en se passant la main sur le front. Je commence à comprendre, murmura-t-il.

- Et alors, répondit Gakyusha, cette pierre est un enjeu. Nous ne saurions la transporter loin d’ici sans des outils et des hommes. Malgré notre suprématie dans le conflit actuel cette pierre suscite de plus en plus d'intérêts. Je ne peux prendre une telle décision sans l’aval de l’Empereur et des renforts pour protéger les ouvriers.

Le seigneur impérial se leva.

- Votre message est passé Parlesprit, mais je doute que votre nation insignifiante ait les moyens de se faire entendre.

- Soit, seigneur impérial. Je rapporterai vos paroles aux miens. Qu’il en soit ainsi.

Parlesprit recula avec son garde du corps, hors de la lumière du feu. Des myriades de lucioles s’élevèrent du sol allant jusqu’à masquer le Dais et l’Hom’Chai à la vue de leurs interlocuteurs. Lorsque le nuage de luciole s’éparpilla, il ne restait plus aucune trace d’eux.

De retour dans sa tente Gakyusha se recoucha. Allongé sur sa couche, il prit quelques instants pour réfléchir. Que représentait réellement cette pierre pour que tant de gens s’y intéressent. Ce peuple inconnu pouvait-il représenter un danger ? Il en doutait mais son expérience le poussait à se méfier des gens qui venaient ouvertement énoncer leur volonté face à leurs ennemis. Soit ils étaient fous, soit ils étaient sûrs d’eux.

- Tsuro !, dit-il dans le silence de sa tente. Est ce que tes traqueurs ont pu pister les émissaires des forêts?

- Non mon seigneur, nous avons perdu leur piste dès qu’ils ont atteint la forêt, répondit le traqueur depuis les ombres de la tente.

- Que sais-tu sur ce peuple Eltarite ?

- Peu de choses mon seigneur. Nous savons que de petites tribus Hom’ Chaï et Elfines sont éparpillées aux abords de la forêt. Il leur arrive de faire commerce de plantes, de bijoux d’ambre et de leur chasse mais ils n’ont que peu de contacts avec notre nation. J’ignorais qu’ils faisaient partie d’un regroupement de tribus, ni qu’ils pouvaient obéir à un autre peuple.

- Bien... Ce sont donc probablement des fous.


Ergue marchait dans l’obscurité d’un pas rapide. Ses dons d’affinité animale lui permettant de voir aussi bien dans l’obscurité qu’en plein Soleil. Si seulement Marlok était encore des leurs il aurait pu l’éclairer sur la visite de ce soir. Mais une chose était certaine, contrairement a ce prétentieux de Gakyusha, il ne ferait pas l’erreur de sous estimer le peuple des forêts. Il avait mis un moment à retrouver ce qu’il savait sur les Daïs. Dans ses voyages au cœur des peuplades les plus primitives de ce pays, il en avait entendu parler sans jamais en voir aucun, vénérés comme des dieux par tous les peuples proches de la nature. Les légendes racontaient qu’ils disposaient de grands pouvoirs magiques, qu’ils étaient la volonté de la nature, que toutes les formes de vies leur obéissaient. Si tel était le cas, un nouvel adversaire puissant allait entrer dans le jeu.

Le bloc d'ambre baignait la pièce d'une douce lueur dorée. Le Kei'zan de la vie, l'air mélancolique, s'abîmait dans la contemplation du monolithe. Poussant un soupir, il s'approcha de la pierre et posa sa main rugueuse à sa surface. La voix résonna aussi tôt dans sa tête :

- Alors mon frère, les hommes ont-ils été à la hauteur des tes espérances ?

- Hélas non, exprima silencieusement le Kei'zan. Notre tentative de raisonner cette espèce a échoué. J'avais envoyé Parlesprit accompagné de Marquerouge et de quelques-uns de nos éclaireurs pour entamer le dialogue avec les combattants humains mais nous n’avons rencontré que le mépris et l’indifférence.

- Je t'avais prévenu, ces enfants ne comprendront jamais rien, libère-moi et crois-moi qu'ils vont se rappeler pourquoi leurs ancêtres avaient peur de la forêt.

- Non, sonna mélancoliquement la voix du Kei'zan. Tes actes passés t'ont condamné à cette prison et tu y demeureras jusqu'à la fin des temps. La colère de la forêt s’éveille, ils comprendront très bientôt qu’ils ne sont pas ici chez eux.

La Momie

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150 ans avant que la pierre ne tombe du ciel, le désert d’émeraude était en proie à une guerre civile.

Les touaregs du sud, soutenus par les Cheikhs Azine, et la Prêtresse de Ptol’a défiaient la suprématie du culte de Sol’ra. Les conflits avaient mené à des batailles fratricides où les partisans de chaque camp pouvaient faire partie de la même famille.

Arriva le moment où les deux puissances furent de puissances égales. L’ultime affrontement eut lieu entre les polythéistes qui, pour une fois, s'entendirent pour mener un front commun contre les monothéistes de Sol’ra, dont les armées étaient sous le commandement du Gardien du temple Ahmid. Au cœur de la bataille, la prêtresse de Ptol’a, la déesse des morts, se retrouva à combattre Ahmid. Ce fut titanesque ! Les pouvoirs des élus des dieux étaient immenses, balayant tout sur leur passage, ne prenant plus garde à leur environnement et à ceux qui se battaient au nom de leur cause.

Si bien qu’il n’y eut bientôt plus grand monde autour d’eux. L’épée des gardiens d’Ahmid fendait l’air dans un sifflement rauque. De son côté, la prêtresse implorait Ptol’a de lui accorder des pouvoirs terrifiants et mortels. Hélas, le Solarian eut raison d’elle et Ahmid détacha la tête de son infortunée opposante. Il regarda la tête rouler sur le sable brûlant, elle s’arrêta en faisant face au guerrier. Les yeux clignaient encore et sa bouche s’anima.

- N’est pas mort ce qui à jamais dort ! Tu as gagné, mais en me tuant tu t’es aussi infligé la mort...

Étreint par un frisson glacial Ahmid réalisa que cette voix n’était pas celle de la prêtresse, mais celle de Ptol’a. Ce jour-là vit l’avènement de Sol’ra et la suprématie des forces de Minepthra. Le soir-même au cœur du désert une grande fête fut donnée en l’honneur d’Ahmid et de son armée victorieuse. L’alcool coula à flot, si bien que le gardien du temple fut vite enivré. Ses sens commencèrent à lui jouer des tours. Au milieu de la foule, il crut voir une personne qui lui semblait familière. Bousculant les convives, il poursuivit l'inconnu jusqu’au bord du fleuve passant non loin de là. Ahmid crut à l’apparition d’un fantôme, car il l’avait bien reconnue, c’était la grande prêtresse de Ptol’a.

- Est-ce bien toi?, dit-il avec un mélange d’étonnement et de crainte. La jeune femme lui sourit comme pour lui répondre que oui, c’était bien elle.

- Mais c’est impossible, je t’ai tuée de mes mains.

Des larmes coulèrent sur ses joues.

- Je t’ai... tuée.

Il tomba à genoux et se remémora les douces années qui précédèrent la guerre civile. A cette époque-là, il menait avec elle une douce romance qui fut hélas brisée par la folie des dieux. Et encore aujourd’hui en la voyant, il savait que son amour pour elle était toujours bien vivant.

La grande prêtresse se mit aussi à genoux et prit le visage d’Ahmid entre ses mains avant de lui donner un baiser. C’est là que le gardien du temple ressentit un profond malaise, puis une douleur au niveau du cœur.

- Tu meurs par la main de celle que tu as aimée comme elle est morte de ta main.

Le guerrier n’arrivait plus à respirer, son sang bouillait dans ses veines.

- Lorsque tu seras mort, les tiens viendront te momifier et te faire de somptueuses funérailles. Hélas pour toi, lorsque tu te réveilleras, tu seras enfermé dans ta tombe, pour l’éternité.

Ahmid sentait les battements de son cœur ralentir puis cesser au moment où la prêtresse lui accorda ces derniers mots.

- Tu as compris que je suis Ptol’a en personne. Cela me coûte beaucoup de venir ici. Un jour viendra où je reprendrai toute ma splendeur d’autrefois. Adieu, gardien du temple de Sol’ra.


Ahmid fut retrouvé et pleuré comme il se devait. Les honneurs lui furent rendus et comme l’avait prédit Ptol’a. On lui accorda une tombe digne d’un roi. Bien des années passèrent avant qu’Ahmid ne sorte de cette mort apparente. Il était perdu et surtout changé. Il frappa le couvercle du sarcophage avec force pour s’en extraire. Heureusement sa tombe était pourvue d’une myriade de petites gemmes solaire qui éclairaient faiblement la pièce assez exiguë. Hélas, plusieurs jours passèrent à tenter de trouver une sortie, en vain.

Dehors, la jeune Djamena suivait depuis quelques semaines les enseignements des prêtres. Ces derniers étaient fascinés de la rapidité avec laquelle la jeune femme apprenait et s'imprégnait des préceptes de Sol’ra. Une nuit, la jeune femme se réveilla avec l’étrange sensation qu’elle avait quelque chose à accomplir. Sans se soucier de quoi que ce soit, elle sortit du temple comme guidée par une force supérieure. Une voix lui disait que quelqu’un avait besoin d’elle. Elle arriva à la grande pyramide avant de rentrer à l’intérieur par une porte dérobée dont elle en ignorait l’existence jusque-là. Les couloirs sinueux la menèrent au cœur de l’édifice, là où Ahmid attendait depuis des lustres. D’instinct, elle activa la porte du Tombeau et y entra sans la moindre peur. Instantanément son apparence changea, des ailes apparurent dans son dos et ses cheveux devinrent comme le sable chauffé au soleil.

- QUI EST-CE ??, hurla Ahmid.

Djamena s'avança alors, éclatante de lumière. Le guerrier tomba alors à genoux devant elle en reconnaissant la puissance divine de Sol'ra.

"Un envoyé de Sol’ra", se dit-il, c’est l’heure de ma rédemption, enfin je vais pouvoir rejoindre mes ancêtres.

- Vous venez me délivrer de cette non-vie ?, dit-il d’une voix incroyablement caverneuse. J’ai servi fidèlement toute ma vie d’humain. Je vous implore Messagère de me laisser partir.

- J’ai d’autres plans pour toi, Gardien du Temple, sers-moi avec fidélité et je te délivrerai de cette malédiction.

- Mais... J’ai fait la guerre au nom de Sol’ra, j’ai tué en son nom, sacrifié mon âme et vaincu pour lui. Est-ce là sa façon de me remercier ??

- Il se montrera reconnaissant si tu agis encore en son nom, il n’y a pas de discussion à avoir. Il pourrait très bien te laisser ainsi. Ce n’est pas ce que tu veux, n’est-ce pas ?

La momie se rappela le commandement suprême des Gardiens du Temple : Obéir.

- Soit, que dois-je faire pour mon seigneur et maître, répondit-il avec aigreur.

- Ce que tu sais le mieux faire, tuer des gens. Une menace plus importante a fait son apparition. Ïolmarek et les autres Nomades du désert vont avoir fort à faire contre eux. Va leur prêter main forte.

- J'obéis !

Puis la jeune femme redevint Djamena, ses cheveux redevinrent noirs et ses ailes disparurent.

L'Eveil

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Une flèche siffla, fendant l’air avec vitesse et s’enfonça dans la poitrine du Seigneur Impérial Gakyusha...

Il avait fait la sourde oreille lors de l’avertissement de Parlesprit. Pour lui cette pierre appartenait désormais à l’Empereur et rien ne changerait cet état de fait. Les Envoyés ne s'intéressaient presque plus à cette pierre, les Combattants de Zil étaient en quasi déroute. Seuls les nomades du désert posaient des problème, mais jusqu’ici ces derniers n’avaient pas été belliqueux. Mais cela n’était qu’une façade, bientôt Ïolmarek saurait comment utiliser les pouvoirs de la pierre tombée du ciel et mettrait fin au conflit.

Hélas c’était sans compter l’arrivée de nouveaux adversaires qui eux ne souhaitaient qu’une chose, c’est que cette pierre et tous les envahisseurs disparaissent de leurs territoires millénaires. Aussi des racines avaient jaillies du sol dévastant les campements et tentant d'agripper tous ceux qui n’avaient pas encore fuient. Partout les uns et les autres tentaient de s’extraire de cette soudaine végétation et de délivrer ceux qui n’y étaient pas arrivés. Ydiane avait longuement observé tous ces gens et grâce à son expertise elle avait repéré certains membre de la Kotoba qu’elle jugeait “A neutraliser”. Elle et La Griffe s’étaient aventurés non loin de leur campement et s'apprêtaient à les éliminer. Elle banda son arc et tira sur celui qui semblait être le chef. La Griffe quand à elle fonça sur le plus gros d’entre eux. Xïn n'eut pas le temps de réagir et se retrouva sur le dos, des lianes l’enserrèrent aussitôt. Quand à Gakyusha, il remercia intérieurement Masamune qui lui avait forgé son armure, car la flèche se planta dans le métal et la pointe d’Ambre c’était en partie brisée. Mais ça voulait surtout dire qu’un tireur en voulait à sa vie. Dans le feu de l’action il vit une furie insectoïde agresser son Portefer. Il n’hésita pas et se mit à reculer dans la direction opposée. Repérant Ydiane, il empoigna la garde de sa fidèle Parole de l’Empereur et fit rapidement le vide dans son esprit. Il se focalisa sur cette seconde flèche qui avait été décochée. Ce n’était pas la première fois qu’il utilisait cette technique, mais jamais dans une situation aussi originale. Alors que la flèche allait lui ôter la vie en s’enfonçant dans sa tête le Seigneur Impérial utilisa une technique ancestral de iaïjutsu, il dégaina avec une incroyable rapidité son sabre, coupa la flèche en se décalant sur le côté. Il ne s'arrêta pas là, d’expérience il savait que les tirs en mêlée était très difficile, il décida d’aller porter la parole de l’Empereur à cette insectoïde qui lui servirait de bouclier en cas de nouveau tir à son encontre. Tsuro et Amaya n’étaient pas là et Iro, Asajiro étaient repartis pour la capitale, l’attaque avait donc lieu au moment où la Kotoba n’était plus vraiment à son potentiel maximum. Le combat allait être difficile.

De l’autre côté de la pierre, les nomades s’étaient réfugiés au pied de la pierre. Le pouvoir divin empêchait les lianes de progresser jusqu’à eux. Ïolmarek et Ahlem imploraient leur dieu pendant que le Sphinx était planté en garde, brandissant ses deux cimeterres avec rage. En face, deux Hom’chaï larges comme des colosses se dirigeaient en grognant de la petite troupe. Le Kei-Zan s’approcha alors, entouré d’une armure de ronces qui semblaient vivantes.

- Il est temps que vous partiez ! On ne le répètera pas.

- Créatures du mal ! Vous n’êtes rien en comparaison de Sol’ra. Vous n’êtes que des insectes et je vais vous écraser comme tel ! Hurla le Sphinx avant de se lancer contre le Kei-Zan.

Ce dernier frappa le sol de son bâton et des racines poussèrent avec célérité, capturant le mastodonte sans aucune difficulté. De leur côté les Hom’Chaï affrontaient les autres nomades avec une rage incroyable. Le sang coula rapidement, mais les blessures des nomades se refermaient grâce à la ferveur de leurs prêtres. C’était la première fois pour ces derniers qu’ils affrontaient la Magie. Ïolmarek la trouvait sans esprit et trop destructrice pour être mise entre les mains de ces sauvages. La Coeur de Sève n’eut pas de mal à s’imposer tant leur stratégie de bataille était rodée. Alors que les Hom’Chai venaient à bout des combattants du désert, Mélissandre monté sur son loup, accompagné de son Pikounours prirent de flanc le reste de la troupe. Heureusement pour les prêtres, un nouvel arrivant vint rétablir un peu d’équilibre dans cette opposition des forces. Ahmid imposait autant qu’un Hom’Chaï, à ceci près que sa nature d’être non morte, mais non vivante fit reculer ses adversaires.

- Je suis Ahmid, le fléau de Sol’ra, vous allez rejoindre vos ancêtres qui dorment dans les profondeurs de ces terres !

Ïolmarek regarda avec de gros yeux cette momie décharnée. Il avait bien dit Ahmid, comme le héros d’autre fois. Ils virent là l’intervention évidente de leur dieu et reprirent confiance. Le combat se changea en une mêlée désorganisée.

Le Kei-Zan, lui, observait patiemment. Il écoutait cette nature détruite, il réunissait ses forces, il concentra l’énergie de sa pierre-coeur, éclat de l’arbre-dieu et alors il se transforma. Son apparence devint celle d’un homme arbre. Ses pieds devinrent des racines qui s’enfoncèrent dans le sol, de son dos poussèrent de longues branches d’où pendaient de petites fleurs. Le Daïs irradiait des flots de puissance de l’arbre-monde. C’était là l’incroyable puissance de la Coeur de Sève, car à ce moment là les Elfines et les Hom’Chaï devinrent tous des Guémélites, en harmonie avec cette terre. La terre se mit à trembler, des racines et des lianes grosses comme des arbres arrachèrent le sol et s’enroulèrent doucement autour de la pierre tombée du ciel. Au bout d’un moment elles formèrent un cocon et on ne distinguait plus la moindre lueur jaune.

Ïolmarek et les autres Nomades ressentir que le lien tissé avec la pierre venait de se rompre, c’était là une lourde défaite, une bataille venait d’être perdue. Mais qui gagnerait cette guerre, désormais totale ?

Le Corbeau

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Quelques jours avant l’attaque de la Coeur de Sève, Xïn gardait l’entrée du campement de la Kotoba d’un seul oeil. Il était fatigué car depuis l’arrivée des gens du désert, de nouveaux affrontements éclataient.

- Alors, on rêvasse Porterfer ??

La phrase sortit le Kotoba de son état. Il n’avait pas vu arriver cette personne qui s’adressait à lui. Il plissa les yeux pour mieux voir et remarqua le mon de la Kotoba sur son kimono sombre.

- Tu me laisses entrer ou tu comptes me laisser là ?

- Qui êtes-vous que je vous annonce ?

- Tu ne vois pas qui je peux être ?

Xïn secoua la tête de façon négative.

- Bien, je vois... Annonce donc au Seigneur Gakyusha qu’Oogoe Kage est là, et fais moi entrer, barrique !

Le jeune membre de la Kotoba fulminait intérieurement face à cette insulte, mais le nom d’Oogoe Kage ne lui était pas inconnu. Iro qui s'entraînait avec Sen’Ryaku et qui avait assisté de loin à l’échange, laissa tomber sa partenaire pour aller voir ce qu’il se passait. Le jeune champion de l’empereur reconnut la tenue de l’arrivant, un membre du clan du corbeau. “Que veut-il ?” se demanda Iro.

- Mais voilà notre tout nouveau champion de l’Empereur ! Iro, il me faut voir ton père au plus vite. Tu peux aussi préparer des affaires car tu vas devoir repartir à Méragi.

- Pourquoi ça ?

- L’Empereur requiert ta présence.


Dans la tente de commandement, le Seigneur Impérial Gakyusha recevait Oogoe Kage.

- Seigneur Impérial, c’est hélas une triste nouvelle qui me fait venir jusqu’à vous. Notre seigneur et maître, l’Empereur de Xzia est gravement malade. Gakyusha se leva de son siège, la mine figée.

- Gravement malade ? Tu veux dire... mourant ??

Oogoe baissa la tête pour confirmer les paroles du chef de la Kotoba.

- Merci de m’avoir prévenu. Je vais préparer mes affaires et me rendre à Méragi.

- Seigneur, je crains hélas que votre présence ici ne soit... impérative, dit-il en tendant un rouleau de parchemin.

Après avoir l’avoir lu, le seigneur impérial alla se rasseoir. Il prit un parchemin, un pinceau et de l’encre. A peine eut-il écrit quelques mots, plié et scellé sa lettre, qu’il la donna à Oogoe.

- Iro et Asajiro t’accompagneront, Corbeau. Je veux que mon fils lise cette lettre à l’Empereur. Lui et lui seul, c’est bien compris ?

Le ton sévère ne fit pas réagir Oogoe.

- Il sera fait selon vos désirs, Seigneur. Puis-je disposer ?

- Tu peux. Fait appeler Iro, j’ai à lui parler.


Iro était prêt. L’Empereur lui avait toujours témoigné du respect et l’avait honoré du titre de champion de l’Empereur à un âge où personne n’avait accompli ce prodige. Les larmes lui venaient, mais il les retenait au mieux. Oogoe lui avait dit que Gakyusha l’attendait. En se rendant vers la tente de son père, il croisa Sen’Ryaku. La jeune femme lui attrapa le bras lorsqu’ils se croisèrent. Elle lui glissa quelques mots à l’oreille.

- Prend soin de toi et méfie toi des gens qui t’entourent. Aie confiance en Asajiro. Il te sera toujours fidèle.

Puis elle le lâcha et s’en alla à ses occupations. Iro entra dans la tente où flottait à présent une douce odeur d’encens. Il se rappelait de cette odeur et cela raviva chez lui un souvenir qu’il essayait d’oublier. Il y a quelques années lorsque sa mère tomba malade, son père avait prié les Kami de lui accorder la guérison, hélas sans succès. Mais le Seigneur Impérial avait accepté le décès de son épouse.

- Père, es-tu là ?

- Oui, Iro. Viens donc à côté de moi.

Le Seigneur de la Kotoba était dans une des ailes de la tente. Là, il y avait un autel sur lequel reposait la statuette d’une jeune femme nue dont les longs cheveux cachaient la poitrine. Autour d’elle des bâtonnets d’encens brûlaient lentement. Devant, en kimono entièrement rouge, le père d’Iro récitait des mantras de prière. Le jeune champion de l’Empereur se mit à genoux et récita à son tour des prières. Cela dura un long moment et la nuit tomba doucement.

- Iro, j’ai reçu un message de Tsuro juste après l’arrivée d’Oogoe. La situation au sein de l’Empire se dégrade et la politique s’intensifie. On me met à l’écart de tout cela et c’est une manoeuvre habile. C’est pour ça que je compte sur toi pour m’informer de ce qu’il se passe. Tout cela me semble suffisamment étrange et inquiétant.

Iro contemplait la statue, perdu dans ses pensées. Il entendait les avertissements de son père, mais il ne pouvait s'empêcher de songer à sa mère, dont le visage commençait à s'effacer de ses souvenirs. Il se ressaisit alors.


A quelques lieues de là, Malyss assis en tailleur au milieu du Tombeau des ancêtres terminait de lire une incantation qu’il avait commencé la veille. Il était au bord de l’évanouissement et ses forces magiques faiblissaient plus que de raison. Ce n’était pas le hasard qui l’avait amené ici, mais un plan bien précis. Et c’était plus exactement la dernière partie qu’il exécutait à présent.

Quelques semaines auparavant, il avait aidé Toran par le biais d'intermédiaires et avait fait en sorte que l’affrontement entre ce dernier et Akutsaï ait lieu ici. Leur présence en ce lieu avait bousculé le monde des esprits et une brèche s’était ouverte sur ce monde. Malyss cherchait un esprit particulier d’un guerrier tombé au combat il y a bien longtemps. Enfin, il acheva son incantation et tout autour de lui devint plus blanc, comme si la réalité s’était effacée. Des formes apparurent alors, au départ simple brume puis au fur et à mesure prirent consistance pour ressembler à des hommes. A ce moment-là, Malyss avait les yeux clos car il ne lui était pas permis de voir en ce lieu. Il attrapa alors une petite boite qu’il avait dans son sac, l’ouvrit et sortit son contenu : une plume de corbeau, bien trop longue pour être celle d’un animal de cette espèce de taille normale. Le jeune mage lâcha la plume qui se mit à voleter. Un des esprit fut alors attiré comme une mouche par du miel et il toucha la plume. Aussitôt tout réapparut autour d’eux. Malyss ouvrit les yeux. Devant lui se tenait celui qu’il était venu chercher.

- Gan’so, le Corbeau est heureux de vous voir de retour parmi nous. Vous êtes attendu avec impatience.

- Merci à toi d’être venu me chercher, je ne sais depuis combien de temps j'errais sans but.

- Il faut que nous partions pour Méragi, le Corbeau nous attend.

Iro et Oogoe arrivaient enfin à destination. La capitale s’offrait à eux, bourdonnante d’activité. Ils ne prirent pas le temps de se reposer et demandèrent audience immédiate afin que le champion Xzia puisse voir l’Empereur. Ils se rendirent jusqu’à la chambre Impériale où Ayuka, la vieille servante, prenait soin du malade. Elle se leva et s’inclina devant les deux hommes, puis sortit sans prononcer un mot. La pièce baignait dans une lumière rouge, couleur représentative de l’Empire de Xzia. Il y flottait des odeurs d’encens et de plantes médicinales. Iro tomba à genou devant le lit où l’Empereur, amaigri et la peau très pâle, dormait d’un sommeil mouvementé. Iro avait beaucoup de peine de le voir dans cet état. Après quelques minutes, une quinte de toux réveilla le malade qui s'aperçut qu’il n’était pas seul. Quand il vit son champion et Oogoe, l’Empereur se redressa.

- Kage, prononça-t-il avec difficulté. Laisse nous.

Oogoe s’inclina immédiatement et laissa les deux hommes à leur tête à tête.

- Iro, les ténèbres voilent mes yeux peu à peu... Bientôt je rejoindrais mes ancêtres.

- Non, ne dîtes pas ça, on trouvera bientôt un remède.

L’Empereur marqua un petit rictus.

- Les plus grands guérisseurs se sont penchés sur mon cas, sans aucune réussite. La mort m’emportera et je sais déjà que cela va être long. Iro... approche-toi de moi, j’ai quelque chose à te dire...

Le jeune membre de la Kotoba se plaça très proche de l’Empereur, c’était pour lui un grand honneur car dans la société Xziarite être proche de l’Empereur, au sens physique du terme, c’est avoir ses faveurs.

- Iro, tu n’es peut-être pas au fait, mais lorsqu’un Empereur n’est plus à même de régner, une régence est mise en place. Écoute moi bien, je sens que les ombres bougent et me guettent, tout cela n’est pas naturel. Tu es mon champion alors soit digne de ce titre et protège ton Empereur.

- Vous protéger ? Mais de quoi ? De qui ??

A ce moment-là entra dans la chambre un vieil homme à la longue barbe blanche, entièrement vêtu de noir.

- Seigneur Iro, ravi de vous revoir à Méragi. Je pense qu’il est temps pour notre Empereur de se reposer.

Iro connaissait bien cette personne : il s’agissait de Daijin, le vénérable et puissant dirigeant du clan du Corbeau, mais aussi premier conseiller de l’Empereur. Pour Iro, ce vieil homme avait toujours été un fidèle impérialiste.

Le jeune homme allait s’en aller lorsque l’Empereur l’attrapa par le poignet.

- Souviens-toi de mes paroles Iro... Protège l’Empire...

Tempus Fugit

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Psaume, le célèbre barde était assis sur un rocher en partie recouvert par la mousse. La plupart des habitants du petit village voisin s’étaient réunis pour cette occasion assez rare. Grands comme petits attendaient que le barde commence ses histoires avec impatience.

Psaume racla sa gorge et fit quelques notes sur sa harpe avant d’entamer une douce mélodie.

“Oyez oyez, écoutez donc l’histoire des exilés du Temps, venus chez nous pour fuir leurs malheurs.

Cela se passera dans le futur on ne sait ni quand ni où exactement. Samia jeune apprentie, curieuse de la vie, n’écoutait jamais rien.

Or elle était prévenue, le Destin ne s’offre pas à qui veut, lire le Livre lui est interdit.

Évidement elle foula du pied l’interdiction et du livre s’approcha...”


Quelques mois avant que Psaume ne fut dans ce village, comme beaucoup de personnes, il se déplaçait en direction de la pierre tombée du ciel. Son cheval et lui, harassés par un long voyage n’en pouvaient plus. Il chercha donc un endroit paisible pour passer la nuit. C’est là qu’il vit un petit campement au milieu duquel brûlait un feu, cela fut pour lui un phare dans les ténèbres tombantes. Il s’approcha et vit une jeune femme à l’accoutrement étrange, elle était seule dans un lieu assez peu réputé pour son calme.


- Excusez-moi, je voyage en ces terres et je cherche un endroit pour la nuit. Pourrais-je avoir l’honneur de partager ce campement avec vous ?


La jeune femme leva la tête vers Psaume et ce dernier vit malgré la pénombre qu’elle était aveugle, ses yeux étaient blanc comme la neige.

- Nous cherchons tous quelque chose. Installez-vous et n’ayez crainte, nous sommes à l'abri du danger.

Le jeune homme se posa et libéra son cheval, puis après avoir mis une couverture au sol commença à jouer de la lyre.

- Vous êtes musicien ? Interrogea la jeune femme avec une certaine pointe d’innocence.

- Je suis barde damoiselle, mon nom est Psaume.

- Enchantée, Psaume.

Après avoir interprété quelques chansons, le barde posa son instrument.

- Savez-vous comment nous, bardes, imaginons nos chansons ?

- Non, dites moi.

- En plus des légendes des diverses contrées, nous discutons beaucoup avec les voyageurs que nous croisons car ils ont souvent des choses à nous raconter.

- Et donc vous voulez savoir si je n’aurais pas des choses à vous dire ? A y réfléchir, oui, j’ai une histoire.

Le visage de Psaume s’éclaira d’un intérêt agrandi.

- Dites moi je vous écoute.

Il déballa à la va vite de quoi prendre des notes.

- Je vous écoute.

- Mon nom est Samia, dans cette époque nombre d’entre vous m’appelle l’Apôtre du Destin. Je viens du futur.

- Du futur ? Cela veut dire que vous savez ce qu’il va se passer alors ?

- Gentil Psaume, vous me poserez vos questions plus tard, mon récit est assez long.

- Oh, veuillez me pardonner.

- Donc, dans le futur je serai une apprentie de l’Horloger, une personne respectable d’une... comment dire, société secrète nommée Tempus. Je serai jeune lorsque se passera un évènement qui changea bien des choses.

Psaume brûlait déjà de mille questions, il écoutait en s’abreuvant de cette histoire incroyable où visiblement tous les verbes se conjuguaient de manière particulière, mêlant passé, présent et futur.

- Tempus est le gardien des secrets de la Destinée et conserve précieusement l’équilibre du Temps. Hors je ferai preuve de trop de curiosité car je briserai l’interdit absolu de Tempus, lire le Grand Livre des Destinées. Ce grimoire, créé par Eredan, peut révéler à celui qui le lit le Destin d’une personne. Il suffit alors de se concentrer sur la personne dont vous souhaitez voir le Destin pour que le livre se modifie.

Le barde avait tout de même un doute, est-ce une histoire totalement inventée ou bien était-ce là la vérité, avait-elle vécu cela ?

- Or j’ai eu une idée que je regretterai en partie, celle de vouloir faire apparaître le Destin d’une personne en particulier, le mien. Hélas pour moi j’ai enfreint là une règle que je ne connaissais pas en rapport avec la lecture de ce livre. J’en ai subi alors de très lourdes conséquences. Le Destin a voilé mes yeux et m’a punie. Je devrai désormais vivre avec la faculté de pouvoir lire le destin des gens que je croiserai mais jamais je ne pourrai apprendre quoi que ce soit sur mon propre destin. Je suis enchaînée.

- Passionnant ! s’exclama le barde. Et ensuite que s’est-il passé ?

- Il se passera qu’ayant brisé plusieurs règles “sacrées” j’encourrai les foudres des autres Tempus. Je ne devrai alors mon salut qu’à l’Horloger, dont je suis très proche. Je ne sais pas encore ce qui le poussera à m’aider. Il apparut immédiatement après que ma vue disparaisse et alors nous nous échapperons par le Tempus Fugit, une ligne du temps particulière, normalement aussi interdite d’utilisation. Nous avons choisi de venir ici dans ce temps-là.

- Si je comprends bien vous êtes revenus dans le passé. Mais est-ce que les autres Tempus ne pourraient pas venir eux aussi dans ce temps ?

- Vous êtes perspicace, Psaume. Ils arriveront bientôt, ce n’est effectivement qu’une question de temps. Mais nous avons convaincu des personnes au destin exceptionnel de nous aider.

- Mais en faisant ainsi n’allez-vous pas modifier le futur ?

- Et bien hélas je ne connaissais pas notre passé, mais à priori nous pouvons prétendre à deux théories. Dans le futur nous sommes déjà venus dans le passé et donc ce futur là est “normal”. Soit alors nous l’avons modifié et nous créons un autre futur. Je vous avoue que les histoires de temps sont plus la passion de l’Horloger. Ma vision du temps se borne à la destinée des gens car je peux voir le futur de quelqu’un.

- Alors vous savez quelles aventures je vais vivre.

- Oui, je sais que l’histoire que je vous ai racontée fera le tour du monde et que le moment venu vous vous rappellerez qui vous l’a racontée.


Loin dans le Futur, au moment où l'Apôtre et l’Horloger disparaissaient dans les méandres du Temps un homme, lui, apparut. Son costume était des plus singuliers, c’était un Tempus.

- Le présent impacte le passé mes frères, l’interdit a été enfin brisé, à nous d’agir.

D’autres personnes aux tenues semblables apparurent à leur tour.

- Ils seront enfermés.

- Les faits seront consignés.

- Ils seront châtiés.

Puis tous disparurent et empruntèrent le Tempus Fugit...


Mode d'emploi - Chapitre 1

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Baranthe est le plus oriental des 7 royaumes. Mais c’est aussi le plus proche des étendues sauvages, ces terres qui ont vu autrefois les affrontements cataclysmiques durant la guerre contre Nehant. Son roi, nommé Baranthe lui aussi, était un homme plein d’ambition. Son prédécesseur lui avait laissé un royaume faible et honteux pour les 7 royaumes, et cela le dérangeait vraiment. Il avait donc entrepris d’importants travaux un peu partout dans son royaume afin de donner un coup de fouet à l’économie et d’améliorer les conditions de vie de son peuple.

Un beau matin, un jeune paysan se présenta au Château de Baranthe avec une lettre importante à l’attention de sa majesté. Elle annonçait la découverte d’un étrange objet de grande taille enfoui dans le sol au fin fond de la province de Thane, connue pour être la plus pauvre région du royaume. Immédiatement, le roi fut interloqué. Un machin enterré dans une partie reculée de son royaume, qu’est-ce que cela pouvait donc être ? Il demanda donc conseil à des artisans connus de la capitale. Hélas, pas un ne sut expliquer ce qu’était exactement cette “chose”. Tout ce que le roi eut comme informations fut qu’il s’agissait d'un objet de grande taille avec des mécanismes incroyablement complexes. La réaction ne se fit pas attendre.

- Eh bien soit. Puisque vous êtes des incompétents, je vais devoir faire appel à la seule personne capable de régler cela : le grand bijoutier royal !

Celui-ci arriva quelques temps plus tard, fit de basses courbettes et dit d’un air hautain :

- Je résoudrai ce problème pour votre majesté. Cette énigme sera résolue.

Ce grand bijoutier était connu pour avoir créé des mécanismes assez avancés en matière de bijouterie et avait à son actif plusieurs grandes inventions. Il partit donc en direction de Thane où l’attendait la “chose”. Là, il passa une semaine entière, presque jour et nuit, à tenter de résoudre l’énigme. Hélas, au bout de trois jours, il paniqua car il ne progressait pas du tout. Les serviteurs présents le virent même le sixième soir presque nu devant la “chose”, presque fou et bafouillant des “J’y arriverais jamais ! J’y arriverais jamais !”. Et, effectivement il n’y parvint pas. Le malheureux perdit presque la raison et fut ramené en catastrophe à la capitale où il mit longtemps à se remettre.

Le roi fulmina. Il perdait la face dans cette affaire qui commençait à sérieusement l'énerver. Mais il eut une bonne idée.

- Hérauts ! Faites courir le bruit à travers le monde que moi, le roi Baranthe, invite les plus grands artisans du monde à résoudre l’énigme que personne n’a encore dénouée. Celui qui arrivera à trouver la solution sera récompensé à sa juste valeur.

Très vite la rumeur circula et très vite une foule de curieux, de badauds et bien sûr d’artisans arrivèrent à Baranthe, doublant la population de la ville. Le Roi se retrouva victime de son annonce et dut faire face. Il ordonna donc à ses conseillers royaux de débuter un “casting”, une nouvelle méthode de recrutement par jury. Les sélections durèrent plusieurs jours et, évidement, la grande majorité des postulants fut refoulée. Néanmoins, quelques grands noms avaient fait le déplacement. Certains venaient même de très loin. Ils furent alors aimablement conviés, au frais du royaume, à se rendre à Thane, et durant ce trajet, certains d’entre eux eurent le temps de discuter de leurs passions respectives. Ils furent accueillis par le seigneur de Thane qui avait pris en charge la sécurité du chantier et supervisait, au nom de son bien aimé roi, la gestion de cette découverte.

- Bienvenue à Thane. Plus précisément nous sommes à Imsiss, une région dont l’histoire n’a rien de particulier. J’espère que vos talents incroyables nous permettront de résoudre l’énigme que je vous propose de contempler.

Il fit alors signe à ses gens qui ouvrirent alors la grande porte de bois de l’enceinte bâtie afin de sécuriser le périmètre. La “chose” était vraiment impressionnante, en partie recouverte de terre. C’était un immense cube d’environ trois hauteurs d’hommes. Il représentait un vrai défi car sa surface visible présentait des multitudes de mécanismes et de gemmes lumineuses de diverses couleurs.

- Eh bien, voilà du joli travail, s’exclama Delko, le célèbre facteur de Golem de Noz’Dingard.

- Vous zavez raaison cher collègu’ !, répliqua Jorus.

- Mettons-nous au travail. Enfin, moi je m’y mets tout de suite. Klemence la mécanicienne s’arnacha de son mecassistant, la plus incroyable de ses réalisations.

Sans avoir la moindre délicatesse, la jeune femme se jeta sur les mécanismes à sa portée et tenta de les fracasser à coup de marteau. Hélas sans la moindre réussite. Rien ne se passa, sauf la destruction de son marteau. Delko et Jorus, eux, fondaient des théories farfelues sur ce que pourrait être cet objet.

- Et s’il fallait aligner les mêmes couleurs de gemme trois par trois, peut-être qu’elles s’annuleraient ?

- Pouapoua ! Dites pas n’importe quoa. Moi je suis sûr qu’il faut appuyer dessus en mêm’ temps, répliqua Jorus, le souffleur de verre.


Non loin de là, deux Traquemages bien cachés observaient la scène avec beaucoup d’intérêt.

- Voilà un objet dont nous n’avons pas entendu parlé depuis longtemps.

- Oui, il faut dire que certaines de ses œuvres existent encore.

- Sauf que celle-là est son œuvre majeure, enfin sa deuxième je voulais dire.

- Oui, même aujourd’hui personne n’est capable de l’égaler tant il était en avance sur son temps, un véritable génie.

- Ce qui est inquiétant c’est que ce... cube a été enfoui. On dirait un coffre-fort.

- Mais que renferme-t-il ?

- Nous le saurons, s’ils réussissent.

- Va faire un rapport à la confrérie, il nous faut consigner ces faits. Si nous pouvions récupérer à nouveau cette technologie, cela nous aiderait dans notre tâche.

- Bien, je pars immédiatement.

L’Arbre-Monde

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Le vent soufflait avec douceur dans les branches de Arbre-Monde. En ce temps-là, la vie était paisible sur Guem, l’Erosion n’avait pas encore œuvré. Nul humain ne foulait ces terres.

Arbre-Monde était le point central de toute vie. Il avait la particularité, outre d’être véritablement immense, d’avoir poussé sur une pierre-cœur, qui selon les légendes Daïs fut la toute première existante sur Guem. Ainsi, la graine portée par le vent avait atterri sur cette pierre et s’était développée à une vitesse hors du commun. C’est ainsi que l’Arbre est né.

Le printemps suivant, il se couvrit de fleurs magnifiques, qui devinrent ensuite des fruits, aussi proportionnellement grands que l’arbre. Une fois ces fruits mûrs, ils tombèrent au sol. Mais, au lieu de germer pour à leur tour donner un arbre, ce furent des créatures qui en sortirent, pareilles à des poussins sortant d’un oeuf. C’était là la naissance des premiers habitants de Guem, les Daïs. Ces enfants de l’Arbre-Monde étaient en harmonie, chacun étant à la fois une partie infime de l’arbre, comme une conscience collective, et un être à part entière.

Des années passèrent, puis des siècles et tout allait bien dans le meilleur des mondes. Mais l’un d’entre eux semblait préoccupé par quelque chose. Il avait été choisi par les siens pour devenir le chef du peuple Daïs, il se fit appeler Kei’Zan. Il était né d’un fruit de l’Arbre-Monde spécial car ce dernier donna deux Daïs. D’ailleurs, alors que le Kei’zan contemplait dubitativement le tronc de l’arbre, son frère s’approcha. Les membres de ce peuple avait la particularité de ressentir avec une grande précision les sentiments des autres. Et là, ce dernier avait senti la profonde angoisse du chef Daïs.

- Je ressens une grande préoccupation chez toi, mon frère. Peut-être puis-je discuter avec toi de ce qui ne va pas ?

Le Kei’zan avait toujours été le plus empathique avec ce monde qui l’avait accueilli.

- Chaque Daïs qui naît affaiblit l’Arbre-Monde.

- Comment cela ?

- La gemme-cœur faiblit et j'entends la voix de notre mère. Elle est à l’agonie.

- Vraiment ? Pourtant il semble que tout aille bien. Regarde, les branches sont nombreuses et ne tombent pas. Le feuillage est dense et il y a de nombreuses fleurs, annonçant l’arrivée future des enfants Daïs.

- Son mal est plus profond.

- Allons, ne t’en fais pas. Je suis persuadé que ça ira.

- Je ne crois pas.

Effectivement, la situation n’alla pas en s’arrangeant. Les Daïs sentirent que leur Arbre-Cœur périssait. La plupart d’entre eux se rendit à l’arbre comme poussé par leur instinct. Le Kei’zan et son frère soutenaient les leurs du mieux qu’ils pouvaient, mais la tristesse et la douleur était trop importante. Si l’arbre mourrait, cela condamnait leur peuple à la disparition. La gemme cœur, en partie visible dans certains interstices de l’écorce, n'émettait plus qu’une faible lumière. L’impensable eut alors lieux.

Le frère du Kei’zan s’approcha de l’une de ces interstices, vit que l’écorce était en train de se fendre et que la gemme-cœur de l’arbre était en train de gonfler. Il comprit tout de suite ce qui allait arriver. Il se mit à courir en direction de son frère alors que dans son dos la Gemme-Cœur explosait dans une gerbe de couleur verte. Il eut juste le temps de se jeter devant le Kei’zan avant de recevoir des éclats de la gemme-cœur de l’arbre. L’explosion avait pratiquement désintégré l’arbre et beaucoup des Daïs qui priaient autour perdirent la vie ce jour-là. Le Kei’zan poussa son frère inconscient qui était tombé sur lui avec le souffle de la déflagration. Au plus profond de son être, il était déchiré. Autour d’eux, c’était le chaos, des branches tombaient avec fracas alors que les pétales des fleurs descendaient doucement offrant là un triste spectacle. Il se pencha vers son frère qui malgré le fait qu’il soit inconscient bougeait, se tordant de douleur. Tout son côté droit était meurtri par des éclats qui s’étaient profondément plantés en lui.

Le Kei’zan secoua la tête comme pour reprendre ses esprits. Il se rendit vite compte que la conscience qui reliait tous les Daïs entre eux avait disparu. Il ne pouvait pas ressentir la douleur des survivants, ni celle de son frère. Pour éviter de se faire écraser par des débris qui tombaient encore, il prit son frère sur son épaule et le mit plus loin à l'abri. Ayant prit un peu plus de recul, il put alors se rendre compte de l’étendue des dégâts. Arbre-Monde était mort. Une bonne partie de son peuple balayé et, surtout, il n’y aurait plus aucune naissance de Daïs. Une fois la situation calmée, il ressentit comme une force magique qui émettait faiblement. Intrigué, il alla voir de quoi il pouvait retourner. Après avoir slalomé entre les corps des défunts Daïs et les branches mortes, il arriva là où se trouvait l’arbre et n’y trouva qu’une souche entourée d’éclats de cristal. C’est parmi eux que se trouvait un morceau de gemme particulier. Le Kei’zan se pencha et le ramassa. Aussi grosse que son poing, cette gemme abritait en son sein un morceau de racine. Il entendit alors ces paroles :

“La mort n’est pas la fin. Tu me porteras et nous vivrons ensemble jusqu’au jour de la renaissance”.

A ce moment-là, il comprit que cette graine était sa pierre-cœur et que le cycle de la vie était ainsi. Un jour, dans le futur un autre Arbre-Monde pousserait.

Mais quand ?

Mode d’emploi - Chapitre 2

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Salle du trône du château de Baranthe, quelques temps après le départ des artisans vers Thane.

Le roi était seul, assis dans son confortable fauteuil plusieurs fois centenaire. Il songeait à ce fabuleux trésor qui dormait et qui bientôt serait sien. Il faut bien l’avouer, il jubilait intérieurement. Hélas pour lui, sa bonne humeur intérieure fut vite contrariée par l’arrivée à l’improviste d’un visiteur très indésirable. Le roi se sentit en premier lieu fatigué, puis il sentit que son corps devenait de plus en plus lourd, autour de lui tout devint sombre, comme si la lumière passait au travers de vitres noircies. D’une poche intérieure de sa veste, une pierre sortit, lévitant à une faible distance de sa tête. Cette pierre-coeur devait probablement être verte, mais, en l’état, elle était presque entièrement noire. La lumière ambiante se concentra alors pour former des volutes de fumées qui convergèrent vers un point central. Enfin de cette fumée émergea un homme habillé de noir et dont le visage était en partie caché par une capuche. Il avança vers le roi en frappant le sol de sa canne.

- Vous œuvrez bien, roi Baranthe. Vous serez bientôt riche et les 7 royaumes seront bientôt à genoux devant votre splendeur.

Les mots du Nehantiste frappaient dans le mille. La vanité, l’avarice et le désir de devenir un des grands de ce monde servaient de point d’entrée à la conscience du roi.

- Le plan se passe comme prévu, nous arrivons à sa résolution.

Le Nehantiste donna alors au roi un parchemin vierge et de quoi écrire.

- Vous allez écrire une lettre adressée au seigneur de Thane.

Aussitôt, les mains du roi commencèrent à rédiger, sans même regarder le parchemin.

- Vous y indiquez qu’un dénommé Quilingo va venir en votre nom et va se servir en premier dans ce que contiendra le coffre. Il est important qu’il rentre en premier. Bien entendu, vous signez, comme à votre habitude, de votre sceau royal.

Quelques minutes plus tard, la lettre était prête et cachetée.

- Le dénommé Quilingo doit arriver demain. Vous le recevrez en toute discrétion et lui donnerez vos ordres.

Puis, reculant jusqu’au centre de la pièce :

- N’oubliez pas, votre nom va rentrer dans l’histoire !

Le Nehantiste se transforma alors en fumée, puis la fumée en lumière noire. La pierre-coeur du roi se remit dans sa poche, tout redevint clair. Le roi fut libre de penser à nouveau par lui-même. Pour lui, tout cela était son idée.


Plusieurs jours durant, les plus éminents artisans travaillèrent d’arrache-pied à la résolution de l’énigme. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que celle-là les tenait en respect. La petite troupe vivait de façon recluse dans un village monté à la va-vite et collé à la chose. Ce soir-là, le seigneur de Thane avait ordonné un rassemblement afin de faire le point sur les avancées de ses invités. Ils étaient donc tous là, autour d’une table, dans un brouhaha assez impressionnant, chacun défendant ses idées avec beaucoup de passion. Le pauvre seigneur avait beaucoup à faire avec autant de personnalités complexes.

- S’il vous plait ! S’il vous plait ! Messieurs et damoiselles ! Un peu d’attention !

Hélas, à part Arckam, le prestidigitateur des Combattants de Zil, personne ne l’écoutait vraiment. Devant le désarrois total du seigneur, le Zil se décida à faire quelque chose. Il fouilla dans une poche et en sortie un ballon de baudruche, puis d’un bond il se retrouva sur la table, sans que les échanges ne cessent. Puis le ballon gonfla pour devenir aussi gros que Ramen le vendeur de nouilles. Certains coupèrent leurs bavardages, d’autres pas. L’artisan Zil sorti alors comme par magie une longue aiguille et fit exploser le ballon qui immédiatement se mit à répéter les paroles du seigneur de Thane, mais avec beaucoup plus de corps.

- S’IL VOUS PLAIT ! S’IL VOUS PLAIT ! MESSIEURS ET DAMOISELLES ! UN PEU D’ATTENTION !

Étrangement, tout le monde s’arrêta de parler. Arckam redescendit de la table, aussi mystérieusement qu’il était apparu.

- Merci, messire Arckam. Maintenant que j’ai votre attention, j’aimerais que chacun fasse part de ses hypothèses. Vous voulez bien commencer Klémence ?

La jeune femme fut très étonnée de voir qu’on s'intéressait à elle. Elle s’essuya les mains sur son tablier puis se leva en se raclant la gorge.

- Si vous voulez mon avis, ce truc a bien été fabriqué par quelqu’un. Si on savait qui, on pourrait résoudre cette foutue histoire. Parce que pas moyen de dévisser quoi que ce soit sur ce machin !

- Très bien, mais sinon une hypothèse pour l’ouvrir ?

- Beh non, aucune idée.

- Bien, euh, merci. Bon, Jorus ?

Le vieil homme était entrain de chuchoter quelque chose à l’un de ses “Jorusiens” et fut surpris qu’on le demande.

- Quoa ?

- Et bien, auriez-vous une idée de comment ouvrir cette chose. Quelles sont vos théories ?

- Et beeen, j’vu des serrures, donc faut ptêt des clés ?

A ce moment-là, Delko se mit à applaudir.

- Bravo ! On s’en doutait pas !, ironisa le facteur de golem.

- Beh si t’es fort, vas-y épat’nous !

- Puisque tu me laisses la parole, je pense que j’ai quelques pistes. Comme le dit Klémence, il est important de savoir qui a “commis” ça avant d’avancer. Une fois que nous le saurons, il nous faudra comprendre les mécanismes.

- Donc, ça fait plusieurs jours que vous restez là à vous chamailler et ça n’a pas avancé d’un poil ?

- Vous faites erreur, contra Delko. Nous échangeons nos point de vue, c’est ce qui nous fait avancer. Si vous pensiez que nous allions arriver et découvrir la solution du premier coup d’oeil, c’est mal connaître notre métier. Bon ceci dit, ayant anticipé tout ça, j’aurais la réponse de qui est le constructeur de cette chose d’ici peu.

Effectivement, le lendemain matin, un messager en provenance de Noz’Dingard apporta à Delko un porte parchemin. Tous les autres artisans se réunirent autour de lui pour, comme dirais Jorus, “Lorgner”.

“Maître Delko,

Le nom de la personne que vous cherchez est Maître Elmijah de Kref’ga, aussi connu sous le nom de Ebohki. D’après les renseignements que nous avons sur lui au sein de la bibliothèque du Compendium, il aurait mystérieusement disparu quelques temps après la guerre contre Nehant.

En espérant que ces renseignements vous seront à toutes fins utiles.

Votre dévoué,

Aerouant.”


Ebohki. Ce nom éveilla immédiatement l’intérêt de l’assistance et les discussions repartirent de plus belle. Pour les gens présents ce jour-là, l’évocation de ce nom signifiait énormément, car dans le milieu qui était le leur, Ebhoki fut celui qui sublima son art à son paroxysme, un véritable génie en avance sur son temps. Même aujourd’hui la plupart d’entre eux n’était pas capable de faire aussi bien que lui. Cela n’augurait que du mauvais pour la réussite de leur entreprise.

Quelques jours plus tard, Quilingo était arrivé au campement de fortune. Il s’ennuyait ferme et passait le temps en jouant au Ylong au comptoir de Ramen. Ce dernier n’étant là que pour le travail (mais aussi un peu pour espionner les confrères). C’est au beau milieu d’une partie passionnante qu’une clameur se fit entendre et il y eut alors une grande agitation, suivi de multiples bruits de rouages et de jets de vapeur. Enfin, un tremblement de terre léger eut lieu, la “chose” était enfin ouverte. Les artisans présents se félicitaient les uns les autres et des “Hourra !” raisonnaient sur les parois de la “chose”. Quilingo sauta de son tabouret et se fraya un chemin au travers de la foule compacte qui, au-delà des compliments mutuels, commençait doucement à rentrer dans cette boite géante. Mais Quilingo rappela à tous que nul ne devait rentrer avant lui. Sa grande taille et sa force imposante lui permirent de se faire respecter. L’intérieur était incroyable ! Totalement métallique, il y avait là des mécanismes partout contre les parois et aussi des lumières vertes qui émanaient d’étranges demi sphères de verre. Un peu partout au sol se trouvait un véritable trésor. De l’argent, mais aussi bon nombre d’objets hétéroclites, allant de l’armure complète, au coffret, en passant par des objets plus simples comme des tissus. Les yeux des artisans s’écarquillèrent en voyant tout cela. Quilingo quand à lui déplia discrètement un morceau de parchemin sur lequel se trouvait une illustration, plus précisément un dessin d’une épée, avec, en dessous quelques inscriptions. L’homme-panda fouilla la pièce et finit par trouver l’objet de son désir, une épée ô combien particulière. Il l’enveloppa dans une grande pièce de tissu et s’en alla sans demander son reste.

Pendant ce temps-là, le seigneur de Thane jubilait de cette victoire. Il avait laissé tranquille ses invités depuis qu’ils avaient appris le nom de “l’artiste” qui avait construit la “chose”. Finalement, il avait bien fait. Il demanda donc à Masamune, resté en retrait jusque là, comment ils avaient réussi ce tour de force.

- Le roseau plie, mais ne se rompt pas. Notre intelligence s’est pliée sans se rompre.

- Ah, euh, très bien, très bien, mais sinon comment avez-vous fait ?

Masamune, qui à l’ordinaire ne souriait jamais, esquissa un semblant de rictus.

- Nous nous sommes adaptés. La conception de cette oeuvre ne pouvait être appréhendée par nos esprits qui raisonnent avec nos connaissances. L’adaptation a été la clé de notre victoire, et le travail d’équipe son instrument.

Le célèbre forgeron de la Kotoba montra les clés qui dépassaient de la porte.

- Il y avait plusieurs serrures, toutes différentes avec des clés de natures différentes, expliqua Delko au seigneur. En mettant nos connaissances en commun nous sommes arrivés à décrypter les énigmes. Mais bon je vous passe les détails, pour vous l’important est que cela soit fait et pour nous tous l’accomplissement. Et espérons, un peu de richesse.


L'Honneur retrouvé

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Elles étaient toutes là. L’ensemble de la sororité se tenait devant elle, comme pour faire poids dans la balance de la honte, cette honte qu’elle ressentait depuis des semaines. Elles portaient une simple robe grise et une ceinture de cuir noir tombait sur leurs hanches. Le gris, la couleur du malheur. Aujourd’hui, elle n’était plus une Sorcelame, déposant sa rapière aux pieds de Naya, elle ne retint pas ses larmes. Des larmes que beaucoup d’entre elles partageaient. Lorsqu’une Sorcelame ne remplissait pas la fonction qui lui avait été attribuée, c’était toute l’organisation et tous leurs principes qui étaient mis à mal. L’erreur de la jeune femme était l’erreur de toutes, mais malgré cela c’est elle qui en payait le prix.

- Anazra. Aujourd’hui, ton honneur est brisé, et l’honneur est le pilier de nos croyances et de nos principes.

La commandante ramassa l’épée d’Anazra.

- Je me rappelle le jour où je t’ai donné cette arme, tu étais très jeune à cette époque. Te la reprendre aujourd’hui est pour moi un déchirement.

Les larmes d’Anazra tombaient avec force sur le sol caverneux du temple de la sororité.

- A présent, il est temps que tu partes. Je garde cette épée, en espérant pouvoir te la rendre le jour où ton honneur sera retrouvé.

Ainsi s’acheva la cérémonie qui vit une Sorcelame défaite de son titre, cela arrivait que très rarement mais c’était toujours une épreuve pour l’organisation que de subir cela.


Quelques jours plus tard, la jeune femme avait abandonné tout espoir de redevenir celle qu’elle était. Elle passait le plus clair de son temps dans les jardins de Noz’Dingard où les statues des héros du passé regardaient vers l’horizon. Comment retrouver l’honneur ? Elle s’était posée cette question des centaines de fois, sans avoir la moindre réponse à apporter.

- Alors, as-tu trouvé l’inspiration Anazra ?

Deux jeunes femmes arrivaient, habillées en Sorcelame.

- Vous venez me narguer mes “sœurs” ?

Moîra et Eglantyne étaient arrivées à la même époque qu’elle et des liens s’étaient tissés entre elles.

- Bien sur que non.

- Nous n’avions pas de nouvelles de toi, mais il semble que ta présence ici ait été relevé par Dragon.

- Dragon ? Il doit bien rire de ma situation, ajouta ironiquement l’ex-Sorcelame.

- J’en serais pas certaine à ta place, ajouta Eglantyne.

- Mais tu n’es pas à ma place. J’aimerais bien t’y voir.

Les deux sœurs s’installèrent de part et d’autre du banc de pierre.

- Tu te souviens de notre formation ?, demanda Moîra.

- Oui, parfaitement bien.

Elle se remémora alors, quelques années plus tôt, la formation reçue de leur aînée, Naya, particulièrement de la première phrase qu’elle leur adressa. Et à sa façon, c’était autant un test qu’un “Bienvenu”. “La Sorcelame est à la fois fine lame et magicienne. Elle doit être agile et comprendre les arcanes de Dragon.”

Puis des souvenirs plus récents, où Eglantyne, Moîra et elle s’étaient aventurées dans le Souffle de Dragon, une région au plus profond de la Draconie. Là, elles avaient compris le sens du mot honneur. Anazra regarda ses amies avec intérêt. Toutes les deux souriaient. Elles savaient bien qu’elles lui ouvraient là la piste vers son retour chez les Sorcelames. Elle se leva, le cœur plein d’espoir.

- Merci, j’ai compris ce que je devais faire.

Puis, elle s’en alla sans dire un mot de plus, saluant de loin ses amies.

- Tu penses qu’elle va réussir ?

- Dragon veille toujours sur elle comme il veille sur nous. Elle n’est pour le moment peut-être plus Sorcelame, mais elle reste une draconienne, et ses pouvoirs sont toujours aussi redoutables.

- Nous verrons bien.


Anazra fit un rapide détour par l’auberge où elle dormait depuis sa déchéance, prit ses affaires, la rapière qu’elle s’était offerte pour remplacer celle reprise par Naya et quitta la ville dans la foulée. Elle savait que son voyage ne durerait que quelques jours et qu’elle passerait par des villages bordant la route. La voilà partie pour un périple initiatique, ou du moins, à nouveau initiatique. Elle avait déjà foulé les pavés de la route qui menait vers le Sud, à Noz’Zar, la deuxième plus importante cité de la Draconie. Là, elle quitterait la relative sécurité pour suivre des chemins qui la mèneraient à la plaine des Mornepierres qu’elle traverserait avec prudence et témérité. Sauf que cette fois, arrivée au bout de cette plaine, elle rencontra un voyageur qui se reposait près d’un ruisseau. Anazra ne s’attendait pas à trouver quelqu’un ici, au milieu de nulle part. L’homme se leva à l’approche de l’ancienne Sorcelame. C’était un jeune homme qui avait à peu près son âge, portant des vêtements de voyage mais d’une facture qui ne laissait aucun doute sur sa condition, un membre de la noblesse. Les traits de son visage lui rappelaient quelqu’un, mais elle ne savait pas vraiment qui, mais l’impression de déjà vu était plus que forte.

- C’est bien vous, dit-il d’un air assez satisfait.

La jeune femme fronça les sourcils. “Qu’est ce que c’est que cette histoire encore ?”.

- Ça dépend, qui attendez-vous messire ?

- Celle qui devait protéger mon père, mais qui n’y arriva pas.

Le cœur de la jeune femme se serra et la honte apparut d’un coup sur son visage.

- Oh, veuillez m’excuser pour cette phrase malencontreuse, je ne voulais pas vous faire de la peine. Venez, installez-vous avec moi je vais vous expliquer ce qui m’amène exactement.

L’ancienne Sorcelame posa ses affaires et s’affala sur l’herbe verte, le jeune homme suivit le mouvement.

- Nous nous sommes croisés une fois il y a deux ans, depuis j’ai grandi et surtout Dragon m’a confié la tache de succéder à mon père en devenant Seigneur-Dragon de Drak’Azol.

- Félicitations, c’est une lourde responsabilité, coupa-t-elle.

- Merci, mais je ne suis pas là pour vous annoncer cela. J’ai su que vous vous dirigiez vers le Souffle de Dragon. Or je dois rendre visite au Seigneur Karn, et je passe par la même route.

- Vous avez su ? Qui vous a dit que je passerais par là ?

- Vos amies Eglantyne et Moîra.

- Aaah les garces ! Je savais bien que leur discussion à propos de notre formation n‘était pas anodine.

Anazra fulminait et pensa “elles m’ont bien eue”.

- Et donc vous vous êtes dit que me rappeler mes erreurs le long d’un voyage serait à coup sûr une punition intéressante ?

Le jeune homme ouvrit la bouche, comme hébété par cette phrase.

- Non non, au contraire. Vous savez cet évènement tragique n’est dû qu’à deux choses : la Fatalité et le Traquemage. Cela aurait été vos amies à votre place le résultat aurait été le même.

- Vous vous basez sur des suppositions.

- Non, juste que vous vous en voulez de ne pas avoir accompli votre devoir, mais que vous ne devriez pas, car c’est ainsi que cela s’est passé et que cela aurait dû se passer.

- Je ne suis pas convaincue par ce que vous me dîtes, Seigneur-Dragon. Mettons-nous en route voulez-vous ? Les lieux ne sont pas très sûrs.

- Vous avez raison.


Ils se mirent alors en route au travers des montagnes rouges. Au début Anazra n’écouta guère le Seigneur-Dragon, mais chemin faisant elle céda peu à peu face aux arguments du jeune homme. Elle commençait de nouveau à avoir confiance en elle. Puis, quelques jours après, ils arrivèrent dans un lieu connu sous le nom de Souffle de Dragon. Une cuvette remplie en permanence d’une brume opaque.

- Nous voilà au Souffle, je vais reprendre mon chemin vers Kastel Drak. J’espère que ces quelques jours passés en ma compagnie vous aurons ouvert les yeux.

Anazra connaissait la dangerosité de la route vers Kastel Drak et, pour rejoindre la cité, il fallait franchir la passe de l’Œil qui était réputée pour être un repère de brigands.

- Si vous voulez, je peux vous accompagner jusque là-bas.

- Non non, vous avez mieux à faire que de m’escorter, personne n’attaquera un Seigneur-Dragon tout de même.

- Espérons-le.

Leurs routes s’éloignèrent alors et l’ancienne Sorcelame avança dans le Souffle de Dragon. Une légende très connue des draconiens raconte que ceci serait le Souffle de Dragon et que ce dernier empêcherait les secrets de ce qui s’est passé dans ce lieu d’être révélés. Les jeunes Sorcelames venaient ici pour être mises à l’épreuve. Anazra progressa une bonne heure avant qu’elle ne ressente la présence de Dragon.

- Qu’elles sont les règles de l’Ordre des Sorcelames ?, lui demanda une voix caverneuse.

- Vous servir Vous, servir le peuple et les Seigneurs-Dragon.

- Bien, et comment servir au mieux un Seigneur-Dragon ??, la voix se fit plus grave.

Anazra resta silencieuse quelques secondes. Puis, son cœur se serra. Elle avait laissé le seigneur de Drak’Azol face à un risque potentiel. Sur son honneur, il ne devait pas en être ainsi. Elle se mit alors à courir du mieux qu’elle pouvait. Elle ne s’arrêta que peu de temps et fit appel a ses pouvoirs magiques pour être plus endurante. Elle rattrapa le seigneur alors que celui-ci était au prise avec une poignée de marauds qui en voulait à ses quelques richesses. Sans hésitation, elle dégaina sa rapière et mit en œuvre le savoir-faire appris bien longtemps auparavant. Les brigands ne résistèrent pas longtemps et s’enfuirent à toutes jambes. Le Seigneur-Dragon n’avait heureusement rien.

- Et bien, j’ai vraiment cru que vous alliez m’abandonner à mon sort.

- Une Sorcelame doit veiller sur les Seigneurs-Dragon.

- Parce que vous êtes une Sorcelame ??

- Si la dirigeante de notre ordre le veut bien.

- Dans ce cas, je me permettrais d’intervenir en votre faveur.


Quelques jours plus tard, au temple de l’ordre des Sorcelames en Noz’Dingard. A nouveau, elles étaient toutes réunies, mais cette fois leurs robes étaient bleues et les mines réjouies. Anazra était de nouveau à genoux devant Naya. Le silence se fit alors.

- L’Honneur ne nous quitte jamais. Lorsque nous sommes dans le doute, nous pouvons compter les unes sur les autres.

Elle prit la rapière d’Anazra.

- Ceci est le symbole de notre engagement et je suis heureuse aujourd’hui de te le rendre. Porte fièrement cette arme et rejoins tes sœurs, Anazra, Sorcelame de Noz’Dingard.


Libérer l'Ombre

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Le bal des courtisans était maintenant fini, mais la mission d’Ishaïa ne s’arrêtait pas là. Elle avait confié une quête à Marlok et il lui restait désormais à annoncer une mauvaise nouvelle. Elle repartit de Kastel Draken avec ses suivants afin de rejoindre le Tombeau des ancêtres et, après plusieurs jours de voyage, l’objectif était atteint : le campement des Combattants de Zil.

En voyant arriver la délégation aux couleurs du Conseil, Ergue qui surveillait les environs prévint vite Abyssien. Ce dernier fit réunir tous les Combattants de Zil disponibles afin d’accueillir au mieux leurs augustes visiteurs. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il reconnut l’étendard de Dame Ishaïa. Par le passé, leurs chemins s’étaient déjà croisés. La conseillère toisa du regard les présents avec un air neutre.

- Conseillère, soyez la bienvenue en notre humble demeure.

- Abyssien, répondit-elle en inclinant la tête respectueusement. Merci pour votre accueil. Ne vous inquiétez pas, je ne resterai pas longtemps.

Les Combattants de Zil se regardaient les uns les autres. Qu'allait-il se passer ? La plupart d’entre eux ne savaient pas qu’un Conseil des guildes existait, et ils allaient l’apprendre à leurs dépends. Abyssien et Ishaïa s’installèrent dans une partie privée du chapiteau. Le chef des Zil proposa des rafraîchissements à la conseillère.

- Ravie de voir que tu sais encore recevoir des visiteurs de marque.

- Merci de garder tes réflexions pour toi, rappelle-toi qui t’a fait entrer au Conseil !, dit-il avec une pointe de colère dans la voix.

- Allons, allons, c’est justement parce que nous nous connaissons que le Conseil m'envoie moi et pas quelqu'un d'autre ! Tu aurais préféré que ça soit le Régent ?

- Non, bien sûr, je suis content de te voir. Mais je trouve ton attitude parfois cavalière. Qu’est-ce qui t’amène ici ?

- Et bien je viens t’annoncer une mauvaise nouvelle. Puis elle se racla la gorge en déroulant un parchemin. De nombreux faits sont remontés jusqu’à nous, parmi lesquels : l’assassinat de Prophète par Télendar alors chef de guilde des Combattants de Zil, l'infiltration d’un Nehantiste au sein de ta guilde, les trahisons des membres Sélène, Silène et Télendar, l'omission de déclaration de nouveaux membres de guilde et enfin l'absence de rapport d’activité depuis plusieurs mois.

Abyssien s’assit. Effectivement cela faisait beaucoup.

- En fonction de ces faits, le Conseil prend la décision suivante. La guilde les Combattants de Zil a deux mois pour mettre à jour ses déclarations et prouver qu’elle peut encore être digne du titre qu’elle porte. Sans quoi, elle sera purement et simplement dissoute.

C’était un coup de massue que venait de recevoir le chef Zil.

- Comprend bien, Abyssien, que ça ne me fait pas plaisir. Officiellement, le Conseil se devait de répondre aux agissements de ta guilde. Il faut redorer votre blason et prouver que tes membres sont dignes de confiance.

La jeune femme déposa son verre et se leva.

- Officieusement, je sais bien que tout cela concerne Télendar. Mais les règles sont strictes, le chef de guilde assume les responsabilités des actes de sa guilde. Le conflit dans lequel nous sommes s’intensifie. Je ne doute pas que les talents des Zils seront appréciés, si tu arrives à les canaliser.

Abyssien restait muet, tout cela était grave et il fallait agir avec sagesse.

- Bien je ne te retiens pas plus Conseillère, j’ai à faire.

Le ton indiquait clairement qu’Abyssien allait prendre les choses en main. Le visage du chef Zil se modifia et commença à enfler.

- Oui bon, je crois que je vais vous laisser. Dans deux mois, nous jugerons de l’évolution des choses.

La Conseillère repartit aussi rapidement qu’elle était venue, laissant le chef à ses affaires.


Abyssien était entouré par les autres Combattants. Il leur avait expliqué la situation et les mines étaient devenues graves. Kriss s’avança vers le chef.

- Abyssien, il faut réunir le triumvirat.

Les plus anciens Zils savaient qu’existait un triumvirat qui lorsque la situation l’exigeait se réunissait pour prendre les décisions. Les nouveaux fraîchement arrivés apprirent donc ce fonctionnement.

- Il va falloir oui. Puis, regardant l’assemblée. Bien écoutez moi tous, il faut débarrasser la piste, enlevez tout se qui traine, puis une fois que ça sera fait vous vous mettrez en cercle tout autour. Kriss et moi allons faire venir une personne inconnue de la plupart d’entre vous. Si jamais elle s’adresse à vous, ne lui répondez pas.

Les Combattants débarrassèrent donc la piste, puis Abyssien apporta une grosse malle, il l’ouvrit et attrapa son contenu. Puis, délicatement, il déposa ce qui ressemblait à une grosse marionnette, faite de paille et de tissus aux couleurs de la guilde. Il éloigna ensuite la malle. Kriss commença à jouer de la musique avec son orgue de barbarie un air jusque-là inconnu de la majorité de la troupe. Abyssien, quant à lui, lança un sortilège de nuit dans la pièce, puis un autre sort qui créa un puits de lumière sur la piste. Le chat noir qui ne quittait jamais Kriss faisait des cercles autour de l’espèce de poupée. Le chef des Zil incanta dans le même rythme que la musique. Au bout d’un moment, le mannequin de paille s’éleva dans les airs en même temps que le chat. Des tentacules d’ombre sortirent du félin et s’enroulèrent autour de ce qui en fait, était un épouvantail. Celles-ci passèrent ensuite par les yeux et la bouche de l’épouvantail et quittèrent le félin qui redescendit inconscient sur le sol.

La musique cessa de même que l’incantation. La créature était restée debout et se balançait doucement d’avant en arrière, les bras bringue-ballants. Tout le monde retenait son souffle devant l’évènement. Puis l’épouvantail s’anima encore plus et se mit à marcher en regardant autour de lui. Après avoir fait un tour de piste, il s’arrêta devant Abyssien et Kryss. Les deux hommes s’inclinèrent, puis la créature fit de même.

- PourQUOI, me DERangez-VOUS ?

- Il nous fallait réunir le triumvirat, la guilde est en danger.

- AAaH ? En QUOI la guilDE que j’ai créé EST-elle en DANger ??

Abyssien expliqua donc le passif de la guilde et la mise en demeure du Conseil. L’épouvantail se retourna et refit un tour de piste. Il ne reconnaissait personne à part Sangrépée et Sansvisage, d’ailleurs il s’arrêta à leur niveau.

- OUUUH mes PEtits vous avez GRANdits ! VOUS êtes SUPERbes !

Continuant son tour, il s’arrêta devant Sombre.

- COmment tu t’APpelles ?

Mais la jeune femme ne répondit pas, se souvenant de la mise en garde d’Abyssien. L'épouvantail dodelina de la tête.

- Elle se nomme Sombre, elle est douée en jonglerie, répondit le chef. Nous devons parler en privé.

Kryss, Abyssien et le nouvel arrivant laissèrent les autres aux spéculations les plus folles.


Le triumvirat se réunit donc à l'écart du chapiteau afin d’être libre de tout espionnage éventuel.

- NE t’inquIETE pas MONsieur LOyal, ils ne POUrront pas dissOUDRE ma chèRE GUIlde ! L’OMbre est là mainteNANT.

- Qu’allons-nous faire pour nous donner du crédit ?, demanda Kryss.

- Nous allons passer aux choses sérieuses, répondit Abyssien dont le visage se dilatait à nouveau.

- OUI ! On va PUnir les TRAîtres et FAIRE ce pourQUOI je nous AI créé, faire EN sorte QUE le MAL ne sorTE pas de l’OMBre.

- Vas-tu rester cette fois ?, interrogea Kriss qui lui aussi changeait.

- OUI ! Mais PERsonne ne devra savoir qui JE suis ! L’Archimage Artrezil a ETE clair A ce suJET. Vous me NOMMErez désorMAIS SALEM !

A l'aventure

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Comme un peu partout dans le monde, les îles blanches recelaient de véritables coupe-gorges, tavernes mal famées où l’alcool coulait à flots et les fripouilles venaient délester les soûlards. C’est dans l’un de ces lieux que débute l’aventure incroyable de l’équipage d’Al la Triste. “Les deux jambes de bois” était une taverne du quartier le plus mal famé de la célèbre cité Volovan, un repère de crapules, de fripouilles et d’arnaqueurs en tout genre. Burrich le batteur, un des clients réguliers avait bon espoir de réussir le coup du siècle en voulant vendre une carte au trésor. Ne sachant ni lire, ni écrire, il ne se doutait pas de l’importance de cette carte et, comme on ne le prenait jamais au sérieux, personne n’avait voulu croire en la valeur de ce qu’il détenait. Jusqu’au moment où son histoire parvint aux oreilles de Bragan, un des membres de l’équipage d’Al la triste. Après avoir fait quelques vérifications, il rapporta l’authenticité de la chose à son capitaine. Al la triste fut très intéressée par cette découverte.

Bragan le vieux baroudeur, Poukos l’homme poisson et le Capitaine Al la triste entrèrent dans la taverne où devait se passer la vente de la carte. Beaucoup sortirent en croisant les pirates, dont la réputation avait une fâcheuse tendance à les précéder. Pour ceux qui n’avaient jamais croisé Al la triste, sa vision provoquait toujours la surprise. Avec son tricorne, la jeune femme avait souvent du mal à passer les portes, tant en hauteur à cause de sa stature qu’en largeur avec son imposant bras droit mécanique.

Leur rendez-vous attendait dans un coin. Burrich s’imaginait déjà repartir richissime après avoir vendu ce bout de papier trouvé dans une brocante. Les deux acolytes du capitaine s’assirent à la table de l’infortuné vendeur. Le capitaine s’installa juste à sa gauche.

- Refais-nous voir la marchandise, raclure de latrines ! Harangua Bragan avec toute l’amabilité dont il pouvait faire preuve.

L’homme sortit donc l’objet tant convoité, un rouleau de parchemin qui fut probablement scellé par une lanière de cuir rouge et un cachet de cire. Al la Triste examina la lanière puis déroula la carte. C’était bien ça ! Plusieurs années à chercher en vain pour tomber dessus presque par hasard. Mais elle ne montra rien de sa satisfaction. Poukos lança sur la table une bourse contenant de l’argent. L’homme l’attrapa et l’ouvrit avec impatience. Hélas il fut déçu, la somme ne correspondait pas vraiment à ses attentes.

- Hey ! Mais y’a rien là dedans !, s’indigna-t-il.

Al la triste se leva d’un coup, renversant son tabouret, empoigna l’imbécile par le col et le souleva jusqu’à son visage. Les deux autres ne bougèrent pas le petit doigt. Il fallait bien entretenir le mythe de la célèbre Al la triste !!

- Ecoute tête de hareng, des comme toi, j’en ai plein ma cale. Je les refourgue aux mines de sel de Brence. Alors, s’tu veux pas que je t’arrache un bras et que je te bazarde là-bas, accepte ce marché qui est tout à fait honorable.

L’homme ne la ramenait pas. Il crut que c’en était fini pour lui. Poukos et Bragan le regardaient comme si sa dernière heure était venue. Pesant le pour et le contre assez rapidement, il tendit la carte.

- Te.. tenez, c’est bon ça m’va !

Le capitaine le lâcha d’un coup et il s’affala par terre. Il eut à peine le temps de se lever que les pirates étaient déjà en train de partir, ce qui constituait pour lui un soulagement. Il avait un peu plus d’argent et beaucoup moins d’ennuis.

Un peu plus tard sur l’Arc-Kadia, le navire volant du capitaine Al la triste, c’était l’effervescence. La jeune femme avait fait rappeler son équipage qui était jusque là “en permission”. Dans ses quartiers, la jeune femme tentait de percer les secrets de cette carte au trésor lorsque quelqu’un frappa à la porte.

- Capitaine, c’est moi !, dit une voix très aiguë.

Al la triste se leva, déverrouilla la porte et regarda son second avec joie.

- Viens entre, dit-elle en regardant s’il n’y avait pas un ou deux curieux qui les espionnaient. Je l’ai trouvée, j’ai enfin de quoi localiser le Titan du capitaine Hic !

Œil de gemme, le second, plissa les yeux et enleva les quelques mèches qui lui tombaient sur le visage. Elle avait grandi avec le capitaine et les deux femmes étaient devenues de véritables sœurs d’arme. Al la triste lui montra fièrement la carte, dépliée sur la table ronde. Autour, voire dessus, un tas de livres ouverts et des instruments de mesures étaient éparpillés. La carte elle-même était assez grande mais surtout magnifiquement illustrée.

- Tu crois vraiment que c’est le capitaine Hic qui l’a dessinée ?

- Absolument ! Regarde, dit-elle en montrant un tas de parchemins. C’est tout ce que j’ai réuni sur lui. Il y a là de nombreux dessins signés de sa main. Le style correspond, et la date aussi. Si tu observes bien, la partie gauche est le royaume de Bramamir, avant que le vortex ne se forme. Et on sait que Hic y a vécu avant la guerre noire.

Œil de gemme observait la carte. Elle ressentit alors l’émanation d’une magie discrète, mais présente. La guémélite passa la main au dessus et sans faire exprès réactiva la carte. Des inscriptions apparurent sur le parchemin, puis la carte exhala une fine fumée qui voleta pour former une image bien plus complète. Une petite boule jaune de la taille d’une phalange apparu sur la carte. Al la Triste avança, ses yeux brillaient d'excitation. Elle jeta un œil aux inscriptions, c’était une langue que peu connaissait, mais elle, elle l’avait apprise il y a bien longtemps. Son père, capitaine pirate lui aussi, avait enseigné à sa fille tout ce qu’il savait.

Voici ce que cela racontait :

“La chasse commence, contre vents et marée vous les trouverez, les cardinaux aidant. A chaque étape son combat, remporte les tous et trouve Titan ou bien sombre dans l’oubli éternel.”

Elle relut à plusieurs reprises la phrase afin de mieux en saisir l’essence.

- Et bien, c’est mystérieux tout ça, c’est très intéressant.

Son second, quant à elle, examinait le point jaune. Elle attrapa une carte de la région et compara les deux plans.

- On reconnaît certaines parties des Îles blanches, le point jaune indique un morceau autrefois côtier. Nous pouvons y être en deux jours.

- Bien, prépare l’équipage. Fais le plein de foudre. Nous partons demain !

- Bien, capitaine.

Le lendemain matin le navire était prêt. C’était un gigantesque 3 mats propulsé par deux gros moteurs “Vafeur”, mélangeant une technologie basée sur un moteur à vapeur et foudre, une machinerie bidouillée mêlant cristaux magiques et forces de la nature récupérés à même les nuages. Les arcs électriques qui léchaient les cristaux produisaient des claquements particuliers. Mais l’équipage s’y était depuis longtemps habitué et plus personne n’y faisait attention. Sur le pont, tout le monde attendait le discours de leur capitaine. Œil de gemme avait bien fait son boulot et tous filaient droits. Enfin, le capitaine apparut, portant son large sabre, preuve de son statut.

- Pirates ! Nous partons aujourd’hui à la recherche du Titan, le célèbre navire du capitaine Hic et du trésor qu’il renfermerait !, dit-elle en levant son sabre vers le ciel.

Alors, tous se mirent à crier, se donnant du courage, la tête pleine de rêves, de richesse et de gloire. L’équipage se mit au travail, détacha le navire de l’encrage et lâcha les voiles à la faveur du vents. L’Arc-Kadia trembla, craqua, puis doucement s’éleva dans les airs. La cité de Volovan et son île, figées dans le ciel devinrent de plus en plus petites alors que d’autres grossissaient. Al la triste tenait la barre avec fierté, elle savait précisément où aller, elle avait mémorisé la carte au trésor et les plans de son second.

La nuit était tombée sur l’ancien royaume de Bramamir et deux jours avaient passé depuis leur départ. Personne ne dormait et l’activité était fébrile, le navire amorçait sa descente vers une toute petite île à l'écart. Celle-ci était vallonnée de dunes et entièrement recouverte d’un sable morne.

- Que savons nous du coin, Œil de gemme ??

- Pas grand chose, c’est une région désertique, y’a personne qui vit dans le coin. Y’a que la mort qui ose venir ici.

- Un endroit idéal pour cacher quelque chose. BRAGAAAAAAAN !!, hurla le cap’tain.

Un vieil homme débonnaire apparut, à moitié endormi, un cruchon de rhum à la main.

- Ouais cap’tain ?

- Tu iras au matin sur cette île avec Ti mousse et...

- Moi ! Moi ! Moi ! Moi !

Débarqua alors une furie au cheveux courts et très légèrement vêtue. Elle monta les escaliers jusqu’au pont en deux temps trois mouvements et s'arrêta en se mettant au garde à vous. Al la triste eut l’air désespérée et secoua la tête en se cachant le visage de la main gauche.

- Tu dors pas encore la peste ??, targua Bragan.

- Allez, capitaine, laissez-moi y aller !, insista la rouquine.

- Bien, oui vas-y, mais je te préviens que tu m’entendras si tu rates ton coup. Compris, Armada ?

- Ouais ! Ouais ! Ouais !

La jeune fille sauta en l’air en agitant les bras frénétiquement.

Quelques heures passèrent et le jour arriva enfin, le petit groupe était prêt. Le navire se plaça à une distance suffisante pour que Bragan, Ti mousse et Armada puissent descendre avec une corde. Le sable était chaud et immaculé et les dunes s’étalaient à perte de vue. Le petit groupe progressa lentement mais sûrement vers le centre de l'île. A bord de l’Arc-Kadia, Al la triste observait avec sa longue vue, mais la chaleur émise par le sable voila rapidement le groupe de pirates. Au bout de quelques heures de marche, Bragan se rendit compte que quelque chose n’allait pas.

- En marchant comme on marche, on devrait déjà avoir atteint l’autre bout de l'île.

Ti mousse examina les environs.

- Là ! Des traces dans le sable ! Regardez, trois personnes sont passées par ici.

- C’est nos traces le mousse !, cracha Armada. Nous tournons en rond comme des rats dans une chaloupe.

- Mince, que va-t-on faire ?, lança le matelot avec une pointe de panique.

- On va réfléchir pardi, je sais que ça t’arrive pas souvent mais il va falloir. Nous allons commencer par changer de direction.

Le groupe se remit en route, et quelques temps plus tard, alors que la chaleur commençait à devenir insoutenable :

- On va mourir...

Ti mousse avait quitté son gilet et vidé son outre.

- Pas certain. Je t’ai dit qu’il fallait réfléchir.

- Parce que toi le vieux, t’as trouvé ?, dit Armada en s'esclaffant.

- Bien sur que j’ai trouvé. Et c’est justement une ancienne histoire qui me fait penser à la solution. Connaissez vous les miroirs de Flint ?

Les deux jeunes répondirent non à l’unisson.

- M’étonne pas ça. Et bien certains pirates pour cacher un trésor créaient une série de miroirs magiques imperceptibles qui faisait tourner en boucle les infortunés qui voulaient les voler. Et ici c’est le cas, enfin c’est pas un vol puisque Hic est mort depuis des lustres, mais son sort est toujours actif.

- Et comment on fait pour sortir de celui-ci ?

- Par magie ! Ces miroirs sont des mirages, nous avons de quoi les souffler et les briser. Armada, tu as toujours des explosifs sur toi. Va placer trois charges de façon à faire un triangle, tu sais ce qu’est un triangle ?

- Pfff, bien sur, vieux schnock !

Bragan se concentra durant de longues minutes, le temps pour Armada de placer trois bombes de sa confection. Puis une flamme apparue devant le mage pirate. Celle-ci se transforma alors en un petit oiseau, puis deux et enfin un troisième apparu.

- Couchez-vous !!!

Ti mousse et Armada eurent à peine le temps de se plaquer au sol que Bragan lança ses oiseaux qui foncèrent sur les bombes. Une grande explosion retentit alors et un nuage de sable se forma.

- Kof ! Kof ! Beh dis donc, c’est de sacrées bombes que tu nous as fait Armada.

- Ouaip, petites mais efficaces !

- Regardez ! Là ! Quelque chose brille dans le sable.

En effet un peu plus loin, en plein soleil un objet en or brillait de mille feu. En s’approchant les pirates reconnurent une tête de mort faites de sable, serrant entre ses dents un rouleau en or. Au moment où Bragan se saisit de l’objet, la tête de mort retourna à l’état de tas de sable. L’île elle-même fut secouée de tremblements.

A bord de l’Arc-Kadia, tout l’équipage scrutait les environs. Cela faisait maintenant de longues heures que la troupe était partie. L’inquiétude était montée peu à peu. Puis vint l’explosion, et quelques temps plus tard, un fait étrange. L’île tremblait et perdait des morceaux qui sombraient dans le vortex. Al la triste lança un rapide coup d’oeil avec sa longue-vue et repéra ses hommes. Le bateau tangua et avança en direction des infortunés corsaires qui luttaient pour ne pas être aspirés par l’un des nombreux trous qui se formait dans le sable. Bragan, Ti mousse et Armada remontèrent à bord in extremis car l’île entière se désagrégea...

Acte 3 : Embrasement

Embrasement

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La nature avait enserré le Tombeau des ancêtres d’une végétation épaisse. Elle avait obéi à ceux qui sont nés de la terre et des arbres. La fureur avec laquelle la Cœur de Sève était entrée dans le conflit mettait un terme à la relative quiétude des lieux. Les lianes, qui recouvraient désormais la pierre tombée du ciel, pulsaient comme si du sang affluait par les battements d’un cœur invisible. Le Sphinx frappait avec une rage divine, taillant les racines qui tentaient de le capturer, mais sa fureur était trop forte, autour de lui deux énormes Hom’Chaï s’approchaient dangereusement. Heureusement pour le Gardien du temple, il était épaulé par Kararine. Insaisissable et agile comme une panthère, elle libéra son compagnon nomade. Ce dernier décida de se replier le temps que Ïolmarek trouve une solution à cette forte résistance. Le chef des Nomades du désert avait fort à faire, repoussant avec peine les assauts magiques du Kei’zan et de Parlesprit. La magie des deux Daïs était puissante, mais la foi de Ïolmarek et ses acolytes était un rempart contre lequel leurs adversaires venaient se briser.


Un peu plus loin à l’écart, les restes du campement des Envoyés de Noz’Dingard abritaient une étrange rencontre. Melissandre discutait avec Valentin le chevalier dragon.

- En vous sommeille une force que le Kei’zan a identifié comme étant équivalente à celle de l’Arbre-Monde. Vous devez comprendre que cette pierre n’est pas bonne pour notre terre et qu’elle va la faire pourrir.

Valentin s’était réveillé le matin en sursaut alors que la Cœur de Sève lançait son offensive. Très vite sur le pied de guerre, il avait observé les escarmouches, rendant ainsi compte par ses yeux à Dragon d’une situation assez complexe et explosive. Puis plus tard, la jeune Elfine s’était présentée à lui, pour une raison qui lui échappait encore.

- Nous avons entendu parler de Dragon et de sa sagesse. Je parle au nom du Kei’Zan en demandant de l’aide auprès de votre peuple. Vous devez ressentir les effets de la perversion.

Valentin se gratta la barbe, assez embarrassé. Il n’était pas mage et n’y connaissait pas grand chose au sujet. Il avait été envoyé là le temps que d’autres membres reviennent de mission.

- Je suis l’un des chevaliers de Dragon, tout ce que je sais, il le sait car nous sommes liés.

A ce moment là, Dragon décida de prendre la parole. L’aspect physique de Valentin changea, ses traits devinrent ceux d’un hybride homme/dragon.

- J’ai entendu l’appel de l’Arbre-Monde, Elfine. Le mal est caché aux yeux de tous et occupe mes Envoyés.

Melissandre eut l’air déçue de cette réponse.

- Mais Valentin va vous accompagner et mettre son savoir à votre service. Je vous enverrai d’autres alliés le moment venu.

Puis, Valetin reprit son apparence normale.

- Bien, on dirait bien qu’il va me falloir me mettre sous votre commandement.


Un peu plus tard et avec l’aide fortuite du vieux chevalier dragon, les Nomades étaient en très fâcheuse posture. Il y avait plusieurs blessés dans les rangs des fidèles de Sol’ra. Mais, heureusement pour eux, ils n’étaient pas seuls. Ils combattaient pour un idéal et pour une force supérieure qui dépassait leur condition. La pierre tombée du ciel, bien qu’entourée de lianes, émit un nouveau chant. Le vieux prêtre l’entendait et le comprenait comme s’il s’agissait de paroles célestes.

“Appelle-là, serviteur. Elle seule peut vous tirer de là”.

- Elle ??

Malika, qui était à côté, attrapa la soutane de Ïolmarek.

- Qui ça elle ? Sois plus clair !

Mais le prêtre n’écoutait plus rien. Il sortit alors une lampe à huile et souffla dessus. Une créature bleutée en sortit.

- Oui, mon maître, puis-je réaliser un de vos souhaits ?

- J’utilise mon deuxième vœux, génie. Je souhaite que Djamena soit là immédiatement.

- Qu’il en soit fait selon votre volonté, maître.

Le génie ferma les yeux et une aura dorée apparut autour de lui. Un flash se produisit alors, aveuglant toutes les personnes dans les environs. Lorsque la vue lui revint, se tenait à ses côtés une jeune femme vêtue des habits blancs et bleus des initiés du dieu Sol’ra. La jeune femme avait l’air interloquée par ce qu’il venait de se produire et lançait des regards autour d’elle avec une certaine panique. Puis, jetant un œil inquisiteur sur celui qui avait sauvé son père d’un sort incertain, elle entendit à son tour le chant. La douce voix ne s’adressait qu’à elle.

“Djamena, réveille toi ! Il est temps pour toi de redevenir celle que tu étais autrefois. Tu entends Djamena ?”

La jeune femme ne bougeait pas, mais en elle quelque chose se produisait, un déclic, une libération. Une lance apparut alors dans sa main puis, d’un geste, elle fendit l’air de bas en haut en direction de la pierre. Au bout de quelques secondes, les lianes l’entourant se rompirent, puis, en tombant, se décomposèrent et finirent par devenir du sable. La gemme se mit à luire de plus belle. A son pied, Djamena avait changé. Des ailes avaient poussé et ses cheveux qui flottaient au vent étaient devenus presque blancs. Tous les Nomades savaient qu’un nouveau Solarian venait de faire son apparition, cela signifiait que cette bataille n’était pas perdue.

A présent, le sol autour de la pierre se craquelait, une violente énergie divine s’était mise à l’œuvre. Alhem sentait que Sol’ra les regardait et jugerait leurs actes. Les théurgies de soin furent invoquées, remettant tous les Nomades d’aplomb pour une nouvelle manche. La contre-attaque fut lancée par le Sphinx qui, dans un rugissement, sauta sur Marque-rouge et manqua de peu de le décapiter, sauvé in extremis par Valentin qui avait repoussé le colosse au corps de lion. Djamena s’interposa ensuite.

- Tu vas être jugé, je suis le bras de dieu, et toi un insecte que je vais écraser ! Dit-elle avec colère. A peine eut-elle prononcé ces quelques mots que le ciel commença à s’assombrir. - Seigneur, nos actes à venir ne sont pas dignes de votre regard. Que l’Eclipse voile vos yeux divins et nous accorde la faveur de la lumière noire.

La Griffe, quant à elle, s’était faufilée entre les restes de lianes et d’arbres et allait assener à la jeune nomade un coup magistral lorsqu’elle fut immobilisée. Elle se sentait comme attirée par le sol. Ïolmarek s’avança jusqu’à elle en ricanant. Son aspect avait changé, ses habits et son attitude étaient devenus noirs.

- L’Eclipse, ma belle Eclipse, nous avons une guémélite !

Puis, des deux mains, il attrapa la griffe par le cou et la souleva au-dessus de lui.

- Tes péchés sont nombreux, infidèle ! Ton âme m’appartient pour l’éternité.

Il plaqua sa main droite sur la tête de la guémélite puis, comme s’il avait attrapé quelque chose d’invisible, il tira de toutes ses forces. Une forme fantomatique sortit d’elle. Son âme quittait son corps. Son cœur cessa alors de battre et ses bras cessèrent de s’agiter. Le Kei’zan un peu plus loin assista à la scène sans pouvoir faire quoi que ce soit...


Vers les Confins

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Le Tombeau des Ancêtres était à feu et à sang. La pierre Tombée du Ciel avait embrasé les alentours, détruisant les campements des Envoyés de Noz’Dingard et de la Kotoba. La Coeur de Sève et Valentin le Chevalier-Dragon s’étaient repliés sur le territoire Eltarite. Ils furent très vite rejoints par d’autres qui avaient assisté à la bataille et qui souhaitaient en savoir plus. Les Nomades du désert tenaient désormais le Tombeau des Ancêtres, galvanisés par la pierre et par l’Eclipse qui s’était produite peu de temps après l’apparition de leur nouveau combattant. Ces fanatiques avaient mis en défaite les créatures de la nature.

Le Kei’Zan tenait dans ses bras le corps sans vie de la Griffe, la tristesse et la fatigue se lisaient sur les visages éteints des Eltarites. Pour le coup, et vu l’importance de l’évènement, ce fut l’une des rares fois où autant d’étrangers furent acceptés sur les terres ancestrales habituellement cachées. Il y avait donc des membres de la Kotoba, des Envoyés de Noz’Dingard, des combattants de Zil et même des pirates, très récemment arrivés dans le conflit.


Le vent soufflait dans les arbres, le Kei’Zan posa au sol le corps inerte de sa fille adoptive. S’il avait eu un cœur, celui-ci serait brisé en mille morceaux tellement sa peine était grande. Autour de lui les autres membres de la Coeur de Sève se réunirent et entamèrent le chant rituel des défunts, une mélodie triste et mélancolique. Le Daïs incanta ensuite un antique sort de retour à la terre, des racines sortirent du sol et entourèrent la Griffe. Puis lentement le tout s’enfonça dans le sol.

Durant ce temps, Valentin était en conversation intérieure avec Dragon.

- Mon seigneur, vous avez vu comme moi ce qu’il vient de se passer. Quelle attitude prendre désormais ? Ces nomades semblent être aussi dangereux que les fidèles de Nehant.

- Chevalier, il va falloir agir sans confrontation directe, du moins pour le moment. Il existe une personne qui pourrait apporter une solution. Elle se trouve dans cette forêt mais elle est emprisonnée par les siens.

- Dois-je demander à rencontrer cette personne.

- Oui, il le faut. Quelques uns des Envoyés ne devraient plus tarder à arriver sur place désormais.

- J'obéis.

Une fois le chant fini, Valentin alla à la rencontre du Kei’Zan.

- Je m’excuse de vous déranger dans un moment visiblement pénible. Je dois vous demander un service.

Le Kei’zan hocha la tête et Valentin sentit les paroles du Dais au cœur même de ses pensées.

- Oui envoyé de Dragon ?

- Visiblement quelqu’un de chez vous aurait une solution à apporter quant aux pouvoirs de ces nomades.

- Qui donc ?

- Une personne que vous retiendriez prisonnière.

Le Daïs dont le visage sans bouche était figé secoua la tête.

- La personne que vous évoquez a été punie pour ses actes.

- Je ne remets nullement votre avis en cause, mais serait-il possible de lui parler ?

- Je soupçonne une puissance supérieure de vous avoir soufflé l’existence de cette personne.

- Dragon pense que ce prisonnier est un maillon de la chaîne et que son aide est capitale.

Après une longue hésitation, le Kei’zan accepta de mener le Chevalier-Dragon à celui qui, depuis de très nombreuses années, était emprisonné au cœur de la forêt. Durant deux jours ils parcoururent les sentiers, Valentin fut émerveillé de voir autant de lieux insolites et spectaculaires. Pourtant il avait voyagé durant des années, parcourant le monde de long en large. Enfin ils arrivèrent là où autrefois l’Arbre-Coeur de sa hauteur dominait le monde. Il ne restait plus qu’une souche sans vie, mais c’était surtout le territoire du Kei’zan. Au détour de quelques arbres entourés de buissons larges et dangereux se trouvait le prisonnier.

- Je vais l’autoriser à parler, mais attention à vos paroles, mon frère est vindicatif.

- Votre frère ? S’étonna Valentin. Bien. A-t-il un nom ?

- Aujourd’hui nous le nommons le Grêlé, vous comprendrez pourquoi en le voyant.

Devant eux la végétation s’écarta laissant le passage libre vers un immense bloc d’ambre. A l’intérieur était enfermé un Daïs de grande taille dont le côté gauche était constellée de morceaux de pierres vertes brillantes. Le Kei’zan passa sa main devant le Grêlé, lui donnant le pouvoir de ressentir le monde qui l’entourait. Aussitôt il eut une vague de tristesse. S’informant ainsi des évènements qui venaient de se produire, menant à la mort de la Griffe. La colère monta très vite, trop vite !

- Voilà où tout ça nous mène mon frère !! Le temps des discours est fini, libère moi !!

- Non, tu sais que c’est impossible répondit le Kei’zan la main tendue vers le bloc d’ambre.

Valentin fut surpris de la voix du Grêlé, puissante et claire.

- Et toi guémélite, ne ressens-tu pas la destruction lente de notre monde ? Dit-il en s’adressant au Chevalier-Dragon.

- Je sais que nous avons un adversaire de taille et que vous auriez une solution à nous proposer.

- Avant cela il faut me laisser sortir, je n’en peux plus de rester immobile, paralysé devant ce qu’il se passe alors que des Eltarites perdent plus que leur vie !

- La Griffe savait pertinemment ce qu’elle risquait ! Rétorqua le Kei’zan avec vigueur.

- Oui bien sur, mais toi, tu as laissé son âme disparaître. Alors, lequel de nous deux devrait se trouver dans ce bloc d’ambre, frère ?

- Mais connaissez-vous oui ou non un moyen de contrer ces nomades venus du désert ? Le guémélite dragon percevait l’animosité qu’éprouvaient les deux frères l’un pour l’autre.

- Oui, je le peux. Assura le Grêlé en se calmant.

- Alors dis nous ce qu’il en est mon frère.

- Je te l’ai dit, il va falloir que je sorte de cette prison car il faudra que je mène des gens loin d’ici. Ecoute, Kei’zan, écoute la complainte des Eltarites, ils sentent que le vent tourne et que le danger guette leur foyer.

Le Daïs savait que ce moment arriverait un jour, mais si vraiment le Grêlé tenait la solution il ne devait pas laisser les sentiments parler, mais faire place à la raison. Et puis si jamais le Grêlé redevenait instable il s’arrangerait pour qu’il retourne dans sa prison et qu’il y passe son existence.

- Bien, je te libère. Mais au moindre faux pas, je te renverrais ici.

Puis le Kei’zan frappa de son bâton le sol recouvert de mousse et de feuilles mortes. Une onde d’énergie magique se propagea jusqu’au bloc d’ambre, celui-ci se réduisit jusqu’à ce que le prisonnier puisse enfin bouger. Il s’étira un coup puis avança jusqu’à hauteur de son frère.

- Je tiendrais parole, je vais aider du mieux que je le pourrais.


Pendant ce temps, à l'orée de la forêt une véritable ville de tentes s’était montée, mêlant toutes les guildes. L’Arc-Kadia, navire des pirates s’était posé un peu plus loin dans une clairière. Les échanges d’opinions sur ce qu’il se passait étaient nombreux. Lorsque le Kei’zan, Valentin et le Grêlé firent leur apparition, Un grand cercle se fit autour d’eux. Le Grêlé tourna autour en regardant chacun.

- La guerre est à nos portes. Ceux venus du désert servent un dieu destructeur, ils ne s'arrêteront pas là.

Dans la foule les chuchotements allèrent bon train.

- Ceux qui seront capables de passer outre les animosités que vous ressentez les uns pour les autres seront des atouts incroyables pour le combat à venir. Et il va falloir tenir le temps pour moi et quelques uns d’entre vous de ramener celui qui peut résoudre notre problème majeur, la pierre Tombée du Ciel.

- Et où comptez vous aller, si c’est pas indiscret ? Demanda Malyss un mage de la Kotoba.

- Dans les Confins résonna gravement la voix du Grêlé.

De nouveaux chuchotements parcoururent l’assemblée, le nom “Confins” semblaient provoquer beaucoup d’interrogations, de peur et de curiosité.

- Je connais un passage qui nous mènera là-bas. Je ne vous cache pas que c’est très risqué, mais qu’est-ce que ce risque face au péril qui nous guette ? Des volontaires ? Un membre par guilde me semble être une bonne chose.

Immédiatement Ergue s’avança.

- J’ai toujours rêvé d’y aller...

Ce fut le tour de Malyss puis d’Anryena et enfin, après avoir discuté longuement et vu l’intérêt de trouver quelque chose de précieux, Oeil de Gemme fut la représentante des Pirates. De son côté Dragon offrit son aide. Grâce à Valentin et aux Envoyés de Noz’Dingard présents, un portail fut ouvert entre la forêt et la grande salle de réception du palais Noz’Dingard, ce qui leur évita une longue route car le passage vers les Confins se trouvait de l’autre côté de la Draconie par rapport à eux. Ils débouchèrent dans une vaste salle, entre quatre pylônes de cristal gravés de nombreux entrelacs. Devant eux se tenait Prophète.

- Soyez les bienvenus. La Draconie met à la disposition de cette expédition des vivres ainsi que quelques moyens afin que vous puissiez au mieux accomplir votre tâche. Je ferai en sorte que vous trouviez toujours un endroit où passer la nuit jusqu’à la frontière avec Baranthe.

Le Grêlé inclina la tête.

- Nous vous remercions Prophète.


Une semaine plus tard, le groupe d’aventuriers arrivait à la frontière. Non loin de là, c’étaient les brumes des Confins. Cet endroit particulier était une barrière, derrière se cachait le tombeau de Nehant où ce dernier fut emprisonné voilà 70 ans. Cette brume magique était un lieu de passage entre deux continents, les Confins et celui communément appelé Terres de Guem. Il arrivait parfois que certaines personnes d’un côté ou de l’autre arrivent à passer sur l’autre continent, parfois par mégarde, parfois après de longues recherches.

- Nous voici au bord de la brume des Confins, nous allons nous encorder sans quoi certains pourraient ne jamais ressortir. Leur demanda le Grêlé.

- J’ai entendu parlé de cet endroit. Vous êtes certain de vouloir aller là dedans ? Une puissante magie est à l’œuvre ici, je peux la ressentir. S’inquiéta Malyss.

- C’est cette magie qui permet de passer de l’autre côté. Indiqua le Grêlé une fois que tous furent attachés les uns aux autres.

A la fois poussés par la curiosité et l’angoisse face à l’inconnu, les membres de l’expédition s’engouffrèrent dans l’épaisse brume. Ils n’y voyaient pas plus loin que le bout de leur nez et la confiance fut de mise alors qu’ils avançaient prudemment. Très vite le sol craqua sous leurs pas et des particules de terre calcinée s’ajoutèrent à l’opacité ambiante rendant la respiration difficile et la vision pénible. Une heure passa et autour d’eux, bien qu’ils ne le voyaient pas, le paysage changea pour devenir chaotique. Des cristaux de couleurs multiples dépassaient de partout, rendant dangereux leur lente progression. Leur guide les fit passer par des détours incroyables, mais peu à peu la brume s’estompa et les cendres disparurent. Lorsque tout devint clair autour d’eux ils n’étaient plus en Terres de Guem, mais à l’autre bout du monde dans un endroit incroyable.

- On dirait les Îles Blanches ! Mais c’est gigantesque !! S’exclama Oeil de Gemme.

Tous furent fascinés par la découverte de cette partie du monde. Il y avait là à perte de vue des centaines d’îles détachées de la terre et volant dans le ciel. Après un rapide coup d’œil vers le bas ils ne purent voir la surface de la planète.

- Nous y sommes. Notre voyage ne fait que commencer car notre périple risque de durer. Nous partons à la recherche d’une créature légendaire ayant autrefois existé sur les terres de Guem, le Mangepierre.

Mutinerie

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Extraits du journal d’Al la triste.

[...]Nous avons trouvé un étrange objet sur une île. Le capitaine Hic, à supposer que c’est lui, avait protégé les lieux, heureusement que Bragan connaissait ce sortilège sans quoi nous aurions été le cul dans l’eau.[...]

[...]L’objet était en réalité une foutue balise. Lorsque j’ai approché la sphère de la carte, je me suis aperçue que des symboles et des sillons dans le métal étaient apparus à la surface. Œil de gemme a passé plusieurs heures sur ce problème sans comprendre de quoi il s’agissait. C’est Klémence qui a résolu le problème lorsque je me suis adressée à l’équipage. Encore un truc de pirate, une balle à poudre, un objet dans lequel il faut mettre de la poudre puis allumer en faisant glisser sur un parchemin. Le but étant de partir d’un repère en forme de croix qui se trouve sur la sphère et pousser vers l’avant sur le parchemin, la sphère glisse alors toute seule, dessinant une forme. C’est très difficile à expliquer ainsi. Après avoir fait ça, y’avait sur le parchemin une ligne toute bizarre.[...]

[...]J’ai un mal de crane pas possible, faut dire qu’on a bien fêté notre trouvaille. Superposer la carte du capitaine Hic et le parchemin avec la ligne en prenant pour point de départ l’île où nous avions trouvé la sphère était une excellente idée. En suivant les gros points qui parcourent la ligne et en les faisant correspondre à certains repères géographiques, ça nous a indiqué le prochain lieu où nous rendre.[...]

[...]Alors que nous arrivions sur les lieux où j’espérais trouver la prochaine énigme, nous avons rencontré un obstacle de taille, l’absence de vent. Nous sommes au milieu de nulle part, la barre comme les machines ne répondent plus. Reste plus qu’à espérer que Klémence trouve comment résoudre ça.[...]

[...]Voilà déjà plusieurs jours que l’Arc-Kadia est figé en l’air comme une vieille coquille échouée. Je ne comprends pas ce qu’y s’passe, nous sommes exactement là où indique la carte, me serais-je trompée ? En tout cas, c’est ce que semblent penser certains matelots qui commencent à parler entre eux. J’ai surpris une conversation entre Poukos et Œil de Gemme, il paraîtrait que je ne suis pas un si bon capitaine que ça. Je vais surveiller ça de très près, ça m’étonne de la part de mon second.[...]

[...]Mutinerie ! C’est allé si vite, je doute que tout ceci soit normal. Une partie de l’équipage souhaite que je me rende sous le prétexte de ne pas les avoir protégé et de pas avoir anticipé tout ça. Ces lâches ont capturé Klémence et Bragan qui me sont restés fidèles. Tels que je les connais, ils vont leur faire faire le grand saut. Nom d’une jambe en bois, à quoi ça les avance de faire ça, pensent-ils que le navire va subitement se remettre à bouger parce qu’ils se sont débarrassés de moi ? J’ai vraiment l’impression qu’ils deviennent fous.[...] Plus le temps passe, plus la situation dégénère. Je vais devoir reprendre le navire, pas d’autre choix, il va falloir que je délivre Klémence dans un premier temps et qu’elle réactive ensuite Ekrou. Avec cet atout de taille, il sera facile de reprendre le reste. Ça fait bien longtemps que je n’ai pas eu l’occasion de ressortir mes pistolames, j’aurais préféré que ça soit dans de meilleures conditions, tant pis.[...]

[...]J’ai réussi, Klémence est sauve. Bon Armada va avoir un sacré mal de tête durant quelques temps, mais elle n'avait qu’à me laisser passer. Je savais que cette fille n'était pas nette mais là c’est pire, elle a menacé de se faire exploser et nous avec. Qu’est-ce qui m’a prit de la prendre à bord ?[...]Klémence me dit que les mutins avaient parfois de drôles de comportements.[...]Nous partons réactiver Ekrou, ils vont voir de quel bois j’me chauffe.[...]

[...]Une longue bataille a eu lieu. On a abîmé mon beau navire, j’vais leur faire payer moi tout ce bordel à ces sauvages ! Bon résultat des courses, tous les mutins sont neutralisés sans le moindre mort. Ça a bien castagné, je ne savais pas que Klémence était aussi intelligente. Elle a fabriqué des espèces de gants à la fois magiques et mécaniques. Lorsqu’Ekrou frappait, et bien Klémence faisait exactement le même geste ! Les autres ont été très surpris par cette trouvaille. [...] J’ai interrogé ces sacs à rhum, mais leurs réponses furent très évasives et au final eux même ne savaient pas trop s’qui s’est passé. Après réflexion, la relation entre le point de la prochaine énigme et tout ça était presque évidente, mais je l’avais pas vu. Du coup Bragan m’a confirmé que quelque chose de magique était à l’œuvre... encore.[...]

[...]Il s’est passé encore un truc bizarre, le fantôme du capitaine Hic est apparu sur le pont, plutôt bel homme d’ailleurs. Il m’a fait comprendre que j’étais digne de poursuivre la course à son trésor. De toute façon même sans son accord j’aurais continué.[...] Lorsqu’il a disparu le bateau s'est remis à nouveau à avancer, et à l’endroit où s’trouvait Hic, un livre rouge de p’tite taille fermé par une serrure cuivrée en forme de gueule de démon est apparu. Sur la couverture on pouvait lire le titre : journal du Capitaine Hic.[...] La serrure ne tint pas longtemps, un coup de piston et il a volé en éclat.[...]

[...]J’ai lu le journal du capitaine Hic, on peut dire qu’il en a vécu des aventures incroyables. Je note particulièrement ceci, l’écriture était difficile à déchiffrer : “Mes os sont brisés. Mon navire s’est posé au milieu d’un endroit inimaginable, il y a des bulles de partout. Alors que la mort tend sur moi son manteau de malheur, il est temps pour moi de lancer le sortilège d’héritage. Si tu lis ces lignes, c’est que tu es mon héritier, mais prends garde car....” Hélas ça s’arrête là. Un nouveau point brille sur la carte, nous nous mettons en route, j’ai hâte de voir ce que cela nous réserve.[...]

Le Néhantiste

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Marlok se regardait dans un des nombreux miroirs de la salle d’eau. Cela faisait bien longtemps qu’il ne s’était vu ainsi.

- T’as des cheveux blancs mon vieux. Se dit-il à haute voix. Il est temps de mériter ton retour dans ta patrie.

Aerouant qui était sur le pas de la porte secoua la tête, persuadé que cet homme était devenu fou. Après tout, n’avait-il pas fait partie des Combattants de Zil.

- Marlok, les autres nous attendent depuis un bon moment, t’es prêt ?

Le ton d’Aerouant affichait la couleur, comme sa grand-mère, il ne l’aimait pas et n’hésitait pas à lui faire savoir.

- Fiston, la précipitation n’est jamais bonne conseillère, tout comme la rancœur.

- Ne m’appelle pas comme ça ! Sache bien que malgré ta relative liberté, tu n’en restes pas moins notre prisonnier.

- Tu as raison je ne suis pas le bienvenu, mais si ton oncle m’a libéré c’est que je suis l’un des rares à pouvoir dénouer ce sac de nœuds et résoudre le “problème” Zil.

Les deux hommes allèrent ensuite à la porte nord de Noz’Dingard où les attendaient certains des Envoyés ainsi que le nouveau Prophète, seule était absente Anryéna, peut-être avait-elle des choses à raconter à son père ? Kounok prit la parole.

- Alishk, Aerouant et Pilkim vont partir avec toi jusqu’au tombeau, suite à quoi tu retourneras auprès des Zils. Les autres ne seront pas loin et te porterons assistance si besoin est.

Puis il s’adressa à Zahal.

- Voici une lettre à l’attention d’Angélique qui est à Kastel Drakren. Va lui apporter sans délais Chevalier Dragon.

Zahal attrapa la lettre sans regarder Prophète, encore honteux de ses défaillances. Il salua la troupe et se mit directement en route.

- Le temps de cette mission je réintègre Marlok au sein des Envoyés. Ajouta Prophète.

Certains furent assez étonnés et Aerouant fit la grimace. Mais nul ne dit mot car la parole de Prophète n’avait pas à être contestée.

- L’ombre étend sa main sur le monde, à nous de la mordre jusqu’au sang ! Prenez soin de vous et rappelez-vous des enseignements qui ont été les vôtres. La magie de Nehant est très puissante, elle est sournoise et peut faucher la vie en un clin d’œil.

Alors qu’il parlait, une petite troupe arriva en provenance de la ville. Il s’agissait de Naya et quelques-unes de ses sœurs.

- Prophète, mes Sorcelames et moi accompagnerons tes hommes.

La façon dont Naya venait de s’adresser à Prophète était à la limite de l’irrespect et le ton autoritaire trahissait son état de pensée, elle vengerait celui qui partagea sa vie autrefois. Kounok fixa celle qui fut la compagne de son frère durant de longues années et qui est aussi la mère d’Aerouant. Prophète était à l’écoute de Dragon “Laisse la aller, elle réclame vengeance et veut protéger son fils, elle sera un atout”.

- Soit, soyez les bienvenues dans cette expédition, vous devez déjà en connaître le danger, mais vos yeux brillent de la fureur, vos cœurs battent avec force et vous désirez venger mon frère. Soyez donc les dents de Dragon et mordez, mordez profondément.

Ainsi Naya, commandante des Sorcelames avec Anazra, Eglantyne et Moîra rejoignirent l’expédition.

Le voyage dura quelques jours, Marlok en profita pour expliquer son plan à tout le monde. Pour défaire le lien existant entre les Combattants de Zil et celui soupçonné comme étant Nehantiste, il faudrait que les mages accomplissent un rituel. Ce rituel attirera le malfrat aussi sûrement qu’une mouche sur des déjections. Et c’est à ce moment-là qu’il faudra frapper. Les Sorcelames seront donc les protectrices du rituel le temps pour eux de le finir et de libérer les Zils. Mais en attendant, il fallait que tous restent discrets. Ils montèrent un camp à une distance raisonnable de celui de ceux qu’ils venaient libérer.

Marlok enfila ses vieux habits aux couleurs des Zils.

- Demain au zénith, j’entamerais le rituel le temps pour moi de réunir ceux qui sont sous l’emprise du Nehantiste.

Puis il sortit d’un sac le bras de ce qui fut son golem, qui, après une incantation, devint partie intégrante de son propre bras. Enfin il regarda Aerouant et Pilkim.

- Vous devez connaître le sort de Lien révélé n’est-ce pas ?

- En théorie, répondit Aerouant. Mais je ne l’ai jamais lancé.

- Je sais le faire, dit Pilkim avec une voix timide. Le jeune mage se souvenant encore de sa première rencontre avec Marlok.

- Dans ce cas, lancez-le sur moi, puis durant mon absence il faudra que chacun d’entre vous puisse voir les liens.

- Dans quel but ? Interrogea Moîra poussée par la curiosité.

- Le Lien révélé permet de voir le fil magique qui lie une personne avec sa pierre-cœur, si elle en a une. C’est un sortilège inventé par Eredan lui-même. Lorsque demain nous affronterons ce Nehantiste, cela nous permettra de voir qui est le manipulateur et, le cas échéant, si l’un d’entre nous tombe sous la coupe d’un ennemi. Cela ne devrait pas arriver car nos pierres-cœur sont liées à Dragon, mais sait-on jamais.

Moîra hocha la tête, faisant signe qu’elle avait bien reçu le message.

- Allez, il est temps de s’y mettre.

Marlok sortit d’une bourse deux pierres de même taille et de même aspect, totalement rouge opaque et marbrées de noir. Il en donna une Aerouant et l’autre à Pilkim qui extasia alors.

- Du Jaspe ! C’est très rare, où avez-vous eu ça ?

Le Jaspe était effectivement une pierre aux propriétés magiques indéniables et qui servait dans de nombreux sorts et rituels.

- Ça c’est mon petit secret. Répondit Marlok avec un clin d’œil. Mets-toi en place !

Pilkim eut l’air déçu, mais il tenait fièrement la pierre, ressentant son pouvoir.

Les deux jeunes magiciens se placèrent à droite et à gauche de Marlok et le rituel commença. Ils firent appel à leurs connaissances de la cristalomancie et se concentrèrent sur les pierres de Jaspe qui lévitèrent au-dessus de la cible du sort.

- Que l'invisible devienne visible, crièrent ensemble les ritualistes.

Aussitôt Marlok ressentit l’effet magique, sa vision se voila légèrement d’une teinte rougeâtre. Il cligna des yeux à plusieurs reprises le temps de s’adapter. Il regarda ses compagnons et constata qu’un fil plus ou moins épais qui partait d’eux, allant vers Noz’Dingard.

- Bien, ça fonctionne, vous êtes très doués. Naya, je compte sur vous, demain au zénith.

La dame acquiesça.

- Filez maintenant, le temps est compté.

Le mage ne s’attarda pas plus longtemps et se mit en route pour rejoindre les Combattants de Zil.

Le chapiteau noir et violet était paisible, seule s’échappait une douce musique jouée par Kriss. Devant l’entrée Sansvisage à moitié endormi faisait office de garde. Marlok s’approcha de lui et à une distance raisonnable pour éviter la moindre anicroche il se racla la gorge. L’Hom’chaï sursauta de surprise.

- Qui va là ?? Tonna-t-il de sa grosse voix, tenant fermement sa gigantesque lame à deux mains.

- C’est moi, Marlok!

- Marlok ? Mais tu t’es pas fait capturer toi !

- Si mais j’ai réussi à me libérer.

Visiblement content de le revoir, Sansvisage lâcha son arme et serra dans ses bras le mage qui avait vraiment l’air frêle en comparaison de la masse de muscles.

- Moi aussi je suis content de te voir, allez, allez, repose-moi maintenant.

Se rendant compte de ce qu’il faisait et qu’on pourrait le voir, l’Hom’chaï desserra son étreinte. Puis il appela les autres.

- Regardez qui est de retour !! Cria-t-il vers le chapiteau.

Aussitôt une tête dépassa de l’ouverture, celle de Sangrépée, elle aussi serra le mage dans ses bras, puis tour à tour les membres de la guilde sortirent. Marlok s'aperçut que tous étaient liés au Nehantiste. De fins filaments partaient d’eux vers l’horizon. Enfin Abyssien posa sa main sur l’épaule de Marlok.

- Soit le bienvenu, tu dois avoir plein de choses à nous raconter n’est-ce pas ?

- Demain matin si vous voulez bien, j’ai marché tout aujourd’hui, je suis éreinté.

- Oui, oui, bien sur, je comprends. Tu as ta place parmi nous, entre donc.

Le reste de la soirée fut assez joyeuse au sein des Combattants de Zil. Ils improvisèrent pour le retour d’un des leurs un spectacle où chacun s’exprima librement.

“Ces gens méritent d’être sauvés” se dit-il intérieurement. “Ils peuvent être un atout certain dans le conflit approchant”.

Puis la nuit avançant le sommeil eut raison d’eux.

Le lendemain le soleil s’était caché derrière de sombres nuages, comme un présage avant une bataille à l’issue très incertaine. Marlok expliqua alors comment il s’était fait capturer, jeter en prison puis la longue tractation qu’il avait fait pour pouvoir sortir. Bien sur tout cela était un mensonge, mais personne ne vit la supercherie. Au milieu de la journée la totalité des Zils étaient présents dans le chapiteau. C’était le moment, Marlok se faufila près de la porte et fit le tour du chapiteau en laissant tomber des cristaux bleus par terre. Sangrépée trouva un des cristaux. Marlok se dirigea tout de suite vers elle. Il vit que le lien avec le Nehantiste devenait plus fort. “Il prend le contrôle ! Vite !”. Marlok bondit sur elle et lui arracha la pierre des mains. Sangrépée se mit à rugir. A présent tous les Zils les regardaient, Abyssien s’avança en se demandant ce qu’il se passait. Mais il était trop tard, le rituel venait de débuter. Le mage lança une bulle de protection, plus personne ne pouvait désormais entrer ou sortir du chapiteau. Dehors Alishk, Aerouant et Pilkim avaient suivi les recommandations des Sorcelames concernant une approche discrète. Ils déployèrent tout leur art et appliquèrent à la lettre le plan de Marlok. Ils se placèrent de façon à former un triangle autour du chapiteau, ils invoquèrent la volonté de Dragon. Des cristaux de grandes tailles émergèrent du sol. A l’intérieur du chapiteau, Marlok résistait à Sangrépée qui était devenue une vraie furie. Le lien entre le Nehantiste et elle était fort, sa volonté était désormais annihilée. Les autres ne comprirent que lorsque le dôme apparut. Certains tentèrent de sortir, d’autres de comprendre. Sansvisage, lui, décida d’aider sa fidèle amie et fonça sur le mage. Abyssien de son côté commença à comprendre, il entendait les suppliques des Envoyés à l’extérieur. Le chef des Zil avait toujours été très réceptif à la magie et comprenait instinctivement les sorts qu’il voyait.

- C’est un rituel d’Isolation de Guem !! Sangrépée, Sansvisage arrêtez de suite !!!

Mais aucun des deux n’écouta l’ordre. A son tour c’est le lien de Sanvisage qui se renforça, devenant incontrôlable. Marlok avait à peine eut le temps de lancer un deuxième bouclier protecteur autour de lui. Sansvisage et Sangrépée tambourinaient avec une force surhumaine sur le mur de magie.

- Abyssien ! Cria Marlok. Un Nehantiste vous contrôle ! Il possède vos pierres-cœur !!!

Un souvenir, vague et lointain revint à la surface de ses pensées, le jour de la visite de l’Inconnu. Lui-même n’était pas présent ce jour-là, mais on lui avait raconté cette histoire et jusque-là la relation n’était pas évidente. Tout devenait clair, l’assassinat de Prophète, la trahison de certains membres des Combattants de Zil, le départ de leur chef...

Abyssien se décida à agir, la magie de l’ombre crépita de ses doigts et il jeta deux boules noires vers leurs pieds. Au contact du sol les boules se transformèrent en disques d’ombre puis en cylindres, emprisonnant les infortunés possédés.

Dehors la situation se dégradait très vite. Les mages allaient finir le rituel lorsque le ciel s’obscurcit complètement, comme si la nuit s’était invitée à la fête. Naya dégaina sa rapière, imitée par les autres Sorcelames. Des silhouettes humanoïdes avançaient vers eux, puis elles devinrent plus précises plus nettes. Il s’agissait d’une dizaine de personnes pour la plus part habillées comme de simples voyageurs ou des paysans, armés de fourches, de bâtons ou de dagues.

- C’est tout ce qu’on nous envoie ?? S’exclama Eglantyne. On nous sous-estime !

- Méfiance ma sœur, la perfidie d’un Néhantiste n’est pas à prouver. Lui répondit sa jumelle postée non loin.

Les possédés avancèrent sans écouter les avertissements lancés par les Envoyés de Noz’Dingard, attaquant sans autre forme de procès. Galvanisés par de sombres pouvoirs, les agresseurs étaient d’une force importante, mais pas suffisante pour venir à bout des gardes du corps des mages. Alors qu’Anazra allait assommer l’un des derniers possédés encore debout, une forme se jeta sur elle. Heureusement, la jeune femme fut agrippée par Naya, juste à temps pour éviter les lames qui l’auraient déchirée et probablement tuée. Immédiatement Moira reconnu la forme. Télendar! Le jeune homme avait beaucoup changé, on ne voyait plus son visage, il était plongé dans des ténèbres magiques, de grandes lames dépassaient de ses larges manches.

- TOI !!!! Naya fulmina, elle faisait face à l’assassin de Prophète. Elle laissa éclater sa rage, se jetant en avant des ailes de cristal se déployant dans son dos. Un incroyable combat allait avoir lieu.

A l’intérieur Abyssien aidait à maintenir immobiles les Combattants de Zil sous la coupe de Nehant. C’est alors que Marlok sentit alors une présence familière, étouffante et puissante. Le Néhantiste était là.

- Marlok, mon petit Marlok, j’avais de belles perspectives pour toi, je pensais que tu me rejoindrais sur le chemin de la vérité.

L’Inconnu était là non loin d’eux, le mage n’en crut pas ses yeux, il y avait des dizaines et des dizaines de fils qui le rejoignaient, dont un d’une épaisseur incroyable, un lien privilégié. “Temporisons !” se dit-il.

- Et toi Abyssien, revenu de ta retraite ?

Abyssien percevait la puissance de la personne en face de lui, mais il devait trouver un plan. En réalité le Nehantiste agissait déjà, ressentant la présence d’une pierre-cœur non corrompue, celle d’Abyssien. Les deux parties s’observaient, le Nehantiste fut le premier à agir. La pierre-cœur du chef des Zil sortit d’une des poches de sa veste et fila à vive allure vers l’Inconnu. Celui-ci la captura, la pierre devint noire à grande vitesse. Marlok se lança sur son adversaire transformant sa main de cristal en une lame de cristal bleue. Abyssien se mit à hurler, son esprit attaqué par une puissante volonté, l’écrasant comme une vulgaire mouche sous une botte. Marlok frappa la main du Nehantiste, libérant la pierre-cœur d’Abyssien qui tomba au sol, brisant le sort du Nehantiste. L’Inconnu disparu alors.

A l’extérieur la situation avait évolué, Ombreuse avait rejoint la bataille, rendant plus difficile la défense du rituel. Les Sorcelames mettaient tout leur art en pratique, soutenues par une Naya extrêmement en colère. A présent une armure de cristal la protégeait, arborant un casque en forme de tête de dragon. Là, au milieu des affrontements, le Nehantiste apparut non loin de Télendar. Voyant le nouvel arrivant les Sorcelames se rapprochèrent de leur commandante pour faire front commun. C’étaient elles ou eux, mais elles étaient bien décidées à ne pas reculer, encouragées par la présence de Dragon.

- Naya, c’est cela ? Vous ferez une très jolie convertie. Ironisa l’Inconnu.

- Ravale tes paroles, Nehantiste !!

A ce moment les armes des Sorcelames se mirent à briller d’une lumière blanche et éclatante.

- Nous sommes les gardiennes de la justice, et aujourd’hui justice sera faite !! Hurla-t-elle.

C’est alors que le rituel prit fin. Les cristaux se désagrégèrent et tombèrent en poussière. Pilkim, Aerouant et Alishk tombèrent au sol, leur mission était accompli, les Combattants de Zil étaient désormais libres. Le Nehantiste ravala un juron.

A l’intérieur du dôme, Marlok stoppa le lien qui unissait les Zils au Nehantiste. Il ne restait plus que la dernière partie du plan à mettre en œuvre. Il sortit du chapiteau rapidement, il vit le face à face entre les Sorcelames et le Nehantiste. “Il prépare quelque chose”. A peine eut-il pensé cela qu’une forme apparut à côté d’Eglantyne. La Sorcelame n’eut pas le temps de réagir et s’écroula le dos labouré par les griffes d’une créature à la peau noire. La rixe reprit de plus belle, cette fois chacun luttait pour sa survie. Marlok lança ses derniers cristaux autour d’Eglantyne afin de la protéger. Naya quand à elle fit appel à ses pouvoirs et fit reculer Télendar et Ombreuse. Sa peau luisait d’une couleur bleutée, virevoltant, elle combattait comme une tigresse assenant coup sur coup. Moîra et Anazra qui l’accompagnait firent de même et une chorégraphie mortelle se déroulait sous les yeux de Marlok. De son côté le Nehantiste s’était en partie replié sur lui même, les doigts crispés paumes vers le haut laissant échapper des volutes de magie noire. Une pierre-cœur néhantique apparut devant lui, formant à son tour une protection infranchissable.

- Voyons comment vous vous en sortez sans l’appui de votre cher Dragon !

L’Inconnu libéra toute la puissance accumulée, créant un cercle de magie noire qui toucha tous les présents. Mais l’effet escompté ne se produisit pas. Les liens entre les envoyés et Dragon étaient toujours actifs. Marlok fut tout aussi étonné que le Nehantiste, ce dernier fronça les sourcils.

- Surpris n’est ce pas ??

La voix était celle d’Aerouant, vacillant et affaibli, il s’approcha de Marlok.

- Regarde, dit-il en montrant une pierre bleue sculptée en forme de tête de dragon. Ceci était la pierre de Prophète, mon père !

- Une pierre gardienne ? Demanda Marlok.

- Exactement. Ajouta le jeune homme en concentrant son pouvoir magique vers la pierre.

La pierre bleu s’effrita dans la main du jeune mage et tomba en poussière. L’Inconnu grogna.

- Ce n’est pas grave, maintenant que ta pierre n’est plus, je vais recommencer !

Aerouant ne le laissa pas finir sa phrase, il concentra toutes les forces magiques qui lui restait.

- La cristalomancie est notre spécialité, regarde et apprends !!

Il écarta les bras de manière à faire un T, la magie fusa et percuta de plein fouet la pierre nehantique. Sa noirceur disparu d’un seul coup. Marlok profita de cette opportunité pour à son tour lancer un sort. Ses mains grésillèrent et des éclairs jaillirent. L’Inconnu se protégea, puis répliqua à son tour. Un duel magique s’engagea. Leurs magies s’entrechoquaient avec puissance et autour d’eux le sol se craquela comme s’il ne supportait plus le poids des mages. Marlok alternait entre des sorts offensifs et défensifs, parant ainsi les coups. Aucun des deux ne peut prendre l’avantage sur l’autre. Du moins jusqu’à l’intervention de Naya. Ne voyant pas le coup venir, l’épée de lumière de la Sorcelame s'abattit sur le Nehantiste qui vacilla, il était blessé. Ce dernier mit un genou à terre.

- Rends-toi ! Hurla la commandante en le menaçant. Tes larbins sont en déroute, tu es seul.

L’Inconnu leva la tête vers ses ennemies et ricana.

- Tout cela était prévu, vous avez progressé. Mais je sais aujourd’hui que vous ne ferez pas le poids. Mes larbins comme vous dites sont ma porte de sortie. Adieu !

Puis il disparut, laissant juste quelques traces de sang à l’endroit où il se trouvait.


Festivités

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L’Empereur était toujours souffrant, alité dans sa chambre au palais de Méragi. Le peuple priait pour que leur souverain recouvre rapidement la santé pour les mener à nouveau vers la lumière céleste. Dans les rues, les habitants s’affairaient à préparer au mieux une grande fête, non pas cette fois en l’honneur de l’Empereur, mais à l’occasion du changement d’année, la 106ème depuis la création de l’Empire par Xzia.

Je suis Kaori, en charge d’enseigner nos coutumes aux étrangers tels que vous. Voici quelques-unes d’entre elles que vous devez connaître. Baladons-nous dans les rues de la capitale impériale et observons ce qu’il s’y passe.

Sur la place centrale de la capitale, une troupe de théâtre interprète devant une foule dense et disciplinée une pièce retraçant la gloire de Xzia et la fondation de l’empire qui marqua le début du calendrier impérial. Tout cela est raconté de manière à faire paraître le récit épique et héroïque. Les gens applaudissent et sont émerveillés par un spectacle qui, en temps normal, est hors de leur portée, les troupes étant souvent accaparées par les riches seigneurs qui seuls ont les moyens de se permettre un tel luxe. C’est l’occasion pour la famille impériale de faire un geste pour son peuple, et l’Empereur actuel avait toujours été bon et juste.

Le soir venu, tout Meragi sort dans les rues. Des lampions éclairent la ville et la fête bat son plein. Un peu partout, des petits groupes se réunissent autour de musiciens ou de danseurs. Chacun peut participer, car ce soir-là rien ne les retient et toutes les peines sont mises de côté. Devant le palais impérial a lieu le traditionnel tournoi du nouvel an, où les villageois les plus courageux peuvent prouver leur valeur. Iro, le champion de l’Empereur fut l’attraction en arbitrant lui-même les combats et en autorisant les villageois à l’affronter dans une joute amicale au sabre de bois. Ce fut Goshiun, un porteur d’eau inconnu du public qui, grâce à son agilité au bâton, remporta le titre et devint champion de l’année du Lapin.

Au cœur de la nuit, au nord de la ville se préparait le plus grand évènement de ce nouvel an. Les Xziarites étant en grande majorité très superstitieux, rares furent les absents de la grande parade. A cette occasion le Kamizono, le jardin dédié aux kamis, s’était paré de nombreuses décorations à l’effigie du lapin et il se retrouvait noir de monde. Le jardin était situé au pied de la colline au sommet de laquelle est édifié le plus vieux et important temple de Meragi. La tradition veut qu’il faille emprunter le chemin menant au temple à partir du Kamizono avec l’effigie du Kami protecteur de l’année passée. Une fois en haut, alors que tout l’Empire a les yeux dressés vers lui, il est incendié afin que celui-ci soit libéré de son enveloppe physique et retourne dans le monde céleste. Une fois ce rituel accompli, il faut reprendre le même chemin en sens inverse en emportant l’effigie du kami de la nouvelle année vers l’Empire. Le chemin montant vers le temple passe par plusieurs “torii”, sorte de portes par lesquelles passent les esprits pour rejoindre le monde terrestre.

Il existe beaucoup d’autres coutumes observées par les Xziarites, mais celle des pots de terre reste une singularité de cette civilisation. Durant les deux jours précédents le jour de la nouvelle année, les familles Xziarites réalisent des poteries en terre cuite. Chacun inscrit alors dessus un vœu que l’on souhaite voir réalisé par le Kami protecteur. Puis, ces poteries sont placées dans leur jardin, devant leur porte ou encore devant un temple, sans oublier de mettre de la nourriture à l’intérieur. Les Xziarites doivent alors choisir un met qui convienne au Kami. Par exemple, y mettre de la viande serait une grave offense pour l’Usagi no Kami, l’esprit protecteur de cette nouvelle année. Mais si le met convient et que le kami accepte l’offrande, alors le vœu se réalisera dans l’année. Ainsi, quelques personnes chanceuses bénéficient des faveurs de l’au-delà.

Voilà, j’espère que cette balade vous a intéressé. Il y a beaucoup d’autres merveilles à voir à Meragi, mais souvenez-vous d’une chose, il y a des lieux où vous ne devez pas vous aventurer seuls.


Au delà de cette apparente quiétude et de ce moment de festivités dans l’Empire, les plans eux se fomentaient toujours.

Oogoe Kage avait bien travaillé, préparant depuis des mois un coup qui lui octroierait avec certitude un poste gouvernemental important au sein du clan du Corbeau. Sa victime n’était autre que l’un des proches conseillers de l’Empereur et ministre des finances, Gozou Zhan. La nuit venait de tomber sur Meragi. Le lendemain soir, ce serait la fête dans les rues de la ville. Dans une demeure cossue, le seigneur Gozou, dont l’épouse était en visite dans le nord de l’Empire, s’octroyait du bon temps en compagnie d’une jeune femme peu farouche. Il ne pouvait pas se douter un seul instant que cette femme avait été payée par une autre personne pour passer la nuit avec lui. Une chose est sûre, il se souviendrait le restant de ces jours de ces moments d’égarement. Il était tard désormais. Gozou avait profité au mieux de ce moment de plaisir charnel, buvant à outrance. Ce n’était pas dans ses habitudes d’agir ainsi, mais la garce savait s’y prendre et, l’alcool aidant, le conseiller s’était laissé aller. Couché sous une couverture, il ronflait comme un bienheureux. Il se réveilla en sursaut, nauséeux, il ne vit pas de suite sur quoi il marchait, il alla jusqu’à une flasque contenant de l’eau et s’aspergea le visage. C’est là qu’il sentit une odeur particulière, caractéristique. Il se frotta les yeux et s’approcha d’un lampion.

Du sang ! Il en était recouvert. Son cœur palpita. Puis il sursauta lorsqu’on frappa à la porte avec vigueur.

- Au nom de l’Empereur, ouvrez seigneur Zhan !

Le pauvre homme ne savait plus où il en était. Clopinant, il alla jusqu’à la porte et ouvrit. Il y avait là cinq soldats des forces armées impériales.

- Désolé de vous déranger seigneur Zhan, des cris ont été entendus venant de chez vous.

- Que.. quoi ? Désolé ça doit être une erreur, balbutia-t-il.

Là, à la faveur des lumières de la nuit, le jeune capitaine aperçut les vêtements tachés de sang du seigneur Zhan. Il dégaina sa lame et tint en respect le conseiller.

- Vous autres, allez voir ce qu’il se passe à l’intérieur.

Les soldats allèrent voir et tombèrent sur le corps tranché de la fille de joie. Par terre, du sang à profusion, mais aussi des bouteilles d’alcool vides et, non loin du lit, le katana du seigneur Zhan. Le pauvre homme ne comprit rien, mais on l’emmena passer le reste de la nuit en prison, accusé d’un meurtre qu’il ne se souvenait pas avoir commis.

Dehors, une ombre se faufila jusque dans une ruelle sombre. Là, Oogoe, emmitouflé dans un manteau de plumes noires, attendait.

- Alors, Karasu ? Est-ce fait ? As-tu servi le Corbeau comme il faut ?

- Oui, éminent cousin. Le plan a fonctionné à merveille, ils n’y verront que du feu, tout à l’air si vrai.

- Bien, le capitaine aura sa récompense. Quand à moi il est temps de faire en sorte que personne ne soit disponible pour vérifier quoi que ce soit.

- Dans une semaine, tu seras le nouveau conseiller financier de l’Empereur.

- Une année qui sera placée sous le signe du Corbeau et non du lapin, que les festivités commence ! Ironisa Oogoe.

Traité de paix

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Le calme était revenu sur le campement des combattants de Zil. Le Néhantiste était parti ou avait fuit selon les dires de Marlok. Abasourdis, les membres de la guilde d’Abyssien reprenaient conscience, libérés du joug du mage noir. De même les Envoyés se remettaient de l’affrontement, Eglantyne avait été lourdement touchée par une attaque perfide et Aerouant avait utilisé une grande partie de ses ressources magiques. La bataille était finie, mais ce n’était qu’un premier assaut, l’avenir leur réserverait beaucoup d’autres escarmouches de ce style et Abyssien le savait bien.

Peu avant la nuit le chapiteau noir et violet abritait tout le monde afin de parler de ce qui s’était passé et de ce qui allait arriver.

- Ce Néhantiste ne va pas en rester là Abyssien, tu le sais mieux que quiconque. Marlok posa sa main de cristal sur l'épaule du chef Zil.

Autour des deux mages, les combattants de Zil et les Envoyés s’étaient mêlés les uns aux autres le temps d’un court répit entre leurs guildes.

- Oui, ce qui m’inquiète vraiment, c’est qu’il a encore les pierres-cœur de mes Zils et que, par conséquent, ils peuvent retomber sous sa coupe si votre rituel venait à être brisé.

Les Zils semblaient tous très préoccupés. A peine leur libre arbitre leur était rendu qu’ils risquaient de le perdre à nouveau. Les souvenirs des actes accomplis sous la coupe du Néhantiste tambourinaient dans leur conscience. Sangrépée était dans les bras de Sansvisage, anéantie, elle regardait les deux mages avec une infinie tristesse.

Aerouant, s’étant rétabli, se leva.

- Il existe un rituel qui permet de récupérer les pierres-cœur.

Tout le monde eut l’air surpris par l’intervention du jeune homme. Pourquoi voudrait-il aider ceux qui ont contribué, même sous la contrainte, à la mort de son père ?

- C’est mon père qui l’avait mis au point mais il ne l’avait jamais pratiqué en situation réelle.

Marlok se gratta la barbe en regardant avec surprise le jeune homme.

- Tu penses pouvoir le faire Aerouant ? L’interrogea-t-il.

- Avec l’aide des mages présents, on peut le tenter. J'ai besoin d’un peu de préparation et l’autorisation du Compendium d’utiliser ce sort.

- Je vais t’avoir ça, va te préparer.


Quelques heures plus tard, au cœur de la nuit les Envoyés de Noz’Dingard avaient organisé le rituel et s’apprêtaient à le débuter. Pour l’occasion et vu l’importance des courants magiques à l’œuvre, la cérémonie se déroulerait dehors. Aerouant avait délaissé les bouts d’armure de cristal composant sa tenue habituelle pour être plus à l'aise. Il convia les Combattants de Zil dont la pierre-cœur était entre les mains du Néhantiste à s’installer au milieu d’un grand cercle formé par tous les siens. Marlok avait secondé le fils de Prophète en obtenant l’autorisation d’utiliser cette magie et en sécurisant les lieux. Il pratiqua à nouveau son sort de protection en plaçant des gemmes bleues, cette fois plus grosses, et en activant le bouclier magique que nul ne pouvait franchir. Abyssien encouragea ses amis à faire preuve de bravoure et à faire confiance en la magie des Draconiens. Lui même participerait à cette expérience.

Le rituel commença.

Aerouant fit apparaître un cristal au centre du cercle puis il canalisa la magie que chaque mage participant lui offrit, obtenant ainsi une pierre palpitante de magie. Puis, un par un, Aerouant étira un fil magique pour relier chaque Combattant de Zil présent. Ceci fait, il se plaça en dessous de la pierre et se concentra. Abyssien qui comprenait naturellement la magie, analysait le rituel au fur et à mesure de son déroulement. Selon lui cette grosse gemme servait d’antenne à Aerouant, lui permettant de localiser les pierres-cœur des gens qui y étaient reliés. Puis, Aerouant absorba peu à peu l’essence magique contenu dans la pierre. La magie coulait dans ses veines et une très forte aura se dégageait de lui. Aerouant lutta, il devait garder cette puissance en lui sans qu’elle ne le consume sur place. Marlok se dit que n’importe qui d’autre aurait probablement été désintégré par ce trop plein de magie, mais ce descendant de Dragon possédait les capacités suffisantes pour réaliser ce prodige. A présent Aerouant utilisa ses connaissances en cristalomancie pour convoquer une a une les pierres-cœur. Elles apparurent au fur et à mesure, chacune rejoignant son propriétaire. Aerouant se vidait de toute magie, arrachant les pierres-cœur à la volonté du Néhantiste qui de son côté devait lutter pour garder le contrôle. Mais la magie de Dragon fut la plus puissante et le rituel de Prophète fonctionna à merveille. Aerouant invita Marlok au centre du cercle et créa une autre gemme de cristal plus petite, il y enferma ses dernières parcelles de magie. Peu avant de s’évanouir, il demanda à Marlok de remettre en activité les liens qu’ils avaient brisé avec le rituel précédent. Ce qu’il fit immédiatement. Fatigués les Envoyés demandèrent asile et protection aux combattants de Zil pour le reste de la nuit. Le lendemain, Abyssien remercia les Envoyés de Noz’Dinard de leur aide précieuse et offrit à Aerouant la paix et la promesse d’une entraide entre leurs deux guildes.

Vint le temps pour les Draconiens de rentrer chez eux, leur mission étant accomplie. Marlok quand à lui fut envoyé à Kastel Drakren afin de participer au Bal des courtisans.


Quelques jours plus tard, le bal était fini, Ishaïa était venue poser un ultimatum aux combattants de Zil et Salem était libre. Abyssien était dehors, seul avec le nouvel arrivant.

- J’ai réfléchi aux derniers évènements, je pense que nous avons été trompés par l’un des nôtres et qu'il nous a vendu à un Néhantiste.

- C’EsT poSSIble, oUi. Salem dodelinait de la tête comme une poupée qu'on secouait.

Abyssien se plongea dans ses souvenirs. Une trentaine d’années plus tôt, alors qu’il était jeune, il était l’apprenti d’un magicien dans le petit royaume d’Oryfort au nord-ouest des terres de Guem. Sa faculté à comprendre la magie avait attiré sur lui l'intérêt d’une personne qui s'avéra suivre la voie de Néhant. Tout cela était tentant pour le jeune homme qui à l’époque ne portait pas encore son nom d'artiste. Doucement, on lui avait inculqué la base des préceptes de Néhant et il était en passe de devenir un réel apprenti Néhantiste. Mais il se rendit vite compte que tout cela n’était pas ce qu’il attendait de la magie. Certes, la magie de l’Ombre était celle qu’il voulait pratiquer, mais pas de cette façon. Zil était alors intervenu pour le sortir de ce milieu et avait formé le garçon selon ses préceptes et ce qu'il pensait être la vraie magie de l’Ombre. Pour Zil, la magie de l'Ombre permettait bien des choses, mais elle ne devait pas mener à l'asservissement des autres. Elle servait à voir ce qu'il se passe dans l'ombre. Il devint membre des Combattants de Zil, puis à l'âge de vingt cinq ans il en devint le chef.

- Zil, Je vais devoir le laisser sortir.

- S’iL le faUt oui, Il eSt unE partIE de TOI coMmE moI d’ArtRezIl.

Abyssien s’accroupit alors et regarda son ombre projetée au sol par la lumière du jour.

- Mon vieux compagnon, je t’ai dévoré il y a bien longtemps et aujourd’hui je dois te laisser sortir. Tu dois traquer celui des combattants qui nous a vendu.

Sur ce, le mage de l’ombre commença a vomir une matière noire qui pris vaguement une forme humanoïde. Quand Abyssien eut fini son physique était différent, il avait perdu beaucoup de corpulence. Salem se mit à applaudir signifiant son contentement.

- Tu es notre lien à tous, moi qui ai mangé une partie des ombres des combattants. Emporte-nous là où ce traître se trouve.

Le bonhomme d’ombre inclina la tête puis tourna doucement sur lui-même. Il analysait chaque membre de la guilde, bien sur il y avait les présents mais les combattants sont bien plus nombreux que ça. Enfin il s’arrêta, posa ses mains sur Salem et Abyssien puis ils s’enfoncèrent dans leur propre ombre.

Il réapparurent dans l’ombre d’une personne de dos. Celle-ci discutait visiblement avec quelqu’un mais s'interrompit quand elle sentit les présences. Abyssien reconnut sans trop de mal Masque de fer, et la relation lui parut logique. Il était le seul à être systématiquement absent des réunions, parcourant le monde dans un but diplomatique et de relation sociale avec les autres guildes.

- Toi !!! Dit Abyssien avec une intonation de colère.

- Maître Abyssien quelle surprise ! Je peux faire quelque chose pour vous ?

Salem s’avança en claudiquant. Avec rapidité il coupa le tissu au niveau du grelot qui pendait dans son dos, l’objet tomba au sol sans le moindre bruit.

- Tu N’Es PlUs un dE meS cOmbaTTants ! Tu as TRahi La cOnfIancE de ton cHEF !!!

Lorsqu'un nouveau Combattant de Zil était recruté, le chef de guilde lui confiait alors un grelot. Celui-ci représentait l'engagement à toujours servir la guilde.

Surpris le diplomate recula, son expression restait cachée derrière son masque de métal.

- Dans ce cas si je ne suis plus obligé de me cacher !

En un clin d’œil Masque de fer disparut, de la même manière que le fit le Néhantiste lors de son affrontement avec Marlok.

- Nous le retrouverons, j’ai dévoré son ombre. Affirma Abyssien avec fermeté.

- NEhanT EtenD sOn OmbRe Mon amI !

Régence

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La vieille servante courrait dans les couloirs étroits du palais impérial en tenant d’une main le bas de son kimono. Il ne fallait pas qu’elle tombe. Essoufflée, elle arriva près d’une porte et tomba à genoux devant. Elle s’inclina comme le voulait la tradition.

- Eiji-sama ! Vous êtes demandé d’urgence !

De l’autre côté de la porte, le ton affolé de la servante alerta Eiji Kakiji qui eut vite fait de s’inquiéter. Assis derrière une table basse, le médecin lâcha ses pinceaux et se leva tant bien que mal. Il n’était plus aussi souple que dans sa jeunesse mais le poids des ans ne l’avait pas encore totalement écrasé. Il trotta jusqu’à la porte et l’ouvrit d’un geste sec.

- Que se passe-t-il ?

La femme leva la tête, des larmes roulaient sur son visage tiraillé par la fatigue.

- C’est l’Empereur ! Il... Il...

Elle s’écroula. Eiji regarda de part et d’autre du couloir puis avec vigueur attrapa la vieille dame par le bras.

- Cesse de pleurer ! Allons-y vite.

Eiji Kakaji était depuis toujours le médecin attitré de l’Empereur. Il l’avait fait naître du ventre de l'Impératrice Saisho et avait pris soin de lui jusque là. Puis, lorsque sa maladie arriva, il fut très vite évincé devant son incapacité à le soigner. Mais il n’en restait pas moins le seul habilité à établir des diagnostics officiels.

Peu de temps s’écoula jusqu’à leur arrivée devant la chambre impériale. Elle était gardée par deux officiers comme le voulait la tradition en cas d'alitement de l’Empereur. Heureux hasard ou manigance, Asajiro était justement en poste à ce moment. Il s’inclina devant le respectable personnage et lui ouvrit la porte :

- Vous êtes attendu, ajouta-t-il en jetant un œil à l’intérieur.

Iro le champion de l’Empereur était agenouillé devant le lit impérial. Voyant la personne qui venait d’entrer, il se leva avec l’espoir qu’une réponse allait enfin être donnée. Autour de l’Empereur, plusieurs médecins chuchotaient entre eux, dénigrant leur estimé collègue. Eiji s’avança jusqu’à l’Empereur, ce dernier semblait paisible, les yeux clos. Il entreprit alors de l’examiner. Il fut très vite soulagé, il n’avait pas encore rejoint ses ancêtres, mais hélas il était tombé dans un profond sommeil. Son pouls était régulier mais faible. Après plusieurs tentative pour réveiller l’Empereur, le vieil homme secoua la tête de façon négative en regardant Iro.

- Tout le monde dehors !! gronda Iro d’habitude si calme. Laissez-nous !!

Devant la fureur du fils du seigneur impérial, les personnes présentes quittèrent la pièce, seul Eiji resta. Iro alla fermer la porte et glissa quelques mots à Asajiro.

- Ne laisse entrer personne.

- J’en réponds sur ma vie.

Asajiro se plaça devant l’entrée de la chambre, sa lance en travers pour signifier l’interdiction d’accès.

- Kakiji-sama, l’Empereur va-t-il mourir ?

- Je ne l’espère pas, mais son état est critique. Son corps est encore animé par la flamme de la vie, mais son esprit semble ne plus être là.

- Alors ça y est, c’est la fin de son règne ?

- Pas tant qu’il respire encore. Mais lorsqu’une situation comme celle-ci apparaît, les lois sont très claires.

- Je sais, une régence doit être mise en place. Et vu la situation actuelle, je ne suis pas certain que ça profite à l’empire. Il faut que je mette de l’ordre dans tout ça. Je vais faire en sorte que vous restiez au chevet de l’Empereur et que les membres de la Kotoba soient au relais des gardes.

- Sage décision, Champion.

Iro quitta la chambre en donnant ses ordres à Asajiro, puis d’un pas précipité, il rentra chez lui. La demeure familiale n’était pas très loin du palais impérial. C’était une maison de bonne taille, au milieu d’un jardin parfaitement entretenu, seule Ayako, la plus jeune des enfants vivait là avec leur grand-père, Henshin qui l’élevait en l’absence quasi-permanente de Gakyusha. La jeune femme était justement entrain d’apprendre une leçon de magie de l’eau au bord du bassin, Henshin lui prodiguait des conseils afin qu’elle maîtrise ses facultés. Le vieil homme vit Iro débarquer la mine grave.

- Ayako, continue sans moi et pense que l’eau est aussi une matière vivante.

Il retrouva Iro dans le bureau de son père, sortant du matériel d’écriture.

- Tu as l’air mécontent Iro, peut-être puis-je t’aider ?

- Merci Jii-san, mais je dois prévenir mon père et faire venir la Kotoba. Il se passe des évènements graves.

- Graves ? Quels sont-ils ?

Le jeune duelliste considérait l’Empereur comme un oncle bienveillant, le voir dans cet état et penser à cette régence le blessait.

- Les choses vont changer, l’Empereur n’est plus à même d’assurer la gestion et une régence va se mettre en place, profitant à des personnes qui ne devraient pas avoir le pouvoir.

- Je vois.

Le vieil homme laissa le champion à ses affaires. Ce dernier commença à écrire sa lettre lorsqu’il entendit son grand-père l'appeler dans le salon. Interloqué par cet appel il alla voir ce qu’il lui voulait. Là, Henshin était à genoux au centre de la pièce, un détail frappa Iro, son grand-père portait un Magatama de jade, un pendentif en forme de larme. Devant lui au sol un rouleau de parchemin frappé du sceau impérial.

- Je suis un Shi-ze de l’Empereur en personne. On m’a confié ce rôle afin que te soit remis le moment venu un message de sa part ainsi que cet édit impérial.

Le jeune homme s’installa en face de son grand-père, il était à la fois surpris et curieux de connaître le message.

- Iro, tu es une personne en qui l’Empereur a placé sa confiance. Ce parchemin symbolise pour toi l’espoir de ne pas voir l’empire entre de mauvaises mains. Méfie-toi de ceux qui se sont hissés trop haut. Aujourd’hui la Kotoba représente plus que jamais un idéal et le moyen d’agir au nom de l’Empereur. N’oublie pas une chose, la Kotoba obéit à l’Empereur et à lui seul, un régent n’a pas la main mise sur elle. Soit fort, ne flanche jamais tu es l’avenir de l’Empire.

Henshin prit le rouleau de parchemin et le donna à Iro qui l’accepta avec honneur.

- Ce parchemin doit être lu devant le conseil impérial. Hâte toi maintenant, il ne devrait plus tarder à se réunir. Iro, revigoré par le message de l’Empereur s’en retourna immédiatement au palais. Il salua sa sœur qui avait vraiment grandi ces derniers temps, sans parler de ses aptitudes magiques qui se développaient à grande vitesse. Elle mériterait sûrement un jour une place au sein de la Kotoba.


La grande salle du conseil avait rarement vu autant de monde depuis des années. Tous les ministres et conseillers impériaux étaient là, assis en cercle sur leur coussin soyeux et confortable. Voilà déjà plusieurs heures que des discussions animées courraient à propos de l’Empereur et de la politique à suivre. Daijin et Oogoe observaient leurs adversaires, l’heure de la lutte de pouvoir avait débuté.

Le Corbeau savait déjà qui allait remporter cette joute et son silence rendait nerveux quelques fidèles de l’Empereur. Oogoe se leva et se plaça au centre de la pièce avec toute sa nonchalance habituelle.

- Les lois sont précises à ce sujet honorables serviteurs de l’Empereur. Lorsque l’Augure Céleste ne peut pas assumer son rôle et qu’il n’a pas de descendance, un régent doit être nommé par l’ensemble des personnes habilitées à le faire. Bien que j’ai beaucoup de respect pour vous Seigneur Akizuki je pense que Daijin-sama est la personne la mieux placée à l’heure actuelle pour régir l’empire.

Aussitôt ce fut le cohue. Les partisans du premier ministre Akizuki, se levèrent pour protester. Oogoe retourna à sa place, visiblement content de la tournure des choses, il aimait instiller le doute et la confusion chez ses adversaires. Ce fut ensuite le tour de Daijin de parler, le Corbeau connaissait bien son adversaire, il savait aussi que la balance était désormais en sa faveur. Il se leva, aidé par Karasu.

- Allons, allons, un peu de calme voulez-vous, n’oubliez pas que l’Empereur dans son sommeil nous voit et nous juge. Akizuki-dono, il vous appartient de prendre la décision qui s’impose.

Le premier ministre baissa la tête, honteux de ne pas avoir vu le coup venir.

- Un régent doit être nommé.

A ce moment-là Iro arriva dans la salle avec fracas, le pas décidé. Les partisans du Corbeau protestèrent à cette intrusion du champion de l’Empereur. Mais Iro ne se démonta pas et devant le regard menaçant du duelliste les protestations cessèrent.

- Champion. Qu’est ce qui vous amène dans la cour des politiques ? Lança Oogoe.

- Ceci ! Dit-il en tendant le rouleau à Akizuki. Je pense qu’il vous appartient de le lire au conseil impérial.

Le ministre accepta le rouleau et le décacheta. Il authentifia l’objet comme étant officiellement écrit de la main de l’Empereur. Il se leva donc pour le lire à haute voix.

- Ceci sont les volontés de l’Empereur dit-il la voix tremblante.

“Alors que nous ne sommes plus qu’un dieu retenu par son enveloppe terrestre, il est de notre devoir de songer au maintien de l’unité de ce que nos ancêtres nous ont légués. Alors que nous n’avons pas de descendant et comme le veulent les lois établies devra être nommé un régent, le temps qu’un nouvel Empereur se présente. Nous décidons que si un régent devait être nommé il sera alors choisi parmi l’ordre Tsoutaï. Eux seuls ont le recul nécessaire pour remettre de l’ordre dans le chaos que laisse notre absence et ainsi rétablir l’équilibre.

Ainsi est la volonté de l’Empereur.”

La cacophonie fut à nouveau de mise, beaucoup trouvaient cela injuste, que cela soit dans le camps de Daijin ou dans celui d’Akizuki. Le Corbeau chuchota quelque chose à l’oreille d’Oogoe.

- S’il vous plaît un peu de tenue ! Cria le premier ministre. La volonté de l’Empereur doit être respectée. En ma qualité de premier ministre je demande solennellement au Champion de l’Empereur d’être le garant de celle-ci.

- J’accepte, quiconque ira à son encontre devra passer par ma lame. Répondit Iro.

Oogoe se leva à nouveau.

- Le Clan du Corbeau se propose de chercher le meilleur candidat possible à cette régence.

Akizuki n’était pas dupe, il y avait probablement une entourloupe sous le couvert de cette phrase, mais le Corbeau était désormais puissant et lui refuser cela aurait été perçu comme une insulte et un grave affront. Et puis après tout, les Tsoutaï n’étaient ils pas des sages ??

- Soit ! J’assurerai la transition le temps pour le Corbeau de trouver ce régent.

Akizuki ne se doutait pas que Daijin savait précisément qui il allait nommer. La réunion du conseil fut ajournée.


Dans la demeure du clan du Corbeau, Daijin discutait avec Karasu et Oogoe.

- Il est une histoire dont vous avez peut être entendu parler. C’était il y a bien longtemps, un Corbeau a eu une destinée particulière, il a été choisi par des Cherchefailles et reconnu comme un Tsoutaï. A l’époque et devant cet état de fait, il m’avait demandé le droit de ne plus faire partie du Clan afin de suivre la voie choisie. Et j’ai accepté avec une petite condition, si un jour nous avions besoin de lui, il devrait répondre à notre appel.

- Bien seigneur, mais cette personne est-elle capable d’assumer la régence de l’empire ? Interrogea Oogoe.

- Il l’est. Je vais préparer la demande officielle du conseil impérial pour sa nomination. Je vous envoie tous les deux apporter cette nouvelle à qui de droit.

- Seigneur Daijin, où nous envoyez-nous ?

- Au temple de Yafujima.

Ni l’un ni l’autre ne connaissait ce lieu, mais ils ne tarderaient pas à combler ce manque car le lendemain ils se mirent en route, portant le précieux message. Ils avaient désormais un nom, qui ne leur était cette fois-ci pas inconnu. Cet homme là avait fait parler de lui il y a quelques temps. Karasu était assez en colère, il profita du trajet pour pester contre l’Empereur qui n’eut pas le courage de faire de Daijin le régent, il tempêta contre ce maudit Tsoutaï qui n’y connaissait rien à la politique ni à ce qu’était la vie à Meragi. Ils arrivèrent au temple à la nuit tombante et ils furent reçus peu de temps après par son dirigeant, qui s’avérait aussi être le futur régent. La rencontre se déroula dans un des petits salons prévus pour recevoir les gens de passage. Toran se demandait ce que lui voulait deux membres du Corbeau qui venaient spécialement pour le voir.

- Merci de nous recevoir Toran-sama. Commença Oogoe.

- Ne me remerciez pas, la porte de ce temple est ouverte à ceux qui ont besoin de paix et de sérénité.

- Cela tombe bien que vous parliez de paix car c’est de cela que notre affaire traite.

Le jeune magistrat posa devant lui sur la petite table de bois la lettre du conseil impérial.

- Ceci est pour vous. Avant que vous ne la lisiez et donnez votre avis, car il est vrai que vous pouvez refuser, Daijin se permet de vous rappeler qui vous êtes réellement.

Toran plissa les yeux et ses tatouages commencèrent à bouger.

- Merci Oogoe de me renvoyer à ma condition, je sais très bien qui je suis et où est ma place, je vous suggère de réfléchir à la vôtre.

Le jeune Corbeau afficha un visage figé dans un sourire sarcastique, il avait touché sa cible. Dehors, Aku qui était désormais l’apprenti de Toran espionnait la scène et malgré sa discrétion il n’échappa pas à la vigilance de Karasu. Ce dernier se leva et s’inclina devant le vieux Tsoutaï avant de sortir donner un exemple de politesse à ce jeune effronté.

Après deux ou trois lectures Toran dut s’y résigner. Il était nommé pour devenir régent de l’Empire de Xzia, lui un homme qui avait passé quelques années à parcourir le monde, cherchant à perfectionner son art.

- Je comprends vos sentiments Toran-sama, vous seul pouvez convenir.

- Il y a d’autres Tsoutaï, des gens bien plus sages que moi.

- Oui, mais ils ne sont pas du clan du Corbeau. Il serait fâcheux que vous refusiez cette faveur à Daijin-sama surtout en cette période où l’empire est fragilisé, il ne faudrait pas grand chose pour que tout cela s’écroule.

- Je reconnais bien là les paroles de ceux qui m’ont vu naître. J’accepte le rôle que me confie le conseil impérial. Quand dois-je partir pour Méragi ?

- Le plus vite possible.


Dehors Karasu bousculait Aku.

- On joue les espions sans en avoir les moyens ?? Cracha Karasu.

- Je voulais juste m’assurer qu’il n’arrive rien à mon maître, répliqua le jeune Tsoutaï avec nervosité.

- Je vais te faire passer l’envie d’espionner !

Karasu bouscula violemment Aku qui tomba les fesses par terre. Autour de lui et malgré l’heure tardive quelques autres Tsoutaï assistaient à la scène. Leur philosophie n’étant pas de répondre à la violence par la violence, ils demandèrent poliment au membre du clan du Corbeau de cesser ses agissements. Karasu fit la sourde oreille, il fallait qu’il passe ses nerfs sur quelqu’un, ce n’était pourtant pas dans ses habitudes d’agir ainsi. Aku ne pouvait pas répliquer, Toran lui avait formellement interdit d’user de violence dans son état de fragilité. Il devrait plus tard apprendre avec Akujin, son Cherchefaille, à maîtriser les arcanes de guerre Tsoutaï. La jeune Hime justement présente à ce moment ne voyait pas cette agression de la même manière que les autres. Elle s’interposa.

- Corbeau ! Si tu cherches quelqu’un pour te battre affronte moi.

Son Cherchefaille, un majestueux héron, apparut alors à son côté, claquant son bec devant le visage de Karasu. Ce dernier stoppa là, cela ne valait pas la peine de continuer et son acte avait déjà agacé les Tsoutaï.

- Une autre fois peut-être je serais ravi de me mesurer à une combattante comme toi. Mais j’ai mieux à faire.

A ce moment là Toran et Oogoe arrivèrent dans la cour, mettant un point final à l’opposition.

- Hime réunit donc notre communauté veux-tu, j’ai quelque chose à annoncer. Demanda Toran.

Quelques minutes plus tard, tous les Tsoutaï du temple étaient dans la cour, s’interrogeant sur la déclaration future de leur maître. Toran, en hauteur par rapport aux autres réclama le silence.

- L’Empire est à un tournant de son histoire. L’Empereur est dans un sommeil sans fin et un régent a été nommé. Il s’avère que l’on m’a choisi, l’empereur a pensé qu’un Tsoutaï serait à même de mettre un terme à la division interne. J’ai donc humblement accepté cette fonction.

Chacun y alla de son commentaire sur la question, beaucoup pensaient que l’Empereur avait fait un choix judicieux et juste quoi que surprenant.

- A peine de retour parmi vous, je vais devoir repartir pour Meragi. Je confie la direction du temple au vénérable Zaoryu. A présent je vous laisse, je partirai à l’aube demain matin.

Dans l’assistance, Hime et Aku s’inquiétaient pour leur devenir. Mais Toran alla les voir et leur expliqua qu’ils devaient venir tous les deux à Meragi avec lui, il continuerait leur formation au temple de Komakai, plus petit et modeste que Yafujima.


Toran n’était plus habitué au luxe. Bien sûr, il avait vu le jour dans une famille riche mais il s’en était éloigné rapidement. Cette chambre faisait à elle seule une maison d’un éleveur de buffle. Autour de lui plusieurs servantes s’affairaient. Il allait être officiellement nommé devant le conseil comme régent de l’empire et il fallait donc qu’il soit présentable. Il tenait néanmoins à ce que sa tenue de régent ne soit pas dénuée du côté pratique que lui offrait ses habits de Tsoutaï. L’Empire avait besoin de lui et la situation était délicate. D’un côté il fallait qu’il maintienne la cohésion, gère les conflits politiques et en plus jongler avec les désirs de pouvoir du Corbeau. Il avait toujours lutté pour garder au fond de son cœur ses origines de ce clan.

Une fois prêt, il fut conduit à la salle des conseillers et ministres où tous s’inclinèrent, ce qui gêna le vieux Tsoutaï.

- En ce jour où vous faites de moi le régent, gardez ceci en tête, l’Empereur n’est pas mort, il reviendra.

Oui, l’Empereur reviendrait, en son fort intérieur, Toran le savait, car il mettrait tout en ordre pour faire la lumière sur ce mal inexplicable qui avait frappé.

Que réservait l’avenir à Toran et à l’Empire de Xzia ??

La quête du Roi Tonnerre

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Le roi est mort !!! Vive le roi !! Le roi est mort ! Vive le roi !

La foule au pied du château de Carleon scandaient le message d’adieu comme le voulait la coutume. Mais cette fois-ci la tradition ne serait pas respectée. Gaumatta, roi d’Yses venait de passer à trépas sans que son héritage puisse être transmis. Cela signifiait, selon les traditions des sept royaumes, qu’un grand tournoi allait être organisé pour la conquête des terres d’Yses. Et cela, l’un des Protecteurs du royaume s’y refusait. Sevylath assit au bord d’une fontaine regardait les badauds aller et venir de la place principale. Il mesurait toute l’importance de ce décès et les conséquences dramatiques que cela aurait sur l’avenir. Les vautours viendraient dévorer les restes et s'entre-tuer pour ce territoire, probablement au détriment de la population. Il fallait agir, et vite. Sans plus attendre il quitta sa rêverie et se dirigea vers la bibliothèque, ou du moins ce qui y ressemblait. Gaumatta était un roi savant et grâce à lui les plus grosses cités s’étaient dotées de bibliothèques qui en réalité étaient des lieux où l’on entreposait parchemins, peaux écrites et autres livres. Dans ce capharnaüm le héros d’Yses pensait trouver une loi ou une coutume qui puisse contre-carrer cette règle du grand tournoi. Après deux jours de fouilles intensives il ne trouva rien vis-à-vis des lois. Néanmoins quelque chose attisa sa curiosité. Au fond de la grande salle, derrière une pile d’objets divers se trouvait une tapisserie d’environ une taille d’homme. Sur celle-ci était peint une scène représentant le premier roi d’Yses qui était surnommé à juste titre, le Roi Tonnerre. D’après les histoires à son sujet, ce roi disparut un beau jour, en laissant son trône à son ami Argal dont Gaumatta était le descendant. Il se souvint alors de cette immense stèle gravée en bordure de la ville. Son instinct le poussa à aller la voir.

A nouveau perdu dans ses pensées, il ne vit pas passer le temps du trajet jusqu’à la pierre. Il existait une sorte de culte envers cet emblématique personnage. Lui-même croyait avec ferveur à l’existence de forces divines qui pour lui régissaient la vie des habitants des terres de Guem. Mais il ne s’était jamais intéressé à ce culte là, c’était donc pour lui l’occasion de le découvrir. Il ne se rappelait pas que cette pierre était aussi grande, elle faisait bien la taille d’une des tours du château d’Yses. Au pied de celle-ci des flammes dansaient au gré du vent dans un brasero de pierre. Il n’y avait personne, ce qui à la vue des évènements ne le surprenait pas outre mesure. Gravé sur la pierre, majestueux et immense, le Roi Tonnerre toisait la ville de son regard figé. Sevylath l’avait déjà regardé, mais il ne s’était jamais attardé sur les détails ni sur le cartouche tout en bas. Les caractères présents n’étaient pas ceux de la langue parlée en Yses actuellement. Mais pour autant ces symboles ne lui étaient pas inconnus. Il détacha le livre pendant à sa ceinture et examina la surface de la couverture de cuir. Il y avait là deux glyphes, pas identiques, mais semblables à ceux du cartouche. Ce livre était un héritage de sa famille et on lui accordait des pouvoirs importants bien qu’aucun de ses parents n’aient réussi à en percer ses secrets. Quelqu’un arriva à ce moment-là, le sortant de ses réflexions.

- Oh ! Je suis vraiment désolée de vous déranger.

C’était une jeune fille vêtue d’une simple robe blanche, elle portait des bijoux ressemblant à ceux du Roi Tonnerre. Sevylath reconnut là une prêtresse.

- Ne soyez pas désolée, c’est moi qui perturbe ces lieux. Je pense que vous pouvez m’aider. Sevylath lui tendit son livre. Vous voyez ces symboles, ils sont de la même langue que celle-là, dit-il en montrant les inscriptions sur la stèle.

La jeune femme aux cheveux teints en blanc regarda le livre et passa les doigts sur les reliefs. Son visage s’éclaira d’un sourire radieux.

- C’est la même langue, elle était parlée par le Roi Tonnerre et sa famille lorsque celui-ci régnait. Où l’avez vous eu ?

Sevylath hésita un instant, mais devant l’aide que pourrait lui fournir cette femme, il se lança.

- Ce livre est dans ma famille depuis toujours.

La prêtresse mit un moment à faire la relation. “Se pourrait-il que ???”

- Puis-je ouvrir ce livre seigneur Sevylath ?

- Vous savez qui je suis ? Interrogea-t-il avec intérêt.

- Il est difficile de ne pas reconnaître un protecteur d’Yses quand on en voit un. Puis-je ?

- A une condition, savez-vous ce que veulent dire ces symboles, dit-il en pointant du doigt la stèle.

- Il est écrit : “Brandit ma lance et je frapperai. Pare-toi de ma couronne et je serai à tes côtés. Porte mon armure et je te protégerai”. Nous ne savons pas réellement qui a écrit cela ni si ce sont les paroles du Roi Tonnerre, mais beaucoup d’entre nous pensent qu’il existerait un héritage.

- Merci pour ces précisions. Cette affaire me tient à cœur. Sevylath donna le livre à la prêtresse. Il serait judicieux d’aller l’examiner dans un endroit où nous serions mieux installés non ?

- Vous avez raison, je manque à mes devoirs, je vous en prie, accompagnez-moi à la salle d’étude du temple des dieux.

Il existait à Yses trois temples des dieux, des lieux de culte ouverts à ceux qui souhaitaient prier ou pratiquer leur croyance. Ils avaient pour particularité de ne pas être affiliés à une divinité, mais à toutes. Le protecteur et la jeune femme qui se nommait Dandranne allèrent donc à quelques rues de là dans une grande bâtisse de pierres grises en partie recouverte par la mousse. La salle d’étude n’en avait que le nom, c’était surtout un lieu de réunion pour quelques fidèles. Ceux présents à ce moment discutaient de l’évènement majeur de la journée, la disparition de leur roi, et ils ne firent pas attention à la présence du protecteur et encore moins à son occupation. Dandranne s’installa à une table de bois et entreprit d’ouvrir le livre. Hélas, la sangle ne voulut pas bouger d’un poil ! Sevylath s’en étonna car il avait toujours réussi à l’ouvrir et lorsqu’il essaya, ça fonctionna correctement. Au moment où Dandranne repris le vieux grimoire pour le lire, celui-ci se referma d’un coup et des petits éclairs parcoururent la couverture avant de disparaître.

- Et bien, en voilà une étrangeté ! S’étonna la prêtresse.

- Il faut dire que jusqu’à présent, à part mes parents, nul autre que moi ne l’avait touché. Il va falloir que je le tienne pour que vous puissiez le lire.

La technique sembla bonne car le livre resta ouvert et elle put lire, ou plutôt tenter de lire.

- Je connais mal cette langue, j’en ai appris les rudiments mais je n’ai jamais pratiqué sur des textes comme ceux-ci. On dirait des prières à un dieu. Si je traduis bien il s’agirait de Kurun.

Dandranne demanda à Sevylath de tourner les pages pour aller vers la fin. L’écriture changea, elle passa à des symboles plus rapidement écrits. Après avoir lu la première page elle se dandina sur place.

- C’est lui ! C’est le Roi Tonnerre ! Tournez-les pages ! Stop ! Là ! Attendez !

Elle relut plusieurs fois une page, puis elle leva le nez et regarda le protecteur avec une certaine joie.

- Connaissez-vous l’origine de votre famille seigneur Sevylath ??

- C’est une question en rapport avec votre lecture ?

- Oui, et à mon avis vous ne savez pas que le Roi Tonnerre a eu un enfant, un garçon nommé Korvent, ça vous dit quelque chose.

- Korvent ? Sevylath plongea dans ses souvenirs, ce nom ne lui était pas étranger. Effectivement, Korvent était un nom déjà évoqué par le passé. Oui, je crois que mon grand-père lorsque j’étais enfant me parla d’un Korvent, il fut un grand chef de guerre je crois bien.

- Et il est aussi un de vos ancêtres ! Vous vous rendez compte ! Vous descendez du Roi Tonnerre !

- Je veux bien vous croire mais comment en êtes-vous si certaine ?

- C’est écrit ! Là ! Dandranne était dans un état proche de l’euphorie, trouver le descendant de celui qu’elle vénérait, c’était un véritable miracle.

- Très bien, mais qu’est ce que ça dit ?

- Oh, oui, pardon. Il est dit, pour résumer que seuls ses héritiers peuvent ouvrir ce livre, c’est aussi simple que ça.

Sevylath ne montra pas de joie particulière à cette annonce, il voyait au-delà de ça. Le destin l’avait mis sur la route de cette prêtresse et des révélations étaient faites, jusqu’où ça allait le mener ?

- Il y a aussi des choses que je comprends moins. Il parle d’une quête qu’il doit mener à bien et qui le mènerait vers une sorte de renaissance. Il indique qu’il compte suivre une route pour se rendre dans les confins. Il indique son parcours en expliquant que son voyage n’était pas sans retour et que la mort même ne l’emporterait pas.

- Vous croyez cela possible vous qu’une personne qui vivait il y a très longtemps puisse revenir ? Interrogea Sevylath en ayant une idée derrière la tête.

- Tout est possible dans ce monde. Si le Roi Tonnerre peut revenir, devons-nous passer à côté de ça ?

- Non, vous avez raison, un roi est mort aujourd’hui, un autre roi pourrait reprendre les rênes d’Yses. Le protecteur se leva. La quête du Roi Tonnerre commence.

- Je vais prier pour la réussite de cette entreprise. Mais avant cela je vais vous transcrire les écrits de votre ancêtre.

Dandranne se leva à son tour.

- Tout cela est incroyablement passionnant. Les autres fidèles ne vont pas en croire leurs oreilles lorsqu’ils vont entendre cette histoire.

Deux jours plus tard, la traduction était finie, Sevylath et Dandranne n’avaient pas beaucoup dormi, les enjeux étaient trop importants pour perdre du temps. L’essentiel était là et il fallait commencer par s’aventurer dans les brumes des confins en suivant un chemin précis. Après un repos mérité le protecteur se mettrait en route pour l’inconnu, avec le fol espoir que la légende du Roi Tonnerre n’en soit pas une.


Le vague à l’âme, songeant qu’il laissait Yses en proie à une crise importante de son histoire, le protecteur se mit en route. Le voyage jusqu’à la brume des confins passait par Baranthe où il apprit que les autorités s’inquiétaient beaucoup de la situation du royaume voisin. Mais il ne s’attarda pas plus et continua sa route qui le mena une semaine plus tard en vue des brumes, lourdes et noires. C’était comme si les nuages prenaient tout l’espace entre le sol et le ciel. Tout cela ne l’inspirait pas vraiment, après tout, derrière, était enfermée la pire menace de cette terre. Tout ceux qui avaient cherché la prison d’Obsidienne n’étaient jamais réapparu, alimentant ainsi les légendes au sujet des pouvoirs ténébreux de Nehant. Il n’aimait pas cet endroit, il y avait là trop de malheurs et de souffrances. Il y a environ 70 ans eu lieu un terrible affrontement, beaucoup de héros de la guerre tombèrent contre Nehant. Tenant fermement son marteau sanctifié, il avança suivant les indications de Dandranne. Il crut étouffer, le surnaturel présent rendait l’air incroyablement suffocant. Sevylath prit ça comme une épreuve et ne se laissa pas abattre par si peu. N’y voyant pas grand chose il progressait très lentement. Au bout de quelques heures il arrivait enfin vers la dernière indication : Trois pas à gauche d’une pierre gravée d’un symbole de spirale. Il trouva bien la pierre et fit trois pas à gauche de celle-ci. Hélas pour le protecteur, cette pierre était en réalité un bout d’une petite stèle qui depuis l’époque du Roi Tonnerre avait subi la corrosion. Le haut, là où le symbole se trouvait était tombé à côté. Cela eut une conséquence fort fâcheuse que le protecteur n’apprendrait que bien plus tard.

Sevylath sortit de la brume et respira un grand coup. Une bouffée d’air salvatrice et un vent vif lui redonnèrent de la vigueur. Son nouvel environnement était incroyable et époustouflant. A perte de vue des îles de terres et de cristaux aux multiples couleurs flottaient dans les airs. Certaines d’entre elles bougeaient comme du bois sur l’eau, se frôlant les unes aux autres.

“Comment aller d’une île à une autre” s’interrogea le protecteur. Il examina la situation et surtout où il était arrivé. Visiblement l’île sur laquelle il se trouvait était grande, et si son ancêtre était arrivé là il devait bien avoir laissé des indices quelque part. “Commençons par là”. Le paysage différait d'Yses. Là où chez lui il y avait de la verdure et des forêts à perte de vue, ici d’immenses cristaux remplaçaient les arbres. Mais ce qui l'interpelait le plus c'étaient les brûlures apparentes sur certains rochers et cristaux, ainsi que de grandes éraflures labourant le sol. Il n’y avait pas le moindre bruit, pas le moindre animal gazouillant, même le son de ses pas semblait atténué. Il marcha de longues heures avec la vague impression de ne pas être seul ici. Les lieux étaient beaucoup plus vastes qu’il ne le pensait et la végétation devenait plus dense. Puis au détour d’un chemin, son regard fut attiré par une sorte de vieux totem, il représentait une créature déformée et répugnante. Il ne s’attarda guère sur cette représentation mais ça le conforta dans sa vigilance. Quelque chose n’allait pas, la magie était à l’œuvre ici. Effectivement, d’un seul coup, des lianes en provenance des arbres et des racines venant du sol l’attrapèrent et en quelques instants il fut incapable de bouger.

- Quel est ce maléfice !? S’exclama-t-il à haute voix.

Une créature s’avança vers lui, il n’en avait jamais vu de telle, de grande cornes, des yeux blancs, pas de bouche. Elle boitait et son côté gauche était protégé par des plaques de cuir liées entre elles. Derrière elle il y avait d’autres personnes, dont une était clairement habillée comme un habitant de la Draconie, il reconnut le blason et le code couleur de la jeune femme.

- Désolé de vous infliger ceci. Mais depuis que nous sommes arrivés dans les Confins les problèmes se succèdent. Dit la jeune femme en examinant le marteau du protecteur.

- Je suis Sevylath ! Protecteur d’Yses, détachez moi draconienne !

- Sevylath ? Anryéna regarda les autres avec une pointe de surprise. Vous avez disparu il y a vingt ans.

- Sornettes, je viens d’arriver ici et j’ai quitté les sept royaumes il y a quelques jours. Écoutez, je ne vous veux aucun mal, détachez moi et discutons.

Le Daïs interrompit son sort et le protecteur fut libéré de ses liens. Il récupéra son marteau, restant méfiant à l’égard de ces personnes.

- Je me suis présenté, il serait de bon aloi que vous fassiez de même.

- Il est vrai, à croire que ces Confins déteignent sur nous. Je suis Anryéna, fille de Dragon. Voici Oeil de Gemme de l’équipage d’Al la Triste et le Grêlé du peuple Eltari...

- Il peut certainement nous aider à briser le bouclier, coupa Oeil de Gemme.

Anryéna supportait de moins en moins la compagnie de la pirate, elle était rustre et sans gène, très loin du comportement des dames de la Draconie. Sevylath connaissait le nom d’Anryéna, rajoutant à sa confusion car si vingt ans s’étaient écoulés elle ne devrait pas ressembler à une jeune femme qui tout au plus avait la trentaine d’années. Évidement il ne savait pas que pour elle le temps n’avait que très peu d’emprise. Il assista à un débat entre les trois personnes, qui finalement invitèrent Sevylath à les accompagner.

- Que se passe-t-il ? Je serais ravi de vous aider, mais vous ne me dites pas grand chose.

- Pas très loin d’ici, nous avons trouvé une sorte de temple assez vieux. Mais il est protégé et nous n’arrivons pas à y rentrer, expliqua le Grêlé.

- Et pourquoi voulez-vous y entrer ? S’il est protégé c’est pour une bonne raison.

- Parce que nous sommes à la recherche de quelqu’un et il se peut qu’à l’intérieur du temple, il y ait soit cette personne soit un indice sur comment la trouver.

- Je cherche moi aussi une personne, je vais vous aider si je le peux.


La troupe rejoignit Malyss et Ergue qui attendaient devant le temple, une vieille bâtisse à l’architecture mêlant cristaux et pierre. Le tout avait blanchi à l’exposition du soleil et une petite partie du toit s’était effondrée. De leur point d’observation, les voyageurs se demandèrent s’il n’allait pas s’écrouler une fois qu’ils y seraient rentrés. En contre-bas et tout autour de la colline où trônait l’édifice se trouvaient des colonnes gravées de symboles. Et bien qu’on ne le voyait pas, entre chaque pylône, un mur invisible empêchait quiconque de passer.

- Notre magie n’a pas réussi à briser les colonnes et la force physique n’a rien fait de mieux. Pourtant nos pouvoirs sont grands, se vanta le mage du clan du corbeau.

Sevylath voyait les choses autrement. Ce n’était pas de la magie qui était à l’œuvre et c’est pour cette raison que leur magie restait inefficace. Les symboles n’étaient rien d’autre que des écritures théurgiques, la “magie” des dieux. Pour lui tout cela était clair, quelqu’un ne voulait pas qu’on entre ici, et seul un ou plusieurs prêtres auraient réussi ce tour de force. Sevylath se tourna vers le groupe et parla assez fort pour que cesse les discussions inutiles.

- Votre échec est normal. Ceci n’a rien de magique, c’est une barrière de foi. Je peux l’annuler, mais sommes-nous certains que rien de néfaste ne va se produire ?

- Nous ne pouvons prédire ce qu’il va se passer, mais je crois que si on est là, c’est pas pour rien. Il faut y aller ! Oeil de Gemme invita tout le monde à foncer tête baissée, façon pirate.

Anryéna fit la moue, tout ce qui touchait à la théurgie ne lui plaisait pas. Le Grêlé était indécis, mais le mangepierre était peut être là, à portée. Ergue s’en moquait, mais il ne refusait jamais un peu d’action. Malyss se rangea à l’avis de la pirate, il fallait mettre ce secret à jour dans tous les cas. La décision fut prise et Sevylath se mit au travail.

Chaque pilier présentait une épreuve de foi, une question à laquelle le lecteur devait au fond de son cœur répondre avec justesse. Il choisit la question qui lui parut la plus intéressante à ses yeux et dont la réponse était son leitmotiv en tant que croyant. La question pouvait se résumer à ceci : “Jusqu’où peux te mener ta foi”. Il n’hésita pas, c’était limpide pour lui : le sacrifice, il était prêt à cela par abnégation et ferveur pour les principes de foi qu’il suivait. Visiblement la réponse était juste car le pilier s’effrita puis s’écroula. La barrière de foi était tombée.

- Vous êtes digne de la réputation qu’on vous prête, protecteur d’Yses, félicita Anryéna.

Le groupe entreprit l'ascension de la colline recouverte de vieux rochers. Leur progression fut rythmée par la découverte de multiples squelettes humanoïdes dont la présence était cachée par ces rochers.

- C’est pas très encourageant, chuchota Ergue pour lui-même.

- Regardez ça ! Cria Oeil de gemme. Quelle merveille !

La jeune femme arracha d’un cadavre une lance entièrement faite de cristal.

- C’est léger comme une plume, ajouta-t-elle.

Au premier coup d’œil Sevylath reconnu la facture de l’objet et se précipita.

- Puis-je ? Dit-il avec autorité.

Pour un pirate, un objet trouvé appartient à celui qui en fait la découverte, mais vu son entourage elle ne chercha pas les ennuis et donna la lance. Aucun doute, il s’agissait d’un objet fabriqué à Yses, et vu le style ça datait, il en avait vu quelques unes comme celle-là chez certaines familles nobles. Il était sur la bonne piste.

- Je suis sur la bonne voie. Avançons !

Ils arrivèrent à l’entrée du temple et ils purent voir que de nouveaux symboles théurgiques jonchaient l’immense porte et faisaient tout le tour du temple.

- Un sceau divin, regretta Sevylath. Poussez-vous, il doit être brisé par la foi.

Tous s’écartèrent à bonne distance. Sevylath recula de quelques pas, tenant son marteau fermement et marmonna quelques prières. Puis il s’élança et fit tournoyer son marteau de façon à briser la ligne des écritures. Il ne s’attendait pas à cela mais la violence du coup fit littéralement exploser la porte. Chacun alla jeter un œil à travers l'encadrement et ce qu’ils y virent ne présageait rien de bon. A l’intérieur, il y avait une bonne dizaine de créatures ressemblant à des humains, mais qui se comportaient en sauvage. Leur peau était bleue sale et leur attitude très agressive. Le temple en lui-même était une immense salle et au milieu de celle-ci une personne flottait dans les airs, enfermée dans une sorte de colonne composée d’une multitude d’arcs électriques qui partaient du sol. Alors qu'Ergue et Oeil de gemme reculait devant la charge des créatures, Sevylath qui savait très bien qui était cet étrange personnage sauta à l’intérieur sans la moindre peur.

“Est-ce le Mangepierre ?” se demanda le Grêlé. Il emboita le pas au protecteur et entra à son tour. Ne pouvant s’abandonner les uns les autres, chaque membre du groupe rejoignit les autres. Sevylath avait commencé à écraser des crânes à coup de marteau, mais les créatures étaient nombreuses et très fortes aussi, le Grêlé fut vite submergé par quelques unes d’entre elles et il ne dut son salut qu’à la dextérité d'Ergue qui le tira vers l’arrière. Malyss fit parler le feu tandis qu’Anryéna déployait la magie draconique. Tout se déroulait correctement, leurs stratégies complémentaires allaient vite faire triompher le groupe. Hélas, une erreur involontaire mit tout à mal. Anryéna, acculée dans un coin du temple, fit appel à d’autres pouvoirs, ceux de la foudre. De ses mains jaillirent des éclairs qui frappèrent violemment ses assaillants. Plusieurs faits inattendus se produisirent : les éclairs se propagèrent sur la grande majorité des créatures et à chaque fois que l’une d’elle était touchée l’éclair ne leur provoquait pas de douleur, au contraire la magie semblait les renforcer. Telle une marée elles reprirent le dessus sur le groupe, blessant certain de ses membres. Sevylath n’avait plus le choix, il fit appel à sa foi. Son marteau brilla intensément et il pensa à chacun de ses compagnons. Puis avec fureur, il abattit les créatures une par une. A chaque coup porté, les blessures de ses camarades se refermaient. Impressionné par la théurgie du protecteur, la bataille reprit de plus belle. Anryéna, qui avait compris son erreur, cessa l’utilisation de la foudre et préféra la défense à l’attaque. Sevylath, galvanisé, se tailla un chemin jusqu’à la personne dans la colonne d’éclairs. Mais là s’interposa une créature plus grande que les autres et qui semblait plus futée. Elle portait une couronne de cristal. Visiblement la créature cherchait le duel avec le protecteur. Mais ce dernier poussé par un accès d’orgueil se mit à rire et posa son marteau au sol.

- Je sais ce que vous êtes, je reconnais cette pierre dans votre gorge.

Derrière lui les autres voyageurs se demandait ce que faisait Sevylath.

- Je vous répudie guémélites ! Rejoignez votre créateur ! Cria-t-il.

Il leva les mains en l’air et une vive lumière blanche jaillit de celles-ci. Oeil de gemme sur le palier du temple et qui tirait avec ses étranges armes sauta à plat ventre en dehors du temple en voyant ce que l’homme de foi faisait. Les créatures hurlèrent de douleur et tombèrent comme des mouches, mortes. Hélas Sevylath n’avait pas fait attention à Anryéna qui était non loin de là et qui subit aussi les effets de l’exorcisme et s’écroula inconsciente.

La bataille était finie, les créatures étaient toutes mortes y compris leur chef. Sevylath récupéra la couronne de cristal. Les autres étaient essoufflés, le combat n’avait pas duré très longtemps, mais il avait été intense et très fatigant. Le Grêlé s’occupa d’Anryéna pendant que Malyss s’interrogeait sur cette prison d’éclairs. Ergue tenta d’y passer la main et ce n’était pas très malin de sa part car ce fut très douloureux.

Après un soin apporté par le protecteur, Anryéna reprit conscience et pesta contre cet acte certes efficace mais inconsidéré de sa part. La fille de Dragon s’intéressa alors au prisonnier et à sa geôle.

- Est-ce le Mangepierre ? Demanda-t-elle au Grêlé.

Ce dernier allait répondre mais Sevylath s’interposa.

- Je ne sais pas ce qu’est un Mangepierre, mais cette personne est celle que je cherche et n’est ni plus ni moins que le Roi Tonnerre.

Tous échangèrent des regards interrogateurs, ils ne connaissaient pas de Roi Tonnerre, mais ils étaient prêt à croire leur illustre compagnon.

- La question est, comment le sortir de là, dit Malyss.

- Ce n’est pas théurgique ? Demanda Ergue. La réponse fut négative.

- Dans ce cas, c’est magique et dans ce cas, je peux faire quelque chose. Intercéda Anryéna qui était bien décidée à corriger son erreur.

Les sorts de foudre étaient nombreux et très variés. Bien que ses études à l’académie de Noz’Dinagrd remontaient à une époque lointaine, elle n’avait pas oublié les principes appris. Elle contourna la prison et se focalisa sur la magie. Elle perçut en premier lieu les éclairs, violents, protecteurs et dangereux. Puis derrière cela la personne en elle-même, elle avait un sort actif sur elle, un autre sort de foudre mais qui n’avait pas le même objectif.

- Une stase ! Cria-t-elle. Je crois savoir comment faire. Sevylath s’il vous plait venez à côté de moi.

Le protecteur approcha en se demandant ce que prévoyait la draconienne.

- Vous rattraperez la personne lorsque les sorts seront brisés et accessoirement moi aussi si je dois tomber inconsciente, ce qui peut arriver. Vous êtes un croyant et connaissez des théurgies de soin. Je vous conseille d’en lancer une sur vous au cas ou. Je vais combattre la foudre par la foudre.

A ces paroles les autres s’écartèrent rapidement pour ne pas risquer d’être blessés.

Anryéna se concentra de longue minutes avant de déchainer la foudre sur la prison. Elle lâcha tout son pouvoir. La prison se surchargeant de magie éclata d’un coup, libérant le Roi Tonnerre. In extremis, Sevylath, protégé par sa foi réceptionna son ancêtre. Puis se retourna vivement pour voir l’état de la magicienne. Celle-ci vacilla, vidée de toute magie. Le protecteur attrapa Anryéna avant qu’elle ne tombe. Aussitôt le corps de la magicienne se mit à briller d’une aura bleue très brillante qui se propagea sur Sevylath et le Roi Tonnerre. Puis l’aura s’estompa en même temps que les trois personnes qui devinrent transparentes. Enfin elles disparurent devant les mines ébahies de leurs compagnons.


Ils réapparurent tous trois dans la salle du trône en Noz’Dingard devant Kounok qui s’était levé, Chimère à la main.

- Mère ?? Cria-t-il.

La Bataille de la Pierre - Chapitre 1

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Salle du trône du palais de Noz’Dingard.

Kounok avait vu apparaître soudainement plusieurs personnes au beau milieu de la grande salle. Pensant à une attaque le Prophète, empoignant Chimère, la tira hors de son nouveau fourreau et sauta au pied du trône avec dextérité. Valentin, alors présent pour rendre compte à son supérieur tira lui aussi son arme et se mit en garde à l'encontre du petit groupe. Les nouveaux arrivants n’avaient pas l’air agressifs, bien au contraire. Seul l’un d’eux était en état, les deux autres étaient inconscients.

- Paix draconiens ! Paix ! S’exprima Sevylath en déposant ses fardeaux au sol avec attention. Je suis Sevylath, protecteur d’Yses, ajouta-t-il en regardant autour de lui. Je ne suis pas votre ennemi, dit-il en posant son marteau d’un geste lent.

Kounok ne comprenait pas grand chose à tout cela, mais il reconnut sa mère allongée par terre.

- Que lui avez-vous fait ?? Accusa-t-il en élevant la voix.

- Moi rien, cette dame vient de sauver le Roi Tonnerre et tout à coup nous avons disparu dans une gerbe de lumière bleutée et nous sommes apparus ici.

- Il va falloir être plus précis que ça.

Kounok posa Chimère au sol et prit Anryéna dans ses bras. Elle était inconsciente, vidée de ses pouvoirs magiques. Dans ce genre de cas, il n’avait pas d’autre solution que de l’amener à Dragon.

- Valentin, voit donc avec nos invités surprises comment ils se sont retrouvés là. Installe-les confortablement.

- Bien Prophète, ça sera fait, répondit le Chevalier Dragon.

- Vous faites de nous des prisonniers ?

- Non, si c’était le cas j’aurais employé ce terme, mais quand quelqu’un apparaît soudainement dans une place forte Noz’Dingarde portant ma mère inconsciente, je suis en droit d’en savoir plus !

Racontez donc votre histoire à Valentin.

Kounok sortit par une des portes de la salle qui donnait dans une cour bien particulière. Elle était directement au pied de l’imposante gemme bleue de Dragon. Il y avait là un jardin où des roses bleues poussaient au rythme de la nature. Au milieu des rosiers une fontaine représentait un Dragon majestueux. Kounok traversa rapidement la cour, inquiet pour sa mère qui dans ses souvenirs n’avait jamais été dans cet état là. Lorsqu’il arriva au pied de la pierre, une forme humaine se matérialisa devant lui. C’était un homme de grande taille qui quelque part ressemblait à Kounok et feu son frère. Plusieurs cornes de cristal sortaient de son crâne et ses cheveux longs flottaient au gré du vent. Son apparence était presque fantomatique comme un spectre bleu transparent. Kounok eut l’air surpris puis se reprit et inclina la tête en signe de respect.

- Bonjour Prophète, commença l’apparition.

- Seigneur Dragon, je voulais vous voir justement.

- C’est pour cela que je suis là. Tu es encore jeune et tu oublies souvent que nous sommes liés, encore plus que n’importe quels autres habitants de la Draconie. Tu es inquiet pour ta mère, mais n’aie aucune inquiétude elle va bien.

- Qu’a-t-elle ? Demanda Kounok avec une pointe d’anxiété dans la voix.

- Elle est épuisée. Elle a utilisé quasiment toute sa magie.

- C’est pour cela qu’elle est revenue ici, c’est cela ?

- Je tiens à ma fille, mon unique enfant. Je ne permettrais pas qu’il lui arrive malheur, alors je la protège du mieux que je peux. Elle porte une de mes écailles enchantées afin que si ce genre de problème arrivait, qu’une situation la rendait vulnérable, elle revienne ici.

- Je comprends. Et maintenant ?

- Il lui faut du repos, dit Dragon en s’approchant d’eux.

Il prit la jeune femme dans ses bras et sourit à Prophète avant de disparaître.


Anryéna se réveilla. Son cœur battait fort dans sa poitrine. Toutes ses forces lui étaient revenues et le pouvoir du sang de Dragon se rappelait à elle. Autour d’elle tout était bleu, reconnaissant le lieu elle se redressa pour s'asseoir au bord du lit à baldaquin. Elle connaissait bien cet endroit pour y avoir passé son enfance. Etant dans le domaine de son père, tout ce qu’elle voyait émanait de lui. Et justement alors qu’elle pensait à son père, il apparut.

- Tes forces te sont revenues ma fille.

- Père, je suis contente de te voir. Mais pourquoi m’avoir ramenée, j’avais encore beaucoup à découvrir dans ces Confins.

- Ton retour est le résultat de tes actes. Tu t’es mise en danger en te vidant de ta magie. Rappelle-toi de ce que je t’ai dit il y a bien longtemps. Les guémélites peuvent mourir sans magie.

- C’était la seule solution, j’ai senti que la personne que nous avons trouvée dans les Confins pouvait nous aider et devenir une alliée, répliqua Anryéna.

- Le Roi Tonnerre peut être un atout dans cette guerre. Mais en attendant qu’il joue son rôle, tu dois, toi, jouer le tien.

Dragon posa sa main sur la joue de sa fille, assailli par de très vieux souvenirs. Anryéna posa alors sa main sur la sienne. Les moments de complicité entre le père et la fille étaient rares, suffisamment pour que tous deux saisissent cet acte d’amour.

- Qu’y a-t-il père ? Quel rôle veux-tu que je joue ?

Dragon enleva sa main et prit un air sérieux et grave.

- Kounok n’a pas la même place dans ce monde que celle de son frère. Depuis la disparition de ce dernier le Compendium est en proie à une lutte intestine que je ne tolère plus. J’ai promis il y a longtemps de ne pas interférer dans les affaires de cet ordre, mais hélas personne n’est capable de reprendre les rênes. La place te revient.

Anryéna sembla étonnée, elle connaissait bien les mages du Compendium et en voyait bien quelques uns ayant les reins assez solides pour cette tâche.

- Et Marzhin ? Il est suffisamment puissant et sage, il ferait un très bon archimage.

- Il est vrai qu’il est doué, mais sa place est auprès des apprentis de l’académie.

- Il y a quelque chose que tu ne me dis pas, répondit Anryéna avec conviction.

- La guerre a débuté et tu vas devoir affronter des adversaires aux pouvoirs jusque là peu connus. Il faut que tu diriges le Compendium pour redonner foi en la magie aux mages de la Draconie et devenir le symbole de Guem. Et mon cœur se déchire à te savoir bientôt contre l’ennemi, notre famille a déjà souffert s’il t’arrivait quoi que ce soit...

Anryéna coupa court.

- J’assumerai ce rôle, avec Dragon à mes côtés que peut-il m’arriver ?

- Dans ce cas, ceci te revient.

Apparu dans les mains de sa fille un sceptre de grande taille au bout duquel un dragon de cristal s’enroulait. Il avait été porté par bien des mages de la Draconie, elle fut d’ailleurs la première à en être digne. Anryéna se concentra et se retrouva alors au pied de l’académie de magie de Noz’Dingard.


Anryéna avait contribué à construire l’académie de magie de Noz’Dingard, un lieu d’échange et d’apprentissage pour toutes les personnes ayant une sensibilité envers les arcanes magiques. Le château avait été construit sur une des gemmes satellite à la pierre-cœur de Dragon, surplombant la grande cité. Il y avait là, au bas mot environ cinq cent étudiants venant de la Draconie mais aussi de terres lointaines car les coutumes et les pratiques magiques étrangères contribuaient à l’amélioration des connaissances générales. Anryéna était devant la grande arche, artefact magique qu’il fallait franchir pour entrer dans l’académie. C’était la fin de l’après-midi et beaucoup d’apprentis quittaient les cours pour retourner à leur dortoir, s'apprêtant à passer encore quelques moments à étudier. Les plus jeunes d’entre eux passèrent sans reconnaître la dame, mais quelques élèves furent attirés par le sceptre draconique. Elle laissa les étudiants à leurs théories à son sujet et elle passa l’arche et se retrouva dans le hall d’entrée de l’académie. Majestueux et immense le hall était le carrefour central de la bâtisse et il n’était pas rare d’y passer plusieurs fois par jour. Depuis son départ de l’académie et du Compendium rien n’avait bougé, toujours les mêmes remarquables tapisseries et les grandioses vitraux de verre bleu. La lumière y était douce et enchanteresse. Les pas de la fille de Dragon la menèrent à l’endroit voulu par un automatisme étonnant. Elle avait traversé les couloirs, monté les nombreux escaliers et traversé de nombreux portails magiques avant d’arriver à la salle du conseil du Compendium. Là Dragon avait convoqué les plus hautes sommités et instances dirigeantes de l’académie. Ils étaient installés dans un amphithéâtre de bois, le visage de certains hauts mages exprimaient la contrariété, d’autres au contraire avaient l’air ravi de la nomination de la fille de Dragon comme nouvelle dirigeante du Compendium et par extension de l’académie de magie. Le Compendium était une organisation ayant pour but la gestion de tout ce qui est magique, que ce soit dans la recherche ou l’apprentissage. L’académie était devenue avec le temps le quartier général de cette organisation. Anryéna se plaça face à l’assistance et frappa trois fois le sol du bout de son sceptre.

- Hauts-mages et Maîtres-mages d’affreuses rumeurs sont parvenues à mes oreilles. L'indiscipline agiterait les rangs du Compendium. Tout ceci ne peut que profiter à nos ennemis et perturber l’enseignement de nos apprentis qui ont besoin de nous et de notre intégrité. Que cessent les querelles car en ce jour je me présente devant vous, forte du titre d’archimage du Compendium. Les mages se levèrent et applaudirent leur nouveau chef avec plus ou moins de conviction. Les choses étaient claires, le chaos ne prendrait pas quartier ici. Anryéna fit cesser le brouhaha car elle avait encore des choses à dire.

- Maître-Mage Marzhin, levez-vous.

Un homme d’une trentaine d’année se leva, il portait la livrée des enseignants de l’académie et aussi plusieurs insignes indiquant des prouesses magiques effectuées ainsi que l’invention de plusieurs nouveaux sortilèges.

- Je vous nomme directeur adjoint de l’académie de magie de Noz’Dingard.

C’était une fonction très importante car en l’absence du dirigeant du Compendium il prenait la direction de l’illustre établissement. A nouveau les applaudissements retentirent alors que le Maître-mage s’inclinait, acceptant la lourde tâche. Après quelques consignes, chacun retourna à ses petites affaires, seuls restèrent Anryéna et Marzhin qui souhaitait discuter à propos de certains points.

- Je vous remercie pour la confiance que vous m’accordez dame Anryéna.

- Vous êtes une personne d’une incroyable valeur pour la Draconie, vous êtes un exemple pour nos étudiants.

- Ce que vous me dites me touche. Je ferais de mon mieux.

- J’ai d’ailleurs un cas d’études pour vos apprentis de plus haut niveau.

Le Maître-mage se montra très intéressé.

- Il nous faut connaître nos ennemis et nous adapter à leurs facultés. Je sais que vous êtes le mieux placé pour trouver une solution. Que savez-vous à propos de la Théurgie ?

Marzhin ne s’attendait pas à se qu’on lui parle de ça, mais il avait étudié la Théurgie et effectivement il était bien placé pour en parler.

- Si ces ennemis sont effectivement des prêtres et autres fervents, nous avons des soucis à nous faire. Ce que je vous propose et de venir assister demain matin à un cour sur la Théurgie et je vous laisserai voir avec mes élèves ce que vous souhaitez mettre en pratique. Mais dites moi pourquoi voir ceci avec des étudiants qui n’ont pas encore le titre de mage et pas avec les Hauts mages ?

Certains sont bien placés pour parler de ça.

- Mais je parle en ce moment avec vous et je vous estime qualifié. Je souhaite avoir un regard neuf sur cette pratique et l’imagination de jeunes personnes.

- Dans ce cas dame Anryéna ça sera un véritable honneur pour mes élèves.

- Bien, dans ce cas à demain.

Mais avant que la mage ne parte Marzhin lui demanda une dernière chose.

- Dites-moi, avez-vous des nouvelles de mon fils ?

- Pilkim est un jeune homme qui sur le terrain apprend beaucoup, les Envoyés de NozDingard sont ravis de l’avoir avec eux. Rassurez-vous, il ne sera pas confronté au danger. Et puis si c’était le cas, il tient de son père et ses facultés magiques sont impressionnantes pour son âge. Je lui prédis un grand avenir.

Le Maître-mage sembla satisfait de savoir son fils en sécurité.


Le lendemain les élèves de Marzhin, tous en passe de devenir des mages eurent la joie de voir leur cours se passer dans une salle en principe réservée aux chercheurs en magie du Compendium. Un endroit protégé par de très puissants sorts et qui, en principe, ne risquait pas de s’écrouler suite à une erreur magique. A peine installés ils eurent l’agréable surprise de voir leur nouvelle directrice et quelques autres personnes arriver avec leur professeur. Ce dernier était suivi d’un petit golem qui transportait un coffre fermé par une serrure. Les étudiants se levèrent pour saluer l’arrivée de la petite troupe. Alishk et Aerouant, fraîchement nommés comme membres du Compendium avaient été invités non pas par politesse, mais pour comprendre et donner un coup de main. Marzhin s’avança sur l’estrade.

- Asseyez-vous je vous prie.

Les élèves retrouvèrent leur siège et étaient pendus aux lèvres du professeur.

- Comme vous pouvez le voir, l’archimage Anryéna nous fait l’insigne honneur d’être présente pour ce cours et elle est accompagnée par deux mages du Compendium qui il n’y a pas si longtemps étaient à vos places.

Le Maître-mage se dirigea vers le golem qui portait toujours le coffre et commença à déverrouiller ce dernier.

- Qui peut me dire ce qu’est la Théurgie ?

Plusieurs mains se levèrent instantanément.

- Je vous écoute Armand.

Un jeune homme au cheveux noirs ébouriffés sauta sur ses deux pieds et se racla la gorge.

- La Théurgie est une forme de magie particulière. Elle est pratiquée par les prêtre et les gens de foi qui invoquent des pouvoirs surnaturels par la volonté de divinités.

Le garçon s’arrêta là.

- C’est une courte mais juste définition, et connaissez-vous la différence entre la magie traditionnelle, c’est-à-dire celle que nous pratiquons tous ici, et la Théurgie ?

La réponse fut immédiate.

- La magie est un pouvoir enfermé à l’intérieur de nous et auquel nous pouvons faire appel en connaissant les bonnes formules, gestes et incantations alors que la Théurgie est un pouvoir accordé par une entité supérieure. Il faut donc connaître des prières et cérémonies afin que la divinité consente à répondre à l’appel.

- Excellent ! Ajouta Marzhin en se tournant vers l’assistance. Je vous félicite. Donc, la magie est très différente de la Théurgie dans un sens, mais dans les deux cas il faut un lien avec quelque chose que cela soit en nous ou en dehors. Nous ne sommes pas tous capable de faire appel à la magie ou à la théurgie pour bien des raisons. Dans ce cas un autre problème se présente face à nous. Marzhin prit dans le coffre une grosse gemme bleue luisante.

- Ceci est une pierre de Dragon, certains d’entre vous ont peut-être entendu parler d’une telle gemme ?

Une élève aux cheveux blonds très longs leva la main.

- Oui Lenya ?

- Une pierre de Dragon est un morceau de la pierre-cœur de Dragon offerte par notre seigneur afin que nous puissions utiliser sa puissance magique.

- C’est cela, répondit le professeur en posant la pierre sur le bureau. Donc nous pouvons nous servir d’un pouvoir qui n’est pas... magique, mais si on suit la logique d’Armand nous serions alors des Théurges lorsque nous utilisons ce pouvoir externe.

Un élève l’interrompit.

- Mais vous oubliez l’entité supérieure ?

- Vraiment ?? Dragon n’est-il pas une entité supérieure ?

- Mais nous ne le vénérons pas, ajouta un autre étudiant.

- Il est vrai que nous pouvons utiliser les pierres de Dragon sans avoir à diriger nos prières vers Dragon.

Anryéna était satisfaite, les réponses données étaient justes et sans aucune hésitation.

- Ce cours va être particulier, vous me connaissez depuis quelques années, plus pour certains, et vous savez que j’aime créer des sorts. Je vous propose donc aujourd’hui, que nous nous penchions sur un problème et qu’à partir de nos théories nous soyons en mesure de donner à notre archimage une description d’un rituel utilisable sans modification et applicable sur le terrain. Est-ce que vous êtes partants ?

Les visages s’illuminèrent et des hochements de tête indiquaient à Marzhin que oui le sujet les intéressait.

- Jusqu’à ces derniers temps, la théurgie n’a jamais représenté une grosse activité en terres de Guem. Si vous vous tenez un peu au courant des évènements qui secouent notre monde, vous savez que des gens du désert et qui possèdent de grands pouvoirs théurgiques se dressent contre nous. Hors notre magie n’est pas prévue pour faire face à la théurgie et au contraire il semblerait que nos facultés soient plus faibles que les leurs. La problématique est donc la suivante : comment la magie pourrait-elle combattre efficacement la théurgie ?

A partir de là les élèves travaillèrent sur plusieurs théories. Certaines furent écartées rapidement alors que d’autres furent retenues et développées. La journée passa à vive allure, Anryéna et ses compagnons laissèrent les élèves et leur maître à la conception de ce qui allait devenir un rituel de niveau supérieur. La nuit tomba sur la Draconie mais les apprentis mages ne s’en préoccupèrent pas, ils étaient pris par une passion de création dévorante et ce n’est que très tard que le Maître-mage, satisfait du résultat, stoppa là la séance de travail. Après une journée de repos, tout le monde, élèves, maître et archimage furent conviés à une démonstration du résultat. Pour l’occasion Marzhin avait demandé la présence d’une personne ayant l’oreille d’un dieu pour se prêter à l’expérience qui serait sans douleur évidement. Dans Noz’Dingard les lieux de cultes étaient très rares, mais une personne accepta d’aider les mages de l’académie. Les élèves présentèrent leur rituel en le réalisant eux même. Le “cobaye” s’installa au milieu de la grande salle pour l’occasion débarrassée de tout objet. Puis un groupe de trois élèves commença les incantations pendant que Marzhin expliquait le principe à Anryéna, Alishk et Aerouant.

- Nous sommes partis des recherches de votre fils et de celles de Marlok concernant les liens magiques. Les élèves sont partis du principe qu’entre un prêtre et sa divinité il y avait un lien plus ou moins fort comme un mage a un lien avec sa pierre-cœur lorsqu’il en a une. De plus nous avons étudié les rapports du récent combat contre le nehantiste. De cela les élèves on fait une transposition, pour que les théurgies deviennent inefficaces il faut que la divinité ne soit plus capable d’entendre les suppliques et donc d’isoler les prêtres.

L’archimage regardait la démonstration avec ses yeux de magicienne, décryptant chaque geste, chaque attitude et chaque effet magique produits par les élèves. L’idée était bonne, mais si cela fonctionnait, il y avait un point qu’il fallait soulever. Comme dans la plupart des rituels il y avait un maître de rituel et des acolytes. Ces derniers concentrèrent leur puissance magique et grâce à l’incantation de sort de transfert ils octroyèrent plus de puissance au maître de rituel. Après quelques minutes le meneur sortit une pierre du Dragon et lança un sort en y déversant sa magie. Cela eut pour effet de créer une sphère de bonne taille qui engloba presque toute la salle. Le rituel en lui même était fini, mais pour que le sort soit maintenu, le maître de rituel devait maintenir le flux magique. Marzhin passa la sphère et alla jusqu’au “cobaye”.

- Comment vous sentez-vous ?

- Etrange, j’ai l’impression d’être à nouveau seul. La sensation est bizarre.

- Vous permettez ? Le maître-mage sortit un éclat de cristal, remonta sa manche et s’entailla l’avant bras. Allez-y, faites appel à la théurgie et soignez cette estafilade.

Le prêtre se concentra et pria son dieu comme il le faisait en temps normal. Mais il n’y eut aucune réponse, le test fut concluant. Le maître de rituel était à bout de force, Marzhin lui fit signe de la tête pour stopper le maintien du rituel. Le pauvre étudiant n’en pouvait plus, il était exténué.

Anryéna était satisfaite et Aerouant ravi du résultat et de la façon dont les travaux d’illustres mages avaient servi. Alishk alla aider les étudiants et les félicita pour leur réussite. Quand au prêtre, ravi de pouvoir à nouveau utiliser la théurgie il soigna l’entaille du maître-mage. Marzhin expliqua ensuite le déroulement exact du rituel ainsi que chaque étape. L’archimage en profita pour poser ses questions.

- Si je comprends bien il va falloir maintenir le rituel et donc sa durée dépend uniquement du maître de rituel ?

- Oui, mais nous avons prévu que votre puissance, cumulée avec celle d’Alishk et Aerouant sera suffisante pour assurer une longueur correcte à ce rituel. Par contre je dois vous mettre en garde, le rituel de la pierre empêche les personnes de pratiquer la théurgie, mais elles seront toujours capables de sortir de la bulle et de bouger librement.

- Nous avons des alliés qui assumeront l’attaque au corps à corps.

Anryéna regardait son sceptre avec nostalgie.

- Nous avons déjà la pierre de Dragon, reste donc à pratiquer tout ça sur place. Vous remercierez vos étudiants, vous pouvez être fiers d’eux c’est du bon travail. Vous me confirmez que j’ai bien fait de vous nommer à votre nouveau poste. D’ailleurs je vous confie l’académie puisque vous l’aurez compris,je vais moi-même diriger le rituel de la pierre.

- Je vous souhaite bonne chance dans ce combat dame Anryéna.

Les mages du Compendium passèrent la journée à prendre en main le rituel de façon à se préparer au mieux et le lendemain il était temps de partir rejoindre leurs alliés. Un portail menant à la forêt des Eltarites fut créé par Dragon afin de ne plus perdre de temps car ce dernier était précieux. Anryéna, Alishk, Aerouant et Kounok franchirent donc le portail et se retrouvèrent instantanément à des jours de voyages de là.


L’orée de la forêt était calme, la brume matinale donnait un caractère mystérieux et inquiétant. Le portail apparut à la frontière avec le Tombeau des ancêtres et les Envoyés de Noz’Dingard en sortirent. Il ne fallut pas longtemps pour que certains membres de la Cœur de Sève viennent à leur rencontre pour les accueillir. Après un échange d’informations les Envoyés apprirent que les Pirates étaient partis à la recherche de quelque chose d’important pour eux et que la “corruption” des terres du Tombeau des ancêtres progressait lentement, mais sûrement. Dans l’autre sens le rituel de la pierre fut présenté aux Kotoba et Cœur de Sève, les deux principales guildes qui étaient restées pour affronter l’ennemi. Les troupes se mirent en marchent galvanisées par l’espoir d’une résolution rapide du conflits de la pierre Tombée du ciel. De leur côté, les nomades du désert avaient monté un campement et attendaient patiemment un signe de leur divinité. La quiétude des lieux fut perturbée par Kararine qui surveillait les environs et vit la petite armée arriver sur eux. Ce fut le branle-bas de combat et en peu de temps les nomades furent en ordre de bataille, prêt à en découdre avec les opposants. La stratégie d’attaque en bataille rangée était la spécialité de la Kotoba. Gakyusha avait vite établi un plan en prenant en compte les spécificités de chacun. Les guerriers seraient le fer de lance, tandis que ceux doués de discrétion contourneraient l’ennemi afin d’abattre les prêtre qui seraient probablement en retrait. Enfin les mages resteraient à distance et protégeraient le Compendium le temps du rituel. Le Seigneur Impérial n’attendit pas plus longtemps et ordonna l’assaut. Anryéna, Alishk et Aerouant commencèrent le rituel. Les deux hommes avaient prévu un petit plus en utilisant juste avant le débutdu rituel des cristaux dans lesquels étaient enfermés de la magie, les rendant temporairement plus fort. La première phase du rituel se passa bien, Aerouant et Alishk incantaient, puis leur puissance se transféra à Anryéna qui ne s’attendait pas à en recevoir autant. Mais les sorts de préparation inventés par les apprentis de Marzhin faisaient merveille. Elle brandit alors son sceptre en le prenant à deux mains et canalisa toute la magie qui était en elle et la fit passer par le sceptre. Un bulle de magie apparut, puis grandit à une vitesse incroyable. Elle engloba très vite le champs de bataille et la pierre Tombée du ciel. Ïolmarek et ses prêtres furent surpris de cette bulle et comprirent de quoi il s’agissait lorsqu’ils ne furent plus en mesure de soigner les gardiens du temple. Coupés de leur dieu, les fidèles de Sol’ra furent vite submergés et le talent des combattants du désert ne fut pas à la hauteur face au nombre des adversaires...

La Bataille de la Pierre - Chapitre 2

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Le soleil brillait intensément dans le ciel sans nuage du désert d’émeraude. La chaleur y était insoutenable à cette heure-ci de la journée, les habitants préféraient parcourir les ruelles plus fraîches de la cité de P’tra. Elle fut autrefois fleurissante et le centre d’un royaume aujourd’hui disparu. Cette cité creusée et sculptée dans la terre rouge des montagnes du Ponant n’était désormais plus que l’ombre d’elle-même. Il ne restait là qu’une petite dizaine de familles vivants de la création de bijoux à base d’émeraude. Mais c’était aussi le territoire d’un dieu vénéré uniquement dans cette partie du monde et en relation directe avec les insectes grouillants dans la région : Kehper, le dieu scarabée. Son temple était un magnifique édifice troglodytique baigné par la lumière qui passait par la multitude d’ouvertures en façade. L’entrée débouchait sur une immense salle au plafond incroyablement haut. Au milieu de la pièce la représentation humanisée de Kehper, un homme dont la tête était un scarabée aux reflets bleuâtres observaient, figé pour l’éternité. Partout dans les murs, il y avait de petits trous d’où les scarabées sacrés allaient et venaient. Soraya avait été désignée par Kehper pour devenir sa nouvelle servante et la jeune femme, qui n’était pourtant pas attirée par le scarabée, fut honorée de servir un dieu. Hélas, elle se résigna à voir son peuple partir à la faveur d’autres contrées moins rudes. Ce jour-là elle priait pour que Kehper lui vienne en aide.

- Qu’avons-nous fait de mal ? Avons-nous provoqué votre courroux ? Notre rivière s’assèche et notre peuple a faim. Qu’elle est la signification de tout ceci ? Est-ce une épreuve, ô combien cruelle, à laquelle votre volonté divine nous soumet ?

La jeune femme ne s’attendait pas à une réponse, Kehper ne lui avait jamais répondu autrement que par des signes et cette faculté à pouvoir contrôler les scarabées. Il semblerait cette fois-ci que ses prières furent entendues mais peut-être pas comme elle l’espérait.

- Ton peuple n’a rien fait qui puisse fâcher les dieux, prêtresse.

Sur le pas de l’entrée se trouvait un homme de grande taille. La lumière arrivant par derrière donnait à son arrivée un cachet singulier. Il s’avança vers la prêtresse d’un pas sûr, découvrant alors son aspect. Habillé d’un pagne et d’ornements représentant le soleil sa peau était très foncée comme brûlée. Contrastant avec cela, ses cheveux tombant étaient couleur blanc cassé. Enfin, et pour ajouter au caractère incroyable de son allure, de grandes ailes battaient très lentement dans son dos. Soraya n’avait jamais rien vu de tel avant cela, mais le caractère divin ne faisait aucun doute. Elle se releva et alla à la rencontre du visiteur.

- Dans ce cas, dites-moi à quoi nous devons toute cette misère si ce n’est parce que les dieux ne regardent plus vers nous ?

- Dieu regarde vers toi et tes actes conditionnent l’avenir de ton peuple. Sais-tu ce que je suis ?

Soraya fit non de la tête. Une lance nimbée de lumière apparue dans la main de l’homme.

- Je suis Tsheptès, messager de Sol’ra dieu des dieux.

Impressionnée et certaine qu’on ne lui mentait pas, la prêtresse se mit genoux à terre pour prouver sa soumission.

- Êtes-vous venu m’annoncer la fin de P’tra ?

- Non je ne suis pas là pour ça. Je viens te donner la volonté de Kehper, serviteur de Sol’ra. Si tu veux sauver ton peuple, écoute la voix et obéis.

- Je suis à votre service.

- Tu vas devoir trouver Kehpsoun le berceau de Kehper et récupérer le vase canope de son incarnation.

Soraya se repassa plusieurs fois la phrase pour bien comprendre l’implication des actes qu’on lui demandait. Kehpsoun était un temple, le premier dédié au dieu scarabée. Quand au vase canope, les textes sacrés écrits dans la roche friable au fond du temple de P’tra racontaient les faits suivants.

Fut un temps où la guerre des dieux eut lieu et où des choix furent offerts aux êtres divins : capituler ou mourir. Kehper vit là l’opportunité d’établir enfin un panthéon stable avec un dieu capable de faire respecter l’ordre dans les rangs. Mais beaucoup d’autres dieux et déesses ne virent pas ça ainsi, la guerre éclata contre les fidèles de Sol’ra. Les dieux décidèrent de prendre forme humaine. Nombreuses furent les batailles et beaucoup d’avatars furent vaincus. L’avatar de Kehper aurait péri en affrontant Ayepth figure du mal et époux de Ptol’a. Son corps fut ramené à Kehpsoun. C'est alors que Sol’ra le rappela à lui. Sa dépouille fut embaumée et enfermée dans un tombeau. Un vase canope contenant une part de sa puissance divine serait enfermé dans le temple. Il était dit qu’Ayepth emprisonna vivant les prêtres de Kehper dans Kehpsoun en recouvrant l’endroit de sable pour l’éternité.

- Personne n’a jamais trouvé Kehpsoun et...

- Vous doutez trop de vous, vous avez tout à votre portée, regardez, observez et surtout ayez la foi !

La jeune femme regarda à droite, puis à gauche en pensant que tout se révélerait à elle, mais rien ne se passa. Elle serait ravie de pouvoir retrouver le vase canope de celui qu’elle vénérait, mais la tache semblait insurmontable.

- N’oubliez pas qui vous êtes, Soraya, n’oubliez pas !

Tsheptès laissa la jeune femme à sa mission divine, un autre destin attendait le Solarian, un destin ô combien incroyable...

Soraya perturbée par cette visite, entreprit une fouille du temple en bonne et due forme. Tout était vieux et il était difficile pour elle de trouver des personnes pour entretenir le temple. Il y avait moins de fidèles, moins d’argent et surtout moins de personnes qualifiées. Il y avait plus d’activité lorsqu’elle était toute petite et surtout plus de prêtres. Son initiateur était mort cinq ans auparavant la laissant seule et devenir la dernière servante de Kehper. Le temple était un ensemble de galeries donnant sur de petites salles de prières ou des lieux de vie pour la plupart inoccupés. Elle fit le tour, regrettant l’état de délabrement de cette œuvre architecturale. Elle s’arrêta à l’ancien lieu de prière, une pièce qui fut abandonnée au profit de la grande salle de prière et qui servit lorsque le temple fut fondé il y a bien longtemps. Étrangement tout était encore à peu prêt en l’état, que ça soit les peintures ou les murs. La décoration avait été faite en fonction des habitations des scarabées. Ce qui marqua Soraya c’était le nombre impressionnant d’insectes présents. Il y avait des scarabées de toutes les couleurs et de toutes les tailles. Ils grouillaient sur l’autel éclairé par une ouverture dans un des murs. A son approche ils s’arrêtèrent comme s’ils observaient les actes de la prêtresse. Elle scruta l’autel et trouva au milieu une idole de scarabée en relief. Elle était déjà venue ici, mais n’avait pas souvenir d’une quelconque sculpture à cet endroit précis. Les petites bêtes s’écartèrent de l’idole au moment où elle tendit la main pour passer le bout de ses doigts sur la surface de l’objet en partie couvert de sable. Elle souffla pour chasser le sable et remarqua les scarabées tout autour qui semblaient attendre quelque chose. L’idole craqua, sa surface se fendit comme une coquille d’œuf. Il arrivait que certains scarabées sacrés passent beaucoup de temps endormis dans les murs du temple et celui qui était là s’éveillait d’un long sommeil. Bien plus gros que ses congénères, la chitine de ce scarabée était verte aux reflets arc-en-ciel. Soraya plaça la main devant lui et il y grimpa tant bien que mal.

- Et bien, ne serais-tu pas un Kehperis ?

Le scarabée sortit ses ailes et voleta, au départ doucement puis plus rapidement et finit par revenir devant le visage de la jeune femme.

- Kehperis ak-toun ik.

Soraya comprit les paroles du scarabée, la langue de Kehper. Mis a part quelques anciens de P’tra et elle, plus personne ne la parlait. Ces mots confirmaient le statut de la créature. Les Kehperis accompagnaient le dieu scarabée du temps où celui-ci foulait le sable chaud du désert d’émeraude. Soraya ne croyait pas vraiment au hasard, tout arrivait dans un but précis. L’apparition de Tsheptès, la mission donnée puis le Kehperis, jusqu’à la prochaine étape. Elle savait très bien ce qu’impliquait cette découverte, le lien entre Kehper et ses insectes était puissant, elle allait pouvoir retrouver Kehpsoun.

- Kehperis, il est important de retrouver le vase canope de Kehper, tu dois bien encore ressentir son énergie ?

Le scarabée stagna quelques instants puis tourna dans la pièce avant de s’arrêter devant le couloir.

- Kheks ! Ce qui voulait dire “suis-moi”.

La prêtresse eut à peine le temps de récupérer quelques affaires et de quoi tenir un court voyage que le Kehperis s’éloignait du temple suivi par un bon nombre d’autres scarabées.

Le sable brûlant n’arrêta pas Soraya malgré la fatigue des deux jours de marche passés. Sa détermination et sa foi furent le moteur de cette traversée vers l’ouest. Elle traversa une région où des roses des sables d’émeraudes coupantes s’étaient formées au gré des années. Ses pieds souffrirent d’entailles et elle prit de temps à autres du repos afin de faire appel à la générosité de son dieu. Au troisième jour l’air devint plus frais, l’océan n’était plus très loin. Le soir même, le Kehperis stoppa son vol, se posa sur une butte et commença à s’enfouir, suivi par ses semblables. En peu de temps, ils dégagèrent une porte de roche gravée de symboles antiques.

- L’entrée de Kehpsoun ! S’exclama-t-elle. Merci à toi Kehperis.

Soraya poussa la porte qui, à son grand étonnement, s’ouvrit sans aucun problème. Elle fit un pas en arrière, il se dégageait de ce lieu comme une présence funeste. Elle ne se découragea pas et après avoir allumé une torche, elle entra à l’intérieur. A chaque pas, elle entendait des petits craquements et éclairant vers le sol, elle vit par centaines des restes de scarabées morts dont les carapaces se brisaient sous ses pas. Elle longea un grand couloir avant de voir les premiers cadavres de prêtres de Kehper. Tout cela l’attrista et elle comprit pourquoi elle avait ressenti tant d‘émotions à l’ouverture de la porte. Ils avaient suivi leur maître dans une mort que l’on ne pouvait pas même souhaiter à son pire ennemi. Elle progressa lentement regardant avec curiosité l’architecture incroyable qui s’offrait à elle. Des siècles d’histoire de son culte étaient gravés là sur de la pierre blanche à la surface extrêmement lisse. Mais cette sensation de mal-être augmentait au fur et à mesure de son exploration. Quelque chose l’ennuyait et elle comprit qu’une sombre force était présente ici. Ses petits compagnons ne la quittaient plus, ils émettaient depuis leur arrivée ici un bruit sourd de carapaces qui s’entrechoquent entre elles. D’un coup, ces derniers se regroupèrent devant la prêtresse pour former un mur. Ce fut de justesse car un javelot se ficha dedans, tuant quelques scarabées. La lumière irrégulière de la torche lui permit de discerner une créature se dirigeant vers elle. Un homme, dont les vêtements déchirés étaient ceux d’un grand prêtre de Kehper, avança vers elle à pas hésitants. Son aspect monstrueux la choqua. Sa peau était sèche sur ses os et sa tête était celle d’un serpent.

- Une malédiction d’Ayepth ! C’est immonde !

Les scarabées tournoyaient autour de Soraya pour la protéger au mieux. La réaction de cette dernière fut rapide et expéditive. Très en colère par le sort qu’avait subit le prêtre, Soraya fit parler la théurgie. Le combat fit rage, chaque coup porté, que ce soit par la théurgie ou par l’intervention des scarabées, obligeait la créature à reculer et sa lenteur jouait en sa défaveur. La vieille épée rouillée frôla à chaque fois la jeune femme sans jamais parvenir à la blesser. La tête de serpent hurlait des insanités et des promesses d’une agonie éternelle et d’une mort lente. Mais à contrario de la créature, Soraya avait avec elle la volonté et l’appui d’un dieu ce qui la rendait forte et puissante. De son côté, la créature n’était plus vivante depuis longtemps, elle ne ressentait plus la peine, la colère ou la souffrance, seule comptait sa sinistre mission : tuer tout intrus. La fatigue des derniers jours se rappela à la jeune femme qui soufflait, son cœur battait à grande vitesse et l’adversaire gagna du terrain. Devant le danger, le Kehperis abandonna temporairement le combat pour partir à la recherche du vase canope tant désiré. Attiré comme un aimant, il ne mit pas longtemps avant de trouver l’emplacement de l’objet. Il gratta le sable, se faufila entre les pierres et accéda enfin au vase qu’il percuta de toutes ses forces dans le but de le renverser. Le vase canope roula en tournant sur lui même et tomba sur le côté, brisant le couvercle de terre cuite. Une myriade de petits scarabées verts en sortirent et ravagèrent tout sur leur passage. Le Kehperis suivit le mouvement qui visiblement le ramenait sur les lieux de l’affrontement. Les petits scarabées submergèrent la créature qui fut rongée en peu de temps et retourna à l’état de squelette. Soraya tomba à genou, se prosternant devant l’apparition des scarabées, reconnaissant la présence de Kehper.

- Ma vie vous appartient seigneur.

Le Kehperis se posa devant elle et par son intermédiaire le dieu scarabée s’adressa à elle.

- Ta vie est précieuse prêtresse. Je te remercie de l’aide que tu m’as apportée. Tu es celle par qui tout va recommencer, ce temple est désormais le tien et P’tra va redevenir celle qu’elle a été. Mais avant ça il va falloir mener une nouvelle bataille.

- Je ferai selon votre désir.

- Je dois me ressourcer et en attendant tu dois faire un long voyage vers des contrées sans sable. Ce Kehperis va t’accompagner et lorsque tu auras rejoint les tiens je te rejoindrai à mon tour. As-tu compris Soraya ?

- Oui seigneur.

- Alors mets toi en route. La faim, la soif et la fatigue te seront inconnues, tu marcheras jour et nuit, rien ne pourra te barrer la route, telle est ma volonté.

La jeune femme se leva et sans attendre elle quitta les lieux, suivie de ses compagnons scarabées.

Plusieurs jours avaient passé. Soraya entendait le chant de la pierre, la voix lui demandait de venir, de l’aider contre les infidèles. Elle passa la frontière du tombeau des ancêtres et enfin la pierre fut en vue. Elle ressentait toute cette énergie divine qui s’étendait depuis la pierre, purifiant ces contrées. Elle contourna la pierre et arriva alors que les nomades étaient en difficulté. Une immense bulle magique englobait la pierre, le Kehperis lui demanda de ne pas y aller. Il était temps d’appeler Kehper.

La prêtresse attrapa le scarabée sacré et parla dans la langue de ses ancêtres. elle implorait Kehper de venir ici en ce temps et en ce lieu pour rétablir la justice et combattre ceux qui voulaient les tuer. Elle reposa le scarabée au sol et continua son invocation. Certains Nomades qui s’étaient repliés arrivèrent à ce moment-là au niveau de la prêtresse. Ils étaient poursuivis par quelques-uns de leurs adversaires. Comprenant ce que réalisait la jeune femme, ses compatriotes firent face à leurs agresseurs afin de la protéger au mieux. Lodir écarta une lance d’ambre de son cimeterre à deux mains tandis que le Sphinx, déterminé à jouer son rôle, ne céda pas une once de terrain. Les gardiens du temple souffraient de nombreuses blessures mais ils se défendaient bec et ongles, cette pierre était à eux et à nul autre. Dépassé par le nombre, le Sphinx s’écroula dans son propre sang, sa mission était achevée car Kehper apparut.

Un scarabée plus gros qu’une maison surgit dans une tempête de sable chaud. Soraya était en transe debout sur son dos. D’un coup de tête, l’incarnation de ce dieu mineur balaya les deux Hom’chaï comme si de rien n’était. Puis le rituel de la pierre cessa, laissant les nomades au sol et l’espoir à la coalition des guildes d’une victoire définitive. Mais dans cette partie d’échecs, Solar semblait avoir un coup d’avance. Kehper accorda à la prêtresse le droit de puiser dans son énergie divine. Soraya se concentra, visualisant chaque nomade du désert. Une lumière s’échappa d’elle et frappa tous les fidèles de Sol’ra, guérissant instantanément leurs blessures. Anryéna et les autres membres du Compendium étaient épuisés, le rituel leur avait coûté beaucoup de magie. Tout avait bien fonctionné, les nomades étaient défaits.

Mais voilà qu'une invitée de dernière minute venait de tout mettre à plat et il était impossible pour Anryéna de relancer le rituel, pas en l’état du moins. Les Nomades se ressaisirent vite et contre-attaquèrent avec célérité, prenant de court la coalition. Les membres de la Cœur de sève reculèrent à la vue du scarabée symbole chez eux de la mort. Gakyusha ne put tenir ses troupes et ce fut en partie la débâcle. La Kotoba resserra les rangs, épaulée par les envoyés de Noz’Dingard encore en état de combattre. Leur stratégie consistait désormais à éviter les pertes et à se mettre à l'abri. Au bout d’une heure de bataille la coalition était repoussée le plus loin possible de la pierre, pour eux la bataille de la Pierre était perdue.

Chronique de la Kotoba : Jian Qiao et Sen’Ryaku

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L’issue de la bataille de la pierre ne fut pas en faveur de la coalition des guildes. Les Nomades en présence temporaire d’une incarnation divine s’avérèrent redoutables. Chaque guilde se replia alors vers sa patrie respective afin d’établir une analyse de cette défaite et de réfléchir plus en avant sur leurs prochaines actions. Pour une raison qui leur était inconnue les Nomades ne poursuivirent pas les fuyards mais restèrent à la pierre Tombée du ciel. La Kotoba quand à elle se retrouva à Okïa, la petite cité à la frontière du Tombeau des ancêtres et de l’empire de Xzia. Gakyusha, blessé au cour de la bataille, se reposait chez le seigneur Ayao. Le reste des membres de la Kotoba l’accompagnant furent accueillis gracieusement à l’auberge de la Kirin dort.

Pour le coup il y avait beaucoup d’animation. Des habitants poussés par la curiosité s’entassaient dans l’entrée afin d’écouter les conversations à propos des derniers évènements. Xin s’était installé à l'écart des autres au fond de la pièce principale. Amaya, Tsuro, Masamune et Sen’Ryaku devisaient sur la bataille passée. Amaya toujours très insouciante voulait retourner “botter les fesses” des Nomades tandis que Masamune et Tsuro s’accordaient sur un examen minutieux du déroulement de la bataille afin d’établir une stratégie adéquate. Sen’Ryaku écoutaient les arguments des uns et des autres en se faisant sa propre idée. Elle avait des doutes quant à l’avenir de cette guerre. les Nomades étaient capables d’invoquer des êtres supérieurs, l’équivalent de Kamis selon sa culture. Et que pouvait-elle faire, elle simple mortelle, contre des dieux ?? Elle partagea avec les autres son inquiétude jetant un froid dans une ambiance déjà morose.

- Ça ne te ressemble pas d'avoir des doutes, chère cousine !

La voix fut suffisamment forte pour que tout le monde l’entende. Ecartant les curieux, une jeune femme habillée de vêtements amples blanc et rouge entra dans l’auberge. Son lien de parenté avec Sen’Ryauku était évident.

- Et bien !? On ne me dit pas bonjour ?

Sen’Ryaku sauta dans les bras de sa cousine. Il faut bien l’avouer elle était véritablement surprise de la voir ici.

- Jian ! Que fais-tu ici ? Tu es bien loin de chez mon oncle.

La mine de Jian Qiao s’assombrit d’un coup.

- Je te raconterai tout, mais pour l’heure, dit-elle en regardant tour à tour Tsuro et Masamune, je viens me présenter auSeigneur Impérial car je suis nouvellement membre de la Kotoba !

Sen’Ryaku explosa de joie et les deux jeunes femmes exultèrent sans retenue.

- Le Seigneur Impérial est indisponible pour le moment mais je suis son second vous vous présenterez à moi, coupa Tsuro.

Un “Hum Hum” rauque vint perturber les échanges de civilités. Derrière Jian Qiao sur le pas de la porte se tenait un homme vêtu comme un magistrat, présentant le mon de l’empereur, le magatama. L’espace d’un instant Jian Quiao l’avait totalement oublié pourtant cette personne était importante aux yeux du Régent impérial.

- Oh, euh, oui ! Lui c’est le chroniqueur impérial Sima Qian.

A ce nom Tsuro, Masamune et Xïn qui se leva pour l’occasion s’inclinèrent respectueusement.

- Je vois qu’il reste encore quelques personnes qui se rappellent le respect que l’on doit témoigner à un chroniqueur impérial, dit-il en foudroyant du regard Jian Qiao et sa cousine. Le Seigneur Impérial entendra parler de ce manque flagrant de discipline dans les rangs de la Kotoba.

- Honorable Sima Qian, que nous vaut l’honneur de votre venue ? Demanda Tsuro.

- Le Régent impérial souhaite que l’histoire des membres de la Kotoba soit connue du peuple afin de redonner l’espoir et l’envie de dépassement. Je vais donc m’entretenir avec vous pour récolter votre vécu.

Les membres de la Kotoba furent un peu désorientés par cette nouvelle. Les deux cousines s’avancèrent de concert, se portant volontaire pour ouvrir les hostilités. Un peu dépité, Sima Qian accepta.

- Bien, au moins ce sera fait et plus à faire...

Le tenancier de l’établissement réquisitionna un espace afin que le chroniqueur puisse s’installer et souffler quelques temps avant de recevoir Jian Qiao et Sen’Ryaku. Les deux femmes s’agenouillèrent devant le vieil homme et attendirent patiemment et comme le voulait la tradition que celui-ci s’adresse à elles.

- Je vous trouve bien calme d’un coup et respectueuses des règles de bienséance. Je suppose que vous avez été sermonnées par qui de droit. Vous êtes de la même famille d’après les longues histoires que m’a racontées Jian Qiao durant notre voyage jusqu’ici.

L’homme avait l’air assez exaspéré en disant cela.

- Alors je vous écoute.

Jiain Qiao se racla la gorge.

- Nous sommes nées dans le village de Ciam-oi où notre famille vit depuis toujours. Toutes les deux nous avons vu le jour la même nuit, une nuit de pleine lune. Nos pères sont frères et eux aussi sont nés le même jour et leurs pères étaient également frères. C’est donc en nous rappelant l’extraordinaire destin qu’est le notre que nous avons grandi ensemble. Très vite nous avons montré des facultés particulières dans les arts martiaux et le maniement des armes.

A côté d’elle, Sen’Ryaku commenta les paroles de sa cousine par des expressions de visage, allant du sourire au rire discret en passant par un plissement des yeux interrogateur. Sima Qian notait tout mais en écrivant de véritables phrases romancées.

- Continuez, racontez moi vos actes héroïques.

Les deux cousines cherchaient une histoire à raconter puis Jian Qiao se souvint d’un moment particulier.

- Peut être l’attaque des bandits des Monts du Chien Mort ?? S’exclama Jian Qiao à sa cousine.

- Oui oui ! Tu la racontes tellement bien cette histoire-là.

La jeune femme sauta sur ses deux pieds afin de mimer et appuyer l’histoire.

- C’était un jour d’été, ce fameux été où la rivière de notre village ne coulait presque plus à cause de la chaleur. Nos anciens n’avaient jamais vécu une telle période de sécheresse. Les cultures et les élevages souffraient et la famine guettait les plus faibles d’entre nous. Beaucoup d'hommes du village étaient partis à la recherche d’eau et de nourriture, laissant les anciens, les femmes et les enfants. Ce jour-là, les bandits des Monts du Chien Mort décidèrent de venir nous piller... Grave erreur !!!

Ils étaient une trentaine, ces foutus cancrelats, et armés jusqu’aux dents ! Ils ne savaient pas que nous étions là ma cousine et moi. On les avait prévenu : repartez ou périssez. Ils ont ri, se sont moqués et ont péri...

Jian Qiao mima une scène de combat en prenant des poses d’art martial, se battant contre des brigands imaginaires. Bruitant chaque brisure d’os, esquivant chaque coup. Sen’Ryauku se leva et fit de même.

- Nous avions mis à terre ces scélérats lorsque l’ignoble Thang-ye dont la réputation dans la région faisait de lui le pire être existant sur terre, ramena sa figure brûlée. On prétendait qu’il pouvait tuer un homme d’un seul coup de poing et que son souffle était celui d’un dragon.

Sen’ryaku mimait alors un horrible bonhomme et sauta sur Jian Qiao. Un combat rapide entre les deux jeunes femmes eut lieu, puis Sen’Ryaku feignit la défaite en tombant au sol.

- Il n’était pas de taille face à nous ! C’est ainsi que les terribles brigands des Monts du Chien Mort furent arrêtés...

Les deux filles applaudirent en se souriant l’une l’autre.

- Bien bien, passionnant. Quoi d’autre ? Demanda le chroniqueur impérial.

Cette fois-ci c’est Sen’Ryaku qui prit la parole.

- Il y a bien l'incendie de la forêt bonzaï. Vous en avez entendu parlé n’est-ce pas ?

Sima Qian secoua la tête négativement tandis que Jian Qiao avaient les yeux pétillants d'excitation.

- Oui quel moment incroyable ! Ma cousine et moi avions décidé qu’il était temps de vivre notre propre vie, nous désirions alors nous rendre à Meragi pour y trouver fortune et gloire. Nous avions marché plusieurs jour lorsque le ciel se voila de fumée noire. Poussées par la curiosité nous sommes allées voir de quoi il s’agissait. Et c’était la forêt millénaire des bonzaï de Mishima qui brûlait ! Vous imaginez le truc ? Ce lieu mystique abritait des arbres rares et des animaux uniques ! Non loin de là, il y avait un village au bord d’une rivière. Les habitants étaient affolés de voir le désastre. Mais nous avons pris les choses en main. Jian Qiao assura le commandement au plus proche du feu et j'organisais un grand relais afin d’éteindre cette force de la nature. Et nous y sommes arrivés !

Sen’Ryaku s’approcha de Jian Qiao et de Sima Qian et chuchota.

- Mais ce n’était pas fini... Le feu n’était pas apparu tout seul, il avait été provoqué et pas par n’importe qui. Huo avait rompu sa prison mystique et était revenu provoquer le plus de dégâts possibles.

Jian Qiao prit le relais de sa cousine.

- Il cherchait les problèmes, il les a trouvés. Grâce à nos esprits de stratèges nous avons attiré Huo vers la rivière où nous l’y avons jeté pour le détruire. Bon nous en sommes sorties avec de nombreuses brûlures, dit-elle en montrant ses avant bras couverts de vieilles cicatrices. Sen’Ryaku fit de même pour prouver leur “bonne foi”.

Le chroniqueur impérial restait silencieux, son pinceau arpentait la feuille avec souplesse et délicatesse. Il n’avait pas levé les yeux, concentré sur la rédaction de cette première chronique. Il ne doutait pas une seconde que tout ce que racontaient les jeunes femmes était enjolivé mais il se devait de propager de tels récits héroïques. Elles se rassirent, attendant qu’on leur demande autre chose. Sima Qian posa ses petites lunettes sur le plateau de bois où il écrivait et pris un air amusé.

- Vos histoires sont charmantes, pleines de vie et incroyables. Mais qu’en est-il de l’affaire Azawa ??

A l’énoncé de la question les cousines firent les gros yeux, Azawa était certainement la pire humiliation possible à leurs yeux.

- Si on pouvait ne pas en parler, ça serait bien lança Jian Qiao très gênée et visiblement timide.

- Pourquoi n’en parlerions nous pas ? Après tout cette mission fut une réussite.

- Mais la situation n’était pas à notre avantage, ne faut-il pas que le peuple garde une bonne image des membres de la Kotoba ?

Sen’Ryaku ne disait plus rien. Elle se rappelait très bien cette mission où sa cousine et elle furent envoyées pour soutirer des informations auprès d’un seigneur. A cette occasion elles furent obligées de s’habiller “en fille” avec le maquillage, la coiffure et le kimono tel que la tradition l’exigeait. Leur couverture fut découverte au moment où elles obtenaient les informations et un affrontement se déroula dans les jardins de la demeure du seigneur Azawa, devant un parterre d’invités dont le seigneur Gakyusha, supervisant la mission. Sen’Ryaku et Jian Qiao eurent beaucoup de mal à se battre dans leur accoutrement et finirent par se retrouver en petite tenue, devant tout le monde...

- Vous avez raison passons sur cette histoire, j’ai déjà mon compte avec vous deux. Vous pouvez me laisser à présent, je vais finir votre récit.

Les cousines ne se firent pas prier, contentes de ne pas avoir à raconter cette histoire en détail.

- Tu crois qu’il a compris qu’on lui a raconté n’importe quoi, s’inquiéta Jian Qiao.

- A mon avis il en a entendu d’autres des histoires cousues de fils blancs.

- Mouais, en tout cas, c’était bien marrant...

Sur les traces du Mangepierre

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Anryéna, Sevylath et le Roi Tonnerre avaient soudainement disparu devant les yeux ébahis du Grêlé et de ses compagnons. Cela fut si soudain qu’ils mirent quelques temps avant de reprendre leurs esprits. Ergue examina le sol et sa structure pour voir si rien n’était “anormal”.

- Pouah ! Voilà pourquoi j’aime pas la magie ! C’est trop instable ! Nous voilà bien maintenant. Ergue avait l’air assez énervé par la situation. Il aurait aimé savoir qui était exactement ce personnage et avoir une récompense à la hauteur de la bataille terminée.

- Ergue, si cela s’est passé ainsi c’est que cela devait. Nous faisons fausse route ici, il est temps de continuer, ordonna le Grêlé après un rapide tour du temple.

Oeil de gemme ne se fit pas prier et fut la première à décamper de ce temple qu'elle estimait d’après elle dans la catégorie “ne pas remettre les pieds là dedans”. C’était le premier coup au moral que venait de subir le groupe. Jusque là enjoués par leur mission le doute s’installa. Quelques jours après la disparition d’Anryéna le doute s'insinua. Ils parcouraient les Confins sans aucune idée de la bonne direction n'ayant aucune idée de ce à quoi ressemblait ce fameux Mangepierre qu’ils cherchaient en vain. Un beau jour Malyss ne tint plus et craqua.

- En fait, Grêlé, tu ne sais rien du tout et tu nous promènes pour éviter de retourner dans ta prison ! Tu t’es servi de nous !

Le Daïs pencha la tête, contrarié par la remise en cause du bien fondé de leur “quête” et de son honnêteté.

- Corbeau, tu as la mémoire un peu courte, sais-tu que les terres de Guem sont en danger ? Les forêts ancestrales des Eltarites sont menacées et notre seul espoir est de trouver le Mangepierre, rétorqua le Grêlé.

La tension monta rapidement. Ergue et Oeil de gemme n’étant pas particulièrement diplomates la situation devint vite critique. C’est un voyageur, comme eux, qui interrompit les hostilités. Un jeune homme approcha suivant le même chemin que le groupe. Son accoutrement ne rappelait rien de connu. Lorsqu’il vit la petite troupe il s’arrêta sur le bord du chemin pas très loin d'eux et s’installa pour se restaurer sans faire attention aux autres. Le Grêlé sortit du groupe et alla rencontrer le jeune homme qui l'accueillit d’un sourire franc.

- Désolé de vous déranger, mais nous sommes, il faut bien l’avouer, perdus.

- Bonsoir Daïs, j’ai entendu votre dispute.

- Vous savez ce que je suis ?

- Il y a des gens de votre race dans les Confins. Mais vous ne connaissez pas assez cette partie du monde. Comment le pourriez-vous puisque vous êtes perdus ?

Le garçon farfouilla dans son sac et sortit un parchemin assez épais. Il le déplia avec précaution et découvrit une carte grossièrement dessinée.

- Nous sommes ici, dit-il en pointant du doigt une partie de la carte. Il y a plusieurs chemins qui mènent à différentes petites cités. La plus proche de nous est à quelques jours de marche d’ici. Peut-être devriez-vous commencer par là ? Tenez, prenez-la je vous en fais cadeau.

Le Grêlé retourna auprès des autres aventuriers et leur fit part de la découverte de cette carte.

- Allons-y ! Lança Oeil de gemme ravie qu’il y ait une cité non loin.

- Non ! Allons dans une autre direction. Plus il y a de gens au courant de notre présence ici, plus nous risquons les ennuis, ajouta Malyss énervé.

- Autant il nous baratine, on le connaît pas lui, dit Ergue l’air suspicieux.

Le Zil attrapa la carte et essaya de déchiffrer les symboles inscrits dessus, sans succès. Tout cela relança le débat et les disputes reprirent de plus belle devant le regard incrédule du jeune homme. Au final aucune décision ne fut prise pour ce soir et le campement fut monté dans une ambiance morose et électrique. Le Grêlé invita le voyageur à se joindre à eux, après tout il était seul autant qu'il profite de leur compagnie aussi peu agréable soit-elle à ce moment. Ce fut l’occasion pour le groupe de tenter d'en apprendre plus sur les Confins.

- Merci de m’accueillir parmi vous, c’est toujours plus agréable de partager ses soirées. Il est rare de croiser d’autres personnes sur les routes.

Le jeune homme jeta dans le feu une poignée d’étranges noix avant de reprendre.

- Les habitants des terres de Guem n’ont aucune idée de ce que sont les Confins, ni où ils se situent. Mais peut être que cela ne vous intéresse pas, je ne vais pas vous encombrer de mes récits.

Après avoir fait un petit signe de la main, les noix qui chauffaient dans le feu s’élevèrent dans les airs pour atterrir devant le garçon. Il les décortiqua avec difficulté car brulantes puis avala leur contenu. Tels des enfants, Ergue et Oeil de gemme demandèrent au jeune homme s’il n’en avait pas d’autres de ces noix. Il leur en donna quelques unes avant de s’enrouler dans une couverture.

- Quel est vôtre nom ? Demanda le Grêlé.

- Ciramor, répondit-il en baillant. Bonne nuit “Grêlé”.

- Attendez ! Vous deviez nous parler des Confins, coupa Malyss.

- Une autre fois, je suis fatigué. Prenez votre mal en patience.

Le Corbeau rouspéta quelques instants et alla faire un tour, cette journée n’était décidément pas la sienne. Dérouté et mécontent, Malyss échafauda vite un plan, on ne parle pas ainsi à un membre du clan du Corbeau. Ergue lui aussi suspicieux rejoignit le mage pour discuter de cette rencontre.

- Tu crois qu’il nous cache quelque chose, hein Malyss ?

- C’est certain. Cet endroit me rend nerveux et je pense que ce garçon n’est pas qu’un simple voyageur. En tout cas il à l’air de savoir des choses, est-ce qu’il n’indique pas une fausse route ?

- Tu dis n’importe quoi ! Oeil de gemme interrompit la discussion. Vous n’avez rien d’autre à faire que de faire les commères ? C’est qu’un voyageur, demain il nous en dira plus mais en attendant dormons, notre quête est loin d’être achevée.

Malyss et Ergue ne dirent rien de plus, mais la dissension au sein du groupe augmentait un peu plus à chaque instant.

Le lendemain, le soleil perçait les nuages et ses rayons frappaient les cristaux disséminés sur la multitude d’îlots des Confins. Alors que Malyss, Ergue et Oeil de gemme dormaient encore, le Grêlé profitait d’un moment de répit pour discuter avec leur compagnon de fortune. S’étant levé très tôt, le Daïs utilisa ses dons magiques pour deviner la nature de Ciramor. Et le résultat fut très surprenant, il détecta chez lui une magie très puissante.

- Vous saviez que nous étions là n’est-ce pas ?

- A vrai dire, oui, j’ai ressenti votre présence depuis votre arrivée dans les Confins.

- Alors qui êtes-vous ? Devons-nous craindre quelque chose de vous ?

Le jeune homme rigola.

- Non non, je voyage réellement et j’espérais trouver d’autres personnes pour éviter d’être seul en ces contrées.

“Il ne dit pas tout” pensa-t-il, “Si la parole ne suffit pas à délier les langues, je vais passer à l’action”. Avec rapidité il dégaina sa dague et se mit en garde. Ciramor se leva et se déplaça lentement levant les mains en signe de paix.

- Je vous promets que je ne vous veux aucun mal ! Si je cherchais à vous nuire, vous seriez mort dans la nuit.

- Vous ne cherchez peut-être pas à nous tuer, mais vous voulez quelque chose de plus.

Ciramor se plaça de manière à avoir le soleil dans le dos, le Grêlé fut ébloui et la magie de son opposant se mit à l’œuvre. Les vêtements de Ciramor changèrent, un masque apparut sur son visage. Il incanta alors un sort qui paralysa immédiatement son adversaire avant que celui-ci ait eu le temps de réagir.

- A présent que vous ne pouvez plus blesser personne, sachez que je...

Mais il fut interrompu par Malyss qui l’agressa sans se faire prier. Un face à face s’engagea. Ciramor tenta de faire comprendre au Corbeau que ce n’était que pour se protéger mais ça n’arrêta pas le Corbeau qui fit appel à toute sa magie. Le duel ne dura pas très longtemps, Malyss lâcha sa frustration et sa colère. Mais Ciramor s’avéra redoutable, sa magie n’était pas la même que celle pratiquée sur les terres de Guem. Son apparence redevint celle du jeune garçon, le masque s’estompa. Il planta alors son bâton dans la terre, puis d’un geste souple il ouvrit un livre qui apparut de nulle part. Malyss en profita pour abattre ses dernières cartes et lança les sortilèges les plus noirs des arts Corbeau. Hélas le bâton protégeait le garçon et rien ne perça. Enfin, après avoir lu quelques lignes, le voyageur clappa son livre mettant fin au duel, car à cet instant Malyss n’eut plus l’envie d’affronter Ciramor. Toute colère et confusion s’étaient envolées de son esprit. Les mouvements du Grêlé furent à nouveau libre, mais lui aussi n’avait plus la volonté de s’en prendre à Ciramor. Ce dernier récupéra son bâton en émettant un soupir d’exaspération.

- Je vais vous donner des réponses. Mais avant cela, sachez que pour trouver le Mangepierre il va falloir être solidaires et former une véritable équipe, sans quoi vous n’y arriverez pas. Asseyons-nous pour en parler, j’ai encore quelques coques de Zyx, vous aviez l’air de les apprécier.

Après s’être installé autour du feu, Ciramor lança quelques noix dans les braises et commença son histoire.

- Autrefois, cette partie du monde ressemblait beaucoup à l’endroit d’où vous venez. Mais des hommes au nom d’une divinité inconnue attaquèrent et une guerre éclata. Au court de celle-ci les terres s'effritèrent, formant d’immenses crevasses, failles et autres fissures. Les Confins ne doivent leur salut qu’à une seule personne. Vous la connaissez certainement, il a aussi contribué à la sauvegarde des terres de Guem, je parle d’Eredan.

Les quatre voyageurs des terres de Guem étaient pendus aux lèvres de Ciramor. Il ne décrivait pas grand chose, mais si tout était vrai alors Eredan n’aurait pas encore dévoilé tout ses secrets.

- Je vois vos airs interrogateurs, que savez-vous d’Eredan ?

- Je sais juste que c’est grâce à lui que Nehant a été vaincu, mais que suite à cela il a disparu sans que nul ne sache où il est parti, expliqua Ergue en décortiquant une noix.

- Et pour cause, dans la foulée il a répondu à un appel au secours des habitants de ses terres. Ils n’arrivaient pas à repousser les envahisseurs. Même Eredan eut du mal à résister seul face à cette menace, il créa alors une créature capable de comprendre et résister à la magie des envahisseurs, vous le nommez Mangepierre mais en ce temps là il portait un autre nom. Lors d’une ultime bataille les terres tremblèrent et explosèrent en des milliers d’îlots qui se mirent à flotter dans les airs. Eredan, le Mangepierre et les peuples de ce qui devint les Confins avaient gagné, mais à quel prix ? Frappé par une étrange affliction, Eredan mourrait à petit feu, il entreprit de léguer son savoir et la garde du Mangepierre à certaines personnes qu’il aurait choisies.

- Vous êtes une de ces personnes n’est ce pas ? Affirma le Grêlé.

- Mon maître, aujourd’hui disparu était l’un des disciples d’Eredan.

- Et justement, qu’est devenu Eredan ? Demanda Malyss.

- Nous supposons qu’il est mort, mais nous n’en sommes pas certains car bien que terriblement souffrant il a tenu à repartir. Quand à savoir où il est parti, personne ne le sait.

- C’est une histoire incroyable ! Ça vaut bien la légende du Titan, v’là un truc que je vais pouvoir raconter à l’équipage.

- Maintenant que vous en savez plus, à vous de me donner les informations qui me manquent. Pourquoi cherchez-vous le Mangepierre ?

- Chez nous le Mangepierre est une légende, cette créature serait capable de manger les cristaux magiques les plus puissants. Hors un météore s’est écrasé en terres de Guem et depuis des gens venus du désert aux pouvoirs inconnus nous ont attaqué et défendent cette pierre tombée du ciel. En écoutant votre récit j’ai bien peur que l’histoire ne se répète.

- Intéressant, mais dans mon histoire il n’y avait pas de météore.

Ciramor regardait les flammes, les yeux dans le vague. Plusieurs sentiments s'entremêlaient.

- Je vais vous aider à trouver le Mangepierre, mais je dois vous prévenir, il faudra que vous soyez soudés dans les épreuves qui vont se présenter à vous. Eredan n’a pas laissé le Mangepierre à la portée de n’importe qui. Votre engagement sera testé, la question est alors : vous pensez-vous à la hauteur de cette tâche ?


Résurgence

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Chapitre 1 - Dimizar

Cette histoire débute bien avant la chute de la pierre à l’autre bout des terres de Guem, aux pieds des monts noirs prêts de Tantad. L’homme marchait d’un pas vacillant, ses larmes frappaient aussi lourdement le sol que la peine qui envahissait son cœur meurtri. Il ne savait plus où il allait et à plusieurs reprises il faillit tomber. Mais rien n’aurait pu le faire lâcher le corps inerte qu’il portait. Le chagrin prenait le dessus sur toutes les autres émotions et sur sa raison. Il marcha de longues heures, perdu dans des lieux où personne n’osait s’aventurer. Au cœur de la nuit presque à bout de force il se retrouva devant une crique entourée de lucioles voletantes. Il posa précieusement la femme à laquelle il était cramponné. A présent les larmes avaient cessé mais son visage était déformé par de terribles sanglots. De sa main couverte d’éraflures il caressa le visage et embrassa les paupières de la femme pour lui dire adieu.

- Pourras-tu là où tu vas pardonner ma faiblesse et mon impuissance à trouver de quoi tu souffrais ? Tu resteras à jamais au fond de mon cœur.

Il attrapa ensuite une pierre et la posa près de sa femme, puis une deuxième et ainsi de suite jusqu’à ce qu’une tombe fut enfin achevée. La nuit était avancée et la fatigue morale et physique emporta l’homme. Il s’endormit, brisé à jamais.

- Dimizaaaar... Dimizaaar... Ce n’est pas ta faute, tu n’y es pour rien !! Ce sont les rebouteux qui n’ont rien fait !

Dans le rêve de l’homme il revivait en boucle les pires instants de sa courte vie. Le moment où par manque d’argent on ne l’aida pas et pour des raisons politiques sa famille se retrouva au ban de sa communauté. Le visage de sa femme au début joyeuse et pleine de vie, puis se fanant alors que la maladie l’emportait passait en boucle dans son esprit déchiré. Il se réveilla en sueur. Réalisant que tout cela était bien réel il se remit à pleurer.

- Soit fort Dimizar, il est temps pour toi de te tourner vers l’avenir.

D’où venait cette voix ? Il n’y avait personne à part lui et la tombe de sa femme. Ankylosé il se leva tant bien que mal et examina les alentours avec suspicion. Il tomba sur une entrée en partie cachée par des broussailles et qui donnait sur un passage dans la roche. En temps normal il ne se serait pas aventuré dans un endroit de nuit au milieu de nulle part. Mais qu’avait-il à perdre de plus à par sa propre vie qui pour lui n’avait plus de sens ? Cette grotte fut probablement taillée de la main de l’homme car il y avait à plusieurs reprises des escaliers qui grimpait au travers de la montagne. L’homme n’y voyait pas grand chose, mais qu’importe, dans un état second il trouva son chemin dans ce dédale de couloirs sombres et humides. Combien de temps était passé ? Il n’en savait rien et s’en moquait car de toute façon il ne retournerait jamais dans cette cité qui l’avait rejeté. Une faible lumière lui indiqua la sortie qui débouchait sur un endroit qui le surprit. Rêvait-il encore ? Devant lui se dressait un immense manoir construit de pierres grises très sombres. L’édifice dominait ce qui devait être un jardin grandiose mais aujourd’hui en friche. Et partout de sombres cristaux éclairaient d’une faible lueur. Le plus marquant était le paysage enclavé autour du manoir. Étrangement il se sentit bien ici, comme si ce manoir l’attendait.

- Entre donc, tu es chez toi, lui chuchota à nouveau cette voix, comme un écho résonnant dans sa tête.

L’intérieur était délabré. Les meubles étaient recouverts d’une fine poussière noire et des générations d’araignées avaient contribué à la création d’une gigantesque toile parcourant le bâtiment. Les petites créatures fuirent l’homme qui venait perturber leur insouciante vie. Les escaliers grincèrent, menaçant de céder à chaque pas. Le style y était très différent de ce qu’il connaissait, tout y était torturé, démesuré, noir. L’homme arriva dans un bureau qui fut autrefois dévasté. Des feuilles de parchemins se mêlaient à la poussière. La personne qui vivait là devait être quelqu’un d’extrêmement cultivé à en juger par les titres des livres jonchant le sol : Cristalomancie ancienne, Pyrocratie - l’ère de la Reine-Rubis et autres grimoires.

- Le bureau, Dimizar, le bureau !

Relativement intact, le meuble était couvert d’entailles, comme des griffures. Les tiroirs étaient dispersés à travers la pièce. Ses doigts parcoururent le dessous du plateau et s'arrêtèrent sur un loquet qu’il activa d’un coup sec. Un pan de la bibliothèque au fond de la pièce pivota dans un bruit sourd, s’ouvrant sur un escalier en colimaçon. Interminable le passage finit par déboucher sur une grande pièce taillée dans la roche, éclairée par d’étranges cristaux sphériques. Des gemmes noires polies sortaient d’un peu partout, sur le sol des symboles de grande taille étaient gravés. Au milieu de ceux-ci se trouvait une personne, ou plutôt un cadavre à l’état de squelette. Allongé en position foetale, le squelette serrait quelque chose dans ses mains. Poussé pas la curiosité l’homme s’approcha et vit l’objet, une pierre noire sur laquelle était gravé un symbole particulier qui se répétait un peu partout dans le manoir et dans cette caverne.

- Cette pierre est tienne Dimizar, prends là !

Encore cette voix, mais cette fois-ci l’homme avait l’impression qu’elle venait d’un endroit proche. Il écouta et se saisit la pierre. Immédiatement l’homme se sentit envahi par quelque chose, une puissance importante, primaire, ravageuse et furieuse. L’amour, la compassion, les remords... Tous ces sentiments disparurent comme balayés. Après avoir repris ses esprits il comprit qu’il ne serait plus jamais le même, mais ça ne le dérangeait pas, au contraire, le souvenir de ses malheurs était trop présent. Il regarda la pièce, ses yeux s’arrêtèrent sur un pupitre où reposait un livre fermé. Il s’en approcha. La couverture était recouverte par une épaisse couche de poussière qu’il écarta d’un geste de la main. Sur la page de garde,une écriture fine et résolument gothique. “Journal de Zejabel” y était inscrit.

- Zejabel, ce nom ne m’est pas inconnu. Dit-il à haute voix alors qu’il commençait à tourner les pages pour lire le contenu.


Chapitre 2 - Zejabel et le miroir.

Quelques jours plus tard. Dimizar avait lu entièrement le journal. Il contenait toute la vie de Zejabel, comment il avait rencontré et suivi Néhant, ses recherches en matière de magie et des indications sur l’histoire des terres de Guem à son époque. Le dernier chapitre du journal passionna Dimizar. Le lieutenant de Nehant racontait les derniers évènements qui amenèrent à la fin de la guerre noire.

“Nous étions si proches. La victoire était notre et Nehant allait devenir le maître des terres de Guem. Que s’est il passé, comment la situation a-t-elle pu en arriver là ?? Un à un, nous, lieutenants de Néhant sommes tombés. Nous qui avions mené les légions sur les cités des plus puissantes civilisations. Puis ce Prophète de malheur a propagé la parole de Dragon et alors peu à peu les chiens ont mordu leurs maîtres et se sont débattus. Ils se sont organisés et ont découvert Eredan puis à cause de lui nous avons perdu sur tous les fronts. Amidaraxar, le plus puissant d’entre nous a été enfermé, Xorzar et le Fleau des âmes ont été renvoyés dans les Lîmbes.”

Puis plus tard.

“Je ne ressens plus les pouvoirs de Néhant, il ne me parle plus et semble avoir totalement disparu. Je me suis replié au Manoir, l’un des seuls endroits encore à l'abri de ce maudit Prophète. Je sais qu’il me cherche et il ne tardera pas si je ne trouve pas une solution pour disparaître.”

Enfin, Dimizar trouva à la fin du livre une lettre composée de plusieurs feuillets.

“Tu es celui par qui tout recommence. Si tu lis cette lettre c’est que tu n’as pas été détruit par le sort qui protégeait mon journal. Par conséquent tu as aussi ma pierre-coeur, enfin, ta pierre-coeur. J’ai passé des jours et des nuits afin que Prophète ne me trouve pas. La solution m’est venue par le biais de Nehant et de ce qu’il est devenu. Car ils ont emprisonné sont être au sein d’une gemme et l’ont ensuite scellée. J’ai suivi le chemin tracé et j’ai trouvé comment enfermer mon âme, mon savoir et ma magie dans une pierre. Tu es moi et je suis toi. Aujourd’hui alors que tu lis ces lignes tu dois ressentir l’effet de ce rituel et les changements sont nombreux. Reste à voir si tu vas supporter ma puissance et si tu ne vas pas être consumé. Il est temps de faire la vengeance, il est temps de reformer les rangs et de marcher à nouveaux sur les ennemis de Néhant. A présent pour moi il est temps de laisser cette enveloppe charnelle pour un moment de repos. Tu trouveras avec cette lettre l’emplacement du miroir de Néhant que j’ai caché au yeux de tous dans ce manoir. Il y a aussi mon testament magique qui te permettra de devenir mon héritier.

Zejabel”

Dimizar était troublé par cette lettre. Bien sur il avait senti les changements qui se produisaient chez lui. Il se découvrait des pouvoirs et des savoirs qu’il ne connaissait pas avant et sa manière de réfléchir n’était plus la même. Mais tout ça ne le gênait pas, au contraire, il voyait là un moyen de prendre sa revanche sur ceux qui l’avaient rabroué, menant sa femme à la mort. Il examina les autres feuilles qui s'avéraient être des clés magiques. Instinctivement il récita les incantations magiques, libérant ce qui était jusque là emprisonné. C’était comme si le manoir se réveillait peu à peu, comme s’il avait une conscience.

- Viens à moi maintenant Dimizar.

Encore et toujours la même voix, elle venait de la pièce où se trouvait le squelette. Il s’y rendit rapidement et découvrit qu’un morceau de mur s’était écroulé, laissant apparaître un miroir de grande taille, orné d’un cadre sculpté. Dimizar s’en approcha et sourit sans savoir réellement pourquoi. Il y vit le reflet d’un homme changé et marqué par cette vie passée. Sa barbe avait poussée et il décida qu’il fallait aussi changer de visage. Puis le reflet changea peu à peu pour laisser la place à une apparence plus hideuse, mais c’était toujours lui, les mêmes vêtements, la même taille. Mais le visage était celui d’un démon, il passa la main sur sa joue pour se rassurer, rien n’avait changé. Cette image n’était pas la sienne.

- Vous êtes Néhant n’est-ce pas ?

- Si c’est le nom que tu veux me donner alors je serais Néhant.

Dimizar s’inclina en respect.

- Je suis votre dévoué serviteur, ordonnez et j’obéirai.

- Bien bien bien, nous allons commencer par faire de toi un véritable Néhantiste.

Chapitre 3 - Prophète

Plusieurs mois passèrent et Dimizar monta en puissance. Il avait eu sa vengeance. Expérimentant ses pouvoirs de corrupteur il alla jusqu’à son ancien village et n’en repartit que lorsque tous ses habitants furent sous sa coupe. Désormais esclave de la volonté de Dimizar, ils devinrent les nouveaux domestiques du manoir de Zejabel. Ils s’activèrent à lui redonner un coup de neuf. Pendant ce temps le nouveau maître des lieux passait son temps à réfléchir quant à la manière de cacher le manoir aux yeux de Prophète. Car après une courte enquête il s'avéra qu’il était toujours en vie et qu’il représentait une menace importante pour Dimizar et ses sbires.

Très loin de là, Prophète scrutait un cristal avec beaucoup de minutie. A côté de lui un livre flottait dans les airs. Le chef des Envoyés de Noz’Dingard tournait de temps en temps les pages avec lenteur. Voilà quelques temps le cristal d’Osmose que Prophète avait créé peu après la guerre contre Néhant détecta une drôle de perturbation magique. Intrigué le fils d’Anryéna passa tout son temps libre à connaître la cause de tout ça. Plus les jours passaient, plus la perturbation s’intensifiait, l’inquiétant de plus en plus. Enfin, des nouvelles lui parvinrent. Un village aurait totalement été déserté par ses habitants. Ceux-ci auraient disparu sans laisser la moindre trace. Le seigneur des terres où cet évènement avait eu lieu ne trouvait aucune explication à tout cela. Pourtant Prophète avait déjà vécu cela, il y a bien longtemps. Les souvenirs n’étaient pas si lointains pour une personne qui avait, comme lui, une vie plus longue que les autres. Des disparitions de populations, c’était là une probable marque d’un serviteur de Néhant. Mais rien n’était si certain, il fallait voir ça sur place.

Dimizar savait que ce qu’il avait fait attirerait irrémédiablement les regards vers cette partie du monde. Mais il comptait bien appliquer un principe simple : ne cherche-t-on pas ses binocles lorsqu’elles sont sur son nez ? Il anticipa le fait que ses ennemis, et parmi eux il espérait bien Prophète, seraient attirés dans cette partie du monde. C’est alors qu’il finaliserait l'occultation du manoir, le rendant invisible aux yeux des non initiés. Hors Prophète entreprit le voyage, ne se doutant pas une seconde qu’il serait si proche de ce qu’il a tant cherché. Il passa deux jours à fouiller, examiner, analyser les rues, maisons et autres signes magiques. Mais il n’y avait rien, pas la moindre trace, et cela l’inquiéta encore plus car il aurait dû trouver quelque chose, ne serait-ce que des émanations magiques. Mais dans ce cas c’était... le néant. Un Néhantiste était passé par là, c’était la seule certitude qu’il eut à ce moment précis.

Ses affaires à Noz’Dingard le rappelèrent en la capitale de la Draconie. Il surveillerait précisément les activités magiques suspectes.

Hélas pour Prophète, le destin voulut tout autre chose, car la pierre allait tomber du ciel et Dimizar achevait la protection du manoir.

Chapitre 4 - Le plan

- Dimizar... Dimizar.

La voix s’éleva dans le manoir.

- Ça a commencé.

Le Néhantiste descendit les escaliers avec la certitude que désormais des changements allaient bouleverser le monde. Arrivé dans la caverne le miroir irradiait d’une lumière rouge sombre signe de l’activité de Néhant. Dimizar se posta devant son reflet déformé.

- Les étoiles ont annoncé le changement. Une pierre arrive, elle tombera dans un lieu où toutes les forces vont se réunir et s’affronter.

Dimizar perçu l’opportunité de la chose.

- La pierre ne nous intéresse pas, mais c’est une diversion idéale pour mettre en place un plan d’attaque. Tu dois t’occuper avant tout de trouver le moyen d’éliminer celui qui peut nous barrer la route, Prophète. Pour ça, sers-toi des Combattants de Zil, ils ont parmi eux des gens qui servent la cause.

- Bien, je vais réfléchir à la chose et entrer en contact avec ces gens.

Le miroir redevint inerte, reflétant un Dimizar en pleine réflexion. Un plan avait déjà germé et les perspectives étaient très réjouissantes. Il était temps pour lui de quitter le manoir de Zejabel et de parcourir les routes. Mais avant cela, il avait encore quelque chose à faire : appeler les troupes.

Le premier à revenir sur les terres de Guem fut Mâche l’âme. Parmi les affaires laissées par Zejabel il y avait énormément d’objets qui au départ ne l’inspirèrent que très peu. Mais en lisant certains grimoires il apprit la nature exacte des créatures qui autrefois composaient l’armée de Néhant : les démons. Grâce à l’une des pierres contenues dans un coffret, le néhantiste était en mesure de faire revenir ce démon. Il ne se priva pas d’essayer. Les esclaves finissaient d’allumer les très nombreuses bougies disposées sur le sol de la caverne lorsque Dimizar les chassa avec véhémence. Il posa sur le pupitre où il avait trouvé le journal un livre écrit dans une langue qu’il comprenait sans jamais l’avoir apprise. Il relut rapidement le passage concerné afin d’être sûr de ce qu’il allait dire, puis il plaça la pierre au centre de l’immense symbole de Néhant gravé par terre.

- Toi dans les entrailles de la terre, caché des yeux mortels entends la supplique du serviteur de Néhant.

La pierre s’illumina, fusant de magie.

- Toi le poing, toi la souffrance, toi le fléau.

La pierre se mit à léviter à une hauteur d’homme.

- Toi qui hurle dans cette prison entends ma voix. Toi le dévoreur d’âmes je t’invoque. Perce les barrières qui se dressent devant ta route.

L’énergie magique autour de la pierre s’intensifia et commença à prendre une vague forme humanoïde.

- Toi Mâche l’âme prends corps et foule à nouveau les champs de bataille.

A présent la forme se solidifiait. Le démon de grande taille arborait d’immenses cornes de cristal noirci, sa peau laissait voir l’intérieur de son corps qui était comme une sorte de lave en fusion.

- Est-ce toi Jezabel qui m’appelle ?

Dimizar s’approcha sans la moindre peur.

- Pas exactement, mais considère-moi comme son héritier.

- Je ne sers que Zejabel, freluquet !!

- Ah ? Je suppose que je dois montrer que ce que j’affirme est vrai, répliqua Dimizar avec un calme étonnant pour une personne en présence d’un démon.

Le néhantiste ressentait la pierre clairement visible au centre du ventre de Mâche l’âme. Un lien partait de celle-ci et allait vers la pierre-cœur de Dimizar. Le lien était très faible, trop pour que le démon puisse le ressentir. Il fallait donc le réactiver, ce qui pour lui était chose aisée. Il sortit sa pierre et se concentra sur le lien. Le démon hurla lorsqu’il comprit qu’il ne plaisantait pas. Tout cela se déroula rapidement, le démon n’eut pas le temps de réagir : il était désormais lié.

- Bien, maintenant que tout malentendu est dissipé entre nous, je vais pouvoir passer au suivant.

Quelques jours plus tard, à la prison de la grande cité d’Archopolis la plus à l’est des cités de Tantad, Dimizar se présenta devant une épaisse porte de bois derrière laquelle une créature attendait d’être proprement et simplement exécutée pour les nombreux méfaits accomplis. Le néhantiste n’eut pas de mal à modeler les esprits faibles croisés sur le chemin. Le geôlier désormais pantin ouvrit la porte grâce à son trousseau de clés.

- Donnez-moi les clés et faites le planton devant la porte, si quelqu’un d’autre que moi vous demande quoi que ce soit, vous trouverez une excuse valable.

Parlant plus fort.

- Je vais rentrer pour te parler. Je ne te veux aucun mal, si tu tentes quoi que ce soit ça sera à tes dépends.

Sur ce il entrebâilla la porte et se faufila à l'intérieur. La créature n’était en fait qu’une femme, mais par son aspect il parut clair qu’elle serait chassée toute sa vie. Ses yeux d’or brillaient dans l’obscurité, sa peau était noire comme les ténèbres et ses doigts s’achevaient par de courtes griffes. Elle regarda Dimizar les larmes aux yeux et les mains tremblantes.

- Pitié... j’ai rien fait monsieur... Je n’ai pas fait exprès, je vous promets.

Dimizar éclata de rire.

- Tu es une bonne comédienne, mais je sais pertinemment ce que tu es, tes sentiments, ta personnalité. J’ai besoin d’une personne comme toi. Je te promets que tes talents seront très utiles et que tu ne le regretteras pas.

La jeune femme cessa ses gémissements, changeant totalement son attitude.

- Du moment que je sors d’ici, s’il faut tuer, voler ou faire du tort à quelqu’un, je suis preneuse.

- Très bien. Comment t’appelles-tu ?

- Je suis Anagramme.

- Un faux nom je suppose.

- Évidemment, vous croyez quoi ?

- Parfait, vraiment parfait. Partons, nous avons à faire.

Le jour suivant, non loin d’Archopolis dans une clairière d’une forêt ayant subi les affres de multiples incendies, Dimizar et Anagramme rencontraient ceux qui seraient la chute de Prophète. Ils se rencontrèrent près d’une roulotte peinte de violet et de noir. Deux demoiselles aux habits excentriques et à la peau noire discutaient avec un homme portant un masque de métal. A l’approche de Dimizar et d’Anagramme ceux-ci cessèrent de bavarder et observèrent avec anxiété les arrivants.

- Vous n’avez pas éveillé les soupçons ? Vous avez vérifié que vous n’avez pas été suivi, commença Dimizar sans même les saluer.

Masque de fer s’inclina pour signifier son respect.

- Maître, merci à vous de nous accorder de l'intérêt. Soyez rassuré personne ne sait que nous sommes ici, nous pouvons parler sans crainte.

- Parfait. J’ai entendu parler de vos talents d’orateur Masque de fer, je vais avoir besoin de vous pour une mission très très particulière. Mais nous en reparlerons plus tard.

- M’enseignerez-vous ce que vous savez ?

- J’y consens, mais prouvez d’abord que vous pouvez être digne de cet honneur, rétorqua Dimizar avec une certaine pointe d’irritation.

Anagramme dévisageait les deux jeunes femmes, leur ressemblance était très troublante. Sélène et Silène étaient ravies de la rencontrer et il faut savoir qu'elles jalousaient Anagramme. Car bien que toutes les trois soient physiquement proches il y avait une grosse différence entre elles. Les sœurs des Combattants de Zil étaient guémélites de l’ombre et Anagramme guémélite de Néhant, en soi c’était très proche, mais la différence était très importante pour les sœurs.

- Quand à vous deux mes damoiselles, j’ai une importante mission à vous donner. J’aimerais que vous réunissiez le maximum de Combattants de Zil de façon discrète. Lorsque ça sera fait il faudra me prévenir, je me rendrais alors auprès de vous. Faites cela et vous serez récompensées à la juste valeur de votre tâche. Je pense savoir ce que vous désirez et je peux d’ores et déjà vous dire que c’est possible.

Les deux jeunes femmes furent très heureuses et piaffèrent de joie.

- J’espère que vous avez conscience que ce qu’il va se passer est très important pour moi et celui que je sers. L’échec ne sera pas permis, ni pour vous, ni pour moi, que ça soit bien clair pour tout le monde. L’avenir nous réserve deux destins : la mort ou la victoire. A présent je dois parler seul à seul avec Masque de fer, laissez-nous donc, dit-il à Silène, Sélène et Anagramme qui en profitèrent pour aller parler toutes les trois plus loin.

Resté seul avec Dimizar, Masque de fer ôta ce qui lui cachait le visage.

- Je comprends pourquoi vous le portez. Un jour vous n’aurez plus à vous cacher pour cela, mais en attendant nous avons tous les deux beaucoup de travail. Nos ennemis sont nombreux et je ne peux pas m’occuper de tous, il va falloir agir un peu partout.

- Que voulez-vous que je fasse exactement ?

- En premier lieu je veux être mis au courant de tout ce qu’il se passe au niveau politique à l’heure actuelle. Je veux savoir ce que l’Empereur mange ou de quoi il discute avec ses conseillers, je veux connaître les projets des draconiens.

- Cela sera chose faite.

Masque de fer hésita puis repris.

- Êtes-vous en train de monter une armée qui écrasera ces cancrelats ?

- Les choses suivent leur cours mais je préfère pour le moment faire profil bas et placer les pions où il faut. Mais nos rangs vont rapidement grossir, surtout parmi ceux qui ne se doutent de rien. Donne-moi ta pierre-cœur.

Masque de fer la lui présenta avec inquiétude.

- Ne t’en fais pas, j’ai besoin que tu aies toute ta volonté. Je marque ta pierre, elle nous liera à un certain niveau. Je saurais où tu es et nous pourrons nous parler l’un l’autre. Si jamais il devait arriver quelque chose à l’un de nous, le lien disparaîtra.

La main de Dimizar tenant la pierre de Masque de Fer s’illumina et prit ensuite une teinte plus foncée. Le jeune néhantiste ne perdit pas une miette de cette manipulation magique.

- A présent, il est temps de mettre le plan en route.

Chapitre 5 - La mort d’Ishaïa

Le Conseiller Vérace n’en pouvait plus. La séance du jour avait été très animée et compliquée. Les évènements intenses des derniers mois donnaient beaucoup de travail au Conseil. Heureusement le château de Kaes était entouré de jardins somptueux et surtout reposants. Le Conseiller respira un bon bol d’air en se baladant au travers des labyrinthes de fleurs et de buissons taillés. La pression redescendait doucement, il remettait de l’ordre dans ses idées lorsqu’il buta sur quelque chose, ou plutôt quelqu’un.

- Qu’est ce que ?

Le corps inerte étendu au sol, il le reconnu immédiatement : la Conseillère Ishaïa.

- Mince !!

Il se pencha rapidement pour prendre le pouls de la jeune femme. Il tâta le poignet, puis la gorge. Rien si ce n’est du sang, partout sur et autour d’elle.

- A la garde !!!! A la garde !!! Hurla-t-il.

Son cœur se serra, ses mains tremblaient... La Conseillère Ishaïa n’était plus.


Deux mois avant, Masque de Fer se trouvait à l’orphelinat de l’Enfant perdu, un des rares établissements à recueillir les enfants abandonnés et autres orphelins. On l’avait informé qu’il se passait là-bas de drôles de choses et la direction de l’établissement avait demandé de l’aide au Conseil car cela le concernait directement. Dimizar et lui avaient donc fait en sorte que soit rapidement étouffée l’affaire car tous deux avaient ressenti l’intervention d’une forte magie noire. Il prévint donc l’orphelinat qu’une personne envoyée par le Conseil allait bientôt venir.

En soi l’orphelinat était tout à fait banal, un hameau de cinq bâtiments assez vieux et abrités derrière des remparts s'effritant. Masque de Fer fut reçu comme s’il était le sauveur et à la vue de leurs visages l’affaire était grave.

- Messire, merci pour votre assistance !

La dame aux traits tirés ne devait pas avoir dormi de plusieurs jours.

- Ne me remerciez pas, le Conseil est toujours à votre écoute, nous finançons en partie le fonctionnement de votre établissement nous prenons donc soin de ce qu’il s’y passe.

- Merci, ô merci, vraiment.

- Alors, que ce passe-t-il ici ?

- Des enfants ont disparu...

Masque de Fer coupa.

- Mais c’est affreux ! Dit-il avec un ton feint mais très réaliste d’inquiétude.

- Ce n’est pas tout, notre cuisinier aussi n’est plus là et nous avons retrouvé de drôles de symboles dans sa chambre.

La discussion continua jusqu’à la-dite chambre qui était sans dessus dessous. Par terre un symbole en forme de spirale entourée de traits avait été dessiné avec un morceau de charbon. “C’est bien ça” pensa Masque de Fer.

- Regardez, cette marque magique a fait disparaître notre cuisinier !!

“Il faut que je me débarrasse d’elle”.

- S’il vous plaît, à présent je vais officier, il me faut un accès à toutes les pièces et la coopération de tous. Je pense que vos gens doivent avoir besoin de votre soutien.

- Bien sûr, je m’occupe de tout ça.

“C’est ça, bouge”. Une fois Masque de Fer seul il examina mieux la marque de Néhant. Une légère magie en émanait encore. “Ca commence à disparaître !” Ni une ni deux il utilisa un sort de Magie révélée, un sort de Néhant qui lui permettait de voir les liens magiques entre un incantateur et son sort. Ainsi il retrouverait le coupable rapidement. Le fil était mince mais un Néhantiste était spécialisé dans ce genre de magie. Masque de Fer suivit la trace et se retrouva plus tard dans les caves de la bâtisse principale. Derrière un tas de caisses vides, le cuisinier gisait au sol, sans vie. “Je comprends pourquoi le lien s'amenuisait si vite”. En se penchant sur le corps il repéra un autre lien qui disparaissait. “Vite !!” Il repartit dans l’autre sens en marchant rapidement pour ne pas attirer l’attention. Il traversa la grande cour et pénétra dans l’aile réservée au personnel de l’établissement. Il s’en fallut de peu pour que Masque de Fer ne perde le lien. Il entra dans une chambre se passant de politesse. Il n’y avait personne dans cette pièce exiguë. Il y avait une forte odeur de parchemin brûlé et comme un parfum de magie noire. Il ferma la porte sans la faire claquer et entreprit une fouille des affaires qui s’y trouvaient. Il y avait de simples robes noires, quelques livres et des correspondances que Masque de Fer se permit de lire.

“Ma chère apprentie... blablablabla... signé Conseillère Edrianne”. Il relut les lettres et situa mieux la personne à qui il avait à faire. Visiblement cette femme était envoyée là pour contrôler les finances de l’orphelinat et seconder la directrice dans ses fonctions. Il tomba aussi sur des cendres entassées dans une petite urne. Il frotta l’intérieur de l’objet et y découvrit plusieurs symboles de Néhant gravés de façon discrète. “Du gros poisson”. Il remit tout en place et décida de passer à l’action le soir même. En attendant il fallait faire passer la mort du cuisinier pour un accident, puis retrouver les enfants. Resterait à expliquer la marque de Néhant dans la chambre du défunt. Mais pour ça aussi il avait un plan. Le soir tomba rapidement et les choses avaient avancé dans le bon sens. Le cuisinier avait été retrouvé et avait péri dans un tragique accident de caisses instables. Au repas, Masque de Fer passa au crible toutes les personnes présentes et fut étonné de voir qui était la jeune apprentie de la Conseillère Edrianne, une frêle jeune femme très timide. “Elle cache bien son jeu”. Entre temps il avait contacté Dimizar pour le tenir au courant, ce dernier lui avait expressément demandé de ramener la “coupable” au manoir de Zejabel. Ce qu’il ferait le lendemain.

Les petits orphelins dormaient avec la conviction d’être en sécurité en présence d’un membre et d’un enquêteur du Conseil, s’ils connaissaient la vérité, ils seraient en train de fuir à l’heure qu’il est. Masque de Fer se présenta donc à la porte de la “coupable” et toqua.

- Oui ? Répondit une voix très faible. Entrez.

Le Néhantiste entra, puis une fois à l’intérieur il plongea ses yeux dans ceux de la jeune femme. Tous deux ne bougeaient plus comme paralysés par un examen magique mutuel. Masque de Fer tomba face à une âme noire, brûlante d’un feu destructeur. Il ne put tenir plus longtemps, il y avait trop de souffrance en elle. Il sut à qui il avait à faire.

- Vous... Toi... Tu es un...

- Chut !! Interrompit-elle. Tais-toi !

Son attitude n’était pas celle d’une frêle damoiselle, d’ailleurs son physique changea rapidement pour laisser apparaître des formes plus généreuses et un visage à la beauté redoutable.

- Un Néhantiste ! C’est bien ma veine, on peut plus faire des affaires sans se faire déranger ??

- Tu devrais plutôt me remercier, si mon maître et moi n’étions pas intervenus tu serais dans de sales draps. Mais j’y pense, comment t’es-tu retrouvée ici ?

- Je m’en fiche un peu de ton maître, dégage sans plus attendre.

- Ah bon tu crois que je vais te laisser continuer ici ? Tu te goures. Dis moi où sont les gosses, j’espère que tu ne leur as rien fait.

- Oh non, ils sont tellement détestables, ils ne pensent qu’à eux, un vrai délice.

- Tu l’as dit toi même je sers celui que tu sers, il me serait facile de te soumettre ! Dit-il en montant la voix.

La jeune femme se mit à respirer rapidement serrant les poings.

- Très bien, je te suis, dit-elle la mâchoire crispée.

Le lendemain tout revint dans l’ordre. Les enfants furent retrouvés et “lavés” de tout souvenir néfaste. Officiellement un jeu les éloigna de l’orphelinat sans qu’ils ne réussissent à retrouver le chemin du retour. Quand à la jeune apprentie, elle prétexta le départ de Masque de Fer et la fin de sa mission pour repartir. Sans perdre de temps les deux serviteurs de Néhant se rendirent au Manoir où Dimizar attendait à la fois curieux et impatient quand à cette magnifique trouvaille. La jeune femme qui se faisait appeler Haine fut un sujet d’étude passionnant pour les deux néhantistes. La démone avait profité d’un pacte passé par une jeune femme qui n’arrivait pas à s’intégrer dans la société pour s’incarner en elle, car les contrats sont ce qu’ils sont, toujours en défaveur de celui qui les signe. Haine avait répondu favorablement et avait obtenu à la jeune femme un poste plutôt bien placé comme apprentie d’un Conseiller. La contrepartie fut au départ des trous de mémoire, puis de sérieuses absences pour finir sur une disparition de la jeune femme au profit de la démone. Dimizar reconnut que c’était très bien joué de sa part et que rares étaient les démons sortant d’eux-même de la prison dans laquelle ils sont.

Quelques jours plus tard Dimizar monta un nouveau plan qui ébranlerait le monde et permettrait aux néhantistes de prendre doucement, mais sûrement le contrôle d’un organisme au moins aussi important que les nations : le Conseil des guildes. Le néhantiste convia Masque de Fer et leur nouvelle recrue à une petite réunion “de travail”. La pièce avait été aménagée depuis qu’il l’avait redécouverte il y a quelques temps et désormais c’était devenu un immense chaos mêlant laboratoire et bibliothèque. Haine et Masque de Fer trouvèrent Dimizar devant le grand miroir.

- Bien seigneur, cela sera fait selon vos désirs. Avez-vous d’autres recommandations quant à ce plan ?

Il marqua une pose comme s’il écoutait quelque chose et reprit la discussion.

- Je dirais une semaine environ. Pour la suite je pense qu’ils éliront rapidement un remplaçant, mais d’ici là quelques membres seront sous mon contrôle.

Dimizar se retourna face à Masque de Fer et Haine avec un sourire qui ne trahissait pas sa joie.

- Nous allons frapper, frapper fort ! Le Conseil régit la vie des guildes, ces mêmes guildes qui ont mené à l’emprisonnement de Néhant. Il faut prendre le contrôle du Conseil et pour ça vous êtes les deux personnes qui seront les architectes de sa déchéance. Masque de Fer, toi qui a observé les diplomates lors du bal donné en Kastel Draken tu m’as bien dit avoir repéré une personne exprimant une jalousie pour la Conseillère Ishaïa ?

- Oui maître, il s’agit d’Angélique, elle aime Marlok de tout son être et déteste la Conseillère Ishaïa.

- La haine... je la ferais ressurgir, elle prendra le contrôle de son être, dit Haine avec impatience.

- Vous avez compris mon plan, mais je vais vous dire comment cela va se passer. Avant, toi, Masque de Fer, tu vas devenir le confident d’Angélique et la pousser à détester encore plus Ishaïa, qu’elle ait une confiance absolue envers toi. Que tout cela se passe en dehors de la Draconie pour échapper à la surveillance de Dragon. Une fois qu’elle sera prête, nous lui présenterons une de tes fidèles amies, une enchanteresse qui peut faire revenir l’amour. Persuadée qu’Ishaïa n’aime pas Marlok et que ce dernier est aveuglé par un mauvais sort elle signera un contrat avec cette amie.

Haine se réjouissait d’avance, elle comprenait le cheminement de Dimizar.

- Je te dicterai le contrat Haine. Une fois signé il te permettra de prendre l’apparence exacte d’Angélique, personne ne sera capable de voir la différence entre l’originale et toi.

- Mais maître, pourquoi ne pas laisser Angélique tuer Ishaïa ?

- Bonne question. Ishaïa est protégée par des sortilèges qu’Angélique ne sera pas capable de détourner. Or je peux agir sur les démons, je peux faire en sorte que face à Haine, la Conseillère ne soit qu’une petite fille sans défense !

Dimizar se retourna vers le miroir.

- Une fois Ishaïa hors d’état de nuire la voie sera ouverte pour la place d’un nouveau Conseiller, nous allons faire élire une apprentie qui a toujours bien fait son travail et qui a permis la résolution de plusieurs affaires dans un orphelinat. Le vote passera car d’ici là certains membres du Conseil se sentiront obligés. Voilà, il faudra voir tout cela en détails mais les grandes lignes sont là.

Le plan néhantiste s’était déroulé sans aucune anicroche. Angélique et Ishaïa marchaient côte à côte dans les jardins du château du Conseil. Elles avaient discuté de tout et de rien après un échange de politesses.

- Alors ma petite Angélique, quel est donc cette affaire si urgente et si secrète ? J’ose espérer que vous ne m’en voulez plus de ce rapprochement avec votre ami Marlok.

- Non non rassurez-vous, ce dont je veux vous entretenir est de la plus grande importance, je dirais même que c’est capital. Vous êtes la plus à même de résoudre le problème.

- Ma foi, si je peux rendre service dites toujours.

A présent elles étaient à l’endroit souhaité, suffisamment éloigné pour échapper aux regards et où personne ne l’entendrait crier si jamais cela devait se produire. Tout se passa très vite. La fausse Angélique avait caché derrière un éventail une fine dague ensorcelée par les soins de Dimizar. Les deux femmes étaient face à face lorsque Haine fit appel à ses pouvoirs. La dague fila vite et passa entre deux côtes de la Conseillère, au niveau du cœur. Angélique retira la lame et Ishaïa s’écroula, tombant à genoux devant son assassin.

- Avec les compliments de Dimizar.

Ishaïa tenta de prononcer quelques mots alors que celle qu’elle prenait pour Angélique se retournait pour quitter les lieux. Haine mit l’index sur sa bouche.

- Chuuuttt, c’est fini.

La démone lâcha alors un morceau d’étoffe bleue qu’attrapa la Conseillère avant de sombrer vers la mort.


Ainsi périt la Conseillère Ishaïa.


Dernier espoir

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Une secousse ébranla le village. Au loin un pic de glace céda et s’écroula comme un château de carte. Ce n’était pas le premier, il y en avait de plus en plus souvent. Le glacier d'Améthyste mourrait peu à peu. Dans le plus important village des elfes de glace, habitants de cette partie du monde, l’heure était grave et tous s’étaient réunis sur la place centrale. Les femmes pleuraient et les hommes inquiets questionnaient leur prophétesse, une certaine Yilith.

- Qu’allons nous devenir harangua un homme, visiblement un des chasseurs.

- Oui prophétesse ! La glace fond ou se brise, que restera-t-il de notre village et du glacier ? S’exclama un elfe d’une tête plus grand que les autres.

A ce moment-là une autre secousse se fit sentir et la sculpture sacrée” du village se fendit. Cette dernière représentait une créature à l’aspect torturé attachée par une chaîne faite d’améthystes collées les unes aux autres.

Yilith se sentit mal et les autres membres de la communauté crièrent de désespoir.

- Je... Je dois aller voir Nibelle.

- Tu es certaine? Nibelle nous a bien dit qu’il ne fallait jamais aller la voir.

- Ma vérité m’amène au Crépuscule, je dois être certaine de cela.

L’assistance resta médusée par l’affirmation d’Yilith. Le Crépuscule annonçait la fin du glacier d’Améthyste et de leur existence, l’inquiétude déjà grande les submergea. Yilith cessa de leur répondre et s’en alla rapidement, car désormais le temps était compté. Yilith marcha durant deux jours sans s’arrêter, mue par une volonté de fer. Elle faillit périr une bonne dizaine de fois, le glacier était de plus en plus instable. Puis une tempête de neige tomba sur elle comme un chat sur une souris. Heureusement elle ne ressentait de gène que pour les flocons dans ses yeux et le vent qui la ralentissait. Imperturbable elle progressa jusque là où vivait Nibelle, la vieille elfe de glace. Cette dernière lui avait tout appris de l’art de la divination et de la communion spirituelle. Après bien des années elle avait disparu en laissant une lettre à l’attention d’Yilith. Le message ne comportait que quelques mots : “Il est temps pour moi de laisser la place à mon apprentie, je pars à la Faille de l’âme. Je vous interdis de vous approcher de ce lieu maudit.” Tout le monde respecta sa volonté, jusqu’à aujourd’hui.

Enfin elle arriva sur place et elle ne reconnut quasiment pas le lieu qu’elle avait déjà vu il y a bien des années. La Faille s’était transformée en véritable gouffre béant, comme une blessure géante. La prophétesse fit appel à ses pouvoir pour déterminer le meilleur chemin pour descendre, car elle sentait une puissance divine à l'œuvre, une présence familière. Nibelle était là quelque part en bas, peut-être en danger. A cet endroit la glace était dure et se mêlait avec les cristaux d'améthyste, elle ne manqua pas de subir des coupures assez importantes mais qui ne représentaient heureusement aucun danger pour Yilith et ses pouvoirs de soin. Lorsqu’elle finit par arriver au fond de la Faille elle vit un passage qui lui sembla creusé dans la glace. Une autre secousse la décida à se rendre à l’intérieur car autour d’elle des morceaux tombaient, manquant de l’écraser.

Elle alluma une lampe à huile et avança prudemment. Le chemin déboucha sur un escalier taillé dans la glace et de là elle pouvait entendre une personne parler. Yilith sembla reconnaître la voix de celle qu’elle cherchait. Sans hésiter elle s’élança dans l’escalier, enjambant les marches deux à deux pour finalement arriver dans une pièce en forme d’une demie sphère. Là, une vieille elfe des glaces priait à genoux devant une immense porte noire. De sa surface dépassaient six gemmes aux formes et aux couleurs variées. L’une d’entre elles, qui devait être rouge avait cessé de briller et s’était fendue de long en large. Yilith n’était jamais venue jusqu’ici. Elle avança prudemment jusqu’à sa congénère.

- Ne t’approche pas plus mon enfant, assieds-toi, nous devons parler.

La vieille elfe n’avait pas bougé et ses lèvres étaient restées scellées. Elle communiquait mentalement.

- Que se passe-t-il Nibelle ? Pourquoi est-ce que la glace disparaît ? Dit-elle avec rapidité.

- L’impensable, Yilith, il se passe l’impensable. Je n’aurai pas toutes les réponses à tes questions, mais je vais t’éclairer sur cet endroit. Il y a un peu plus d’une vie d’elfe, le monde fut frappé par de sombres évènements, une guerre totale contre Néhant et ses sbires. Ils ravagèrent des régions entières avant qu’ils ne soient stoppés par Eredan et ses Héros. Derrière cette porte est enfermé Amidaraxar le plus puissant des lieutenants de Néhant. Il sommeille ici sous ma surveillance depuis bien longtemps.

- Je connaissais cette histoire de Néhant, mais j’ignorais ce qu’il y avait au plus profond des entrailles du glacier.

- Hélas, jusque-là je drainais les puissances des améthystes et de l’énergie contenue dans les glaces. Mais l’étrange phénomène fait fondre les glaces et je perds peu à peu ma capacité à maintenir cette prison. Amidaraxar se réveille peu à peu, j’ai déjà perdu l’une des pierres qui verrouille cette porte.

- Qu’est ce que je peux faire ? Je peux t’aider à canaliser l’énergie ?

- Je draine déjà ce que je peux. Je crois qu’il va falloir se résoudre à trouver une aide extérieure. Va voir les autres peuples et demande de l’aide, explique leur la situation. Fais vite ! Ne perds pas un instant !

- Je vais t’envoyer les Kyrjas elle t’aideront dans ton fardeau.

Yillith écouta la vieille Nibelle, après une courte escale par son village et avoir expliqué la situation, elle rassembla quelques affaires et se mit en route. Elle n’avait jamais franchi les dents de verre qui servait de frontière entre le glacier, territoire des elfes de glaces, et les grandes étendues de terres froides et désertiques où vivaient quelques humains nomades. Quelle ne fut pas sa surprise en arrivant à cette fameuse frontière. La glace avait fondu et de gros icebergs flottaient entre la terre et le glacier. Les dents de verre, qui étaient en réalité de gigantesques cristaux de quartz dépassaient désormais de l’eau. Elle savait que non loin de là vivait une des nombreuses tribus, elle y alla donc en songeant à cette terrible catastrophe, il fallait faire vite. Mais le village était en pleine effervescence. Le chef qui accueillit Yilith lui expliqua que la région était devenue trop dangereuse, plusieurs des siens étaient morts à la chasse. Alors ils allaient rejoindre un autre village à une journée de marche de là. La prophétesse leur adressa une bénédiction pour que leurs pas soient sûrs et elle se vit offrir une embarcation afin qu’elle puisse accomplir sa tâche. La voilà partie vers le continent à la recherche d’une aide providentielle. Malheureusement pour elle la plupart des peuples qu’elle croisa ne semblaient pas disposer des connaissances suffisantes pour lui répondre. Elle traversa l’Empire de Xzia et son instinct la poussa vers le temple de Yafujima. Elle y fut accueillie par un moine du nom de Toran qui lui donna une piste concernant son histoire.

- Il y a quelques mois une étoile est tombée du ciel a quelques jours d’ici. Depuis le monde est devenu fou. Des guildes s’affrontent pour l’obtenir et de vieilles rancœurs refont surface. Cette pierre semble avoir des pouvoirs qui nous sont inconnus. Peut être que c’est elle qui agit insidieusement ?

- Les renseignements que vous me donnez là sont précieux, je vais aller voir cette pierre et me rendre compte par moi-même.

- Je vous souhaite bonne chance, que les Kamis vous gardent.

- Je ne sais pas ce que sont les Kamis, mais je vous remercie. Dit-elle en s’éloignant.

Elle suivit les indications de Toran et traversa les quelques lieux qui la séparait d’Okia, puis du Tombeau des ancêtres. Elle ressentait depuis quelques lieues la présence de quelque chose ou de quelqu’un, elle entendait comme des paroles ou plutôt des chuchotements comme un doux chant. Plus elle avançait, plus le chant devint clair. Elle vit la pierre tombée du ciel, immense, majestueuse. Plusieurs campements étaient parsemés autour d’elle et il y avait une certaine agitation des occupants. Elle s’approcha de plus en plus, croisant le chemin de gens qui devant ce physique si incroyable s’arrêtèrent. Dans l'insouciance la plus totale, attirée comme une mouche par du miel elle franchit la barrière que nul n’avait encore réussi à franchir et qui entourait la pierre et posa sa main dessus.

Elle sentit son âme s’échapper de son corps et “entrer” dans la pierre. Elle flottait dans un espace sans sol ni ciel, tout était très lumineux. Une forme se matérialisa devant elle, c’était un elfe de glace comme elle à ceci près que ses cheveux étaient blancs, tout comme ses yeux.

- J’ai pris cette apparence pour que vous n’ayez pas peur de moi.

- Je n’avais pas peur. Qu’est-ce que vous êtes ?

- Je suis le Fléau de Guem, envoyé afin de réduire ce monde en poussière.

- Est-ce à cause de vous que le glacier d’Améthyste disparait.

- Peut-être bien, mais cela n’a aucune importance.

- Cela a de l’importance pour moi ! Mon peuple souffre à cause de ça.

- La souffrance ne durera pas, elle laissera la place à votre non existence.

- Et vous croyez qu’on vous laissera faire ?

- Et vous croyez avoir les moyens de résister ? Vous n’êtes rien ! Ceux que j’attendais sont enfin là, bientôt je sortirai de là et je ravagerai ce monde, il ne restera rien.

- Laissez-moi sortir d’ici !

- Je ne peux pas vous laisser partir, vous serez ma première victime.

La lumière s’intensifia puis Yilith ressentit une forte agression, quelque chose d'incroyablement puissant tentait de la détruire. Une lutte débuta, c’était comme si on la brûlait de l’intérieur. Mais malgré cela, la prophétesse résistait du mieux qu’elle le pouvait. Elle se rappela les enseignements de Nibelle et se concentra pour pouvoir s’échapper de ce lieu. Elle se sentit comme expulsée du lieu et elle eut juste le temps d’entendre quelques mots.

- Nooooon tu n'échapperas pas à mon courroux, je te …

Et là elle ouvrit les yeux, haletante et couverte de sueur. Elle recula, puis vacilla et enfin tomba à genou, suffocante.

Le monde courrait un grave danger. Si personne n’était en mesure de stopper le Fléau de Guem, cela signifiait la fin...

Le trésor du Titan

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L’Arc-Kadia avait stoppé sa course au-dessus de l’océan au sud des terres de Guem. Al la Triste tenait fébrilement entre ses mains un porte-parchemin avec l'effigie d'un poulpe. Avec une rare délicatesse elle déroula le parchemin contenu à l’intérieur et parut satisfaite. Les pirates présents autour d'elle avaient les yeux qui brillaient, imaginant déjà l'étendue du trésor de Hic. Bragan récupéra précieusement le dernier morceau de l’invocation d’Artaban. A peine l’eut-il approché des trois autres parties qu’elles se collèrent les unes aux autres pour devenir un seul et même objet.

- Nous y sommes ! Annonça Bragan. Je reconnais pas mal de symboles utilisés il y a longtemps par nous autres pirates. Va me falloir de l’aide, Mylad ! Ardranis !

Les deux jeunes femmes sortirent de la foule et jetèrent un œil sur l’invocation. Après concertation il fut possible de la réaliser sur-le-champ. Al la Triste ordonna donc l’exécution de la chose. Craignant un dérapage potentiel, la plupart du reste de l’équipage, et l'extrême courage le caractérisant, se planqua à l'abri d’éventuels effets magiques. Les mages sous la surveillance d’Al la Triste entamèrent l’invocation à grand coup d’effets visuels n’ayant d’autre utilité que d’en mettre plein la vue à l’assistance. Cela dura à peine quelques minutes qui parurent interminables pour le capitaine de l’Arc-Kadia, le parchemin se consuma lentement. Les cendres s’envolèrent portées par le vent. Chacun guetta les environs pour voir ce qu’il se passait, ce fut le silence total, seuls les moteurs du navires produisaient un léger bruit de fond. Puis le bateau trembla légèrement. Les pirates regardèrent par dessus le bastingage et reculèrent d’un coup lorsque une tour, puis des maisons apparurent à leur niveau. L’Arc-Kadia tombait-il ? Non, c’était bien une petite cité qui venait d'apparaître. Mais le plus intéressant se situait dessous car la cité était sur la tête d’une créature gigantesque faite de terre, de roche et lave.

- Artaban, murmura Al la Triste.

La jeune femme hurla quelques ordres et regagna la barre afin de placer le navire au niveau de la tête du géant. Ce dernier fixa le navire qui pour lui était minuscule. Sa bouche cachée par d’énormes racines bougea lentement, libérant une voix rocailleuse.

- Qui m’appelle ? Dit-il avec lenteur.

Al la Triste posta le navire au plus près des yeux d’Artaban.

- Je suis Al la Triste, c’est moi qui t’ai appelé !

- Que veux-tu Al la Triste ?

- Je cherche le trésor du capitaine Hic, peux-tu nous mener à lui ?

Le géant tourna vers la droite, puis vers la gauche et s’arrêta dans une direction.

- Suis-moi Al la triste !

Le géant se mit en marche, provoquant à chaque pas une secousse sur la terre ferme. Mine de rien, grâce à son gigantisme Artaban progressait vite. Il traversa un bras de mer et se retrouva au milieu de plusieurs îles assez éloignées du continent. La chaleur y était étouffante. Artaban s’arrêta à la limite de l’une d’elles sur laquelle étaient échoués des dizaines et des dizaines de navires. Le géant pointa du doigt la plus grosse des îles de l’archipel.

- Si tu veux le Titan il te faudra te battre, Al la Triste.

“Le Titan avait donc fini sa course ici, au milieu des mers ? Qu’est-ce qui va encore nous tomber dessus ?” Se demanda t-elle.

- Merci à toi Artaban !

Pour réponse, le géant sembla s’enfoncer dans l’eau et en fin de compte seul resta à la surface la cité déserte. L’Arc-Kadia se faufila entre les différentes îles et accéda au centre de l’archipel. Là assis sur une plage de galets il y avait un autre géant, encore plus particulier qu’Artaban. Les pirates se penchèrent pour mieux le voir. Ardranis, la jeune Elfine et ancienne prisonnière de l’équipage n’en croyait pas ses yeux. Elle avait parcouru le monde et elle avait entendu bien des histoire sur ce géant. Elle courut jusqu’au capitaine.

- C’est le géant d’écume capitaine !! Une créature légendaire, quelle chance d’en voir un !

- Non, pas une chance.

Ardranis ne comprit pas la réponse, Al resta silencieuse, scrutant le géant avec attention.

- C’est bien c’que j’pensais ! Regarde, ce truc a plusieurs bateaux incrustés en lui. Le plus gros, là , au milieu, c’est l’Titan !

Effectivement, ceux des plus anciens qui connaissaient la description du Titan le pointaient du doigt. Pour eux cela signifiait qu’ils touchaient au but et que le trésor était à portée de main. Mais avant cela il fallait que l’équipage mérite sa paye car il y avait tout de même un obstacle de taille : le géant d’écume !

Al la Triste s’approcha de lui pour mieux voir, elle espérait aussi que le géant ne réagirait pas à leur présence ce qui simplifierait les choses. Hélas celui-ci leva la tête et voulut écarter le navire comme on écarte une mouche trop curieuse. Le capitaine barra rapidement épargnant à son bateau des problèmes d’intégrité.

- Branle-bas de combat tire-au-flanc ! Canardez-moi ça et faites gaffe au Titan !

Al la Triste sentait l’adrénaline parcourir son corps, il y avait longtemps qu’elle et son équipage n’avaient pas eu un adversaire tel que celui-là et manque de chance son second n’était pas là pour voir ça.

- Bragan !!!

- Quoi !! Hurla le mage qui se tenait au bastingage.

- Vois ce que tu peux faire en magie ! Je sais pas si on va pouvoir le détruire.

Les boulets volèrent et s’écrasèrent contre le géant qui vacilla mais reprit son équilibre. Voyant qu’on l’agressait il se leva pour mieux se défendre contre son agresseur. Le géant n’était pas très rapide, mais sa taille et sa force lui permettaient bien des choses. Il plongea sa main dans les galets et les lança sur l’Arc-Kadia. En temps normal ce n’est pas une poignée de cailloux qui pouvaient poser problème à ce navire qui en avait vu d’autres. Mais là, projetés avec une telle force les galets devinrent des projectiles dévastateurs. Le navire reçu de plein fouet cette attaque et toute la coque avant fut criblée et la figure de proue explosa en milliers de petits bouts. Le géant allait à nouveau répéter l’opération, mais Al la Triste anticipa et contourna le géant dans le tonnerre des canons crachant leur mitraille et les boulets avec toute la rage de l’ingéniosité de Klémence. La jeune pirate avait savamment amélioré ces derniers pour qu’ils soient plus destructeurs. Des morceaux d’écume chutèrent dans l’eau, la fureur du géant s’exacerba. Cette fois-ci ce n’était pas des galets, mais des rochers qui fusèrent sans jamais arriver à toucher le navire. Et heureusement car le moindre rocher aurait pu provoquer de graves avaries. Al la Triste ne lâcha rien et pilotait comme son père lui avait appris : à l’instinct.

Peu à peu les canons cessèrent leur cacophonie. Sur le pont les pirates étaient hors d’haleine. Certains étaient blessés à cause des galets ou simplement parce qu’ils ne s’étaient pas harnachés comme il le fallait. Bragan avait réfléchi au moyen d’immobiliser le géant et avait une solution qu’il exposa au capitaine.

- Faut le faire tomber en arrière avec le harpon en lui saucissonnant les jambes, le temps pour nous de lancer un sort d’immobilisation. Le sort va pas durer longtemps, faudra faire vite, expliqua-t-il.

- C’est parti ! Poukoooooos ! Harponne le géant !

Poukos qui avait parfaitement entendu l’ordre courut jusqu’à la proue et vérifia que le harpon tenait encore malgré la casse. Par chance il était intact. Il fit signe au capitaine qu’il était prêt. Al la Triste fit plonger l’Arc-Kadia dans un craquement de bois et de métal, la manœuvre n’était pas habituelle et demandait beaucoup d’efforts au navire. Poukos tira ! L'embout se ficha profondément dans du corail de la jambe du géant. L’Arc-Kadia fit un premier tour, puis un deuxième, il n’y avait plus à bord un morceau de corde. Armada avait compris la tactique et sur les ordres du capitaine elle alla chercher son nouveau joujou, tout juste fini, le Canon “Fin des Cieux”. Cet énorme conglomérat de tuyaux fuyait de vapeur et émettait des bruits assez peu rassurants. Armada visa le bas l’abdomen du géant et appuya sur la gâchette. Le machin siffla, cliqueta, puis le projectile en sortit dans un “Boum” assourdissant. tout se passa vite, le projectile s’éclata sur le ventre du géant et une multitude d’explosion eut lieu. Le géant ne put résister à la force de "Fin des Cieux" et se retrouva les fesses dans l’eau. Sonné le golem ne bougeait plus. Al la Triste stabilisa l’Arc-Kadia pour passer le relais à Bragan et les autres mages pirates. La glace recouvrit peu à peu le géant, l’immobilisant définitivement.

- C’est bon il bougera plus là, assura Bragan, mais je vais rester là pour maintenir le sort.

- Excellent ! Briscar, à toi l’barre. Approche-nous de cette chose, allons donc fouiller ce fameux Titan !

A bord c’était l'effusion de joie, les chapeaux volèrent.

- Ardranis t’viens avec moi.

Le Titan était en piteux état. Le bois vermoulu craquait à chaque pas d’Al la Triste. Ardranis n’était pas très rassurée le bateau pouvait s’écrouler à n’importe quel moment. Mais ça ne perturbait pas le capitaine qui admirait ce qu’il restait de cet illustre navire qui autrefois fut un valeureux opposant de l’Arc-Kadia. Les deux femmes arpentèrent les couloirs parfois difficiles à franchir et finirent leur parcours dans ce qui devait être la chambre du capitaine Hic. Il y avait un tas de choses cassées parmi lesquelles se cachait un vieux coffre recouvert de rouille. Alors qu’Al la Triste allait poser la main dessus Ardranis intervint.

- Non ! Y a de la magie qui émane de ce coffre.

L’Elfine chercha d’autres traces de magie et trouva dans un tas de métal rouillé une clé qui semblait correspondre. Elle confia sa trouvaille à son capitaine qui entra la clé dans la serrure. Sans aucun problème la clé tourna dans la serrure et après plusieurs claquements le coffre s’entrouvrit légèrement laissant entrevoir un mince fil de lumière. Le cœur d’Al se serra, enfin après tant de temps elle l’avait trouvé. Un bruit sourd se fit entendre, s’amplifiant très vite. Ardranis eut à peine le temps de voir la chose qui lui assena un coup magistral qui la fit voler à travers la pièce, s’écrasant dans des décombres. Le machin qui faisait face à Al la Triste ressemblait vaguement à une créature mécanique humanoïde à laquelle il manquait pas mal de pièces dont le bras droit. Le tout était très grossier mais suffisamment inquiétant pour représenter une menace sérieuse. Bien que fortement rouillée la créature mécanique agissait avec rapidité. Ce fut alors métal contre métal, Al la Triste attrapa le bras de son opposant avec sa main mécanique et le projeta contre un mur. Elle dégaina son pistolame et tira dans ce qui ressemblait vaguement à une tête. *Ping !* La balle ricocha et vint se ficher dans un des murs de bois du Titan. L’adversaire cliquetait de plus belle, le coup porté par Al la Triste avait cassé quelques rouages. Le capitaine para les coups et assenait des coups de poing avec rage.

- Mais t’vas crever raclure de fond de cale !!

La créature mécanique tenait bon, elle avait été construite pour résister et accomplir sa mission jusqu’à temps qu’elle soit désactivée. Ardranis avait rapidement récupéré, elle n’était que légèrement sonnée, s’en sortant avec une blessure à la jambe. La jeune Elfine ne s’avouait pas vaincue facilement. Elle analysa rapidement la situation. Al la Triste maintenait un statu quo avec la créature, mais elle s’épuiserait plus rapidement que la créature mécanique. Elle dégaina son sabre et incanta une attaque magique qui frappa la créature. Profitant de l’opportunité Ardranis enfonça la lame de son épée entre les rouages, provoquant alors une surchauffe. La créature vibra, tremblant comme un innocent rencontrant un pirate. Al la Triste repoussa la créature jusqu’à une des parois, attrapa sa tête et l’arracha alors qu’elle plaçait son pied sur la poitrine de la créature. Le pseudo crâne se détacha facilement et roula ensuite sur le sol. La mécanique s’arrêta et s’immobilisa.

- Bien joué ma p'tite ! Ca c’est d’la bagarre !

Ardranis répondit par un sourire gênée, elle avait toujours été intimidée par cette grande humaine. Le capitaine retourna au sujet principal de sa venue ici : le trésor de Hic. Cette fois rien ne l’empêcha d’ouvrir le coffre. Il était rempli de pièces, de cristaux, de bijoux et autres objets de valeur exceptionnelle ! Mais Al ne se focalisa que sur une seule chose. Au-dessus et bien visible se trouvait un collier dont le médaillon était un petit disque enchâssé d’une pierre bleutée dont émanait une faible lumière. Elle l’attrapa d’une main tremblante et caressa la pierre de sa main de chair. Elle se retourna, plaça le collier dans la poche de sa redingote et repartit vers l’Arc-Kadia.

- Sers-toi Ardranis puis occupe-toi de faire rapatrier le coffre à bord et que Klémence récupère les restes de l’automate. Je sais ce qu’il y a dans le coffre, je sais donc quelle doit être ma part.

Etrangement Al n’avait pas parlé avec son accent habituel.

- Vous allez où ?

- Je retourne à bord, qu’on me dérange pas.

Al la Triste claqua la porte de ses appartements. Elle souffrait de courbatures et la jointure entre son bras mécanique et son corps la faisait souffrir. Elle sortit d’un placard une bouteille d’alcool, celle des grandes occasions. Elle remplit sa choppe et s'affala à table. Le regard dans le vide elle sortit le collier de sa poche pour l’admirer. Elle leva sa chope.

- Père ! Je t’ai retrouvé.

Elle ingurgita la quasi totalité du breuvage, lorsqu’elle eut fini des larmes coulaient abondamment sur son visage. Perdue dans ses souvenirs elle songeait à son père et à sa disparition il y a bien longtemps. Sa rêverie s’acheva lorsque quelqu’un vint tambouriner à sa porte.

- Capitaine ! Capitaine, venez vite !

Elle sécha ses larmes et se leva péniblement. Derrière la porte P'tit mousse avait l’air paniqué.

- Qu’est ce que t’as ?

- On a quelque chose à vous montrer.

Al dévisagea P'tit mousse alors qu’elle le dépassait dans l’étroit couloir. Sur le pont tout l’équipage fixait l’horizon avec inquiétude. L’Arc-Kadia qui avait pris de l’altitude pour échapper au géant d’écume tanguait au rythme des bourrasques de vent. Briscar s’approcha d’Al et lui tendit une longue vue.

- Regardez par là-bas capitaine, dit-il en indiquant une direction.

Grâce à la longue vue améliorée par Klémence elle fut en mesure de voir avec netteté ce qui arrivait vers eux à grande allure. Un énorme navire volant aux voiles noires s’approchait de leur position. Elle l'examina consciencieusement, elle ne reconnut pas ces voiles ni le pavillon noir avec une spirale rougeâtre, mais comprit de qui il s’agissait lorsque le pavillon d’une main squelettique tenant un sabre fut hissé en haut du grand mat.

- Alors capitaine ?

- Alors nous avons de très sérieux problèmes, c’est la Dame noire du capitaine Palpegueuse. Vu sa vitesse, il vient pas nous saluer et on ne pourra pas le semer.

Al la Triste tendit la longue vue à Briscar.

- Tu vas devoir m'seconder mon vieux.

Le visage du pirate se crispa.

- Ne t’en fais pas dit-elle en montrant le collier au vieil homme. Mon père nous accompagne.

Briscar sourit et regarda le reste de l’équipage.

- Branle-bas de combat ! Chacun à son poste ! Klémence prépare Ekrou ! Armada remets les canons en fonction ! Sortez la grand voile !!!!


Noirs destins

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Chapitre 1 - Les éclats de Néhant

Dimizar était planté devant le miroir depuis plusieurs minutes et discutait avec celui qu’il nommait Néhant. Les plans étaient en route et jusque là tout se passait à merveille. Ishaïa n’était plus, créant une diversion durable aux néhantistes. A présent il leur fallait passer à l’étape suivante.

- Dimizar, par-delà les brumes des Confins, le Tombeau s’effrite. La magie faiblit et les démons peuvent à nouveaux sentir le lien.

- Cela veut-il dire qu’il faille que je vienne jusqu’à vous maintenant ?

- Non pas encore. Dis à Mâche l’âme d’aller jusque là-bas, un cadeau qui va changer à jamais le destin de nombreuses personnes attend.

Dimizar hésita, Mâche l’âme à présent soumis à sa volonté était un exécuteur parfait s’en séparer pouvait rendre vulnérable le manoir de Zejabel et surtout il pouvait être vu durant le voyage. Mais il ne pouvait se résoudre à désobéir.

- Très bien il partira dès que possible.

Sur ce, le miroir ne refléta plus que l’apparence normale du néhantiste. Non loin de là Masque de fer avait assisté à la scène avec suspicion, qu’il expliqua ensuite à son maître.

- Dites-moi, pourquoi je ne vois ni n’entend Néhant ?

- Bonne question apprenti néhantiste, peut-être parce que par moment tu doutes de moi ou tout simplement parce que ce miroir m’est lié ? Ironisa Dimizar en quittant le laboratoire.

Mâche l’âme était dans le jardin ou tout du moins ce qui devait ressembler à un jardin et s’amusait à terroriser les serviteurs esclaves du Manoir. Il sentit l'arrivée de son maître et s’arrêta à son approche.

- J’ai besoin de ces gens ! Tu m’en as déjà tué deux, un de plus et je vais me fâcher.

Le démon eut presque l’air triste.

- Tu vas quitter le manoir dès aujourd’hui, je t'envoie par-delà les brumes des Confins auprès de la prison du Maître. Il te dira ensuite quoi faire. Le portail démoniaque sera prêt ce soir.

Mâche l’âme connaissait la signification du portail démoniaque, il risquait son existence en passant par là car durant son transfert il pouvait croiser la route d’un autre démon qui pouvait s’avérer plus fort que lui. Mâche l’âme ne répondit pas.

- Ne serait-ce pas de la peur que je vois ?? Demanda Dimizar amusé. On a peur du gros méchant portail ? Hahaha, les démons m’étonneront tous les jours.

Mâche l’âme se reprit et gronda pour signifier son mécontentement.

- Oui tu as raison, un peu de sérieux. Prépare-toi, j’aurai fini à la tombée de la nuit.

Le soir venu tous les néhantistes présents au manoir s’étaient rassemblés pour voir le portail démoniaque. Celui-ci venait à peine de s’ouvrir formant un vortex noir tournoyant lentement. Il en émanait une puissante énergie néhantique. Mâche l’âme s’avança à reculons visiblement peu enthousiaste par la perspective de traverser cette chose. Hélas pour lui il ne pouvait désobéir sans craindre une réprimande guère différente. Il s’engouffra donc dans le portail, disparaissant aussitôt dans les Méandres.

Mâche l’âme eut l’impression d’être découpé par des centaines de lames, la souffrance même pour un démon était insoutenable. Il criait mais nul son ne sortait de sa gorge et à vrai dire il n’avait pas de gorge car il n’avait plus de corps. Il se sentait aspiré vers un lieu sans pouvoir choisir lui même le chemin à suivre. Il avait déjà oublié les Méandres où lui et ses congénères étaient enfermés depuis des années attendant le moment de la libération. Pour lui se fut une épreuve qui dura une éternité, le calvaire prit fin quand il chuta lourdement à plat ventre sur le sol. Ils se retourna, son corps le faisait souffrir bien qu’aucune blessure n’était apparente. Les douleurs passèrent vite et le démon se releva, regardant où il était arrivé. Ce paysage ressemblait étrangement aux Méandres à ceci prêt le ciel constellé d’étoiles. La terre sèche était fissurée et des blocs s’étaient soulevés. Devant lui majestueuse et tortueuse l’énorme pierre noire dans laquelle Néhant était enfermé depuis la fin de la dernière guerre. Celle-ci lévitait à quelques pas au dessus du sol, elle était retenue par de grosses chaînes plantées au sol par d’autres cristaux, plus petits et de couleurs différentes. Le démon s’approcha, comme attiré par la pierre. Une personne s’approcha de lui, un humain à l’apparence décharnée, claudiquant. Il serrait dans ses bras quelque chose d’emballé dans un linge noir troué. L’humain s’arrêta à la hauteur du démon et lui tendit l’objet.

- Prends, Démon, ceci est le recueil interdit permettant d'appeler Fournaise.

Bien que la bouche et la mâchoire de l’homme gigotaient, il semblait que la voix ne provenait pas de lui, elle résonnait autour de lui. Mâche l’âme sut alors que c’était Néhant qui s’adressait à lui. En signe de soumission il se mit à genoux et accepta le présent.

- Maître vous voilà de retour, libérez-moi de mon lien avec Dimizar je vous en prie.

- NON... je ne suis pas encore prêt, ma prison est encore trop puissante. J’ai encore besoin de ce serviteur tu devras lui être fidèle. Je ne vais pas pouvoir tenir ce corps longtemps j’ai autre chose à te dire. La pierre dans laquelle je suis enfermé s’effrite, libérant des morceaux de cristaux. Prends tout ce que tu pourras et confie-les à Dimizar en lui indiquant qu’ils sont des éclats de ma pierre, il saura quoi en faire.

Sur ce, l’homme s’écroula au sol mourant de soif et de faim. Mâche l’âme ne se priva pas d’un moment de cruauté et brisa la nuque de l’infortuné avant de se mettre à la récolte des éclats. Il en ramassa une bonne dizaine avant de faire le chemin inverse. A nouveau l’impression d’être percé de part en part et de flotter sans le moindre contrôle de la destination. Cette fois Mâche l’âme ressentit la présence d’autres démons. Avaient-ils perçu sa présence ou étaient-ils attirés par le recueil ? Aucun ne put se frayer un passage jusqu’à lui et il échappa à d’autres tourments. Le vortex se referma éparpillant tout ce que le démon portait. Se rappelant les avertissements il se reprit rapidement et s’interposa au milieu des cristaux.

- Ne touchez à rien ! S’exclama-t-il.

Dimizar fixa le recueil interdit avec grand intérêt. Il le reconnut pour en avoir vu une gravure dans un des nombreux grimoires de feu Zejabel.

- Explique-toi Mâche l’âme, qu’est ce que tu nous a ramené, dit-il en ramassant le recueil.

Le démon rassembla les éclats et les posa sur une table en prenant soin de ne pas laisser le moindre petit bout au sol.

- J’ai rencontré le Maître, il nous confie le recueil ainsi que ces cristaux. Il m’a dit de dire que ce sont des éclats de sa prison.

- Quoi tu as vu Néhant !? Demanda Masque de fer emballé par cette perspective.

- Pas étonnant, nous sommes des démons rajouta Ardrakar. Beaucoup d’entre nous l’avons déjà vu à l’époque de son règne.

- Ça suffit ! Coupa Dimizar. Des éclats de la prison ? Des éclats de Néhant ? Voilà qui change la donne. Masque, Ardrakar, allez donc me capturer un guerrier de Tantad, j’ai une expérience à mener. A présent, disposez j’ai à faire.

Chapitre 2 - Expériences

Quelques jours et un prisonnier plus tard il était temps pour Dimizar de faire ses premières expériences avec ces éclats de Néhant. Le guerrier de Tantad se transforma après qu’on lui eut greffé une des pierres démoniaques. Dimizar s’inspira des travaux de Marlok pour construire ce nouveau démon et le résultat fut à la hauteur de ses attentes puisque naquit ainsi Carkasse une créature de plus dans les rangs des troupes de Néhant. Mais Dimizar ne s’arrêta pas là et si ce premier test s’avouait concluant il souhaita passer à une autre expérience. Il était tombé par hasard sur un livre parlant de la Théurgie et des envoyés des dieux. Il convoqua Mâche l’âme et Ardrakar.

- Nous allons faire un petit voyage mes amis. Nous partons dans le lointain désert.

- Qu’allons nous faire  ? interrogea Ardrakar.

- Mes espions m’ont informé que des gens du désert sont arrivés à la pierre tombée du ciel. Leurs pouvoirs sont très différents de ce que je connais. J’aimerais voir ce que donnerait un éclat sur ce genre de personne.

- Un peu d’action ! S’exclama Mâche l’âme. Et cette fois pas de portail démoniaque !

Un sourire sadique apparut sur le visage de Dimizar.

- Tu te trompes, tu vas partir en éclaireur pour rejoindre un groupe de rebelles. Le désert d’émeraude est grand, autant chercher une aiguille dans une meule de foin. Cependant eux le connaissent bien et ils sont capables de trouver ce que nous cherchons.

Bien que le visage du démon était figé à jamais à cause de son visage immuable on pouvait sentir un désarroi immense émaner de lui.

- Je préférais presque les Méandres, siffla le démon.

- Ca peut s’arranger si tu préfères retourner dans ta prison, je suis sur que tes petits camarades te réserverons un très bon accueil.

- Très bien, inutile de me menacer. Il sera fait selon vos ordres.

- Bien laisse nous j’ai encore quelques mots à dire à Ardrakar.

Mâche l’âme quitta le bureau de son maître en marmonnant des insultes bien senties.

- Ne risquez vous pas d’avoir des problème avec ce démon seigneur ?

- Tu n’es pas totalement un démon et tu ne les connais pas assez encore, mais il est dans leur nature de toujours agir ainsi lorsqu’on leur donne un ordre, c’est très théâtral et c’est une façon pour un démon de sauver les apparences.

- Effectivement ça m’échappe totalement ce genre de chose. Que puis-je faire pour toi Dimizar ?

- Nous allons affronter un force importante, j’aimerais que tu fasses appel à Chimère noire. Nous ne sommes pas liés tous les deux, tu es venue de ton propre chef.

Ardrakar eut l’air satisfaite.

- Avec plaisir, je peux la faire venir quand je le désire, c’est là le cadeau que m’a fait Néhant.

- Alors préparons-nous.

Le voyage se fit à pied, puis en bateau jusqu’à la côte de Turquoise. Sur la plage les rebelles avaient monté un camp de tentes typiques de cette peuplade. Du départ du manoir jusque-là il s’était écoulé deux semaines ce qui permit à Mâche l’âme d’accomplir sa tâche. Les hommes du désert vinrent à la rencontre du néhantiste. Pour une fois il n’aurait pas à les soumettre à sa volonté, leur haine envers l’autorité et la vue d’une bonne somme d’argent lui assurait une bonne fidélité de leur part. Leur chef un homme de grande stature au regard vert accueillit les arrivants avec chaleur et les invita à prendre place autour d’un thé.

- Soyez les bienvenus mes amis, nous avons trouvé un de ces chiens priant le dieu soleil. J’ai des hommes qui le suivent en toute discrétion.

Un jeune servant servit le thé à la menthe bouillant.

- Vous savez, nous serions pas contre un peu d’aide afin de reprendre nos anciennes cités.

- Chaque chose en son temps, répondit Dimizar en acceptant le thé. Mais nous y penserons le moment venu.

Le silence se fit le temps de la dégustation. Dehors Mâche l’âme surveillait les environs, comme beaucoup des siens il ne craignait pas la chaleur qui en cette journée était particulièrement torride. Seules les ombres des cristaux d’émeraude apportaient un semblant de fraicheur. Le démon caressa la surface de l’un d’eux entraînant une légère modification de sa couleur.

- Trop de lumière ici.

Dimizar discuta de diverses choses et apprit entre autres que la plupart des membres de la guilde connue sous le nom de Nomades du désert avait quitté le royaume pour se rendre à la pierre tombée du ciel. Cela représentait beaucoup pour les rebelles car sans l’appui de cette guilde l’armée de Mineptra s’en trouvait moins impressionnante. Une nouvelle opportunité pour les néhantistes ? Pas pour le moment car Dimizar avait d’autres choses en tête à l’heure actuelle.

Le soir arriva, sonnant le début de la traque pour la petite troupe. La nuit, le désert reprenait vie. Les créatures sortaient de leur tanière et les plantes déployaient leurs feuilles pour capturer toute l’humidité possible. C’était le meilleur moment pour les déplacements dans le désert. Ils progressèrent rapidement jusqu’à un semblant de route.

- C’est la route qui mène à la porte du désert. Celui qui nous intéresse devrait arriver au levé du soleil. Nous pensons qu’il part rejoindre les siens, raconta un éclaireur. Cachons-nous.

- Ecoutez-moi, le but n’est pas de le tuer, je le veux en vie et entier. Ordonna Dimizar.

Et effectivement, alors que le soleil dépassait légèrement à l’horizon, un homme marchait vers eux. Il ne portait pas grand chose à part un pagne et des ornements. Il marchait en ne regardant que devant lui comme si sa conscience était ailleurs. Au moment où il passa devant eux, Mâche l’âme bondit à sa rencontre, rugissant de toute la frustration ressentie ces dernières semaines. Tsheptès ne se fit pas surprendre et esquiva la créature sans gros effort. Ardrakar s’élança à son tour, Chimère noire apparut par magie dans ses mains et asséna un coup magistral à son ennemi du plat de son épée. Celui-ci valdingua plus loin.

- Infidèles ! Hurla-t-il en se relevant, je vais vous détruire !!

Une aura flamboyante jaune apparut autour de lui et un rayon partit de ses mains en direction d’Ardrakar qui ne put l’éviter. L’ancienne chevalier dragon hurla de douleur mais ce ne fut pas suffisant pour la neutraliser. De son côté Dimizar en haut de la dune incanta de sombres sortilèges, hélas pour lui cette créature n’avait pas de pierre-coeur et semblait échapper à sa volonté. Il sentit qu’à l’intérieur de ce corps ce n’était pas l’esprit d’un humain, mais autre chose. Mais il avait bien d’autres tours dans son sac. Le combat s'accéléra et leur adversaire fut plus puissant que supposé. Il émanait de lui un réel pouvoir de destruction. Ardrakar était blessée, Mâche l’âme n’arrivait pas à toucher son adversaire. Enfin Dimizar cessa son incantation et le sort fusa, une lueur noire entoura Tsheptès et étouffa littéralement l’aura jaune, l’immobilisant totalement.

- Tu as un lien invisible n’est-ce pas créature du soleil ?

Ardrakar frappa sa tête du plat de son épée, il tomba alors inconscient.

- Attachez-lui les mains et emportez-le, nous repartons immédiatement.

Retour au manoir. Tsheptès était enchaîné par des lanières brûlantes qui perçaient le sol de la caverne. Il ne pouvait plus faire appel à Sol’ra car ici il ne ressentait plus sa présence. Pour la première fois de son existence il ressentait la peur, il ne comprenait pas ce que lui voulaient ces infidèles. Pourquoi ne l’avait-il pas tué ? Pourquoi le garder prisonnier ?

La réponse ne se fit pas attendre. Seul, Dimizar se présenta devant lui avec dans une main un des éclats de Néhant.

- A présent, Solarian, il est l’heure pour toi de comprendre que ta ferveur ne te sauvera pas de la volonté de mon maître.

Les yeux du néhantiste devinrent rouges en même temps qu’une aura rouge se propagea autour de l’éclat. Tsheptès tenta de se libérer de ses liens mais rien n’y fit, au contraire ceux-ci se resserrèrent et le tirèrent vers l’arrière. Dimizar, d’un geste violent enfonça profondément l’éclat dans la poitrine du prisonnier. La douleur qu’il ressentit n’était pas seulement physique, c’est l’essence même de sa nature qui était attaquée. C’était comme si un venin se répandait en lui, sa volonté vacilla, il se sentit devenir quelqu’un d’autre...

Ses liens disparurent alors qu’il se tordait de douleur. L’éclat s’incrusta profondément, il ne resta plus que l’autre extrémité visible au milieu de son plexus.

- Mais.. Que… m’avez-vous... fait ?

- Je t’ai offert une nouvelle vie. Je t’ai offert une pierre-coeur qui va faire de toi autre chose.

A présent l’énergie magique de Néhant se répandait partout en lui modifiant sa nature de Solarian, il se transformait intérieurement.

- Qui es-tu ? Demanda Dimizar.

- Je... Tsheptès ! répondit-il.

La réponse ne fut pas satisfaisante, il reposa la question en insistant plus.

- Qui es-tu !?

- Tsept... ès...

Dimizar l’attrapa par la gorge et le fixa dans les yeux.

- QUI ES-TU !??

- Je... Je suis le... Déchu.

Dimizar relâcha l’infortuné et le laissa finir sa transformation.


Chamanisme

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Ydiane zigzaguait entre les arbustes chétifs jetant de temps à autre un coup d’œil derrière elle, vérifiant de ne pas être suivie par un quelconque envahisseur nomade. Voilà plusieurs jours que la jeune femme surveillait l’activité des gens venus du désert et de la progression de la “pourriture”. Le Kei’zan avait fait en sorte que tous les membres de la Cœur de sève ainsi que leurs alliés d’autres guildes puissent voir l’invisible. Ce matin un évènement important l’alerta. Le sol se craquelait de partout autour de la pierre et des morceaux commencaient à s’élever doucement. Elle perçut là un danger imminent et se mit à courir en direction de la forêt Eltarite.

Elle arriva le soir même, exténuée et fatiguée. Marque-rouge qui gardait le campement alla à sa rencontre, regardant si nul ennemi ne s’approchait.Elle tomba à genou.

- Respire, t’es arrivée Ydiane. Pourquoi courrais-tu ainsi.

- C’est, c’est incroyable. Dit-elle haletante. La terre autour de la pierre tombée du ciel, elle se désagrège !

Parlesprit s’inclina au dessus d’elle en inclinant la tête.

- Puis-je voir ce que tu as vu je te prie.

- Oui, oui.

Le Daïs concentra sa magie et perça la barrière psychique d’Ydiane, capturant ses souvenirs il vit à son tour les désastres provoqués par les Nomades. Il partagea mentalement cette information avec les autres Daïs présents dans la forêt Eltarite. Le Kei-Zan qui n’était pas dans le camp avec les autres répondit de suite.

- Mon frère, ceci est un atteinte à Guem, nous ne pouvons plus rester inactif face à cela. Que la Cœur de Sève rejoigne la clairière des esprits, je vous y retrouverai, le temps de prévenir les chefs de clan.

- Très bien, nous nous mettons en route.

Parlesprit laissa Ydiane se reposer, le temps pour lui d’expliquer la situation à ceux de leurs alliés qui étaient restés ici.

- Je me dois de vous avertir que la situation se dégrade rapidement. Les Nomades s’attaquent à présent à la terre en elle-même. La Cœur de Sève doit se réunir d’urgence au plus profond de la forêt. Hélas nul étranger ne peut fouler ce lieu. Je vous engage à chercher des solutions de votre côté.

- Je vais rester ici pour vous attendre et attendre les nouvelles des Envoyés de Noz’Dingard, dit Alishk qui n’avait rien raté de la discussion.

- Merci Draconien.

- Revenez-nous avec de bonnes nouvelles, c’est tout ce qui importe, commenta Sangrépée qui décidément se plaisait bien ici.

Parlesprit se tourna vers les siens.

- A présent Cœur de Sève en route.

En quelques minutes le campement se vida des Eltarites et autres bêtes composant cette guilde.

De son côté, le Kei’zan concentrait ses efforts à analyser la situation le plus précisément possible. Hélas après plusieurs jours de recherches et de réflexions il s’avouait incapable de comprendre comment contrer ces Nomades. Il y avait bien ce rituel créé par les Draconiens qui donnait quelques pistes. Il comprit par exemple que leurs pouvoirs leurs étaient accordés par leurs dieux et que créer une barrière entre les deux parties était une solution envisageable mais extrêmement coûteuse en magie. Il se rappela alors des croyances ancestrales de son peuple. Alors que l’Arbre-monde était majestueux et fort, les Hom’chaï et les Elfines seraient venus d’un lieu très lointain, si lointain qu’il est supposé être ailleurs que sur Guem. Le raisonnement qu’il eut ne fut motivé que par un pessimisme important vu les derniers évènements et son instinct. Le Grêlé était parti depuis plusieurs semaines et il n’avait plus aucune nouvelle de lui indiquant un échec probable de l’expédition des Confins. Cet état d’esprit ne lui était pas venu depuis l’explosion de l’Arbre-Monde. Et si en fin de compte tout cela n’était que le signe que le temps de leur présence sur les terres de Guem était fini ? Le Kei’zan tenait fermement la gemme verte, graine de celui qui l’enfanta, à l’intérieur une petite racine y était figée.

“Je ne peux pas te redonner vie sur cette terre qui risque de mourir,” pensa-t-il.

Il lui fallait en savoir plus sur l’histoire des Hom’chaï et des Elfines il entreprit de gagner la clairière des esprits, lieu où vivait la tribu des gardiens des totems. Celle-ci avait une particularité importante, elle était composée en grande majorité d’Hom’Chaï non pas par choix mais simplement car elle rassemblait les valeureux chamans, Hom’chaï capables de parler aux esprits.

A peine arrivait-il dans la clairière, qui depuis le temps était devenu un village florissant au milieu de la forêt, qu’il fut aussitôt accueillit par celui qu’il était venu voir, Parleroche.

- Entre Kei’zan, laisse de côté tes doutes et tes craintes et ouvre ton esprit. Dit-il en le conviant à passer l’entrée du village où deux totems de part et d’autre de la route indiquaient aux voyageurs que la route finissait là.

Il y avait dans ce village des odeurs de plantes aux senteurs incroyables. Le Daïs fut impressionné quand à la présence importante de magie ambiante, ici il se sentait en paix. Parleroche ne prononça pas un mot jusqu’à ce qu’ils aient parcouru tout le village et se retrouva sur une colline surplombant les lieux. L’Hom’chaï s’affala dans l’herbe grasse et paisible.

- Voilà longtemps que nous ne nous sommes pas vu Kei’zan.

- C’est vrai, mais le temps est venu pour moi de décider ce que va être l’avenir des Eltarites. Que peux-tu me dire de l’origine des Hom’chaï et des Elfine ?

Parleroche sortit un bol de pierre d’un sac en peau et y versa quelque plantes avant de créer quelques flammes pour les brûler.

- Ce que je vais te raconter est ce que nous nous transmettons entre gardiens des esprits depuis toujours. Je ne prétends pas que cela soit la vérité car il est probable qu’au long des âges, la vérité soit devenue légende. Nul à part les nôtres ne connaissent cette histoire car elle reste pour nous synonyme de honte et d’un passé désormais trop lointain.

La fumée s'échappant du bol s’enroula et prit l’apparence d’un serpent, tournant autour des deux Eltarites.

- Il y eu jadis une civilisation qui domina les terres de Guem. C’était bien avant l’apparition des hommes, bien avant la grande Érosion. Ce peuple farouche et cruel asservit les autres avec facilité, détruisant de fabuleuses cités, annihilant des civilisations entières. On les appelaient Eltarites, ce qui donna le nom de notre civilisation regroupant Hom’chaï, Elfine et Daïs. Nul ne sait vraiment à quoi ressemblaient ces créatures. Il ne restait plus qu’un obstacle à leur suprématie, les Daïs.

La fumée s’entortilla de plus en plus et prit alors une apparence en fonction de se que racontait Parleroche.

- Ces Eltarites entreprirent la conquête de la forêt et une guerre sauvage éclata entre les deux peuples. Cela scella le sort de cette civilisation. L’Arbre-Monde de sa toute puissance les a alors punit. Il les sépara en deux créatures distinctes, les Hom’chaï et les Elfines. Tout changea. Désormais ces créatures vivraient dans la forêt, oubliant peu à peu leur passé de conquérant. Il y a beaucoup de manque dans cette histoire, mais de là découle ce que nous sommes. Chaque Hom’chaï à quelque part un ou une Elfine qui le complètent, souvenir de ce que nous étions. Nous sommes sûrs que nous pourrons un jour retrouver notre unité et que pour cela il faut tirer les enseignements du passé. Mais tout cela n’est qu’une légende.

Le Kei’zan n’avait jamais entendu parler de cette histoire et en fut très étonné, lui qui dirigeait les Eltarites depuis bien longtemps.

- Je comprend mieux certains faits, les autres Daïs m’ont-ils caché cette histoire délibérément ?

- Non Kei’zan, pour éviter tout problème quand à notre intégration, l’Arbre-Monde a fait en sorte que les Daïs oublient le passé pour se focaliser sur l’avenir.

- Si l’Arbre-Monde a fait cela pourquoi m’en parles-tu aujourd’hui, risquant le réveil de ce souvenir ?

- Parce que c’est le moment.

- Et ces Eltarites là, venaient-ils d’ailleurs ?

- Je ne sais pas, mais il doit rester quelques part dans les terres de Guem des restes de ce que nous étions et notre passé.

- J’espérais une autre réponse, de ce que j’avais entendu les Hom’chaï seraient venus d’un autre lieu que les terres de Guem.

- Hélas Kei’zan je n’ai que ces réponses à te donner, dit Parleroche en retournant le bol pour étouffer le feu.

- Dans ce cas nous sommes perdus, les envahisseurs venus du désert vont briser les terres de Guem et pour nous ce sera la fin...

A ce moment là Parlesprit s’adressa à lui et lui conta les derniers évènements. Pour le Kei’zan il ne restait plus qu’une chose à faire en tirant les leçons du récit de Parleroche.

- Mon frère, ceci est un atteinte à Guem, nous ne pouvons plus rester inactif face à cela. Que la Cœur de Sève rejoigne la clairière des esprits, je vous y retrouverais, le temps de prévenir les chefs de clan.

- Que comptes-tu faire Kei’zan ? - Des bouleversements ont déjà lieu. Autrefois l’Arbre-Monde a arrêté l’inarrêtable, à nous de nous montrer digne de son héritage. Pour vous Hom’chaï et Elfine, il est temps de lutter pour atteindre ce que vous cherchez : l’unité. Je ne dis pas que ça sera facile ni que ça sera rapide, bien au contraire, mais nous sommes au tournant d’un aube nouvelle pour les terres de Guem.

Parleroche eut l’air satisfait de la réponse.

- Je vais écouter les esprits et délier leurs langues.

Alors que le Kei’zan convoquait un à un les différents chefs des tribus Eltarites, Parleroche lui se rendait sur le lieu qu’il préférait. A l’écart de la clairière des esprits se trouvait un lieu mystique hors du temps où seuls les chamans avaient l’autorisation de se rendre. Sous le ciel étoilé d’une nuit sans nuage, plusieurs totems gravés de symboles tribaux brillaient doucement signe de la présence d’esprits. L’Hom’chaï posa la main sur le premier d’entre eux.

- Piar, oiseau esprit du totem qui voit tout, entend mes paroles.

A ce moment là, les lumières s’intensifièrent et apparut perché au sommet du totem une oiseau bleu-nuit. Parleroche alla faire de même au totem juste à côté.

- Akem, félin esprit du totem guerrier, entend mes mes paroles.

De même le totem s'illumina et apparut un félin à dent de sabre, lui aussi de couleur bleu-nuit. Il termina par le troisième totem.

- Ghalagi, lézard esprit du totem mystique, entend mes paroles.

Alors un lézard à la peau bleu apparut à son tour sur le haut de l’antique sculpture.

- Nous entendons tes paroles chaman. Mais avant de continuer sache que le monde des esprits est perturbé nous subissons ce que subit les terres de Guem, expliqua Ghalagi avec une voix triste.

- Dans ce cas vous serez d’accord pour intervenir sur le destin de notre monde.

- Nous n’aurions pas répondu si c’était pas le cas ! Rugit Akem.

- Et toi Akem, que vois-tu dans notre avenir, retrouverons nous l’unité ? Les envahisseurs remporteront-ils la guerre ? Interrogea Parleroche avec inquiétude.

- L’avenir n’est pas figé il est dans un mouvement perpétuel, une chose est certaine les bouleversements vont avoir lieu, annonça Piar.

- Une guerre est inévitable, mais nous seront prêts, vous serez prêts !! Hurla Akem.

- Le Kei’zan est l’une des clés de l’histoire Parleroche. Il devra faire un choix important pour son peuple. Transmet-lui ce message, rien n’est perdu, tout peu recommencer. Dis-le lui.

A ce moment les esprits s'effacèrent par magie, regagnant leur monde invisible. Parleroche était troublé. Qu’allait-il se passer sur les terres de Guem pour que les esprits d’habitude si énigmatiques et détachés répondent ainsi ?

Parleroche s’en retourna au village et alla transmettre immédiatement le message des esprits à son destinataire. Le Kei’zan ne put s’empêcher de pense à la graine de l’Arbre-Monde, il avait tout essayé pour la faire germer mais rien n’y avait fait.

“Que faire ?” se demanda-t-il.

A travers le désert

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Mouktar avait passé plusieurs jours à voyager dans le désert. Le message qu’il apportait était d’une importance capitale et il ne s’était arrêté que pour se reposer quelques heures lorsque nécessaire. Enfin il passa les deux gardes de sable de la grande porte de Mineptha capitale du royaume des sables. S’excusant auprès de la population il poussa sa monture jusqu’au palais royal. Ce dernier était le cœur de la cité. Les immenses statues des rois passés regardaient, figées pour l’éternité, le peuple qui était leur autrefois. Mouktar tomba à genoux devant un garde, soufflant comme un bœuf.

- J’apporte... un message très important en provenance d’Aksenoun. S’il vous plait dites au fils du Soleil que son serviteur qui entend et voit pour lui est là, dit-il au rythme des fortes respirations.

Le garde examina le badaud avec dédain.

- Qu’est-ce qui te fait penser que le dieu du désert voudra bien te recevoir ? Allez, dégage et qu’on te revoit plus.

Mouktar se releva et plongea ses yeux dans ceux du garde.

- Sais-tu ce qu’il en coute à ceux qui se dressent devant le scorpion blanc de Selik ?

Le nom parut provoquer une prise de conscience. Le garde observa mieux son interlocuteur et remarqua le morceau de tatouage qui dépassait de son bras, deux pinces d’un scorpion blanc, la marque des espions du roi. Immédiatement le garde attrapa Mouktar par le bras et le fit avancer par la porte du palais.

- Excusez-moi, il est très rare de voir des gens comme vous. Je vous conduis à la salle d’audience du dieu du désert.

- Ne vous inquiétez pas cette histoire restera entre nous.

Un peu plus tard Mouktar se rassasiait un peu avec quelques dattes et son outre d’eau lorsque les portes de la salle s’ouvrirent avec fracas.Apparut un homme jeune à la beauté ravageuse. Chacun de ses bijoux était une œuvre d’art et n’était pas porté au hasard, formant une harmonie avec le reste de son physique. Mouktar reconnut immédiatement le prince Metchaf, héritier de la couronne du royaume des sables. Il posa ce qu’il tenait et s'aplatit au sol comme le demandait le protocole en présence d’une personne aussi illustre. Le prince alla jusqu’aux trônes où il s’assit à la place de son père.

- Je t’écoute fidèle de Selik, tu viens d’Aksenoun n’est-ce pas ?

Relevant la tête mais restant à genoux Mouktar prit la parole.

- Je viens bien d’Aksenoun. J’apporte de bien mauvaises nouvelles fils du dieu du désert.

Le prince eut l’air anxieux, il y avait à Aksenoun celle qui faisait battre son cœur et qui plus tard deviendrait la reine du désert. Mouktar reprit.

- Les rebelles ont investi la ville d’Aksenoun et ont noué des contacts avec des politiciens importants. Il apparaît que le jugement de l’Aïf Salah Mehdir n’est plus aussi dévoué à sa majesté. Les rebelles, profitant du départ des Nomades pour des terres lointaines, se sont renforcés. Leurs rangs se voient gonflés de nouveaux partisans et de nouveaux alliés sont apparus.

- Je sais les informations des fidèles de Selik fiables, mais as-tu des preuves de ce que tu avances ?

Mouktar attrapa sa besace et en sortit des vêtements ensanglantés.

- J’ai intercepté un messager rebelle partant d’Aksenoun et qui comptait se rendre à Sefka pour négocier des conditions de rébellion de la ville.

- Le fou ! Coupa le prince.

- Voyez par vous même.

Mouktar renversa sur le sol divers objets d’or et en apporta un au pied du trône avant de s’en éloigner. Le Prince se pencha et au moment où il reconnut l’objet il explosa.

- QUOI ! Comment se permet-il d’offrir des bijoux offert par mon père à ces chiens !!?? Que fait le prêtre de Sol’ra d’Aksenoun est-il incapable de voir cela ??

- Je crains, prince, qu’il ne soit enfermé dans son temple de peur d’un assassinat.

Le prince s’approcha de Mouktar.

- Tu as bien servi tes maîtres, je te laisse les autres objets pour les scorpions blancs de Selik. A présent j’ai à parler avec mon père.

Le voyageur ne se fit pas prier pour repartir vite emportant son butin.

Metchaf ne tarda pas à rapporter ces nouvelles à son père. Il retrouva le roi du désert dans les jardins du palais. Il y faisait humide et bon, les palmiers apportaient de l’ombre et le bassin d’eau était recouvert de plantes d’eau. Le roi du désert était installé sur un banc, caressant l’un de ses nombreux chats au pelage incroyable.

- Tes pas sont bien pressés, fils ?

- Ils le sont père. Un scorpion blanc de Selik vient d’arriver. Aksenoun est en proie à la rébellion et à la remise en cause de votre autorité.

- Un scorpion blanc ? Aksenoun se rebelle ? Je vois. Alors fils que vas-tu faire pour sauver cette situation qui semble préoccupante ?

Metchaf comprit à cet instant que son père le mettait à l’épreuve. Le temps de venir jusqu’aux jardins il avait eu le temps d'échafauder quelques plans.

- Il est important d’être ferme, mais l’absence des Nomades est un frein à notre puissance. De même, envoyer l’armée risquerait de provoquer des pertes inutiles. Je crois l’Aïf d’Aksenoun influençable je crois que sa foi en Sol’ra et donc en vous père n’est plus assez forte.

- Et que comptes-tu faire pour renforcer sa foi ?

- Il va me falloir Shrikan ! Répondit fermement le prince.

- Shrikan ? Cela fait longtemps que nous n’avons pas fait appel à lui.

- Oui père, mais il va me servir de faire-valoir pour montrer à tous ceux qui doutent en vous qu’il n’y a que deux issues pour eux : la mort ou la fidélité.

- Ainsi en as-tu décidé. Prends garde à toi, bien que Shrikan soit un moyen d’arriver à tes fins, les rebelles ne l’entendrons pas ainsi, je ne tiens pas à te perdre.

- Mais père Sol’ra guide mes pas et ma main, il ne peut rien m’arriver !

Le roi du désert posa sa main sur l’épaule de son fils.

- Va et fait honneur à ton rang et à ton sang.

Le lendemain, le prince Metchaf alla au temple de Sol’ra de Minepthra où il fut reçu “en grandes pompes” par les prêtres. Celui qui assurait le commandement en lieu et place de Ïolmarek invita le prince à la prière matinale. Ce dernier accepta bien volontiers, montrant ainsi que la famille royale était toujours impliquée dans la vie religieuse du désert.

Une fois fini le prince demanda à Okthan de le suivre dans un endroit plus isolé.

- Prince, puis-je vous être utile en quoi que ce soit ? Demanda le prêtre.

- Par ordre du fils de Sol’ra, roi du désert, Shrikan doit m'être remis en l’instant.

- Shri.. Shrikan ?? Seigneur, il y a une punition de dictée par le fils de Sol’ra ?

- Oui, amène-moi jusqu’à lui.

Le prêtre ne posa pas d’autres questions car il n’avait pas le droit de discuter les ordres de la famille royale. Il se contenta donc de conduire le prince où il voulait. Il s’enfoncèrent là où la lumière du jour n’éclairait plus et seules les flammes de quelques torches indiquaient le chemin à suivre. Cette partie du temple était réservée aux secrets et à ce que les prêtres ne souhaitaient pas voir à la portée de tous. Okthan marcha lentement pour ne pas perdre le Prince dans ce dédale, il s’arrêta devant un porche. De l’autre côté il n’y avait que les ténèbres. Metchaf ressentait comme un malaise indicible.

- Pour éviter le moindre problème nous l’avons enfermé loin des rayons de Sol’ra, argumenta le prêtre.

- Bien, mais faites vite, je ne tiens pas à rester ici.

Okthan avança dans la noirceur et alluma une à une les torches d’une petite salle. Au milieu de celle-ci, posée sur une stèle se trouvait une jarre blanche peinte d’un symbole de Sol’ra, un soleil d’or stylisé.

- Voilà Shrikan, prince.

Metchaf tourna autour de la jarre l’air circonspect.

- Alors c’est ça Shrikan ? Il ne m’a pas l’air aussi dangereux que sa réputation le prétend.

- Les apparences sont trompeuses mon prince, et ce n’est pas l’extérieur qu’il faut juger, mais l’intérieur. Je vais vous montrer. SHRIKAN ! Réveille-toi et viens rendre hommage au fils du roi du désert !

La jarre se mit alors à vibrer, une fumée ocre s’en échappa lentement en tourbillonnant. L’ensemble prit la forme d’un génie, une créature dont parle les légendes.

- Un djinn ! S’exclama le prince.

- Djinn ?? Où vois-tu un djinn jeune prince ? Je suis Shrikan et comme toi je suis un Solarian !

- Ah ? Je suis un Solarian ?? Interrogea Metchaf avec étonnement.

- Ceci est une longue histoire mon prince, répondit Okthan.

- Oui prêtre raconte-lui comment j’ai été enfermé dans cette jarre ! Comment moi créature de Sol’ra on m’a sorti du corps de mon élu ! Dit-il avec colère.

- Tu auras tout le temps de me raconter ça durant le voyage jusqu’à Aksenoun, Shrikan, mais sache que ton histoire m’intéresse, ainsi que tout ce qui touche aux Solarians.

- Shrikan, je t’ordonne de retourner dans ta jarre ! s’exclama Okthan.

Immédiatement et dans un processus inverse, Shrikan se retrouva de nouveau dans sa prison.

- Il vous écoutera car il ne peut en être autrement. Il est important de garder à l’esprit qu’il doit être retenu par cette ancre physique, même s’il vous supplie, ne lui accordez pas sa liberté.

Le prince n’écouta que d’une oreille les recommandations, il s’empara de la jarre et quitta le temple sans délais.

La traversée du désert fut l’occasion pour les deux compagnons d’en apprendre plus l’un sur l’autre. Le prince prit connaissance de l’histoire, plutôt tragique de Shrikan. Il fut durant les guerres de religions un guerrier divin se battant pour la suprématie de la déité. Hélas au cours d’une bataille il s’est retrouvé face à l’incarnation d’Hadjib, le dieu des créatures terrestres. Ce dernier sépara le corps de celui qu’avait choisi Shrikan, de sa forme originelle telle qu’il est aujourd’hui. L’incarnation l’emprisonna dans une jarre, le condamnant à la servitude. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais Shrikan, sous les ordres de l'incarnation dut combattre les partisans de Sol’ra et ce jusqu’à la défaite des polythéistes.

- Et pourquoi ne faut-il pas te libérer ? Demanda le prince à la faveur du campement d’un soir.

- Si on me libérait je risquerais de ne plus me contrôler. Nous avons besoin d’un corps pour nous retenir. La jarre me retient, du moins pour le moment.

- Tu dis aussi que je suis un Solarian, pourtant je ne ressens rien par rapport à l’habitude.

- Cela viendra en temps voulu, nous pouvons mettre longtemps avant de nous manifester. Mais sache que tu es bien une part de Sol’ra.

Le lendemain matin le prince fut réveillé par Shrikan.

- Réveille-toi, nous avons de la visite. Ils sont pleins de mauvaises intentions à notre égard. Dit-il en montrant une direction.

Le prince attrapa ses armes et se mit en garde. Trois hommes armés apparurent alors en haut d’une dune. Leurs visages étaient cachés par un turban. Ils n’avaient pas l’air de brigands car leurs tenues étaient faites d’étoffes de qualité.

- C’est ainsi que l’on m’accueille... Je vois que la nouvelle de ma venue à Aksenoun s’est vite répandue.

Les agresseurs ne répondirent pas, se contentant d’engager le combat avec le prince. Hélas pour eux Metchaf avait suivi les meilleurs enseignements en matière de maniement des armes. Appuyé par Shrikan, les infortunés ne firent pas le poids. Deux d’entre eux tombèrent vite sous les coups du prince et de son allié. Le dernier voyant la situation tourner à son désavantage, lâcha son arme et tomba à genoux, priant le prince de faire appel à sa pitié.

- Pitié ? Pourtant tu es venu me tuer, chien de rebelle !!

Le prince eut alors une idée.

- Enlève tes vêtements ! Dit-il en plaçant sa lame sous la gorge de l'homme.

Tremblant de peur l’homme du désert se défit de ses habits et se retrouva désormais la peau nue sous le soleil brûlant.

- Qui t'envoie ?

- C’est l’Aïf d’Aksenoun ! répondit-il sans hésitation.

- Tu mens ! Coupa le génie.

Shrikan prit la tête entre ses mains et ferma les yeux.

- Je vois un homme habillé de noir des pieds à la tête, il est grand et ses yeux sont verts comme les cristaux qui parsèment le désert. Il a l’air d’être leur chef.

- Bien nous avons une cible. Partons ! Quand à toi, chien, tu vas brûler sous les rayons de Sol’ra, peut être survivras-tu.


Aksenoun n’était pas très loin. Le prince et Shrikan arrivèrent à la fin de la journée en vue de l’imposante cité. Metchaf s’habilla avec les vêtements pris sur l’homme du désert et passa un peu plus tard l’entrée de la ville. Aksenoun était vraiment l’un des joyaux du désert. A l’inverse de Minepthra elle n’était pas constituée de maisonnettes éparpillées autour d’un palais, mais d’un conglomérat de bâtisses agglutinées autour du palais de l’Aïf.

- Reste plus qu’à trouver ce meneur.

Les rues d’Aksenoun étaient occupées par des étalages des marchands, vendant mille merveilles venant des quatre coins du désert et de plus loin. Il y avait beaucoup de monde à ce moment-là de la journée car la fraîcheur arrivait doucement au fur et à mesure que la nuit tombait. Le prince observait les gens tout en évitant les gardes de la ville susceptibles de lui amener des problèmes.

Après avoir fait un premier tour de la ville un homme l’accosta.

- Te voilà ! Qu’est-ce tu fait ? On t’attend et toi tu prends du bon temps ?? Alors vous l’avez eu ??

Le prince rentra dans le jeu immédiatement et se glissa dans la peau de son agresseur.

- Oui, oui, on l’a eu, amène-moi à lui je vous raconterai.

L’homme regarda autour de lui et fit signe au prince de le suivre. Ils allèrent alors dans le palais même de l’Aïf. les rebelles avaient poussés le vice jusqu’à s’être installé dans l'emblème même de l’autorité et ça le prince ne pouvait laisser cela impuni. Le quartier général des rebelles se trouvait dans les geôles, vidées pour l’occasion. Il y avait là plusieurs dizaines d’hommes armés dont leur chef, homme de grande taille aux yeux verts remettaient en place quelques récalcitrants. L’homme qui accompagnait Metchaf bouscula ceux qui se trouvaient sur son passage et se fraya un chemin jusqu’au chef.

- Voici l’un de ceux envoyé tuer le prince.

- Ah ! Alors ? Raconte, l’avez-vous égorgé et laissé son corps en proie au vautour ?

- Oui seigneur, nous l’avons trouvé, puis tué, mais il a eu raison des deux autres.

- Mort pour la cause ! Mais c’est parfait.

L’homme en noir s’avança jusqu’à une des cellules.

- Tu vois ma chère, ton beau prince n’est plus, ton père est sous ma coupe, le roi du désert ne pourra longtemps faire la sourde oreille à nos revendications.

“Je comprend mieux, cet homme retient la fille de l’Aïf, je dois agir” pensa le prince. Il profita alors que le chef de la rébellion soit de dos pour frapper. “Décapite la tête et le reste suivra”. Avec rapidité il dégaina une lame, attrapa par derrière la tête du chef et sectionna d’un coup sec sa gorge. Le sang coula abondamment alors que l’homme en noir tombait à quatre pattes en tenant sa blessure. L’assemblée était abasourdie, mais par sûreté Shrikan apparut pour s’interposer. Certains prirent la fuite devant la mort du chef, d’autres décidèrent qu’il fallait intervenir et se venger de cet affront fait à la rébellion. Le combat s’engagea à dix contre deux. Les coups s’échangèrent, les lames s’entrechoquèrent. Shrikan garda un œil sur le prince, soignant les blessures de ce dernier au fur et à mesure. D’autres hommes arrivèrent, cette fois il s’agissait de gardes du palais, probablement corrompu par l’esprit de rébellion. Si bien qu’en fin de compte les deux Solarians furent vite surpassés en force. Metchaf sentait au fond de lui de la colère et une puissance nouvelle. Autour de lui des flammes de lumière apparurent, brûlant les vêtement de l'impie. Des ailes apparurent dans son dos. Ses kopechs, épées à la lame arquée fendirent plusieurs individus. A présent il ne restait que les gardes, nombreux et mieux armés. Metchaf qui n’était plus vraiment le même sentait que la situation pouvait leur être fatale et fit ce qu’il ne fallait pas faire mais qui était la seule issue valable.

- Shrikan, au nom de Sol’ra je te libère !

Aussitôt les chaînes qui liaient le djinn à sa jarre tombèrent au sol. Son aspect changea pour devenir proche de celle d’un homme.

- Enfin !! Larves je vais vous réduire en cendres !

Il fit alors pleuvoir la colère de Sol’ra sur ses ennemis, des traits lumineux partirent dans tous les sens, si bien qu’à la fin aucun d’entre eux ne resta en vie lorsque la bataille prit fin. Les sanglots d’une femme étaient désormais les seuls bruits perturbant les lieux. Metchaf blessé reprit son apparence “normale”, quand à Shrikan il marqua une pause avant de taper dans un corps avec rage.

- Infidèles, vous serez détruits rejetons de Guem ! Rien ne me retiendra désormais !

Metchaf chancelant s’approcha de son nouvel ami après avoir ramassé les bracelets-chaînes. Sans crier gare il les referma sur les poignée du djinn.

- Que... pourquoi me faire ça ?

- Soigne-moi et retourne dans ta jarre.

Shrikan reprit son aspect de génie et exécuta l’ordre de son “maître”, puis le prince alla délivrer celle qui était pour lui sa future reine.


Cette histoire fit vite le tour du désert et partout on raconta la légende du Prince, du Djinn, de la fille de l’Aïf avec un message fort : celui qui s’écarte du droit chemin sera châtié par la mort.

A l’horizon d’une aube nouvelle

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Chapitre 1 - Initiation

La roulotte aux couleurs chamarrées s’arrêta devant le chapiteau noir et violet des combattants de Zil. Elle était conduite par une jeune femme rousse vêtue d’une grande veste à queue de pie. Après un rapide coup d’œil pour voir si personne n’était sur son chemin elle sauta avec agilité et par réflexe elle tendit les bras vers le ciel comme si elle était dans un spectacle face à un public.

- OH EH !! Les Zil !!!

La tête de Kriss dépassa entre les deux morceaux de l’épais tissu de la porte.

- Tiens, une revenante ! Dit-il en souriant. Entre donc !

Il tira la jeune femme par le bras et la poussa à l’intérieur. Les autres combattants de Zil accueillirent la jeune femme avec beaucoup de joie et pour cause elle était l’une des leurs. Abyssien écarta la petite troupe pour avoir le champ libre. Il s’approcha, la mine grave, de l’arrivante, cette dernière se demandant alors ce qu’il se passait. Puis par surprise le chef la serra dans ses bras.

- Je suis très content que tu sois de retour, dit-il non sans verser une larme.

- Gnemenieu... T’fais mal !

- Oh, pardon.

Abyssien lâcha la jeune femme.

- Alors Farouche ton année initiatique a-t-elle porté ses fruits ?

- Oui monsieur, j’ai beaucoup appris. J’ai ramené ce que vous avez demandé. C’est dans la roulotte. Vous me direz ce que vous voulez en faire ?

- Excellent ! Oui ça te concerne de toute façon. Répliqua Abyssien en sortant du chapiteau.

Farouche se retrouva de nouveau noyée dans la masse des Combattants de Zil qui la félicitait et lui souhaitait la bienvenue. Ce fut aussi l’occasion pour elle d’être présentée aux nouveaux combattants comme Kolère ou Sombre. Salem fut ravie de voir la fameuse petite protégée d’Abyssien.

- Il T’A BIen cAché le COquIN !

- Tu as bien grandie observa Sangrépée, t’es vraiment mignonne,Abyssien est fou de t’avoir laissée seule sur les routes.

- J’étais pas vraiment seule, puis j’ai vécu quelque temps dans la Maison. Quel endroit terrifiant !

La maison dont parlait Farouche était l’ancienne demeure d’Artrezil. Le mage laissa à Zil cet héritage, mais qui n'intéressa pas le guémélite de l’ombre outre le fait que la maison pouvait servir d'entrepôt. La réputation des lieux n’encourageait personne à venir la visiter car on la disait hantée, ce qui était loin d’être faux. L’esprit d’Artrezil errerait encore dans sa maison.

- Qu’est-ce que t’es allée faire là-bas ? Demanda l’Elfine.

- Elle est allée chercher ceci ! Répondit Abyssien afin que tout le monde l’entende.

Le chef se plaça au centre de la piste. Soriek qui l’accompagnait posa une grosse cage recouverte d’un tissu à côté de lui.

- Votre attention à toutes et à tous ! Mettez vous en cercle autour de moi !

Ecoutant leur chef les Zil se mirent en cercle le long de la piste.

- Ce à quoi vous allez assister n’est pas courant. Ceci est une initiation, une étape pour nous. Mes amis, aujourd’hui nous sommes à l’horizon d’une aube nouvelle. Farouche ! Approche ma petite, n’aie pas peur.

Farouche, surprise s’avança prudemment d’Abyssien. Le mage Zil plongea ses yeux dans les siens.

- Tu étais toute petite lorsque nous t’avons adoptée. Aujourd’hui tu es une jeune fille brillante, pleine de fougue et surtout tu es une Combattante de Zil. Es-tu prête à prendre la place qui te revient ?

Après avoir regardé la cage qui tremblait à n’en plus pouvoir et un petit moment d’hésitation elle hocha positivement la tête. Abyssien tira d’un coup sec le tissu violet qui recouvrait l’immense cage. A l’intérieur il y avait une étrange bête, sorte de gros loup, ou, vu la carrure, plutôt un Volk. Mais cet animal là n’était pas fait de chair et d’os mais d’ombre.

- Voici l’esprit de la meute. Il est toute la sauvagerie qui nous caractérise, il est aussi hargneux que futé. Tu vas devoir te battre et mettre en pratique les enseignements que tu as reçus par le passé.

L’assemblée silencieuse attendait la suite. Des rites comme celui-ci il y en avait eu beaucoup avant que Télendar ne prenne la place d’Abyssien. Puis ils avaient été abandonnés. Parmi eux seuls les plus anciens comme Kriss, la clique de Ergue ou encore Sangrépée et Sanvisage avaient eu l’honneur d’en voir. Farouche qui savait pertinemment ce qu’il y avait à l’intérieur de la cage respirait rapidement. Elle allait affronter cette chose. “Courage ma vieille” se dit-elle, “Pense à l’ombre et ce que tu sais faire avec !”.

- Es-tu prête ?? Tu n’as pas le droit à l’échec !

Sans attendre Abyssien ouvrit la cage et la bête s’élança sur la piste avec allure et puissance.

- Tout doux... lààààà... làààà.

Farouche s’approchait de la bête à pas de velours tentant de l’amadouer. La bête tournait en rond pour tenter de s’échapper maisen dehors de la piste les autres Zil lui bloquaient le passage. Hélas pour elle il n’y avait pas la moindre ombre pour s’y cacher.

- Et bien, il est beau l’esprit de la meute Zil s’exclama Kolère, on dirait un chiot qui chercherait sa môman, hahaha !

Mais la bête maligne et intelligente tenta de sauter sur Kolère, tous crocs dehors. Sa gueule claqua à quelques cheveux de la figure de l’ancien protecteur d’Yses. Elle en fut retenue que par Farouche qui la tenait fermement par la queue. La bête se retourna pour la mordre, mais la jeune femme fut rapide, elle l’enserra de façon à ce que la tête de la chose ne puisse plus rien mordre. L’ombre essaya de s’extraire et ses pattes devinrent des bras et ses mains la poussaient, mais sans succès. Puis Farouche inversa les rôles et croqua dans l’ombre au niveau de la tête. Elle tira alors très fort sur la matière en espérant la casser, mais la créature se déforma et s’étira sans rompre. Voyant que cela ne donnait rien elle entreprit alors de la mâchouiller. Abyssien connaissait bien ce sort car il en était l’auteur. Lui aussi, il en avait avalé des ombres. Petit à petit Farouche, la bouche et la mâchoire déformées engloutit l’esprit de la meute et il ne resta plus rien d’elle en peu de temps. L’assemblée se mit à applaudir leur compagnon Zil.

A l’intérieur de Farouche les présentations et les changements avaient lieu.

- Bravo, tu m’as bien eu, je me suis fait avoir comme une bleusaille. Bon alors voilà la situation, désormais je suis une partie de toi et toi une partie de moi. Tu vas très vite voir ce que tu es capable de faire.

- Tu es réellement l’esprit de la meute Zil ?

- Disons que je suis une création d’Abyssien, je suis une part de leur sauvagerie et de leur bestialité, ça aussi tu verras, je m’emporte vite. Je suis la bête à l’intérieur de toi.

Les Combattants de Zil assistaient désormais à un changement dans la posture et dans l’apparence de Farouche. Elle retroussa ses lèvres en grognant comme si elle était un animal. Elle reprit alors ses esprits, elle se sentait vraiment différente à présent qu’elle avait avalé l’esprit de la meute. D’un geste rapide elle s’ébouriffa les cheveux puis elle déboutonna sa veste.

- Et maintenant Abyssien qu’est -ce qu’on fait ?? Cria-t-elle sans pouvoir contrôler le ton très agressif.

Le chef Zil secoua la tête “faut que jeunesse se fasse” pensa-t-il.

- Et petite calme-toi ! Interrompit Kolère.

Mais la “petite” ne se laissa pas parler ainsi et bondit sur le Volk-garou.

- Grrrr tu sais à qui tu parles ?? Hurla-t-elle. Je suis ton maître sac à puces !

Malgré sa taille bien inférieure à celle de l’ancien protecteur elle n’en restait pas moins impressionnante par la sauvagerie de ses gestes. Sansvisage et Soriek durent intervenir pour séparer les deux combattants de Zil. Abyssien fit taire l’assemblée.

- A présent mes chers camarades il est temps pour nous d’agir ! Même si la conseillère Ishaïa n’est plus, la sentence du Conseil des guildes est toujours d’actualité. Si nos dernières actions font remonter notre cote, notre sort n’est pas encore réglé. J’ai travaillé avec certains d’entre-vous à pister les traitres Télendar et Masque de fer. Nous avons réussi à localiser ce dernier. A présent c’est à la Meute de faire ses preuves. Il faut à tout prix capturer Masque de fer !

Tous les combattants hurlèrent de joie, la perspective du passage à l’action et surtout la vision de la vengeance gonflaient les volontés des membres de la guilde.

Chapitre 2 - Traque

Dehors alors que la nuit tombait la Meute s’était réunie autour d’Abyssien. Sansvisage, Sangrépée, Sombre, Kolère et Farouche s’étaient réunis autour d’un feu de joie.

- Farouche prend le commandement de la Meute, vous devrez l’écouter et donner votre vie pour elle, c’est compris ?

Même si pour Kolère, le plus autoritaire et orgueilleux de la meute, c’était lui de par son passé et ses pouvoirs qui devait assumer le rôle, il acquiesça comme les autres.

- Voici ce que je sais. Masque de fer est arrivé dans la petite cité d’Egmyos dans le sud de Tantad. En longeant les montagnes vous devriez y être dans trois ou quatre jours. Masque de fer devrait y être arrivé depuis un jour lorsque vous débarquerez. Nous lui avons monté un piège grossier, mais il mordra à l’appât, les Néhantistes sont si orgueilleux que ça les rend parfois stupides. Nous l’avons invité à une rencontre avec le seigneur de la ville qui soit-disant aimerait lui proposer des choses, mais je vous passe les détails. Nous avons une caisse contenant des affaires qu’il a porté, je pense qu’avec ceci Kolère et Farouche n’auront pas de mal à retrouver notre proie.

Devant la perspective Sansvisage et Sangrépée mimèrent une arrestation musclée faisant rire leurs camarades.

- Nous rirons encore plus lorsque nous l’auront attrapé. Faites-vous discrets, surtout en ville, vous ne passerez pas inaperçus. Tantad est un empire strict quand aux balades nocturnes et aux déplacements de petites troupes. Le mieux est de partir demain matin. Je vous laisse réfléchir à tout ça. Bonne nuit et bonne traque mes amis.

Abyssien retourna dans le chapiteau où Salem et Kriss étaient visiblement en grande discussion.

- Tu crois qu’il vont y arriver ? Demanda le musicien en se tournant vers Abyssien.

- Je crois qu’ils ont compris l’importance de leur mission. Si les Combattants de Zil venaient à disparaitre où iraient-ils ? Il n’ont pas le droit à l’échec et le savent. Après je ne dis pas qu’ils vont faire ça dans la dentelle, ça serait étonnant.

- DiS Moi, Tu SERais pAs en trAIN dE PrepArER Un FUTUr SuccEssEUR tOI ?? Demanda Salem.

- Toujours perspicace mon cher Zil. Oui, lorsqu’il y a un an j’ai appris la trahison de Télendar j’ai entrepris de former la relève. Farouche me remplacera lorsqu’elle sera prête. Mais nous n’y sommes pas encore. Du côté d’Egmyos tout est prêt ?

- OuI, IL n’Y veRRa quE du FEU !!

- Bien, à présent, attendons !

Le lendemain matin après une nuit assez mouvementée la Meute quitta le campement Zil. Farouche entre les disputes avec Kolère avait fait le tour de ses troupes et connaissait à présent ce que chacun était capable de faire. Séparés en plusieurs groupes les Zil progressèrent sur la route vers le nord. ils ne tardèrent pas à sortir du tombeau des ancêtres et longèrent les terres bordant l’empire de Xzia. Au troisième jour ils avaient passé la frontière de Tantad et malgré les contrôles ils arrivèrent à Egmyos ce soir-là. Pour eux il fallait agir tout de suite sans quoi leur présence pouvait être décelée et provoquer la fuite de leur proie.

Ce soir-là la lune était haute et pleine dans le ciel.

- Abyssien avait tout prévu dit Kolère alors que celui-ci sentait le pouvoir du Volk remonter en lui.

Sombre s’élança à la faveur de la nuit afin de faire des repérages pendant que le quatuor restant s’était installé dans une ruelle sombre. Sansvisage posa le coffret contenant les effets de Masque de fer. Farouche en sortit une longue étoffe de soie et se mit à la sentir pour s'imprégner de l’odeur. Elle fut imitée par Kolère dont le visage et la corpulence se modifiait doucement.

- C’est douloureux ? Lui demanda-telle.

- J’ai l’impression que des lames me transpercent, mais j’ai appris à vivre avec cette malédiction.

Les deux Zil se mirent à renifler l’air en marchant.

- Je l’ai ! S’exclama Kolère dont la transformation était à présent complète.

- Alors c’est parti. Sansvisage, Sangrépée, mettez-vous devant nous et vérifiez que nous ne croisons personne.

Farouche examina les toits et vit Sombre lui faire signe qu’elle les suivait d’en haut. La cité n’était pas très grande mais il y avait un véritable dédale de petites ruelles. La troupe tourna dans ce labyrinthe en suivant la piste de l’odeur de Masque de fer. Sansvisage, Sangrépée et Sombre furent d’une très grande utilité en permettant de prévenir plusieurs rencontres d’hommes armés. Ce petit jeu d’esquive dura une bonne heure jusqu’à ce que Kolère et Farouche déterminèrent le lieu où l’odeur de Masque de fer était la plus puissante.

- Il dort chez l’habitant on dirait, chuchota Sangrépée.

Sombre attira l’attention du groupe. L’ex-traquemage indiqua une fenêtre au premier étage. Farouche lui fit signe de descendre pour en parler.

- Il y a un homme masqué qui dort au premier, semble pas y avoir d’autres gens avec lui.

- Bien bien, tu penses qu’on peut y accéder par le toit, là ? Dit-elle en montrant l’endroit d’où venait Sombre.

- Oui, enfin Sangrépée, toi et moi on pourra y accéder sans souci, pour nos mâles ça s’avère plus difficile.

- Pas de souci on va vous attendre ici, répondit le Volk-garou.

- Bien voilà ce qu’on va faire, on rentre discrètement par en haut, on récupère le bonhomme on vous l’envoie et pour pas attirer l’attention on se disperse. On se donne alors rendez-vous en dehors de la ville et on quitte Tantad au plus vite, ordonna Farouche.

- C’est risqué, s’il se réveille il va falloir l'assommer, comment on assomme un gars avec un casque ? Demanda Kolère.

- T’en fait pas, j’ai des joujoux qui l'empêcheront de se réveiller, indiqua Sombre fièrement.

- On y va maintenant !

Les filles de la Meute s’élancèrent à l’assaut du mur et en peu de temps elles étaient en haut. Sombre lança un grappin de l’autre côté puis une fois que la corde fut bien attachée, elle fit la funambule et se retrouva sur le rebord de la fenêtre. D’un geste assuré elle sesaisit d’une dague et ouvrit la fenêtre sans la moindre difficulté. Le passage libre, Farouche et Sangrépée rejoignirent leur camarade et entrèrent dans la pièce sans faire le moindre bruit.

L’intérieur n’était pas riche, peu de décoration et un style épuré. Dans le lit simple qui occupait presque tout l’espace, un homme masqué dormait en ronflant comme un bienheureux. Sombre sortit une petite fiole d’où s’échappait une fumée verdâtre. Elle versa le contenu par l’un des orifices du masque. Pendant ce temps Sangrépée écoutait à la porte pour voir si il y avait de l’activité dans la maison. Il ne semblait pas que leur visite soit connue des habitants de cette maison. Farouche s'empara de Masque de fer et le saucissonna des pieds à la tête. Une fois cela fait Sombre fit signe à Kolère et Sansvisage d’approcher pour réceptionner le paquet.

Tous les deux reçurent donc l’homme tant recherché et filèrent de là sans demander leur reste, laissant leurs compagnes faire de même. Kolère avait plus ou moins repéré les rues déjà empruntées. Hélas Sombre n’était pas là pour voir arriver les patrouilles de gardes et fatalement ils tombèrent sur l’une d’elle alors qu’ils étaient presque sortis. Avec sa finesse habituelle Sansvisage bouscula les gardes de manière à les faire tomber sans pour autant les blesser. Les deux hommes se retrouvèrent les fesses au sol sans trop savoir ce qu’il se passait. Les miliciens qui n’étaient que des conscrits, simples citoyens réquisitionnés, ne poursuivirent pas les deux gros costaux qui s’éloignaient déjà. ils se contentèrent de prévenir leurs supérieurs.

Sombre, Sangrépée et Farouche se débrouillèrent bien et retrouvèrent les deux fugitifs et leur bagage sur la route un peu plus loin. Il exécutèrent le plan de leur chef. La nuit fuit courte pour eux mais l’objectif était atteint, ils avaient Masque de fer et ils avaient quitté Tantad. Il ne restait plus qu’à le livrer !


Chapitre 3 - La puissante guilde

L’ambiance était électrique dans le chapiteau Zil. La chaleur n’aidait pas et la tension montait comme un jour de spectacle avec de nouveaux numéros. Personne n’aurait manqué le jugement de ce traître de Masque de fer. Le moment était venu de régler cette histoire de famille. Pour l’occasion une estrade avait été construite ainsi qu’une tribune. L’accusé était assis et solidement attaché sur une chaise, la tête chancelante. Abyssien le secoua de manière à le réveiller mais rien n’y fit.

- Tu m’entends Masque de fer ?

Devant le peu de réaction suscité le chef utilisa ses pouvoirs de mage pour déverrouiller le masque. Les deux morceaux de métal tombèrent au sol avec fracas. Tous les combattants avaient les yeux rivés sur Masque de fer.

- Télendar ??? Cria Sangrépée. C’est bien toi ??

Aussitôt se fut la cohue dans l’assemblée, les commentaires parlant de “supercherie”, “manipulation”, “incompréhension” allèrent bon train.

- Ça suffit !! Cria Abyssien énervé par l’indiscipline de sa troupe. On va tirer ça au clair, rasseyez-vous !

Le brouhaha cessa petit à petit. Abyssien examina alors Télendar. Le visage du garçon était abîmé par de multiples crevasses et ses cheveux étaient collés sur son front en sueur. Ses yeux étaient injectés de sang et ses pupilles dilatées. Il y avait comme une vague émanation magique et Néhantique.

- Il a pas l’air bien en point. KRISS ! Tu peux venir voir ça ?

Le musicien s’approcha et après avoir observé les symptômes fut catégorique.

- Il est mourant, c’est pour ça à mon avis qu’on nous l’a livré.

- Je sens les méfaits des néhantistes, son corps est rongé par la magie sombre. Mais je ne peux rien faire pour lui.

- Oui mais moi je peux, répondit Kriss. C’est dans mes pouvoirs de guérir les gens de ce genre de chose. Mais ça va me prendre du temps.

- Bien, fais au mieux, si tu arrives à le sortir d’affaire nous seront en mesure de réhabiliter la guilde. expliqua Abyssien en ramassant les deux parties du masque de fer. Chers combattants, nous reportons la réunion de guilde. Ne quittez pas les lieux tant que la situation n’est pas fixée.

Kriss aidé par quelques Zil amena Télendar dans un endroit plus isolé. Le prêtre se mit alors au travail afin de dénicher et annihiler le mal dont il souffrait. Ce fut terrible pour lui car il s’opposait à une volonté forte et à une noirceur destructrice. Avec patience il isolachaque source de souffrance et referma chaque plaie ce qui pour l’ancien chef des Zil se fit dans d’infinies douleurs. Cela dura plusieurs heures avant que Télendar ne soit définitivement soigné.

Durant ce temps, Abyssien s’était enfermé dans son bureau avec la ferme intention de tirer cette affaire au clair. Il jeta sur le fauteuil les deux parties du masque. Il vit alors qu’à l’intérieur se trouvait un parchemin collé sur le métal. Il le décolla sans trop de difficulté, il y avait assurément de la magie là-dedans. Des lettres, puis des mots apparurent à sa surface.

“Cher Abyssien, Vous me voyez désolé de ne pouvoir honorer notre rendez-vous. Je suis certain que le présent que je vous fait comblera cette absence, même si ce cadeau a une durée très limitée. Il est dommage que vous ne soyez pas plus ouvert à nos pratiques vous qui en êtes si proche. Sachez que ma main vous est tendue et que j’aurai plaisir à vous initier à la véritable magie. A notre prochaine non rencontre, Je vous salue bien bas, Masque de fer.”

- Tu crois avoir gagné la bataille alors que tu as perdu la guerre. Tuvas voir ce qu’est la véritable magie.

Abyssien attrapa le masque et le posa sur son visage. Il sentait l’ombre sur sa peau et se fit un malin plaisir à l’avaler. Cette ombre se mêla à la créature qui vivait en lui. Ainsi il en apprit plus sur ce qu’il s’était passé. Il vit Masque de fer changer de masque, coller le parchemin à l’intérieur dans l’ancien et le refermer sur le visage de Télendar allongé sur le sol. Autour d’eux c’était comme une sorte de laboratoire dans une caverne. Une créature à l’aspect démoniaque s’empara de Télendar alors qu’un autre homme s’approchait de lui. Abyssien reconnu le Néhantiste qui avait manipulé les Combattants de Zil.

- Ta pierre est morte et toi tu ne vas pas tarder à rejoindre tes ancêtres. Tu as bien travaillé mais nous n’avons plus besoin de tes services. Adieu.

Le démon traversa une grande maison jusqu’à l’extérieur. Abyssien remarqua le paysage particulier et caractéristique des montagnes du nord ouest de Tantad. Il avait déjà entendu parler d’un tel lieu. Télendar termina sa course dans une carriole sous une bâche. Les images s’arrêtèrent.

- Le manoir de Zejabel ! ils se cachent là, une information capitale.

Le chef des Zil s’installa dans sa chaise et écrivit plusieurs lettres à l’attention de ses alliés dont Marlok.

- Nous allons faire pencher la balance en notre faveur.

Farouche se présenta sur le pas de la porte.

- Kriss a réussi à sauver Télendar, on fait quoi ? Demanda-t-elle.

- On démonte le chapiteau, on range tout et on part.

- On va où ? Nous allons voir le Conseil des Guildes.

Effectivement plusieurs jours plus tard, la guilde quasi complète posa ses bagages au pieds du château de Kaes qui abritait depuis longtemps déjà le Conseil des Guildes. Devant l’importante délégation, le Conseil bouscula son emploi du temps pour accueillir Abyssien lors d’une session extraordinaire. La grande salle de réunion était une pièce circulaire où une dizaine de sièges étaient disposés en arc de cercle. Il manquait deux conseillers, partis visiter des guildes et régler quelques affaires. Le conseiller Vérace invita Abyssien à venir s’exprimer.

- Chers conseillères, chers conseillers. Il est temps pour les Combattants de Zil de vous prouver notre valeur. Feu la conseillère Ishaïa, sur ordre du Conseil nous avait délivré un ultimatum pour redresser la balance de nos actes.

Abyssien fit signe à Sansvisage qui s’approcha avec une personne ligotée.

- Nous, Combattants de Zil, avons l’honneur de remettre au Conseil l’assassin de Prophète : le dénommé Télendar.

D’un peu plus loin Salem observait les réactions des conseillers. Tous parurent satisfaits, tous sauf une conseillère qui plissa les yeux et fit une grimace de mécontentement. Voyant qu’on la regardait elle se ressaisit et parut impassible. Sansvisage avança jusqu’au centre de l’hémicycle avec son prisonnier. Télendar allait beaucoup mieux, il se savait en fâcheuse posture, mais les faits étaient là, il avait tué une personne, il devait payer pour son crime.

- Mais ce n’est pas tout, nous sommes en mesure de vous fournir une information cruciale sur l’endroit où se situerait le repère de néhantistes avérés.

- Nous vous écoutons Abyssien. Répondit Verace.

- Ils sont au manoir de Zejabel quelque part vers Tantad.

Le conseiller se leva et regarda ses consœurs et confrères qui opinaient du chef.

- Nous avons pris note de votre information, bien sur il nous faudra plus de détails mais nous règlerons ça après. En attendant que Télendar soit remis aux Envoyés de Noz’Dingard.

Un garde vint chercher l’ancien chef Zil.

- Quand à vous Combattant de Zil, vous conservez votre statut officiel de guilde.

Les histoires de pirates finissent mal... en général

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Chapitre 1 - La Dame Noire et la Dame pirate

La Dame Noire, navire volant du capitaine Palpegueuse fonçait à vive allure vers l’Arc-Kadia. A bord de ce dernier c’était l’effervescence, chacun s'attelait à tenir son poste du mieux qu’il pouvait. Briscar criait ses ordres en s’époumonant.

- Allez tas de raclures de cale ! Préparez les canons et faites cracher la poudre ! Hissez nos couleurs !!

Le pavillon à la tête de mort, au sabre d’abordage et à la clé de mécaniste croisés sur fond noir flotta donc en haut du mât. De son côté la Dame Noire arborait le pavillon rouge au symbole de Néhant, signifiant par là : pas de quartier !

Al barra d’un coup et le navire pivota sur le côté. Pour elle la DameNoire ne pouvait l’éviter il fallait donc que les deux bateaux s’entrechoquent là où l’Arc-Kadia souffrirait le moins. Elle se plaça donc de façon à présenter l’avant droit du navire à la Dame Noire. Le choc fut terrible mais la réaction de Briscar fut immédiate.

- FEUUUUUU !!

Les canons explosèrent et les boulets fusèrent brisant la coque de la Dame noire. Le bois éclata de tout les côtés et les deux bateaux grincèrent de partout, menaçant de s’écrouler comme des châteaux de cartes. Mais aucun des deux ne se rendit à l’autre. L’équipage de la dame noire envoya des grappins et l’assaut fut donné. Des pirates affrontaient des pirates mais l’équipage de la Dame Noire était bien plus nombreux que celui de l’Arc-Kadia et très vite les hommes d’Al la triste se retrouvèrent submergés. Al la triste enfonça sa lame dans plusieurs corps d’ennemis avant d’arriver sur le pont et se mêler aux autres. Voyant leur capitaine à l’œuvre le courage revint. Klémence libéra Ekrou qui écrabouilla plusieurs adversaires à lui seul. Les mages utilisèrent toute leur magie pour griller les moteurs de la Dame Noire pendant que Ti mousse coupait les cordes des grappins afin que plus personnes ne puisse venir ou partir du bateau. Poukos fit passer par dessus bord plusieurs pirates et Trèfle fit parler ses marteaux. Il semblait que leur victoire ne faisait plus aucun doute. Mais les choses tournèrent vite à leur désavantage lorsque plusieurs créatures ailées et monstrueuses plongèrent dans la bagarre, blessant indifféremment des membres des deux équipages. A bord de la Dame Noire, Palpegueuse à présent sous la coupe néhantiste et mage de son état lançait de sombres éclairs en direction de l’Arc-Kadia. Le navire flanchait et alors que tout le monde se mettait à l’abri des deux oiseaux de malheur, la Dame Noire se désolidarisa de sa proie. Lentement la coquille trouée s’éloigna recevant les éclairs noirs de plein fouet, Palpegueuse visait les moteurs qui, s’ils explosaient, indiqueraient la fin pour le célèbre équipage d’Al la triste !

Le premier moteur s’arrêta et le navire se mit à tournoyer sur lui-même. Désormais en plus d’être caché l’équipage devait se tenir à ce qu’il pouvait pour éviter de ce faire éjecter par dessus le bastingage. Al n’avait plus le choix, il lui fallait sauver le navire et ses hommes. Elle s’engouffra donc par les escaliers en direction de la salle des moteurs. L’ensemble était dans un sale état, la foudre s’échappait des accus dans un grésillement insoutenable. La jeune femme s’avança avec difficulté jusqu’à une console circulaire au centre de laquelle se trouvait un renfoncement circulaire lui aussi. Al décrocha le médaillon de son père et sans hésiter le plaça au centre de la console.

- Sitôt trouvé, sitôt utilisé...

Le pupitre en métal sur lequel était fixé la console s’enfonça dans le sol activant ainsi une machinerie unique de métal et de magie. Il yeut alors un grand éclair aveuglant. L’espace et le temps semblèrent se déformer, s’étirer et se rétrécir. Toutes les personnes à bord sauf Ekrou s'évanouirent...

Al la triste fut réveillée par la vapeur qui sortait d’un tuyau en sifflant. Elle se releva et s'aperçut qu’elle tenait le médaillon de son père. Ce dernier avait perdu toute l’énergie magique qu’il contenait. Le navire était incliné sur le côté, sachant que les moteurs étaient hors service elle se doutait qu’il était à terre. Al remonta sur le pont où ses hommes s’aidaient les uns les autres où s’affairaient à attacher les pirates de la Dame Noire, qui du coup devenaient leurs prisonniers. Effectivement l’Arc-Kadia n’était plus dans les cieux mais posé sur la terre ferme sur une île volante et pas n’importe où : l’île des égarés, capitale de la piraterie.

Ils étaient revenus dans les îles blanches sains et saufs, seul l’Arc-kadia avait souffert.

Chapitre 2 - Le passé ressurgit

Plusieurs jours avaient passés. Klémence et Trèfle étaient plongées dans les rouages depuis leur arrivée sur l’île. Les pauvres filles étaient exténuées et véritablement tristes par le bilan qu’elles allaient présenter à leur capitaine.

- Alors, annoncez-moi de bonnes nouvelles, dit Al la triste en examinant la machinerie à l’arrêt.

Klémence et Trèfle furent gênées.

- Pas vraiment, le “Vafeur” droit a fondu et l’accu principal a pris une surtension. Ça a pété de partout, certains rouages sont cassés et le graviteur est entièrement vide. Visiblement c’est la chose que vous avez activé qui a provoqué la plupart des avaries, expliqua Trèfle à son capitaine qui n’y comprenait rien.

- Et ça veut dire que l’rafiot est pourri ??

- Non non ! On peut remettre en état la plupart des choses, l’Arc-Kadia est une superbe bête, mais nous ne l’avons pas fabriqué. Je pense pas qu’on arrive à remettre en ordre le truc que vous avez activé .

- Par les cornes du serpent d’brume. Y a pas d’solution ?

- Y en aurait bien une mais il faudrait qu’on retrouve ceux qui ont conçu l’Arc-Kadia, répondit Trèfle.

Al la triste enleva son tri-corne et se gratta la tignasse, ceci étant le signe d’une réflexion intense de sa part.

- Vous arriverez à m’le faire voler ?

- Deux semaines de réparations, mais faudra ensuite prier pour que ça tienne, affirma Klémence. Par contre je vais avoir besoin du golem qu’on a trouvé sur le Titan.

- Il est à toi. Perdez pas d’temps et mettez-vous au travail, ordonna Al en se recoiffant de son chapeau. Nous trouv'rons ce qu’il faut trouver.

Alors que Klémence laissait exploser sa joie, le capitaine quitta la salle des machines en hurlant “BRISCAR ! BRISCAAAARRR!!”. Le vieux pirate alla donc à la rencontre du capitaine.

- Ah t’voilà. Bon alors, fais jeter dans le vortex tous les morts après avoir récupéré leurs effets. Fais débarquer les grouillots encore vivants et fais-les travailler pour remettre droit le navire et qu’ils mettent des cales. Une fois ça fait vends-les sur le marché des égarés. Nous allons rester coincés ici plusieurs semaines, vu les lieux faut êt’ prudents, fais faire des tours de garde et soudoie les placeurs pour qu’on nous laisse tranquille.

Après un effort de mémorisation, Briscar inclina la tête pour dire qu’il avait bien assimilé les ordres.

- Allez, va, et prends les quartiers d'Oeil de gemme en attendant son retour, j’suis sûre qu’elle serait pas contre. Dit Al avec un clin d’oeil.

Quelques jours plus tard, le navire était à nouveau droit. Les appartements d’Al la triste étaient sans dessus dessous, les livres et autres instruments de navigations étaient tombés sur le parquet. Elle entreprit de remettre tout en ordre. Alors qu’elle était en train de remettre en place les livres elle s'aperçut que sur le fond de la bibliothèque les silhouettes des livres avait été dessinées. Elle replaça donc les livres pour les faire correspondre à chaque silhouette. Ce fut un casse-tête car plusieurs livres avaient la même forme, elle “s’amusa” donc à déplacer les livres semblables un à un. Enfin un clic se fit entendre au niveau du lit. Al la triste se jeta à quatre pattes et observa le dessous du meuble. Une latte du planchers’était décalée laissant une ouverture assez large. Le capitaine y engouffra sa main gauche et en retira un objet enveloppé dans un carré de tissu noir, ou plutôt gris vu la poussière qui le recouvrait. Fébrilement elle défit le nœud, le tissu se désagrégeant car visiblement vieux. Elle découvrit un carnet à la couverture de cuir souple et aux pages jaunies. Al avait déjà vu ce carnet il y a très très longtemps, entre les mains de son père.

- Te voilà, et dire que j’ai cherché partout et que t’étais là sous mes yeux. Dit-elle en inspectant la première page.

“Journal du Géant au regard triste” puis plus bas “Pour Alexandra”. “Ma fille, au moment où tu auras ce livre je ne serais probablement plus et je m’en serais retourné à Guem. J’ai réuni ici toutes les informations nécessaires, tout ce que tu dois savoir sur moi, ce que j’ai fait et l’Arc-kadia. Je vais d’ailleurs commencer par la base et te parler de moi.” Le premier quart du journal fut consacré à la jeunesse du Géant triste. Il avait grandi dans ce qui restait de Bramamir, ses parents furent parmi les premiers à devenir des pirates alors que le monde se relevait doucement de la guerre contre Nehant. Puis à son tour il embrassa la carrière de pirate et découvrit d’étranges secrets magiques qui lui servirent de base à la réalisation de son navire, l’Arc-kadia. Le deuxième quart du livre expliquait la création du navire et la formation du premier équipage. Ce qu’elle apprit était vraiment incroyable. Elle s’arrêta longuement sur la description des pirates, tout y était répertorié : nom, grade, fonction à bord, ainsi que diverses annotations. Elle y trouva plusieurs noms utiles. Par exemple Hic fut le second du Géant triste avant de devenir à son tour capitaine à bord du Titan et que bien qu’ils aient eu des différents ils furent amis. Il y avait cette histoire de rébellion de Crochet, un jeune gars qui voulait devenir capitaine et qui fut abandonné sur une île blanche isolée dont la position était notée sur un plan joint. De même il y avait plusieurs indications techniques à propos de l’Arc-kadia, mais elle n’avait jamais été attirée par tout ça. Elle alla trouver Trèfle dans la salle des machines. Elle avait monté là une forge de fortune pour refaire les parties mécaniques au mieux tandis que Klémence s’affairait à remonter l’ensemble.

- Regard’ça, demanda Al la triste, c’est des plans du bateau.

Trèfle y jeta un œil curieux, mais sa spécialité étant la ferronnerie elle n’y comprenait pas grand chose.

- Faut que vous demandiez à Klémence elle sera plus à même de déchiffrer ce charabia.

- Où qu’elle est ?? Hurla le capitaine alors que Trèfle se remit à frapper violemment sur un morceau de métal ardent.

- Elle est dans l’atelier !

- Pourquoi elle est pas là à réparer c’qui doit l’être ?

- Elle finit son nouveau jouet, parait que c’est important.

L’atelier était une petite pièce réservée à Klémence et où elle passait du temps à bricoler tout et n’importe quoi. Al la triste rentra dans l’atelier manquant de peu de se prendre les pieds dans diverses choses éparpillées par terre. Il s’échappait des lieux une forte odeur d’huile.

- Gamine !

La-dite gamine était en train de donner un ordre à Ekrou de tirer une chaîne qui passait par une poulie attachée au plafond et qui soutenait un automate entièrement réparé.

- Déjà s’écria Al, t’as fait vite dit donc.

- J’étais très inspiré, faut dire que ce bidule est une vrai merveille, des comme lui on en fait pas.

- Bon t’m’expliques pourquoi t’es pas en train de réparer le nécessaire ?

- Et bien Hic-kar va m’aider, il est plus agile et petit qu’Ekrou, il sera utile pour réparer, j’ai donc perdu du temps à le remettre sur pied, mais d’un autre côté on va beaucoup y gagner.

- D’accord, alors active-le et ensuite mets ton nez la d’dans, dit-elle en agita le journal de son père.

Klémence ne se fit pas attendre et brancha une sorte de câble sortant du dos d’Ekrou vers le dos d’Hic-kar. L’automate tressauta puis s’activa, l’énergie circula dans divers câbles. Klémence fit quelques réglages avec un outil et ordonna à Ekrou de lâcher la chaîne à présent qu’Hic-kar était debout.

- Il doit accumuler les nouvelles données, ça va prendre du temps, voyons ce livre Capitaine.

Al al triste lui tendit le journal ouvert sur les bonnes pages. Pour la jeune mécaniste, ce fut comme si elle avait trouvé un trésor inestimable. Elle se mit à sautiller et criant des “c’est incroyable, c’est incroyable !” à tout va.

- Oui mais quoi ? Coupa Al.

- C’est les plans du navire, mais pas seulement, j’y vois là aussi un tas de trucs qu’on pouvait pas deviner et surtout comment faire pour activer la console ! Mais... par contre, les indications sont en langage codé, dit-elle en montrant les écritures.

- Ah, c’est fâcheux. Bon écoute gamine, répare-moi mon navire et on va te trouver quelqu’un qui saura te déchiffrer ça.

Chapitre 3 - De nouvelles quêtes pour l’équipage

Grâce à Hic-kar, les réparations de fortune et principales étaient finies. Pour éviter tout problème, l’équipage fut débarqué, au cas où une explosion se produirait. Klémence et Trèfle branchèrent les moteurs sur l’accu rechargé magiquement par Bragan et Mylad Les “Vafeurs” vrombirent doucement. Tout semblait être en état de marche, mais la puissance était très réduite.

- Ça va tenir, mais on va pas aller bien loin, affirma Klémence un peu déçue.

- Surtout si on recroise la Dame Noire, là c’est la défaite assurée. Bon allons prévenir les autres qu’on peut y aller, conclut Trèfle.

Une fois l’équipage de nouveau à bord, Al la triste reprit la barre et éloigna doucement l’Arc-kadia de l’île des égarés. Briscar s’approcha d’elle.

- Où va-t-on capitaine ?

- Nous allons sur une île particulière où il y a bien longtemps a été jeté un mutin du nom de Crochet.

- Crochet ? Pourquoi voulez vous aller voir ce traître ? Je l’ai connu autrefois jusqu’à ce que votre père le bannisse de l’équipage. Vous étiez toute petite, c’était y a quoi... vingt ans bientôt !

- C’est l’seul parmi ceux qui ont contribué à la création de l’Arc-kadia et à avoir fait partie de l’équipage originel à être localisé. Il faut qu’on arrive à traduire le code du journal d’mon père, Crochet peut nous aider.

- Faisons attention, si cette fripouille est en vie il doit encore porter rancune à votre père.

- On verra bien.

Le navire zigzagua entre les îles et s’éloigna vers le soleil couchant. Comme les moteurs n’étaient plus aussi en “forme” qu’avant, Al la triste fit plusieurs pauses avant que la nuit ne soit tombée et posa son navire sur une île en périphérie. Elle en profita pour réunirl’équipage sur le pont et faire un point sur la situation.

- Frères et sœurs pirates ! Nous avons trouvé le trésor de Hic ! Nous avons survécus à l’attaque de Palpegueuse et nous sommes de nouveau sur les voies aériennes. Nous allons tout faire pour réparer au mieux le navire et désormais nous en avons les moyens. Mais surtout nous allons retrouver la Dame Noire et montrer qui sont les véritables pirates !

Elle dégaina son sabre et le leva vers le ciel, imitée par le reste de l’équipage. La nuit fut longue pour Al qui traça sur une carte la route de navigation qu’il fallait emprunter pour aller sur l’île de Crochet. L’affaire aurait été plus simple avec le bateau en meilleur état et plus maniable. Les réparations faites empêchaient certaines manœuvres délicates.

Le lendemain vers midi l’Arc-kadia arriva dans une zone particulière de l’ancien royaume de Bramamir. Au sud ouest des îles blanches à la limite entre le vortex et la mer il y avait la région connue sous le nom de Poussière de larmes. Il y avait là des centaines d’îlots de différentes tailles et de différentes formes. Ainsi vu de loin on dirait vraiment de la poussière et des larmes en raison des cristaux de quartz translucide disséminés sur les îles.

C’était sur l’une d’elle que Crochet avait été abandonné à son sort il y bien longtemps. Al la triste fit replier les voiles et engagea l’Arc-kadia au travers la nuée d’îles. Aussitôt la lumière devint plus faible et la vue incroyable. Des îles à perte de vue et surtout au plus bas de vieilles épaves de navires n’ayant pas survécu à l’aventure. Al tenait fermement la carte tracée ainsi qu’un instrument de navigation. Briscar qui était le meilleur barreur de l’équipage était aux commandes.

- 5 à tribord chuchota le capitaine.

- 5 à tribord répéta Briscar en faisant tourner la barre dans le sens indiqué.

Tout le reste de l’équipage était étalé le long du navire, surveillant que l’Arc-kadia ne croise pas sur sa route une île ce qui impacterait fortement sur leur avenir. Le temps parut long car la progression était très lente pour ne pas risquer quoi que ce soit. Le chemin à travers les îles étaient très dangereux et assez particulier, nul navire n’aurait pu arriver jusqu’à cette fameuse île de Crochet sans avoir eu de plan.

Enfin l’équipage arriva sur le lieu-dit. L’île était d’une taille confortable pour un homme seul, une réserve d’eau naturelle, la surface quasiment entièrement recouverte d’une épaisse forêt.

- Bien, j’vais y aller... seule. Atterris sur l’île, faut pas user les “vafeurs".

- Sûre ? Coupa Briscar soucieux.

- Certaine.

- Mouai bien, soyez prudente quand même, faudrait pas qui vous arrive quelque chose.

- Moi ? Mais j’suis toujours prudente ! Dit-elle en se marrant et se dirigeant vers la terre “ferme”.

Al la triste s’aventura donc sur l’île, coupant les plantes à grands coups de sabre. Après avoir parcouru une bonne moitié de l’île elle sentit comme une vague odeur de crustacé grillé. Elle avança donc en suivant son odorat et tomba sur une maison construite de restes de bateaux échoués au bord du petit lac. Là un homme faisait cuire un gros crabe au bout d’un bâton. Sa barbe était très longue tout comme ses cheveux. Ses vêtements qui devaient être somptueux n’étaient plus que de vieilles défroques. De plus cette personne n’avait plus son bras et sa jambe du côté gauche. A l’approche d’Al la triste il leva quelques instants les yeux sur elle puis s’empara de son crabe et lui arracha une patte avant d’en aspirer le contenu.

- Bonjour Crochet.

L’homme fit les gros yeux la bouche pleine et regarda de droite à gauche sans faire attention au capitaine. Puis il reporta l’attention sur son crabe qu’il entreprit de briser avec une pierre, ce qui s’avérait difficile avec une seule main.

- Crochet ! Hurla-t-elle.

L’homme fut surpris et examina la nouvelle venue avec plus d’attention.

- Barre-toi, tu vois pas que j’mange !?

- Je suis le cap’taine Al la triste, fille du Géant au regard triste ! Dit-elle avec conviction.

Crochet l’achat son crabe et se mit à trembler.

- Qu’est ce que t’veux fillette ?

- Ça, ça va dépendre de toi vieux grigou.

- D’moi ? Qu’est ce que tu veux à c’vieux Crochet que ton pÔpa a abandonné ici ?

- J’ai besoin que tu m’aides à retaper l’Arc-kadia.

- Hahaha ! Tes mécanos son qu’des pisse-vinaigre ! Le rafiot est en rade et t’sais pas comment l’remettre en état c’est ça ?

Al la triste plissa les yeux pour montrer qu’elle n’était pas touchée par les provocations de Crochet.

- Bien je vois que tu veux rester là jusqu’à la fin d’tes jours. Adieu.

- Ah nan, attend, t’emballe pas. Ok je t’aide, par contre je veux qu’on me refasse une jambe et un bras.

- Accepté.

- Et puis j’veux aussi...

- T’auras rien de plus, on te sort d’ici on t’requinque et toi tu nous aides. Pas plus. Coupa Al avec détermination.

Crochet se gratta la tête, probablement recouverte d’insectes nuisibles, puis cracha dans son unique main et la tendit à Al. La jeune femme accepta la poignée de main. Crochet se leva, prit sa béquilleet fit signe à Al la triste de lui indiquer la route. Il n’emporta rien d’autre...

Plusieurs jours avaient passé et Al respecta sa parole. Kleménce et Trèfle utilisèrent leur savoir-faire pour bricoler de nouveaux membres. Pendant ce temps, Crochet qui n’avait plus vu personne depuis des lustres profita du luxe du bord et fit connaissance de l’équipage. Lorsque le capitaine jugea Crochet en meilleur état elle lui rappela ses engagements. Elle le convoqua dans ses appartements.

- Et bien rien n’a changé dans cette piaule.

- Concentre-toi Crochet, au lieu de convoiter ce que tu n’auras jamais.

- Hum, bon alors soyons sérieux d’coup.

- Bien, regarde ceci et dis-moi ce que tu sais.

Al la triste lui montra le journal de son père à l’endroit où il y avait du code pirate. Crochet examina le plan avec minutie.

- Désolé, mais j’peux pas traduire ça.

- Dans c’cas je te ramène où tu étais.

- Mais je connais la personne qui connait.

- Qui ça ?

- Le Prêcheur pirate !

- Ca me dit rien, mais étonnement il manque une feuille dans le journal de mon père.

- Normal il voulait changer de vie, c’est c’qu’il m’a dit avant qu’on m’jette. Mais je sais d’où il vient, qui il a connu et tout et tout.

- Et bien voilà quand tu veux, je te charge de m’retrouver ce prêcheur. Et on a pas dix ans !!


Un monde au bord du gouffre

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Chapitre 1 - Ombreuse

Autour des sœurs les flammes rouges et brûlantes s’agitaient au gré du vent irrégulier. Tout autour d’elles c’était le chaos. La terre s’arrachait du sol et il faisait aussi noir qu’une nuit sans lune, pourtant c’était le jour. Les deux filles avançaient avec précautions, mais rien ne pouvaient les atteindre et nulle peur n’étreignait leur cœur de guémélites de l’Ombre. Elles se sentaient attirées par quelque chose. Plus loin il y avait une colline faite de terre noire et brûlante, dessus un trône de cristal rouge sang recouvert de symboles noirs en forme de spirale, marque de Néhant. Les deux sœurs arrivaient au niveau du trône. Dessus un homme de grande taille emmitouflé dans une grande pièce de tissu percée et brûlée un peu partout. On ne pouvait voir son visage caché par une capuche. Elles savaient très bien qui était en face, elles souhaitaient ce moment depuis bien longtemps.

- Maître, dire-t-elle de concert.

Aussitôt et sans le moindre contrôle de leur part elle se mêlèrent l’une à l’autre pour devenir Ombreuse.

- Tu es mieux ainsi, tu es presque... parfaite. Approche.

La créature d’ombre approcha son visage de celui de cet homme qui leur parlait. Il souleva sa main avec difficulté et caressa du dos de ses doigts la joue de la jeune femme.

- Oui tu es presque parfaite, il ne te manque pas grand chose. Le moment venu tu siégeras à mes côtés. Le nécessaire sera fait.

Tout le décor s'effrita autour d’elle. Le trône et le mystérieux personnage disparurent, puis le ciel et enfin le sol. Elle eut la sensation de tomber dans le vide. Ombreuse se sépara en Silène et Sélène. La chute dura peu de temps car les deux sœurs se réveillèrent en sueur. Elles étaient toute deux dans des chambres séparées dans le manoir de Zejabel. Elles tombèrent l’une en face de l’autre au moment où chacune décida d’aller en parler à l’autre.

- Toi aussi ...

- Tu as fait ce rêve...

- Etrange...

- Et pénétrant...

Les deux jeunes femmes n’en revenait pas. Il y avait bien de la magie la-dessous, il était très très rare que deux personnes furent-elles frères ou sœurs rêvent de la même chose. Elles décidèrent d’aller en parler à celui qui serait le plus à même de leur répondre. Dimizar faisait en sorte de ne jamais dormir grâce à de sombres sortilèges, à chaque fois qu’il fermait les yeux il ne pouvait s’empêcher de revoir le visage mort de celle qui partagea sa vie. Ne plus dormir lui offrait aussi la possibilité de ne pas perdre de temps et de tisser sa toile de conspiration. Silène et Sélène racontèrent leur étrange rêve étonnant le néhantiste par la signification de celui-ci.

- Il est temps de payer ta dette Dimizar, lui dit une voix venue du fond de la caverne.

- Oui il est temps, répondit-il devant les deux sœurs qui ne comprirent pas cette phrase.

- Temps de quoi Dimizar ? Demanda Silène.

- Et bien de devenir plus proche de Néhant mes damoiselles !

Silène et Sélène se regardèrent l’une l’autre avec un sourire radieux.

- Ne soyez pas trop contentes, ça sera extrêmement douloureux, dit-il en les chassant de son laboratoire. Je vais mettre en place ce qu’il faut, préparez-vous pour un long voyage, peut-être sans retour.

Les sœurs passèrent la journée à imaginer quel pourrait être le moyen de se rapprocher de Néhant et essayèrent d’extrapoler sur leur avenir. Alors qu’elles préparaient le peu d’affaires qu’elles avaient, Ardrakar fit irruption dans la chambre de Sélène peu après avoir cherché sa sœur.

- Ainsi Néhant a décider de vous accorder sa marque et de vous changer. J’en suis ravie, sachez que je suis passée par là autrefois.

- C’est vrai ? Comment ça c’est passé ?

- Mal. Mais c’était principalement parce que j’étais lié à Dragon. Il a lutté pour me garder et ça a été la pire des souffrances. Le lien avec Dragon coupé, j’ai alors reçu une nouvelle pierre-cœur, une infime partie de Néhant, dit-elle en montrant la pierre implantée dans la paume de sa main gauche. Émerveillées, les sœurs allaient poser un nombre incommensurable de questions mais Ardrakar coupa court.

- Je vous souhaite bonne chance, Dimizar m’a parlé de votre rêve, j’espère qu’il se réalisera, je serais prête à tout pour redevenir la dame de Néhant, dit-elle en quittant la chambre.

Les sœurs n’en revinrent pas de cette découverte à propos d’Ardrakar, cela les conforta encore plus dans leur idée. Elles furent donc promptes à la préparation et attendirent Dimizar à l’entrée, passant le temps en regardant Mâche l’âme s'entraîner de façon plutôt sauvage avec Carkasse. Enfin Dimizar accompagné de Masque de fer arriva à l’entrée. La petite troupe quitta le manoir rapidement pour se mettre en route à travers des chemins de montagne. Ils traversèrent ainsi durant plusieurs jours la chaîne principale des terres de Guem. En fin de compte ils finirent par arriver dans le sud de Tantad dans une région assez inhospitalière. Au loin les volcans de Tantad fumaient comme à leur habitude, rappelant ainsi leur existence.

- Nous voilà presque arrivés, il est là pas très loin, rassura Dimizar alors que ses compagnons commençaient à en avoir marre du voyage. Nous allons attendre la nuit et nous allons l'appeler.

- Appeler qui ? demanda Sélène.

- Le Grand Dévoreur, répondit Masque de fer qui pour le voyage portait un simple masque au lieu de son masque intégral.

- C’est quoi ? Ou qui ?

- C’est le début de la fin et pour vous deux la porte d’entrée vers autre chose.

Le groupe progressa pour atteindre la plaine désertique, nul arbre, nulle plante, juste de la terre argileuse, des rochers et des cristaux transparents pour la plupart brisés. Dimizar sembla suivre une piste invisible et s’arrêta lorsqu’il arriva au bout de celle-ci.

- Nous y voici, c’est là.

Sélène et Silène regardèrent partout mais ne voyaient rien.

- Il est où le Grand Dévoreur ?

- Là où on ne le voit pas, dans les profondeurs de la terre, dit Dimizar en montrant le sol. C’est ici que Néhant ouvrit les portes des méandres et répandit les démons. A présent le Grand Dévoreur garde l’entrée, patiemment jusqu’au retour du maître.

Dimizar sortit un petit coffret de son sac, le posa délicatement à terre et l’ouvrit avec une précaution infinie. Il en extirpa deux éclats de Néhant et en confia un à Masque de fer.

- A présent devenez Ombreuse, ordonna Dimizar.

Les sœurs s’exécutèrent et devinrent la créature de l’ombre à quatre bras.

- Bien, Masque de fer, commençons.

Les deux mages dessinèrent sur le sol des spirales reliées entre elles de façon à ce que les traits soient continus. Ainsi ils formèrent un cercle assez grand pour eux. Il se placèrent au centre du cercle. Masque de fer aspira toute la magie néhantique contenue dans son éclat et la moitié du cercle qu’il avait dessiné s’illumina en rouge. Les spirales creusèrent la terres comme si de la lave circulait à la place des traits dessinés. Dimizar fit de même.

- Gardien des méandres, Grand Dévoreur, les serviteurs de Néhant t'appellent, écoute nos voix.

Ils répétèrent un bon nombre de fois cette phrase et au fur et à mesure qu’ils la prononçait les spirales s’intensifiaient et grossissaient en taille. Puis la terre trembla. Des cristaux de quartz éclatèrent et des rochers roulèrent des collines aux alentours.

- Il est là, cria Dimizar. Ombreuse, rentre dans le cercle.

La créature de l’Ombre franchit les spirales au moment où le sol devant eux se soulevait. Une colline se forma, puis une montagne. Celle-ci se creusa pour former une sorte de bouche fumante dont la gorge était illuminée de couleur rouge.

- J’ai entendu l’appel et je suis venu fidèle du maître, dit une voix semblant émaner de cette chose.

Dimizar et Masque de fer attrapèrent Ombreuse de part et d’autre et la lancèrent en devant eux en dehors du cercle.

- Cette créature doit te voir, dévore là !! Hurla Dimizar.

Ombreuse surprise crut que pour elle c’était la fin. La bouche aspira tout autour d’elle y compris la créature de l’ombre qui hurlait de terreur. Une fois qu’elle l’eut avalé, le Grand Dévoreur s’adressa aux Néhantistes.

- Elle vous sera rendue en temps voulu. Nous nous verrons bientôt, je sens que le Maître arrive et je serai à nouveau suffisamment puissant pour vomir les légions.

La bouche se referma, la montagne s’enfonça dans le sol et disparue.

- Que faisons-nous Dimizar ?

- Nous retournons au manoir finir le plan, elle reviendra en temps voulu.

Ombreuse tombait, sa chute l’attirait inexorablement vers un lieu où nul ne souhaitait mettre les pieds. L'atterrissage fut douloureux, elle tomba face contre terre, ou plutôt face contre cendres. La poussière s’infiltra par sa gorge et son nez, l’étouffant. Elle se releva tant bien que mal, cherchant un appui de ses quatre mains. Après avoir chasséla cendre et repris ses esprits Ombreuse admira le décors incroyable qui l’entourait. Partout dans le sol d’une sorte de grande caverne de pierre noire, des bassins se remplissaient d’une matière visqueuse, on aurait dit comme de la lave, mais c’était noir comme les ténèbres.

- Soit la bienvenue Ombreuse. Je suis le Grand Dévoreur, viens jusqu’à moi.

La voix venait de l’autre côté de la caverne. Elle obéit donc et se faufila entre les bassins, elle remarqua que par endroit de la matière s’écoulait comme animée par une volonté propre. De l’autre côté il n’y avait un autel taillé dans du cristal noir. Elle l’examina mais n’y vit que son reflet.

- Es-tu prête pour le sacrifice Ombreuse ?

- De quoi parlez-vous ? Montrez-vous !

Apparut d’un coup sur l’autel une petite créature humanoïde pas plus grande qu’une dague. Son aspect était effroyable, on aurait dit un modèle réduit de Mâche l’âme, à ceci près que son visage se rapprochait plus de celui d’un humain.

“C’est ça le Grand Dévoreur ?” S’interrogea Ombreuse.

- Oui c’est “ça” ! Gare à tes pensées ici elles sont miennes ! Je pourrais très bien décider de vous enfermer ici pour toujours.

- Bien dans ce cas vous savez déjà que je vais vous demander comment devenir plus proche de Néhant...

- Et je vais vous répondre qu’il faudra faire un sacrifice.

- Mais quoi comme sacrifice ?

Le Grand Dévoreur afficha une dentition fortement pointue alors qu’il souriait.

- Arrachez cette vilaine pierre-cœur là au milieu de votre poitrine !

Ombreuse savait pertinemment, pour avoir déjà tenté que c’était une opération non pas dangereuse, mais mortelle. elle avait entendu l’histoire de personnes qui avaient arraché leur pierre-cœur, ils étaient mort peu de temps après l’opération.

- Un guémélite ne peut survivre sans sa pierre-cœur, dit-elle persuadée de ce qu’elle avançait.

- C’est possible, oui, bien sur vous risquez de mourir. Bien, je suppose que je dois vous laisser retourner auprès de Dimizar.

- Quoi ? C’est tout ? Je suis choisie par Néhant !! Tu feras selon sa volonté où crois bien que tu perdras la tête !

- C’est possible, oui, le seigneur dispose de mon existence, s’il n’est pas satisfait il pourra me détruire. Arrachez cette pierre !!

Ombreuse avait le doute, est-ce qu’il fallait mourir pour Néhant ? Silène et Sélène dont les consciences étaient mêlées avaient-elles le choix ? Après une intense réflexion elle attrapa une dague qui pendait à sa ceinture. D’une geste rapide elle planta la dague dans sa poitrine le long de sa pierre-cœur et fit levier pour la sortir d’un coup sec. La douleur fit le tour de son corps comme si on lui arrachait les bras ou qu’on la dépeçait vivante. Elle arriva avec beaucoup de difficulté à arracher la pierre-cœur qu’elle tendit au Grand Dévoreur. Le sang s’échappait à grands flots de la blessure elle sentait ses forces la quitter. La petite créature accepta la pierre-cœur et la mangea aussitôt. Ombreuse chavira, sa vie lui échappait, elle tomba parterre, inconsciente.

- Sacrifice accepté dit alors le Grand Dévoreur.

Ce dernier sauta par terre, alla chercher un peu de matière de ténèbres dans un des bassins. Au contact du démon la matière se transforma en un morceau de cristal noir.

- Tu vivras Ombreuse dame de Néhant, cria-t-il au moment où il plaçait la pierre dans la blessure sanglante.

La peau se régénéra autour de la pierre et un changement profond se produisit en elle. Son aspect changea. Ses cheveux devinrent blancs et son corps se rapprocha plus de la femme-serpent. Les ombres mouvantes formant sa queue disparurent et sa peau devint lisse jusqu’à l’extrémité de sa queue. Elle mit quelques temps avant de refaire surface. La première chose qu’elle vit était cette nouvelle pierre émettant une faible lueur rouge. Elle l'effleura de l’une de ses mains et du coup elle put se rendre compte quelle était encore sous forme d’Ombreuse. Silène et Sélène n’auraient pu maintenir cette forme en cas d’inconscience.

- Que que m’as-tu fait ?

La voix d’Ombreuse avait changé, elle était plus sifflante et captivante.

- Tu es telle que le Maître le désirait et telle que vous le désiriez aussi. D’ici peu Sélène et Silène n’existeront plus, il ne restera qu’Ombreuse.

Ombreuse écoutait à moitié le Grand Dévoreur. Elle ressentait quelque chose de différent en elle, outre les changements physiques elle sentait un pouvoir plus important, plus fort, plus puissant et un lien fort avec Néhant. Elle se mit à rire, au début doucement, puis de plus en plus fort, Ombreuse était devenue une guémélite de Néhant.

Chapitre 2 - Main mise

Dimizar et Masque de fer étaient rentrés au manoir depuis plusieurs jours et le moins que l’on pouvait dire c’était qu’ils ne ménageaient pas leurs efforts. Voilà plusieurs semaines que les pions étaient en place, et même le récent revirement de situation vis-à-vis des Combattants de Zil n'empêcherait plus le lancement de la machination. Mâche l’âme déboula dans le laboratoire en tenant une patte d’un volatile sur laquelle il y avait un message enroulé.

- Qu’est ce qui c’est passé ? Me dit pas que t’as mangé l’oiseau, interrogea Dimizar en craignant la réponse.

Le démon, qui avait agit par réflexe alors que le pigeon s’était posé non loin de lui, ne répondit pas, se contentant de donner la patte de l’oiseau au néhantiste. Il quitta la pièce assez rapidement pour ne pas avoir à se justifier.

- J’aurais mieux fait de ne pas t’invoquer, cria Dimizar qui s’étonnait toujours de la stupidité de ce démon.

Il déroula le petit parchemin tacheté de sang et se mit à lire la missive.

“Tout est prêt, la demande est prise en compte, vous allez être convoqué pour le débat. H.”

- Très bonnes nouvelles on dirait, lui dit la voix du miroir.

- Excellentes, la prochaine étape sera bientôt franchie.

- Biiiieeen, très biiienn. Mais attention à nos ennemis, ils sont encore nombreux. Ce Marlok devient un véritable problème.

- Marlok et ses amis, oui ils sont un problème, mais ils ont un point faible une personne dans leurs rangs qui leur causera beaucoup de soucis. Enfin bref, nous n’en sommes pas à cette étape là, mais à celle qui nous occupe à présent. D’ailleurs, le rituel est prêt, je vais y aller. Et toi, tu es prêt à jouer ton rôle Déchu ??

L’ancien Solarian était assis par terre un peu plus loin, immobile.

- Selon votre volonté, Maître.

- Parfait ! En route.

Plusieurs jours plus tard, au château de Kaes. Les Conseillers s’étaient réunis pour une session extraordinaire pour traiter d’un sujet très important. A l’issue, le Conseil de guildes devrait voter pour déterminer si la magie Néhantique devait, ou non, rester une magie interdite. Le débat était très animé car ce sujet était véritablement sensible. La magie de Néhant était interdite depuis la création du Conseil de guildes. La parole avait été donnée au Conseiller Vérace fervent défenseur de cette interdiction, avant-dernier à parler avant le vote.

- Vous ne vous rendez pas compte de ce que cela implique !? Avez-vous oublié nos parents et ce que le monde a subi lors de la guerre contre Néhant ?? Allons, soyons sérieux je vous en prie, remettre ce sujet sur le tapis est pour moi un aveu de faiblesse.

Aussitôt la plupart des autres conseillers se levèrent pour protester ou appuyer les paroles de Vérace.

- SILENCE !! SILENCE !!

Le Conseiller-Doyen Kaketsu frappa le sol dallé d’un bâton de cérémonie, rappelant ainsi à l’ordre les troublions. Lors des débats, un ordre précis de passage oratoire était organisé dans le but d’alterner les conseillers pour et contre la mesure.

- La parole est toujours au Conseil Vérace, indiqua le vieil homme originaire de Xzia.

- Merci Doyen. Chers conseillères, chers conseillers, quel est le cheminement qui nous a mené jusqu’à remettre en cause le fondement même de la création du Conseil. Outre le fait que notre organisation régule les Guildes, l’une de nos missions est de lutter contre Néhant. Je n’ai rien d’autre à ajouter, je pense mes arguments pertinents.

Vérace alla se rasseoir à sa place alors que le Conseiller-Doyen donnait la parole à Edrianne. Au moment où la dame allait commencer son allocution un jeune homme portant la livrée du Conseil entra rapidement et donna un parchemin à Edrianne. Après l'avoir lu, elle se leva et s’adressa à l’assemblée.

- La magie de Néhant est interdite. Mais que penser des flammes qui peuvent ravager ? De la magie de l’ombre pourtant si proche du néhantisme dont certaines guildes usent à outrances ? Il est peut être temps non pas d’interdire, mais d’apprendre de nos erreurs afin d’avancer vers une autre direction, celle de la compréhension. Je pense avoir de quoi vous convaincre qu’aujourd’hui les temps ont changé et qu’à présent nous devons adapter nos décisions au contexte. Or, le danger aujourd’hui n’est pas Néhant, mais la pierre tombée du ciel ainsi que ceux venus du désert. J’ai ici un rapport m’avertissant qu’à l’instant même où je vous parle, une bonne partie des terres connues comme Tombeau des Ancêtres vient de se désagréger.

- Quel est le rapport avec le sujet qui nous occupe ? Intervint Kaketsu.

- J’y viens Doyen. Pour rappel et selon un rapport d’activité des Envoyés de Noz’Dingard l’Archimage Anryéna et ses mages du Compendium pourtant réputés pour être les plus puissants magiciens du monde n’ont pas réussi à battre la théurgie des nomades. Et si je vous disais que la magie de Néhant réussit là où le Compendium échoue ??

- Je vous dirais mensonge ! Accusa le conseiller Edrios originaire de Tantad.

- Dans ce cas permettez moi de vous présenter un invité qui va vous prouver que ce que j’avance, est vrai.

A ce moment là, Dimizar, seul, entra dans la pièce devant le regard ébahi d’une partie des conseillers. Le néhantiste avança d’un pas assuré jusqu’à Edrianne. Dimizar attendit que le silence se fasse puis regarda Kaketsu. Ce dernier lui offrit la parole.

- Dames, Damoiselles et Messires du Conseil de Guilde, permettez-moi avant tout de vous saluer. Je suis honoré d’être là parmi vous afin de vous convaincre qu’aujourd’hui, les néhantistes sont votre meilleur atout dans cette guerre contre les Solarians.

De son côté Vérace bouillait intérieurement, un néhantiste ! Non LE néhantiste que tout le monde cherchait était là devant le Conseil, il suffisait, non, le Conseil devrait l’arrêter sur le champs. Mais tous étaient pendus aux lèvres du Néhantiste.

- Comme beaucoup je suis inquiet de la proportion énorme que prend cette affaire de pierre tombée du ciel. Je me suis penché sur cette étrange magie venu d’une lointaine région. J’ai trouvé la solution grâce à la magie de Néhant.

Les protestations augmentèrent.

- Mais je pense qu’il vous faut une preuve, je vous présente un solarian qui ne peut désormais plus utiliser sa magie destructrice sur notre monde.

Rentra alors le Déchu qui fut reçu avec des “ho” et des “ha” vis-à-visde son apparence fortement modifiée par la magie néhantique.

- Je pense que vous avez tous lu les rapport des guildes au sujet de cette personne arrivée il y a peu parmi les nomades ayant des ailes dans le dos et des pouvoirs terrifiants ? Cette personne-là est son équivalent.

- Monstrueux ! S’exclama Vérace.

- C’est nos terres qui seront monstrueuses si nous ne les controns pas. Je vous apporte une solution et je mettrai tout en œuvre pour que tout revienne à la normale sur les terres de Guem.

- Qu’est-ce qui nous prouve que cette personne était un Solarian avant que vous ne le transformiez en cette chose. Demanda Vérace l’air sceptique.

- Je peux vous apporter une autre preuve dans ce cas. Je crois savoir que vous avez des petits morceaux de la pierre tombée du ciel et que vous les étudiez. Si vous pouviez m’en apporter deux morceaux, je pourrais alors vous faire une démonstration.

Vérace qui n’avait pas de raison particulière de refuser envoya un garde chercher ce qui était demandé. Quelques instants plus tard il revint avec un coffret.

- Je vous remercie dit Dimizar en acceptant le coffret.

Effectivement à l’intérieur il y a avait deux morceaux de cristaux jaunes et vivement brillants. Il en prit un entre son pouce et son index et fit en sorte que tous les conseillers puissent voir la scène.

- Voyez vous la magie de Néhant est basée sur l’ombre, alors que cette dernière se contente de cacher ou de tricher avec la réalité...

Un voile d’ombre s’étendit alors sur le morceau de la pierre tombée du ciel puis finit par la ternir. Le morceau devint entièrement noir.

- La magie de Néhant permet de couper les solarians de ce qui leur donne leur pouvoir et ainsi réussir là où tout le reste échoue, dit-il en lançant la pierre à Vérace qui eut un mouvement de recul. Rassurez-vous ne risquez rien. Conseiller Vérace je vous sais versé dans l’art de la magie, vous ressentirez désormais la magie de Guem dans cette pierre et non plus l’ignominie venue d’ailleurs.

Les conseillers furent stupéfaits du résultat, le néhantiste avait raison, il pouvait lutter et gagner contre les envahisseurs du désert.

- Je peux renverser le cours des choses, mais pour ça vous devez autoriser la magie de Néhant afin que plusieurs d’entre nous qui pourraient vous aider se sentent plus en confiance et ne soient plus chassés comme de vulgaires criminels.

- Mais vous êtes un criminel attaqua Edrios. Vous vous présentez face à nous manipulant une magie interdite, nous devrions vous exécuter sur l’instant.

- Vous pourriez et dans ce cas vous condamneriez les terres de Guem à une fin certaine. A vous de choisir en votre âme et conscience.

Kaketsu frappa de son bâton de cérémonie de façon particulière indiquant la fin de la session et le passage au vote. Dimizar et le Déchu sortirent tous deux de la salle.

- Maître, vous pensez qu’ils vont accepter ? Interrogea l’ancien Solarian.

- Bien sur, il ne peut en être autrement, beaucoup de conseillers nous sont totalement dévoués, dit-il en poussant un petit ricanement.

Après une heure, Dimizar fut convié à rejoindre les conseillers. Vu le visage de Vérace le vote s’était très bien passé, enfin pour la cause néhantiste.

- A 11 voix contre 4, le conseil abroge l’interdiction de la pratique de la magie Néhantique. Toute personne pratiquant la magie de Néhant devra s’enregistrer auprès du Conseil sans quoi elle sera considérée comme hors-la-loi et punie en conséquence si la pratique de la magie de néhant était avérée.

“Et voilà, le début de la fin” se dit Dimizar. Mais le Doyen ne semblait pas avoir terminé.

- Vous devrez former une guilde officielle avec vos partisans qui sera sous tutelle du Conseil. Si vous n’apportez pas la preuve de votre bonne volonté à faire disparaître la pierre tombée du ciel et les solarians, vous serez traqués et exécutés par l’ensemble des guildes existantes.

“Merveilleux”.

Plus tard, alors que Dimizar avait quitté le château il fut rejoint par l’une des conseillères qui n’était autre que Haine qui sous un autre nom avait rejoint le Conseil.

- Bien très bien ma chère, vous avez brillamment réussi. Dit Dimizar l’air... joyeux !

- Oui ces idiots n’ont opposé que peu de résistance, à part Vérace, Edrios, Kaketsu et Chantelain, les autres sont sous contrat.

D’ailleurs les voici, mettez-les en sécurité que personne ne mette la main dessus je vous prie.

Dimizar accepta le précieux présent qui faisait que désormais main-mise était faite sur le Conseil, désormais il n’aurait plus à se cacher et la guerre contre les solarians étaient une diversion rêvée.

- Et maintenant seigneur que faisons nous demanda Haine.

- A présent ? On s’occupe d’Amidaraxar et nous sortons Néhant d’où il est. Ombreuse va prendre le relais sur ce sujet pendant que je montre au monde nos progrès contre les nomades.

Acte 4 : A feu et à sang

Le Corbeau et l'Empereur

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Chapitre 1 - Le Corbeau

Les deux serpents à plumes volaient à contresens l’un de l’autre, faisant ainsi des cercles autour de la pièce exiguë dans laquelle Toran et eux se trouvaient depuis maintenant plusieurs heures. Personne n’avait mis les pieds ici depuis bien longtemps à en juger par la poussière qui s’était déposée sur les objets et les meubles. Cet endroit était comme une salle du trésor à ceci près qu’il n’y avait ici que des objets laissés par les Empereurs depuis Xzia lui-même. En temps normal, seul un Empereur aurait pu mettre les pieds dans ce lieu, mais Toran était régent et c’était à sa portée de venir fouiner ici. Le vieux Tsoutaï n’espérait rien de cette expédition à travers les mémoires impériales, mais ce qu’il découvrit changea le cour de l’histoire, à moins bien sur que l’histoire ne devait se dérouler ainsi. Après avoir soigneusement regardé les différents parchemins il trouva caché dans la vieille armure de jeunesse d’un des empereurs un kakemono soigneusement rangé dans de la soie. Toran le déroula soigneusement et le posa au sol de manière à avoir une meilleure vue de l’ensemble, à ce moment là des plumes noires très longues s’en échappèrent. Il les récupéra et sans aucune hésitation il sut qu’elles étaient d’un corbeau. Quelqu’un avait collé sur les lattes de bambou du kakemono des feuilles de riz sur lesquelles il avait ensuite écris un récit. D’après la qualité de l’écriture on pouvait juger que le texte avait été rédigé dans la hâte.

Toran se lança dans la lecture. Visiblement c’était l’empereur Yaji qui en était l’auteur, il racontait une histoire assez incroyable parlant d’un vieil homme qui fut suspecté d’être un mauvais esprit et qui fut enfermé dans la mine de grisfer dans la région d’Oryun. Yaji reconnaissait avoir eu peur de l’influence qu’aurait pu avoir cet être sur ses sujets. La suite racontait comment la guerre entre Xzia et la Draconie avait fait émerger une nouvelle famille et reconnaître un clan jusque là honni.

Toran comprit alors que c’était là l’histoire du clan du Corbeau, bien qu’il connaissait déjà le passage à propos de l’intervention du clan dans la guerre contre la Draconie, il ignorait l’affront qu’avait subi le Corbeau en se retrouvant comme un misérable au fond d’une mine. Il lui fallait en savoir plus sur cette personne enfermée sous une montagne de grisfer. Hélas ses impératifs de régent lui rappelèrent qu’il n’aurait pas assez de temps à consacrer à cette affaire.

Le soir même il envoya une lettre au seigneur impérial Gakyusha afin que lui soit affecté un ou deux membres de la Kotoba. La réponse ne tarda pas. Se présentèrent au palais deux personnes qui voulurent rencontrer Toran. Ce dernier les reçut entre deux réunions importantes. Le premier était Furagu, le porte bannière de la Kotoba et vétéran de bien des batailles, quand au second il s’agissait de Shuin Khan un ancien élève de Tsuro devenu l’un des meilleurs traqueurs actuels. Tous deux s’inclinèrent respectueusement devant Toran et attendirent que le régent leur adresse la parole comme le voulait le protocole. Mais ils furent étonnés de voir le vieux maître déployer ses cherchefailles qui aussitôt tournèrent dans la salle.

- Nous pourrons parler sans que nulle oreille indiscrète ne nous écoute. Ce que j’ai à vous dire et la mission qui va vous être confiée relève du secret. Je suis honoré que le seigneur impérial m'envoie deux illustres héros de l’empire. Hélas je vais vous envoyer dans un lieu qui est loin de l’éclat de vos renommées.

Toran déroula le kakemono.

- Lisez ceci.

Les deux hommes lurent les écrits sans trop comprendre la finalité.

- Voyez-vous, le clan du Corbeau est né dans la douleur, le mépris et la haine. Je suspecte le vieil homme dont parle cette histoire d’être le Corbeau en personne, une entité puissante. Je vous envoie à Oryun examiner cette mine aujourd’hui abandonnée.

- Une mine de grisfer ? Mon armure a été faite du métal en provenance de là-bas, expliqua Furagu.

- Que devons nous chercher seigneur Régent ? Interrogea Shui Khan.

- Tout ce que vous pourrez trouver à propos d’un prisonnier. Les archives de la mine doivent être conservées là-bas.

- Nous nous mettons en route sur l’instant.

Ayako était cachée derrière l’une des statues se trouvant devant le palais impérial. Guettant avec sérieux les entrées et sorties afin de ne pas rater le départ de Furagu et Shui Khan. La jeune sœur du champion de l’Empereur avait profité de l’absence d’Henshin son tuteur et grand-père pour aller faire un tour dans les rues animées de Meragi. Par le plus grand des hasards elle avait aperçu une armure comme celle de son père ainsi que l’insigne de la Kotoba. Croyant que son père ou son frère était là, elle suivit le guerrier. Mais il ne s’agissait pas d’un membre de sa famille mais du porte bannière, Ayako l’avait déjà vu une fois chez elle. Et voilà que Furagu rencontrait un autre membre de la Kotoba, et pas n’importe lequel Shui Khan, le traqueur dont on prétendait qu’il descendait du roi-singe lui-même. La coïncidence était trop forte et l’idée lui vint qu’ils pouvaient avoir une mission importante et passionnante. Tout ceci la sortant de son morne quotidien d’apprentissage de la magie, elle décida d’en savoir plus.

Les deux membres de la Kotoba sortirent enfin et Ayako les suivit à nouveau. Ils prirent la direction du quartier général de la Kotoba qui se trouvait non loin. La discrétion de la jeune fille étant proche de zéro, Shui Khan ne tarda pas à remarquer son cirque et l’attrapa sans difficulté.

- Lâchez-moi ! Lâchez-moi !

- Qu’avons-nous là ? Demanda Furagu.

- Une petite fouineuse, répondit Shui Khan.

Mais la jeune femme se défendit et fit magiquement apparaître deux poissons faits d’eau avec de grandes dents. Shui Khan lâcha sa prise.

- Oh très impressionnant ! Plaisanta le traqueur. Et que comptes-tu me faire avec ces petits poissons ?

- Attend, il me semble connaître ce symbole sur son kimono. Tu serais pas la fille de seigneur Gakyusha ? Demanda Furagu.

- Exactement ! Hurla-t-elle. Je suis Ayako !

- Bon, que fais-tu seule dans la rue ? C’est dangereux tu sais, répliqua Shui Khan du coup beaucoup plus inquiet. On va te ramener chez toi.

Ayako, maligne faisait tourner ses poissons autour des deux hommes et pendant qu’ils discutaient à propos d’elle, elle s’occupa d'examiner leurs souvenirs proches. Ce qu’elle vit chez Shui Khan était passionnant, elle vit Toran faire lire le kakemono et du coup elle en profita pour en apprendre plus.

- Vous allez enquêter sur le Corbeau dit-elle sans retenue.

Shui Khan l’attrapa et lui mit la main sur la bouche pour la faire taire.

- Tais-toi ! Qui t’autorise à fouiller dans nos têtes ??

L’homme à l’aspect simiesque n’était visiblement pas content. Furagu enleva la main de son camarade.

- N'oublie pas qui elle est.

- Peu importe, elle peut nous compromettre. On la ramène chez elle et vite.

Furagu n’ayant rien contre, les deux hommes traînèrent Ayako jusqu’à chez elle, comprenant l’importance de la chose elle ne fit pas d’esclandre. Au moment où les trois personnes arrivèrent Henshin sortit dans le jardin avec une lettre à la main et l’air fâché.

- Merci de l’avoir ramenée, elle a échappé à ma vigilance, dit-il en soupirant. Je viens de recevoir une lettre de ton père, lisons ça à l’intérieur. Ça vous concerne aussi dit-il à Furagu et Shui Khan. Étonnés les deux hommes suivirent Henshin et Ayako à l’intérieur.

- Bien que ça ne me réjouisse pas, surtout après ce que tu viens de faire, ton père te juge prête et souhaite que tu fasses tes preuves. A titre d’apprentissage tu vas devoir rester aux côtés de Furagu et Shui Khan dans leur mission. Tu devras mettre tout ce que je t’ai appris au service de la Kotoba et de ses membres. Furagu ne broncha pas, bien qu’il pensait fermement qu’Ayako risquait d’être une gène. Quand à Shui Khan il émit un grognement en signe de mécontentement, il arracha la lettre des mains d’Henshin et lut rapidement. Et oui les ordres étaient bien d’embarquer cette peste dans une mission directement ordonnée par le Régent !

- Inadmissible ! Cria-t-il alors qu’Ayako exultait d’une joie visible. Pourquoi nous faire ça ??

- Il suffit !! Cria Furagu, les ordres sont les ordres et nous avons perdu trop de temps. Allons-y et considérons notre nouvelle recrue comme tout autre membre. Elle suit ou elle meurt.

- Hé ho je suis là hein s’indigna la jeune fille.

Shui Khan et Furagu sortirent tous les deux dans le jardin avec une attitude blasée. Ayako blessée par la réaction de ses nouveaux compagnons courut et dépassa les deux hommes en se plaçant dos au grand bassin. Là elle fit appel à tout son savoir. L’eau du bassin se souleva et une vague passa au-dessus d’elle avec violence renversant avec rage Furagu et Shui Khan. La jeune sœur d’Iro le duelliste contrôlait l’eau à merveille, la vague se transforma en trombe qui tourna autour d’elle.

- Je suis Ayako, fille du seigneur impérial Gakyusha, sœur du champion de l’Empereur ! Cette démonstration vous suffit-elle ? Ai-je ainsi prouvé que je suis assez forte pour affronter le monde ?? Dit-elle en colère.

Furagu, étonné, se mit ensuite à rire. Quand à Shui Khan il n’en revenait pas, cette petite avait un potentiel incroyable. Henshin qui avait assisté à la scène fut aussi impressionné. Mais il lui fallait arrêter ça avant qu’une catastrophe ait lieu. Lui aussi magicien il brisa le sort d’Ayako. L’eau retourna alors dans le bassin. Shui Khan se releva d’un bond et s’adressa à la jeune mage.

- Très bien, très bien, je m’excuse, je t’ai sous-estimée. Prends tes affaires, nous partons, mais sache que tu n’auras pas de traitement de faveur et que nous ne te ménagerons pas. En outre s’il s’avère que tu deviens un poids pour le groupe, nous te renverrons auprès de ton grand-père, ou pire, de ton père. Est-ce bien compris ?

Ayako fonça alors chercher de quoi se changer et quelques affaires. Son grand père l’intercepta alors qu’elle allait partir.

- Écoute-moi bien. Ceci est le début d’une nouvelle vie pour toi. Soit à l’écoute de la magie et de l’eau, et bien sur apprends désormais la discipline auprès de tes nouveaux compagnons. Et... fais attention à toi, dit-il en la serrant dans ses bras. Je n’ai qu’une petite fille je ne veux pas la voir disparaître.

- Oui oui Jii-San, je dois y aller, toi aussi prends soin de toi.

C’est ainsi que Furagu, Shui Khan et Ayako quittèrent la demeure de Gakyusha, puis Meragi. Alors qu’ils s’éloignaient de la cité impériale, Henshin pria devant le bassin d’eau.

- Le temps a passé mon vieil ami, toi qui veille sur ma famille depuis des générations, j’ai un service à te demander, veille sur Ayako, ma petite fille.

L’eau du bassin s’illumina alors d’une couleur violette et tous les poissons qu’il contenait remontèrent à la surface. Apparut alors une créature spectrale, une immense carpe violette qui sortit de l’eau et s’envola pour entourer Henshin.

- Merci de m’accorder encore tes faveurs et te tirer de ta retraite paisible.

La carpe fit plusieurs tours du vieil homme puis disparut en plongeant dans le bassin.

La mine d’Oryun n’était pas très éloignée de Meragi. Il ne suffit que de deux jours pour y arriver. Bien que l’activité n’y soit plus importante depuis sa fermeture, le village du même nom avait gardé une activité marchande importante. En effet elle était placée sur une des plus importantes routes très souvent empruntée par les marchands et les voyageurs. Le nom du village signifiait falaise car il était construit sur le flanc d’une montagne qui s’écroula autre fois, libérant ainsi des veines de grisfer, ce métal fut vite exploité pour ses propriétés spéciales. Une autre vertu du grisfer était d’ordre botanique. les arbres et plantes poussaient plus vite et avaient une taille plus importante sur un endroit qui en contenait. Ainsi Oryun était parsemé d’arbres gigantesques et les habitants vivaient aussi de cultures qui s’avéraient abondantes. Ayako qui n’avait rien vu d’autre que Meragi fut émerveillée du spectacle que lui offrait le village. Hélas ce n’était ni une visite de courtoisie ni de tourisme, Furagu et Shui Khan se dirigèrent directement vers la plus grande bâtisse qui logiquement était la demeure du seigneur local. Après une rapide présentation ils furent réorientés vers un ancien du village qui avait passé une bonne partie de sa vie au fond de la mine. Ce dernier qui avait d’ailleurs pour principale tâche de veiller sur les bâtiments désaffectés servant autrefois aux mineurs.

- Nous allons descendre. Indiqua Furagu au vieux mineur.

- Seigneur, je vous suggère d’enlever votre armure sans quoi vous allez l'abîmer et surtout vous ne pourrez pas passer par certains conduits.

- Il a pas tort, répliqua Shui Khan.

- Facile à dire pour toi, tu portes pas d’armure. Mais si ça nuit à la mission, allons-y.

- Si vous craignez qu’on vous vole je peux faire en sorte qu’on ne voit pas votre armure, assura Ayako.

- Très bien, voyons cela.

Une fois l’armure de Furagu enlevée, Ayako demanda à ce qu’on place l’ensemble dans un des nombreux trous du sol. Enfin la jeune femme passa la main au-dessus en incantant. Une pellicule d’eau apparut et boucha le trou, ainsi n’importe qui croirait à une flaque.

- C’est ça la sécurité ? Dit Furagu en tendant la main vers la flaque.

Shui Khan arrêta son geste.

- Touchez pas ! Vous perdriez votre main !

Le guerrier hésita, puis se souvint du bassin et des pouvoirs de la fille.

- J’espère que ton sort fonctionnera Ayako, cette armure est tout pour moi, ajouta Furagu avant de se diriger vers l’entrée de la mine.

Le vieux mineur alluma plusieurs torche et avec l’aide des membres de la Kotoba l’entrée de la mine fut dégagée. Une odeur acre et désagréable vint à leur nez et ils durent se cacher le bas du visage par un linge. L’intérieur n’inspirait vraiment pas confiance. Les piliers et planches de soutènement étaient assurément vieux et vermoulus. le fait que tout cela tienne relevait plus du miracle qu’autre chose. Le vieux mineur tourna rapidement sur une autre galerie qui les ramena sur l’extérieur dans une sorte de cavité à ciel ouvert. Il y avait là plusieurs maisonnettes menaçant de s’écrouler.

- Vous vouliez voir les registres, ils sont là, mais je ne sais pas dans quel état.

Il s’engouffra dans la plus grande d’entre elles et fit signe aux autres de le suivre une fois certain que ça n’allait pas leur tomber sur la tête. Il y avait là de vieux outils et un fatras incroyable de vieux matériels. Puis dans une pièce ils trouvèrent un coffre fait de grisfer. Il n’y avait pas de verrou, il fut donc ouvert sans difficulté. Plusieurs rouleaux de feuilles de riz étaient soigneusement rangés dans des peaux tannées. Ayako ressentit que quelque chose dans le coffre diffusait une faible magie. Impatiente elle poussa ses aînés et farfouilla. Elle en sortit un rouleau de couleur rouge.

- Étonnant que ça soit là, dit le mineur en le voyant. Le chef de la mine y inscrivait les faits surnaturels ou tout autre fait notable. Les autres rouleaux ne sont que de la comptabilité et des listes de rendement. Hélas sans la personne qui a fait le rouleau nous ne pourrons pas l’ouvrir. Et depuis le temps cette personne doit être morte.

Mais Ayako ne s’avoua pas si rapidement vaincue. Elle serra le rouleau entre ses mains et de l’eau glissa à l’intérieur. Voyant ça Shui Khan tenta de l’arrêter mais il était trop tard, le rouleau était à présent dans un globe d’eau.

- Bravo, belle bêtise !

- Mais non attendez, répondit-elle. L’eau me permet de capturer les écrits.

D’un coup la bulle explosa formant comme un immense miroir très fin. Il y avait là enfermé dans cette fine pellicule d’eau l’intégralité du contenu du rouleau.

- Allez faut tout lire rapidement, je ne vais pas tenir bien longtemps ainsi.

Le mineur ne sachant pas lire, Furagu, Shui Khan et Ayako parcoururent les lignes formées de remarques et de choses certes intéressantes mais qui n’éveillèrent pas plus leur curiosité.

- Là, je pense avoir quelque chose. Il y a des chiffres suivi du commentaire suivant : Des gardes impériaux sont venus et nous ont tenu au silence. Ils avaient avec eux un prisonnier, un vieil homme. Il l’ont enfermé aux coordonnées suivantes et nous ont ordonné de le nourrir une fois par jour, mais de ne jamais lui adresser la parole, lut Furagu. Et là, d’après ce qui est inscrit, le vieil homme aurait disparu sans laisser de trace. C’était peu avant que la mine ne ferme ses portes.

Le sort d’Ayako cessa et l’eau disparut en même temps que les écrits.

- Avec les coordonnées je peux vous amener sur le lieu, enfin si c’est pas écroulé évidement.

Voilà la petite troupe repartant dans le dédale de boyaux. La progression fut lente car nombres de tunnels étaient en partie bouchés par des éboulements et pour certains par une végétation souterraine assez incroyable, pour ne pas dire improbable.

- Dix, quinze. Nous sommes plus très loin, assura le mineur.

- Par là ? Mais c’est encore plus sombre que les autres galeries ! Exprima Shui Khan.

- Effectivement, on y voit rien.

Furagu avança prudemment avec sa torche à bout de bras. La lumière émise par la flamme se retrouva diminuée.

- C’est vraiment par là s’inquiéta Ayako.

- Sans aucun doute répondit le mineur.

Furagu et Shui Khan s’enfonçaient déjà dans le boyau sans plus attendre. Ils avaient déjà affronté mille dangers, un de plus ou de moins, ça n’avait plus guère d’importance. Néanmoins les deux hommes restèrent prudents. Le tunnel descendait encore et encore, il semblait interminable. Enfin alors que la lumière de la torche n’éclairait presque plus ils étaient au bout, dans un cul de sac. L’atmosphère était pesante et si les visiteurs ne restaient pas près les uns des autres ils avaient vite fait de se perdre de vue. Puis Ayako se retourna lorsqu’elle entendit un bruit étouffé.

- Qu’est-ce que c’est !! Dit-elle en regardant dans toutes les directions, elle s'aperçût que le mineur avait disparu.

Shui Khan et Furagu dégainèrent leurs armes. Le mineur n’était effectivement plus là. Puis un râle se fit entendre suivi d’un bruit d’ossements brisés comme si on écrasait la carcasse d’une volaille. Le corps du vieil homme tomba entre les trois membres de la Kotoba.

- Croa ! Des visiteurs, bien bien bien, je m’ennuyaaaiiiis...

Cette voix paraissait aussi étrange que cette obscurité surnaturelle. Shui Khan détacha le masque qu’il portait à la ceinture et le plaça sur son visage, tandis que Furagu se mettait en position de défense. Le combat commença par un sortilège lancé par Ayako. Elle projeta une boule d’eau lumineuse vers le plafond qui lorsqu'elle toucha la pierre éclata en un millier de gouttelettes de lumière.

- Vu !! Lança l’homme singe qui bondit avec rapidité et frappa une masse noire.

Hélas il ne fit qu’effleurer une chose indéterminée. La forme plongea sur lui le lacérant de coups de griffes d’ombre. Furagu répliqua pour lui venir en aide. Son katana de grisfer fendit l’obscurité et coupa d’un coup sec sur le côté de la chose. Celle-ci lâcha sa prise et recula. La créature se révéla alors, l’ombre l’entourant s’effaça. Son apparence était monstrueuse, une sorte d’homme, mais au visage déformé présentant un bec long et noir. Des plumes recouvraient son corps en partie nu, seuls quelques lambeaux de vêtements de mineur. Ses mains étaient pourvues de griffes effilées et son allure menaçante.

- Croooaaaa, je vais vous tuer !

Mais il n’eut pas le temps de mettre sa menace à exécution. Shui Khan avait réagi avec vivacité et enfonça une lame courte dans la gorge de son adversaire. Celui-ci tomba au sol en gargouillant avec son propre sang. Ayako se précipita pour éviter que la créature ne meure car elle pourrait fournir de précieux renseignements.

- On voit bien là le traqueur, dit-elle alors qu’elle tentait au moyen d’un sort de soigner la blessure.

Pour éviter les problèmes Furagu et Shui Khan tinrent les bras de la créature.

- Il souffre d’une puissante malédiction. Je ne pourrais pas lui enlever.

- Une malédiction ? De la magie ? Je crois pouvoir faire quelque chose, affirma le traqueur. Pousse-toi sinon tu vas avoir des problèmes.

Shui Khan se concentra durant de longues minutes puis toucha le sol avec son index droit. Des traits, puis des formes apparurent pour former des glyphes lumineuses rouges. La créature hurla alors puis disparut comme par magie. Le voile d’ombre s’estompa aussitôt, les torches éclairèrent de nouveau normalement. Au fond du tunnel ils virent une forme qui s’avéra être quelqu’un. Cet homme était extrêmement maigre, ses cheveux et sa barbe très longues. Visiblement il reprenait conscience. Sa voix n’était qu’un souffle.

- Merci à vous... vous me délivrez de ce fardeau.

- Qu’est ce qui vous est arrivé ? Demanda Furagu.

- Je... J’étais contremaître ici, responsable de cette section. Je crois qu’il y avait un vieil homme enfermé ici, un sorcier ou quelque chose comme ça. Alors que... que des gens voulaient le sortir, il m’a jeté un sort et je suis tombé là inconscient. Depuis j’ai l’impression d’être dans un rêve éveillé... Je... je crois bien que cet homme était le Tengu, le Corbeau, il est venu me voir plusieurs fois alors que j’avais une apparence monstrueuse... *keuf keuf* Encore merci... je crois qu’il est temps... merci...

L’homme à bout de force et dont la vie avait été prolongée par la magie décéda devant les yeux embrumés par les larmes d’Ayako. C’était la première fois qu’elle voyait un homme mourir. Après une rapide fouille des lieux ils ne découvrirent rien de plus.

- Partons de cet endroit de malheur, il nous faut faire un rapport immédiatement.

Chapitre 2 - L'Empereur

Toran lisait avec attention le rapport des missionnés. Il appréciait le nombre de détails qu’il contenait car cela lui donnait un meilleur point sur la situation. Il s’attarda sur la fin et la rencontre avec le mineur endormi. La coïncidence était de trop et il sut à ce moment là que le Corbeau avait fait une erreur, lui donnant les moyens d’agir. Après l’avoir parcouru de manière à le connaître par cœur, il brûla le rapport.

- A présent, délivrons l’Empereur, dit-il en regardant le parchemin se consumer rapidement.

Toran quitta la salle du conseil pour se rendre dans la chambre de l’empereur. Il croisa un serviteur et lui ordonna d’aller chercher Iro urgemment. Devant l’entrée se tenait Asajiro, le pauvre homme était à bout de force n’ayant dormi que quelques heures chaque nuit depuis sa prise de poste auprès de l’Empereur. Il eut du mal à se mettre au garde à vous lorsque Toran arriva.

- Vous avez la tête d’un fantôme lui dit le Régent.

- Ma tâche est plus importante que mon bien être.

- Voilà une réponse qui vous honore, l’empire n’oublie jamais ceux qui le servent.

- Dans ce cas je demanderai à l’empire un lit bien confortable ajouta Asajiro sur le ton de la plaisanterie. Vous voulez voir l’Empereur ?

- Oui mais j’attends quelqu’un. Lorsque cette personne sera arrivée nous allons entrer, il ne faudra pas laisser entrer d’autres personnes fussent-elles autorisées.

- Il en sera fait, sur ma vie.

Iro arriva précipitamment, essoufflé après avoir parcouru la moitié du palais impérial au pas de course.

- Vous m’avez... fait demandé Régent ?

- Oui, entrons je vais vous expliquer de quoi il retourne. Asajiro, à vous de défendre votre honneur.

Iro fronça les sourcils.

- A présent écoutez-moi bien, pour faire court, sachez que le sommeil de l’Empereur est tout sauf naturel. Et que nous connaissons tous deux le responsable.

- Le Corbeau... chuchota Iro en serrant les dents.

- Mais jusque-là nous n’avions pas de piste mais votre petite sœur, Furagu et Shui Khan ont fouillé le passé et trouvé de quoi nous permettre, enfin j’espère, de sortir l’Empereur de son sommeil.

- Ma sœur ? Ayako ? Elle a encore échappé à l’attention de notre grand-père ?

- Pas exactement, elle est en passe de devenir membre de la Kotoba, et nul doute après ses exploits que cela soit officialisé sous peu.

- QUOI ? Déjà ? Mais elle est si jeune !

- Vous étiez plus jeune quelle lorsque vous intégré la Kotoba.

Iro ne répondit pas, Toran avait raison.

- Bien et que faisons nous maintenant Régent ?

- Nous allons dans le rêve de l’Empereur voir comment il y est retenu.

- Et comment faisons nous ça ? Demanda Iro l’air perplexe.

Les tatouages de Toran bougèrent et se transformèrent en deux magnifiques serpent à plumes translucides.

- Les Cherchefailles sont des êtres incroyables, leur nom vient de l’une de leur faculté, celle de trouver les failles permettant de passer d’un monde un l’autre. Ainsi peuvent-ils naviguer de leur monde au notre et du notre dans un monde onirique, fût-il créé de toute pièce par quelqu’un. Ils nous transporterons avec eux. Les deux Cherchefailles firent le tour de la pièce puis plongèrent dans le ventre de l’Empereur, provoquant un grand flash violet. A présent, Iro et Toran étaient dans un autre monde.

Ils étaient pourtant toujours dans la même pièce, mais la décoration différente et l’absence de l’Empereur dans son lit prouvaient le changement de lieu. Iro dégaina sa parole de l’Empereur et avança jusqu’à la porte pour écouter. Aucun bruit dans le couloir, il ouvrit donc la porte. Les couloirs étaient vides, tout comme le reste du palais d’ailleurs. L’intégralité des emblèmes étaient ceux du clan du Corbeau.

- Ça c’est une preuve. Mais où est l’Empereur ?? S’énerva Iro.

- Raisonnons comme le Corbeau. Si j’étais lui et que l’on m’enfermait injustement au fond d’un trou perdu. Comment je pourrais me venger ? Interrogea Toran.

- Par un duel à mort ? Répondit le champion.

- Non le Corbeau ne ferait pas ça, il ferait subir la même chose à son geôlier.

- Mais l’Empereur a enfermé le Corbeau quelque part ?

- Pas cet Empereur-ci, mais un de ses prédécesseurs.

- Je comprend mieux. Dans ce cas si nous sommes ici c’est pour une raison précise. L’Empereur est-il enfermé dans la prison du palais ?

- Effectivement, si nous comparons la situation dans la mine et celle-ci, logiquement nous serions sur les lieux même où il se trouverait.

- Je ne comprends pas tout mais je vous crois, descendons à la prison.

Lorsqu’ils arrivèrent dans les sous-sols, tout changea. Ils n’étaient plus dans les couloirs droits taillés dans la pierre mais dans des tunnels sombres. Devant eu un panneau avec deux chiffres : dix et quinze.

- Un système de repérage. Nous sommes pas dans les prisons, affirma Toran.

En provenance du tunnel, face à eux, s’approchait une une lumière, une forme humanoïde apparut ensuite. C’était un homme habillé en soldat tenant une torche. Il stoppa sa marche à leur niveau.

- Désolé mais le tunnel menace de s’écrouler, vous ne pouvez pas aller plus loin sans risquer la mort.

Toran et Iro n‘écoutèrent pas et avancèrent dans le tunnel.

- Je vous aurez prévenu, seule la mort vous attend au fond de cette mine ! Hurla le soldat.

A peine eut-il dit cela que de la poussière, puis des gravillons tombèrent du plafond. Plus ils avançaient et plus le plafond s’écroulait. Ils finirent par courir aussi vite qu’ils le purent, échappant de justesse à l’éboulement total du tunnel. L’entrée était à présent bouchée. Au fond de l’impasse ils virent un homme allongé par terre. Ses cheveux et sa barbe étaient longs et ses vêtements déchirés. Lorsque Toran et Iro voulurent le voir de plus près l’homme se protégea la tête de ses mains ensanglantées et se mit à gémir.

- Non ! Non arrêtez ! Ne me tapez plus !

Iro reconnut la voix de l’Empereur.

- Majesté c’est moi Iro, votre champion.

- Non ce n’est pas toi ! Tu es déjà venu et tu m’a coupé un doigt, ne me fait pas de mal.

L’homme avait réellement l’air terrorisé. Une zone d’ombre commença à se propager autour de l’Empereur.

- Seigneur, je suis Toran, j’assure la Régence de l’Empire en attendant votre retour, vous pouvez avoir confiance en nous !

- NOOOOON, vous êtes le pire ! Vous fouillez dans ma tête pour en sortir mes souvenirs les plus chers et les briser !!

- Le traumatisme est important, je ne sais pas dans quelle mesure cela ne jouera pas sur sa personnalité une fois dehors.

Toran fit à nouveau sortir ses Cherchefailles afin de revenir dans le monde normal, mais aucun des deux ne fut en mesure de les sortir de là.

- Nous sommes piégés ! Pesta Iro. A moins que...

Le Champion de l’Empereur qui tenait fermement son arme la plongea dans le cœur de l’Empereur qui mourut sur l’instant. Autour d’eux tout changea et ils se retrouvèrent dans la chambre de l’Empereur. Ce dernier était en train de respirer de grande bouffée d’air, des larmes coulaient sur son visage.

- Qu’as-tu fait Iro , Demanda Toran.

- Lorsque j’étais enfant je faisais souvent des cauchemars, je me battais avec des monstres. Je ne me réveillais que lorsque l’un d’eux finissait par m’avoir.

- C’était risqué, critiqua le Tsoutaï.

- Mais cela a fait effet, répondit l’Empereur qui reprenait peu à peu ses esprits. En cela je vous serais éternellement reconnaissant. Maintenant aidez-moi, j’ai quelque chose à faire.

- Vous ne voulez pas vous reposer un peu ? S’inquiéta Iro.

- J’ai dit !

Toran et le Champion aidèrent l’Empereur à se relever. Après avoir passé autant de temps alité ses jambes eurent du mal à le soutenir mais cela ne dura pas longtemps. Dans le couloir Asajiro luttait depuis une bonne heure avec les courtisans et conseillers qui souhaitaient rendre hommage à l’Empereur. L’officier impérial était au bord de l’évanouissement mais il avait réussi cette mission.

Iro sortit en premier la main sur la garde de sa Parole de l’Empereur. Il regarda l’assistance et vit Oogoe. En le fixant droit dans les yeux il s’adressa à tous.

- Agenouillez-vous devant l’Empereur !!

L’Empereur encore chancelant passa la porte aidé par Toran. Tout le monde se prosterna alors devant ce prodige. Le fils des cieux embrassa du regard les présents et repéra Oogoe.

- Membre du clan du Corbeau, amène-moi devant ton maître.

Oogoe se leva sans regarder l’Empereur et marcha devant pour les conduire.

- Majesté, nos pas vont nous mener dans les quartiers peu recommandables de Meragi...

- Et pour me protéger j’ai le meilleur combattant de l’empire. Rétorqua l’Empereur.

Toran ne chercha plus à contrarier l’Empereur qui visiblement avait une idée en tête. Il se contenta d’assurer avec Iro une sécurité relative dans un quartier coupe-gorge qui était aussi le repère incontesté du clan du Corbeau.

Oogoe s’arrêta devant une grande demeure délabrée dont le toit abritait bon nombre de corbeaux. Les oiseaux s'envolèrent dans une cacophonie de croassements lorsque l’Empereur passa le pas de la porte. Oogoe continua de faire l’éclaireur, annonçant la venue de l’Empereur à ceux du clan présents. En voyant Toran et Iro personne n'hésita à s’agenouiller. Karasu vit passer la délégation et la suivit pour le “cas ou”. Après avoir monté trois étages Oogoe s’arrêta devant une porte double et alors qu’il allait annoncer la venue d’un illustre visiteur une voix résonna.

- Fait le entrer... seul.

- Seul ? Pas question, rétorqua Iro.

- Je vous l’ordonne, dit l’Empereur.

Oogoe ouvrit une des portes, l’intérieur de la pièce était sombre et uniquement éclairée par de très nombreuses bougies. L’Empereur y pénétra sans la moindre peur. La pièce était plongée dans une ambiance tendue. Le tout ressemblait vaguement à une caverne, les murs étaient déformés. Daijin était assit en hauteur, surplombant l’Empereur. Le visage du Corbeau était grave, ses yeux plongeaient dans le regard fatigué du souverain. Après un très long silence où chacun observait et jugeait l’autre, Daijin initia la discussion.

- Ainsi tu es sorti de là où je t’avais mis... Tu féliciteras ton champion. Alors maintenant que va-t-il se passer ? Es-tu venu porteur de mauvaises nouvelles ? Devrais-je chèrement défendre ma vie ?

L’Empereur resta silencieux, il avait bien réfléchi à ce moment à cette confrontation devant le responsable de ses malheurs. Il avait analysé la raison de tout ceci et de l’impact sur l’Empire de Xzia. Devant les yeux étonnés de Daijin, le fils des cieux posa ses genoux au sol et plaqua le front sur ses mains jointes par terre.

- Les erreurs de mes ancêtres ne sont pas mes erreurs. Mes seuls désirs sont de mener l’Empire à la gloire qui doit être la sienne. Hors l’Empire est divisé par votre colère envers ma personne. Aussi esprit du Corbeau au nom de cet ancêtre qui vous a offensé je demande votre pardon au nom de l’Empire. Le temps de la division est fini et je reconnais devant vous votre puissance et celle du clan du Corbeau.

Daijin ne s’attendait vraiment pas à cela. Bien que la colère qu’il ressentait depuis tant de temps lui dictait de continuer, il y avait des excuses de l’humain qui dirigeait l’empire de Xzia et cela comptait. En tant qu’esprit il était lié par une sorte de code. Le temps était-il vraiment arriver de cesser cette querelle ?

- Enfin...

Daijin se leva, descendit les quelques marches qui le séparaient de l’Empereur et posa sa main sur son épaule.

- Tu as fait ce que tes prédécesseurs n’ont jamais eu le courage de faire, plein de fierté et d’arrogance. Les esprits doivent être respectés et visiblement la leçon a été comprise. Il n’y a plus de raison désormais de te faire du mal. J’accepte tes excuses, tu seras un grand Empereur et sois assuré de la fidélité éternelle de mon clan.

L’Empereur se releva, s'épousseta et repartit comme il était venu.

Le lendemain, l’Empereur organisa une réunion avec les hauts dignitaires de l’Empire pour marquer son retour. Toran était à son côté, ainsi que Daijin.

- Il est temps pour l’Empire de Xzia de se tourner vers l’avenir. Beaucoup d’évènements ont eu lieu durant mon absence et je vais avoir besoin de toutes les forces pour maintenir notre suprématie. Seigneur Toran.

Le Tsoutaï se leva et s’agenouilla devant l’augure céleste.

- Vous avez fidèlement servi l’Empire, je vous libère de votre poste de Régent. Vous porterez désormais la responsabilité des temples Tsoutaï de l’Empire. Je vous souhaite bon retour parmi les vôtres, Vénérable.

Toran s’inclina et retourna a sa place.

- Daijin, dirigeant du clan du Corbeau.

Le vieil homme se leva à son tour.

- Il est temps que le dirigeant de votre clan fasse partie de la noblesse. Je vous confie la gestion du quartier de Seichin à Meragi. Vous serez aussi conseiller mystique et protecteur de l’Empire. Le nécessaire sera fait pour tirer de la misère les gens de votre clan.

Pour des personnes extérieures cela aurait pu paraître peu de choses, mais en cela l’Empereur venait de reconnaitre le clan du Corbeau comme un acteur très important de la vie de l’Empire.

Daijin procéda de même que Toran et retourna à sa place, fort d’un nouveau pouvoir.

- Champion de l’Empereur !

Iro qui était déjà debout comme le voulait la tradition, fut étonné de cet appel. Il se plaça au centre du cercle comme Toran et Daijin avant lui. Un garde apporta une boite en bois assez longue.

- Dans l’histoire de l’Empire, une seule personne porta cette arme.

L’Empereur prit la boite et l’ouvrit de façon à ce que tout le monde en voit le contenu. Il y avait là une épée à la forme particulière, assez loin des formes des katanas actuellement fait. Cette arme semblait avoir bien servi et sa lame en était ébréchée.

- Voici Kusanagi, épée de Xzia. Brandis la fièrement Champion de l’Empereur car tu es le symbole de la puissance militaire de l’Empire !

Iro refusa à plusieurs reprises ce présent trop important pour sa personne. Finalement et comme le voulait la tradition il accepta et retourna a sa place avec son présent.

- A présent il est temps de montrer au monde que l’Empire est bien vivant !

La mission du Conseil

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Chapitre 1 - Une grande famille

La clé tourna dans la serrure et la porte depuis plusieurs mois fermée s’ouvrit. Marlok entra dans le laboratoire de l’ancien Prophète avec une pointe de tristesse et surtout l’espoir de trouver des réponses au problème Néhantiste. Il y a quelques jours, durant le bal des courtisans, la conseillère Ishaïa lui avait confié une mission très importante, retrouver les traces du Néhantiste, voir s’il est un cas isolé et cerise sur le gâteau en apprendre plus sur Eredan. Lors du voyage retour vers Noz’Dingard, il s’était demandé comment parvenir à ses fins. Après réflexion il se souvint que Prophète était versé dans la cristalomancie divinatoire, une branche particulière de cette magie mais qui permettait d’obtenir beaucoup d’informations. Marlok obtint donc de Kounok l’autorisation d’utiliser le laboratoire de feu son frère.

Marlok embrassa du regard cette grande pièce. Les différents meubles et instruments étaient recouverts par du tissu blanc pour éviter que la poussière n'abîme le tout. Le mage fit un premier tour et ressentit autour de lui de la magie. Il retira un à un les draps, secouant la poussière. C’est alors qu’Anryéna entra, visiblement encore et toujours insatisfaite. Elle ne digérait pas la réintégration de Marlok parmi les siens à moins que cela ne soit autre chose.

- Je ne compte plus le temps que mon fils a passé ici, observant, notant et créant de nouveaux sorts.

- Ton fils manque cruellement à la Draconie.

- Ne feint pas la tristesse Marlok, ça ne te va pas, répondit-elle agacée.

- Mais je ne joue pas la comédie, dit-il en s’avançant vers la fille de Dragon. Ne cesseras-tu de me haïr pour mes actes passés ?

Anryéna parut troublée, son état psychologique étant encore faible, des larmes lui vinrent facilement. Marlok se rapprocha plus d’elle avec des gestes lents pour ne pas se faire rejeter. Anryéna se blottit alors au creux de ses bras.

- Tu n’avais pas le droit de nous abandonner au nom de tes satanées recherches. Malgré cela mon cœur ne cesse de battre pour toi, alors que la raison me dit de te laisser.

Marlok plongea son regard dans celui d’Anryéna.

- Nous ?

- Lorsque tu as été banni, j’attendais un enfant de toi.

Le mage crut recevoir un coup de poignard en pleine poitrine.

- Je suis... père ?? Pourquoi ne me l’as-tu jamais dit ?? Dit-il partagé entre la joie et la colère.

- J’étais désorientée, déçue et en colère. Sauras-tu me pardonner ?

- Tu me donnes là une bonne raison de me battre et accomplir la mission du Conseil, je veux offrir un avenir serein à...

- Exhien.

- Exhien ? Un garçon donc, tu lui as choisi un nom plein de significations. Je le verrai lorsque j’aurai fini cette tâche.

- Il sera à Noz’Dingard à ton retour, dit-elle en séchant ses larmes. Fais attention à toi, dit-elle en quittant les lieux.

Le cœur gonflé par une nouvelle de cette importance, Marlok s’attela à remettre en ordre le laboratoire. Il devait être le milieu de la journée lorsqu’il eut fini. Prophète possédait du matériel assez incroyable et il faudrait au mage Noz du temps pour en maîtriser l’essentiel. Il commença par s’intéresser à plusieurs étagères pleines à craquer de parchemins et de cristaux de différentes couleurs. Il s'agissait des notes de recherche de Prophète et des expériences qu’il mena ainsi que son journal. Mais il n’eut pas le temps d’ouvrir ce dernier qu’à nouveau quelqu’un se présenta à l’entrée. Des bruits de pas caractéristiques d’un golem de cristal. Et effectivement deux petits golems entrèrent puis vint un homme de petite taille et à la barbe longue. Cette personne n’était qu’autre que Delko, le père de Marlok. Ce dernier fut très étonné de le voir.

- Père.

- Fils.

- Que me vaut l’honneur de ta présence ?

- Ne t’en fais pas fils, je ne vais pas rester longtemps. Prophète m’a fait savoir que tu étais là et que tu prenais possession du laboratoire de son frère. Je suis donc venu voir...

- Venu voir que je ne volais aucun secret ?? Dit-il avec sarcasme.

Delko marqua ne pause et soupira.

- Tu as, semble-t-il, payé ta dette à la Draconie, te voilà aujourd’hui un Envoyé.

- J’ai payé oui, mais je n’oublierai jamais tes paroles à mon égard.

- Le passé est le passé, tu devrais savoir que je n’y accorde que peu d’importance. Ce qui m’intéresse c’est l’avenir.

- A l’époque mon avenir vous vous en moquiez bien !

- Bon, sur ces belles retrouvailles je suis venu t’apporter ceci.

Plusieurs golems entrèrent à nouveau, portant plusieurs caisses qu’ils posèrent les unes à coté des autres.

- Fais bon usage de tout ça, nous nous reverrons lorsque mon petit-fils sera là.

- Parce que tu étais au courant ??

- Qui crois-tu qui l’élève ? Il a été confié à ta sœur le temps qu’Anryéna règle ça avec toi.

- J’ai vraiment l’impression d’être trahi et par ma propre famille en plus.

- Cesse donc les pleurnicheries et travaille donc.

- Oui quitte donc les lieux, je dois me rendre utile, moi !

Delko ne releva pas la pique et s’en alla accompagné de ses golems.

- Je vais peut être pouvoir travailler tranquille maintenant ??? Cria-t-il en claquant la porte à double battant du laboratoire.

Il s’attarda ensuite à ouvrir les caisses. La première contenait un drôle d’appareil, il reconnut un cristalisium, permettant d’enfermer dans des cristaux des images de la réalité pour en faire une sorte d’illusion. Dans la seconde caisse un nombre important de cristaux allant avec l’appareil. Enfin dans la troisième et dernière caisse, plus grosse que les autres se trouvaient les restes de son golem, détruit lors de la confrontation avec Harès.

- Tiens, je pensais jamais te revoir. T’es dans un sale état, je me demande pourquoi mon père me ramène ça.

Il se souvint alors du journal de Prophète. Marlok s’installa dans le fauteuil de feu-prophète et se mit à lire.

La nuit tombait, et Marlok avait passé l’après midi à décrypter le système de classification de Prophète. Chaque parchemin de notes correspondait à un cristalisium précis dans lequel son auteur précise ses notes. Grâce à cela, Marlok obtint des premiers résultats. Bien avant que la pierre ne tombe du ciel Prophète était parvenu à identifier une éventuelle présence néhantiste vers Tantad. Ses investigations n’avaient rien donné, mais c’était là un bon point de départ. Parmi tout le matériel disponible Marlok trouva dans une boite faite de cristal translucide une petite pierre noire. D’après l’un des cristalisiums il s’agissait d’un éclat de la pierre-prison de Néhant. Une idée lui vint alors, construire un golem pisteur grâce à cette pierre de Néhant. Il se mit au travail immédiatement et entreprit de suivre les traces de Prophète en “enregistrant” son expérience et en l’annotant.

Il lui fallut une semaine pour retaper son vieux golem et encore une semaine pour créer le sort de pistage néhantique. Marlok finalisait sa nouvelle créature lorsque Zahal se présenta à son tour au laboratoire. Le chevalier de Dragon avait les traits tirés et sa barbe naissante le vieillissait. Il entra d’un pas décidé dans la pièce et mit genou à terre devant le mage.

- Je mets mon bras et mon épée à votre service. Permettez-moi de redorer mon blason.

- Vous avez l’air fatigué et surtout négligé Chevalier.

- Depuis la mort de Prophète je me pose beaucoup de questions sur mon statut et surtout ma place au sein de notre société.

- Je vois. Je ne suis pas le mieux placé pour parler de tout ça, mais si je peux vous aider je le ferais. Et je pense qu’une personne de valeur comme vous me sera utile. Alors soit, j’accepte votre offre. Je finis ce que j’étais en train de faire et nous allons préparer un plan d’attaque.

Le visage de Zahal s’illumina. Il allait pouvoir enfin se rendre utile. Il observa donc le mage finir ses préparatifs. Ce dernier utilisa plusieurs sortilèges sur le golem et lui implanta une petite écaille de Dragon.

- Voici le plan Chevalier. Ce golem va servir de pisteur à néhantiste. Lorsqu’il aura trouvé une cible valide et grâce à l’écaille nous seront tous les deux téléportés sur les lieux, assurant un effet de surprise. Il ne restera plus qu’à cueillir et interroger. Par contre nous pouvons tout à fait nous retrouver de l’autre côté des terres de Guem. Mais cela n’a pas d’importance car nous sommes sous les ordres du Conseil.

Le golem de cristal se mit à bouger et à reprendre vie.

- Allez mon vieux, il est temps de montrer que tu es capable d’accomplir cette tâche.

Pour réponse le golem se mit à marcher de façon mécanique au départ, puis de plus en plus “humainement”. Marlok et Zahal le suivirent jusqu’à la sortie de Noz’Dingard où immédiatement la créature sembla capter une présence néhantique. Il se mit alors à courir dans une direction.

- Rien ne l’arrêtera jusqu’à ce qu’il ait trouvé. En attendant, à nous de nous préparer au mieux. Soyez prêt car à tout moment de la journée ou de la nuit nous pouvons être téléportés.

- Je serai prêt.

Marlok regardait vers l’horizon, il songeait à ce fils qu’il ne connaissait pas encore et son cœur se serra très fort.

Chapitre 2 - L’appât

Marlok et Zahal n’eurent pas longtemps à attendre avant que le Golem n’ait atteint sa cible. Deux jours plus tard, alors que tous deux discutaient des moyens en leur possession afin de contrer les Néhantistes, une aura bleue se propagea autour d’eux. Il disparurent d’un coup pour réapparaître à des lieux et des lieux de la Draconie, ils étaient désormais au pieds des montagnes, non loin de Tantad. Le Golem s’était arrêté devant un petit village qui devait abriter au bas mot une cinquantaine d’âmes. Marlok eut une drôle de sensation, une impression de déjà vu. Les draconiens se mirent dans un endroit discret pour faire le point sur la situation.

- Prophète est déjà venu ici. A l’époque le village était vide et il mit en cause un néhantiste sans en avoir de preuve réelle. En tout cas c’est sûr un ennemi se trouve par ici.

- Lorsque vous avez affronté le néhantiste et libéré les combattants de Zil n’avez vous pas utilisé un sort qui permettait de voir les liens invisibles.

- Vous êtes bien renseigné Chevalier. Le sort de lien révélé, je l’ai appris entre temps.

Marlok le lança sur Zahal et lui-même avant de retourner à l’observation du village. L’intégralité des personnes visibles étaient reliées par un fin fil noir qui partait dans la direction d'une des maisons.

- Il va falloir faire vite, courons jusqu’à la maison, je défonce la porte et on neutralise ce qu’on y trouve.

Marlok gratta sa barbe en réfléchissant à la proposition de Zahal.

- Très bien, allons-y !!

Ils s’élancèrent alors, bousculant les gens sur leur passage. Zahal qui avait son épée à la main mit un gros coup d’épaule dans l’infortunée porte qui céda sans aucune résistance. L’intérieur était plongé dans le noir, les volets étaient fermés. L’odeur était épouvantable entre celle de la nourriture avariée, de déjections humaines et de décomposition. Marlok enflamma sa main de cristal pour éclairer la pièce. Le spectacle qui s’offrait à eux était difficilement supportable. La maison n’était qu’une seule grande pièce. Au milieu une femme était attachée sur une chaise, bâillonnée et incapable de bouger. Autour d’elle des restes humains se décomposaient, mangés par les rats et les asticots. La femme aux cheveux noirs était inconsciente. Zahal souleva sa tête pour voir si elle respirait encore, ce qui était le cas. Elle ouvrit lentement les yeux, visiblement à bout de force elle mit un certain temps avant de prendre conscience de qui elle avait en face d’elle. Le Chevalier lui ôta son bâillon extrêmement serré.

- Par...tez... Par...tez...

Aussitôt la femme eut des convulsions, les liens qui arrivaient jusqu’à elle s’intensifièrent. Dehors les gens hurlaient de douleur et tombaient les uns après les autres. Marlok comprit vite et enflamma d’un geste la jeune femme. Mais il était trop tard. Au sol se dessina une spirale flamboyante et toute l’énergie contenu dans la victime alla directement vers le sol. Puis les flammes cessèrent et en lieu et place de la jeune femme il y avait deux démons. Pour éviter un combat en intérieur, Zahal tira Marlok par le col et le sortit de là. Dehors la rue principale était jonchée de cadavres vidés de toute substance vitale.

- Quelle horreur ! Cria Marlok.

Les deux démons sortirent à leur tour de la maison. Leur allure était très féline et ils se ressemblaient étrangement. Sans crier gare chacun d’eux prit en cible l’un des draconiens. Zahal plus aguerri au combat rapproché s’interposa entre Marlok et le démon qui fonçait vers lui de façon à laisser de l’espace de libre. Le démon ne se laissa pas distraire par cette manœuvre et frappa le chevalier de ses mains griffues et suintantes de poison. Mais le coup fut paré du plat de son épée draconique. Zahal sentit comme une aura autour du démon quelque chose qui à la fois le protégeait et pouvait nuire au chevalier. Son épée fendit l’air et blessa son adversaire avec facilité. Marlok de son côté mit très rapidement au point une tactique. Ils étaient tombés dans un piège et la présence des démons était synonyme qu’ils n’étaient pas loin de toucher au but. Il fallait en capturer un des deux, il choisit donc de neutraliser le deuxième démon qui allait prêter main forte à l’autre. Marlok fouilla rapidement dans son sac et en sortit un cristal évasé et plat. Il le jeta au pied du démon. Un éclair bleu en jaillit, frappant le démon avec force. Ce dernier se retrouva au sol parcouru par de multiples éclairs. Se tordant de douleur, le démon hurlait de rage mais était immobilisé.

Zahal continuait à repousser les attaques de son adversaire qui s'énervait de plus en plus à force de rater sa cible. Le chevalier examinait chacun de ses mouvements, sa façon de frapper et les ouvertures possibles. Il mit en pratique l’enseignement que lui avait prodigué Dragon pendant les 10 ans passés à ses côtés. Le démon était vif et dangereux, mais son armure et son épée étaient suffisantes pour contenir les assauts. Il passa à son tour à l’offensive. Au début la lame frôla le démon, puis enfin elle toucha et blessa son adversaire. A ce moment précis Marlok avait fini d’incanter non pas une mais deux boules de feu qui vinrent frapper le démon lui infligeant de forts dégâts. Zahal entendit alors Dragon lui parler “A toi Zahal !”. Sa main s’enflamma alors et une boule de feu partie vers le démon qui s’écroula lorsqu’il fut touché. Celui-ci se consuma alors pour devenir un tas de cendres que le vent eut tôt fait d’emporter.

Mais s’était sans compter sur le deuxième démon. Les décharges s’arrêtèrent et le démon se releva, encore plus en colère.

- Il ne faut pas le tuer, cria Marlok dans le feu de l’action.

Renforcé par ses convictions et par la présence de Dragon, Zahal fit valdinguer son opposant en le frappant du plat de son arme. Marlok lui avait sorti de son sac plusieurs petits cristaux bleu foncé et les lança par terre pour former un cercle.

- Fous le dedans ! ordonna-t-il en montrant le point central.

Le Chevalier Dragon esquiva plusieurs coups puis donna un magistral coup de pied dans le ventre du démon qui recula jusqu’au lieu désiré. Une bulle magique se forma entre les différents cristaux, emprisonnant ainsi le démon.

- Et maintenant comment faisons nous pour l’emmener jusqu’à Noz’Dingard ? Demanda Zahal.

- J’avais déjà tout prévu, mais je ne m’attendais pas à un démon. Je pense que malgré tout ça va fonctionner. On va vite le savoir.

Marlok farfouilla à nouveau dans son sac ce qui se faisait de plus en plus vite et en extirpa une statuette de cristal en forme de dragonnet. Il la posa au sol et se mit à caresser son museau en chuchotant des paroles dans un langage inconnu. La statuette trembla, puis prit vie.

- Bouche-toi les oreilles, dit Marlok à Zahal.

Le dragonnet s’envola et entra dans la prison comme si la bulle de magie n’existait pas. Le démon n'eut pas le temps de réagir car le dragonnet se mit à hurler si fort qu’il en fut assommé. Le bouclier et les cristaux de la prison explosèrent à leur tour. Marlok et Zahal furent tout de même étourdis par l’intensité du cri de la petite créature animée. Marlok récupéra le dragonnet redevenu statue et son Golem dont la magie s’était épuisée. Quant à Zahal il s’occupa du démon et le ligota de façon à ce qu’il ne puisse plus bouger.

- Bon, du coup on rentre à pied c’est ça, dit le chevalier en commençant à partir.

- Non ! J’ai encore une écaille pour le retour, rassura le mage.

- Loué soit Dragon !

Chapitre 3 - La Pythie

Le démon fut enfermé dans une salle spéciale de l’académie de Noz’Dingard qui était réservée à isoler de la magie des objets ou dans ce cas une créature fortement magique. Allongé sur une table de cristal il ne pouvait plus bouger évitant ainsi qu’il ne se suicide ce qui stopperait là les recherches de Marlok. Il avait beau hurler, personne au-delà des murs de la pièce ne l’entendait.

Pendant ce temps Kounok recevait dans ses appartements privés Zahal et Marlok pour avoir un compte rendu de ce qu’il venait de se passer. Le petit salon était très confortable et dans le pur style de la Draconie. Le bleu était bien sur de mise et plusieurs portraits d’illustres héros ornaient les murs. Prophète leur servit de quoi boire, Zahal fut très honoré de cette attention. Marlok entreprit alors le récit de cette aventure et appuya lors du combat sur l’efficacité du Chevalier Dragon. Kounok était visiblement satisfait, bien que chagriné par la façon dont les démons étaient arrivés, impliquant la mort de plusieurs dizaines de personnes.

- Désormais il nous reste à soutirer les informations du crâne de cette chose, exprima Marlok.

- Je doute qu’il ne vous dise quoi que ce soit de sa propre volonté. Il va donc falloir utiliser d’autres moyens, répondit Kounok.

- Vous faites allusion à la Pythie ? Supposa le mage.

- Oui. Vous avez autorisation de vous adresser à elle. Veillez à respecter le protocole, elle est très à cheval sur les principes.

- Bien, je vais donc la faire venir, assura Marlok. Puis-je disposer ?

- Faites, par contre Zahal nous avons à parler.

Une fois le mage parti, Kounok s’assit sur le fauteuil en face de son chevalier.

- Tu es pardonné de tes erreurs, tu n’as pas à te reprocher la mort de mon frère. Il n’y a qu’un fautif, Néhant ! A présent et comme à l’époque, plusieurs chevaliers de Dragon existent, annonçant ainsi une guerre prochaine. Aujourd’hui je te sens prêt à combattre au nom de Dragon.

- Merci Kounok, je crois que j’avais besoin d’entendre ça.

- Tu me vois ravi. A présent j’ai à faire, retourne auprès de Marlok pour surveiller notre prisonnier et protéger la Pythie.

- A vos ordres, Prophète.

Le chevalier quitta la pièce, remotivé par les paroles de Kounok.

Quelques jours plus tard, une délégation importante en provenance des territoires du sud de la Draconie arriva en ville, créant une animation. La caravane composée de deux carrioles tirées par des akirs, créatures élevées dans la région de Zar-Azil d’où provenait justement cette délégation. La garde de Noz’Dingard avait pour l’occasion circonscrit la grande place pour permettre à Kounok, Anryéna, Marlok et Zahal d’accueillir leurs visiteurs. De la première carriole sortirent plusieurs servantes habillées de simples robes blanches, elles portaient un voile presque transparent qui cachait leur visage. Marlok sentit alors que celles-ci déployaient de la magie draconique. Après avoir vérifié que la situation n’était pas dangereuse, une autre personne fit son apparition. Une dame à la robe bleue brodée de multiples dragons. Son visage aussi était voilé, mais par un épais tissu bleu. Une des servantes plaça la main de cette personne sur son épaule et la conduisit auprès de Prophète.

- Soyez la bienvenue à Noz’Dingard, Pythie. Nous vous remercions d’avoir accepté notre demande.

- La Pythie répond toujours présent à l’appel du Prophète, répondit-elle. J’ai fait un long voyage jusqu’ici et je désire me reposer.

- Il va de soit, permettez-moi de vous mener à vos quartiers.

Alors que Kounok accompagnait son invitée et ses suivantes, Marlok guettait la deuxième carriole. Anryéna l’avait prévenu que la Pythie arrivait avec Exhien. En attendant Anryéna lui posa une question qui lui brûlait les lèvres.

- Tu n’as pas dit bonjour à ta sœur, lui en veux-tu de ne t’avoir rien dit ?

- Non je ne lui en veux pas, je ne pourrais pas lui en vouloir. On m’a demandé d’observer le protocole, alors je l’ai observé. Seul le Prophète peut accueillir et s’adresser à la Pythie lorsqu’elle arrive à Noz’Dingard. Mais je lui parlerai assez vite.

Anryéna parut satisfaite de cette réponse et s’avança lorsque plusieurs personnes sortirent de la deuxième carriole. Marlok n’osa pas la suivre et se contenta d’observer. Un jeune garçon qui devait avoir dans les six ans se jeta alors dans les bras d’Anryéna. Le cœur du mage battait la chamade. Il n’était plus très jeune et l’idée d’avoir un enfant l'effrayait autant que ça l'enthousiasmait. Le mage ne pouvait plus quitter le garçon dont le physique prouvait sa filiation, en effet comme lui au même âge et comme ses ancêtres, le garçon avait les cheveux gris foncés. Mais une autre particularité l’intéressa plus, en effet il avait hérité de sa mère du sang de Dragon et aussi des yeux de son grand-père. De couleur bleue comme la gemme au centre de la ville et fendu comme ceux de Kounok lorsqu’il était dragonnet. Anryéna s’approcha alors de Marlok.

- Viens, n’exposons pas cette affaire de famille en public.

Tous les trois se retrouvèrent alors dans le laboratoire de Prophète qui entre temps était devenu celui de Marlok. Ce dernier n’avait plus d’yeux que pour son fils et il ressentit clairement l’amour au creux de ses entrailles. Confortablement installé le petit garçon fixait à son tour Marlok.

- Exhien, je te présente Marlok, ton père. Marlok voici ton fils, Exhien.

Le garçon hésita puis lui sourit. Marlok lui fit alors signe d’approcher alors qu’il mit un genou à terre. L’atmosphère était particulière, comme si le temps avait ralenti. Marlok posa sa main gauche sur la joue de son fils, les larmes lui coulaient de ses yeux rougis. Il ne tint plus et serra le garçon dans ses bras. De son côté Exhien qui avait tant espéré connaître son père alors que les autres enfants jouaient avec le leur était tout simplement heureux. Anryéna laissa père et fils discuter et apprendre à se connaître le reste de la journée.

Le lendemain Marlok et Zahal conduirent la Pythie devant le démon qui enrageait toujours de cet affront fait à sa magnificence. Deux servantes assistaient aussi à l’interrogatoire.

- Je dirais rien, ragea le démon ! Vous périrez tous !!

- Nous verrons cela, commenta Zahal. Pour ma part on vous a mis une belle raclée, insista Zahal.

- Il suffit démon ! Tu vas tout révéler à la Pythie même si tu ne le veux pas ! Lâcha Marlok.

Les servantes lancèrent plusieurs sortilèges de protection avant que la Pythie ne s’avance au niveau de la tête du démon. Le démon ne bougea plus d’un pouce alors qu’elle posait sa main sur sa tête. Immédiatement la sœur de Marlok fut plongée dans les souvenirs du démon. Elle remonta le temps rapidement, elle vit le démon être convoqué par le piège et affronter les Envoyés, elle le vit ensuite au plus profond des Méandres se préparer avec son démon jumeau. Autour d’eux il y avait d’autres démons de toutes tailles et plus ou moins impressionnants. Le temps défila pour retourner plus loin dans le passé. Et là, la scène la plus intéressante eut lieu.

Les deux démons furent appelés par un néhantiste au costume noir, les cheveux longs et les yeux noirs. L’invocation des deux démons se fit dans une grande caverne avec des étagères partout et dont les murs étaient gravés du symbole de Néhant. Il y avait aussi d’autres personnes dont une jeune femme à la beauté redoutable, ainsi qu’une personne qu’elle reconnut immédiatement : Ardrakar. L’ancienne Chevalier Dragon s’approcha alors du démon et le frappa. Mais elle n’avait pas cherché à faire mal au démon, elle avait perçu la présence de la Pythie. Cette dernière ne fut plus en mesure d’en apprendre plus, elle avait reçu comme un coup en pleine figure. Elle chuta en se tenant la tête des deux mains. Marlok alla immédiatement l’aider.

- Tu vas bien, dit-il ?

Mais celle-ci se mit à hurler lorsque Marlok lui toucha le bras. Elle eut une vision. Marlok était au milieu d’un champ de bataille. Autour de lui des légions de démons combattaient une coalition très improbable de la Draconie et de l’Empire de Xzia. Une servante intervint alors et poussa Marlok pour à son tour venir en aide à la Pythie qui s’était évanouie. Elle ne reprit connaissance que le lendemain. Marlok inquiet pour sa sœur passa la nuit à son chevet. Les servantes avaient bien pris soin d’elle et son voile lui fut retiré, laissant visible son visage. Elle était plus jeune que Marlok mais elle aussi avait les cheveux gris. Ses traits étaient délicats et fins.

- Mon frère, tu as passé la nuit ici ?

- Oui.

- Donne-moi ta main, n’aie crainte, je vais te montrer tout ce que j’ai vu.

Le mage écouta sa sœur, les images défilèrent alors sans qu’il puisse contrôler quoi que ce soit, c’était comme si un puzzle se reconstituait. Enfin il arriva jusqu’au bout, il reconnut le néhantiste qu’il avait déjà affronté et plus important, il reconnut Ardrakar !

- Elle ! Je la croyais morte depuis très très longtemps.

- Néhant rallonge sa vie mon frère.

- Mais tout cela ne nous avance pas à grand chose, j’ai déjà vu ce néhantiste, je l’ai déjà combattu.

- Tu sous-estimes les pouvoirs de la Pythie. Sache que je peux déterminer précisément où ce néhantiste se trouvait lors de cette scène.

Marlok se mit à sourire puis à éclater de rire. Enfin il se leva et posa un baiser sur le front de sa sœur.

- Dans ce cas, nous allons pouvoir agir de bien des façons. Je dois prévenir le Conseil.

Astenaki

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Ciramor, le Grêlé, Malyss, Œil de gemme et Ergue avaient traversé bon nombre d’épreuves depuis l’arrivée de l’apprenti d’Eredan dans la troupe. Ils avaient traversé des dizaines d’îles, croisé des gens et des créatures aussi extraordinaires les uns que les autres. A chaque fois le groupe fut mis à l’épreuve et au prix des efforts de chacun la victoire était leur. Mais bien que le moral était encore bon, la fatigue, elle, s’était aussi invitée au voyage.

La nuit tombait une fois de plus sur les Confins et le campement fut monté. Ciramor ne suivit pas le mouvement il regardait le soleil se cacher derrière les îles flottantes. Ergue s’occupait de vider et préparer un animal fraîchement tué pendant que Malyss allumait par magie un tas de bois pour faire un feu. Œil de gemme, trop exténuée pour faire quoi que ce soit, s’endormit de suite. Le Grêlé quand à lui se demandait à quoi pouvait penser Ciramor.

- Vous avez l’air préoccupé.

- A vrai dire il n’y a rien de grave.

Ciramor se mit près du feu pour s’adresser à tous.

- Ecoutez-moi. Demain, nous arriverons sur l’île où se trouve le Mangepierre. Nous serons alors face à notre, ou tout du moins votre plus grande épreuve.

- D’accord, mais c’est quoi l’épreuve ? Demanda Ergue.

- Ca, vous le saurez demain ! Répondit Ciramor amusé.

- J’aurais essayé, rétorqua le Zil.

- Reposez-vous bien cette nuit. Je vous indiquerai le lieu, mais il vous faudra y aller sans moi.

- Très bien, je suis ravi qu’on en finisse, j’en peux plus des cailloux volants, ajouta Malyss.

- C’est une bonne nouvelle, espérons que nous n’ayons pas fait tout ça pour rien et que ce Mangepierre mérite sa réputation.

- Ne vous en faites pas Grêlé, il vaut largement le détour.

La troupe ne s’attarda pas et tout le monde s’endormit après un rapide repas. Seul le Grêlé qui n’avait pas la même physiologie resta éveillé. Il se perdit dans ses pensées. Il sentait qu’il y avait dans les environs quelque chose de très familier. Mais il ne savait pas ce que c’était réellement. Il regardait les flammes danser en songeant que sa forêt et son frère lui manquaient cruellement.

Les heures passèrent ainsi et une brume se leva doucement. Le Daïs commençait enfin à s’endormir, il se sentait sombrer doucement. Il se rendit alors compte qu’il se passait autour de lui quelque chose. Il voyait des formes bouger et entendait des chuchotements. Il tenta de se lever mais sans succès, il se crut collé au sol par de la glu. Tout se troubla autour de lui, il chavira dans l’inconscience...

- Grêlé... Grêlé... réveille-toi.

Le Daïs ouvrit les yeux avec peine. Le paysage avait changé, tout comme leur situation. Ils n’étaient plus à leur campement, mais dans un autre endroit, une forêt aux arbres gigantesques sous lesquels des cristaux de multiples couleurs tapissaient le sol. Le Grêlé crut tout d’abord qu’ils étaient enfin de retour parmi les Eltarites, mais il comprit vite que non lorsqu’il vit que ses compagnons et lui-même étaient ligotés.

- Qu’est...ce qui se passe, demanda-t-il.

- On ne sait pas vraiment, on vient juste d'émerger nous aussi, dit Ergue.

- Je les entends chuchoter, répondit le Daïs. Ils parlent un dialecte particulier, mais j’arrive à comprendre la signification de leurs phrases.

- Une chose est certaine, ceci n’est pas l’épreuve pour trouver le Mangepierre, Ciramor est aussi avec nous alors qu’il devait se barrer, indiqua Malyss en montrant de la tête le mage ligoté comme tout le monde.

Tous se tournèrent vers l'intéressé.

- Je ne peux pas vous dire grand chose, je suis dans le même pétrin que vous. Je ne sais pas qui sont ces gens.

- Taisez-vous, j’ai un contact mental avec l'un d’entre eux.

Effectivement depuis leur réveil, la troupe était observée par plusieurs personnes suffisamment cachées pour ne pas se faire repérer.

- N’aie pas peur, montre-toi. Je ne peux rien te faire je ne peux pas bouger.

L’argument du grêlé fut bon car une personne se révéla sur un des cristaux non loin d’eux.

- Une Elfine ! S’écria Ergue.

C’était une jeune femme habillée de morceaux de chitine, de bois et tissus verts. Le Grêlé fut frappé par l’existence d’Elfine et d’une probable tribu ici, dans les Confins. A sa connaissance tous les Eltarites se trouvaient dans la forêt sur les terres de Guem.

- Pourquoi nous avoir enlevé ?

- Vous avez pénétré sur nos terres, vous allez être punis pour cet outrage. Répondit-elle.

- Vous saviez qu’il y avait des Elfines dans les Confins Ciramor ? Interrogea Malyss.

- Comme je vous l’ai dit, je ne connais pas ces gens.

- Vous allez être conduit auprès du Sachem qui décidera de votre sort, ajouta l’Elfine.

- Je suis le Grêlé, je viens d’un lieu où vivent d’autres tribus de personnes comme vous.

L’Elfine inclina la tête, visiblement interloquée par ce qu’avançait le Daïs. Elle sauta de sa position et se faufila entre les cristaux pour disparaître.

- Bravo ! Voilà qu’elle s’est barrée, regretta Ergue. Bon on fait quoi ? Si vous voulez je peux me défaire de ces liens.

- Attendons de voir avant de se les mettre plus à dos, non ?

- Voilà de sages paroles Ciramor, chez nous dans le clan du Corbeau nous préférons éviter les conflits ouverts. Négocions notre libération.

- J’veux bien, mais on négocie quoi ? On a que dalle ! Ironisa Œil de gemme.

- Nous avons d’autres atouts, indiqua Ciramor. Nous avons un Daïs avec nous.

Le Grêlé paraissait concentré sur son environnement, il pouvait ressentir la nature autour de lui comme s’il était dans la forêt des Eltarites. Arrivèrent alors plusieurs Hom’Chaï recouverts de tatouages tribaux, ils emportèrent avec eux les prisonniers et les transportèrent jusqu’à un village non sans subir les râleries de Malyss, Ergue et Œil de gemme. Là ils furent proprement jetés dans une sorte de hutte de toile.

- Ca s’améliore... dit Malyss dépité.

Sortant de l’ombre dans laquelle elle s’était cachée, l’Elfine refit une apparition.

- Chuuut, dit-elle doucement. J’ai quelques questions à poser à celui-qui-parle-sans-la-bouche.

- Je m’appelle le Grêlé.

- Ne lui dit rien, chuis sûr qu’elle va nous vendre à son chef ensuite. Elle veut des informations ! Accusa la pirate.

- Vous pouvez pas vous taire ? Demanda Ciramor, écoutons là !

- Lorsque j’étais petite, on me racontait des histoires à propos de créatures qui nous auraient persécutés il y a longtemps. Vous correspondez à celles-ci, jugea l’Elfine.

- Quel est votre nom ? Demanda le Grêlé.

L’Elfine hésita un court instant.

- Je suis Silikat, enfant de Rompt-les-os et de la chamane Elbaïte. Voilà qui je suis, d’où venez-vous.

- Laissez-moi vous montrer qui je suis.

Les Daïs n’étaient pas pourvu de bouche mais avaient la capacité incroyable de pouvoir discuter mentalement avec les gens. Grâce à ce don, ils étaient capables d’envoyer des images par la pensée. Et c’est ce que fit le Grêlé. Il se concentra et envoya à Silikat une flopée d’images de sa forêt, de l’Arbre-Monde et des gens qu’il avait croisé, il insista sur les Elfines afin de lui montrer que sa tribu n’était pas la seule existante. La réaction de l’Elfine indiqua clairement que ce qu’on lui montrait lui plaisait.

Mais leur “discussion” fut stoppée par l’arrivée des mêmes Hom’chaï croisés il y a peu. Lorsqu’il vit l’Elfine, l’un d’eux l’attrapa et la mit dehors sans autre forme de procès. L’air menaçant de ces colosses ne rassura pas la bande de voyageurs, Malyss crut même qu’ils allaient se faire molester. Ce ne fut pas loin d’arriver car ils furent à nouveau attrapés et traînés comme de vulgaires sacs de grains à travers le village. Là, au centre, se trouvait une grande place. Tout autour il y avait des bancs faits de rondins de bois. La plupart des habitants du village étaient assis là, jetant des regards allant de la curiosité à la haine. Au bout de la place qui avait une forme ovale il y avait un immense totem représentant une multitude de créatures. Une cavité avait été creusée à hauteur d’homme et abritait une sorte de gros œuf dont la paroi extérieure était faite de cristal gris opaque. Ciramor reconnut immédiatement de quoi il s’agissait.

- C’est le Mangepierre ! Dit-il aux autres.

Ils étaient tellement focalisés sur l’œuf qu’ils ne virent pas la personne non loin du totem. Pourtant sa prestance et son charisme ne pouvaient pas être ratés. Les Hom’chaï jetèrent leurs “paquets” avec toute la délicatesse qu’on leur connaissait, c’est à dire aucune. Ils forcèrent ensuite les intrus à se mettre à genoux malgré les liens.

Le Sachem, chef du village était un Elfine assez âgé, ses cheveux longs et grisonnants étaient parés de longues plumes de diverses couleurs et de petits crânes d’oiseaux. Ses yeux étaient violets, ce qui choqua le Grêlé qui n’avait jamais rien vu de tel de par chez lui. Sa parure était constituée d’une multitude de colliers tribaux faits de chitine, de cristaux et d’os. Il marcha le long de la ligne formée par les quatre intrus. Il ne s’attarda que très peu sur les humains mais se figea lorsqu’il plongea son regard dans celui du Daïs. Ce dernier sentit une agression mentale, on fouillait dans ses pensées. Il ferma donc son esprit comme seuls ceux de sa race savaient le faire. Cela irrita fortement le chef qui cracha devant le Daïs avant de se diriger vers les siens. Il s’adressa alors à eux, le Grêlé traduisit son discours au fur et à mesure.

- Mes frères et sœurs, voici devant vous les intrus venus pour détruire Astenaki et brûler notre village !! Ils ont osé s’aventurer sur nos terres avec la volonté de nous nuire !! Regardez mes frères, regardez mes sœurs, voyez ce que les dieux mauvais nous envoient !

Il fit alors signe à l’Hom’chaï qui surveillait le Grêlé de l’amener jusqu’à lui.

- Voyez les créatures qui ont fait du tort à nos ancêtres sont revenues pour nous terrasser ! Dit-il en tirant par les cheveux le Daïs qui sentit alors la colère monter en lui.

Certains se levèrent pour réclamer sa tête, d’autres pour enjoindre le Sachem à agir, mais tous furent d’accord pour mettre un terme à la présence de ces individus par une mort certaine. Le chef lâcha la tête du Grêlé. Le Daïs réussit alors à canaliser toute la rage qui s’accumulait, s’il agissait maintenant, il pourrait probablement faire quelque chose, mais l’issue ne lui serait pas favorable. L’Hom’chaï qui le tenait le ramena aux autres, suivi de près par le chef.

- Demain vous serez offerts en sacrifice à Astenaki et notre village vivra à nouveau en paix !

- Vous faites une grave erreur ! Répondit le Daïs qui saisit l'opportunité. Nous ne sommes pas venus vous faire du mal. Si nous avons violé votre territoire nous nous en excusons.

- Inutile de tenter de m’avoir par de belles paroles, infâme créature, ce que tu as à dire ne changera rien, tu vas mourir et tes amis aussi, dit-il en reculant. Attachez-les au pilier des souffrances qu’ils expient leurs fautes avant d’être exécutés.

Silikat avait assisté, comme tout le village, à cette scène. Depuis son enfance elle rêvait de parcourir le monde. Mais tout indiquait qu’au-delà des territoires de la tribu seule la mort attendait les aventureux. Et puis était arrivé le Grêlé et il lui avait montré d’autres lieux et d’autres tribus des siens. Mais jamais on ne la laisserait partir d’ici, le village était constamment gardé par d’excellents guerriers. Ceux qui avaient tenté de quitter le village s’étaient sévèrement fait réprimander. Bien sur cette créature venue d’ailleurs aurait pu lui mentir sur tout, quelque part elle sentait que la confiance était la meilleure des voies à suivre. Elle aimait les siens, mais elle se sentait toujours à l’écart. N’en déplaise à ce fanatique de Sachem, ce soir elle aiderait les inconnus à s’enfuir !

Quant à notre fine équipe, elle se retrouvait désormais attachée à un autre totem. Chacun était attaché à un autre dos au bois sculpté. Ils comprirent pourquoi il s'appelait pilier des souffrances, car il y avait des pointes un peu partout sur sa surface. Une personne qui lui était attachée finissait par saigner du dos et subir le martyre.

- Faut vraiment qu’on se barre d’ici ! Insista Œil de gemme.

- Nous partirons cette nuit. Ciramor serez-vous capable de nous aider en nous indiquant un chemin pour sortir d’ici ?

- Hélas non, je ne sais vraiment pas où nous sommes. Les Confins sont immenses.

- Tu le fais exprès je suis sûr ou alors tu sers vraiment à rien. Il est où le super mage qui nous a mis la pâté la dernière fois ?

Ciramor cachait effectivement quelque chose. Il se questionnait sur ce qu’il se passait en ce moment. Etait-ce une épreuve réelle l’impliquant aussi ou une épreuve juste pour les voyageurs ? Il pencha pour la deuxième solution et se contentait de regarder. Le cas échéant, il agirait pour ne pas risquer la vie de qui que ce soit.

La nuit tomba à nouveau sur les Confins, et les ventres de nos amis gargouillèrent de concert. Personne ne les avait nourri. Le pilier des souffrances officiait lentement. Plus qu’épuisés ils doutaient maintenant à arriver à partir d’ici, du moins vivants. Au bord de l’inconscience, aucun d’eux n’arrivait à fermer l’œil en raison de leurs blessures. Les Hom’chaï les gardaient en se moquant de temps à autres. C’est alors que Silikat fit son apparition portant un grand plat de bois rempli d’une nourriture qui intéressa vivement les geôliers.

- Qu’est ce que tu nous amènes là ? Demanda l’un d’eux.

- J’ai pensé que vous garderiez mieux ces intrus si vous aviez le ventre plein. Je vous ai préparé ce que vous préférez, des Harag-na.

Les Hom’chaï remercièrent l’Elfine avant de se jeter sur le plat avec gourmandise. Ils le finirent en un temps record, il ne fallut pas longtemps avant que le puissant somnifère ajouté à la mixture ne fasse effet. Silikat ne s’attarda pas et coupa les liens des prisonniers.

- Venez, suivez-moi... et en silence...

Trop fatigués et blessés pour dire quoi que ce soit chacun aidait son compagnon. Seul le Grêlé accusait le coup, et celui-ci avait une idée en tête.

- Il nous faut le Mangepierre. Je m’en occupe, je vous retrouverais vite.

Ils n’eurent pas le temps de réagir que le Daïs avait déjà mis les voiles. Il était très en colère que les membres d’une tribu Eltarite agissent avec cruauté et irrespect envers la vie. Progressant avec discrétion il trouva un plan d’attaque simple mais qui serait très efficace. Il lui fallait couper le village en deux pour que le totem soit libre d'accès. Il fit appel à la magie et à la nature. D’énormes racines poussèrent pour former un mur infranchissable de verdure. Il courut ensuite vers le totem pensant être seul mais il s'aperçut qu’il y avait quelqu’un devant, le Sachem. Ce dernier avait l’air très mécontent de le voir et on pouvait lire la haine dans ses yeux.

- Je vais te tuer et ta tête ornera ma hutte !

Le Daïs se contenta pour réponse de faire pousser les éclats de l’Arbre-Monde plantés dans son bras pour former une arme acérée et s’élança dans l’affrontement. L’Elfine encore agile pour son âge fit une roulade avant de lancer au sol une des têtes d’oiseau ornant ses cheveux. Un esprit oiseau apparut et plongea bec en tête sur le Daïs qui attaqua en même temps. La lame de cristal vert s’enfonça dans la tête de l’oiseau qui disparut instantanément. Mais cela n’était qu’une diversion le temps pour le chef du village de lancer un autre sort bien plus dévastateur. De fines gouttelettes d’acides commencèrent à tomber sur la zone où était le Grêlé. De la fumée se dégagea à chaque goutte arrivant sur le sol. Le Sachem ricanait déjà de cette victoire. Hélas pour lui l’acide n’attaqua pas la peau du Daïs. Ce dernier au bord de la rage absolue sentit que les verrous posés par son frère lorsqu’il fut enfermé dans la prison d’ambre lâchaient les uns après les autres. Il sauta avec vivacité sur le chef du village et posa sa main recouverte d’acide sur le visage de l’Elfine. Celui-ci hurla de douleur.

- Je suis un Daïs, enfant de l’Arbre-Monde et protecteur des Eltarites !! Je reviendrais pour te montrer la véritable voie car celle que tu suis ne mènera qu’à une chose : ta perte !!

Sur ce il relâcha le chef qui se tenait le visage, fou de douleur. Le Grêlé alla alors jusqu’au totem où l’œuf luisait doucement. Le chef se releva alors que l’acide brûlait encore sa peau, il porterait jusqu’à la fin de sa vie une trace de son affrontement avec le Daïs. Se retenant de crier, il dégaina une dague et s'apprêta à la lancer dans le dos du Daïs. Un drôle de bruit se fit entendre et un objet à peine visible fendit l’air et frappa le Sachem qui s’écroula sur l’instant. Silikat courut jusqu’au Grêlé pour l’aider à récupérer le Mangepierre.

- Ce que je fais là, je le regretterai toute mon existence, dit-elle.

- Je crois que non, grâce à vous nous allons pouvoir sauver le monde dans lequel nous vivons.


Le Grêlé et Silikat arrivèrent là où les autres attendaient. Ciramor ouvrit de grands yeux lorsqu’il vit l’œuf

- Vous avez réussi !

- Bon on met les voiles là ! S’impatienta Œil de gemme. On l’a enfin, donc retour au bercail !

- Encore faut-il savoir par où partir, insista Ergue.

- Bon beh j’ai une solution, mais faut qu’on se barre de là on est trop près du village, insista la pirate.

- Oui vous avez raison, il ne faut pas rester là nous allons avoir du monde à notre poursuite.

Ciramor aida Malyss à se relever et la troupe repartit à travers la nature avec l’œuf du Mangepierre.


A suivre...

Les dieux morts

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Chapitre 1 - Meurtre

Le prince Metchaf regardait l’horizon et le sable à perte de vue du désert d’émeraude. En ce jour plusieurs caravanes étaient arrivées dans la cité d’Aksenoun et avec elles la nouvelle de l’approche imminente d’une gigantesque tempête de sable. Cela compliquerait les recherches des derniers rebelles de la ville. L’Aïf Salah Mehdi qui grâce au prince avait retrouvé sa fille et repris le contrôle de la cité avait invité le fils du roi du désert à rester autant qu’il souhaitait. Ce ne fut pas de refus sachant que sa promise était là il profita largement de l’accueil du père et des faveurs de la fille. Cette dernière arriva d’ailleurs à la limite du balcon où était Metchaf.

- Prince, un garde royal vient d’arriver et demande à te voir.

Le prince, n’ayant pas demandé de renfort, fut étonné d’avoir une telle visite.

- Fais le venir je te prie, dit-il en soupirant.

La fille de l’Aïf se retourna et délégua l’ordre à ses serviteurs. Le garde royal se présenta au prince comme le voulait le protocole. Le prince fut surpris de voir que celui-ci était un membre féminin de la garde royale. Et plutôt agréable à regarder.

- Je suis Urakia, je suis envoyée par votre père afin de me mettre à votre service, dit-elle en enlevant son casque.

Ce nom-là lui rappelait vaguement quelque chose. Oui ! La fille du premier conseiller de son père, le Vizir Mahamoud. Ils avaient tous deux sensiblement le même âge et jouaient ensemble étant enfant jusqu’à l’adolescence où Urakia s’en alla pour devenir plus tard garde royal. “Mon père ne m’a pas envoyé n’importe qui, hors de question de la faire retourner à Mineptra” se dit-il.

- Bien, des bras de plus pour venir à bout des rebelles ne sont pas de trop. Va voir le chef de la garde d’Aksenoun et dit lui que tu prends, au nom du Prince et de l’Aïf, le commandement.

- Merci seigneur.

- Seigneur... à l’époque nous nous appelions par nos noms...

- Autres temps, autres fonctions fils du roi du désert. J’ai fait un long voyage puis-je prendre congé.

- Fait donc, ce soir tu mangeras à ma table.

C’était là un immense honneur et une remarquable marque d’estime lorsqu’un souverain, fut-il prince invitait une personne d’un rang inférieur à sa table. Urakia parut honorée alors qu’elle remettait son masque. La fille de l’Aïf fut piquée dans son orgueil et une pointe de jalousie fit surface.

- Est-il nécessaire d’avoir cette guerrière à notre table mon prince ? Demanda-t-elle sur un ton de reproche.

Cette réaction fit rire Metchaf aux éclats.

- Il faut qu’elle se montre pour que tous sachent qu’elle est là. Cela fera disparaître les esprits belliqueux qui complotent dans notre dos. Mais ne t’inquiète pas tu es la seule à compter dans mon cœur, dit-il en embrassant passionnément la jeune femme. A présent va donc te préparer pour le repas, je veux que tu sois la plus belle des étoiles et digne d’être la future reine ! Le prince avait bien noyé le poisson, touchée par l’attention qu’il lui portait la fille de l’Aïf s’en alla retrouver ses servantes.

Alors que l’horizon se teintait par le rouge du crépuscule, le palais d’Aksenoun était en effervescence. Les senteurs embaumaient chaque couloir et chaque pièce. Les sons de la musique résonnaient tandis que les danseuses tournoyaient entre la multitude de tables où les invités attendaient après la bénédiction du prêtre de Sol’ra. Ce dernier vêtu de somptueux atours aux bijoux d’or et de pierres solaires se leva de manière à ce que tout le monde puisse le voir. Le silence se fit et tout le monde sans exception se tourna dans sa direction.

- Nul ne peut se mettre en travers de la volonté de Sol’ra. Ceux qui ne suivent plus sa voie ont été châtiés. Remercions Sol’ra de nous avoir envoyé son serviteur le prince Metchaf afin de rétablir l’ordre.

Tous les participants se levèrent pour s’incliner devant le fils du roi du désert. Ce dernier n’eut pas de réaction particulière, ce genre de chose lui arrivait souvent.

- Allons allons, continuez prêtre.

Tout le monde retourna à sa place pour écouter la suite du sermon. Mais le pauvre prêtre n’eut pas l’occasion de poursuivre, une rafale de vent souffla dans la pièce et emporta tout ce qui était léger, créant un mouvement de surprise. Alors que les serviteurs ramassaient ce qui était au sol, un cri étouffé mais audible figea tout le monde. Celui-ci venait du prêtre de Sol’ra qui flottait à un mètre du sol et se débattait en se tenant le cou. Tout autour de lui des volutes de sable tournoyaient à toute vitesse lui provoquant de profondes entailles. Urakia fut la première à réagir et tenta de plaquer le prêtre au sol mais fut arrêtée par le sable. Metchaf à son tour tenta quelque chose, il prit un banc de bois et frappa de toutes ses forces. L’objet de bois éclata en morceaux sans aucun autre effet. Puis, alors que le prêtre saignait de plus en plus et se mourrait, le sable s’agglutina pour former une silhouette qui se précisa et devint une femme aux yeux totalement noirs. Ses cheveux flottaient alors qu’il n’y avait pas le moindre vent et ses habits semblaient très anciens arborant des symboles interdits. La plupart des invités avaient fui dès le début de l’agression, remplacés par les gardes du palais venus voir ce qu’il se passait.

L’apparition tenait le prêtre de Sol’ra agonisant par le cou, il ne touchait pas terre. Le prince Metchaf avait dégainé son arme et la pointait en direction de l’agresseur.

- Je sens le sang des rois couler dans tes veines jeune prince, dit la femme aux yeux noirs.

Elle plaça alors sa main non loin de la bouche du prêtre. Une lumière vive en sortit, puis comme une boule faite de fumée et de lumière, elle avala goulûment cette prise.

- Nous nous reverrons vite ! Dit-elle alors que les gardes courraient pour aller l’attaquer.

A nouveau un souffle de vent parcourut la salle et elle se re-transforma en volutes de sable et fila à toute allure en dehors du palais. Metchaf et Urakia n'hésitèrent pas une seconde et se lancèrent à la poursuite de cette mystérieuse tueuse. Les Solarians à l’intérieur avec Metchaf et Urakia reprirent le dessus assez rapidement, ces derniers les poussant à dépasser leurs limites physiques. En un rien de temps ils se retrouvèrent en dehors d’Aksenoun. Il fut difficile de suivre un nuage de sable dans le désert mais ils y arrivèrent et ce malgré la nuit qui était tombée. Ils marchèrent plusieurs heures avant de faire une mauvais rencontre. La tempête de sable dont les rumeurs parlaient en ville était sur eux, rapide et implacable.

Chaque grain de sable était un supplice. Le vent les fouettait de toute part et leur vision fut réduite à un pas devant eux. Urakia resta collée au prince Metchaf car si jamais ils venaient à être séparés l’issue de cette tempête ne pouvait être qu’une mort lente par étouffement. Ils avaient quitté Aksenoun avec le strict minimum et à cet instant précis ils le regrettaient car leur peau en grande partie dénudée souffrait à présent de la violence des rafales de sable. Ils sentirent tous deux que dans ce chaos il y avait la présence de celle qu’ils poursuivaient. Le sable s’agglutina autour d’eux et il leur fut de plus en plus impossible de progresser. Ils furent engloutis par la fureur du sable...

Chapitre 2 - L’Oasis d’Istaryam

Urakia se réveilla doucement. Elle avait l’impression qu’une horde de chameaux l’avait piétinée tellement elle avait mal de partout. Mais cela la rassura car si elle souffrait ainsi c’est qu’elle n’était pas morte. Au début incapable du moindre mouvement, elle se contenta de regarder autour d’elle. Elle était dans une grande tente telle que certaines tribus non sédentaires utilisaient dans leurs déplacements. Il y avait une odeur d’encens et un peu partout divers objets anciens. Elle se leva de son lit avec beaucoup de difficulté et tangua jusqu’à l’entrée. Une bouffée de fraîcheur parcourut son visage fatigué, la raison en était un lac de grande taille au milieu d’une végétation luxuriante. Au milieu de l’étendue d’eau il y avait une vieille statue en partie rongée par le temps et le sable du désert. Au bord de l’eau le prince Metchaf s’aspergeait le visage. Ses réflexes de garde royal lui commandèrent de faire le tour du campement et voir s’il y avait quelqu’un. Mais il n’y avait personne à part eux deux. Elle récupéra quelques affaires dont leurs armes. Tout cela devenait de plus en plus mystérieux, comment s’étaient-ils retrouvés là ? Qui les avait sauvés? Autant de questions qui trouveraient plus tard des réponses. En attendant la jeune femme rejoignit le fils du roi du désert pour récolter d’autres informations.

- Y comprenez-vous quelque chose Majesté ?

Mais vu la tête du prince elle sut que c’était non.

- Je me suis réveillé peu avant toi. Mis à part le fait que je pense savoir où nous sommes, je ne sais pas en revanche qui nous devons remercier pour nous avoir sauvé la vie.

Urakia attendait la suite mais le prince n’était pas disposé à tout lui dire.

- Et donc nous sommes... où ? Demanda-t-elle sur un ton vaguement exaspéré.

- Mmm? Ah oui, je pense que nous devons être à l’oasis d’Istaryam.

Urakia eut un haut le cœur à l’évocation de ce nom. Istaryam était le nom d’une antique cité qui fut le bastion des polythéistes lors de la guerre qui opposa les anciens dieux à Solar il y a de cela un peu plus de cent cinquante ans. Sur ordre du roi du désert de cette époque ce lieu fut interdit d’accès sous peine de mort. Le temps passant tout le monde oublia cette petite partie du désert.

- Il faut partir, ce lieu nous est proscrit...

- Je tiens à faire la lumière sur cette histoire, je veux savoir qui sont ceux qui bravent l’autorité du roi mais qui nous ont sauvés. Je pressens qu’il y a bien plus derrière toute cette affaire. J’ai une drôle d’impression, je commence à comprendre pourquoi cet endroit est interdit.

Urakia n’était pas très rassurée par les paroles du prince. Elle se souvint des histoires qu’on lui racontait lorsqu’elle était petite.

- Nous allons mourir... lâcha Urakia dépitée. Ce lieu est sous le regard de Sol’ra, les gens qui habitent ici vont subir le feu de la colère de Dieu, je ne tiens pas à rester ici.

Metchaf se gratta le nez, signe que l’attitude de la garde ne lui convenait pas.

- Tu vas où je te dis d’aller, tu fais ce que je te dis de faire ! Dans un premier temps il faut qu’on fasse le tour de l’oasis pour chercher d’éventuelles traces de pas ou de chameau.

La jeune femme partagée entre le sentiment de honte et de colère vis à vis du prince. Elle ravala son orgueil et s’en alla devant le prince pour fouiller les environs. L’oasis se révéla bien plus grande qu’elle ne laissait paraître. Après une heure de marche les deux Solarians arrivèrent au bord d’une grande plage de sable au bord de l’étendue d’eau, la statue était alors au plus proche de la berge. Là il y avait une femme nageant parmi quelques nénuphars. Metchaf et Urakia reconnurent l’assassin du prêtre de Sol’ra d’Aksenoun. Urakia sortitses deux sabres et commença à aller dans l’eau. Mais elle n’alla pas très loin car elle s’enfonça comme dans des sables mouvants.

- C’est comme ça que vous me remerciez de vous avoir sauvés ? En attentant à ma vie ? Dit-elle en sortant de l’eau suffisamment loin d’Urakia.

Metchaf devant le corps dénudé d’une femme détourna son regard.

- Assassin ! Vous avez tué un prêtre de Sol’ra ! Vous serez exécutée ! Cria une Urakia enragée.

Des vêtements somptueux apparurent alors sur la jeune femme, la rendant encore plus impressionnante. Le prince resta tout de même à bonne distance pour éviter tout problème. Alors qu’Urakia tentait désespérément de se dépêtrer de son sort, le fils du roi du désert engagea la discussion.

- Qui êtes-vous ?

- Je m’attendais plutôt à un “merci”.

- Qui êtes-vous !?

- La question n’est pas qui je suis mais pourquoi vous vous êtes là.

- Parce qu’on poursuit une meurtrière !! Hurla Urakia.

- Peut-on dire que tuer un meurtrier signifie commettre un meurtre ou bien est-ce une libération ?

- Les prêtres de Sol’ra ne tuent pas, dit Metchaf en retenant sa colère.

- Ah bon ? Êtes-vous sur et certain de cette affirmation.

- Qui êtes-vous ?

- J’ai entendu des rumeurs comme quoi Ahmid serait de retour.

- Ahmid ? Que... Oui, mais arrêtez de changer de sujet en permanence ! Alors répondez une fois pour toute, qui êtes vous !!!?

La jeune femme parut se perdre dans le cours de ses pensées. Tout changea alors autour d’elle comme si des souvenirs prenaient vie. La scène se passait en pleine bataille, on la voyait combattant un guerrier de Sol’ra. L’issue en fut la mort de la jeune femme. Metchaf et Urakia qui avait parfaitement compris ce que signifiait cette scène tombèrent des nues.

- Ptol’a... chuchota le prince de peur de se faire entendre par Sol’ra. Impossible...

- Je suis là pour vous montrer la voie à tous les deux car l’avenir dépend de vous. Notre avenir à tous, à présent suivez-moi.

Urakia à nouveau libre de ses mouvements et Metchaf stupéfié suivirent la jeune femme sans poser la moindre question. Ils ne savaient plus comment réagir.

Chapitre 3 - La tombe des dieux

Ce qu’ils pensaient être l'incarnation de Ptol’a, revenue d’entre les morts, les mena non loin de l’Oasis d’Istaryam. Le ciel s’était couvert voilant le soleil alors qu’ils arrivaient en vue d’une dune bien plus grande que les autres. En réalité ce tas de sable n’en était pas un, mais abritait un bâtiment de taille conséquente dont l’entrée avait été dégagée. Celle-ci était bouchée par une dalle de pierre mais qui avait suffisamment été brisée pour qu’un homme de bonne corpulence puisse passer. Un immense soleil, symbole de Sol’ra, était peint à la surface de la porte.

- Un avertissement divin, déclara le prince.

- Que certains ont bravé dans le but de ne plus subir la dictature du faux dieu.

- Faux dieu !! S'énerva Urakia, Sol’ra est le seul et unique dieu.

- Dans ce cas si tu es certaine de ce que tu avances, va, entre là et voit de tes propres yeux la vérité. Tu ne seras pas influencée par ce que tu abrites au fond de toi.

Le garde royal fit la moue, se demandant ce qu’elle entendait par ce qu’elle abritait au fond d’elle.

- Et si nous ne voulons pas entrer ? Demanda le prince sur un ton de défi.

L’incarnation de Ptol’a sourit alors.

- Dans ce cas soit vous resterez ici à Istaryam jusqu’à la fin de votre vie, soit vous tentez de partir et dans ce cas je prendrais le risque de réveiller vos Solarians. Et là vous ne vous contrôlerez plus et vous mourrez pour la cause d’un dieu qui se moque bien de vous.

- Nous n’avons donc pas le choix, allons-y Urakia, ordonna Metchaf avec une petite idée derrière la tête.

L’intérieur éclairé par des lampes à huile donnait sur un escalier descendant et interminable. Il s’enfonçait profondément sous le désert si bien que la chaleur s’estompa pour laisser place à une fraîcheur salvatrice.

- Que va-t-on faire prince ?

- Nous allons voir de quoi il s’agit, mais ça à l’air d’être une réplique des grands tombeaux où sont mes ancêtres. S’il est bâti suivant le même modèle alors nous pourrons sortir par une autre issue et partir vite fait de là.

- Pourvu que vous ayez raison.

- Gardons la foi !

Au bout d’une demi-heure ils arrivèrent enfin à la fin des escaliers, donnant sur une salle de taille moyenne. Les quatre murs de la pièce étaient entièrement recouverts de hiéroglyphes et de dessins gravés. Il y avait aussi comme une vague odeur de mort. Chacun examina un côté et se mit à lire les inscriptions. Au fur et à mesure qu’il parcourait les écrits la figure du prince se décomposa.

- Je n’arrive pas à croire ce que je lis, Urakia.

- Justement nous en devrions pas y croire car tout cela est faux !

Les inscriptions étaient l’œuvre de prêtres et de fidèles. Ils avaient été enfermés ici vivants avec les dépouilles des incarnations de leurs dieux à la fin de la guerre contre Sol’ra. Ils expliquent comment les Solarians avaient rasé des villages entiers d’habitants du désert. Tant d’actes incroyablement violents et impardonnables qui avaient contribué à faire disparaître une civilisation, celle du désert du sud tout cela mit le doute au prince. Car malgré son air détaché du peuple et de son air hautain, Metchaf aimait son peuple.

De son côté Urakia ne prit pas en compte les mensonges des infidèles. Elle n’acceptait pas qu’on traîne dans la boue ses principes et ses croyances. Pourtant il y avait des détails troublants. Elle crut reconnaître parmi les écritures une personne dont l’histoire correspondrait à celle d’un de ses ancêtres. Dans sa famille c’était une figure à la fois crainte et emblématique qui participa à la création de Mineptra. La coïncidence était troublante, limite dérangeante pour une famille très croyante comme la sienne. Ils sortirent de cette pièce véritablement troublés par ces découvertes. La suite leur réservait d’autres surprise toutes aussi incroyables.

Ils passèrent une nouvelle porte de pierre qui avait été elle aussi fracassée. Et là le spectacle qui s’offrit à eux était tout simplement grandiose. C’était une véritable cité souterraine qui avait été construite là. De multiples petites demeures faites de sable avait été creusées dans les parois gigantesques de cette salle. Au milieu de cette cité, une cinquantaine de personnes vivaient là et semblaient attendre quelque chose. Metchaf et Urakia s'avancèrent vers eux arme à la main.

L’un d’eux, visiblement celui qui détenait l’autorité alla à leur rencontre.

- Soyez les bienvenus dans la tombe des dieux, ceux qui sont morts pour défendre le désert et ses merveilles. Ici vous allez découvrir la vérité sur Sol’ra et sur ce que veut cette divinité. Posez vos armes, vous ne craignez rien ici nous ne vous voulons aucun mal.

A suivre...

A la rescousse

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Chapitre 1 - Foudre-bec

Dhan était assis devant les plans de l’Arc-Kadia. Ça faisait bien longtemps qu’il ne s’était pas retrouvé à bord du navire qu’il avait conçu avec le Géant triste. Les pirates d’Al la triste avaient parcouru une multitude d’îles volantes avant de retrouver et de convaincre l’ancien prêcheur de venir à bord. Al la triste poussa les curieux pour se faire un chemin jusqu’à son invité. Celui-ci lui sourit.

- Tu as bien grandi Alexandra. Mais tu as un problème avec l’Arc-Kadia on dirait.

- Oui et j’ai b’soin de toi pour l’remettre en état.

- Explique-moi ce qui ne va pas ?

- J’ai activé la console.

Dhan ferma les yeux comme s’il avait compris instantanément l’implication d’une telle action.

- Je vois, je vois. Mais tu sais je ne suis pas le seul à avoir construit ce navire.

- Je sais, mais il y a Crochet...

- Ton père ne l’appréciait pas vraiment, méfie-toi de lui, dit Dhan en regardant le concerné.

- Non je peux voir déjà ce qui ne va pas, mais il va être de difficile d’achever les réparations si je n’ai pas le piaf à mes côtés.

- Le piaf ? Qui c’est ?

- Le piaf !!! Foudre-bec ? Ce vieux perroquet déplumé ? grogna Bragan. Il est encore plus alcoolique que tous les membres de l’équipage réunis.

- Peut être, vieux loup des airs, mais c’est quand même avec lui qu’on a construit ce bateau, et toi t’étais qu’un matelot à l’époque.

- Bon, on va t’trouver ce piaf, où est-il ? Coupa Al la triste.

- Il est sur l’île des ravagés, dans l’une des nombreuses taverne, répondit le prêcheur.

- S’tombe bien, on est pas loin. Bragan cap sur l’île des ravagés ! Cria-t-elle. Quand à toi, la salle des machines est tienne, Klémence va t’assister en attendant.

Quelques jours plus tard les pirates arrivaient à l’île des ravagés. C’était l’une des îles franches, c’est à dire là où les seigneurs des îles n’avaient pas le droit de mettre pied et encore moins de tenter de faire leur loi. C’était un repère de brigands en tout genre, mais aussi le berceau de la piraterie des îles blanches. A plusieurs reprises l’île avait subi des attaques de seigneurs du ciel et c’est de là que son nom lui est venu, mais jamais elle ne fut prise.

L’Arc-Kadia se posa à l’un des nombreux embarcadères de l’île. Après avoir pris les dispositions nécessaires à la protection du navire, Al la triste, Mylad et Ti mousse entreprirent de rechercher ce fameux Foudre-bec. Les rues de ce que l’on pourrait nommer cité étaient vraiment sales, malodorantes et évidement mal fréquentées. A plusieurs reprises la petite troupe dut montrer qu’ils n’étaient pas de simples touristes en visite. Le village des ravagés était composé d’une myriades de maisons faites de bric et de broc qui tenaient debout par miracle. Seules quelques maisons au centre avaient été construites dans l’architecture classique des îles blanches, c’est à dire des maisons de torchis recouvert de chaux. Mais Al la triste préféra ignorer ce lieu qui lui rappelait bien des mauvais souvenirs et préféra donc visiter les quelques tavernes étant sûre et certaine d’y croiser le piaf à un moment ou à un autre. Après avoir écumé plusieurs “établissements” ils firent une pause à celle qui semblait la moins pouilleuse de toutes.

- C’est un vrai labyrinthe cette île, on va passer une éternité à trouver l’autre emplumé, dit Mylad avec démotivation. La dernière fois que je l’ai vu nous n’étions plus en très bon terme tous les deux.

- Mais tu l’connais ? questionna Ti mousse.

- Oui, c’est lui qui m’a appris à me servir de la magie, dit-elle en buvant plusieurs gorgées d’un liquide assez épais servi plus tôt par le tenancier.

Autour d’eux alors que la nuit enveloppait les terres de Guem, plusieurs pirates entrèrent dans la taverne sans que nos aventuriers n’y prennent garde. L’atmosphère s’échauffa vite et la présence de deux belles femmes attirèrent les mâles aussi sûrement que des abeilles sur du sucre. Un des derniers arrivants, un verre de rhum à la main se faufila entre ses camarades à la vue des avantages de Mylad et du capitaine.

- Mes'moiselles... permettez moi de vous offrir... une pinte !

Son haleine, qu’il soufflait sur Mylad acheva de les convaincre des problèmes imminents que cet homme s’attiraient là.

- Lâche-nous ! Dit-elle de façon bien audible.

- Oh oh... on va avoir des ennuis, tiqua le courageux Ti mousse.

- Allez mignonne... fais pas ta mijaurée je suis aussi beau que tous les autres.

Autour d’eux d’autres pirates étaient venus soutenir leur camarade dans cet incroyable tour de séduction.

- Je t’ai dis de mettre les voiles, le rhum te bouche les oreilles rascasse de fond de cale.

Les autres s'esclaffèrent, ce qui ne fut pas au goût de l’infortuné rejeté. Il tenta par un geste maladroit de poser ses salles mains en des endroits que les convenances interdisaient. Il n’en fallut pas plus pour qu’Al la triste se lève pour mettre un coup de poing dont le goujat se souviendrait toute sa misérable existence. Les autres voyant ça lâchèrent leurs verres pour tirer les sabres. Mais Mylad fut plus rapide, des chaînes faites d'éclairs sortirent de ses mains pour frapper ceux devant eux, surprenant la troupe qui recula vers le comptoir.

- Tu as bien progressé Mylad.

Une personne se fraya un passage entre les opposant d’Al la triste. Son aspect était vraiment incroyable. C’était bien un homme car il se tenait debout, mais il était recouvert de plumes et avait un gros bec courbé. En réalité il ressemblait à un gros perroquet. Cela ne laissa aucun doute sur son identité.

- Rangez ça tas de pécores, vous allez vous faire griller le peu de cervelle que vous avez, j'm’en occupe, dit-il en s'avançant vers Mylad.

Al la triste darda la foule d’un regard noir avant de se rassoir. Foudre-bec s’installa sans demander l’autorisation. Mylad resta debout encore en colère.

- Allez gamine assieds-toi ça sera pas plus cher.

La jeune mage fronça les yeux et soupira très fort avant de reposer son délicat fessier sur le tabouret à moitié vermoulu.

- Ne serait-ce pas Al la triste ? Fille du géant, hein ? La dernière fois que je t’ai vu...

- J’étais très p’tite, j’sais on arrête pas de me le répéter. Bon j’suis pas quelqu’un de patient alors écoute le Piaf, j’ai un boulot à t’proposer, coupa Al la triste avec une pointe d’irrespect .

- Foudre-bec est cher, répliqua-t-il en se frottant les mains.

- On a les moyens de nos prétentions, affirma Ti mousse en posant une bourse pleine de pièces de cristal.

- Oh, je vois ça, je vois ça. Et que faut-il faire ?

- Réparer mon navire.

- Ton... Tu veux dire l’Arc-Kadia ?

- Exactement.

- Tu sais je suis pas mécano moi.

- Je sais, mais le prêcheur à besoin de ton aide alors...

- Le prêcheur ? L’est pas mort lui ? S'il a besoin de moi c’est que tu t’es servi de quelque chose qu’il fallait pas.

- Alors, t’acceptes ou pas ?

Foudre-bec sembla réfléchir, regarda Mylad qui affichait une mine déconfite puis soupesa la bourse dont les pièces teintèrent entre elles. Il pesa le pour et le contre. D’un côté Mylad et le Prêcheur, de l’autre une somme coquette, le retour à bord de l’Arc-Kadia et surtout une aventure loin de la misère de l’île des ravagés.

- Ça m’va, je suis partant.

Chapitre 2 - Repli stratégique

Voilà plusieurs heures que le groupe perdu dans les Confins fuyait une bande d’Eltarite expatriés vraiment en colère. Les Elfines et lesHom’chaï bien plus en forme et ayant une parfaite connaissance du terrain étaient sur le point de rattraper les fuyards. Le Grêlé avait donné tout ce qu’il pouvait pour créer des entraves afin de ralentir leurs poursuivants, mais il était difficile de retenir les gens de la forêt. Ergue, Malyss et Ciramor se soutenaient les uns les autres pour avancer au mieux pendant que Silikat leur ouvrait la voie. Mais cette tribu était redoutable en terme de chasse et malgré l’expérience de leur nouvelle camarade le groupe finit par se retrouver au bord de l’île avec pour seule option le vide...

- On est fait comme des rats ! Râla Ergue. Le chasseur chassé j’aurais tout vu.

- On va pas se laisser tuer sans se battre, dit Malyss en commençant à prévoir une stratégie d’attaque.

Œil de gemme quand à elle s’activait dans son coin. Elle utilisa plusieurs parties de son équipement pour monter un étrange objet.

- Qu’est ce tu fabriques ? Demanda Ergue.

- Je nous sors de là, nous autres pirates essayons d’avoir toujours une porte de sortie.

- Et ton bidule va nous faire voler ?

- Non, mais ouvre bien tes yeux, tu reverras pas ça dans ta vie, Zil.

Œil de gemme avait fini de monter l’objet qui ressemblait à un gros pistolet. Malyss sentit de suite que celui-ci avait des particularités magiques et regarda d’un œil de quoi il s’agissait. Œil de gemme pointa le canon vers le ciel et tira. Un petite boule blanche émettant une vive lumière fut propulsée très haut dans le ciel, éclairant les alentours.

Leurs assaillants n’étaient plus très loin, ils ne cherchaient pas à être discrets et les lourds pas des Hom’chaï brisant des banches sur le sol s’entendaient aussi clairement que le “Pcchhhi” de la fusée de détresse d’Œil de gemme.

Voilà deux jours que Foudre-bec était à bord de l’Arc-Kadia, il avait retrouvé le navire, Dhan, Bragan et Briscar, non sans un certain pincement au cœur. Il s’était alors mis au travail pour que le navire soit de nouveau opérationnel au meilleur de ses capacités. Le cœur du bateau était une machinerie très perfectionnée. Klémence resta émerveillée de voir le prêcheur et le piaf démonter puis remonter cette étrange bidule sans parler de l’énergie implémentée ensuite par Foudre-bec et Mylad. Tous deux déchargèrent toutes leur puissance magique sous forme de sortilèges de foudre. Un petit appareil de mesure s’affola et l’aiguille qui était dans le rouge repassa au vert. Enfin Dhan remit en ordre la console et enleva le médaillon du père d’Al la triste. Le capitaine avait assisté d’un œil curieux à tout ce qui avait été fait sur son navire. Dhan s’approcha d’elle en lui tendant le collier.

- Tenez, et utilisez le avec sagesse. J’ai montré à votre petite bricoleuse comment faire la prochaine fois que cela arrive. Ce n’est pas très compliqué, mais cette machinerie est comment dire... en avance sur son temps.

- Merci pour l’aide.

- Je l’ai fait en souvenir de votre père. Maintenant que c’est fait,permettez-moi de quitter le navire.

Al la triste attacha le collier autour de son cou.

- Accordé.

Dhan ne prit pas la peine de saluer les autres, il récupéra ses affaires et s’en alla.

Foudre-bec se baladait sur le pont, il déboucha une bouteille en se souvenant des aventures vécues à bord de ce navire. Pris d’une certaine nostalgie il se mit à engloutir une bonne moitié du contenu de la bouteille. C’est alors qu’il vit quelque chose dans le ciel, une boule incandescente blanche. L’air se troubla et un vortex se forma alors devant le navire et ce dernier fut aspiré, emportant avec lui une partie des vieux pontons auxquels il était amarré. Tout l’équipage fut secoué et le navire trembla mais n’eut aucune avarie.

Alors que la boule lumineuse s’éteignait un vortex se forma au dessus de l’île où les voyageurs des Confins s'apprêtaient à mener une bataille à l’issue plus qu’incertaine. L’Arc-Kadia apparut par magie jetant ainsi son équipage dans un affrontement surprise avec des inconnus à l’autre bout du monde. Ergue, Malyss, Ciramor, Silikat et Le Grêlé furent très surpris de cette soudaine arrivée. Cela ne perturba pas plus les membres de l’ancienne tribu de Silikat qui étaient visibles à quelques mètres du groupe. Al la triste qui avait couru jusqu’à la barre fit basculer le navire alors qu’un membre de l’équipage examinait la situation sur cette île. Les autres pirates sortirent d’un peu partout pour tenter de comprendre ce qu’il se passait. Al la triste hurla ses ordres et fit comprendre qu’Œil de gemme était en danger.

Contre toute attente ce fut Foudre-bec qui agit en premier. Il lâcha sa bouteille et sauta de l’Arc-Kadia d’une hauteur où personne n’aurait osé sauter. Grâce à ses ailes il put ralentir la chute. Il fut suivi dans son élan par Mylad qui enveloppée d’une tornade imita son ancien maître. Les Elfines arrivèrent en premier. Leurs Hom’chaï arrivèrent, grands, forts, puissants et surtout enragés !

- Ils ont pris de la Ragianne ! Hurla Silikat. Ils iront jusqu’au bout ! Ajouta-t-elle en esquivant un premier coup.

Il y avait cinq de ces guerriers enragés, recouverts de tatouages ils étaient bien plus impressionnants que ceux des terres de Guem. Le Grêlé en emprisonna un grâce à des racines. Malyss créa plusieurs murs de glace. Ciramor qui tenait l’œuf du Mangepierre ne voulut pas risquer de le perdre, il se mit à voler jusqu’au navire. Il échappa de justesse à plusieurs coups d’épée.

- Non je suis avec Œil de gemme !!

Briscar attrapa le mage et le cala dans un coin.

- Bouge pas d’ici !

Après les Hom’Chaï se fut au tour des Elfines de se mettre en ordre d’attaque. Des flèches filèrent à toute allure pour se planter dans la coque de l’Arc-Kadia, manquant de peu les pirates qui assistaient à la scène. Foudre-bec qui avait vécu plusieurs batailles ne se voyait pas combattre ces énergumènes plus longtemps.

- Mylad ! Barrière !!

Agissant d’instinct, chacun fit apparaître une immense écran d’éclairs de manière à ce que tout le groupe soit du bon côté, ce qui ne manqua pas d’électrocuter Ergue et la plupart des Hom’Chaï.

Les pirates à bord du navire jetèrent des cordes afin de faire monter tout le monde à bord. Bragan cria à ceux se trouvant sur l’île de monter à bord, ce qu’ils firent sans trop discuter. Enfin Mylad et Foudre-bec repartirent en s’envolant dans les airs et revinrent au bateau. Ce dernier s’éloigna tandis que les Elfines le criblaient de flèches.

A bout de force, les compagnons des confins s'allongèrent sur le plancher, reprenant leur respiration. Al la triste barra de façon à ramener son navire dans le vortex qui était encore ouvert, retournant ainsi d’où il était venu. De retour non loin de l’île des ravagés, Al la triste fit stopper les machines pour comprendre ce qu’il venait de se passer. Œil de gemme expliqua tout ce qui était advenu dans les Confins, du moins en version résumée. Elle présenta donc Ciramor et Silikat qui les avaient rejoints et expliqua ce qu’ils avaient trouvé : le Mangepierre des Confins, ou tout du moins son œuf.

D’ailleurs, Ciramor qui tenait l’œuf comme s’il s’agissait de sa vie sentit que quelque chose bougeait à l’intérieur.

- Regardez !! Cria-t-il. Il va éclore !!

Très vite une foule se forma autour de lui, Malyss, Ergue, le Grêlé furent très intrigués, il était temps pour eux de voir la récompense de leurs efforts. L’œuf vacilla puis se craquela lentement. Un liquide épais et jaunâtre s’échappa des fissures puis des trous. Cela se termina par l’apparition d’une créature à la peau grisâtre. Elle était vaguement humanoïde de la taille d’un petit enfant, il n’avait cependant ni nez, ni cheveux. Ses yeux mis clos regardaient à droite et à gauche. L’assistance fut stupéfaite et aussi déroutée, voire déçue de ce Mangepierre. Silikat, elle était en position de révérence elle tendait un morceau de quartz dans sa main. La créature rampa jusqu’à elle pour se saisir de la pierre et croqua dedans à pleines dents.

- C’est ça le Mangepierre ? Demanda Malyss. Nous avons fait tout ça pour ça ??

Ciramor, fortement ému aida la créature à se débarrasser des restes de coquilles.

- C’est que le début, il va falloir bien s’occuper de lui, ajouta l’apprenti d’Eredan.

Le Grêlé alla voir Al la triste.

- Merci de nous avoir aidé, nous étions en mauvaise posture.

- D’rien, on est pirate, mais on a un cœur tout d’même.

- Vous serait-il possible de nous amener à la forêt Eltarite, nous devons désormais agir, tout cela a pris beaucoup trop de temps.

- J’suis de bon’humeur, j’vous y amène.

Extinction

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Chapitre 1 - Passé décomposé

Autre temps...

Autre lieu...

Autre combat...

Eredan et les héros de la guerre venaient de mettre fin à la folie de Néhant. Les Néhantistes venaient de perdre leur suprématie, laissant exsangues les terres de Guem après plusieurs années de conflits. Le dernier lieutenant de Néhant, le puissant Amidaraxar avait senti la disparition de son maître. Il était désormais poursuivi par les habitants du glacier d’Améthyste, désireux de mettre fin à son existence. Nibelle une jeune Elfe de glace ainsi que quelques autres faisaient face à cet être sordide qui avait causé la mort de tant de personnes. Malgré la disparition de son maître il restait tout de même véritablement dangereux. Certains des compagnons de Nibelle l’avaient appris à leurs dépends.

Cela faisait déjà plusieurs mois que la jeune prêtresse préparait son coup, Eredan l’avait aidé à construire sous les glaces la prison dans laquelle elle projetait d’enfermer Amidaraxar. La traque organisée avait porté ses fruits et la proie était là où Nibelle le voulait, une fissure dans le glacier était visible à présent il fallait se confronter à lui.

Le Néhantiste était un homme fin arborant un masque terne et des vêtements déchirés, il ressemblait plus à un spectre qu’à un véritable humain. Autour de lui volait une multitude de pierres noire brillantes.

- Nibelle c’est ça... Je me délecterai de ton âme et de ton corps, dit-il en préparant ses sortilèges.

L’elfe ne répondit pas à ses provocations, elle se concentra sur ses suppliques en serrant fort un étrange bâton. Celui-ci était une simple branche sculptée et parcourue de larges anneaux d’or finement ciselés. Elle le tenait à deux mains en priant ses dieux de lui accorder la force de résister à l’assaut de la magie de Néhant. Amidaraxar profita de ce moment pour montrer toute sa puissance, des éclairs de ténèbres partirent des pierres pour frapper Nibelle. Elle hurla de douleur mais résista malgré tout à ce qui aurait tué n’importe qui. Les dieux répondaient à son appel, une aura blanche entoura alors le bâton, signe pour elle qu’il était temps d’agir. Et alors que les maléfices du Néhantiste lui brûlaient la chair et découpaient son âme,l’Elfe de glace frappa le sol avec le bâton.

Amidaraxar fut incapable de bouger. Toutes les pierres tombèrent autour de lui, il se sentait coupé de toute magie, tous les liens qu’il avait avec de nombreuses personnes se brisèrent d’un coup.

- Non ! Noon ! NOOOOOON ! Qu’as tu fait ??

Des rubans de glace sortirent du sol pour s’enrouler autour du Néhantiste. Une fois fait ils se transformèrent en du papier recouvert de symboles.

- Tu... tu ne peux pas me tuer ! Cria-t-il avec rage.

- Je sais cela, mais tu ne vas pas mourir, tu va être enfermé sous la glace pour l’éternité.

Comme si la glace était vivante elle “avala” lentement le Néhantiste qui ne put rien faire pour se sortir de ce mauvais pas. Il fut englouti au plus profond des glaces. Le bâton de Nibelle cessa de briller et les sorts du Néhantiste disparurent laissant l’elfe au bord de l'éreintement. Ceux qui avaient assisté à la scène aidèrent Nibelle à se remettre de cet affrontement.

- Menez-moi à la porte, je dois à présent jouer le rôle de ma vie.

Nibelle ouvrit les yeux...

Elle s’était endormi quelques heures à cause de la fatigue. Le temps avait passé avec ravage et elle était aujourd’hui vieille et fatiguée. Yilith était partie depuis bien longtemps, elle n’était pas revenue, augurant un problème. Les années passant, Amidaraxar s’était renforcé et avait peu à peu repris le dessus. Sa prison ne le retiendrait plus très longtemps. Depuis quelques jours elle l’entendait, lui l’un des plus puissants Néhantistes ayant existé. Il lui promettait de ne pas se venger si elle le laissait sortir, que de toute façon sans Néhant il ne pourrait plus rien faire. Son cœur se serrait dans sa poitrine, étreinte par la peur d’un avenir funeste pour les siens.

Chapitre 2 - Manœuvres

Yilith avait parcouru les terres de Guem en quête de personnes pour aider son peuple. Elle avait foulé les terres de Tantad, un empire étrange aux coutumes étranges. Les gens l’avaient rejetée et elle continua sa course effrénée contre le temps. Elle redescendit dans des contrées encore plus lointaines et toujours rien, pas la moindre personne capable de comprendre son problème. Enfin alors quelle venait de passer la frontière de la Draconie, un groupe de personnes, soldats pour la plupart, alla à sa rencontre. L’Elfe de glace peu encline à poser de quelconques problèmes attendit sagement que le groupe arrive à sa hauteur. L’un des hommes visiblement le chef prit la parole.

- Dame Yilith, nous avons ordre de vous accompagner jusqu’à Kastel Levarak.

- Vous connaissez mon nom ?

- La Pythie souhaite vous voir, elle vous fait savoir qu’elle vous aidera dans votre quête.

Enfin quelqu’un semblait s’intéresser à son cas, elle ne se fit pas prier plus et accompagna sa garde rapprochée jusqu’à une petite cité typique de cette partie du monde. Un château aux tours effilées,bordées de jardins, le tout entouré de maisons collées les unes aux autres dans une forme de spirale. C’était un endroit paisible et Yilith s'émerveilla de la propreté des lieux ainsi que de l’accueil qu’on lui réserva. Elle fut menée dans la cour du château où l’attendait une dizaine de personnes dont une avec une présence particulière, la Pythie. Les autres, toutes des femmes vêtues de la même façon firent un cercle autour d’Yilith et de la Pythie, impressionnant l’Elfe de glace qui ne connaissait pas les coutumes de ces gens.

- Soyez la bienvenue Yilith. Notre demeure vous est ouverte, vous y trouverez le repos. Je suis la Pythie, oracle de Dragon. Je vous ai vu marcher le long des routes, je vous ai vu vous cogner contre l'indifférence des peuples du nord. La Pythie vous aidera.

- Je vous remercie, Pythie, de nous venir en aide à mon peuple et à moi. Je perçois votre sagesse et votre désarroi dit-elle visiblement affectée par la présence de la Pythie.

L’Oracle et la Prophétesse discutèrent une bonne partie de la journée et de la nuit sur ce qu’il se passait dans ce monde. Enfin elle envoya Yilith à Noz’Dingard en compagnie d’hommes et de femmes de la garde de Kastel Levarak. A la capitale de la Draconie, Moîra passait en revue la dizaine d’hommes, tous militaires et les deux Sorcelamesque Prophète et Naya lui avaient confiés. Tout était conforme auxrèglements. Personne ne disait rien mais les soldats avaient chauds avec leurs grosses fourrures. Ils ne comprenaient pas pourquoi on leur avait demandé d’habiller chaudement alors que c’était le printemps. Enfin, ne restait plus qu’à attendre leur mystérieuse invitée qui arriva une heure plus tard, comme prévu par la Pythie. Marlok et Marzhin créèrent un portail magique avec certains membres du Compendium afin que Moîra, Yilith et compagnie ne perdent plus de temps. Ils s’engouffrèrent par le portail et se retrouvèrent à l’autre bout du monde là où le froid ne partait jamais, le glacier d'Améthyste.

- Il est temps Dimizar, Temps que je sorte de cette prison, temps de reprendre ce qui m’appartient, temps de prendre cette revanche...

- Maître, les choses se passent presque comme prévue...

- Presque !? Hurla l’image de Dimizar qui se reflétait dans le miroir.

- Disons que nous sommes désormais surveillés.

- N’as tu pas ce maudit Conseil sous ta domination ?

- Si...

- Alors tout ira bien.

- Dragon...

- Ne me parle pas de ce crétin caché dans sa pierre, il ne sait rien !

- Ne le sous estimons pas, ils sont spécialistes et savent qui nous sommes.

- Raison de plus pour agir dans ce cas, brise ceux qui se dressent sur ta route et lie ceux que tu peux. Toute armée a des points faibles.

- Je sais. Nous partons libérer Amidaraxar.

- Excellent, il est le seul à pouvoir me sortir de là.

- Je sais, maître.

- Hâte-toi.

L’image déformée redevint celle de Dimizar. Le Néhantiste réfléchissait à son plan et se mit à rire aux éclats. Ce plan, comme tous les autres, allait réussir c’était une évidence. Il se rendit dans la salle à manger où certains membres profitaient d’un repas préparé par les petites mains du manoir. Masque de fer jouait avec son verre de cristal, perdu dans les méandres de ses sombres réflexions. Anagramme martyrisait un esclave. Ardrakar parlait avec son épée et Le Déchu mangeait calmement dans son coin.

- Masque de fer, Déchu, Anagramme vous partez de suite. Vous partez pour les terres du nord, au glacier d'Améthyste.

Masque de fer regarda Dimizar et il comprit ce qui allait se passer. Il vivait pour ce moment depuis bien longtemps. Il posa son verre et se leva avec détermination. Ils se réunirent tous les quatre en vue d’expliquer ce qui allait se passer.

- Vous connaissez tous l’histoire d’Amidaraxar ?

Le Déchu secoua la tête négativement suivi par Anagramme.

- Pour faire vite, Amidaraxar est le lieutenant de Néhant et il est le seul à pouvoir délivrer notre maître de sa prison de cristal. Or, il a été enfermé sous les glaces à la fin de la guerre. D’après mes espions, les Elfes de glace seraient en train de déplacer leurs villages à cause de la fonte du glacier. La plupart de nos adversaires n’ont pas connaissance de l’existence de cette prison, pour tous Amidaraxar est mort. Or il ne l’est pas et sa prison est désormais accessible. Allez sur place et ramenez-moi notre homme.

- Nous y allons de ce pas, répondit Masque de fer, étrangement ravi.

Chapitre 3 - Confrontations, évasion, convictions

Le jour éclairait faiblement cette partie du monde donnant au glacier d'améthyste une ambiance unique. Les rayons du soleil léchaient les cristaux violets dont les éclats se répercutaient sur la glace blanche. Moîra et ses hommes étaient dans une vieille masure de pierre d’où il ne restait que les murs, probable relique d’un temps passé. Elle fit le point avec Yilith, les autres Sorcelames et le plus haut gradé des hommes de la garde Noz’Dingard. Ils se retrouvaient tous devant un problème de taille. La glace avait fondue et désormais le glacier ne pouvait plus être atteint à pied.

- Il va nous falloir trouver de quoi nous transporter sur place, dit Moîra sur un ton embêté.

- Certaines de nos tribus sont venues s’installer le long de la côte de peur que les glaces cèdent.

Dame Yilith eut alors un drôle de sentiment. A présent plus proche des siens le contact avec les esprits protecteurs du glacier redevint clair.

- Il y a des gens dehors !! Ils sont venus pour nous détruire !! Cria-t-elle d’un coup.

La surprise passée le petit groupe sortit de la bâtisse au moment où dehors les premiers combats eurent lieu.

- Des démons !! Hurla Moîra. Formez la ligne ! Dit-elle en sortant sa lame sorcière de son fourreau.

Face à eux il y avait le puissant Mâche l’âme qui tenait déjà d’une main la tête de l’un des draconiens, mais aussi deux autres démons très différents. L’un était énorme, un véritable tas de muscles, aux gestes très lents mais dévastateurs, le dernier était à l’inverse très rapide donnant des coups en des endroits précis. Le gros démon se trouvait au centre et tel un raz de marée il s’enfonça dans la mêlée. Les deux Sorcelames utilisèrent leur savoir faire et se concentrèrent à contrer ce démon trop lent pour elle. Moîra fit face à Mâche l’âme qui était vraiment content de trouver un adversaire un peu plus coriace que les autres. La Sorcelame tournoya telle une furie évitant les coups de justesse. Dame Yilith se positionna derrière la troupe et implora la mère des glaces de lui accorder le don de guérison. Cela aida grandement la garde de Noz’Dingard mis à mal par l’insaisissable petit démon.

Dimizar n’était pas très loin et assistait à la scène avec délectation. Sa cible se battait contre Mâche l’âme et pour une fois ce crétin de démon avait retenu le plan que le Néhantiste avait soigneusement construit. La Sorcelame se retrouva vite à l’écart du combat, c’était une tactique qui avait fait ses preuves lors de l’assassinat de Prophète et cela se renouvela efficacement ici.

Dimizar voyait bien le lien entre la jeune femme et Dragon. Il s’en saisit alors comme s’il n’était qu’un vulgaire fil et le coupa net. Le lien s’étiola et disparu. Moïra hurla de douleur laissant l’opportunité à Mâche l’âme de pousser Moîra jusqu’à Dimizar. Affaiblie et étourdie par le coup elle ne vit pas le Néhantiste se saisir d’elle.

- Ah ma chère, vous ferez un beau réceptacle !! Je t’invoque démon des méandres, entend mon appel et par ce corps soit l'instrument de ma haine !! dit-il en faisant appel à ses pouvoirs.

Il relâcha son étreinte. Moîra recula de quelques pas, elle se sentait tellement mal. Sa peau changea de couleur tout comme son apparence qui se modifia. Elle voulait hurler mais rien ne sortait de sa bouche, elle ne contrôlait plus rien. Au fond d’elle une autre personnalité apparut. Cette dernière s’empara de la Sorcelame, elle accapara ses souvenirs et ses connaissances, mais ce n’était plus Moîra mais quelqu’un d’autre. Ses traits devinrent ceux d’un démon avec de grandes cornes et des griffes. le symbole de Néhant apparu sur son ventre dénudé. La créature fit craquer plusieurs os de son cou et regarda Dimizar.

- Tu m’as invoqué Seigneur ? Je suis Morte-lame.

- Morte-lame à toi de jouer, montre à tes semblables la véritable puissance d’un démon.

La mêlée était désormais plus confuse, le gros démon avait été vaincu, les soldats étaient en train de l’achever. Quand au dernier il était aux prises avec les deux Sorcelames. Dimizar regarda Mâche l’âme et lui fit signe de partir.

- Laissons faire Morte-lame, partons.

Sans attendre Morte-lame se mit “au travail” et se jeta dans la mêlée. Avec agilité et grâce à la magie de la Sorcelame, le démon fut capable de bien des prouesses. Elle tua l’intégralité des gardes avant que ceux-ci n’aient eu le temps de réagir, inondant le sol du sang des draconiens. Une des Sorcelames tomba, la gorge tranchée par le petit démon, mais cette action lui coûta la vie car il fut aussitôt perforé par la lame sorcière de la dernière opposante. Yilith réalisa vite ce que venait de faire Moîra et elle se mit à nouveau à prier. Il ne restait plus sur le champ de bataille que Morte-lame, Yilith et la Sorcelame. La démone jeta son épée au sol car la magie de dragon avait désormais abandonné l’arme. Indécise son adversaire tenta de temporiser le temps de trouver une solution, c’était Moîra. Dragon, blessé par la perte du lien chuchota à la Sorcelame de ne pas retenir ses coups sans quoi elle était perdue. Morte-lame la griffa à plusieurs reprises mais elle esquiva tant bien que mal les coups qui auraient pu être fatals. D’un coup d’œil elle vit que l’Elfe de glace tentait quelque chose. Elle ne fut pas la seule à le remarquer et Morte-lame changea de cible, peu importe ce que faisait l’Elfe de glace il fallait l’arrêter. La Sorcelame profita du changement de cible pour ceinturer son ennemi avec toute la puissance de sa magie.

- Quoi que vous fassiez, c’est le moment !! Hurla-t-elle.

Yilith était hors du temps et de l’espace, son esprit voguait, accompagnant ses prières vers celui qu’elle vénérait.

- Oh Agmungdar, le destin de cette femme est de vaincre son ennemi, accorde à ta servante tes faveurs et tu seras honoré !

Agmundar était le dieu de la guerre chez les Elfes de glace, le père des batailles. Le dieu à l’écoute de la prophétesse fit couler en laSorcelame une once de son pouvoir. Morte-lame lui assenait de grands coups de poings sans faire la moindre attention au corps de Moîra qui se dégradait vite, consumant son corps et son âme, le démon redoubla de rage. La Sorcelame sentit une présence, était-ce Dragon ? “Frappe maintenant !” lui dit une voix inconnue. Elle ne prit pas plus la peine de réfléchir et frappa une fois, puis deux. Le démon fut repoussé, puis un violent coup de pied l’encastra littéralement dans l’un des murs de la masure, l'assommant sur le coup. Moîra redevint alors Moîra, du moins physiquement, mais elle était en piteux état et dans le coma. Le calme revint...

Mais à quel prix ?

La faille en forme de croissant de lune avait encore grandi. Le village était à présent désert, les Elfes de glace avaient fui les tremblements et la fin de leur habitat naturel. Nibelle continuait de prier les dieux pour qu’ils interviennent et sauvent les siens, mais rien ne se passait et cela empirait de jour en jour. Était-ce tout simplement la fin telle que l’avait annoncé leur ancêtre, la première Prophétesse des Elfesde glace ? Des gens approchaient, des gens pleins de rage et de véhémence. Ils venaient pour lui. Mais si c’était la fin, alors Nibelle ne se rendrait pas ainsi, elle mourrait en combattant. Effectivement Masque de fer, Le Déchu et Anagramme arrivèrent dans la salle où Nibelle vivait depuis si longtemps. La vieille elfe se tenait debout au centre et regarda arriver ses ennemis. Elle serrait le bâton qu’elle utilisa autrefois contre Amidaraxar.

- Vous n’irez pas plus loin enfants du malheur, dit-elle avec douceur.

- Et qui va nous en empêcher ? Toi peut-être ?? Répliqua Anagramme avec sarcasme.

Ces adversaires avaient l’air forts, ils ne ressemblaient pas à ceux rencontrés jadis. Nibelle sut qu’elle ne pourrait pas tous les neutraliser, elle n’était plus aussi rapide qu’avant et au contact elle perdrait la partie. Anagramme commença à avancer à pas de velours. Nibelle frappa le sol de son bâton et une couche de glace se format sur la peau de la guémélite, tant et si bien qu’en très peu de temps elle se retrouva telle une statue de glace. Masque de fer applaudit alors provoquant de l’écho.

- Bravo, très beau spectacle. Mais à présent, tu vas mourir, dit-il en enlevant son masque cornu. Je suis Azaram, fils d’Amidaraxar. J’ai repoussé le temps pour enfin saisir le moment où tu serais la plus faible.

Masque de fer avait l’apparence d’un jeune homme, blond avec les cheveux mi-longs, d'apparence soigné. Ses yeux n’étaient plus ceux d’un homme car ils étaient jaunes. Nibelle fut frappé par cette apparence, il ressemblait énormément à Amidaraxar, aucun doute sur ses paroles, cet homme était réellement le fils de son prisonnier. Masque de fer ouvrit un livre et commença à parler dans la langue des démons.

- Que... comment as-tu eu ça ! Hurla Nibelle en reconnaissant le grimoire interdit.

Elle frappa à nouveau son bâton au sol pour congeler Azaram, mais l’effet escompté ne fonctionna pas cette fois bien que le jeune homme sembla souffrir atrocement. Azaram referma le livre en le clappant, libérant une magie terriblement puissante. Le Déchu sembla gonfler en changeant physiquement. Il se mit à grandir pour toucher le plafond de sa tête. Il n’était plus Le Déchu mais une créature se rapprochant plus de Mâche l’âme, mais sans comparaison de taille. Et d’un coup une chaleur étouffante se répandit dans la pièce.

- Je suis Fournaise !!!! Qui ose appeler le seigneur démon de la flamme ???

Sa voix fit trembler les lieux.

- C’est moi Azaram, fils d’Amidaraxar, je t’ai appelé pour payer ta dette envers mon père ! Tue cette elfe !!

Nibelle s’apprêta à livrer combat. Elle pria ses dieux pour qu’une dernière fois et avant de les rejoindre ils lui accordent l’honneur de les servir une dernière fois. Ceux-ci ne répondirent pas...

La vieille elfe ne put résister bien longtemps face à ses deux adversaires. Fournaise l’attrapa assez vite et lui brisa les os avant de la jeter par terre.

- Dette payée, dit le démon avant de disparaître pour laisser place au Déchu, qui tomba inconscient.

Azaram se plaça devant la porte qui retenait encore son père. Les pierres à sa surface agissaient comme des drains magiques, seule une dernière brillait encore. Le jeune homme déploya sa magie, brisant la dernière pierre.

La porte vola en éclats, laissant apparaître un homme masqué et visiblement très fin de carrure. Il avança jusqu’à Masque de fer qui s’inclina avec respect.

- Père.

- Lève-toi, fils et allons maintenant réveiller le Maître.


A Noz’Dingard, Kounok le prophète, le seigneur Galmara et Marlok discutaient dans les jardins. La mine de Kounok était grave.

- Merci d’être venus, j’ai des nouvelles très préoccupantes à vous communiquer, dit Kounok.

- Que se passe-t-il ? Demanda Marlok en fronçant les sourcils.

- L’équipe envoyée avec l’elfe de glace nommée Yilith s’est faite attaquer, tous nos hommes à l’exception de Moîra sont tombés. Yilith est sur place et veille sur la Sorcelame qui a subi un grand traumatisme.

- On sait qui a fait ça ? Interrogea Galamara.

- Les Néhantistes. Je sors d’une longue discussion avec Dragon, nous sommes au pied du mur, il nous faut désormais agir. Marlok où en est le plan avec les Zils ?

- Il se met en place, le statut de guilde du groupe Nehantiste ne sera plus qu’un souvenir, assura le mage.

- Bien et vous seigneur Galmara, que m’apportez-vous comme nouvelles ?

- J’ai intercédé en faveur du plan que vous nous avez donné, le clan du Corbeau par l’intermédiaire de la Kotoba va lancer son offensive contre les Nomades d’ici peu. Il a été facile de les convaincre, répondit le courtisan.

- Bien, quand à moi je vais préparer la Draconie à un nouveau conflit, sauf que nous ne ferons pas les mêmes erreurs que par le passé, cette fois nous auront un coup d’avance. Nous sommes désormais en guerre.

Que le spectacle commence

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Chapitre 1 - Complot et folie

La caravane de roulottes et de chariots progressait lentement sur la route qui menait au château de Kaes, bastion du Conseil des guildes. Cette très longue route longeait la frontière de la Draconie et finissait sa course dans le plus reculé des sept royaumes, l’Avalonie. Voilà déjà plusieurs jours que les combattants de Zil voyageaient en direction d’un objectif particulier. Ils rencontrèrent sur la route une personne qui visiblement les attendait. Marlok, habillé de manière plus commune pour se faire discret se leva en voyant la roulotte de tête conduite par Abyssien. Le convoi s’arrêta à sa hauteur et les deux hommes se serrèrent la main chaleureusement.

- Ravi de vous revoir Abyssien, j’ai des nouvelles à vous donner. Je serai bref il ne faut pas que l’on me voit discuter avec vous.

- Je me doute, je suis à votre écoute.

- Le Conseil a bien reçu les invitations et les conseillers sont ravis d’assister à une représentation unique donnée en l’honneur du retour en grâce des Combattants de Zil. J’ai bien eu confirmation : ils seront tous là. Verace fera en sorte que la garde du château soit minimale ce soir là. Je vous laisse organiser le reste. Mais plus important, nous avons les cibles, dit-il en tendant un morceau de parchemin au chef des Zil.

Abyssien récupéra le parchemin, examina les noms, puis l’avala d’une traite.

- Qui prendra la place de ces gens par la suite ? Se demanda le Zil.

- Des gens de confiance. J’avais pensé à vous à vrai dire, répondit le Noz en affichant un petit sourire narquois.

- Ou vous, répliqua Abyssien.

- Cessons là les spéculations. Voici les cristaux de simulation, ils ne feront illusion que peu de temps, mais ça permettra d’excellentes diversions. Sur ce, je dois retourner faire mon rapport auprès de Prophète. Prévenez-nous de la réussite de la chose, car il ne peut pas y avoir de défaite, sans quoi Combattants de Zil mais aussi Envoyés de Noz’dingard seraient purement et simplement dissoutes.

- Je sais, ça ne ratera pas, dit-il en ordonnant aux bœufs de reprendre la route.

- Bonne chance, Combattants de Zil, salua Marlok.

Quelques jours après cette rencontre, la guilde itinérante était enfin arrivée à bon port. Le fine équipe s'affairait désormais à monter le chapiteau et les dépendances rapidement pour ne pas prendre de retard sur le plan prévu. Hélas un évènement imprévu vint mettre un peu d’animation et de surprise.

La rumeur d’un nouveau spectacle se répandit vite parmi la population des environs du château de Kaes. Une représentation de ce niveau intéressait toujours, mais pas forcement les bonnes personnes...

La tête de Saphyra vacillait de gauche à droite et d’avant en arrière. Elle marcha en raclant les pieds jusqu’à un panneau où une affiche annonçant le spectacle des Zil était accrochée. La main de la jeune fille se leva, saisit l’affiche et l’arracha avant de continuer son chemin. Un peu à l'écart de toute habitation, à l'abri des regards, Saphyra, les yeux clos sembla examiner l’affiche.

- Tsss, ils s’y croient ssseux là ! Cria la marionnette. Hein mon joujou ??

Aryhpas qui avait un pied sur chaque épaule de la jeune femme tenait fermement de nombreux fils transformant Saphyra en sa chose.

- Vous allez voir comment qu’on peut faire l’attraction nous zaussi ! Z’est pas très loin zen plus ! On y va !!

Elle ordonna alors à Saphyra de reprendre la route, la jeune fille s'exécuta, sa volonté étant totalement annihilée par Aryhpas. Sans aucune pause Saphyra marcha sans pouvoir échapper au contrôle de sa tortionnaire qui après avoir pris vie s’était rebellée contre sa créatrice.

Le chapiteau était presque monté, mais il restait encore beaucoup de travail avant que tout soit prêt. Aryhpas observait les gens qui bougeaient tels des fourmis. Le malicieux pantin et sa vivante marionnette entrèrent discrètement dans le chapiteau, se faufilant pour atteindre la piste. Il y avait là Sangrépée et Sanvisage, ainsi qu’un drôle de bonhomme à l’allure stricte. Un moment excellent pour entrer en scène. Aryhpas fit alors danser Saphyra comme elle l’aurait fait avec sa marionnette, des pas saccadés, des gestes lents et chaotiques. Les Zil présents furent très étonnés d’assister à cet énigmatique ballet. Abyssien comme attiré se joignit alors à l’assemblée. Sangrépée se posa par terre pour profiter de l’animation. Elle se mit à applaudir la performance, absolument persuadée que c’était la fille qui faisait croire qu’un pantin la manipulait.

- C’est chouette ! Lança-t-elle, on devrait peut être l’engager, c’est du pur Zil !!

Abyssien restait perplexe jusqu’à ce que le bonhomme à l’allure stricte pose sa main sur son épaule, il vacillait.

- Je... Je...

- Psy ! Qu’est ce que t’as ? Chuchota Abyssien.

- C’est... De la souffrance, beaucoup de souffrance, cette fille... Ce n’est pas un tour qu’elle est en train de nous faire, je perçois son âme qui hurle !!! Au secours venez-moi en aide !!

Sansvisage qui était de l’autre côté du Psy le regarda, puis regarda la jeune femme et son pantin. Il y avait quelque chose de macabre dans tout cela, elle avait les yeux clos, la bouche cousue par du gros fil noir et la peau sur les os. Le Psy, submergé par le désarrois de Saphyra s’écroula dans les bras d’Abyssien. Ce dernier fit signe à l’Hom’chaï d’intervenir. Sansvisage ne se fit pas prier. Il récupéra rapidement son arme posée non loin de là et entreprit d’arrêter... ce cirque !

Aryhpas dans sa folie dansait sur une musique qu’elle s’inventait au fur et à mesure. Elle ne se souvenait d’ailleurs plus vraiment pourquoi elle venait là, espérait-elle qu’on la reconnaisse comme étant une créature vivante indépendante ou voulait-elle tout simplement créer le spectacle ? Puis le gros lourdaud voulu faire une danse des lames avec eux, c’est ce qu’elle pensa en premier lieu. Mais très vite ce danseur disgracieux s’avérait lui chercher des noises.

- Dansssse gros tas ! S’exclama la marionnette.

A présent la chose était certaine, la jeune fille ne pouvait user de ventriloquie en ayant la bouche cousue. Se rendant compte que son auditoire déchantait, Aryhpas changea totalement de comportement. Elle ordonna à sa “doll” de combattre, ce qu’elle fit en sortant deux grandes dagues. De son côté le Psy se releva de son tourment et reprit sa respiration. Il ne pouvait laisser une telle abomination se produire. Il se concentra sur le mental de la jeune fille et farfouilla jusqu’à trouver le point d’ancrage de cette chose qui la retenait. Il y avait là une volonté chaotique et surnaturelle, quelque chose de fort et d’écrasant, mais pas suffisamment fort pour lui. Il balaya d’un coup ce parasite psychique libérant ainsi Saphyra. Cette dernière reprenant connaissance fit la seule chose qu’elle avait à faire, couper les fils qui la retenait attachée à sa poupée. Aryhpas dégringola par terre et n’eut guère le temps de se relever, Sanvisage abattit le tranchant de son épée à deux mains sur le pantin de bois qui fut aussitôt couper en deux.

Le lien entre Saphyra et Aryhpas disparut instantanément. Sangrépée se mit à applaudir de plus belle.

- Ouais bravo ! Super spectacle, t’es trop fort Sansvisage !

Saphyra chancelante, incapable d’ouvrir les yeux ou la bouche, terriblement choquée sombra dans l’inconscience.

- Amène là à Kriss qu’il la surveille pour pas mettre à mal le plan, débarrassez-vous de cette poupée de malheur, ordonna le chef des Zil.

L’entracte est fini...

Chapitre 2 - En avant la musique

Malgré le petit imprévu, les Combattants de Zil avaient réussi à terminer le camp en un temps record. La nuit tombait et tout était prêt. Le chapiteau des grandes occasions était monté, abritant estrades, piste et coulisses. Dehors le sol fut recouvert d’un tissu violet du plus bel effet. A côté de cela, les Zil avaient créé une ménagerie regroupant là les plus beaux spécimens de créatures, la plupart ayant été capturée par Ergue. Et partout de grands flambeaux projetaient des ombres dansantes. Même l’imposant château de Kaes, juste à côté, s’était paré pour l’occasion de lumières violettes projetées par des feux magiquement créés pour l’occasion.

Une foule s’était massée devant l’entrée où Soriek, Sansvisage et Sombre assuraient le service d’ordre et la billetterie. Pour faire patienter les gens, venus de loin pour certains, Kriss jouait de son orgue portatif, émerveillant petits et grands.

Durant ce temps, à une autre entrée, prévue pour les personnes importantes, Abyssien s’affairait à accueillir les invités de marque. Et à évènement exceptionnel, invités exceptionnels ! La plupart des Conseillers accompagnés d’un époux, d’une épouse, voire d’une maîtresse ou simplement un ami, arrivaient les uns après les autres. Quelques nobles du royaume voisin de Baranthe et bien sur des notables de Valdoria, l’un des sept royaumes où se trouve le château de Kaes avaient fait le déplacement. Mais de ces derniers, Abyssien ne se souciait pas et même si en apparence l’accueil fut chaleureux, le chef des Zil restait focalisé sur les objectifs de la soirée. Pour beaucoup, ce qu’ils allaient faire ce soir s’apparentait à une sorte de coup d’état voir un attentat à l’encontre du Conseil. Tous les Combattants de Zil avaient cette certitude ; il y avait ce soir des gens manipulés par Néhant et au pire des Néhantistes. Pas d’erreur possible, il fallait faire preuve de sérieux mais ne rien laisser paraître aux yeux du public.

Soriek annonça avec une sorte de clairon le début du spectacle. Le chapiteau était plein à craquer, il n’y avait plus la moindre place de libre. En coulisse Abyssien donnait les dernières consignes à son équipe. Pour l’occasion tous les Combattants de Zil disponibles étaient autour de lui.

- Chacun sait ce qu’il y a à faire. Nous allons proposer le plus grand et le plus magnifique spectacle que nous ayons jamais fait. L’histoire gardera cette date comme étant celle où les Combattants de Zil se sont montrés dignes de l’héritage d’Artrezil, dit-il en regardant Salem plus particulièrement. Je compte sur vous pour donner le meilleur de vous.

Sur ces belles paroles, le Psychurgiste qui restait depuis le début du rassemblement à regarder le public par un trou fait dans le décor se retourna vers Abyssien.

- Je confirme, le démon est bien dans l’assistance, précisément c’est la jeune femme qui accompagne la Conseillère Edrianne.

- Parfait. Nous restons donc sur le déroulement établi par le plan. Chers amis, en piste !!!

Tout le petit monde se dispersa, le premier à passer fut évidement Abyssien, qui en temps que meneur de la troupe se devait de commencer le spectacle. Toutes les lumières s’éteignirent alors, plongeant tout le monde dans un noir absolu. Kriss se mit à jouer un air à la fois lugubre et entraînant. Il n’y avait pas un chuchotement, pas un applaudissement, juste cette mélopée. Puis d’un coup la musique cessa et Abyssien au milieu de la piste lança un sortilège, créant de petites marionnettes violettes et lumineuses à son effigie. Celles-ci tenaient des cristaux de la même couleur qu’eux, elles se mirent alors à courir vers des poteaux dont le haut était à deux mètres. Une fois placées les cristaux lancèrent un rayon de lumière violette très claire vers Abyssien, le rendant visible aux yeux de tous.

- Chers amis ! Petits et grands, puissants et gens du peuple ! Soyez les bienvenus au cirque de Zil !

Tout le monde se mit à applaudir chaudement.

- Vous qui avez osé braver la peur pour venir ici sachez que vous repartirez rassasiés des émotions que vous êtes venus chercher.

Abyssien faisait apparaitre au fur et à mesure de ses paroles des créatures de fumée toutes aussi incroyables et affreuses les unes que les autres. La foule, peu habituée à la magie fut impressionnée, agréablement et émotionnellement.

- A présent que vous êtes là, tremblez devant les vertigineuses cascades aériennes de notre duo de choc !!!

La lumière s'éteignit pour revenir peu de temps après. Les petites doublures d’Abyssien éclairèrent le haut du chapiteau d’une vive lumière blanche. Perchée en hauteur, Sangrépée se jeta dans le vide devant des clameurs de frayeur des spectateurs. Elle fut rattrapée in extremis par Soriek qui se balançait sur un trapèze. S’ensuivit alors de nombreuses cascades toutes plus périlleuses les unes que les autres. A la fin un tonnerre de bravos et clappements de mains finirent le numéro.

Nouveau changement d’ambiance, cette fois-ci les cristaux des mini-Abyssiens devinrent pourpres, plongeant la salle dans une atmosphère oppressante. Prenant un air mystérieux, toujours accompagné d’effets magiques, Abyssien reprit la parole.

- La personne qui est là pourrait vous faire croire que vous êtes un animal et deviner bien des choses ! Si cet homme entend des voix il n’en est pas pour autant fou, il vous dira même que la folie n’est qu’une illusion des esprits sains !! Veillez accueillir le Psy !!

Abyssien disparut dans des volutes de fumée rouge laissant à sa place un homme fin au regard étrange et à la tenue très simple. Intimidés les spectateurs ne firent que chuchoter.

- Bonsoir à tous et toutes ! Je vais faire vivre ce soir des expériences incroyables à plusieurs d’entre vous. Pour cela j’aimerais que l’un d’entre vous vienne sur la piste ! Allons n’ayez pas peur, vous ne risquez rien !

Après quelques hésitations un jeune garçon leva le doigt.

- A voilà un jeune homme courageux, viens donc me rejoindre ! Encouragez-le vous autres !

Sous les applaudissements, le garçon s’approcha de la piste. Au moment où il était sur l’une des caisses qui entouraient la piste il se figea en plein mouvement, le Psy avait plongé son regard dans le sien et l’avait contraint à s’arrêter.

- Danse ! Cria-t-il.

Le garçon se mit à faire une gigue sur la caisse faisant rire tout le monde. Le Psy relâcha sa volonté et le garçon fut libre de ses mouvements, il était époustouflé par ce qu’il venait de vivre.

- Gamin, tu t’appelles Gontrant, tu viens de Valdoria... Tu as huit ans et tu rêves de devenir aventurier pour voir le monde !

Le garçon, passionné par les révélations du “magicien”.

- Oui oui c’est ça ! Bravo messire ! Cria Gontrant.

- Oui, il ne pouvait en être autrement. Mais c’est simple avec un enfant. Alors prenons quelqu’un d’autre, un adulte.

Le Psy fit le tour de la piste et stoppa devant une loge des personnalités importantes.

- Mais ne serait-ce pas le conseiller Argalinard de Valdoria ! Cria le Psy en regardant une personne précise. Venez, joignez-vous à moi.

Le conseiller refusa de suite.

- Allez, encouragez-le il est timide.

Le Psy se mit à taper des mains dans un rythme particulier. Abyssien en coulisse observait la scène avec beaucoup d'intérêt, à côté de lui Kriss semblait s’échauffer.

- Il l’a trouvé, indiqua le mage.

- Très bien je l’attends, répondit Kriss.

Devant l’insistance et pour ne pas perdre la face, le conseiller accepta de rejoindre le Psy pour le numéro. Haine qui regardait le spectacle non loin de la conseillère Edrianne fut alors dérangée par un des serviteurs du Conseil.

- Excusez-moi de vous déranger, la présence de la conseillère Edrianne est impérativement requise en salle du conseil par le conseiller-doyen.

- Là maintenant ? Interrogea Edrianne.

- Hélas oui, cela ne souffre d’aucun délai, répondit le servant.

Après avoir soupiré tant et plus, la conseillère et Haine sous les traits de la suivante de la dame quittèrent leurs sièges.

Le Psy impressionna tout le monde avec des tours d’hypnotisme particulièrement dangereux et saisissant. La tactique du Psy était de faire durer le numéro aussi longtemps que possible le temps pour lui de finir ce qu’on lui avait demandé de faire. Alors que ses paroles se concentraient sur le numéro, il agissait par télépathie et imprimait lentement sa volonté. Il ressentait le lien étroit entre Néhant et le conseiller. Malgré cela il réussit à le commander. “Une fois le numéro terminé et alors que le clown sera sur la piste, vous vous éclipserez prétextant un besoin naturel. Vous sortirez en passant par les coulisses”. Puis le spectacle arriva à son terme salué une fois de plus des applaudissements chaleureux. Le conseiller Argalinard retourna à sa place.

Haine revint à la fin du numéro, visiblement irritée car au final le conseiller-doyen avait changé d’avis la dérangeant pour rien.

Et de nouveau la lumière s’éteignit, mais cette fois un rire sarcastique se fit entendre. Assourdissant, effrayant et moqueur. Et là un nouveau personnage se présenta devant la foule, un clown triste. Les premières personnes autour de la piste se mirent alors à rire de lui de façon irrésistible...

Chapitre 3 - Le spectacle continue

Le conseiller Argalinard exécuta l’ordre mental implanté par le Psy et lorsque Terrifik le clown entra en scène il s’esquiva de sa place et se rendit dans les coulisses. Soriek qui gardait le passage le laissa passer et surveilla que personne d’autre ne suivait le mouvement. Mais les serviteurs du conseiller étaient restés sur leurs sièges pour profiter du spectacle. Une fois arrivé dans les coulisses le conseiller fut de nouveau libre de penser par lui-même. Il s’étonna de se retrouver à cet endroit, mais il n’eut pas le temps de réagir plus. Kriss arriva de façon discrète dans son dos et le ceintura. Le Psy qui était là aussi posa sa main sur le front d’Argalinard.

- Vous êtes désormais en mon pouvoir, je refoule en vous toute volonté agressive, vous ne pouvez plus bouger.

Effectivement, la victime fut incapable de parler ou de faire le moindre mouvement. Abyssien arriva à son tour.

- Vous l’avez, bien voyons voir ce qu’on va voir, dit-il en commençant à fouiller le conseiller.

Il trouva une bourse de cristaux mais, plus intéressant une pierre-cœur de couleur rouge, enfin presque rouge car la plupart de sa surface était devenue noire. Le mage ouvrit grand la bouche, une main d’ombre en sortit pour se saisir de la pierre. Abyssien ravala ensuite la main et la pierre.

- Psy, à toi de jouer, dit-il.

- Bien, vous avez toujours eu une aversion pour la magie Néhantiste, vous ne comprenez pas qu’elle puisse être pratiquée et être de nouveau autorisée. Tous les sorts Néhantistes que vous connaissez sont désormais oubliés, enfouis au plus profond de votre inconscient. Vous ne vous rappelez plus les avoir appris. A présent vous allez retourner à votre place, vous revenez des latrines et vous avez oublié tout ce qu’il s’est passé depuis votre arrivée dans les coulisses.

Kriss relâcha son étreinte et le conseiller s’en alla comme il était venu.

- Ça va marcher ? demanda Kriss.

- Oui pour un moment, ça nous laisse le temps d’agir et de faire le ménage, répondit le Psy en se recoiffant.

- A présent il faut croiser les doigts pour que Sombre et les autres réussissent leur mission.

Au château de Kaes, les ombres n’étaient pas uniquement le résultat d’un jeu de lumière. Elles bougeaient et vivaient par les mouvements de personnes furtives. Sombre, Sangrépée et Salem étaient partis au tout début du tour du Psychurgiste en direction du château dans la ferme intention de faire un coup mémorable. La garde en cette soirée de festivités n’était pas très présente et les couloirs n’étaient parcourus que par quelques rares serviteurs. Ils suivirent les plans qui leur avaient été fournis par le conseiller Vérace, supposé et d’après ses dires le seul conseiller qui ne soit pas sous la coupe des Néhantistes. Après avoir fait le tour du propriétaire, le petit groupe arriva aux quartiers des Conseillers et de leur suite. En effet la particularité de cette organisation était que tous ses membres vivaient au même endroit. Mais là, la garde restait vigilante, ce qui leur posa un problème très temporaire. Salem profita alors des cristaux offerts par Marlok. L'épouvantail prit alors l’apparence d’un conseiller et ses acolytes devinrent de séduisantes servantes. Les gardes ne dirent rien lorsqu’ils passèrent pour aller dans les quartiers.

- Bien, trouver le quartier d’Edrianne et de sa suivante, indiqua Sombre en suivant le plan. C’est au fond du couloir à droite.

- Tu penses vraiment qu’on va trouver quelque chose ? Demanda Sangrépée.

- BieN sUR ! QuEL meiLLEur EndrOIt qu’IcI poUr cAcHER quelQUe chOsE ? Répondit Salem toujours sous une autre apparence.

Ils trouvèrent alors la porte d’entrée des appartements de la conseillère, évidemment close. C’était une énorme porte à double battants dotée d’une serrure assez impressionnante. Sombre l’examina quelques temps puis sortit des outils de crochetage. La serrure ne résista pas à l’agilité de l’ancienne apprentie traquemage.

L’intérieur était luxueux mais restait sobre, de beaux meubles, des rideaux parfaitement assortis au reste et des chandeliers magiques qui s’illuminèrent tout seuls au passage des trois Zil.

- Et bien, on s’ennuie pas au Conseil, dit Sangrépée admirative des lieux. Enfin je n’y vivrais pas, c’est trop riche ici, et pas assez violet.

- PAr LA ! Dit Salem en montrant une porte au fond de la pièce principale.

Cela donnait sur un long couloir et une succession d’autres portes qui elles-mêmes donnaient sur les logements des servants. Ils étaient tous vides, à l’exception d‘un. Edrianne ne gardait qu’une et une seule personne pour son service. Celle-ci s’avérait être un démon véritablement dangereux qui était dans son élément au sein du Conseil des guildes où la politique était reine. La porte n’était pas fermée, démontrant un excès de confiance en la sécurité des lieux. C’était une simple chambre avec des vêtements sur des portants et quelques livres négligemment posés ci et là. Il y avait sur le mur opposé à un lit de taille modeste un joli miroir gothique. Salem écarta immédiatement ses deux amies de devant celui-ci.

- FoUIlloNs, mAIs attENtION au MiRoIr !

Grâce à leur expertise, les filles trouvèrent une partie de ce que le groupe cherchait : des contrats. Il y en avait quelques-uns, mais pas ceux voulus. De son côté, Haine sentit immédiatement que quelqu’un touchait à ses biens et un système de défense se mit automatiquement en route. Elle disparut de sa place pour réapparaître dans l’encadrement de la porte de sa chambre.

- Sales petites fouines !!! cria-t-elle.

Mais elle n’eut pas vraiment le temps de dire plus que Sombre se jetait déjà sur elle, suivie de près par Sangrépée qui dégaina son étrange lame. Haine encaissa la charge de Sombre et se retrouva dans le couloir. Il fallait faire vite et la mettre hors d’état de nuire et surtout l'empêcher de hurler. Mais la démone n’était pas seulement une bonne entremetteuse, c’était aussi une adversaire coriace au corps à corps. Grâce à ses pouvoirs elle fut aspirée par le sol pour réapparaitre derrière la fille en costume étrange et lui asséna un coup violent. Sombre fut éjectée à l’autre bout du couloir mais se reçut impeccablement. Sangrépée en profita pour frapper sans retenue dans le dos de la démone, la perforant de part en part.

- Ne lA TUe pAs ! Cria Salem !

Mais la démone était encore bien vivace. Elle voulut se traîner dans la chambre pour prévenir Dimizar ou un autre néhantiste. Sans succès, Salem emprisonna sa proie dans une sorte de toile d’ombre, l’immobilisant ainsi. Sombre qui était à nouveau au corps à corps finit le travail en assommant Haine.

- Coriace la bête !

Salem tira Haine dans la chambre et referma la porte en vérifiant que personne ne venait voir le raffut.

- BieN ! Je REcoNNAis ce TYpe de MIrOiR... FaISonS-la ParlER !

Sombre, experte dans ce domaine là réveilla Haine.

- Où sont les autres contrats ?? Dit-elle en mettant une lame sous sa gorge.

Mais elle resta silencieuse.

- Les menaces de ce style ne fonctionnent pas avec toi hein ? Dans ce cas passons un contrat tous les deux, tu nous dis où sont les contrats et je ne te livre pas à Dragon ou aux Noz.

Haine se savait en mauvaise posture, être confiée aux draconiens pouvait être la pire chose qui pouvait lui arriver, eux seraient capables de lui soutirer toutes les informations.

- Et les Noz ne sont pas très loin d’ici, ça serait fait rapidement ! Ajouta Sombre.

- Bien, je n’ai vraiment pas le choix... marché conclu. J’ai confié les contrats à mon Maître, il ne vous les donnera jamais. De toute façon si je meurs, les gens qui me sont liés mourront aussi.

- HahA, MerCI pOuR ceS iNForMatiONS !

Sombre rigola aussi.

- Comme promis JE ne te livrerais pas aux Noz, par contre je te confie à ma collègue, qui elle n’a rien promis, ajout-t-elle en assommant à nouveau la démone.

Salem s’accroupit alors devant Haine et attrapa un morceau de son ombre qu’il tira jusqu’à ce qu’elle soit détachée d’elle. Puis d’un geste rapide Salem se faufila dans l’ombre et prit peu à peu l’apparence de la démone, avec un aspect un peu plus sombre, mais vraiment réaliste. Sombre et Sangrépée furent toutes deux impressionnées.

- Faut que j'apprenne à faire ça, admira Sangrépée.

- Pas possible très chère, ceci est un secret de Zil, dit Salem avec voix de Haine. A présent on va s’amuser. Cachez la démone et mettez-vous en embuscade. Si quelqu’un apparaît ici, buttez-le !! A présent silence.

Les jeunes femmes se cachèrent de manière à ce qu’on ne les voit plus puis Salem se plaça devant le miroir et en effleura la surface. De l’autre côté apparut le visage d’un homme aux cheveux et à la barbe noire.

- Qu’est ce que tu veux ? Nous n’étions pas sensés avoir de contact aujourd’hui, dit Dimizar l’air suspicieux.

- Oui je sais, excusez-moi de vous déranger, mais j’ai une excellente nouvelle.

- Quoi ?

- J’ai réussi à obtenir plus de pouvoir sur le Conseil.

- Ah oui ?

- Oui, figurez-vous que le Conseil serait prêt à dissoudre les Envoyés de Noz’Dingard, mais pour cela il me faudrait les contrats qui me lient aux conseillers, c’est qu’ils sont gourmands...

- Intéressant... Dit Dimizar en réfléchissant à une telle perspective.

“Allait-il mordre à l’hameçon” s’interrogea Salem.

- Bien, nous n’allons pas refuser ce petit extra qui va mettre un peu d’animation. Je t'envoie Mâche l’âme, dit-lui de revenir de suite, j’ai trop peur qu’il fasse n’importe quoi.

L’image s’effaça et Salem redevint lui même. Il ne fallut que quelques instants avant l’arrivée du fameux Mâche l’âme. Sur le sol, à côté du lit se forma un étrange symbole, la marque de Néhant qui disparut pour laisser place à un trou béant et rougeoyant. Mâche l’âme se reforma en même temps que le portail démoniaque se refermait. Il tenait dans sa main un sac en cuir dont des rouleaux de parchemin dépassaient de l’ouverture. Qu’elle ne fut pas sa surprise de ne pas trouver Haine en face de lui, mais un vieil épouvantail défraîchi. Sombre et Sangrépée ne lui laissèrent pas le temps de comprendre ni de pouvoir faire quelque chose. Le “pauvre” démon ne fit pas le poids face à cette attaque préparée. Étant aussi courageux qu’intelligent, il se plaça en défense le temps de créer un nouveau portail. Sombre pu couper les lanières du sac de cuir avant que le démon, blessé, ne puisse repartir...


Le tombeau des ancêtres - Chapitre 1

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Le Seigneur Galmara avait fait un long voyage jusqu’à Méragi. Il aimait l’étonnante architecture xziarite ainsi que l’ordre et la sérénité qui y régnait. Il appréciait le style épuré et simple des habitations ainsi que le respect des gens qui vivaient là. C’était ce qui l’avait poussé à devenir un spécialiste des relations entre les nations. Il aimait voyager, voir des lieux, faire la connaissance de nouvelles personnes et bien sur il appréciait la politique et la diplomatie. C’était justement une mission diplomatique qui l’amenait dans l’Empire. En premier lieu et de manière toute à fait officielle il se devait en tant que représentant de la Draconie de présenter ses respects à l’autorité suprême, l’Empereur, et lui apporter un message. Il avait une bonne connaissance de l’administration et sans un bon relationnel il aurait du attendre plusieurs jours avant de rencontrer l’Empereur. Depuis le temps qu’il arpentait les couloirs en compagnie de certains conseillers, il avait désormais droit à quelques faveurs. Galmara fut reçu par l’Empereur lorsque le soleil se cacha derrière les collines entourant la grande cité. La rencontre eut lieu dans une pièce qui faisait office de bureau. C’était beaucoup moins cérémonieux qu’une rencontre à la cour. L'émissaire de Dragon s’appliqua à bien suivre le protocole de présentation. L’Empereur coupa court.

- Allons Envoyé de Dragon, je connais le respect que vous avez pour nos traditions, mais nous sommes là en toute simplicité. J’ai peu de temps à vous accorder, soyez bref.

Galmara tint à deux mains devant lui un rouleau de parchemin.

- Je viens vous transmettre les plus cordiales salutations de Dragon et de Prophète. Ils m’ont chargé de vous remettre ce message.

L’ambassadeur avança à genoux comme les règles de comportement le voulaient. L’Empereur, un peu hésitant, accepta finalement le message qu’il lut dans la foulée. Il finit la lettre sur un air grave.

- Vous remercierez Prophète pour nous avoir rapporté ces nouvelles. Nos éclaireurs en poste à Okïa nous ont informé il y a peu de faits semblables. Nous ne pensions pas à l’impact que cela aurait sur le Tombeau des ancêtres. L’Empire de Xzia fera donc ce qui doit être fait. Le nécessaire sera fait pour annuler le pacte visant à établir une zone neutre entre l’Empire et la Draconie. Il est véritablement honorable de la part de Dragon de nous redonner les terres qui étaient nôtres. J’invite aussi une délégation Draconienne à la table des discussions, conscient que si nous ne faisons pas front, nous risquons la disparition.

L’Empereur écrivait à l’aide d’un fin pinceau en même temps qu’il parlait.

- Comme le désire Prophète, je vous laisse le soin de convenir de la marche à suivre auprès du clan du Corbeau, dit-il en finissant sa lettre. J’ai conscience qu’il est temps de ne plus vivre dans la crainte de ce qui nous entoure, nous sommes à l’aube de relations nouvelles avec ce monde. Je vous offre la protection impériale.

Galmara s’inclina respectueusement.

- Vous allez être conduit auprès du Seigneur Impérial Gakyusha.

- Merci pour votre générosité Augure Céleste.

L’ambassadeur quitta la pièce, très satisfait de cet échange et heureux que l’Empereur soit si compréhensif de la situation. Mais maintenant il fallait convaincre le Corbeau. Mais avant cela, il fut ordonné à Asajiro de conduire leur invité de marque auprès de Gakyusha, celui-ci se remettant de sa récente blessure lors d’une bataille à la Pierre tombée du ciel. La maison du dirigeant de la Kotoba était encore animée à cette heure-ci. Gakyusha étant revenu il y avait beaucoup d’allées et venues des membres de la Kotoba. L’accueil fut chaleureux, Galmara avait déjà visité cette grande demeure. Le Seigneur Impérial, habillé d’un simple kimono était dans le jardin et parlait avec son fils, le champion de l’Empereur. Ceux-ci s’interrompirent lorsque Asajiro leur amena l’ambassadeur Noz. Ce dernier s’inclina devant ces illustres personnes.

- Bienvenue en ma demeure Galmara, je suis ravi de vous revoir, déclara Gakyusha en s’inclinant à son tour. Que nous vaut l’honneur de votre visite ?

- Je crains hélas que ce ne soit la guerre qui m’amène. Une offensive devrait être menée contre les Nomades.

Gakyusha plissa les lèvres.

- Et si vous êtes ici c’est que cette guerre c’est nous qui allons la faire ? Ajouta Iro.

- La situation est délicate, le conflit vous concerne, mais sachez que c’est une question d’honneur. Vos ancêtres vous appellent.

- Allons discuter de ça à l’intérieur. Partagez donc notre repas et acceptez l’hospitalité en ma demeure, dit Gakyusha en invitant tout le monde à entrer dans la maison.

Galmara expliqua de quoi il retournait et bien que Gakyusha ne puisse participer, il enverrait Iro et quelques uns des membres de la Kotoba. Le champion de l’Empereur accompagnerait l’ambassadeur auprès du Corbeau le lendemain.

Le Corbeau rencontra le champion et le courtisan dans la matinée, prévenu par le palais impérial de leur visite. L’esprit à l’aspect d’un vieil homme reçut ses invités dans un grand salon en présence d’autres membres du clan. Il y avait là Karasu et Oogoe de la famille Kage, mais aussi une étrange vieille dame assise à côté du Corbeau. Même Malyss, récemment revenu de son voyage était présent. Comme le voulait la tradition et de part son statut, Iro resta debout, signifiant ainsi l’autorité qu’il servait. Galmara usa à nouveau des coutumes pour saluer le Corbeau.

- Merci de nous accorder du temps seigneur Daijin, commença l’ambassadeur.

- Je suis au service de l’Empire et lorsque l’Empire a besoin de moi je réponds. Que peut le Corbeau pour toi, Diplomate.

- La guerre est à nos portes. Peu à peu la Pierre tombée du ciel ronge les terres et le Tombeau des ancêtres est aujourd’hui menacé. Il va disparaitre. Et vous savez ce que cela implique, n’est ce pas ?

La vieille femme glissa quelques mots à l’oreille du Corbeau qui répondit ensuite.

- Dans ce cas, nos ancêtres seront enfin délivrés de leur malédiction.

- Oui et non, ils disparaîtront purement et simplement. Ils n’auront pas le droit à la réincarnation, expliqua Galmara.

Le Corbeau ouvrit de grands yeux, comprenant ce qu’il allait se passer.

- En tant que conseiller mystique de l’Empereur et de nature... dirons nous... extraordinaire, il vous appartiendrait de défendre ce lieu sacré.

- Comment être sur de ce que vous dites ?? Critiqua Oogoe. Peut être est-ce une manœuvre pour affaiblir notre clan !

Sur ce Gan’so, jusque là invisible s’approcha et s’inclina en attendant qu’on lui accorde le droit de parole que le Corbeau lui donna immédiatement.

- Seigneur, je vous prie de bien vouloir nous laisser vérifier en allant sur place, dit-il de manière très lente.

- Il est de notre devoir de voir si tout cela peut se produire ou pas, Yu Ling partira avec quelques uns d’entre vous. En attendant nous allons préparer notre clan à la bataille si cela était nécessaire, dit le Corbeau assez irrité par la situation. Ne tardez pas.

Yu Ling, Gan’so, Malyss et Iro furent donc envoyés pour vérifier sur place la situation au Tombeau des ancêtres. Galmara ayant effectué son travail s’en retourna apporter la conclusion de ses échanges à Noz’Dingard. Le groupe avait quitté Okïa deux jours auparavant, informant les membres de la Kotoba en faction et prenant les dernières nouvelles de la région. Au loin, la Pierre tombée du ciel brillait comme un soleil, tant et si bien que la nuit n’était jamais noire. Et c’était encore plus vrai dans les ruines du village qui fut le centre de bien des convoitises et qui devint par la suite le Tombeau des ancêtres. Tout cela donnait une ambiance étrange, contrastant entre la désolation environnante et la clarté de la pierre. Après avoir posé leurs affaires dans un lieu en pas trop mauvais état, le groupe se mit au travail.

- Gan’so !! Il va falloir que tu retournes dans le royaume des esprits ! Vois ce que tu peux voir ! Ordonna la vieille dame. Malyss, aide-moi à ouvrir le passage.

Le mage sortit une longue plume noire d’une boite de bambou et l’utilisa pour tracer des symboles au sol, formant un cercle. Une fois fini, il l’activa à l’aide de sa magie.

- Vas-y Gan’so, je vais le maintenir ouvert, dit-il en regardant le fantôme.

Ce dernier avança prudemment et entra dans le cercle disparaissant aussitôt.

- Quant à vous, champion de l’Empereur, vous feriez mieux de sortir votre arme car il nous faut garder le passage pour que Gan’so puisse revenir, mais durant ce temps d’autres créatures peuvent sortir de là, dit Yu Ling.

Un peu circonspect, Iro dégaina son wakizashi.

- Pas cette arme là, elle ne ferait rien à ces esprits, dit-elle en montrant Kusanagi.

L’écoutant, il rangea sa lame pour se saisir de Kusanagi. Il s’échappait de la lame une étrange aura bleu-verte.

“Qu’est ce que ?” Ce demanda Iro alors qu’apparaissait une créature dans le cercle. C’était une sorte de grosse limace translucide et vaguement noire.

- Frappez Iro !! Cria Yu Ling alors qu’elle faisait des gestes dans le but de lancer un sort.

Sans hésitation et avec facilité le champion trancha cette grosse chose qui émit un cri aiguë, une sorte de sang verdâtre gicla sur le sol en aspergeant Malyss au passage. Le mage du corbeau dut vraiment rester zen pour ne pas briser sa concentration. Yu Ling avait fini son sortilège et posa ses deux mains au sol. La créature disparut comme l’avait fait Gan’so juste avant elle. Malyss toussait pour éviter d’étouffer, mais le sang vert s’évapora sans laisser la moindre trace.

- Peuh peuh ! Faites attention la prochaine fois ! J’ai cru sentir comme des centaines de petites limaces sur mon visage... beuuuh...

Dans le cercle, quelqu’un apparut. Cette fois, pas de monstre bizarroïde, mais une personne. C’était un homme de grande taille à la carrure impressionnante. Sa tenue ne laissait aucun doute quand à son origine. Il portait une armure de cristal abimée et tenait à la main une large épée ébréchée et brisée en son bout. Il présentait aussi une large cicatrice sur le côté gauche de son visage, ses cheveux très longs étaient en bataille.

- Je suis le Chevalier-Dragon Arkalon d’Arpienne !

Iro avait déjà entendu ce nom de la bouche de son grand père. Ce chevalier fut un véritable fléau pour les armées de Xzia durant la guerre contre la Draconie. Il fut tué alors qu’il luttait seul face à Xzia et les maîtres d’armes impériaux de l’époque. Il avait alors réussi à vaincre les maîtres d’arme et blesser l’Empereur en personne avant de mourir. Devant l’incroyable héroïsme de ce chevalier tombé au combat, il reçu les honneurs de l’Empire et entra dans la légende aux côté des autres héros de la guerre.

- Que voulez-vous Arkalon d’Arpienne ? Demanda Yu Ling sur la défensive.

- J’ai entendu Gan’so parler, je peux vous aider à combattre ces nomades.

- Et vous feriez ça sans contrepartie ? Ironisa l’exorciste.

- Non, j’aimerais à nouveau fouler les terres de Guem, le temps pour moi de faire ce que j’ai à faire. Mais si vous voulez un autre argument, je peux aussi convaincre un certain esprit d’enlever votre malédiction.

Effectivement, cette proposition était très alléchante pour Yu Ling qui bien qu’elle ait l’apparence d’une vieille dame avait en réalité un peu plus d’une vingtaine d’années.

- Champion de l’Empereur, si vous êtes d’accord, je souhaite accéder à la requête de cet esprit, dit-elle sur un ton adouci.

- Je ne m’y connais pas dans le domaine des esprits, je m’en remets à vous. Je suis partagé entre le fait de laisser cet ennemi du passé où il est et de le libérer, nous aurions beaucoup à apprendre de lui. Mais tiendra-t-il parole ?

- C’est à moi de faire en sorte que oui, dit-elle en s’avançant vers le Chevalier-Dragon.

Yu Ling tendit la main à cet ancêtre.

- Prenez ma main, vous serez alors de nouveau dans ce monde, mais nous serons liés, si vous ne respectez pas votre parole, vous retournerez d’où vous venez.

Sans hésiter Arkalon attrapa la main tendue et passa le cercle, reprenant partiellement corps dans ce monde. Peu de temps après Gan’so réapparut avec un homme en armure complète criblée de flèches.

- Voici le général impérial et ancien champion de l’empereur Zatochi Kage, annonça le fantôme.

Iro reconnu aussi ce nom là car il faisait parti du panthéon des héros. Zatochi avait créé un art de combat au sabre devenu depuis un standard de l’instruction martiale. Lui-même avait été formé par son père à ces techniques. Iro se prosterna devant cette illustre personne. Sans parler de ses titres qui situaient bien son niveau d’honorabilité.

- Nous vous remercions d’être venus, vivants, dit le général d’une voix caverneuse. Nous sommes ancrés à ce lieu et si ce lieu disparaît nous ne seront plus rien. La pierre ronge notre monde au même titre que le votre. Si nous devons disparaître, nous le feront en combattant !

- J’ai proposé aux ancêtres de nous aider à remettre les nomades à leur place et d’arrêter définitivement cette maladie qu’est la pierre. Mais cela implique que vous soyez capable de faire revenir une armée d’esprits dans ce monde, expliqua Gan’so.

Après réflexion, Yu Ling inclina la tête affirmativement.

- Votre aide sera la bienvenue général, nous pouvons faire revenir tout le monde d’ici un ou deux jours. Mais vous ne pourrez pas sortir de la région car vous serez liés à ce lieu.

- Nous le sommes déjà, répliqua le général.

- Dans ce cas mettons nous au travail.

Malyss stoppa sa concentration, le cercle cessa de briller et le général impérial retourna parmi les siens en attendant le moment de leur retour.

Iro envoya un message au palais impérial pour prévenir de ce qu'il se passait au tombeau des ancêtres. L’attaque contre les nomades étant prévue sous peu, l’Empire n’aurait pas le temps d’envoyer des renforts. Yu Ling et Malyss créèrent un rituel immense. Il fallait reproduire le même sort de passage mais sur une surface bien plus grande et à ceci près qu’il fallait laisser un passage pour tous les esprits, sans distinction, ce qui était dangereux. Yu Ling devrait donc confiner les indésirables pour ne garder que les esprits “bienveillants”. Quand à Malyss, il était bon pour une nouvelle séance de concentration. Quant à Iro, il allait pouvoir mettre en pratique ses dons de commandement, et de combattant évidement.

Le moment était arrivé. Malyss et Yu Ling avaient fini les préparatifs et le cercle de glyphes était fin prêt. Lentement, une a une les glyphes s’illuminèrent jusqu’à ce que toutes brillent de magie. Malyss resta le plus éloigné par rapport à la pierre Tombée du ciel, lui permettant d’observer la scène. Un a un des hommes et des femmes apparurent, tels des fantômes ressurgissant du passé. Il fut très surprenant de voir que les ancêtres de l’armée impériale ne furent pas les seuls à participer. Bien que moins nombreux il y avait aussi des soldats de la Draconie, prêts à défendre les deux mondes face à Solar. Le général fut le premier à sortir du cercle magique, suivi par les autres esprits. Les membres de la Kotoba furent impressionnés par la quantité de personnes présentes, il devait y avoir au bas mot plus de trois milles âmes prêtes à en découdre. Il y avait même les Chevaucheurs de Drakidés avant que ces derniers ne disparaissent mystérieusement, les maîtres d’arme aussi étaient apparus, portant un simple hakama et deux sabres à leur ceinture. Arkalon prit le commandement des troupes de la Draconie, le général Zatochi fit de même pour les Xziarites.

Au bout de quelques heures, l'armée du tombeau des ancêtres se mit en marche vers la pierre, menée par un Iro peu habitué aux mouvements de troupes. Mais il pouvait compter sur l'expérience des deux commandants. Au fur et à mesure de leur progression les terres autour d'eux étaient de plus en plus accidentées, des mottes de terre, puis des rochers flottaient dans les airs de manière chaotique. Certaines pierres s'entrechoquaient libérant de multiples particules flottantes qui retombaient ensuite par terre. Iro remarqua vite que les plantes mourraient et que le sol asséché par l'absence de la pluie se couvrait doucement d'une couche de sable qui devint de plus en plus importante au fur et à mesure qu'ils approchaient de la pierre tombée du ciel.

Kararine en éclaireuse suivait la progression de cette étrange armée, elle accéléra le pas pour prévenir au plus vite Ïolmarek. Le paysage autour de la pierre était devenu un désert. La chaleur était étouffante. Mais les nomades habitués à ces conditions ne s'en souciaient pas. Seule la pierre était le centre de leur attention. Ils étaient là depuis de nombreux mois maintenant. Mais jusqu'à présent et malgré la progression de la transformation des terres avoisinantes rien ne s'était passé. L'entité dans la pierre attendait l'arrivée de quelqu'un. Les nomades attendaient donc, profitant du spectacle offert par cette transformation incroyable par la volonté divine de Sol'ra.

Kararine essoufflée arriva au campement au pied de la pierre tombée du ciel. Le Sphinx qui, comme à son habitude, veillait à la sécurité arrêta la jeune nomade dans sa course.

- Qu'est ce qui se passe ? Qu'as-tu à détaler ainsi ?

- Une... armée arrive sur nous... dit-elle en récupérant son souffle.

Tous les nomades l'entendirent, éveillant des inquiétudes parmi les humains présents. Ïolmarek calma les angoisses et intervint pour organiser la défense.

- Il fallait s'y attendre. Après notre dernière confrontation avec les créatures de la forêt et de leurs alliés mages, il était à prévoir que nous aurions de nouveau de la visite.

- Ceux-ci sont étranges grand prêtre, on voit au travers d'eux ! Je n'ai vu que leur chef, un homme habillé de rouge comme ceux qui avaient leur campement non loin d'ici.

- Peu importe qui ils sont ! Sol'ra saura trouver leur faiblesse.

- Ils sont des milliers ! Ajouta Kararine.

Ïolmarek se mit alors en colère.

- Es-tu sur d'être un Solarian ? Je me demande parfois si l'esprit humain que tu habites ne prend pas le dessus. Peu importe leur nombre, nous avons Sol'ra à nos côtés ! Alors battons-nous avec toute notre conviction, sans faiblir et avec tout ce que Sol'ra nous accordera comme pouvoir.

Le Sachem

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L'Arc-Kadia s'était posé non loin de la forêt Eltarite. Malyss et Ergue étaient en route pour retrouver leurs guildes respectives. Œil de gemme salua Ciramor et Le Grêlé qui se dirigeaient avec le Mangepierre en direction des territoires des habitants de la forêt. Certains de ses habitants observaient d’ailleurs l'étrange bateau volant, cachés dans les arbres. Alors qu'Al la Triste donnait le signe du départ, une ombre sauta par dessus bord. Le Sachem était monté à bord durant l'assaut des Hom'chaï sans que personne ne s'aperçoive de sa présence. Il avait observé ces intrus avec la plus grande minutie et, patiemment, il avait attendu le moment propice pour agir. Mais aucune occasion ne s’était présentée à lui, jusqu'à ce moment où le bateau stoppa enfin sa course.

Au moment où il passa la lisière de la forêt, il sentit une présence familière, comme si ceux de sa tribu étaient auprès de lui. La magie circulait entre les branches des arbres. Mais il ne se focalisa pas sur ces détails, seules la vengeance et la volonté de récupérer ce qu'on lui avait volé le motivait. Il suivit les traces laissées par Ciramor, car Le Grêlé, en tant que Daïs dans son élément, ne pouvait être pisté. Le petit groupe s’enfonçait profondément dans la forêt de plus en plus dense. Le Sachem croisa sur sa route plusieurs petites créatures qui n’eurent pas l’air très effrayées par la présence du vieil Elfine. Il se cacha grâce à sa magie pour ne plus être visible aux yeux des autres. Le Grêlé et Ciramor arrivèrent devant une gigantesque souche. Celle-ci avait été sculptée pour devenir un village. Le Sachem fut déstabilisé de voir que des Elfines et des Hom’chaï vivaient là avec ceux qui ressemblaient à ce voleur de Grêlé. Mais ce dernier ne s’arrêta pas au village et continua sa route pour s’enfoncer de nouveau dans la forêt. Au bout d’une heure de marche, il arriva à une habitation faite de bois et au style très particulier. Des branches étaient tressées pour former des piliers entre lesquels des végétaux formaient les murs de la cahute. Il y avait tout autour de la maison des petits objets chamaniques dans les arbres et des champignons gigantesques et phosphorescents poussaient un peu partout. Les deux voleurs furent accueillis par un autre Daïs à la couleur et à l’aspect différent du Grêlé. Il sembla alors y avoir comme une cérémonie. Ce nouveau protagoniste fut visiblement ravi de voir le Mangepierre.

- Le voici enfin celui qui doit nous sortir de la destruction.

La voix du Kei’zan raisonnait dans la tête du Sachem qui commençait à percevoir le mode de communication des Daïs.

- Soyez le bienvenu Ciramor. Vous avez beaucoup à me raconter. Quant à toi, mon frère, tu as montré que tu étais capable de retenir toute la fureur qui est en toi. Tu ne retourneras pas dans ta prison.

“Une prison ? J’étais sur que c’était un voleur”, se dit le Sachem, conforté dans son idée. “Attendons la nuit pour agir”.

Le Kei’zan examina ensuite ce fameux Mangepierre. La petite créature avait le comportement d’un enfant de deux ans et s’amusait avec les morceaux de bois et autres bibelots étalés autour de lui.

- Je sens un pouvoir incroyable dans ce petit corps, c’est un Guémélite. Ciramor, que pouvez-vous nous dire à son sujet ?, demanda le Kei’zan en invitant tout le monde à rentrer.

Le Sachem observa donc la suite par un interstice entre deux morceaux de bois. L’intérieur était chaleureux et n’était qu’une seule grande pièce. Il y avait plusieurs peaux de bête au sol et de très nombreuses décorations tribales. Chacun se trouva un endroit pour s'asseoir. Le Mangepierre fut installé au centre.

- Tout ce que je sais du Mangepierre nous a été transmis par Eredan lorsqu’il est venu dans les Confins. Alors que le monde était jeune, ces créatures foulaient les terres de Guem. Elles vivaient en paix et en harmonie. Mais il y aurait eu un changement important qui fit disparaître cette civilisation à l’exception de quelques œufs. Le temps a passé et il resterait de nos jours encore quelques-uns de ces œufs cachés quelque part. Le seul dont j’ai eu connaissance était celui-ci.

- On dirait que c’est juste un enfant, comment pourrait-il nous aider ??

Le Mangepierre marcha tant bien que mal jusqu’à une sorte de tabouret sur lequel il y avait une grosse gemme verte posée sur un coussin. Tout se déroula bien jusqu’à ce que la créature tente de croquer dedans. Le Kei’zan bondit juste à temps pour lui arracher des mains. Ciramor récupéra la créature qui était apeurée par ce geste brutal.

- Il porte bien son nom. Il mange des gemmes.

- S’il avait avalé celle-ci, cela aurait été la fin de mon peuple ! Mais il doit me rester encore quelques pierres...

Le Kei’zan fouilla dans ses affaires et trouva un petit sac de cuir. Il fit tomber son contenu devant le Mangepierre qui s’émerveilla devant ce festin. Il s’agissait de morceaux de cristaux verts, brillant de la même couleur et intensité que ceux profondément enfoncés dans la chair du Grêlé. Il sauta goulûment sur le morceau le plus proche et le mâchouilla avec délectation.

- Tu lui donnes des fragments de la pierre-cœur de l’Arbre-monde !?, s’indigna le Grêlé.

- Oui, quelque chose me dit qu’il le fallait, répondit Le Kei’zan.

Tous trois regardèrent le Mangepierre engloutir les cristaux. Une fois son repas terminé, il s'endormit rapidement.

- C’est incroyable ! Vous avez raison Kei’zan. Je sens la magie grandir dans ce petit corps, remarqua Ciramor. Laissons-le se reposer, nous verrons bientôt ce qu’il sera capable de faire.

- Vous pouvez rester ici le temps qu’il faudra, invita Le Kei’zan.

La nuit arriva vite et une chose inattendue provoqua une petite animation. Le Mangepierre s’était mis en position fœtale et une coquille s’était formée autour de lui, créant ainsi un nouvel œuf et prouvant une nouvelle fois que cette créature était pleine de surprises.

Voyant qu’il n’y avait plus rien à faire à part attendre, Ciramor s’enroula dans une couverture et s'endormit rapidement. Les Daïs mirent plus de temps mais, gagnés par la fatigue, ils sombrèrent à leur tour. Le Sachem avait là l’ouverture tant attendue. “Un œuf pour un œuf”, songea-t-il. Sans faire le moindre bruit, il entra dans la hutte et récupéra le Mangepierre dont l’œuf était beaucoup plus gros et lourd que celui dont il avait l’habitude. Il ne traîna pas et s’enfuit avec son butin.

Mais à son grand malheur, il ne connaissait pas cette forêt et se perdit vite. Après plusieurs heures de course, il arriva dans un vallon où l’ambiance était différente. Les arbres avaient de longues feuilles très fines et il y avait de vieux totems recouverts de mousse. Peu importait, il devait avancer et trouver un moyen de repartir vers les siens. Puis, au détour d’un arbre, il tomba nez à nez avec une créature à la carrure imposante. C’était comme un chat mais de très grande taille dont le pelage était bleuté. Il avait sur le haut de la tête une corne de cristal bleue elle aussi, tout comme son encolure bardé de pics cristallins. Encombré par l’œuf, il ne sut que faire si ce n’était rester figé. Il n’en crut pas ses yeux, cet animal avait quelque chose de familier. Il le reconnut enfin : Akem, l’esprit félin. Celui-ci aurait eu une relation étroite avec sa tribu et quelques histoires parlaient de lui.

- Bonsoir Sachem, dit la créature.

- Tu... tu parles !, dit-il en serrant l’œuf.

- Bien sûr, je te parle au travers de tes pensées. Sais-tu qui je suis ?

- Serais-tu Akem, l’esprit félin ?

Le cristocat étira la tête en signe de satisfaction.

- N’aies pas peur, je ne te veux aucun mal, bien au contraire. Je suis bien Akem, tel que l’on me nommait autrefois dans cette partie de la forêt. Veux-tu que je t’aide ? Tu as l’air perdu.

- Je dois sortir d’ici, dit le Sachem en ne révélant pas toute la vérité.

- Dans ce cas, suis-moi !

Akem s’avança sur un vieux chemin. Le Sachem n’avait pas vraiment le choix. Il suivit l’esprit. Une heure plus tard, l’aube arrivait doucement sur la forêt et la brume bleutée se leva.

- Vois-tu Sachem, cette partie de la forêt est désertée depuis des années.

- Ah ? Pourquoi, cela me semble bien comme endroit, répondit le Sachem en regardant les vieux totems sculptés en forme de chats.

- Il y a très longtemps a vécu ici une tribu dont j’étais l’esprit totem.

- Etait ? Que leur est-il arrivé ?

- Leur sachem et la plupart des guerriers sont devenus fous, croyant être les esclaves des Daïs ils se sont rebellés et ont quitté la forêt Eltarite.

- Les Daïs ? Ces voleurs !, cracha le Sachem.

Chemin faisant ils arrivèrent dans une grande clairière où il restait des ruines de très vieilles habitations et partout, encore et toujours de vieux totems.

- Regarde. Nous sommes là où ils vivaient, dit Akem en s'asseyant. Vois donc par toi-même ce qui leur est arrivé.

Autour d’eux tout changea. Les ruines redevinrent des huttes qui furent à nouveau habitées par une tribu. Il y avait des Hom’chaï et des Elfines bien sur, mais aussi plusieurs Daïs. La disposition de ce village ressemblait étrangement à celle de son propre village. Les décorations et les tatouages étaient étrangement semblables. Il se passait un évènement déterminant pour l’avenir de cette tribu. Plusieurs guerriers Hom’chaï et Elfine entouraient le Sachem de l’époque et plusieurs Daïs ligotés. Ce Sachem portait de longs cheveux mêlés de colifichets et avait les yeux violets.

- Vous pensiez pouvoir nous dominer et faire de nous de simples esclaves !, dit-il avec rage. Mais c’est fini, nous ne resterons pas un moment de plus dans cette forêt maudite !

L’un des Daïs fit résonner sa voix dans les têtes des personnes présentes.

- Astenaki, tu punis ton peuple par ta folie !

- Astenaki, répéta le Sachem serrant toujours l’œuf du Mangepierre. Le père fondateur de notre tribu ?

- En personne, fit écho Akem.

La scène se poursuivit par l’exécution pure et simple des Daïs et l’annonce du départ de la tribu vers des cieux plus cléments. Le tout se passant de jour, on pouvait voir l’ombre de l’Arbre-Monde.

- Comprends-tu maintenant ?

- Je le crains... Nous vivions autrefois ici et nous sommes partis pour suivre la folie d’Astenaki. Et moi qui suis son descendant, j’ai continué à m’adonner à la haine.

- Les Daïs, les Elfines et les Hom’chaï vivaient en paix depuis des siècles. Astenaki avait tort et il a fait l’erreur de se croire au-dessus de tous. L’œuf du Mangepierre que tu serres dans tes bras était autrefois ici-même. Il avait été confié à ta tribu pour qu’elle le protège jusqu’au jour où il apparaîtrait pour lui enseigner tout ce qu’elle devrait savoir.

Le Sachem baissa la tête. Ses pensées s’entrechoquaient dans son esprit. Akem avait-il raison ? Mentait-il ? Pourtant l’Elfine n’arrivait pas à ressentir la moindre haine et, même s’il avait du mal à croire tout cela, l’histoire correspondait aux légendes dont il avait connaissance. La vérité était là sous ses yeux. Astenaki s’était érigé en dieu et pourtant ce n’était qu’un meurtrier colportant que les Daïs étaient des créatures maléfiques. Mais lui n’était pas Astenaki et, à présent, bien que troublé, il était apaisé qu’on lui ait ouvert les yeux.

- Et maintenant ?, demanda-t-il.

- Il est temps qu’une nouvelle ère s’ouvre pour ta tribu. Il est temps pour elle de revenir parmi les siens. Je t’aiderai à finir la tâche qui incombe à ta tribu et tu seras celui qui prendra soin du Mangepierre.

Akem se mit alors à courir vers le Sachem et plongea dans le corps de l’Elfine. Le félin disparut et le Sachem perdit connaissance.

Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsqu’il se réveilla. La brume avait disparu avec Akem. L’œuf du Mangepierre était juste à côté de lui devant un totem de pierre à l’effigie de l’esprit félin. L’Elfine eut la surprise d’avoir autour de ses épaules une peau de bête, celle d’un cristocat. Il se releva pour s'asseoir face à ce totem qui brillait légèrement.

- J’accepte cette tâche, esprit félin.

A ce moment-là, une dizaine de personnes apparurent dans la clairière parmi lesquels Le Grêlé, Le Kei’zan, Sylikat, Parleroche et d’autres Elfines et Hom’chaï. Le Grêlé et Sylikat reconnurent le chef de la tribu qu’ils avaient fuie quelques jours auparavant.

- Toi !, hurla Sylikat. Qu’est ce que tu fais là ??

Elle sortit ses armes et allait pour frapper l’Elfine lorsque Parleroche la retint.

- Non !, lui dit-elle. Attends, je sens la présence d’un esprit puissant en ce lieu.

La meute d’Eltarite entoura le Sachem.

- Tu es revenu reprendre ce que je t’avais pris ?, questionna Le Grêlé.

Le Sachem leva sur le Daïs des yeux repentants.

- Oui j’étais venu pour ça, mais aujourd’hui je vous dois des excuses. A vous tous.

Il se leva alors et débarrassa le totem des quelques plantes qui le recouvraient encore.

- Je suis le Sachem de la tribu d’Akem, descendant d’Astenaki. Je vous demande pardon pour ce que mon ancêtre a fait.

- Akem ! Parleroche fut très surpris qu’on prononce ce nom. Cet esprit a disparu depuis bien longtemps.

- Non il est resté là, attendant notre retour. Si vous saviez toutes les horreurs que j’ai faites au nom d’un faux dieu. Sylikat, nous venons d’ici-même.

- La tribu d’Astenaki ? De retour ? Le Kei’zan était perplexe. Étrange que tout cela se produise à ce moment précis.

- Je sais que vous allez avoir du mal à me faire confiance après ce que j’ai fait, mais je peux vous aider. Je peux prendre sous mon aile ce jeune Mangepierre comme nous l’avons fait par le passé. Laissez-moi corriger les erreurs du passé et ramener ma tribu dans son véritable foyer.

Tous se tournèrent vers Le Kei’zan qui était l’autorité la plus élevée dans la société Eltarite. Parleroche s’approcha du Daïs pour lui parler.

- Si il est détenteur du pouvoir d’Akem, nous devons lui faire confiance. Cet esprit est resté ici au lieu de suivre ceux qui l’avaient comme esprit totem. Autrefois, Akem était connu pour sa sagesse.

Le Kei’zan prit quelques minutes de réflexion. Le récit fait par Ciramor et Le Grêlé n’allait pas à l’avantage de cet Elfine, mais sa repentance semblait sincère.

- Bien, j’accepte ton retour sur ces terres sacrées. Je ne sais pas comment prévenir ta tribu qui se trouve si loin, mais nous trouverons une solution. Mais, cela à condition que tu prennes soin du Mangepierre et que tu répondes sur ta vie de la sienne. Je vais demander à ce que certaines tribus des environs aident à redonner à ce lieu l’apparence qu’il devrait avoir. Cela te va-t-il, Sachem ?

- Cela me va. Sylikat, veux-tu me tenir compagnie et m’apprendre ce que je dois savoir ?

- Je vais plutôt t’avoir à l’œil.

- C’est moi qui vous apprendrai ce que vous devez savoir, coupa Parleroche. Bienvenu chez vous, Akem.

L'Œil de Sol'ra

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Chapitre 1 - Persuasion

Le prince Metchaf et Urakia ne laissèrent pas leurs armes à cette personne qui prétendait que ni lui, ni les gens autour, n’étaient un danger pour eux. Il y avait pourtant parmi eux une manifestation d’une déesse terriblement mauvaise et surtout honnie par le culte de Sol’ra.

- Si vous pensez qu’on va se rendre sans se battre je vais vous décevoir, lança le prince à son auditoire. Certains ont essayé...

- Nous savons très bien qui vous êtes, prince Metchaf, mais je vous en prie, partagez avec nous cette nourriture. Vous devez avoir faim.

L’homme invita ses hôtes à venir s’asseoir autour d’un feu. Méfiante, Urakia resta debout à côté du prince pour prévenir tout problème. Le chef des rebelles proposa de la viande et de la semoule à ses invités qui, malgré tout, acceptèrent, la faim les tiraillant depuis longtemps déjà.

- Savez-vous qu’Istaryam est une cité interdite et que tous, vous allez subir le courroux de Sol’ra ?, dit le prince en gardant son calme.

- Nous en prenons le risque, car nous croyons en d’autres choses. Nous croyons aux anciens dieux et en la gloire passée de notre civilisation, répondit le chef.

- Tout ce qui va vous arriver, c’est de perdre la tête, rétorqua Urakia.

- Peut-on tuer des gens déjà morts ? Car aux yeux de Sol’ra nous ne sommes rien de plus que des insectes sacrifiables, nous comme vous. Savez-vous ce qu’est un Solarian ?

- C’est une haute distinction qui fait de nous les êtres les plus proches de Sol’ra, répondit le prince.

- Un Solarian est une créature divine qui vit dans votre corps et qui prend possession de vous au fur et à mesure. Vous perdrez votre libre arbitre pour devenir des esclaves. Ces créatures n’ont que faire de vos corps et de vos vies, assura le chef.

- Si c’est là la volonté de Sol’ra, ajouta Urakia.

- Vous allez être difficile à convaincre. Vous êtes ici dans l’ancien temple d’Istaryam, aujourd’hui devenu une prison pour les dieux vaincus par Ra. Connaissez-vous l’histoire de Ra ? Je suppose que non, ce n’est pas une histoire que l’on raconte à des fidèles de Sol’ra.

Metchaf et Urakia ne répondirent pas, laissant le chef dire ce qu’il avait à dire.

- Cela commença il y a plusieurs siècles. Jadis, les hommes du désert priaient les dieux pour qu’ils accordent leurs faveurs à leurs serviteurs. Les dieux étaient nombreux et ce panthéon était dirigé par cinq dieux : Ptol’a la gardienne de l’après-vie, Kapokèk le guerrier repoussant la nuit, Naptys déesse du renouveau et de la vie, Ra dieu du soleil et de la lumière et Cheksathet gardien du savoir. Ils étaient le principe de l’équilibre et grâce à eux notre civilisation devint florissante et puissante. Istaryam fut la plus belle et la plus grande cité, bien plus magnifique que Mineptra. Mais Ra jouait un double jeu. En apparence, il respectait les hommes en les baignant dans la lumière du soleil. Mais en vérité il n’avait qu’une idée, devenir le seul et unique dieu. Le premier à tomber fut Assthèt déesse tutélaire de la lointaine cité de Kta, puis les uns après les autres, ils ont tous disparu, renforçant la puissance de Ra. Sa trahison fut démasquée par Cheksathet qui prévint les autres des actes de Ra. Ce dernier réserva à ce dieu là un sort bien cruel, mais je vais y revenir. La guerre des dieux fut déclarée, opposant les monothéistes aux polythéistes. Ces derniers ne purent arrêter Ra qui prit le nom de Sol’ra. S’ensuivit la perte de la guerre lorsque la tête de la grande prêtresse de Ptol’a roula dans le sable encore chaud. Ce qu’il advint ensuite n’est pas raconté. Istaryam devint une prison, sorte de tombeau d’où les dieux défaits ne pourraient plus sortir. Ils y furent enfermés avec tous leurs suivants, prêtres, fidèles, qu’ils soient hommes, femmes ou enfants. Ils périrent dans d’ignobles conditions. Il y a quelques mois et au prix de nombreuses vies nous avons retrouvé Istaryam et l’entrée du tombeau.

- C’est bien beau tout ça, mais vous nous voulez quoi ?, demanda Metchaf.

- La question n’est pas ce que je veux, mais ce que vous pouvez faire. Vous êtes le prince Metchaf, héritier du roi du désert. Il vous appartient de faire éclater la vérité au grand jour et rétablir le panthéon et de remettre Ra là où il doit être.

- Pourquoi ferais-je ça ? Je suis le prince, je ne manque de rien, j’ai tout ce que je veux.

- Oui, il semble que ta personne, prince Metchaf, ne manque de rien. Mais qu’en est-il de ton peuple et de ton futur règne ? Veux-tu être celui qui rétablira l’ordre dans le désert ou le monarque qui ne sera qu’un jouet pour Sol’ra ? Je n’ai aucune raison de te mentir, si nous n’étions que de simples rebelles, comme l’autorité le prétend, penses-tu que nous aurions pris la peine de te raconter tout cela ? Non, nous t’aurions tué ou emprisonné et asservi ta charmante garde. Nous aspirons à un monde meilleur et plus juste, délivré de la domination de Ra.

Metchaf semblait perdu, submergé par toutes ces informations. Urakia qui voulait ne pas faire paraître le moindre doute sur son visage se posait aussi une multitude de questions. Entre les peintures, les écrits laissés par ceux qui ont été emprisonnés et l’histoire de ce rebelle, le doute s’était saisi d’eux.

- Si ces dieux sont là pourquoi ne peut-on les voir ?, dit Urakia alors qu’elle avait croisé Ptol’a peu de temps avant cela. Sur ces entrefaites, un homme bouscula gentiment les autres pour se frayer un chemin jusqu’aux invités. C’était un colosse au crane rasé, une véritable montagne de muscles.

- Je suis Kébèk, dit-il d’une voix puissante. Je suis un guerrier de Kapokèk. Les dieux sont enfermés et retenus par l’oeil de Sol’ra au plus profond d’Istaryam. Seule Ptol’a peut se manifester.

Et justement, en parlant d’elle, elle apparut au côté du guerrier.

- Tu vois prince, tu as été berné comme tout le monde, Sol’ra ne veut qu’une chose : exterminer tout le monde et être seul. Il est de ton devoir de faire en sorte que cela n’arrive pas. Mais si tu doutes encore, je t‘invite à suivre Kébèk jusqu’à l’oeil de Sol’ra, tu te rendras compte par toi même de l’étendu de notre souffrance.

Chapitre 2 - L’immortel guerrier de Kapokèk

Le prince, malgré les hésitations et l’avis contraire d’Urakia accepta la proposition. Les arguments du chef et de Ptol’a le poussaient au moins à la curiosité. Qu’est-ce que cet œil de Sol’ra ? Comment vérifier que toute cette histoire n’était pas une manipulation dans le but de prendre le contrôle du désert par la disparition du culte de Sol’ra ? Kébèk, suivi des habitants des lieux, les mena jusqu’à une ouverture pratiquée dans un mur. Il devait y avoir précédemment une statue d’un sphinx mais elle avait été brisée pour libérer le passage. A partir de là, ils furent seuls à progresser dans un véritable dédale de couloirs. Tout avait été fait pour que celui qui entrait là se perde et n’arrive pas jusqu’au bout. Mais c’était sans compter sur le guerrier de Kapokèk.

- Celui que je sers me guide, nous ne pourrons nous égarer. Mais je ne sais pas ce qui nous attend de l’autre côté, aussi, soyez vigilants.

- Pour qui nous prends-tu, je suis garde royal !, grogna Urakia.

Kébèk fut amusé par la réaction de la jeune femme.

- Je ne disais pas ça pour vous rabaisser, je connais bien la valeur des gardes royaux. Ah ! Nous arrivons !

Le couloir déboucha sur une antichambre éclairée par des soleils peints sur les murs, le sol et le plafond. Metchaf avança en premier, il ressentait ici une puissante bénédiction de Sol’ra.

- Tu ne passeras jamais Kébèk, je pense que seuls les Solarians peuvent traverser cette pièce, de manière à ce qu’aucun infidèle ne puisse violer les lieux.

Le guerrier n’écouta pas et avança dans la pièce. A la grande surprise d’Urakia et du prince, il ne se passa rien de plus.

- J’ai aussi un Solarian qui sommeille au fond de mon âme, dit-il avec un sourire narquois. Mais je ne suis plus affecté par sa présence.

Puis alors qu’il s'apprêtait à couper de sa lame les symboles de Sol’ra, Urakia arrêta le bras du guerrier.

- Non, profaner c’est prévenir Sol’ra.

- Parce que tu crois qu’il ne sait pas déjà que nous sommes là ?, ironisa Metchaf. Cet endroit doit être l’un des plus surveillés qui soit.

- Sauf que les nomades du désert ont d’autres sphinx à fouetter en ce moment. Le regard de Sol’ra est tourné vers une autre partie de ce monde. Etrange que vous, prince du désert, ne soyez pas au courant.

- Si si, je suis au courant, répondit-il en ignorant totalement de quoi il parlait.

Ils passèrent la porte de la pièce pour arriver dans un couloir assez large. Tout le long, il y avait des inscriptions, des mises en garde à l’encontre de ceux qui profaneraient ce temple, jurant une malédiction éternelle aux contrevenants. Metchaf et Urakia avaient le cœur serré, elle suivait le prince mais elle allait aussi vers la damnation. Devait-elle interrompre ce périple ? Non, elle devait prouver la supercherie et montrer à Kébèk qu’ils avaient tous tort. Et qui sait, peut être y avait-il une sortie au bout du chemin ? Ils remarquèrent d’ailleurs que leurs pas les menaient dans un nouveau dédale, mais qu’autour d’eux le décor était époustouflant. Il y avait des façades de maisons de part et d’autres d’une route pavée. Au dessus d’eux, le sable reposait sur un dôme de verre. Il en émanait une douce lumière qui éclairait suffisamment les lieux.

- Les anciennes rues d’Istaryam... chuchota Kébèk.

Au centre du dôme était gravé un soleil de grande taille dont l’intérieur était un œil. Un rayon jaune en partait et frappait un temple au beau milieu de la ville.

- C’est ça l’œil de Sol’ra ?, demanda Metchaf.

- Oui c’est ça, dit Kébèk en avançant. Quelle puissance.

- Et tu crois que tu vas pouvoir faire quelque chose contre ça ?, ironisa une fois de plus le garde royal.

- Moi seul, non, mais nous sommes trois. Ne faiblissez pas maintenant, vous avez un doute et la vérité est là-bas.

Le temple n’était plus très loin à présent lorsqu’une créature s’interposa devant eux. C’était une sorte de gros lion à tête de crocodile et aux pattes d'hippopotame. Elle mesurait bien deux fois la taille du guerrier de Kapokèk. A ses pieds une balance apparut. Il y avait une plume sur l’un des deux plateaux.

- Si vous voulez passer, il vous faudra poser votre cœur sur le plateau vide de la balance. Si vos pêchés sont plus lourds que la plume alors vous serez détruits par la volonté de Sol’ra.

Après avoir fait reculer Metchaf et Urakia, Kébèk dégaina une longue lame avant de ce jeter sur la créature. Celle-ci esquiva les premiers coups.

- Voyons quels sont tes péchés, arrogant humain, dit-elle en s’entourant d’un halo lumineux.

Kébèk ressentit alors une grande douleur. Une lance, surgie de nulle part, lui avait transpercé la poitrine et perforé le cœur. Urakia et le prince regardèrent le spectacle de façon incrédule. Si le guerrier mourait cela signifierait donc que la vérité était du côté de Sol’ra. Kébèk était tombé à terre, mais n’était pas inconscient pour autant. Il souffla une fois, puis deux et s’élança comme une flèche. La créature surprise n’eut pas le temps de réagir. La lame du guerrier traversa sa poitrine.

- Je suis béni par Ptol’a, j’ai la force de Kapokèk ! Voyons si ton cœur est rempli de sombres péchés !

La créature s’écroula sur les pavés de la rue ensablée. Kébèk prit appui sur son épée. Il regarda la blessure dans sa poitrine et en extirpa la lance dans un cri presque inhumain. La blessure, qui aurait tué n’importe qui, se referma juste après. Metchaf et Urakia n’en croyaient pas leurs yeux.

- Vous n’êtes pas un humain !, supposa le prince.

- Je le suis, mais je suis investi par des pouvoirs qui me dépassent.

Chapitre 3 - Sacrifice

Le sang noir de la créature se répandait sur le sol alors que les trois habitants du désert avançaient vers le temple. Le rayon de l’œil de Sol’ra, bien que lumineux, ne les empêcha pas de rentrer à l’intérieur de la bâtisse. C’était un ancien lieu de culte ouvert au panthéon des cinq anciens dieux : Ptol’a, Kapokèk, Ra, Naptys et Cheksathet. Tout était intact comme si les habitants s’étaient évaporés, laissant là leurs affaires. Seules les statues à l’effigie des dieux avaient toutes été décapitées, probablement par les soldats de l’armée de Sol’ra lors de la prise d’Istaryam.

- Une civilisation éradiquée par la folie d’un dieu, lâcha Kébèk. Allons voir ce que cache ce rayon.

- Commençons par explorer les étages et non par se précipiter tête baissée comme nous l’avons fait jusqu’à présent, demanda Urakia.

- Vous avez raison, les dieux attendent depuis longtemps, ils peuvent encore patienter un peu, répondit Kébèk.

Le temple possédait trois étages, de larges escaliers extérieurs desservaient ceux-ci. Le premier étage était dédié à Naptys, la déesse du renouveau. Il y avait de très nombreuses plantes mais il ne restait d’elles que des traces et des souches mortes. La déesse était au centre de la pièce les bras écartés comme pour accueillir ses fidèles auprès d’elle. Comme les autres statues, elle n’avait plus sa tête. Le rayon de l’œil de Sol’ra tombait exactement sur cette représentation. Le second étage était le domaine de Kapokèk, il y avait là des mécanismes permettant d’amener de l’eau jusque dans de grands bassins. Des squelettes d’animaux jonchaient le sol, indiquant que des crocodiles devaient vivre là. Comme à l’étage inférieur, il y avait une statue. Celle de Kapokèk le représentait une lance à la main, plongeant la pointe vers le sol. Elle aussi était décapitée, le rayon de l’œil passant par elle aussi. Quant au troisième étage, qui était aussi le toit, il était le domaine de Ra. Une mosaïque de carreaux de verre tapissait le sol, donnant une ambiance très lumineuse. Au centre, Ra était représenté, majestueux les bras tendus vers le ciel. Mais par contre cette représentation avait conservé sa tête.

- Regardez, la mosaïque au sol forme un soleil, c’est exactement le même que celui sur le dôme, remarqua le prince Metchaf. Il y a un œil aussi.

- Bien, nous avons vu ce qu’il y avait à voir ici. Ne restons pas là, toute cette lumière est gênante, demanda le guerrier de Kapokèk. Allons voir en bas à présent.

Le rez-de-chaussée était le lieu d’habitation et de gestion du temple. Il y avait de nombreux appartements et petits bureaux, sûrement réservés aux prêtresses et aux prêtres du panthéon. Au centre, il y avait une grande salle de prière où nombre d’autres divinités étaient invoquées et vénérées. Le rayon de l’œil passait au centre de cette pièce, traversant une grande dalle de verre très épais. Par un astucieux système de miroirs, la lumière du soleil devait passer par des ouvertures dans les murs pour éclairer l’étage en sous sol. Hélas, tout était hors d’usage, mais le rayon éclairait suffisamment pour y voir presque comme en plein jour.

Ils trouvèrent un escalier poussiéreux s’enfonçant sous le sol. Il y avait un couloir qui faisait tout le tour d’une grande salle circulaire. Tous les cinq pas, se trouvait une ouverture vers la grande salle permettant une bonne circulation. Un peu partout dans les murs, des alvéoles avaient été aménagées dans le but d’y placer des objets ou des papyrus qui permettaient à ceux qui le désiraient d’augmenter leurs connaissances. Mais tout était vide désormais. La statue représentant cette divinité était entièrement détruite. Ainsi était l’antre de Cheksathet.

- Lui n’a pas eu de chance ! D’après ce que je sais, ce dieu a été absorbé par Ra, lui donnant une incroyable puissance, indiqua respectueusement Kébèk. Un dieu ne peut en théorie pas mourir, mais il y a pire : être absorbé par un autre.

Il n’y avait pas d’autre issue à part celle de l’entrée.

- Si il y a un étage pour chaque dieu, où est celui de Ptol’a ?

Chacun partit alors dans une direction pour fouiller un peu plus consciencieusement. Urakia trouva alors quelque chose d’insolite. Bien qu’il y eut des gravats et du sable, elle trouva une forme sur le sol qui éveilla sa curiosité. Elle frotta et souffla pour chasser le sable découvrant une partie d’un immense symbole en forme de soleil. Celui-ci avait été gravé et n’était pas là à l’origine. Ils entreprirent de dégager le tout, au risque de passer au travers le rayon. Il y avait encore une fois cet œil de Sol’ra.

- Si c’est un œil, alors crevons-le ! Le domaine de Ptol’a doit être dessous !, dit Kébèk en sortant son épée.

- Non ! Attends !, hurla Metchaf.

Mais il était trop tard, le guerrier de Kapokèk planta la lame dans le sol au beau milieu de l’œil, entrant ainsi dans le rayon. Celui-ci devint plus intense et le temple commença à trembler. Kébèk subit alors un choc qui l'éjecta à l’autre bout de la pièce. Il sombra, inconscient...

- Qui ose ? Qui ose mettre en doute l’autorité de Sol’ra ?

Une forme humaine se forma dans le rayon, Metchaf fut étonné de voir qu’elle ressemblait à Shrikan à ceci près qu’il n’avait qu’un seul œil.

- Je suis le prince Metchaf fils du roi du désert, ôte toi de là et libère le passage.

- Retourne d’où tu viens prince Metchaf, ne t’oppose pas à la volonté divine, ordonna le Solarian, alors qu’il retirait l’épée du sol. Pars et laisse ce profanateur qui sera puni par la mort.

- Je ne partirais qu’après avoir des réponses ! Sol’ra est-il en réalité Ra ? A-t-il absorbé Cheksathet et fait tué tous les fidèles des dieux anciens ?

- Ne pose pas ces questions, prince Metchaf !!! Ne te préoccupe pas de cela et pars, ou, à ton tour, tu trouveras la mort.

- A-t-il détruit d’antiques civilisations pour sa suprématie ?, insista fortement le prince.

Le Solarian se mit alors en colère, une lance de lumière apparut dans ses mains puis d’un geste rapide, il la projeta sur le prince. Mais Urakia, agissant d’instinct, protégea Metchaf en s’interposant devant lui. Elle se retrouva empalée par la lance. Le sang coula mais le garde royal tint bon. Pour le prince, il était impensable qu’un serviteur de Sol’ra agisse ainsi.

“Va, je vous protège, les coups ne te tueront pas !” lui dit la voix de Ptol’a.

Inspiré par la présence de la déesse le prince fonça après avoir tiré son arme. Le Solarian, entouré de la puissance de Sol’ra reçu la charge sans sourciller et répliqua à son tour. Grâce à ses pouvoirs théurgiques, il implora Sol’ra pour que cet infidèle soit brûlé. Le prince hurla de douleur sentant son âme flamber comme de la paille. Mais Ptol’a insufflait un peu de sa puissance et soulageait Metchaf de ses blessures.

- Je reconnais la présence de Ptol’a ! Nous sommes de nouveau face à face !

La déesse parla par la bouche du prince.

- Oui mais cette fois c’est toi qui va perdre. Ton maître n’est pas avec nous.

Urakia et Kébèk aussi bénéficiaient de la protection de Ptol’a. Le garde royal enleva la lance et s’en servit contre le Solarian. Kébèk ramassa son arme et fonça.

“Visez son œil !!” chuchota Ptol’a à ses protégés.

Comme guidées, leurs armes se dirigèrent vers son œil. Metchaf, quant à lui, l’immobilisa pour que les coups portent au bon endroit.

- Raaaah nooon !! Traitres !! Je vais...

Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase. La lance et l’épée fendirent le crâne du Solarian en perçant son œil. Immédiatement, la créature de Sol’ra explosa dans une gerbe de lumière plaquant tout le monde au sol.

La suite alla rapidement. En même temps que le sol se fendait de larges crevasses, le dôme de verre retenant le sable du désert céda. Istaryam fut engloutie sous des tonnes et des tonnes de sable. Metchaf et ses acolytes tentèrent bien de se sauver, mais ils étaient piégés comme des rats.

Ils se réveillèrent à l’oasis non loin de l’entrée d’Istaryam. Trois personnes les regardaient. Elles étaient reconnaissables grâce aux statues du temple : Ptol’a, Naptys et Kapokèk. Et c’est Naptys qui prit la parole.

- Recevez la gratitude des dieux et notre éternelle reconnaissance. Vous avez ouvert la voie du renouveau, soyez-en les instruments.

L'Amiral

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Chapitre 1 - L’Amiral

L’Arc-kadia trembla en décollant des abords de la forêt Eltarite. Al la Triste regardait vers l’horizon alors que le navire se dirigeait à présent vers leur repère dans une des très nombreuses Iles Blanches. Après avoir affronté un géant et Palpegueuse, après avoir accompli maintes épreuves, il était temps pour l’équipage de prendre un repos bien mérité. Avec le retour d’Œil de gemme, tout le monde était présent et il n’y avait jamais eu autant de pirates à bord depuis le temps du Géant Triste. Briscar fut donc démis de la fonction de second au profit de la guémélite de l’air qui était ravie de revenir à bord.

Al remplaça alors Bragan à la barre, elle avait toujours aimé se retrouver à cette place. Les cheveux au vent, elle se laissa bercer par le doux bruit des moteurs. Tout pirate rêve de trésors et Al la Triste avait enfin récupéré celui dont elle entendait parler depuis son enfance : le trésor du Capitaine Hic du Titan. La voilà à l’abri du besoin pour un long moment. Il était désormais temps de passer à autre chose et elle avait une idée derrière la tête. La fuite devant la Dame Noire lui restait encore en travers de la gorge. Pour sauver son honneur de pirate, il lui fallait partir à la recherche de son navire et le combattre à nouveau. Mais cette fois-ci, l’Arc-kadia et son équipage seraient prêts à faire mordre la poussière à Palpegueuse et ses sbires.

Deux jours plus tard, le bateau arriva en vue des Iles Blanches et du sombre vortex qui avait dévoré l’ancien royaume. Le navire prit la direction du nord pour éviter les vaisseaux de la flotte de Bramamir et rejoindre ainsi la route des pirates.

- Capt’ain, on peut s’arrêter sur la Dent de requin ?, demanda Klémence. J’aurais besoin d’obtenir quelques pièces.

- Va pas gaspiller ta part d’butin fillette, lui répondit Al.

- Y’en a d’autres qui veulent s’y arrêter, intervint Œil de gemme. Moi aussi il me faut des trucs.

- Très bien, mais on reste pas longtemps. Une paire d’heures et j’veux tout l’monde à bord, compris ?

- Oui Cap’tain !, s’exclamèrent de concert Œil de gemme et Klémence.

- Remarquez, j’crois qu’faut faire le plein de bouffe et de gnôle. Profitons-en !

La Dent de Requin était autrefois une véritable île entourée par l’océan. Son nom lui vient de la vague forme d’un gros rocher qu’un pirate un peu saoul vit comme étant une grosse dent de requin. C’était aussi l’une des nombreuses îles sous le joug de la piraterie. La particularité de cette île était ses grottes anciennement sous-marines, devenues depuis le repère de nombreux pirates. Une véritable ville s’était créée sous l’île au lieu d’être dessus. L’Arc-kadia s’arrima à l’embarcadère déversant son lot de pirates fiévreux de dépenser leurs richesses. Al la Triste, Bragan, Klémence, Œil de gemme et Crochet laissèrent le navire à la garde du reste de l’équipage. Crochet se sentit oppressé, comme s’il y avait une présence gênante, les autres aussi mais dans une moindre mesure. Le vieux pirate regarda à droite et à gauche et aperçut à l’autre bout du port un drôle de navire.

- Que ? On dirait... dit-il avec une légère appréhension. Ça serait ? Noooon.

Crochet attrapa le bras d’Al la Triste et lui montra le bateau. La pirate regarda mieux mais ne reconnut pas le navire.

- Viens, lui dit Crochet.

En s’approchant, ils virent mieux le bateau. Plus petit que l’Arc-kadia, il n’en restait pas moins impressionnant de par son style très ancien. Le bois était noir, vieux et abîmé. La proue était une sirène tenant une épée brisée vers l’avant. Sur son flanc une plaque en partie rouillée donnait le nom du navire : l’Amiral. Bragan recula en tenant Al et Œil de gemme.

- L’Amiral ! L’Amiral ! L’Amiral ! On ferait mieux de décamper d’ici fissa !

Al se souvenait parfaitement de la légende de l’Amiral. Il fut autrefois le fleuron de la flotte de Bramamir à l’époque où les navires voguaient sur l’eau. Il fut impliqué dans de nombreuses batailles faisant rejaillir la gloire sur son commandant. Il disparut après une bataille contre les pirates du nord lors de la guerre contre Néhant. Depuis, les légendes racontent qu’il hanterait les abords des Iles Blanches pour capturer les âmes des navigateurs.

- Panique pas pépère !, asséna Œil de gemme. Si l’Amiral était là pour prendre les âmes des gens nous s’rions plus là et les gens de la Dent non plus. Regarde autour de toi.

Les abords du port étaient comme d’habitude assez animés bien que personne n’osait s’approcher de l’Amiral à part l’équipage d’Al la Triste.

- A la limite on s’moque, allons faire nos emplettes et on r’part illico, trancha Al.

Le petit groupe quitta le port, Crochet devint encore plus paranoïaque qu’à la normale et Ti mousse regardait partout autour de lui si jamais il apercevait un quelconque pirate fantôme. Le village n’étant pas très grand et ils arrivèrent vite en son centre sur une place jonchée de pylônes qui tenaient les planches formant le sol. Tout autour de cette place rectangulaire les gens entraient et sortaient d’une multitudes de maisonnettes faites de bric et de broc. L’attention de nos aventuriers fut attirée par un attroupement devant l’une des maisons. A la vue de la pancarte qui représentait une bonbonne la tête à l’envers, il en déduisirent qu’il s’agissait d’une taverne.

- T’las vu ?, demanda un passant à un autre. Dingue, hein ?

Al la Triste alla donc voir de quoi il retournait. A être là, autant céder à la curiosité. De sa haute stature, elle poussa les badauds pour se frayer un chemin vers la porte. L’intérieur était totalement vide, seul le tavernier tentait de faire comme à son habitude en “nettoyant” des pichets. Lorsqu’il se rendit compte de la présence du groupe, il fut soulagé.

- Ah, entrez ! Entrez ! dit-il tremblotant. Installez-vous... où vous voulez.

Mais les pirates n’écoutèrent pas, leur attention était focalisée sur la présence qu’il y avait au fond de la salle. Crochet ouvrit de larges yeux et recula d’un pas, tout comme Bragan. Al la Triste, elle, au contraire, s’avança pour mieux voir, suivie d’Œil de gemme et Ti mousse. La chose qui était là avait du être un homme autrefois, mais ce n’était plus qu’un squelette coiffé d’un très vieux chapeau pirate. Ses orbites vides sondaient les âmes des vivants.

- Le com’dant de l’Amiral, j’présume, dit Al la Triste.

Le squelette se leva et posa ses mains osseuses sur la table puis s’avança jusqu’à elle. Il lui saisit alors sa main de métal et lui fit un baise-main.

- Madame, je vous prie, asseyez-vous donc à ma table et acceptez de boire en ma compagnie.

- Volontiers, dit-elle en tirant une chaise.

Le tavernier osa à peine servir à boire à Al. Il posa avec une rapidité incroyable verres et alcool.

- C’est offert par la maison, dit-il en s’enfuyant vers son comptoir.

Le squelette mordit dans le bouchon et l’arracha à la bouteille, puis il servit généreusement son invitée.

- Alors com’dant, que v’nez-vous faire ici ? Effrayer les vivants ?

- Ô allons, appelez moi Jon. Vous faites fausse route, je ne viens pas effrayer les vivants, je viens chercher leur aide. Mais il semblerait que leur peur soit trop forte. Ceci dit une seule personne m’intéresse réellement : vous !

- Vous aider pour quoi faire ? dit-elle avant de réaliser qu’il venait la chercher.

- Pour sauver un lieu connu de tous et dont je suis le gardien, le cimetière pirate !

Tout bon pirate avait entendu parlé de cet endroit, fruit de nombreuses légendes et fantasmes. Lorsqu’un navire ou qu’un vieux capitaine doit finir sa vie, il part alors en quête d’une île, celle du cimetière. On raconte que de très nombreuses épaves s’y trouveraient, ainsi que des trésors fabuleux. Beaucoup ont cherché ce cimetière sans jamais le trouver. Les badauds et le reste de l’équipage présents commentaient les échanges entre les deux capitaines.

- Le gardien ? Expliquez-vous. Et pourquoi moi ?

- C’est une longue histoire que je serais ravi de vous raconter à bord. Mais pour faire plus court sachez que le gouvernement de Bramamir a décidé qu’il était temps de passer à l’action. Je ne sais par quel hasard ils ont réussi à obtenir l’emplacement exact du cimetière, mais ils sont en route. Votre père veille sur vous, c’est lui qui m’a dit de venir ici, que je vous y croiserai. Jon avait touché la corde sensible.

- Mon père ?, dit-elle en bredouillant, émue. Il est encore en vie ?

- Non ma chère, bien sur que non. N’ayez pas de faux espoirs, mais à travers la mort il veille sur vous.

- Mais j’comprends pas, si vous êtes le commandant de l’Amiral, pourquoi avez-vous besoin de moi ?

- Je ne pourrai pas repousser à moi seul la flotte entière de Bramamir, j’ai besoin de vous et de l’Arc-kadia. Acceptez et vous serez très justement récompensée.

- J’ai déjà toutes les richesses que j’veux.

- La récompense que j’ai à vous offrir est bien plus belle que n’importe quel trésor. Que diriez-vous d’avoir l’opportunité de revoir votre père à nouveau ?

Al la Triste se mit à rire puis cracha dans sa main avant de la tendre à Jon.

- Marché conclu !, dit-elle.

Derrière elle les gens n’en revenait pas, la célèbre Al la Triste venait de pactiser avec le commandant de l’Amiral...

Chapitre 2 - Le cimetière pirate

L’Amiral et l’Arc-kadia quittèrent rapidement la Dent de requin. L’équipage eut juste le temps de faire les provisions pour le navire et pour leurs usages personnels. En réalité, le cimetière n’était pas très loin, mais personne ne pouvait le trouver, perdu à l’intérieur d’une très grande île. Mais grâce à Jon, ils purent donc accéder au mythique cimetière pirate. Cette caverne était pour moitié remplie de navires échoués, brisés, tels de vieilles épaves. Le nombre était colossal, au bas mot une trentaine de navires avaient fini ici. Le tout était éclairé par une multitudes de lampes-tempête posées un peu partout. Ce spectacle donnait beaucoup d’émotions à l’équipage. Al la Triste était plus inquiète. Ici, ils étaient faits comme des rats. Jon amena l’Amiral contre la coque de l’Arc-kadia pour établir un plan de bataille.

- Ne vous en faites pas, nous sommes en position de force. Leurs navires ne pourront pas passer à plus d’un à la fois. Si jamais ils arrivent jusque là, rassura le commandant. L’Amiral est un excellent éperonneur et votre bateau pourvu de canons d’exception. Faites parler la poudre, je ferais crier l’Amiral !

- Combien s’ront-ils ?

- Avec de l’arrogance, ils ne seront qu’une dizaine. Avec de la prudence, ils seront une vingtaine.

- C’est beaucoup.

- Alors gageons pour dix.

- Bien j’sais pas pourquoi j’me suis fourrée dans ce guêpier, mais bon, quitte à mourir, autant l’faire avec panache ! dit-elle en retournant à la barre. Branle-bas de combat !!!

A ce moment là, tout l’équipage se mit en ordre. Bragan, Mylad et Foudre-bec se préparèrent à griller les adversaires. Klémence réglait Ekrou et Hic-kar. L’équipe d’assaut se prépara. Armada jubilait à l’avance de pouvoir utiliser ses dernières trouvailles. Œil de gemme beuglait des ordres à tout bout de champ. C’était comme si quelqu’un avait mis un coup de pied dans une fourmilière. De son côté, Jon était prêt, seul à bord de l’Amiral qui lui répondait comme si le navire était vivant.

Un premier navire apparut dans l’embouchure de la caverne. L’Amiral fonça avec vélocité ne laissant aucune chance à la coquille de noix, bien plus petite que lui. Il le fendit en deux comme un couteau dans une motte de beurre. Un deuxième navire plus gros en profita pour passer juste après le premier. “Un éclaireur pour faire diversion. C’est un Fendlevent... les moteurs !”.

- En avant, ordonna-t-elle, préparez les canons !

L’Arc-kadia fila et se plaça derrière le navire ennemi.

- Visez les moteurs ! FEEUUUUUU !

Les canons crachèrent du métal et du feu, réduisant en morceaux la machinerie du navire adverse. Sans propulsion, ce dernier piqua du nez pour aller s’écraser parmi les autres épaves. De son côté, l’Amiral vira pour éperonner un autre navire qui suivait ses prédécesseurs. Celui-ci était un navire de guerre sensiblement de même taille que l’Amiral. Jon se contenta de foncer sur l’arrière afin de casser le gouvernail. Son antique navire se planta de biais en atteignant son but. C’est à ce moment qu’apparut une véritable menace. Arriva par l’entrée de la caverne un immense galion noir au pavillon rouge peint du symbole de Néhant. L’Amiral en mauvaise posture se retrouva éventré par ce mastodonte. Briscar qui analysait la bataille courut à toute vitesse rejoindre Al la Triste.

- Capitaine ! C’est la Dame noire !

- Quoi ?

Elle arracha la longue vue des mains du pirate.

- C’est bien elle ! Cette fois, on te loupera pas !!!

Le navire noir présentait encore les traces de leur dernier affrontement, Palpegueuse n’avait même pas pris la peine de faire réparer son navire. Al trouvait ça révoltant et indigne d’un pirate. Elle barra à nouveau pour amener l’Arc-kadia près de la Dame noire. Cette fois-ci, c’était Al qui menait l’assaut.

- A l’abordage !, cria-t-elle. Armada ! BOMBES !

La jeune femme emportée dans sa folie lança ses créations explosives sur le pont adverse, les dégâts furent considérables. L’équipage de la Dame noire s’était divisé entre ceux qui défendaient le navire et ceux qui tentèrent l’incursion sur l’Arc-kadia.

Klémence lâcha bâbords et tribords tandis qu’Ekrou et Hic-kar défendaient le pont. Aucun de leurs adversaires ne put passer cette défense parfaite. Al elle-même prit part au combat. Après avoir tailladé plusieurs ennemis et être montée sur la Dame noire, elle chercha du regard celui qui devait avoir tout manigancé, Palpegueuse. L’affreux capitaine de la Dame noire poussa tout le monde pour faire face à Al. Un combat déterminant s’engagea alors. Palpegueuse était un homme redoutable, très massif aux cheveux sales et à la longue barbe noire huileuse. Son regard était celui d’un fou, lui donnant un air très impressionnant.

- Aaaahhh la fille du Géant, un trophée qui ornera ma cabine durant des nuits et des nuits, dit-il en postillonnant.

- Bats-toi au lieu d’parler !, répondit Al en ouvrant les hostilité.

Elle se battait avec deux pistolames usant à outrance de la puissance de son bras mécanique. Mais Palpegueuse était un redoutable pirate qui avait tué bien des hommes. Aucun des deux ne semblait prendre l’avantage. Non loin Crochet assenait des grands coups de sabre quand son bras se décida à agir tout seul. Tiré par une force invisible son bras le traîna jusqu’à Al la triste qu’il saisit par les cheveux. Avant de la secouer dans tous les sens. La jeune femme fut surprise et elle fut blessée par un coup d’épée. Elle remarqua alors l’aura noire autour de son adversaire, Palpegueuse semblait changé !

- Voilà qui est bien !! dit-il la voix déformée. Vous aurez compris que je ne suis pas Palpegueuse le célèbre pirate, mais Morte-gueuse, serviteur de Néhant !

Les réjouissances du démon ne durèrent pas longtemps, Jon avait abandonné l’Amiral et trancha net le bras de Crochet, libérant Al la triste de l’étreinte. Profitant de la surprise, Al utilisa la pression maximale de son bras mécanique et enfonça sa lame dans le coup de Morte-gueuse.

- Mange ça !, dit-elle en tirant.

La tête du pirate explosa comme une citrouille.

Pendant l’affrontement, une jeune femme avait profité du chaos ambiant pour se faufiler jusque dans la cale de la Dame noire. Ce qu’elle y trouva lui fit froid dans le dos. Des cadavres jonchaient le sol, pirates ou non. C’était trop pour elle, elle plaça les charges aux endroits stratégiques et s’en alla en courant.

- RETOURNEZ A BORD DE L’ARC-KADIA, TOUS A BORD ! cria Armada.

Al la triste soutenant Crochet et les derniers membres de son équipage remontèrent juste à temps. L’Arc-kadia s’éloigna alors que la Dame noire et l’Amiral explosait dans une gerbe de fumée noire et de flammes vertes. L’équipage quelque peu amoché venait de remporter une bataille dont on parlerait durant des années.

Jugement et Châtiment

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Chapitre 1 - Jugement

Comment j’en suis arrivé là ? Je me demande parfois ce qui me vaut un destin si atroce. Il semble que la mort soit mon lot, qu’elle m’a pris pour compagnon, elle-même me refusant son doux baiser. J’ai commis mon premier meurtre à ma naissance en emportant la vie de ma mère. Elle est partie en même temps que je poussais mon premier cri. Puis vers mes sept ans c’est mon grand frère qui succomba par ma faute. Et j’ai fui un père fou de rage, le laissant seul, sans famille. Sur ma route j’ai croisé une bande de gens loufoques et affectueux, ils ont bien voulu de moi, il faut dire que je suis doué une lame à la main. Ils ont placé leur confiance entre mes mains. Mais je n’ai pas pris mon rôle au sérieux et j’ai failli, manipulé par les ténèbres, dévoré par mes doutes et ma malédiction. J’ai servi la mort encore mieux que je ne l’avais fait jusque là, j’ai tué aveuglement des gens que je ne connaissais pas. Enfin les ténèbres m’ont rejeté pensant m’abandonner à un sort pire que la mort, mais j’ai survécu... encore. Je m'appelle Télendar, j'attends que la mort me laisse enfin passer de l’autre côté pour expier mes fautes. J'attends mon heure, ici dans une cellule de la prison de Noz’Dingard. Nul doute que les Draconiens mettent un terme à ma folie.

La large porte de bois menant vers les cellules grinça lorsque le gardien l’ouvrit, laissant échapper un rayon de lumière qui éclaira l’ancien chef des Zil. Zahal entra en premier épée à la main, son air sévère tranchait avec son humeur habituelle. Fallait-il à nouveau faire face à ses propres échecs ? Prophète avait fortement insisté pour que le chevalier vienne assister à l’interrogatoire de Télendar. Derrière lui la Pythie lui emboîta le pas. La jeune femme ne portait plus le voile traditionnel de son ordre. Son visage n’exprimait rien, seuls ses yeux trahissaient sa répugnance à venir ici et accomplir sa tâche .

Le geôlier s’empressa d’ouvrir la porte à barreaux de la cellule du prisonnier le plus important en ce moment. Télendar leur tourna le dos, il n’avait rien à leur dire. Ce geste fut très mal accueilli par Zahal qui s’attendait certes à une réaction pareille à leur présence, mais qui ne manqua pas de réveiller sa colère. Il donna un vif coup de pied au prisonnier et une fois celui-ci dos au sol il pointa son épée d’un air rageur.

- Il y en a assez de toi !! Donne-moi encore une raison et j’enfonce ma lame dans ta gorge !

Télendar fut surpris par tant de haine, mais il se reprit vite.

- Qu’attends-tu, frappe donc !! répliqua-t-il en espérant le geste salvateur.

La Pythie posa la main sur celle du chevalier, retenant ainsi son geste.

- Je comprends vos émotions Zahal, mais le tuer serait lui rendre un immense service et nous ne sommes pas venu pour cela.

Devant les grands yeux de biche et la douceur du visage de l’oracle de la Draconie, le chevalier se calma et souleva son pied, libérant Télendar. Ce dernier recula vivement et se frotta la poitrine pour faire partir la douleur.

- Pourquoi vous êtes là alors ? demanda t-il.

- Je viens vous interroger sur vos agissements, dit la Pythie le visage figé. Bien sur je n’attend pas à ce que vous parliez, je pense que toutes les informations à votre connaissance nous ont été portées. A présent il va falloir aller plus loin.

Qu’entendait-elle par aller plus loin ? Télendar le sut immédiatement. La Pythie attrapa son visage entre ses mains et plongea son regard dans le sien, déchirant la volonté de son esprit. L’Oracle fouilla, elle cherchait quelque chose de précis. Enfin c’était là, la peur suffisante pour faire effacer la volonté du jeune homme et ressortir tout ce qui était caché. L’apparence de la Pythie changea légèrement, ses traits devinrent plus reptiliens, ses yeux se fendirent tels ceux d’un serpent. Le jeune homme pris d’effroi sombra dans une sorte de catatonie, tout se révéla alors. Zahal surveillait l’échange avec beaucoup d’attention, prêt à frapper au moindre geste incongru.

- Voici donc la faille qu’utilisa notre adversaire pour vous soumettre, dit la Pythie à voix haute. Nous allons enfin avoir une vision claire de ce qu’il s’est passé avec vous et conclure cette histoire.

Effectivement la Pythie avait désormais une vision précise de la vie de Télendar, elle vit les moments heureux comme les pires. Elle se concentra sur l’année passée, lorsque le jeune homme était sous la coupe des Néhantistes. Bien que les souvenirs de son esclavagisme s’effaçaient au fil des jours, pour elle tout était encore là intact. Télendar avait tué bon nombre d’opposants sans jamais pouvoir rien faire. Mais le plus important étaient les lieux et les personnes rencontrées en compagnie du Néhantiste responsable de tout cela. Il y avait beaucoup d’images, de sons et de sensations. La Pythie passa beaucoup de temps à remettre tout ça en ordre et à faire le tri.

- C’est bien ce Dimizar derrière les assassinats et la prise du Conseil. A présent que je sais ceci la donne va changer.

La Pythie allait arrêter de fouiller dans la tête du prisonnier lorsqu’elle sentit une présence diffuse dans la cellule, ce n’était ni Télendar, ni Zahal, mais autre chose. Elle ne sut pas vraiment pourquoi mais elle eut comme un sursaut et elle lâcha le jeune homme.

- Ça va ? S’enquit Zahal.

La présence ayant disparue, la Pythie ne s’en inquiéta plus.

- J’ai ce que je voulais, à présent son avenir est entre les mains de Prophète.

Télendar, prostré dans son coin se tenait la tête laissant échapper quelques larmes.

Le lendemain matin, Noz’Dingard était en effervescence. Bien que l’évènement du jour se passait à huis clos, une partie de la population s’était agglutinée devant le palais où Télendar avait été conduit pour y être jugé. Pour le commun des mortels la culpabilité de l’ancien Zil ne faisait aucun doute, pourtant l’affaire était bien plus complexe que cela. Le service d’ordre de la cité avait fort à faire et les Sorcelames étaient venues compléter la garde. D’habitude très discipliné le peuple scandait des “à mort l’assassin”, “qu’on le pende” et autre “justice doit être faite”. A l’intérieur, l’avenir du jeune homme se jouait devant un parterre de personnalités venues assister en tant qu’Envoyés de Noz’Dingard à la sentence qui serait rendue par Kounok. Anryéna était présente en tant que dirigeante du Compendium et de l’académie de magie et mère du défunt Prophète. Il y avait également le Maître-Mage Marzhin et son fils Pilkim, Aerouant, Marlok, Zahal, Valentin, Alishk, Eglantyne, Moîra convalescente et enfin la Pyhtie qui avait tenu à assister au procès.

La plupart de ces personnes avaient vécu les évènements qui amenèrent à l’assassinat de Prophète. Chacun alla donc de son témoignage dans de grands témoignages. Une heure plus tard et après moult explications, la Pythie intervint pour clore les discussions. Elle s’avança au milieu de la salle de façon à ce que tout le monde puisse la voir.

- Notre ennemi dans son orgueil pense être à l’abri caché dans son manoir. Mais il a fait l’erreur de nous donner ce que nous voulions, une personne qui l’a côtoyé de près et qui a agi pour lui. Le fait qu’il ait mis un terme à la vie de Prophète est un fait, mais Télendar est-il responsable ? Comme une partie des Combattants de Zil sa volonté est devenue celle de l'ennemi. Celui qui devrait être à la place de Télendar a un nom : Dimizar ! Ne soyons pas aveuglés par notre colère et notre haine contre celui qui n’a été qu’un instrument, une arme dans la main d’un Néhantiste.

Dans l’assistance Aerouant était tiraillé entre plusieurs sentiments. Il avait devant lui le meurtrier de son père mais ce n’était pas lui qu’il fallait punir mais cet abject corrupteur. Anryéna percevait bien cela, la mort de son fils serait vengée le jour où ce Dimizar périrait. Le brouhaha s’installa rapidement mais tous les Envoyés étaient d’accord : Prophète était mort à cause des Néhantistes. Kounok se leva de son siège et prit la place de la Pythie au centre de la salle devant Télendar qui fut mis à genoux devant lui.

- Vous n’êtes pas responsable du meurtre de Prophète. Néanmoins d’après les lois du Conseil des guildes vous vous deviez en tant que chef de guilde des Combattants de Zil protéger les gens sous votre commandement des pouvoirs Néhantiques.

Cette règle faisait effectivement partie des lois du Conseil des Guildes, mais personne ne l’appliquait vraiment car plus aucune activité Néhantique n’avait été recensée depuis plus de vingt ans.

- Étant apte à vous juger au nom du Conseil de guilde, je vous condamne donc à passer le reste de votre vie à réparer vos erreurs. Sous notre surveillance et celle du Conseil vous allez contribuer à la lutte contre le Néhantiste nommé Dimizar. Ce sera votre unique raison de vivre. Une fois cela accompli, vous serez libre.

Une sentence magique ! Cela s’avérait rare mais important pour les Envoyés de Noz’Dingard car cela signifiait que Télendar ne trouverait le repos qu’une fois l’objectif atteint. Cela lui laissait une chance de se dépasser pour régler cette affaire dans les meilleurs délais.

- Vous allez retourner dans votre cellule jusqu’à ce que le Compendium soit prêt pour appliquer la sentence.

Kounok retourna devant son siège et fit face à l’assemblée.

- Au nom de Dragon je déclare cette affaire close. Gardes ! Emmenez-le.

Zahal, Moîra et Eglantyne l'escortèrent jusqu’à la prison pour éviter tout heurt avec la population.

Dans la grande salle du palais de Noz’Dingard, alors que Kounok s’entretenait avec Marzhin, Dragon apparut sous apparence humaine non loin d’eux. Le Maître-Mage mit un genou à terre en signe de respect.

- Allons Maître-Mage, je vous en prie, relevez-vous.

- Souhaitez-vous que je vous laisse entre vous ? Demanda Marzhin.

- Non, ce que j’ai à dire vous concerne. Des nouvelles des plus importantes me sont parvenues. L’expédition partie dans les Confins est revenue et avec elle le Mangepierre.

- Excellente nouvelle, coupa Kounok.

- Oui, et il est nécessaire que certains Envoyés se rendent sur place, ajouta Dragon.

- Ce sera fait, assura Kounok.

- Quand à l’autre nouvelle elle découle de l’action du Seigneur Galmara. Un passage a été ouvert entre ce monde et celui des esprits des morts. Arkalon d’Arpienne, tombé durant la guerre contre l’empire de Xzia en a profité pour revenir parmi nous rejoignant au passage les membres de la Kotoba qui se sont mis en marche pour mettre fin à la présence des Solarians au tombeau des ancêtres. J’aurais préféré que l’on nous demande de participer, mais tel n’a finalement pas été le désir de l’Empereur. Le retour d’Arkalon est déterminant, tout s'accélère. A présent et pour le moment quatre Chevaliers Dragon cohabitent. Ils guideront les armées de la Draconie vers de grandes batailles. Arkalon doit revenir vers nous et jouer le rôle qui est le sien. Il faut se préparer, Prophète, car tout cela va arriver dans un avenir proche.

Dragon tourna la tête vers Marzhin.

- J’ai une tâche très importante à vous confier Maître-Mage, il va falloir travailler avec votre fils.

- Nous sommes à votre service, Dra...

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que Dragon lui toucha l’épaule, tous deux disparurent instantanément.

Chapitre 2 - Châtiment

La petite fille attendait depuis des heures devant cette immense pierre bleutée. Elle s’ennuyait fermement et tuait le temps comme elle pouvait. Heureusement le jardin bordant le palais était une bénédiction en cette saison. Outre les milliers de fleurs qui s’y trouvaient c’était aussi un lieu de calme et de sérénité. La petite fille qui en avait marre d’attendre entreprit l’exploration des environs. Elle qui venait du fin fond de la Draconie profitait d’avoir la chance d’être ici. Elle s'émerveilla devant les statues des héros du passé et devant le grand bassin où des poissons aux formes exotiques vivaient en toute quiétude. Elle s’assit au bord de l’eau la tête pleine de rêves et d’espoir. Qu’elle était la raison de sa venue ? Elle n’en savait rien, mais peu importait. Un bruit la tira de sa torpeur, une petite créature apparut d’un buisson.

- Un dragon ! S’exclama-t-elle, chouette !

Effectivement toutes les caractéristiques attribuées par les légendes concernant les dragons étaient réunies devant elle, peau écailleuse, allure reptilienne, paire d’ailes et yeux fendus. A peine plus grand qu’un chiot le petit dragon s’approcha d’Ardrakar sans avoir peur. Il se frotta contre elle en réclamant les caresses ce qu’elle lui offrit avec joie.

- Tu es mignon, moi c’est Ardrakar et toi ?

- Il s’appelle Kounok répondit une personne qui s’approchait.

Venant de l’entrée du jardin deux personnes arrivaient. Il s’agissait de deux hommes, l’un ressemblait à un mage, il portait de petites lunettes, de longs cheveux longs bleu-gris, sa tenue bien que simple était remarquable par son épaulette de cristal à tête de dragon. Le deuxième était plus grand et visiblement porté sur les arts de la guerre de part son armure et son épée. Sa particularité physique se situait au niveau de sa chevelure entièrement blanche malgré un âge relativement jeune.

- C’est elle ? Dit ce dernier avec une pointe de déception. Elle est chétive.

Mais Prophète ne l’écoutait pas, il était fasciné par le lien tissé de manière si rapide entre Ardrakar et Kounok.

- Aucun de doute là-dessus mon ami, lui dit-il finalement.

Le mage s’accroupit devant Ardrakar et Kounok.

- Je vois que tu as fait connaissance avec Kounok, je suis Prophète. Tu sais qui est Prophète n’est-ce pas ?

La petite fille fit oui de la tête tout en prenant un air timide.

- Quand à lui c’est le Chevalier Dragon Arkalon, il aurait besoin d’une personne pour l’aider, en échange il te protégera et t’instruira.

Elle se leva alors avec agilité, tenant dans ses bras le dragonnet.

- J’aurai aussi une armure et une épée moi aussi ? demanda-t-elle en regardant Arkalon.

Le Chevalier Dragon s’approcha d’elle et posa sa large main sur la tête de la fillette.

- Si tu en es digne, oui, mais avant ça on va commencer par te donner un nouveau foyer et une bonne éducation.

Ardrakar se réveilla alors avec une étrange sensation. Pourquoi avait-elle rêvé de ce passage là de sa vie précédente ? Les sentiments l’affectaient moins depuis son passage dans le camps Néhantiste. Ce n’était pas de la tristesse, non, plutôt comme un mauvais pressentiment, une impression funeste, voire un malaise. Elle sentait une vague présence, quelque chose d’à la fois terriblement familier mais de si lointain. Ce matin là elle resta à l’écart des autres, songeuse, tentant de comprendre ces sentiments. Il lui fallait mettre au placard ces sensations si humaines qu’elle voyait comme une faiblesse. En début d’après-midi elle quitta le manoir de Zejabel sans en parler à personne. Elle se mit alors à marcher sans trop savoir où aller réellement. le temps passa sans même qu’elle s’en rende compte, elle franchit même la frontière de la Draconie. Et toujours ses sentiments...

La nuit était bien avancée lorsqu’elle arriva dans un endroit qu’elle connaissait.

- La tombe d’Ehxien... J’ai marché jusque là, combien de jours sont passés ?

Une légère brume exacerbait le côté mystique du lieu. La tombe du fondateur de Noz’Dingard et premier Chevalier Dragon était sacrée pour l’ordre dont elle fit partie autrefois. Elle progressa lentement pour arriver finalement devant le mémorial dédié à ce héros du passé. Une statue de cristal bleu avait été érigée sur un promontoire au cœur duquel reposait la dépouille d’Ehxien. Elle resta figée devant, des souvenirs ressurgissaient, lui rappelant ses origines.

- Honneur !

Le mot résonna comme un écho dans sa tête. Elle se retourna et fit face à une personne se trouvant là. C’était Arkalon d’Arpienne portant son armure complète de Chevalier Dragon, son visage était maigre et surtout c’était un fantôme. Ardrakar fut saisi d’effroi lorsqu’elle le réalisa. Arkalon serrait une arme mais restait immobile. Elle reconnut immédiatement l’épée, Azur, la lame qu’elle porta autrefois.

- Dévotion ! Fidélité ! Pragmatisme ! Te souviens-tu de ton serment Ardrakar ??

L’intonation ne laissait aucun doute quant à l'énervement et à la colère d’Arkalon.

- Comment en es-tu arrivé là, toi qui faisait ma fierté et ma joie ?

Il marqua une courte pause et reprit.

- Je suis revenu d’entre les morts pour toi, je viens sceller ton destin.

Ardrakar ne lui répondit pas, elle qui côtoyait des démons et les horreurs du Néhantisme était devant la seule personne capable de lui faire peur. Elle connaissait bien son ancien maître, elle l’avait vu combattre avec hargne les combattants de l’empire de Xzia. Le destin avait voulu qu’il ne repose pas ici parmi les anciens Chevaliers Dragons. Mais que voulait-il exactement, sa mort ? D’instinct, elle fit appel à sa lame, Chimère noire. Arkalon de son regard vide de vie regarda la lame confiée par Néhant. Elle prit son courage à deux mains et répondit.

- Tu ne sais rien de ce que j’ai vécu Arkalon.

- Je sais que tu as été faible, tu as cru pouvoir maîtriser Chimère mais son pouvoir t'a rendue folle.

- C’est faux, c’est elle qui m’a détourné du chemin, mais je ne regrette rien, regarde aujourd’hui, je suis bien plus puissante que toi.

- Je te regarde et je ne vois rien d’autre qu’une imitation ! Cria le chevalier avec rage.

Sur ce Arkalon planta Azur dans le sol, puis d’un geste ample la véritable Chimère apparut dans sa main. Ardrakar fut terrifiée d’être à nouveau en présence de la lame. En elle se mêlaient tellement de sentiments contradictoires qu’elle vivait là un véritable paradoxe. Qu’attendait Arkalon pour la châtier de ses actes ? Fallait-il que ce soit elle qui mette un terme à leur discussion ? C’est en tout cas ce qu’elle pensa alors qu’elle plongea pour affronter Arkalon. Le combat s’engagea par le choc des Chimères. A travers leur combat ce n’étaient plus les anciens frères d’armes qui se battaient, mais une opposition entre Néhant et Dragon. La violences des coups produisaient des bruits de cristaux qui s’entrechoquaient, comme des cris aiguës au travers de la nuit. Ardrakar fit appel a ses pouvoirs de Guémélite de Néhant alors qu’Arkalon comptait sur le lien étroit qu’il avait avec Dragon. L’ancien maître était impressionné par le savoir-faire d’Ardrakar, il était à la fois heureux de la voir avec un tel potentiel et triste pour ce qui lui était arrivé. Hélas pour Ardrakar elle ne fut pas à la hauteur, la véritable Chimère dépassait largement son alter égo Néhantique. Au détour d’une passe d’arme, Arkalon désarma son adversaire et lui assena un coup qui le projeta plus loin, inconscient.

Chimère satisfaite de la tournure des évènements retourna auprès de Kounok. Arkalon s’agenouilla ensuite près d’Ardrakar, puis pris d’un geste affectueux, il lui caressa la joue.

- Je te considère comme ma fille. Comme un père veillant sur son enfant je ne peux pas te laisser aux mains des Néhantistes.

Sur ce, il sortit d’une bourse de velours une pierre bleue tachetée de noir et la posa dans la paume de la main d’Ardrakar.

- Dragon m’a chargé de te donner ceci. Je t’échange la copie de Chimère contre Azur. Désormais à toi de prouver que tu es forte, il faut mourir pour pouvoir renaître.

Arkalon déposa un baiser sur la joue d’Ardrakar avant de la laisser là.

Elle émergea au bout d’un long moment avec un sacré mal de tête. Elle s’assit et remarqua la pierre dans sa main émettant une douce chaleur. C’était son ancienne pierre-cœur, celle qu’elle avait autrefois liée avec celle de Dragon avant d’obtenir de la main de Néhant une nouvelle pierre. A ce moment là elle craqua. Elle serra les jambes contre sa poitrine et laissa échapper des larmes noires. Devant elle Azur brillait intensément, comme si elle attendait qu’Ardrakar la manie à nouveau. La tentation était forte, elle se souvint des moments passés auprès d’Arkalon, l’homme lui avait tout appris pendant presque dix ans avant que la guerre ne lui prenne sa vie. Elle avait encore une chance de pouvoir faire marche arrière et prouver qu’elle était en fait un chevalier de la Draconie.

Elle se leva doucement et sans pouvoir arrêter elle appela Chimère noire, mais la lame ne vint pas. Une raison supplémentaire pour Ardrakar de ramasser Azur. Elle serra la poignée de l’épée et la tira de la terre. La lame était légère, bien plus que la Chimère de Néhant dont la magie néfaste était agressive. Azur quand à elle était un plaisir à manier, plus légère et plus fine.

Elle resta là à réfléchir sur sa condition et son avenir. Devait-elle continuer à suivre Néhant dont elle fut l’amante il y a bien longtemps mais aujourd’hui il lui préférait Ombreuse. Le moment de l’introspection était arrivé, elle quitta ce lieu sacré le cœur engourdi.

Dissidence

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Chapitre 1 - Le lien invisible.

- C’est fait. Le germe du doute pousse lentement mais sûrement, elle sera l’une de nos meilleures alliées. A présent, mon fils, il est temps de jouer ton rôle et de la protéger.

Anryéna observait son plus jeune enfant, Exhien, qui jouait dans les jardins du palais. Kounok avait l’air affecté par les paroles de sa mère, mais doutait.

- Mère, je sens à nouveau le lien. Je vais vous laisser le commandement durant mon absence.

- J’en ai l’habitude, soit rassuré, la Draconie est sous bonne garde, indiqua Anryéna en se levant du banc sur lequel ils étaient.

- Je n’en doute pas, mais je n’ai pas quitté Noz’Dingard depuis que je suis devenu Prophète, dit-il avec un soupçon de culpabilité.

- Fonction que tu remplis à merveille. Je sais que tu penses ne pas être à la hauteur de ton frère, mais vous êtes très différents avec des méthodes différentes et des résultats différents. Être Prophète c’est aussi ramener vers Dragon les êtres qui se sont détournés de sa voie. Elle va avoir besoin de toi.

Pour réponse Kounok se leva à son tour, embrassa Anryéna sur la joue.

- J’espère ne pas être absent longtemps.

Anryéna regarda Kounok partir avec les yeux d’une mère pour son enfant.

- Tu éloignes encore un de mes enfants, père, nos adversaires sont autant des guerriers dangereux que des mages corrupteurs. Je ne supporterais pas de le perdre, dit-elle à voix haute.

- Défaitisme ! Il est plus à craindre pour les Néhantistes qui encourent le courroux de Chimère et de Prophète que l’inverse. Résonna la voix de Dragon.

- Il vaut mieux partir défaitiste et être agréablement surpris qu’avoir un excès de confiance et tomber de haut. Où est-elle ?

- Comme je m’y attendais, elle part vers l’autre personne en mesure de lui apporter des réponses. Mais sa progression est lente, Kounok la rejoindra à temps.

Anryéna parut alors inquiète.

- Viens mon chéri, dit-elle en tendant la main à Exhien qui l’attrapa aussi sûrement que si on lui avait tendu une sucrerie.

- Je suis avec lui, ma fille, n'oublie pas ça.

Chaque pas qu’elle faisait était une réflexion, un poids dans chaque plateau d'une balance qui déterminerait son allégeance. Le jeu du pour et du contre tournait en boucle dans sa tête sans que l’un ne puisse l’emporter sur l’autre. Elle avait jeté Azur loin d’elle avant de regretter son geste et de retourner la chercher. La pierre dans son front lui rappelait l'allégeance qu’elle suivait depuis plusieurs dizaines d’années, mais la pierre qu’elle tenait fermement dans sa main depuis l’affrontement contre son ancien maître Arkalon la tirait dans l'autre direction, vers Dragon. Que faire ? Cruel dilemme, odieux partage qu’elle ne désirait plus vivre. Pourtant, inexorablement elle poursuivit sa course vers une destination précise sans se rendre compte qu’elle ne décidait rien. Elle était appelée par une force qui la dépassait, Néhant. Ce voyage fut pour elle une introspection et une succession de remises en questions. Néhant, de sa prison de cristal n'appréciait pas ce doute, aussi il fit appel à celui qui l’avait rejoint depuis peu, son fidèle lieutenant Amidaraxar. C’est lui qui, grâce à ses pouvoirs attirait le seul et unique chevalier de Néhant qui existait, fermement décidé à ne pas laisser partir une possession de son maître.

Le soleil se cachait derrière l’horizon. Kounok laissa paître sa monture le temps d’une nuit de repos bien méritée. Assit près d’un feu il regardait le cœur battant vers le lointain. Il voyait l’épaisseur de la brume des Confins qui cachait la prison de Néhant, une réflexion lui vint “Quand est-ce que la Draconie sera débarrassée de ce furoncle purulent ?”. Pour Prophète cette prison était une tache d’encre sur un parchemin vierge. Son voyage à la recherche d’Ardrakar le mènerait-il à faire disparaître Néhant à jamais ? Demain il retrouverait celle pour qui il risquait tant. Il se souvint du début de l'entraînement lorsqu’elle était enfant, il ne ratait aucune occasion d’être en présence de la future remplaçante d’Arkalon. Le lien se renforçait, il en était parfaitement conscient. Cela lui rappela aussi le temps béni où sous sa forme de dragonet il était libre de voler et jouer avec sa compagne d’aventure. Il n’avait jamais compris pourquoi ce lien qui s’était fait entre eux dès leur rencontre existait. Etait-ce là le pouvoir d'un amour inavoué ? Ou bien un tour de Dragon pour que Kounok se sente moins à l’écart d’un monde qui ne lui ressemblait pas ?

Au centre de la brume des Confins, la prison de Néhant avait rarement connu autant d’animation depuis la fin de la guerre. Les Néhantistes préparaient consciencieusement la libération de leur maître à penser. La magie l'enfermant faiblissait, mais jusque là Amidaraxar n’arrivait pas à percer les secrets du puissant rituel fait par Eredan. Malgré cela Néhant pouvait faire sortir une manifestation magique de la gemme dans laquelle il était, donnant plus de réel à sa présence. Une dizaine d’esclaves travaillait jours et nuits à améliorer le confort des lieux, ils avaient érigé un trône sculpté dans la roche rouge des environs. Ombreuse passait la plupart de son temps à surveiller l'endroit afin que personne ne s'aperçoive de leur petit manège.

Néhant, bien en hauteur sur son trône, rageait.

- Comment ose-t-elle avoir un doute ! Comment peut-elle échapper à ma magie ?! Hurla-t-il.

Amidaraxar, genou en terre, regardant vers le sol répondit.

- Enfermé dans cette prison votre emprise est moins forte maître. Laissez-moi régler cela.

On ne voyait pas le visage de Néhant, caché dans une large capuche noire, mais nul doute qu’à ce moment celui-ci était figé par la réflexion. Ombreuse avait prit la place d’Ardrakar auprès de Néhant, ce dernier tenait à son ancienne amante pour des raisons pratiques : son incroyable talent de combattante. Mais il ne pouvait laisser un tel élément revenir dans le giron de Dragon. Aussi la décision fut-elle radicale.

- Fais donc, débarrasse-moi de ce problème.

Amidaraxar avait une idée derrière la tête en se proposant ainsi, il s’en alla mettre son plan en action. Il ordonna à un des humains présents de le suivre en dehors des brumes des Confins. Au-delà, la nuit tombait lentement. Le Néhantiste mit à genoux devant lui l’homme sous son contrôle et fit apparaître ensuite un large grimoire dans ses mains. Au fur et à mesure de l’incantation, un cercle se dessina autour d’eux et un halo de lumière rouge sombre se forma autour de l’homme qui se mit à hurler de douleur. Son corps changea pour devenir énorme et plus du tout humain. Son allure était celle d’un démon de la taille de deux hommes dont se dégageait une chaleur incroyable.

- Qui appelle Fournaise ?? Dit-il d’une voix étrange.

- Tu dis toujours la même phrase lorsqu’on t’invoque, tu pourrais varier un peu, répondit Amidaraxar avec humour.

- Toi ?!

Fournaise recula de deux pas en voyant son invocateur.

- Je suis à vos ordres maître, se ravisa-t-il.

- Je fais fi du tutoiement, je vais mettre ça sur le compte du temps passé sans avoir eu à faire à tes maîtres. J’ai besoin que tu fasses venir tes larbins.

Fournaise inclina la tête puis posa la main droite sur le sol qui se fendit en une multitude de crevasses rougeoyantes. De là sortirent une dizaine de petits démons, comme autant de mini-Fournaise. Caquetants et gémissants ils se groupèrent en se serrant les uns les autres.

- Les voilà maître, ordonnez, ils obéiront.

- Courrez à travers la plaine et ramenez-moi Ardrakar ! Dit-il en montrant une direction. Suivez l’odeur de la démone Déchirure !

Chapitre 2 - Déchirure

Ardrakar avait fini par sombrer dans le sommeil, vaincue par une fatigue qui s’accumulait de jour en jour. Même dans ses rêves son ancienne vie faisait irruption...

La guerre faisait rage depuis plusieurs mois. Les forces de Néhant gagnaient du terrain sur tous les fronts. Les 7 royaumes étaient tombés rapidement, l’attaque venant des terres barbares de l’ouest. Ardrakar avait reçu la charge d'arrêter une tribu dont la rumeur prétendait composée d’êtres s’abreuvant de sang. Les soldats sous son commandement avaient beau être des vétérans de la guerre contre l’Empire de Xzia, elle se retrouvait aussi avec une bonne moitié de troupe constituées de conscrits effrayés.

- Que des pleutres ! Ils doivent être forts pour Dragon.

Chimère parlait au chevalier dragon avec force. Depuis plusieurs jours elle dormait mal, la tête emplie de visions affreuses.

- Emmène-moi au combat Ardrakar, je ne te décevrai pas.

Elle guida ses hommes jusqu’à la frontière de la Draconie où elle rencontra les sauvages. La bataille fut violente à l’extrême, si bien qu’à la fin la victoire de la Draconie était totale, mais au prix de nombreuses vies.

Un bruit coupa le rêve, ou devrions nous dire cauchemar, d’Ardrakar. Ses yeux de démon lui permettaient une vision claire même s’il n’y avait pas la moindre lumière. Elle ne les vit qu’au moment où les larbins lui sautèrent dessus. Sa réaction fut trop tardive pour leur échapper. Elle eut le temps de saisir Azur et d’en embrocher un avant d’être submergée et finalement assommée.

Kounok se réveilla comme si on venait de lui hurler dans les oreilles. Il plaqua ses mains contre sa tête pour atténuer le bruit, mais rien n’y fit. Le lien était là, bien présent et désormais clairement établi. Il sentait qu’elle était en danger aussi se lança-t-il immédiatement à sa recherche. Il fila comme le vent à travers la plaine, poussant sa monture au maximum. Il se dirigea d’instinct dans la bonne direction et au bout d’une heure il trouva un objet brillant ainsi que d’autres affaires. Au sol il découvrit bon nombre de traces de pas griffus.

- Azur !

L’épée gisait quelques mètres plus loin recouverte d’une substance gluante et rougeâtre. Juste à côté un larbin bien mal en point tentait de se traîner pour fuir les lieux. Kounok fit apparaitre Chimère et l’enfonça dans la créature qui succomba immédiatement. Il récupéra Azur et se remit en route, sentant toujours Ardrakar en danger.

Kounok avait raison de s’en faire pour elle car les larbins arrivèrent où était Amidaraxar avec leur précieux chargement. Ils la déposèrent non loin du corps de l’humain que Fournaise avait habité. Ensuite ils se mirent en cercle autour du Néhantiste et de sa proie. Ardrakar avait mal partout, les larbins l’avaient traînée sans faire attention la cognant sur des cailloux. Amidaraxar marcha autour d’elle comme un vautour s'apprêtant à se délecter d’un cadavre.

- Chère Ardrakar, tu es tombée bien bas.

- Ami.. daraxar... A quoi rime cette mascarade ?

- Mascarade ? Ceci n’est pas une mascarade, ceci est la fin de l’aventure pour le chevalier de Néhant. Après tant de temps tu t'avères un échec, un soldat perdu pour la cause, se délecta le Néhantiste. Aussi je vais récupérer ce que le maître t’a prêté. Ce sera un processus lent et extrêmement douloureux. Il est probable que tu en meures même.

- Dimizar ne permettra pas ça, tenta-t-elle de répliquer.

- Di... mais laisse ce fou où il est, il n’a aucun pouvoir, il sert le maître comme moi et si le maître veut te voir morte, alors sa volonté sera faite. Je me souviens lorsque j’ai fait de toi la guerrière qui fit trembler les civilisations. Ce jour là je t’ai confié mon meilleur élément, pensant faire de toi la créature ultime, un être proche de Néhant ! Regarde-toi, tu es pathétique !

Amidaraxar s’éloigna d’elle et regarda les larbins.

- Tenez-lui les jambes et les bras, ordonna-t-il en sortant une lame de cristal noire de sa manche. Officions !

Il fit alors une profonde entaille dans le bras d’Ardrakar et imprégna la lame de son sang. Les larbins entrèrent en transe et commencèrent à l’unisson une sorte de mélopée incantatoire et lugubre dans une langue que peu de personnes osaient parler en terre de Guem. Amidaraxar plaça sa main libre en hauteur au dessus de sa victime tout en incantant des sorts Néhantiques. Une fois terminé, il posa sa main à plat sur le ventre d’Ardrakar qui hurla de douleur. Son armure et les vêtements recouvrant la peau de son abdomen se consumèrent rapidement laissant la peau apparente. Puis par magie le symbole de Néhant apparut, comme gravé au couteau, la douleur était incomparable et insoutenable. Elle perdit connaissance lorsque le symbole fut complet et s’illumina de rouge sombre.

- Je coupe les entraves qui te retenaient, démone, à présent tu es libre de revenir vers moi !

Une main translucide sortit du symbole, puis une deuxième. Elles s'agrippèrent à ce qu’elles purent puis ce fut le tour d’une chevelure, puis d’une tête de dépasser du symbole Néhantique. Enfin, d’un coup, s’aidant de ses mains la créature se propulsa pour se libérer du corps d’Ardrakar. Elle avait les traits caractéristiques d’un démon, une peau lisse et épaisse, des cheveux de feu, des cornes en haut d’un visage inexpressif et dépourvu de bouche. Ses formes étaient celles d’une femme et avait exactement la même taille et allure qu’Ardrakar. Elle s’inclina pour saluer un Amidaraxar ravi de revoir la démone.

- Autre temps, autre nom, désormais tu seras nommée Déchirure.

La démone fit apparaître une arme très étrange, sorte de faucille à la forme particulière.

- Oui tu peux l’achever, de toute façon elle est perdue.

Kounok arriva au moment où Déchirure brandissait son épée avec la volonté d’ouvrir la gorge d’Ardrakar. Le Chevalier Dragon sauta de cheval en plongeant sur la démone qui n’eut guerre le temps de réagir à l’assaut. L’impact fut rude mais l’un comme l’autre encaissèrent le choc et se relevèrent rapidement. Kounok fit apparaître Chimère en même temps que les larbins détalèrent pour éviter l’affrontement. Le temps se figea, Kounok observait ses adversaires consciencieusement. Certes il y avait la démone, mais il y avait aussi un Néhantiste inconnu. Aussi ne chercherait-il pas à vaincre ses ennemis, préférant établir une stratégie de protection afin de récupérer Ardrakar. Doucement il alla s'intercaler entre la démone et Ardrakar toujours inconsciente. Amidaraxar prenait la situation très au sérieux, on l’avait mis au courant de la nomination d’un nouveau Prophète ainsi que de sa description exacte. Il connaissait bien l’ancien Prophète pour avoir fait un duel magique lors de la guerre contre Néhant aussi aurait-il pu réagir en fonction s’il l’avait eu en face de lui. Mais là ce Prophète semblait être un combattant aguerri, de plus il portait Chimère et ça le rendait très dangereux. Il se contenta donc de regarder Déchirure se battre contre lui. Les premiers échanges entre les deux adversaires n’étaient que prétextes à une mesure des forces de l’autre. Chimère vibrait de contentement dans la main de Kounok et pour la première fois depuis qu’ils étaient côte à côte, la lame se fit entendre.

- Venge-toi Kounok ! Ils ont tué ton frère et tu es arrivé juste à temps pour sauver un ancien Chevalier Dragon. Frappe !!!

Le Prophète se concentra et fit appel au lien privilégié avec Dragon et s’élança contre la Déchirure. Mais celle-ci était redoutable, faisant preuve d’une agilité hors du commun, esquivant la lame de Kounok avec dextérité. Elle aussi préparait un coup. Chaque démon avait ses spécificités, pour elle c’était le fait d’être plus puissante en compagnie de ses larbins. Aussi fit-elle appel à ces derniers qui arrivèrent par un portail démoniaque. La situation se compliqua pour Kounok, ces petits démons avaient l’air plus menaçants que les autres. Hélas pour les créatures elles n’étaient pas très résistantes et en quelques coups trois d’entre elles mordaient la poussière. Les larbins sautèrent sur Kounok qui les évita, mais cela laissa une ouverture à Déchirure qui plongea lame en avant pour entailler profondément le flanc du Guémélite. Fort heureusement son armure le protégea en partie. Il répliqua en la propulsant sur Amidaraxar. C’était maintenant ou jamais. Kounok planta Chimère dans le sol, souleva Ardrakar pour la mettre sur son épaule avant de courir vers sa monture. Il aurait été vite rattrapé si Chimère n’avait pas émis une forte lumière bleue. Amidaraxar sentant là la magie de Dragon et craignant un coup fourré stoppa la course de Déchirure qui allait poursuivre le fuyard.

- Non !! Attends !! Cria-t-il en tenant le bras de la démone.

Il eut bien fait d’attendre car la lame s’évapora créant un effet magique destructeur.

- Intéressante rencontre. Ce Prophète va nous causer des problèmes. Activons-nous pour délivrer le maître le plus rapidement possible. Quand à toi démone je vais t’envoyer porter un message à Dimizar.

Chapitre 3 - De nouvelles révélations

La pluie battait le manoir de Zejabel depuis plusieurs jours. Dimizar savait qu’Ardrakar avait mis les voiles sans prévenir, ce qui l'avait mis hors de lui. Mais la colère laissa la place à la réflexion et aux interrogations. Il s’enferma dans son laboratoire avec pour consigne de ne le déranger sous aucun prétexte.

- Que fais-tu Dimizar, demanda une voix en provenance du miroir.

Mais il ne répondit pas.

- Que fais-tu Dimizar, répéta la voix avec plus d’insistance.

- Je cherche quelque chose. Mais merci de vous inquiéter de ce que je fais. Dit-il en lisant une page précise du journal. Je viens de trouver.

D’un pas décidé il traversa la caverne et fit face à son reflet déformé. Il respira profondément et dicta à plusieurs reprises une même phrase dans une langue ancienne.

- Que fais-t...

Mais l’image déformée disparut d’un coup, laissant place à une autre vision. Le sort qu’il venait de lancer servait autrefois à localiser les troupes Néhantistes, Zejabel très paranoïaque l’utilisait principalement pour espionner les autres mages adeptes de Néhant.

- Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt.

En effet Dimizar pouvait ainsi voir où se trouvait exactement Ardrakar. Le sort fut au-delà de ses espérances car il localisa Amidaraxar. Par curiosité il s’arrêta sur lui et regarda de quoi il pouvait bien parler. A sa grande surprise la discussion portait sur Ardrakar qui n’était pas loin de la prison de Néhant. Il observa donc tous les faits et geste du lieutenant de Néhant durant de longues heures, jusqu’à la capture d’Ardrakar. Un passage l’intéressa plus que le reste.

“Di... mais laisse ce fou où il est, il n’a aucun pouvoir, il sert le maître comme moi et si le maître veut te voir morte, alors sa volonté sera faite. Je me souviens lorsque j’ai fait de toi la guerrière qui fit trembler les civilisations. Ce jour là je t’ai confié mon meilleur élément, pensant faire de toi la créature ultime, un être proche de Néhant ! Regarde-toi, tu es pathétique !”

Fronçant les sourcils la colère monta.

- Ah oui, je n’ai aucun pouvoir ? Moi qui t’ai aidé à sortir de ta prison dont tu étais incapable de sortir tout seul, dit-il comme si Amidaraxar était devant lui. Pourquoi me traites-tu de fou ?

Les idées se bousculaient dans son cerveau. Il continua d’assister à la scène et vit le combat contre Prophète et l’inertie d’Amidaraxar face à lui.

- Tu pues la traîtrise à plein nez.

Dimizar continua le voyage avec l’aide du miroir pour arriver jusqu’à Masque de fer. Ce dernier était derrière la porte fermée du laboratoire et écoutait ce qu’il se passait.

- Bien... de mieux en mieux. Je comprends pourquoi Zejabel était aussi prudent, va falloir que je protège mes arrières, dit-il en annulant le sortilège.

Son image dans le miroir se déforma à nouveau.

- Alors Dimizar, c’était instructif ?

- Maître qu’est ce que ça signifie ? Déplora-t-il. Vous n’êtes pas satisfait de moi puissant Néhant que votre lieutenant et mon apprenti jouent contre moi.

- Je crois que tu es prêt pour apprendre une vérité.

- De quoi parlez-vous ?

- Ne t’es-tu jamais demandé pourquoi tes compagnons ne pouvaient ni me voir ni m’entendre ?

- Parce que telle est votre volonté ?

- Non, parce qu’ils ne le peuvent pas et ne le pourront jamais. Tu me prends depuis le début pour Néhant, or je ne le suis pas, bien que je l’eut servi autrefois.

- Zejabel, répondit Dimizar.

- Exactement, tu as notre pierre-cœur rappelle-toi, et je l’ai dit au travers de la lettre que j’ai laissé. Tu es moi et je suis toi.

- Pourquoi m’avoir fait croire que vous étiez Néhant. Vous m’avez trompé.

- C’était nécessaire. Et puis je ne t’ai pas fait croire, c’est toi qui m’a nommé ainsi. Mais grâce à moi tu es désormais aussi puissant que moi. Et ce n’est pas fini. Libéré de Néhant, attendant mon héritier j’ai réfléchi à ma condition et à mes pouvoirs. Ils étaient encore bien présents malgré tout. Aussi ai-je entrepris de les récupérer. C’est grâce à mes découvertes que j’ai fait de toi ce que tu es. Puis tu as permis à Néhant de se rétablir modérément.

- Et alors ?

- Pour Néhant tu n’es rien qu’un serviteur, tout comme moi je l’étais et à ce titre sacrifiable. Ce que j’essaie de te dire c’est que tous les pouvoirs que tu as, tu les garderas même sans être à la solde de Néhant et ce grâce à moi. Devenons celui que tu veux être. Tu es déjà lié à mon ancienne pierre-cœur alors cela ne sera pas difficile.

Le miroir se mit à luire, provoquant un flash verdâtre. Lorsque celui-ci cessa Dimizar sentit les changements. Il s’observa dans le miroir, son image était toujours déformée, sauf que cette fois, il le savait, le reflet était bien le sien.

- A présent, occupons nous du fouineur, dit-il en ouvrant la porte. Masque de fer fort surpris recula dans les escaliers.

- C’est ta pierre-cœur que j’ai là, dit Dimizar en montrant sa main où effectivement une pierre verte sombre se trouvait.

Masque de fer mit la main dans la poche intérieure de son long manteau et confirma l’absence de sa pierre-cœur.

- Que comptes-tu faire Dimizar ?

- Ce que j’aurais dû faire lorsque nous nous sommes rencontrés.

La pierre devint alors noire comme les ténèbres...

L'offensive Zil

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Chapitre 1 - Le vent du changement

Kaketsu, le plus âgé des Conseillers se regardait dans le miroir de sa salle d’eau. Il devait se présenter sous ses meilleurs atours car ce jour était un tournant dans sa vie. Ses servants l’avaient habillé de la tenue cérémonielle du Conseil, celle qu’il n’endossait qu’en de très très rares occasions.

- J’ai vieilli, dit-il à ses servants.

- Nous sommes tous des prisonniers du temps, Doyen, mais chez nous la vieillesse est signe de sagesse.

- Flatterie, lâcha le vieil homme en rigolant. Venez autour de moi mes compagnons.

Les trois serviteurs arrêtèrent leurs activités pour écouter le doyen.

- Je suis fier de vous avoir à mon service, certains depuis quelques années, d’autres depuis presque une vie. Vous êtes mes appuis, mes confidents, mes conseillers et à vrai dire j’espère que vous continuerez à assumer ces rôles dans mes nouvelles fonctions. Je sais que je vous demande beaucoup, mais ça serait un véritable honneur de vous avoir à mes côtés.

Les serviteurs furent surpris. Le plus âgé d’entre eux, originaire de l’empire de Xzia souriait.

- Vous savez bien que je vous suivrai vers vos nouvelles fonctions, dit le serviteur en s’inclinant respectueusement.

Les deux autres suivirent le mouvement.

- Dans ce cas, préparez-vous pour le voyage, nous partirons dans deux jours. Quant à moi, il est temps de faire ce que j’ai à faire.

Ce jour là le Conseil de guilde, diminué de quelques membres se réunit pour une réunion ô combien exceptionnelle, ce qui avait une fâcheuse tendance à arriver souvent ces derniers temps. Le Doyen entra dans la grande salle où certaines places étaient inoccupées, il fut accueilli par une salve d'applaudissements de la part des Conseillers. Le vieil homme fut si ému qu’il prit la parole la gorge nouée et la voix tremblotante.

- Merci à tous, mes amis. Avant de commencer cette séance permettez-moi de prendre la parole. Je suis à l’aube de quatre-vingts années de vie. J’avais une dizaine d’années lorsque Eredan stoppa Néhant, clôturant ainsi une époque de guerre. J’eus même l’immense privilège de le rencontrer et de lui parler. Je me souviens encore de ce qu’il m’a dit - Une nouvelle ère de paix s’ouvre aux peuples de Guem. Des héros se sont levés face à l’adversité et ont vaincu. A présent d’autres héros vont apparaître, garants d’une paix précieuse.

Kaketsu marque une pause pour reprendre son souffle.

- J’ai vu le Conseil de guilde se créer et je savais que ma place était là, pensant protéger le monde. Ce que j’ai fait jusque-là. A présent un nouveau conflit ravage les terres de Guem et moi je suis trop vieux, incapable de voir le serpent se faufiler entre les pierres. Des conseillers ont failli, ils sont tombés sous l’influence du mal et sans l’intervention des Combattants de Zil et des Envoyés de Noz’Dingard la situation aurait empiré. Le flambeau doit être transmis à une nouvelle génération de conseillers et il doit y avoir un nouveau doyen.

L’émotion se fit sentir parmi l’assemblée.

- C’est au plus âgé d’entre vous de prendre le relais et de devenir à son tour Conseiller-doyen.

Kaketsu quitta son pupitre pour se mettre au centre de la pièce.

- Conseiller Vérace, approchez.

Vérace le savait, en l’absence d’Edrianne qui n’était plus conseillère, c’est lui qui était le plus vieux. Il s’avança avec fierté.

- Il vous appartient de guider les autres conseillers. La fonction de Doyen n’est pas simple, il vous faudra beaucoup de patience et de sang-froid pour résoudre les pires situations. Mais votre détermination à mettre un terme à la tempête que nous avons affrontée me fait penser que vous êtes la personne idéale. Je vous nomme au nom du Conseil et par ma qualité, Conseiller-doyen, dit-il en tendant la main au nouveau Doyen.

Tout le monde salua cette nomination, validant ainsi l’accession à la fonction par Vérace.

- A présent, Doyen, Conseillers, je vous quitte, mes appartements seront vides d’ici quelques jours. Bonne route à tous, dit Kaketsu en reculant vers la sortie. Je ne vous dis pas adieu car nous nous reverrons.

Le vieil homme laissa ceux qu’il avait côtoyés des années durant. Laissant Vérace prendre ses premières décisions. Ce dernier s’installa au pupitre-siège du Conseiller-Doyen et prit la parole.

- Chers conseillers, nous avons beaucoup de travail pour améliorer la situation. En premier lieu il faut nommer de nouveaux conseillers qui viendront s'asseoir parmi nous. Comme le veulent les règlements du Conseil vous avez deux jours pour me faire part de vos recommandations qui seront ensuite discutées dans une séance particulière le lendemain.

Les conseillers commencèrent à parler entre eux, laissant déjà échapper quelques noms. Vérace nota avec application les actes pris aujourd’hui comme devait le faire le Doyen. Pour cela il fut grandement aidé par un morceau de parchemin laissé par Kaketsu lui indiquant des points à traiter. Une fois cela fait et pour la première fois il tapa le sol du bout du bâton de cérémonie. Et se leva.

- En tant que Conseiller-Doyen, je suis chargé du bien fondé des lois votées par le Conseil. Suite aux récents évènements j’invalide la loi sur l’autorisation de la pratique du Néhantisme ! De même la guilde du dénommé Dimizar est déclarée hors la loi.

Il n’y eut pas un seul bruit dans la pièce, juste des hochements de tête appuyant la décision.

- Nous savons de sources sures et avec de nombreuses preuves que la tentative de prise de pouvoir est l’œuvre de ce Dimizar. Aussi je demande que soit mise à prix la tête de cette personne et que toutes les guildes en soient informées. Nous voterons demain sur ce sujet...


Une semaine plus tard.

Le Conseil sortait de plusieurs jours de délibérations sur divers sujets très importants. Kaketsu avait quitté le château de Kaes pour retourner vers l’empire de Xzia où un poste important l’attendait. Marlok et Abyssien furent tous les deux convoqués au château, la raison de leur venue n’était pas clairement citée aussi, mais ils s’y attendaient bien, le Conseil les avait nommés pour rejoindre l’organisation. Vérace les reçut dans une des salles annexes.

- Merci d’avoir accepté dit-il en donnant un verre rempli d’un breuvage à ses invités.

- Je n’ai pas encore dit oui, ironisa Abyssien.

Marlok prit une lampée et se posa dans un large canapé.

- Allons Abyssien, tu ne refuserais pas un retour au Conseil mon ami.

Abyssien s’installa à son tour dans un fauteuil.

- Bien sur que non, je comptais redonner la main au niveau des combattants.

- Vous honorez le Conseil, je suis certain que nous serons efficaces avec vous. Vous réglerez les détails administratifs avec le conseiller en charge de ça, j’aimerais que nous parlions de la situation actuelle.

- Vous songez à Dimizar en disant cela n’est-ce pas ? Demanda Marlok d’un air sérieux.

Vérace s’assit à son tour, soupirant.

- Nous avons frôlé le pire avec cette démone infiltrée. Dès lors il est important de prendre les devants et de frapper avant que l’ennemi ne s'aperçoive de notre action. Ne leur laissons plus aucun répit.

- Vous avez raison Doyen, dit Abyssien. Plus le temps passe plus nous laissons la corruption s’installer. Donnez carte blanche aux Combattants de Zil et nous débusquerons Dimizar et ses amis.

- La démone qui a été capturée a parlé, mais Dimizar est au courant il ne va pas rester sur place, j’appuie donc la demande du conseiller Abyssien, argumenta Marlok.

- Ce Néhantiste ayant été déclaré hors la loi, les combattants peuvent agir, le Conseil n’a pas spécialement d’aval à donner, répliqua Vérace. Tout cela nous amène à un deuxième point qui est directement lié à notre première affaire. Il semble que les Nomades du Désert soient aussi un sérieux problème. Mais nous ne pouvons pas dissoudre cette guilde sans que leurs membres aient enfreint les lois, hors tous les rapports les concernant sont clairs sur ce point, ils ont été attaqués et se sont défendus.

- Vous oublié que leur présence provoque un changement important, provoquant une sorte de corruption des terres alentours.

- Oui, Marlok, bien que cela soit du bon sens, aucune de nos lois ne permet de leur donner tort tant qu’ils sont sur un territoire qui n’appartient à personne.

- Vous voulez dire que tant que cela n’a pas atteint la Draconie, l’Empire de Xzia ou les territoires Eltarites nous ne pouvons rien faire ? reprocha Marlok.

- Hélas.

- Bon ! Je vais prévenir Farouche et vous laisser complo... euh, je vous laisse discuter du futur, dit Abyssien très amusé.

Chapitre 2 - Attaque directe

Grâce à diverses indications, les Combattants de Zil avaient localisé avec plus ou moins de précision l’endroit où devait être le manoir de Zejabel. Farouche menait les troupes avec beaucoup de passion et tout le monde était très enthousiasmé par ce raid contre ceux qui leur avaient causé bien des problèmes l’année passée. Bien que l’infiltration était pour eux un jeu d’enfant, ils eurent beaucoup de mal à trouver l’entrée du tunnel menant au manoir qui était bien cachée par un sort d’ombre. Celui-ci n’échappa pas à l’expérience de Salem.

- Maintenant on applique le plan à la lettre, pas d’écart ou de fantaisie. En premier lieu Sombre, Sangrépée, et Granderage vous partez en éclaireur, j’veux savoir combien ils sont dans leur repère. Une fois qu’on saura qui est où, on attaque avec la force de frappe. L’objectif est de capturer leur chef. Il sera facile à repérer c’est lui qui donne les ordres et qui est protégé par ses ptits copains. Souffla Farouche.

L’ensemble des Zil écoutaient avec beaucoup d’attention et d’excitation. Certes tout cela était extrêmement dangereux, mais cela n’était pas important vu l’enjeu de la manœuvre.

- Salem, Kuraying, je vous laisse mettre votre art en pratique. Ergue tu sais ce que tu as à faire. Grosse tête tu nous fais le réseau s’il te plait ?

- Ne m'appelle pas grosse tête, répondit le Psy avec beaucoup de patience. Je m’occupe de ça.

- Génial !

Farouche respira un grand coup.

- On se rate pas ! Dit-elle en regardant Kuraying.

L’étrange personnage se leva et s’inclina devant la jeune femme. Son visage ne laissait pas de doute sur ses origines, il venait de l’empire de Xzia. Son rôle au sein des Combattants était de préparer le terrain et de faire des spectacles en solitaire afin de repérer les endroits où les gens étaient ouverts aux artistes.

- Maître Salem, puis-je avoir l’honneur de m’occuper de cacher nos amis à la faveur des ombres.

L’épouvantail dodelina de la tête et Kuraying se leva.

- Venez à moi combattants nommés par Farouche que je vous cache aux yeux des ignorants, demanda l’homme au regard sombre.

Kuraying les emmena à l’écart à l’ombre d’un énorme rocher.

- Je vous demande de ne pas bouger, restez les bras le long du corps.

Alors qu’il fit comme une sorte de danse autour de l’ombre du rocher, des serpents noir comme la nuit sortirent de ses manches pour aller lentement jusqu’à une des filles. Et ainsi de suite jusqu’à ce que toutes soient enroulées par une des créatures. Tels des boas, ils se mirent à serrer très forts leurs "proies".

- Laissez l’ombre s’emparer de vous pour ne faire plus qu’un !

Les serpents tournoyèrent en serrant de plus en plus fort lorsque d’un coup il ne resta plus qu’eux, les filles Zil avaient disparu. Transformées en serpents des ombres elles avaient de quoi passer totalement inaperçues. Serpentant elles glissèrent entre les rochers et entrèrent dans l’orifice caché dans la paroi de la montagne.

Du côté de Farouche une autre partie du plan se mettait en place. Ergue chantait un air très perturbant, étrange et exotique. Soriek tenait un petit tambour à la forme particulière, rythmant ainsi le chant de son ami. Les autres Combattants de Zil surveillaient les alentours pour qu’aucun curieux ne vienne fourrer le nez dans leurs affaires.

Le Psy tenait la tête de Farouche de ses deux mains au niveau des tempes. “Farouche, tu peux désormais parler aux Combattants de Zil”. Salem assistait au rituel de Ergue avec beaucoup d'intérêt. En cet instant il ne regrettait pas la présence de ces personnes dans la guilde qu’il avait fondée, aujourd’hui il avait ce pourquoi il s’était battu, une guilde soudée et forte.

“Sombre, Sangrépée, Granderage, que voyez-vous? ”

“SSsssuis dans les jardinss, y a plein d’humainsss, des esssclaves. Ah y a aussssi une créature de cristal tout rouge et moche qui garde la sortie du tunnel.” répondit Granderage.

“Je suis dans le manoir, y a un démon qui se balade et un démon avec des drôles d'ailes” dit à son tour Sangrépée.

“Moi j’ai touché le gros lot, ils sont nombreux en dessous, y a comme une caverne, une sorte de laboratoire.”

A ce moment, Ergue et Soriek furent entourés par une fumée rougeoyante et tournoyante. Salem y vit à plusieurs reprises comme des masques tribaux, proche de ceux des Elfines, mais plus imposants. Peu à peu la fumée ce concentra et entoura une personne de la taille de Soriek, sauf qu’il n’y avait plus Ergue. Lorsqu’il n’y eut plus de fumée, Salem comprit, Ergue et Soriek ne faisaient plus qu’un, c’était très impressionnant.

“Faut les faire sortir de là, les filles, et comment fait on sortir des rats de leur trou ?” Interrogea Farouche.

“Avec du feu !” s’exclama Sombre, “Sangrépée vient me filer un coup de main s'il te plait.”

"J'arrive !"

“Attendez mon ordre pour agir ! Granderage, je crois que tes copains t’attendent, rends-toi à l’entrée de la caverne côté manoir et prépare-toi”.

“Très bien, ssss'est parti”.

- Maintenant que Mashtok est là, on peut y aller, on va les défoncer ! Dit la créature avec le mélange des voix de Ergue et Soriek.

- Dans ce cas, passe devant et amuse-toi bien. “Les filles, faites parler les flammes !" lança Farouche avec fermeté.

De leur côté Sombre et Sangrépée reprirent leur apparence dans un coin du laboratoire de Dimizar. Le Néhantiste était là avec une partie de sa clique. Sombre fit signe à Sangrépée de lancer sa bouteille enflammée en même temps qu’elle. Un petit signe de la tête et la fête commença. Les bouteilles s’écrasèrent sur les meubles de bois, répandant leur matière qui s’enflamma instantanément. La surprise fut totale pour les Néhantistes. A la vue du feu Dimizar et Masque de fer détalèrent comme des lapins devant des chasseurs. Seule Anagramme resta, visiblement irritée elle remarqua entre la fumée et les flammes les deux responsables. Sombre et Sangrépée qui commencèrent à leur tour à se diriger vers la sortie. Anagramme, très perverse attendit que Sombre commence à monter les marches pour attaquer. Sangrépée s’en rendit vite compte et un combat débuta entre elles avec la menace des flammes pour décor.

A peine l’assaut fut-il donné par Farouche que Mashtok se précipita dans le tunnel, son objectif était simple, agir tel un rocher déboulant une pente et ouvrir le passage jusqu’au manoir. Les autres Combattants de Zil lui emboîtèrent le pas, bien décidés à éradiquer toute créature Néhantique. Granderage attendit que la tête de Mashtok sorte de l’ombre du tunnel pour attaquer Carkasse. La créature à moitié Ergue à moitié Soriek plaqua Carkasse avec violence, laissant le champ libre aux autres de passer.

Dimizar ordonna à Masque de fer de défendre le manoir pendant qu’il se rendait dans son bureau. L’apprenti de Dimizar rejoint par Mâche l’âme tentèrent de faire front. La magie de Néhant fusa sur Mashtok, ayant pour effet de donner de la force à Carkasse qui reprit le pas pour finalement avoir le dessus. Mâche l’âme affronta Sanvisage et Kolère alors que Saphyra s’élança contre Masque de fer et Salem. Manipulés par la magie de Dimizar et Masque de fer, les humains aux alentours furent contraints de s’interposer, dégoûtant les Combattants de Zil d’une telle perfidie. Un orage éclata au dessus du manoir déversant une pluie battante. Quant à Granderage, elle avait reculé et avait entamé un rituel semblable à celui de Ergue et Soriek avant l’attaque. Mashtok donna un grand coup à Carkasse de ses deux mains jointes pour le faire reculer, puis il fit un bond en arrière pour rejoindre Granderage. Terrifik le clown et le Psy s’interposèrent le temps que le rituel soit fini, ce qui ne dura que quelques minutes. C’est alors qu’un rugissement se fit entendre dans ce lieu entouré de hautes falaises. Ce cri, c’était celui d’un monstre, LE monstre, l’Abomination venait de refaire son apparition, mélange de Granderage, Ergue et Soriek. La créature Zil se jeta sur Carkasse et lui assena des coups de poings rageurs. Sa fureur était infinie et le pauvre Carkasse n’eut guère de chance contre un adversaire aussi fort. Un uppercut fit valser le colosse rouge, puis un autre coup de poing commença à fendre la croute de cristal. Enfin l’Abomination mit toutes ses forces dans un ultime coup. L’armure de cristal qui recouvrait la pauvre victime des expériences de Dimizar explosa en des dizaines d’éclats qui se mêlèrent à la pluie. Le cœur de l’’homme de chair et de sang qui se trouvait dessous cessa de battre, terrassé par son ennemi...

Dans le sous-sol Anagramme, Sombre et Sangrépée se battaient comme des furies. Mais les flammes les avaient repoussées dans les escaliers donnant l’avantage à la femme aux allures d’araignée en lui accordant un affrontement un contre un. Mais les Zil étaient toutes deux fortes et agiles, Anagramme savait qu’à présent elle devait s’échapper. Grâce à ses pattes elle s’agrippa au mur et d’un bond les positions s’inversèrent, elle était en haut et elles en bas, c’était le bon moment, elle se mit à courir vers la sortie.

Au deuxième étage, Dimizar, rejoint par le Déchu avait récupéré quelques affaires importantes. La fumée nocive roulait sur le plafond. Le Néhantiste n’avait pas le choix, la seule issue était bloquée par les Combattants de Zil, il lui fallait prendre un tout autre chemin. Il ne prit pas vraiment le temps de bien faire, il renversa son bureau et se mit à dessiner des symboles sur le plancher.

- Pourvu que ça tienne, dit-il, inquiet.

Dans le couloir le Déchu fut confronté à un problème pour le moins inattendu. Télendar, qui avait discrètement suivi les Combattants de Zil depuis plusieurs jours, profita du dos du Déchu pour lui planter une dague bien profondément entre les omoplates et la retirer aussi vite. Le Démon hurla et pour éviter un deuxième coup sauta par la fenêtre dans un grand fracas. Il eut énormément de mal à battre des ailes entre sa blessure et la pluie, mais il y arriva au prix de grands efforts. A l’intérieur, Télendar allait pouvoir prendre sa revanche et régler sa dette envers la Draconie. Il enfonça la porte du bureau de Dimizar et plongea dague en avant vers la forme qui s’y trouvait. Le Néhantiste était entrain de disparaître au moment où la lame perfora sa poitrine. Télendar lâcha la lame et roula par terre pour finir sa course la tête dans les bouquins posés en vrac.


La bataille du Manoir était finie quelques minutes plus tard. Le bilan n’était pas à la hauteur des espoirs de la guilde. La pluie s’arrêta assez vite, laissant le feu consumer doucement mais sûrement le manoir de Zejabel. Télendar alla à la rencontre de ses anciens camarades étonnés de le retrouver ici.

- Bien que Dimizar ai pris la fuite, j'ai réussi à lui porter un coup qu'il n’oubliera pas. J'espère qu'il va en mourir.

Enfin les humains étaient libres et le reste des Néhantistes en fuite, cela donnerait du répit à un monde qui en avait bien besoin. Enfin le pensaient-ils tous.


Dimizar réapparut à l’autre bout du monde dans un lieu sombre et humide. Il était à quatre pattes, du sang coulait par sa bouche et le long de la poignée de la dague plongée dans son poumon gauche.


Il sentait sa vie partir...

Le tombeau des ancêtres - Chapitre 2

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Il faisait chaud en cette journée de fin d’automne si bien que le maquillage de Kyoshiro perlait en se mêlant à sa sueur. Les rues d’Okïa fourmillaient de soldats de l’armée impériale en garnison. Malgré cela il n’eut aucun problème pour circuler dans la ville en raison de l’énorme créature qui marchait à côté de lui. Mais la nouvelle de la présence du champion de lutte de l’Empire de Xzia se propagea très vite.

- La rumeur était donc vraie, on a bien fait de venir mon vieux, dit-il à l’attention d’Okooni.

Le Guémélite de la guerre n’avait qu’une idée en tête : manger ! Il resta donc silencieux jusqu’à leur arrivée sur la seule et unique place du village où une délicieuse odeur vint aux narines du colosse. Celui-ci attrapa son ami qui bien que de bonne taille paraissait minuscule à côté.

- Eh ! Qu’est-ce qu’il y a ? Lâcha Kyoshiro secoué par son ami.

- Manger ! Répondit-il avec force.

L’odeur venait d’un restaurant itinérant très connu qui suivait les mouvements de la Kotoba et tenu par l’un des meilleurs cuisiniers au monde, l’honorable et très respecté Ramen. Le petit homme aux joues bien rondes vit débarquer les deux compères et en fut extrêmement ravi. Les soldats bien que présents s’occupaient plus de leurs affaires que de nourriture. Okooni poussa les sièges et s'assit à même le sol pour être à la bonne taille vis à vis du comptoir de ce mini restaurant au grand désarroi de l’acteur Kotoba.

- Excusez mon ami, il a un gros creux, dit Kyoshiro à Ramen qu’il connaissait déjà.

- Ne vous excusez pas. répondit Ramen en se penchant vers le Guémélite. Alors honorable Okooni, je vais voir ce que j’ai pour votre... corpulence.

Le repas se passa au rythme de la description des derniers combats d’Okooni jusqu’à ce que le bruit d’une animation attire leur attention. Un énorme loup courrait dans la rue sans faire attention aux gens, provoquant une panique. C’était Ryouken, le féroce loup de guerre de la Kotoba. Il semblait perturbé levant le museau pour sentir l’air. Il s’arrêta près de la boutique de Ramen, reniflant à tout va.

- Qu’est ce qu’il y a ? Demande Kyoshiro. Un problème ?

Kyoshiro connaissait de nombreuses légendes sur Ryouken, il savait que ses apparitions menaient toujours à un combat, un affrontement ou une bataille. Le loup continua sa course effrénée en direction de la sortie de la ville.

- Suivons-le ! Hurla-t-il.

Okooni avala le reste du gigantesque bol que Ramen lui avait préparé, lâcha une bourse pleine de pièces de cristal avant de lever son énorme masse pour suivre tant bien que mal la frêle silhouette de Kyoshiro. Ce dernier voyant Ryouken les semer à vive allure, accéléra leur progression grâce à la magie de l’air. S’apercevant qu’il était suivi, Ryouken se mit à ralentir mais ne fut rejoint au bout d’une journée de course. Au loin la pierre tombée du ciel brillait de mille feux, entourée de rochers volants lentement. Le loup de guerre regardait dans cette direction précisément et repartit de plus belle accompagné cette fois d’Okooni et Kyoshiro.

L’armée éthérée de l’ancien général Zatochi Kage accompagnée de certains membres de la Kotoba s’était immobilisée pour laisser les vivants profiter de la nuit. Le tombeau des ancêtres était loin désormais et le lendemain augurait d’une bataille qui promettait d’être mémorable. Zatochi et Yu Ling regardaient les environs avec dégoût. La terre n’était plus que sable sans vie là où la nature autrefois s’épanouissait. Même la nuit était bouleversée par la forte lumière émanant de la pierre tombée du ciel. Mais cela ne choquait pas Iro qui se posa pour méditer et réfléchir à un plan de bataille. Il ne connaissait pas les forces des adversaires, mais leur magie était puissante et terriblement différente de celle des draconiens.

Yu Ling de son côté n’avait aucune appréhension, la vieille femme était dépositaire d’un savoir ancestral, celui des chasseurs de démons, et par le plus grand des hasards Zatochi fut aussi un membre de cet ordre en son temps.

- Malyss ! Cria-t-elle, réveillant le mage du Corbeau qui somnolait non loin.

- Oui ? Qu’est ce qu’il y a ? Paniqua-t-il.

- Nous allons avoir affaire à la magie d’un dieu, nous allons avoir besoin de renforts. Préviens de suite les traqueurs qu’ils viennent le plus vite possible ils nous seront utiles. Et préviens aussi Gakyusha et l’Empereur, qu’ils préparent les armées.

Malyss pesta d’être utilisé comme un simple messager, mais il fit ce qu’on attendait de lui et créa plusieurs corbeaux d’ombre qui s’envolèrent dans cette nuit lumineuse.

Quant à Arkalon, ancien Chevalier-Dragon, il restait de son côté, évitant de trop se mêler à ceux qui furent ses ennemis. Depuis son retour dans ce “monde” il sentait le lien avec Dragon se reformer. Au beau milieu de la nuit il fut de nouveau capable de converser avec lui.

- Ainsi tu es revenu, lui dit Dragon. Que cherches-tu Arkalon ?

- J’ai vu ce qu’est devenue Ardrakar et j’en suis offensé. Permettez-moi de la remettre sur le droit chemin, ensuite je ne perturberais plus l’équilibre des mondes. J’ai fait serment d’aider le général Zatochi et la dénommée Yu Ling à affronter je ne sais qui.

- L’équilibre a déjà été rompu au moment où la pierre tombée du ciel c’est écrasée sur Guem.

Dragon marqua une pause.

- Je regrette que tu n’aies pas eu les funérailles dignes de ton rang. Lorsque tout cela sera fini, tu seras honoré comme il se doit.

- Merci Dragon. Peut être ai-je mal jugé nos opposants, je sens ma magie vaciller ici.

- Mes yeux sont aveugles, je ne vois pas ce qu’il se passe au tombeau des ancêtres.

- A mon avis, Seigneur, il n’est pas certain que l’empire gagne cette bataille. C’est un pressentiment.

- Tu as bien dit général Zatochi ? L’ancien maître des chasseurs de démons ? La bataille s’annonce épique. Je vais envoyer des gens pour aider au combat, quant à toi nous t’aiderons à accomplir ce pourquoi tu es revenu parmi nous.

- Je vous remercie, Dragon.


Ïolmarek, en hauteur sur une des pierres flottantes autour de la gemme jaune observait l’armée de fantômes arriver sur eux. Ils étaient si nombreux qu’à côté les nomades n’étaient qu’une insuffisante poignée.

- Eksoun ! Aramak zar !

Il avait déjà entendu cette voix auparavant, c’était celle du chant du cristal ! Elle venait de l'appeler dans une langue qu’il comprenait sans jamais l’avoir parlée.

- Je suis votre dévoué ! Assura le vieux nomade.

- Je serais bientôt là, serviteur, et alors ce monde deviendra un amas de cendres. Défend la pierre, IL sera à ton écoute.

Ïolmarek le savait déjà, il sentait qu’ici tout était possible et il avait déjà un plan pour défendre les lieux. Il appela Soraya pour faire le point avec elle sur l’ordre qu’il lui avait donné.

- Oui grand prêtre ?

- Seras-tu capable d’accomplir le miracle que j’ai demandé ? S’inquiéta-t-il.

- Il va revenir oui, encore un peu de patience.

- Ma patience atteint ses limites.


Le soleil pointait le bout de ses rayons lorsqu’un hurlement vint percer le silence funeste. Iro se réveilla, fatigué mais malgré tout en alerte. Il se leva d’un bond pour voir d’où venait ce cri animal. Ryouken arriva à toute allure, précédant d’une longue distance ses deux compagnons à bout de souffle. Le loup de guerre traversa les rangs des fantômes ne s’arrêter qu’à la hauteur de Zatochi qui fut surpris de le voir. Ryouken sauta sur la cuirasse en partie vermoulue du général manquant presque de le reverser. Ce dernier passa sa main dans l’épaisse fourrure du Guémélite de la guerre.

- Vous vous connaissez ? interrogea Iro stupéfait.

- Nous avons un destin en commun. Ryouken a combattu avec moi ici-même, à l’époque il y avait une meute entière de vaillants combattants comme lui. Je les ai vus arracher des bras comme si leurs ennemis n’étaient que de vulgaires poupées. Tu as senti l’odeur d’Ushikami le chef de meute n’est-ce pas ? Reste à mes côtés et tu auras l’occasion de très vite le revoir à l’œuvre.

- Ushikami... Maintenant que vous en parlez je me souviens de la statue qui vous représente à Meragi, vous chevauchez une créature énorme, ajouta Iro.

Kyoshiro et Okooni se frayèrent un chemin à leur tour, impressionnés par cette armée ô combien extraordinaire. L’homme de scène qu’était Kyoshiro se retrouva au milieu de glorieux ancêtres dont certains avaient hanté nombre de ses histoires. Il s’inclina respectueusement devant Iro et Zatochi.

- C’est un immense privilège pour les modestes personnes que nous sommes que de vous rencontrer. Nous espérons que nous vous seront utiles dans cette... bataille ?

- Soyez les bienvenus, les accueillit Yu Ling. Toute bonne volonté est appréciée, dit-elle en montrant un tatouage bizarre sur son avant-bras.

Kyoshiro et Okooni reconnurent le symbole en forme de tête stylisée d’une créature, comme un masque de samouraï : celui des chasseurs de démons. Cet ordre depuis la fin de la guerre contre la Draconie était devenu secret et avait soi-disant disparu. En réalité il agissait en coulisse, ses membres éparpillés aux quatre coins du monde ne connaissaient dans leur vie que peu d’autres chasseurs de démons. Kyoshiro prit un air sérieux et à son tour leva sa manche, découvrant le même symbole.

- Je trouve cette coïncidence étrange, dit-il d’une voix beaucoup plus monocorde et grave qu’à son habitude.

- Je suis Grande chasseresse de l’ordre, mais nous en parlerons à un autre moment, pour l’instant je vais vous demander de mettre en pratique ce que l’on vous a enseigné, ordonna-t-elle avec détermination. Général, remettons-nous en route.

Les genoux de Soraya s’enfonçaient dans le sable chaud au pied de la pierre. Elle implorait depuis maintenant une bonne heure que le dieu qu’elle avait servi toute sa vie daigne lui accorder ce qu’elle désirait. Sa prière était presque finie, elle plongea les mains sous les grains de sable en entonnant cette fois à haute voix l’antique invocation que son prédécesseur et grand prêtre de Kehper lui avait confiée avant sa mort.

Soudain il y eut comme des vagues sur la surface lisse de ce désert miniature, puis Soraya fut prise de spasmes et se roula au sol. Sa respiration devint haletante et son cœur battait la chamade.

- J’entends ta prière et y réponds, prêtresse, le temps est venu pour moi de fouler cette terre comme je le fis jadis.

La jeune femme ressentit alors l’extase d’une présence divine, le dieu qu’elle avait prié toute sa vie l’honorait en l’incarnant. Sa peau devint entièrement noire avec des reflets dorés et aussi dur que la chitine. Sur son front poussèrent deux antennes et ses yeux devinrent opaques et à la couleur d’or. Ses soubresauts cessèrent et Soraya, enfin Kehper, se releva. Elle respira un grand coup et examina ses mains qui se terminaient par des petits crochets. Les nomades qui assistèrent à la scène furent très impressionnés. Ïolmarek sentit la présence d’une divinité et il fut rassuré.

- Venez à moi mes fidèles guerriers, hurla l’incarnation de Kehper en plongeant ses mains dans le sable.

Le sol trembla puis des créatures sortirent de terre. Leur apparence était celle de gros scarabées noirs dont les mandibules pouvaient couper même du métal. Il en poussait de partout si bien qu’au final c’était une armée qui était sortie du sol.

- Sol’ra n’aura pas à intervenir, mon armée exterminera quiconque nous fera face, qu’ils soient humains ou non !

- Je prierais pour votre réussite, ajouta un Ïolmarek galvanisé par la perspective de la défaite adverse.


Le soleil était à son zénith lorsque les deux armées se firent face. Il n’y eut aucun temps mort, aucune hésitation et encore moins d’évaluation des forces adverses. Avec fureur, l’incarnation de Kehper, les créatures scarabées ainsi qu’une bonne partie des nomades se jetèrent sur l’armée adverse composée de Zatochi, des fantômes des ancêtres, de Iro et des chasseurs de démons.

Le rouge des tenues impériales se mêlèrent au noir des scarabées. Rapidement les chasseurs de démons firent des ravages dans les rangs nomades, d’antiques sortilèges de la guerre fusèrent, éclatant pattes et carapaces. De leur côté les nomades n’étaient pas en reste. Kararine, Ahmid, Lodir et Malika, inspirés par les prières à Sol’ra repoussaient les fantômes avec facilité.

Au milieu de ce chaos total Kehper incarné dans le corps de Soraya dévoilait une redoutable puissance. Se rendant compte de la difficulté de ses troupes à résister aux vivants de la Kotoba, le dieu entreprit de s’interposer. Il se retrouva face à Zatochi qui devant lui planta son sabre à double lame et frappa le sol avec la paume de sa main. Des symboles Xziarites apparurent avant de s’effacer aussi vite. Zatochi venait d'appeler Ushikami. L’énorme loup était vraiment une réplique de Ryouken, mais de taille démesurée, il était bien plus gros qu’un bœuf. Il déchira de sa puissante mâchoire plusieurs scarabées avant que le général ne monte sur son dos. A présent ils n’avaient plus qu’une obsession.

Au fil de la bataille les positions s’inversèrent. Iro se trouvait être un fin tacticien, voyant que le flanc gauche de la mêlée leur était acquis il ordonna aux troupes de continuer la percée pour prendre à revers le flanc droit. Ce dernier n’était pas à l’avantage des Xziarites mais tint bon grâce à Kyoshiro et Ookoni qui prouvèrent aux autres membres de la Kotoba qu’aucun d’eux n’avait volé leur présence au sein de la guilde impériale. Les minutes défilèrent comme des années. Kehper faisait face à Zatochi, mais ce dernier bien que redoutable combattant ne faisait pas le poids. Yu Ling et Malyss lui prêtèrent main forte, résistant tant bien que mal. Iro vit la bataille changer son cour. Kehper comprit que les fantômes n’étaient que des soldats sans grande importance et appela ses troupes afin que telle une vague insectoïde, elle submerge Zatochi et les autres vivants. Une fois ces personnes détruites le reste ne serait que du détail. Le champion de l’empereur hurla ses ordres demandant à Kyoshiro et ses compagnons de bataille de percer le centre des rangs nomades. Ce qu’ils firent avec l’aide de l'impressionnante masse d’Okooni. Iro joignit le mouvement, mais quelque chose le perturba. Tout autour de lui sembla ralentir, sa main se porta alors sur Kusanagi, l’épée semblait vouloir l’aider. La lame brillait intensément et guida le bras du champion, taillant les scarabées d’un seul coup.

Yu Ling était blessée, tout comme Malyss. Zatochi était affaibli par la théurgie de Kehper. La bataille allait être perdue ! L’incarnation désarçonna le général puis l’attrapa par la gorge. Bien que fantôme et insensible à la douleur, la poigne de la femme insecte provoquait des ravages en terme spirituel.

- Pauvre de toi, tu vas disparaître à jamais ! affirma Kehper.

Zatochi se sentait partir, il était vidé de sa substance, son âme fondait comme neige au soleil. Alors qu’il s’attendait d’un moment à l’autre à disparaître, Iro intervint. Le héros de la Kotoba utilisa toute son expertise en terme de maniement de lame et coupa d’un geste l’avant-bras qui tenait le général. L’incarnation du dieu de son visage mi-humain sembla en colère.

- Comment oses-tu porter la main sur un dieu ! Misérable chose !

Iro répondit en se mettant en garde, lame en avant. Sur le côté Yu Ling et Malyss se soutenaient l’un l’autre pendant que Ryouken les protégeait. A ce moment précis, la bataille se joua, Iro affrontait Kehper, chacun le savait celui des deux qui survivrait ferait remporter la victoire à son camp. Le champion sentit qu’il n’était pas seul. Outre ses compagnons et ses ennemis il y avait quelqu’un d’autre, et pas n’importe qui. Focalisé sur son duel il ne fit pas attention à qui était à ses côtés. Mais tous les autres Xziarites le virent, Zatochi reconnut immédiatement cette personne qui était dans la même position martiale qu’Iro. Son armure était splendide et le masque qui cachait son visage était célèbre car triste et effrayant. Lui aussi tenait une épée, la même que celle brandie par Iro, Kusanagi ! Aucun doute sur l’identité de l’apparition, c’était le premier empereur, celui qui posa les fondations d’une civilisation florissante, le chef de guerre Xzia.

Iro s’élança en même temps que Xzia si bien que l’on pouvait se demander qui imitait l’autre. Kehper fit appel à ses dons divins et une nuée de scarabées se forma devant lui en même temps qu’il fit repousser sa main. Inconscients du danger Iro et Xzia plongèrent au travers des insectes pour atterrir juste devant l’incarnation. Mordus par des dizaines de petit scarabées, Iro sentit sa peau se déchirer, mais il passa outre la douleur, porté par l’empereur il frappa de toutes ses forces, serrant Kusanagi comme si elle était une extension de sa propre vie. Kehper tenta d’esquiver mais n’échappa pas à la lame qui lui trancha la tête au niveau du cou, le décapitant.

La tête de Soraya roula sur le sable entre les pattes des créatures scarabées...

L’hiver arrive

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Noir...

La chaleur devrait partir...

Mais elle est encore là au plus profond de la terre...

Cela ne peut être ainsi, j'entends l’écho de la lente agonie...

Combien de temps ai-je passé à dormir ?


La terre couverte de feuilles mortes se souleva, découvrant le riche humus de la forêt Eltarite. Quelque chose sortit de là, on aurait dit une main, mais faite de racines. Puis lentement l’espace autour se souleva à son tour avec pour seuls bruits le bruissement du vent dans les branches presque dénudées. Les rares animaux qui se préparaient à passer la saison froide cachés au fond d’un terrier ou d’un trou dans un arbre s’arrêtèrent intrigués par l’activité. Des mottes de terre mêlées de végétaux morts tombèrent du dos d’une créature pour le moins étrange. Elle avait bien deux bras, deux jambes et toutes les caractéristiques d’un humanoïde mais son dos était voûté, ses doigts touchaient le sol. Son allure chétive contribuait à lui donner l’apparence d’une créature morte, mais tel n’était pas le cas. Elle se balança de droite à gauche, puis commença à marcher dans une direction. Ses pas imprécis et ses jambes ayant perdu l’habitude de la porter manquaient de le faire tomber. Avec douleur, son corps engourdi par le sommeil se réveillait lentement. Ses yeux s’habituaient doucement à la faible lumière de l’automne et ce qu’elle entrevit le catastropha. C’était l’automne, bien avancé certes, mais l’automne tout de même. Or, depuis qu’elle existait, fruit de l’Arbre-Monde, chacun de ses réveils ne se faisait invariablement qu’au plus profond de l’hiver. Désorientée, sans repère, la créature tourna en rond jusqu’à ce qu’enfin elle sache où aller, attirée par ses congénères.

Parlesprit suivait depuis quelques temps déjà les esprits de la forêt qu’il trouvait perturbés. Ceux-ci suivaient un chemin qu’eux seuls semblaient connaître mais qui n’avait pas de logique. Tournant au détour d’un arbre, passant sous une racine ici, faisant parfois demi-tour. Il crut même à un moment que ses petits compagnons lui jouaient un tour facétieux. Les esprits en forme de flamme s’arrêtèrent près d’un trou fraîchement creusé où des vers de terre luttaient contre la goinfrerie de quelques hérissons. Parlesprit ressentit une magie de la nature encore en activité et les petites créatures se mirent à suivre une piste tout aussi erratique que le chemin parcouru jusque-là. Finalement le Daïs se retrouva face à face avec la créature sortie de terre. Les esprits l'entourèrent et sautillèrent comme pour la saluer. Elle ne bougea pas, se stabilisant sur ses deux larges pieds, ses yeux fixaient le Daïs avec intensité. Parlesprit examina ce qu’il venait de trouver avec intérêt et curiosité, puis perçut ses pensées confuses. Il lui parlait comme le faisait les siens. Malgré l’aspect physique il n’y avait pas de doute, ce qu’il avait en face de lui était un Daïs, mais il ne le connaissait pas, il avait l’air vieux. La créature couverte de racines et de terre se rapprocha de Parlesprit.

- Fruit du Grand Arbre, enfant de la nature, accepteras-tu d’aider ton aîné ? Lui dit-il par la pensée.

Parlesprit inclina la tête.

- Le temps m’a courbé et brouillé les idées, mène moi à mon frère, Quercus, ainé de tous les Daïs.

Quercus ? Oui, le nom de ce Daïs faisait partie des légendes, il fut le premier fruit de l’Arbre-Monde et celui qui enseigna la voix de la nature au Kei’zan.

- Quercus ? Il s’est éteint il y a bien longtemps, qui êtes-vous pour l’avoir connu ?

- Quercus... retourné à la terre. Eikytan, c’est le nom que m’a donné le Grand Arbre. Qui dirige les Eltarites ?

Ce nom aussi, Parlesprit l’avait déjà entendu, le Kei’zan le mentionnait dans d’autres histoires en d’autres temps. Eikytan... le gardien de l’hiver que l’on priait lorsque venait la saison froide afin que chacun puisse trouver un lieu et de quoi passer cette période. Mais en aucun cas il ne s’agissait de quelqu’un de vivant ! Les Daïs étaient rarement impressionnés par quelque chose ou quelqu’un, mais cette fois-ci Parlesprit ressentit de l’honneur de rencontrer et discuter avec une si illustre personne.

- Venez Eikytan, je vais vous conduire au Kei’zan.

- Kei’zan ? Hum... bien. Prête-moi ton épaule que j’y pose ma main, mes jambes sont engourdies.

Sa réaction mit un froid à Parlesprit, mais il n’en dit mot et préféra voir ce qu’il allait advenir de la rencontre entre eux deux.

Au nord de la forêt des Eltarites, le Sachem et le Kei'zan s’occupaient du Mangepierre. Le Grêlé, quant à lui arrivait sur le territoire d’Akem en compagnie de deux invités de marque et alliés des Coeurs de Sève - Pilkim et son père, le Maître-Mage Marzhin. Ces derniers étaient envoyés par Dragon afin de rencontrer le Mangepierre et de juger de sa capacité à être la réponse au conflit de la pierre tombée du ciel. Le Kei’zan accueillit ses invités avec une grande diplomatie.

- Envoyés de Dragon, vous êtes ici chez vous...

Il n’eut pas fini sa phrase que Pilkim, derrière son père se décala et vit un peu plus loin le Sachem en train de discuter avec le Mangepierre, petite créature d’à peine un mètre de hauteur et à l’aspect qui ne laissait présager d’aucun pouvoir particulier. Le jeune Draconien tira le manteau de son père en lui montrant la créature.

- Veuillez pardonner mon fils, Kei’zan, s’il est doté d’un génie en terme de puissance magique, il est peu doué pour le protocole, dit Marzhin gêné.

- Ce n’est rien, vous êtes venu voir le Mangepierre, aussi ne perdons pas de temps, ajouta le Daïs en les invitant à rentrer dans le village aujourd’hui peuplé de ceux qui furent autrefois dans les confins.

Le vent soufflait lentement dans les arbres, les dénudant un peu plus à chaque fois de leurs feuilles orangées. Pilkim courut jusqu’à la petite place centrale et s’arrêta juste avant d’atteindre le Sachem qui tendait justement quelques gemmes de couleurs différentes à son petit protégé.

- Alors c’est vrai, il mange bien des cristaux s'extasia le jeune mage. Il en mange beaucoup ? Il a grandi depuis qu’il est sorti de son œuf ? C’est bien d’un œuf qu’il est sorti n’est-ce pas ? Il fait de la magie ? Il dort combien d’heures par nuit ? Enfin si il dort bien sûr...

Pour une fois l’adolescent se montra véritablement loquace alors qu’en temps normal il n’aurait pas dit un mot, surtout en présence d’étrangers qui plus est d’une autre origine.

- Pilkim ! Cesse donc de harceler ce monsieur veux-tu ! Contente-toi pour le moment d’observer, car c’est par là que tout commence.

L’enseignant qu’était Marzhin reprit le dessus et il s’adressait à Pilkim comme s’il était un de ses étudiants. Pourtant il ne l’était plus depuis bientôt deux ans, mais ça le Guémélite avait beaucoup de mal à l’admettre. Le jeune garçon fit alors ce qu’on attendait de lui et même plus, prouvant qu’il était surdoué. Il se pencha au-dessus du Mangepierre et l’examina, percevant ainsi sa nature.

- Et bien à en juger la magie qui émane de lui on pourrait penser que c’est un Guémélite. Mais dans ce cas il devrait avoir une pierre-cœur visible quelque part sur son corps. Hors il ne présente pas cette caractéristique, aussi cela ne laisse supposer qu’une chose, la pierre est à l’intérieur de son corps.

Pilkim hésita puis toucha la peau grisâtre du Mangepierre, parcourant les étranges bandes blanches qui telles des tatouages parcouraient sinueusement son corps.

- Je ressens une puissance incroyable et unique... Père de quel élément est-il ?

Le Maître-mage était un spécialiste des Guémélites, lui-même l’était devenu, et à plusieurs reprises, ce qui en soit était un exploit de haute volée. Il existait beaucoup d’éléments, mais dans le cas du Mangepierre cela n’était ni le feu, ni l’air, ni l’eau, ni même un élément plus exotique comme l’ombre ou la lumière. Non cette fois, c’était très différent, il y avait en lui une puissance que les draconiens côtoyait, si familière.

- N’y a-t-il rien qui te fasse penser à quelque chose au niveau de la magie mon fils ?

Pilkim sourcilla puis plaça ses deux mains sur le dessus de la tête du Mangepierre. La relation évidente entre elle et Dragon lui sauta à la figure.

- C’est un Guémélite... de Guem ??? S’étonna-t-il.

- C’est la théorie que j’ai. Dragon ne nous a pas envoyé ici par hasard, il devait se douter ou connaître la nature du Mangepierre.

Les Eltarites assistaient à la scène en tentant de suivre la conversation, mais les termes utilisés par les draconiens n’étaient pas les même que les leurs et ils furent à la traîne rapidement.

- Ce qui est étonnant c’est que son attitude correspond à celle d’un enfant, difficile alors de connaître ses pouvoirs. Ajouta Marzhin avec perplexité. Vous dites qu’il était dans un œuf ?

- Oui, répondit le Sachem. Il est resté sous cette forme depuis que nous l’avons eu, il y a très longtemps.

- Pourquoi a-t-il éclos maintenant alors ? Demanda Pilkim.

- Là aussi j’ai une théorie. Vous devez savoir que la magie émane de Guem. Si nous autres Guémélites pouvons utiliser un fragment de magie, comme par exemple la magie du feu pour les Guémélites du feu, nous entretenons un lien étroit avec le dit élément. Dragon est lié à Guem, c’est pour ça que sa perception du monde est si précise. Il doit en être pareil pour le Mangepierre.

- Vous voulez dire que Guem aurait demandé au Mangepierre d’intervenir ? Interrogea Kei’zan.

- Tout à fait ! Mais pas directement, je crois que c’est par notre biais que cela est arrivé. Ceci dit, je me demande toujours quels sont ses pouvoirs.

Alors que Marzhin et Pilkim analysaient le Mangepierre, l’attention du Kei’zan et du Grêlé fut attirée par l’arrivée de deux personnes. Parlesprit arrivait sur le chemin menant au village d’Akem et celui qui le suivait glaça le dos du Grêlé. Cela lui rappela des souvenirs très désagréables.

- Eikytan !!! Fit-il raisonner dans les têtes de toutes les personnes présentes avec une grande amertume.

Kei’zan attrapa le bras de son frère pour le retenir.

- Non ! Ne fait rien qui pourrait te valoir un retour dans ta prison d’ambre ! Menaça-t-il.

Eikytan ne reconnut le Kei’zan et le Grêlé que lorsque sa vue lui permit c’est à dire que lorsqu’ils arrivèrent à leur niveau.

- Voici Eiky... allait dire Parlesprit.

- Nous savons qui c’est, coupa le Grêlé énervé de se retrouver en présence du vieux Daïs.

- Dans ce cas je ne vais pas déranger plus, répondit Parlesprit très gêné de la soudaine détérioration de l’ambiance.

- Tu peux rester, mon ami. Quant à toi Eikytan je suis dubitatif quant à la raison de ton réveil.

Le vieux Daïs tenta de se redresser mais la douleur le contraignit à attendre plus avant de renouveler l’expérience.

- Ainsi tu as pris la place de Quercus jeune Daïs.

- Il n’a pris la place de personne, le rôle de guide de la nation Eltarite lui a été confié à la mort du vénérable ! Râla le Grêlé.

- Je ne t’adresse pas la parole paria. Tu n’as pas à t’adresser à moi ainsi. Ordonna Eikytan.

Sentant que son frère allait craquer il s’interposa.

- Va donc prendre des nouvelles de nos éclaireurs et préviens-nous de toute nouveauté s’il te plait mon frère.

Rageur, le Daïs frappa un innocent caillou de son pied et quitta les lieux très rapidement. Kei’zan invita Eikytan à se reposer au village et délaissa temporairement les Draconiens qui de leur côté étaient de toute façon très occupés à percer les mystères du Mangepierre.

- La nature crie, Kei’zan, l’entends-tu hurler sa souffrance ? Interrogea Eikytan.

- Tu as des nouvelles à m’apporter ? Quelque chose que j’ignore ? Pourquoi t’es-tu réveillé ?

- Quelque chose ronge la terre, il fait trop chaud, l’hiver arrive mais risque de ne pas être comme à son habitude. Souviens-toi, je suis le gardien de l’hiver et en tant que tel je me devais de réagir à ce profond changement.

- Ce dont tu parles est le résultat d’une pierre tombée du ciel il y a quelques temps. Nous cherchons avec nos alliés une façon de nous débarrasser d’elle, mais elle est bien protégée par des gens à la magie très différente de la nôtre.

- Je me joindrai à toi, Kei’zan, dans la lutte qui est celle de notre peuple. Une fois que je serai rétabli je partirai réveiller les créatures de l’hiver.

Le gardien de la Cœur de Sève avait aussi oublié ce détail, les gardiens des saisons pouvait en cas de danger réveiller les esprits liés aux saisons. Ceux de l’hiver étaient glaciaux et implacables comme la saison dont ils étaient issus. Pour le moment et après plusieurs semaines le Mangepierre n’avait pas fait grand-chose et la situation pressait de plus en plus, si la pierre agressait la nature il fallait se décider vite, agir sans le Mangepierre ou attendre une réaction de sa part ?

- Très bien, toute aide est la bienvenue en ces temps de conflits.


Marzhin et Pilkim passèrent la soirée en présence du Mangepierre. L’adolescent en avait profité pour noter tout ce qu’il pouvait afin de faire plus tard un compte rendu auprès du compendium, organisation qu’il espérait rejoindre à sa majorité. Il avait tout répertorié, sa taille, sa forme, comment il se déplaçait, la forme de l’œuf d’après les restes. Le plus remarquable c’était son métabolisme absolument incroyable. Son nom n'était pas volé, il ne mangeait que des pierres mais avec une énorme préférence pour les cristaux. Eikytan se posa non loin de l’attraction et se prit à son tour d'intérêt pour la petite créature. Il écouta avec beaucoup d’attention les remarques des humains et il les trouva sages et intelligents. Lui aussi connaissait les légendes sur le Mangepierre, mais c’était vague dans son esprit et c’est seulement au prix de gros efforts que les souvenirs se rappelèrent à lui. Ce qu’il allait révéler allait faire l’effet d’une bombe.

- Lorsque je suis né, parmi les premiers fruits de l’Arbre-Monde, il y avait plusieurs Mangepierres. Nous les appelions simplement Cristaliens. A cette époque les nations humaines n’étaient que quelques tribus éparpillées sur Guem. Un beau jour ils ont disparu sans que l’on puisse savoir ce qu’il advint d’eux. Seuls restèrent quelques œufs, dont celui-ci. Le Kei’zan fut très surpris de cette histoire, lui était né longtemps après la disparition des Mangepierres. A son tour il s’installa pour écouter l’histoire de son ainé.

- Vous en avez vu des adultes alors ? Osa demander Pilkim.

- Oui. Lorsqu’un jeune Cristalien avait trop de puissance en lui alors il s’isolait pour devenir autre chose.

- Comme une chenille et un papillon ? Dit Marzhin fasciné.

- Mais comment faire pour avoir de la... Mais Pilkim arrêta sa phrase et se leva lentement pour ne pas laisser échapper sa lumineuse idée. Père, les pierres-cœur sont bien sources de grand pouvoir magique n’est-ce pas ?

Il ne laissa pas son père répondre car il connaissait très bien la réponse.

- Je crois que les Mangepierres peuvent acquérir de la puissance en ingurgitant des pierres-cœur.

- Mais je doute que quelqu’un laisse dévorer sa pierre-cœur et les Guémélites ne peuvent vivre sans la leur.

Marzhin testait son fils, il y avait des solutions pour fournir au Mangepierre de quoi obtenir le nécessaire.

- La pierre-cœur de l’Arbre-Monde, dit Kei’zan, évitant ainsi à Pilkim de répondre.

Si Eikytan était pourvu d’une bouche, alors il aurait souri.

- L’Arbre-Monde avait une pierre-cœur ? Décidément cette journée est vraiment pleine d'enseignements ! Marzhin se leva à son tour.

- Oui il en avait une, mais elle a explosé en même temps que lui. Il reste encore des fragments, mais seulement un d’eux a encore de la magie de l’Arbre-Monde et il est hors de question que le Mangepierre le croque. Coupa le Kei’zan de manière abrupte.

La joie des draconiens fut donc éphémère, mais il y avait d’autres possibilités à explorer.

- Les éclats de Dragon ? Nous nous en servons pour nos plus puissants rituels mais cela pourrait faire l’affaire ? Questionna Pilkim à l’attention de son père.

Après une longue respiration et une intense réflexion du Maître-Mage, celui-ci acquiesça.

- C’est la meilleure solution, celle que je retiens. Nous aurions pu solliciter les vendeurs de pierres-cœur, mais le résultat serait incertain. Il nous faut contacter Dragon sans tarder ! S’enthousiasma-t-il. Pilkim, sors ce que t’a confié Marlok avant de partir, ça va nous être utile.

A des lieues de là, Marlok s’afférait dans son laboratoire lorsqu’il ressentit un des cristaux magiques posés sur son bureau s’activer par magie. Il courut jusqu’à lui et l’attrapa de sa main gauche car il fallait le contact de la chair pour que la liaison se fasse. Immédiatement l’esprit de Marzhin et de Marlok entrèrent en contact comme si leurs pensées se joignaient. L’expérience était perturbante pour les deux draconiens. Une étrange discussion se passa entre eux, mais pas comme s’ils étaient face à face, mais comme un entremêlement de réflexions, d’impressions, de sentiments. Cela ne dura qu’un instant mais le message était passé. Marlok reposa avec précaution le cristal sur le bureau, mais l’objet se fendit de part en part.

- La prochaine fois faudra que le cristal résiste, ça va me coûter une fortune sinon. Bon, faire parvenir un éclat de Dragon à Marzhin... Rien que ça...

Marlok se rendit donc au palais afin de demander audience à Anryéna qui assumait la gérance durant l’absence de Kounok. Du coup obtenir ce qu’il désirait s’avéra bien plus simple qu’il ne le présageait. Restait alors à faire parvenir l’objet rapidement, vu la distance entre la Draconie et la forêt Eltarite, Marlok dut une nouvelle fois faire preuve d’ingéniosité. Mais les membres du Compendium sont de redoutables magiciens et grâce à eux, ainsi que d’un coup de pouce de Dragon en personne, l’éclat fut téléporté jusqu’à Marzhin et son fils.

C’est Pilkim qui eut l’honneur de donner l’éclat de Dragon au Mangepierre. Ses yeux brillaient de joie lorsque le magicien lui présenta le cristal gavé de magie, il ne résista pas et se jeta dessus comme un enfant sur un gâteau. L’éclat de Dragon ne résista pas à sa puissante mâchoire, écrasant avec plaisir chaque particules il avala goulûment ce met succulent. Une fois fini, il se leva tant bien que mal et prit la direction de la sortie du village. Toute la troupe lui emboîta le pas et traversa ainsi un bon bout de forêt avant l’arrêt du Mangepierre dans un endroit calme et serein. Là au milieu des arbres et de grosses racines le Mangepierre tomba, inconscient. Les Eltarites ne furent pas étonné par ça, Eikytan retint Marzhin.

- Attendez, admirez la nature faire.

Le Mangepierre se replia sur lui-même puis une coquille se forma lentement autour de lui, si bien qu’au final il se retrouva à l’intérieur.

- Laissons le tranquille, dit le Kei’zan. Draconiens si vous voulez rester pour observer, vous avez l’air d’en avoir... envie.

Effectivement Pilkim n’avait pas attendu plus et s’était remis à prendre des notes.

- Oui, merci Kei’zan, nous allons rester là pour assister à son éclosion. Mais vous ne voulez pas rester aussi ?

- Nous ne serons pas loin rassurez-vous.

Deux jours avaient passé et les Draconiens avaient fini depuis longtemps leurs observations. Ils attendaient avec fébrilité ce qui allait être une renaissance. Le moment venu, l’œuf se fendit en une multitude de fissures sur tout le haut de sa surface, craquant comme si on brisait du verre. Pilkim était au summum de l'excitation, il assistait à ce qui était pour lui “le meilleur moment de sa vie”. Un à un les morceaux de coquilles tombèrent parmi les vieilles racines.

- C’est gluant ! Remarqua avec joie Pilkim. J’ai le droit d’en garder ?

- Oui bien sûr, l’académie a besoin de ce genre de retours. Regarde bien Pilkim, je doute que nous ayons l’occasion de revoir ça un jour.

Marzhin aida le Mangepierre à se dégager de sa coquille et la surprise fut de taille. Le Mangepierre avait désormais des formes féminines et avait la taille de Pilkim. Elle avait les cheveux courts à la couleur blanc cassé.

- C’est une fille ! Incroyable ! Lâcha Pilkim un peu gêné. Je ressens une forte magie qui se dégage d’elle.

- Oui et bien plus que ça, lui répondit son père.

Le Mangepierre s’étira, bailla à s’en décrocher la mâchoire puis sourit à ses spectateurs. Elle se leva encore engluée par l’étrange liquide contenu dans l’œuf puis fit quelques pas, s’adaptant à sa nouvelle taille. Marzhin, attentionné lui offrit son manteau pour la couvrir.

- Merci, Maître-Mage Mazhin, dit-elle en touchant la pierre sur le front du draconien. Vous êtes proche de Guem, continuez ainsi !

- Je... je vais vous mener à vos gardiens, dit-il en bafouillant.

Pilkim ne put se retenir de poser des questions.

- Vous parlez notre langue ? Vous nous reconnaissez alors ? Quels sont vos pouvoirs ? Et...

La Guémélite de Guem lui posa la main sur la joue, faisant rougir comme une écrevisse le jeune mage peu habitué au contact féminin.

- Tu auras tes réponses Pilkim, mais pour le moment laisse-moi me remettre, la transformation a été rapide grâce à Dragon, mais elle m’a beaucoup fatigué.

Au village, le Grêlé réapparut avec Melissandre à ses côtés, l’Elfine était très inquiète.

- Kei’zan, les gens de la Kotoba avec une armée partent attaquer les envahisseurs. Il est peut-être temps de joindre nos forces aux leurs pour éradiquer définitivement cette menace ?

Le Daïs analysa la situation et prit l’une des décisions des plus importantes de sa vie.

- Melissandre, que ta tribu se prépare. Eikytan, pars réveiller les esprits de l’hiver, quant à moi je vais faire l’Appel. A présent que nous avons le Mangepierre nous pouvons remporter la victoire.

Arrivèrent les Envoyés de Noz’Dingard et leur nouvelle amie.

- De ce que je sais, intervint Marzhin, Dragon va aussi envoyer une délégation pour appuyer la Kotoba. Ma mission étant achevée je vais d’ailleurs les rejoindre.

- Comment vous remercier pour votre aide ? Demanda Eikytan.

- Et bien vous savoir à nos côtés durant la bataille qui s’annonce est déjà une belle récompense.

L’Epopée

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Chapitre 1 - Retour

Le retour d’Aez à Camlahan fut triomphant. Brandissant l’épée des Cinq Ancêtres sur son cheval au caparaçon vert, le guerrier longtemps errant revenait en héros, porteur des espoirs de son royaume. Les serviteurs du château s’étaient affairés pour tout préparer avant son retour annoncé par les éclaireurs de l’Est. Comme pour saluer le revenant, de grandes oriflammes à la tête de lion blanc flottaient dans une douce brise en ce jour radieux. La nouvelle s’était répandue dans la cité et toute la population était là pour cette grande occasion. La mère d’Aez, la douce reine Isabelle, le cœur empli de joie serrait contre sa poitrine la couronne de son défunt époux. De par son statut elle devait rester digne et ne pas se laisser aller mais au fond d’elle revoir son fils en vie et porteur de la lame était un rêve.

Les gardes de Camlahan écartèrent la foule pour laisser passer le chevalier qui arriva à vive allure jusqu’à la porte du château. Là, il sauta de sa monture pour marcher sur le chemin central qui gagnait l’entrée du bastion. A mi-chemin, d’un large geste il dégaina l’épée des Cinq Ancêtres de manière à ce que tous puissent l’admirer et comprendre que l’Avalonie avait désormais un roi. Le jeune homme arriva devant sa mère et mit un genou à terre la pointe de l’épée contre le sol de pierre.

- Mère, voici la lame des Cinq Ancêtres forgée par le premier roi d’Avalonie et symbole de mon rang. Que me soit confiée la couronne et qu’à jamais je sois le gardien du royaume ! Dit-il de manière à ce que toute personne autour d’eux entende ses mots.

La reine afficha un large sourire et avala une grande goulée d’air avant de répondre.

- Dans le respect des traditions le roi d’Avalonie doit brandir l’épée des Cinq Ancêtres. Tu as sauvé l’honneur d’une famille, l’honneur d’un peuple. A présent soit reconnu comme le roi légitime !

A ce moment là elle posa délicatement la couronne sur la tête de son fils. Quelques secondes passèrent avant que celui-ci ne se relève pour faire face au peuple. Il n’y avait plus un bruit. Courtisans et nobles s’inclinèrent devant lui, suivis par les gens du peuple. Les hommes se découvrirent de leurs couvre-chefs quant aux dames elles se baissèrent en tenant un pan de leur robe en signe de respect.

L’Avalonie avait un roi.

De son balcon en haut de la plus haute tour du château, Aez regardait le ciel avec beaucoup d’inquiétude. Il n’y avait pas un seul morceau de ciel visible, tout était caché par d’épais nuages dont la couleur ne laissait rien présager de bon. L’atmosphère était pesante, lourde et étouffante. “Que se passe-t-il ? Est-ce la fin du monde ?” se demanda-t-il. Il n’attendit pas plus longtemps car il était décidé à tirer cela au clair. Dehors la ville n’était plus que des rues vides, les habitants s’étaient réfugiés chez eux car très superstitieux. Il traversa sur son cheval la cité pour rejoindre rapidement une maisonnette de pierre isolée au milieu d’un bois. Dehors un homme attendait. En voyant Aez arriver, il se leva de son banc et s’inclina en signe de respect. Cet homme portait un grand manteau violet et son âge se lisait sur son visage et sa barbe grise. Le roi regarda à gauche, puis à droite cherchant quelqu’un du regard.

- Majesté, je suis ravi de vous revoir, dit le vieil homme. Je n’ai que peu de temps à vous accorder aussi je serai bref.

Aez se concentra et le reconnut.

- Tempus ? C’est vous mon ami ? Dit-il en descendant de cheval. Que vous est-il arrivé.

- C’est bien moi. J’étais jeune quand vous êtes parti pour de lointaines contrées et vous me retrouvez désormais âgé. C’est une longue histoire, mais qui n’a rien à voir avec ce qui vous amène.

- Parce que vous savez pourquoi je suis là ?

- A cause de l’Equinoxe mon ami.

- L’Equinoxe... QUOI ?? Une Equinoxe !

- Oui majesté, vous avez bien entendu. La dernière eut lieu durant le Grand Tournoi d’Yses, il y a un peu plus de vingt ans. Et voilà que cela recommence. Sauf que cette fois cela va être différent. Ecoutez-moi bien car vous devez agir maintenant. L’Equinoxe va être l’occasion pour une créature de répandre des œufs sur toute la surface des terres de Guem. Il vous appartient de nettoyer l’Avalonie pour qu’aucun ne vous échappe.

Aez pensait déjà à diverses stratégies, il lui faudrait faire appel à tous les seigneurs, barons, comtes et ducs. Le destin lui jouait un tour cruel en le mettant ainsi au défi. Nombreuses étaient les questions qui se bousculait dans sa tête.

- Comment cela va-t-il se passer ? A quoi cela va-t-il ressembler ? S’inquiéta-t-il.

- Regardez majesté, répondit le vieil homme en l’invitant à le suivre.

Derrière la maison, collé contre le tronc d’un arbre se trouvait une sorte d’œuf à la couleur sombre et à l’aspect rugueux. L’odeur qui s’en dégageait était aussi atroce que son apparence.

- Brûlez-les par le feu, ajouta le mage en créant magiquement des flammes qui dévorèrent l’œuf en peu de temps.

- Comment vous remercier pour vos conseils ? demanda le roi.

- Et bien la prochaine fois que nous nous verrons pensez-y, répondit-il en souriant. A présent je dois partir. Au revoir majesté à très bientôt.

- Au revoir messire Tempus.

L’Equinoxe dura seulement quelques jours. La différence entre la nuit et le jour était minime, perturbant la vie des habitants des terres de Guem. Jamais l’Avalonie n’avait vécu une si grande chasse. De partout les ordres du roi se propageaient, la population se mobilisa pour lutter aux côtés des armées des seigneurs d’Avalonie. Les terres furent ratissées de long en large. Par milliers les œufs furent détruits libérant dans l’atmosphère une odeur de putrescence qui stagna faute de vent. Seuls quelques incidents mineurs furent à déplorer et lorsque les nuages se dispersèrent annonçant la fin de l’Equinoxe aucun œuf n’échappa aux flammes.

Cette histoire conforta Aez dans son rôle de roi et grâce aux indications de Tempus il ressortit de cette aventure grandi et surtout aimé de son peuple. Il avait pris les bonnes décisions et avait contribué à passer cette épreuve. Mais l’histoire ne s’arrêta pas là. L’Avalonie avait un héros.

Chapitre 2 - La créature

Le jeune Firmin n’avait que sept ans. Fils du meunier de son village il aimait imaginer des aventures où il était un fier chevalier du roi Aez, pourfendant des créatures sorties des œufs de l’Equinoxe afin de sauver les donzelles en détresse. Mais cette fois-ci l’aventure qu’il venait de vivre n’était pas affaire d’imagination, elle était bien réelle. Il ne sentait plus ses jambes et ses pieds meurtris n’étaient mûes que par sa volonté. Il soufflait comme un cheval après une harassante course il se devait de tenir jusqu’à sa destination. Il tenait dans sa main un morceau de tissu sali et noirci. Il devait le montrer au roi ! Tel un fantôme il marcha à travers les rues de Camlahan, rencontrant les regards suspicieux des habitants et dans l’indifférence des gardes il se rendit directement au château. Ses forces l’abandonnaient, il n’en pouvait plus. Mais c’était sans compter sur la chance qui récompensa ses efforts. Aez s’entretenait dans la cour avec quelques conseillers, s'évertuant à leur faire comprendre sa vision de la gestion du royaume. La voix du garçon retentit contre les murs. Une voix pleine de tristesse, mais forte appela le roi.

- Majesté, roi d’Avalonie !!!

Firmin fit quelque pas dans la cour avant de rencontrer les gardes qui lui bouchèrent le passage. Voyant cela le jeune garçon renouvela l’appel.

- Aidez-moi Majesté ! Un grand malheur est arrivé à Lodèc !! Aidez-moi !!

Les gardes refoulèrent le garçon qui tomba par terre exténué laissant s’échapper quelques larmes, il répétait sans cesse “Aidez-moi... Aidez-moi !”. Aez jeta un œil vers le raffut et vit le garde repousser avec violence le jeune garçon. Il ne put admettre cela et alla voir en personne de quoi il retournait.

- Et bien garde, ce garçon est-il si dangereux que vous le battiez ainsi ?

La remontrance suffit au garde qui se mit au garde à vous sur l’instant.

- Désolé majesté mais ce gueux voulait rentrer dans le château.

- Certes, mais il y a d’autres façons d’agir que la brutalité ! Disparaissez de ma vue !

Le garde ne se fit pas prier pour partir et quitter une situation embarrassante. Aez écarta les mèches de cheveux des yeux mi-clos de Firmin. Il respirait avec difficulté et lorsqu’il se rendit compte qu’il était dans les bras du roi il tendit le morceau de tissu.

- Majesté... Lo...Lodèc a été attaqué... une créature... aidez...

Mais il sombra dans l’inconscience. Aez donna le garçon au deuxième garde qui assistait à la scène.

- Emmenez-le dans une chambre, qu’il soit soigné et nourri. Dit-il en regardant mieux le tissu donné par Firmin.

C’était un morceau de tenture, il le tourna dans un sens, puis dans un autre et reconnut grâce à quelques détails son origine.

- Un morceau de la grande tapisserie du château de Lodèc... Ce qui arrive m’a l’air grave.

Le garçon ne fut en état de raconter son histoire que le lendemain matin après une très longue nuit de sommeil et un bon repas. Aez entra alors qu’une servante finissait de ranger les ustensiles de son repas. Elle salua le roi puis quitta la pièce sans tarder. Firmin paraissait minuscule dans ce grand lit couvert de fourrures. Il fut très intimidé de se retrouver devant celui qu’il admirait tant. Saisi de timidité, il ne dit mot attendant qu’Aez lance la conversation. Ce dernier s’assit sur le bord du lit, préférant agir avec moins de distance que leurs rangs ne leur permettaient.

- Comment ça va mon garçon ?

Le garçon indiqua que ça allait d’un léger signe de la tête.

- Quel est ton nom ?

- Je... Firmin, fils du meunier de Lodèc.

- Firmin, raconte-moi ton histoire.

Le garçon se recroquevilla dans le lit.

- Une créature haute comme le château de Camlahan a attaqué le village en cassant tout sur son passage. Nous nous sommes alors réfugiés dans le fort de Lodèc mais... mais...

Le garçon tomba en sanglot.

- Tout le monde est mort, majesté, il ne reste que moi !

- Firmin, qu’est ce qu’il s’est passé ensuite, dis-moi.

- Le seigneur et les soldats ont tenté de s’opposer à la créature, mais elle était trop forte, elle a brisé les murs qui se sont écroulés sur nous. Et lorsque tout fut à terre elle est partie. J’ai échappé à la mort et je suis venu vous avertir...

- Tu as bien fait, Lodèc n’est pas loin d’ici, je ne laisserai pas une telle créature rôder dans les environs, annonça le roi en se levant. Reste ici le temps que tu voudras puis mets-toi au service des cuisines. Quant à moi je pars voir ce qu’il est advenu.

Aez et quelques gardes royaux étaient prêts. Sur son cheval portant son armure verte et or le roi était rutilant. A son côté son porte bannière faisait flotter au vent ses armoiries. Lodèc n’était pas très loin, le voyage ne durerait tout au plus que quelques heures. La reine mère n’aimait pas voir son fils partir.

- Pourquoi y vas-tu toi même, Aez ?

- Mère, cette créature a détruit un fort et rasé un village, qui d’autre que moi pourrait la combattre ?

- Ton armée.

- Cela n’est pas nécessaire,

- Prends soin de toi, soit prudent et reviens moi en vie ! Rappelle-toi d’une chose, si tu venais à disparaître sans héritier l’Avalonie sombrerait dans un Grand Tournoi, telle est la loi des Sept Royaumes.

Mais Aez ne fit pas attention aux mises en garde de sa mère et la troupe quitta le château au trot provoquant l’admiration de la population. Très vite ils se retrouvèrent sur la seule et unique route pavée qui traversait le royaume de part en part. Le bruit des fers brisait l’habituel silence de la région prévenant les voyageurs de leur passage imminent.

Lodèc était une petite seigneurie coincée entre les terres du roi, le comté de Barkaram et le grand duché de Sälan. Il n’y avait rien de particulier si ce n’est de la forêt à perte de vue où vivait le gibier en abondance. Bien qu’il y ait quelques hameaux par-ci par-là, la seule bourgade d’importance était le village du seigneur Lodèc. Les cavaliers arrivèrent alors que dans le ciel une colonne de fumée s’élevait. Devant eux, une véritable scène de désolation se dessinait. Les maisons étaient détruites et certaines en feu. Sur une colline, en surplomb du village le fort n’était plus qu’un tas de cailloux. Les Avaloniens n’en crurent pas leurs yeux.

- Fouillez tout et voyez s’il y a des survivants, éteignez les foyers d'incendie. Une fois tout ça fait construisez un campement à la sortie du village. Vous deux, dit-il en montrant deux cavaliers, patrouillez et gardez les yeux bien ouverts. Aez espérait que dans le fort il restait encore quelques personnes vivantes. Il songeait aussi à Leodran de Lodèc qu’il connaissait bien depuis son enfance, un homme noble et de valeur selon lui, mais une tête brûlée et souvent trop téméraire. De par ses traits de caractère le roi se doutait de l’issu à priori fatale...

Son cheval était nerveux, il tira donc les rennes pour qu’il aille droit jusqu’au fort. Toute la partie n’était que décombres, entremêlement de bois et de grosses pierres. Ci et là une main inanimée ou un visage sans vie. “Quelle catastrophe ! Tant de vies brisées...”. Hélas la porte était close à jamais car à l’intérieur le plafond s’était écroulé, probablement sur les gens qui s’y trouvaient et qui pensaient trouver là un refuge sûr. Il fit le tour de la ruine et imagina la taille de la créature responsable d’un tel sinistre. La chose était probablement passée au travers de la bâtisse pour ensuite partir vers la forêt. En effet plus bas des arbres étaient couchés comme si un gosse s’était roulé dans un champ de blé. Sans avoir la moindre peur le roi bifurqua pour suivre cette piste bien visible. Sur sa route il retrouva plusieurs cadavres de soldats de Lodèc ou d’habitants du village, leurs corps étaient souvent déchiquetés.

- La mâchoire de cette chose doit être énorme ! Dit-il à haute voix.

Il parcourut une lieue vers le nord avant de l'apercevoir. Enorme, monstrueuse, incroyable furent les premiers mots qui lui vinrent à l’esprit. Cette chose avait plusieurs têtes et un aspect digne des créatures dont on faisait allusion dans les légendes. Il prit son courage à deux mains et lança son cheval au galop. Il avala la distance le séparant de sa cible. Prenant la créature par surprise il se jeta sur elle épée à la main.

Voilà quatre jours que Johan et Aelide voyageaient. Envoyés par leurs parents, le Duc et la Duchesse de Haute-Abîme, afin de présenter leurs respects au roi Aez. Le duc avait dans l’idée de se débarrasser pour quelques jours de sa fille qui se comportait plus comme un garçon. Johan lui avait été collé dans les pattes comme chaperon, mais cela ne dérangeait pas Aelide qui aimait son frère plus que tout. Ce qui ne devait être pour eux qu’un voyage protocolaire se transforma vite pour devenir le début d’une grande aventure qui changea leurs vies. C’était l’heure du repas. Tous d’eux installés autour d’un feu échangeaient comme à leur habitude des histoires toutes plus fantastiques les unes que les autres. Puis un bruit vint déranger leur discussion, comme lorsqu’un arbre tombait coupé par un bucheron. Au départ simple bruit de fond, voilà que cela se rapprochait au fil du temps. Puis enfin la créature fut visible, ses têtes dépassaient des arbres qui, tels de simples branches, étaient écartés sur son passage. Furieuse et enragée elle semblait blessée à plusieurs endroits. Ils n’eurent pas le choix car elle fonçait droit sur eux. Johan attrapa sa grande épée et son bouclier et poussa Aelide derrière lui.

- Passe ton chemin ou mords la poussière ! Hurla-t-il pour se donner du courage.

Aelide attrapa son arme et se mit en garde de façon à épauler son frère. Le terrain ne leur était pas favorable mais Johan était un redoutable chevalier. La créature attaqua. Une mâchoire claqua non loin du visage de l’Avalonien, une autre tête s’écrasa sur le large pavois de métal à tête de lion, symbole du royaume. Un coup d’épée de Johan manqua de peu une autre tête, puis Aelide trouva une ouverture et frappa en tenant son arme à deux mains, tranchant un œil de haut en bas. La créature avait beau être forte, le fait qu’elle ait une multitude de têtes la gênait plus qu’autre chose, elle ne pouvait attaquer avec toutes au même moment. Aelide et Johan l’avaient bien compris et ils résistèrent aux incessants assauts des mâchoires. Ils s’en sortaient pas mal et malgré leur habilité au combat la masse de leur adversaire les faisait paraître ridicules. Aelide faillit y passer lorsqu’une mâchoire s’abattit sur son bras, heureusement elle n’eut qu’une grosse éraflure. Elle laissa échapper un cri qui désorienta Johan. Une tête gueule ouverte fonça sur le chevalier et... Aez plongea la lame dans l’un des cous de la bête, lui arrachant un râle de douleur et sauvant in extremis Johan d’une mort que ce dernier croyait certaine. Le roi ne put tenir sur son épée plantée et la lame coupa la chair et le cuir ouvrant une grande entaille sanguinolente. L’odeur qui se répandit ne lui était pas inconnue et “Equinoxe” fut le premier mot qui lui vint. Etait-ce un œuf qui avait éclos ? A ce moment là peu lui important, il fallait agir ! Aez remarqua les deux autres humains qui comme lui affrontaient la chose. Celle-ci éprouvait de grandes difficulté à présent que ses opposants étaient plus nombreux, surtout qu’ils s’avéraient être de farouche combattants ! Quant à Johan et Aelide à la vue de l’armure et l’épée de ce nouvel arrivant ils comprirent vite qui se joignait à eux. Cela leur redonna du baume au cœur et l’envie de se surpasser. Les lames fendirent l’air et la chair. Une tête vola, puis deux, puis trois et à chaque fois les appendices ainsi coupés s’évaporèrent comme de la fumée. La créature allait être vaincue ! Tous trois le pensaient fermement, mais l’illusion de la victoire s’effaça lorsque une à une les têtes commencèrent à repousser.

- Cette créature est immortelle ! Cria Johan désabusé.

- Coupons les toutes ! Ordonna Aez.

Avec application et une discipline quasi militaire les trois Avaloniens appliquèrent le plan, certes simple sur le principe, mais difficile dans la pratique. Et à nouveau les têtes furent coupées si bien qu’il n’en resta plus à la créature qui finalement s’écroula sur le sol. Aez, Johan et Aelide épuisés par le combat se regardèrent les uns les autres en réalisant qu’ils étaient tous en vie. Le regard d’Aelide croisa les yeux verts émeraude du roi et elle se sentit chavirer. On lui avait déjà parlé du roi et on le disait bel homme, du moins selon les critères des Sept Royaumes, mais la rumeur était en deçà de la vérité. Son cœur battait fort dans sa poitrine, était-ce l’effet du combat ou la rencontre avec le roi ? Ni l’un ni l’autre ! Un insidieux poison se répandait doucement dans le corps de la jeune femme. Elle s’écroula...

- Aelide ! Cria Johan en jetant arme et bouclier. Aelide !

Il souleva avec précaution sa sœur et trouva la large blessure sur son bras. Le long de la blessure une matière noire coulait.

- Du poison... Oh non ! Ne meure pas, sœurette !

Aez allait regarder à son tour la blessure lorsqu’il vit la créature bouger. Elle se releva d’un coup et une des têtes repoussa instantanément.

- Morbleu ! Cria Aez, elle n’est pas morte !

Johan attrapa son épée mais ne pouvait se résoudre à reposer sa sœur. Le roi se retrouva donc seul face à la bête. Alors que celle-ci se relevait il prit quelques secondes pour mieux l’observer. Un peu plus bas au niveau de son poitrail se trouvait une sorte de grosse sphère noire d’où s’échappaient des petits éclairs en direction des différents cous. Avec rapidité et force il lança la lame des Cinq Ancêtres dans l’étrange objet. Il y eut une explosion qui projeta les Avaloniens au sol puis une pluie de matière étrange, comme s’il y avait de la chantilly partout. Cette fois nul doute l’hydre des brumes de l’Equinoxe n’existait plus. Johan se releva tant bien que mal et s’occupa de sa sœur alors qu’Aez récupérait son épée recouverte de matière visqueuse.

- Comment va-t-elle chevalier ?

- Elle est inconsciente.

- Regagnons mon campement qui est de l’autre côté de la colline. Nous y serons plus à l’aise.

- Merci majesté, mille fois merci !

L'Avalonie était vengée.

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Chapitre 3 - La quête

La sueur perlait sur le front à la peau blanche d’Aelide. Voilà déjà deux jours que son état était stable permettant à Aez de la faire mener à l’une des chambre du château de Camlahan. Le vieux rebouteux de la famille royale ne connaissait pas le poison de la créature et le fait que son corps ait explosé en milliers de petits bouts n’arrangeait rien. Aez était assis sur le bord du lit, ses cheveux attachés et sa longue barbe le vieillissait mais en réalité il n’était guère plus âgé qu’Aelide et Johan. Dans les rares moments d’éveil de la jeune femme celle-ci cherchait Aez afin qu’il la rassure en lui prenant la main. Johan mort d’inquiétude avait laissé sa sœur aux bons soins du roi et de sa suite afin de trouver une solution, la voir dans cet état lui était simplement insupportable. Debout à côté de la porte de la chambre il regardait sa sœur souffrir et il était dans l’impuissance la plus totale. Il s’approcha d’Aez.

- Majesté je ne peux rester plus longtemps à ne rien faire. Mon père le Duc de Haute-Abime est en route, il sera là demain matin, j’aimerais vous confier ma sœur.

Aez dont le regard vert exprimait l’inquiétude ne voyait que la beauté d’Aelide et bien qu’elle ne soit pas dans ses meilleurs atours il la trouvait tout à fait à son goût.

- Votre sœur sera sous bonne garde chevalier. Partez chercher ce qui nous importe et dites à ceux qui vous barrerons le chemin que vous êtes mon bras et ma lame.

Johan se pencha au-dessus du lit et fit un baiser sur la joue de sa sœur dont les yeux mi-clos le fixaient.

- Résiste ma sœur je serai bientôt de retour...

Le chevalier quitta la pièce le cœur lourd. Serait-elle encore en vie à son retour ? Il l’espérait de tout son être car jamais il ne se remettrait si elle venait à trépasser en son absence. Il tenta de se vider la tête de ces pensées pour qu’il puisse aller de l’avant. Il dévala les escaliers au risque de glisser, bousculant au passage plusieurs servants envers qui il s’excusa platement. Mais par où commencer ? Aller voir une personne de foi dont la magie pouvait soigner les pires blessures ? C’était à son sens la meilleure idée à suivre, hélas en Avalonie ce genre de personne était rare. Il y avait plusieurs endroits réputés sacrés dans le royaume mais il n’y avait pas ouvertement comme en Yses des congrégations de dévots, peut être y en avait-il encore ici. Il se mit en selle et partie au galop en direction du nord là où dans ses souvenirs plusieurs lieux sacrés existaient.

Quand la nuit vint, Johan n’avait rien vu passer de cette journée tellement il était focalisé sur sa quête. Il arriva au village du Siemhar lorsque la route n’était plus éclairée que par la lune. Il y trouva alors une activité plutôt inhabituelle à cette heure-ci. Le village était construit en couronne sur une grosse colline dont le sommet avait été aplati pour y bâtir une grande place pavée de pierres plates. En son centre plusieurs gros rochers taillés toisaient la région de leur hauteur. C’est donc aux pieds de ceux-ci que s’était réunie la population, les lieux étant éclairés par de multiples torches donnaient un air mystérieux à cette place. Johan démonta pour continuer en respectant l’étrange spectacle qui se produisait à ce moment là. Assis sur une malle de bois, un barde pinçait les cordes de sa lyre avec passion et entrain. Celui-ci racontait l’histoire de l’Equinoxe et d’Aez, embelli par la verve poétique le récit était terriblement épique et néanmoins résolument réaliste. Les applaudissements accueillirent la fin de la représentation et les piécettes de cristal tintèrent en tombant par terre.

La place se vida rapidement si bien qu’il ne resta plus que le barde et Johan éclairés par les flammes mourantes. Le chevalier s’approcha du barde et l’aida à ramasser les offrandes du public.

- J’ai rarement entendu aussi belle histoire.

Le barde se releva et durant quelques secondes examina son interlocuteur et par ses connaissances en héraldiques supposa de son identité.

- Merci messire Johan de Haute-Abime, avez-vous apprécié le passage sur votre père ?

- Non je suis probablement arrivé après. Quel est votre nom ami barde ?

- Je suis Psaume, vagabond des routes et conteur, dit-il en s’inclinant.

- Où allez-vous dormir ce soir Psaume ?

- J’ai vu un bel arbre en contrebas du village, il m’a l’air très confortable et me protégera de la rosée.

- Connaissez-vous des histoires sur les lieux sacrés d’Avalonie ?

Le barde se concentra et s'énuméra les contes à ce sujet.

- Oui je dois pouvoir satisfaire votre curiosité, répondit-il.

- De par les règles de la chevalerie le chef de ce village va devoir m’offrir le gîte et le couvert, acceptez de m’accompagner pour discuter de ces lieux.

La perspective de passer la nuit au chaud et dans une vraie maison eut tôt fait de le convaincre. Les deux hommes allèrent donc trouver le chef de village qui invita le chevalier et le barde en sa demeure. Le reste de la soirée et une bonne partie de la nuit furent consacrées à la thématique choisie par Johan : les lieux sacrés. Et effectivement il ne s’était pas trompé quant à leur existence. Bien sur ce que raconta Psaume n’était pas forcement le reflet de la réalité, mais comme il l’expliqua les légendes prenaient souvent corps dans des évènements, des lieux ou des personnages ayant existé.

- Les premiers hommes qui vivaient ici et qui plus tard fondèrent l’Avalonie puis les Sept Royaumes vénéraient d’antiques dieux. C’était une population véritablement croyante. D’ailleurs bien que nous ne soyons plus aussi fervents ces dieux-là sont encore priés. Les légendes parlent d’un arrêt soudain des pratiques sans en donner les raisons, mais une théorie veut que ce soit l’orgueil des hommes qui ait contraint les dieux à couper le lien avec les hommes.

Johan écoutait avec beaucoup d’attention ces histoires.

- Pensez-vous que ces dieux aient permis aux hommes de guérir ce qui ne pouvait l’être ?

Le chef de village qui jusque-là ne pipait mot se souvint de quelque chose.

- La légende de la coupe de vie ?

Ces mots éveillèrent la curiosité du chevalier et du barde qui se redressa sur sa chaise.

- La coupe de vie ! Oui bien sûr ! S’écria-t-il.

- Racontez-moi, dit Johan avec espoir.

Psaume attrapa sa lyre dont le tour était sculpté en serpent de brume.


Mon dieu que mes yeux pleurent, Que ces lieux sacrés à la nuit, Que vivent ces quelques lueurs, Que ne résonne plus aucun bruit.


Que de tristesse des larmes coulent, Tandis que mon cœur cesse, Puisse ma peine devenir houle, Et balaye toute bassesse.


De la coupe et de mes larmes Naissent alors cette sainte arme, Que portera la main royale, Et ce jusqu’à mon dernier râle.


La musique cessa laissant Johan et le chef du village pensifs. Ce dernier reprit la discussion.

- A peu de chose près c’est bien ça. Ces mots sont écrits sur une grande pierre plate qui se trouve à quatre lieues d'ici. Si je peux vous aider en vous guidant.

- Je vous en serai extrêmement reconnaissant, répondit le chevalier.

Psaume posa son instrument et se leva pour aller se réchauffer près du feu.

- Jeune seigneur je dois vous mettre en garde. Les dieux ont pris soin de cacher tout ceci aux yeux des hommes. Bien des personnes cherchant la gloire ou la fortune ont tenté de trouver cette coupe ou d’autres objets et n’ont jamais été revus.

- Je n’ai pas le choix, si cette coupe peut libérer ma sœur de ce mal qui la ronge alors je dois la trouver.

- Dans ce cas je vous souhaite bonne chance souffla le barde les yeux perdus dans la danse des flammes.

Le lendemain et comme promis le chef du village et Johan partirent en direction de l’ouest. Le paysage au départ vallonné devint peu à peu accidenté et montagneux, presque inquiétant. Le chemin serpentait en montant doucement le long d’une falaise d’où il ne valait mieux pas tomber. La progression lente et dangereuse n'entama que le moral du chef de village, peu habitué à s’aventurer ici. A vrai dire il n’était passé ici qu’une fois il y a bien longtemps. Enfin ils arrivèrent sur un large plateau plongé dans la brume où rien ne poussait à part une mousse grisâtre sur les parois rocheuses.

- La pierre est là-bas, droit devant nous, de l’autre côté. Je vous y amène et ensuite je regagne mes pénates.

Johan donna un petit coup sur les flancs de son cheval qui s’avéra nerveux le temps de la traversée de cette mer de brouillard. De l’autre côté et devant une ouverture donnant sur un autre chemin se trouvait une grande stèle gravée d’une écriture. Le chevalier donna les rennes à son compagnon de route avant de frotter les écritures pour les rendre lisibles. Après un bref coup d’œil il s’agissait de la même maxime que l’histoire de Psaume.

- Bien, je vais voir par ici, attendez-moi un instant je vous prie.

- Soyez prudent.

- N’ayez crainte, dit-il en empruntant le chemin qui le plongea rapidement dans l’épaisse brume. La main posée sur son épée il tata du pied devant lui pour éviter tout obstacle ou trou. Puis en descendant tout devint clair, la brume n’était qu’un nuage noir accroché dans les hauteurs. La piste longeait une crevasse jusqu’à un pont de cordes et de bois qui amenait de l’autre côté, un être attendait devant le pont.

- Quelqu’un ici ? Dit-il en marchant jusqu’à lui.

C’était un vieil homme très maigre et habillé de guenilles qui s’appuyait sur un bâton. Il barra le chemin de Johan au moment où il voulut traverser le pont.

- Quel est votre nom jeune homme ? Dit-il d’une voix tremblante.

- Je suis Johan de Haute-Abime.

- Et quelle est votre quête ?

- Ma quête... je cherche le moyen de guérir ma sœur empoisonnée.

- Et qu’elle est la couleur de la peluche de Zahal le chevalier dragon ?

- Je vois pas le rapport. Je peux passer s’il vous plait ?

- Vous pouvez... tenter oui... tenter... oui... Dit-il en se poussant du chemin.

Johan se précipita. Les lames de bois étaient vermoulues mais tinrent bon. De l’autre côté il aperçut quelqu’un qui regardait vers lui. Il reconnut le vieil homme.

- Comment est-ce possible ?

Il regarda derrière lui et effectivement c’était la direction dans laquelle il voulait aller. Il tenta à nouveau de passer, mais la même chose se produisit. Cette fois il allait tirer ça au clair avec le vieil homme.

- Qu’elle est cette magie.

- As-tu lu les mots ?

- Les mots ? Vous voulez dire le poème ? Je l’ai lu.

- Lu mais pas compris !

Johan eut le déclic, il retourna en courant jusqu’à la stèle où essoufflé il retrouva le chef de village qui s’inquiéta de son état. Mais il n’écouta pas décortiquant chaque mot. Il s’arrêta sur “Que portera la main royale”. Bien que fils d’un Duc il n’était pas de sang royal.

- Aez...

- Le roi ?

- Oui qui d’autre ? dit Johan embêté par la situation. Je n’ai pas le choix, il va devoir venir jusqu’ici, ajouta-t-il en fouillant dans le sac de cuir attaché à la selle de son cheval.

Il en extirpa de quoi écrire un message. Il rédigea à la hâte une demande à son roi en lui expliquant la situation. Il plia soigneusement la lettre et apposa un sceau de cire aux armes de sa famille.

- J’ai vu un pigeonnier dans votre village, retournez-y et faites envoyer ceci au château de Camlahan. C’est très important, vous comprenez ?

- Oui oui, dit-il en prenant la lettre.

Chapitre 4 - Reliques

Aez arriva le lendemain soir. Camlahan n’était pas très loin de Siemhar, comme quoi l’Avalonie pouvait receler de lieux magiques sous le nez de ses dirigeants. Le roi parut épuisé, les traits tirés, de gros cernes sous les yeux et un regard vague. Malgré cela il restait noble dans l’allure.

- Majesté, merci d’être venu.

- Votre sœur est en compagnie de vos parents, je me devais moi aussi de participer à cette quête. Montrez-moi ce que vous avez trouvé chevalier.

- Il va falloir laisser les montures ici, le passage ne permet pas de descendre avec.

- Très bien, je vous suis, dit-il en descendant de cheval. Ah, j’y pense...

Aez dégaina l’épée des Cinq Ancêtres et prit un air solennel.

- Johan de Haute-Abime, mettez un genou à terre.

Sans discuter il s'exécuta. Aez plaça le plat de sa lame sur l’épaule du chevalier.

- Vous prouvez votre valeur au travers de vos actes. L’Avalonie a besoin d’un protecteur, un homme de confiance, un chevalier infaillible !

Aez rentra son arme et prit un objet enveloppé dans un tissu vert.

- Tenez, portez fièrement cette épée, dit-il en révélant l’objet. Votre père a appris comment vous vous êtes dressé face à la créature et a été très impressionné, il m’a confié ceci pour vous.

Johan admira la lame. Il l’avait admiré tant de fois au château de ses parents. On lui avait raconté que celle-ci appartenait au premier seigneur de Haute-Abime et que le temps ne l’affectait pas. Il se releva détacha son ancienne épée pour garder la nouvelle.

- A présent, Protecteur du royaume, montrez-moi ce pont !

Les deux hommes prirent le chemin et sortirent du nuage. Le vieil homme était toujours là au même endroit, à croire qu’il n’avait pas bougé depuis le moment où Johan était venu. De ses yeux vitreux le vieux les observa descendre la corniche jusqu’à lui. Lorsqu’Aez voulu passer l’homme s’interposa à nouveau.

- Quel est votre nom jeune homme ? Dit-il d’une voix tremblante.

- Je suis Aez roi d’Avalonie !

- Et qu’elle est votre quête ?

- Je dois sauver ma mie de la mort !

Devant le regard assassin de Johan l’homme stoppa là son enquête et se poussa de l’entrée du pont.

- Passez... et mourrez par la volonté des dieux...

Johan et Aez se regardèrent, la perspective de subir un châtiment divin les inquiéta, mais ils donneraient leur vie pour sauver celle d’Aelide. Aussi le roi se lança sur le pont dont les lames de bois craquèrent sous le poids de l’homme en armure.

- Volonté des dieux ? Plutôt bois pourri si vous voulez mon avis, pesta Aez à mi parcours. Qu’est ce qui nous attend de l’autre côté ?

- Je ne sais pas altesse, mais nous ne failliront pas !

Cette fois nulle magie ne leur barra la route et ils arrivèrent du bon côté du pont sur un chemin qui grimpait à flanc de montagne. Ils marchèrent longtemps et à la nuit tombante ils parvinrent au bout de la route qui terminait sa course contre la paroi rocheuse. Ce qui était fort étrange puisqu’il n’y avait rien de plus, nul endroit pour grimper, nulle porte.

- Nous voilà bien. Avons-nous raté un embranchement ? S’exaspéra le roi.

Johan examina mieux la roche et habitué des montagnes il remarqua que sa surface était beaucoup trop régulière pour être l’œuvre de la nature. Il tapa de sa main gantée de fer contre la pierre et il remarqua deux choses : la paroi était creuse et il y avait des traces d’écriture gravées. Il gratta pour arriver à lire les inscriptions. Aez déchiffra au fur et à mesure et bien que parcellaire le message lui sembla suffisamment compréhensible :


Métal contre pierre, Clé d’un temps passé, Que tu ne peux troubler Telle est la prière.

- Ecartez-vous Johan ! Dit le roi en sortant l’épée des Cinq Ancêtres.

Le protecteur se poussa. Aez prit son épée à deux main pointe vers le bas, prit quelques pas d’élan et planta la avec force dans la paroi. Elle s’y enfonça jusqu’à sa moitié avant de se coincer. Il tourna la lame comme s’il désirait infliger plus de douleur à un ennemi. La roche craqua puis des fissures apparurent à partir du point d’impact. Là il retira la lame et donna un coup de pied dans la paroi qui s’effrita et tomba en morceaux, découvrant une entrée à travers un pan de poussière.

- Pensez-vous que c’était judicieux ? Interrogea Johan.

- Vous ne voulez plus sauver votre sœur ?

- Bien sûr que oui !

- Alors c’était judicieux. Trêve de bavardages et de doutes, notre cause est noble, jetons-nous dans la gueule du loup s’il le faut et nous briserons sa gueule, dit-il en passant le pas de l’entrée.

L’intérieur était un passage creusé dans la roche. Des cristaux de quartz lumineux éclairaient faiblement mais suffisamment pour permettre aux Avaloniens d’avancer. Le tunnel montait légèrement au travers de la montagne et déboucha sur une autre falaise et une vue imprenable. En face d’eux au loin se trouvait Camlahan et les hautes tours de son château, en contrebas Siemhar avec sa construction en cercle. Bien que de nuit le spectacle était époustouflant de par la beauté des paysages sous les rayons de lune. Ils ne s’attardèrent pas plus pour poursuivre leur périple. La route plus large montait pour rejoindre les nuages accrochés aux pics et s’enfonçait dans une forêt de vieux chênes. L’ambiance changea et le manque de lumière leur joua de nombreux tours surtout lorsque la brume eut rejoint l’obscurité. Là, même leur témérité fut mise à rude épreuve et seules leurs armes les rassuraient. Voilà de grands guerriers capables de terrasser un ennemi haut d’une montagne mais qui au travers de la nuit éprouvaient une baisse de courage.

Ils furent tous deux soulagés d’en sortir alors que le chemin les avait conduits sur un plateau au-dessus des nuages. Ils remarquèrent plusieurs lumières entre les quelques arbres éparpillés. Le chemin devint une route pavée qui au fur et à mesure s’élargissait et finit par rejoindre une place circulaire, des torches brûlaient tout autour et la construction rappela à Johan la disposition de la place de Siemhar. De l’autre côté de là s’échappait d’un monticule de pierres blanche une petite cascade qui coulait sur un dolmen bâti en dessous. Quelque chose brillait sur la table de roche, un objet.

- C’est la coupe ! S’écria Johan.

Oui c’était bien elle, la coupe de vie, mais au moment où tous deux s’avancèrent sur la place, une femme à l’aspect fantomatique apparut devant eux.

- Autrefois les dieux nous accordaient leurs prodiges, mais l’orgueil nous a étreints. Aussi nous ont-ils punis. Ils vous ont regardés Aez roi d’Avalonie et vous Johan de Haute-Abime, vos cœurs sont dénués de cet orgueil aussi vous pourrez repartir avec ce que vous êtes venus chercher. La personne qui boira dans cette coupe devra la ramener ici et alors un nouveau cycle commencera.

Le fantôme s’écarta laissant le roi récupérer la coupe.

- N’oubliez pas mes paroles, ne provoquez pas la colère des dieux !

Quelques jours plus tard à Camlahan. Aelide était totalement rétablie à la grande joie de son entourage et une fois celle-ci prête et comme convenu elle entreprit le retour vers le lieu sacré où attendait le fantôme.

- Vous êtes gens d’honneur et les dieux sont apaisés. Vous mènerez tout deux l’Avalonie dans une nouvelle ère de prospérité. Vos cœurs battent à l’unisson.

Aez et Aelide se regardèrent avec les yeux de gens amoureux.

- Lorsque avec le temps vous serez prêts. Revenez ici avec les personnes qui vous sont chères et devant les dieux vous serrez unis.

Le voyage du retour fut l’occasion pour Aez et Aelide de se dévoiler leur amour réciproque et une fois au château le roi demanda officiellement au Duc de Haute-Abime la main de sa fille. Ce dernier n’ayant aucune raison de refuser offrit sa bénédiction à cette union qui allait renforcer le royaume. La reine-mère fut tout aussi satisfaite par cette nouvelle elle qui désespérait de voir son fils un jour marié.

Le roi ordonna la reconstruction de la route jusqu’au lieu sacré afin d’en faciliter l’accès. Et quelques mois plus tard durant la saison chaude Aez et Aelide échangèrent la promesse d’un amour éternel devant la coupe sacrée et devant les dieux.


L’Avalonie avait une reine.


Société secrète

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Chapitre 1 - Chantelain

Les flammes des bougies vacillaient à chaque fois que le vent soufflait au dehors, les ombres dansantes ne perturbaient pas le Conseiller Chantelain. Installé à son vieux bureau recouvert de parchemins il notait avec minutie toute information jugée pertinente tout en fouillant parmi la paperasse. La plume tremblante étalait l’encre avec frénésie, chaque mot ainsi inscrit le rapprochait d’une vérité, de LA vérité, celle qui briserait un mythe. Il plongea la plume dans l’encre, respira un grand coup en regardant la porte fermée par une barre de métal. L’homme, originaire des hautes terres de l’ouest avait très tôt obtenu ses galons de conseiller grâce à ses capacités d’investigateur, depuis il ne comptait plus le nombre d’enquêtes résolues grâce à lui. A presque trente ans il était l’un des piliers du Conseil des guildes. Mais cette fois l’enquête était un véritable sac de nœuds, un panier de crabes où il faillit bien perdre les doigts. Une goutte d’encre tomba sur le bois usé de son bureau, le sortant ainsi de sa torpeur. Il allait recommencer à écrire lorsque toutes les bougies s’éteignirent, plongeant la pièce dans le noir. Le bruit du vent sifflant était la seule chose audible à ce moment-là. Chantelain se leva doucement, balayant l’espace du regard, il attrapa une dague cachée sous plusieurs parchemins. A ce moment là il le savait, IL était là.

- Approche Traquemage, facilite-moi la tâche en te livrant toi-même, dit-il comme si son adversaire était là.

Chantelain se plaça dans un coin de la pièce pour avoir une meilleure visibilité. Au final peut-être n’était-ce qu’un courant d’air qui avait soufflé les flammes ? Toutes les flammes ? Non impossible. Soudainement au loin un éclair traversa le ciel éclairant en un instant la pièce. Là ! Il l’avait vu, il était bien là au milieu. Le combat s’engagea, Chantelain n’attendit pas et surtout n’avait pas peur. Il s’attendait à cette visite et s’y était préparé. Les échanges furent rythmés par les éclairs fendant la nuit. Les lames tantôt s’entrechoquaient, tantôt faisaient mouche, de part et d’autre. La lentille sur la figure du Traquemage lui aurait permis s’il n’y avait pas les flashes des éclairs d’avoir un atout de taille car pour lui l’obscurité n’était pas un problème. Le corps à corps fut violent, le Traquemage ne s’attendait pas à une si importante opposition, il avait mal jugé sa cible. Cela tourna au ballet, l’un poussa l’autre, puis ce fut le contraire, des objets chutèrent, s’écrasant ou se brisant sur le sol avec fracas.

Toute cette agitation attira les gardes de la demeure qui eurent tôt fait de tambouriner à la porte fermée en criant des “messires” et autres “qu’est ce qu’il se passe”. Le Traquemage n’avait pas le choix, il fallait appliquer le plan. Il donna un coup de pied à Chantelain qui recula jusqu’à son bureau puis d’un geste ample mais rapide il dégaina un pistolet et tira au moment où un éclair apparu à nouveau. Du coup il rata sa cible qui réagit alors. D’un bond il sauta sur le Traquemage et le souleva en le poussant vers la fenêtre. Sa manœuvre fonctionna, le conseiller savait que pour se tirer de ce guêpier il lui fallait que les gardes puissent intervenir. Fort de la poussée tous deux passèrent à travers la vitre et tombèrent du premier étage. Le Traquemage qui se trouvait en dessous s’écrasa sur le sol herbeux sonné par le coup, Chantelain tomba juste à côté et eut plus de chance sur la réception. Il plongea de suite sur son arme pour reprendre le combat. Le Traquemage se releva tant bien que mal et à présent que les éclairs devenaient presque incessant il n’y voyait plus rien.

- Alors Traquemage, c’est tout ce que tu peux donner ? Cria Chantelain dans le but de narguer le célèbre assassin. Je connais tes petits secrets.

Ce dernier arracha son masque pour y voir mieux, découvrant le visage d’un homme brun aux cheveux courts et à la mine abîmée par diverses cicatrices. Les deux hommes s’observaient, Chantelain faisait attention au moindre détail pour ne rien perdre de cette rencontre. S’il fuyait le Traquemage l'abattrait sans le moindre problème, il fallait donc continuer à se battre ! Le pistolet de son adversaire étant tombé dans le bureau avant la chute il n’avait plus rien à craindre de ce côté-là, seule leur habileté allait faire la différence. Le Traquemage attaqua, il sortit de petits fourreaux des dagues de lancer très courtes qu’il jeta sur Chantelain dans le but de se donner le temps d’arriver au contact. Effectivement son adversaire les esquiva sans trop de difficulté et conscient de la manœuvre se recroquevilla en tenant sa dague à deux mains. A cet instant là, pile au moment où le Traquemage allait frapper de biais le Conseiller sauta dague en avant. Le Traquemage trop proche n’eut pas le temps de contrer l’attaque, la lame s’enfonça dans sa poitrine du côté de son poumon droit. Dans le même temps il avait réussi à planter sa dague entre une des côtes de Chantelain. Le Traquemage s’effondra sur le sol alors que Chantelain lâchait la poignée de son arme. Le Conseiller vacilla et passa la main au niveau de sa blessure, le sang coulait mais sa vie n’était pas en jeu. Par terre le Traquemage bougeait encore mais était désormais hors d’état de nuire.

Puis Chantelain eut une violente douleur à la tête, il tomba à genoux, sa vision se brouilla. La douleur se propageait lentement.

Une ombre passa à côté de lui, puis une deuxième. Il reconnut tant bien que mal un autre Traquemage. Quand à l’autre sa tenue était différente, moins fournie elle semblait plus proche du corps et prévue pour une liberté de mouvement importante.

- Si tu connais nos secrets tu sais que nous sommes plusieurs... et pas tous du même niveau. Ne t’en fais pas, je ne ferais pas l’erreur de te tuer Chantelain je sais ce que tu t’es préparé pour notre rencontre...

- Qu’est...ce que...vous...m’avez fait. Dit le Conseiller avec peine.

Le Traquemage avec la cape ramassa son homologue alors que l’autre se retourna vers Chantelain.

- Tu ne reverras jamais la lumière du jour Conseiller.

- Cette...voix...tu es...

La douleur était trop forte, tous ses muscles se contractèrent. Son corps ne résista pas et il sombra dans l’inconscience...

Chapitre 2 - Sombre

Deux mois auparavant, Vérace accédait au poste de Conseiller-Doyen, ouvrant une nouvelle ère, plus moderne et moins léthargique dans un contexte qui le nécessitait. Comme les autres conseillers il fut à son tour convoqué pour prendre connaissance des nouvelles directives. Chantelain avait été un farouche opposant d’Edrianne et l’allié de Vérace avant que le grand ménage ne soit fait au Conseil et que les conseillers corrompus par les Néhantistes soient déchus de leurs statuts. Avec Vérace aux commandes l’Ouestien était persuadé qu’il allait y avoir du changement, bousculant ainsi de vieilles habitudes. Il ne fut pas déçu, car la rencontre entre les deux hommes se fit dans les jardins où malgré l’arrivée de la saison froide les fleurs profitaient du soleil.

- Félicitation pour ta nomination Conseiller-Doyen.

- Merci Chantelain, dit-il en serrant la main de son ami. Je te dois en partie cette nomination et ça je ne l’oublierais pas, ajouta-t-il en l’invitant à marcher.

- Quelles sont mes nouvelles prérogatives désormais ? Demanda Chantelain.

- Et bien, cher ami, j’ai une affaire importante, je dirais même capitale à te confier, répondit-il solennellement. Ce soir devrait arriver une personne, membre des Combattants de Zil. D’après le Conseiller Abyssien elle aurait des informations importantes et vitales concernant le Traquemage.

A l’évocation de ce nom Chantelain s’arrêta, l’œil pétillant de curiosité.

- Tu veux que j’enquête sur le Traquemage ? Si mes souvenirs sont bons, la dernière personne à avoir tenté de découvrir l’identité de ce tueur a été assassinée et c’était il y a dix ans.

- Je sais que c’est périlleux et ta vie m’est chère, mais je ne vois personne d’autre pour cette délicate mission.

Chantelain réfléchit quelques instants avant de poursuivre la marche.

- C’est une situation périlleuse, mais la perspective de démasquer le Traquemage est une motivation à la hauteur du danger. J’accepte l’affaire.

Le soir-même, Chantelain reçut en secret ce fameux témoin qui n’était autre que la jeune Sombre. L’audition se passa dans une des salles d’interrogatoire d’ordinaire très peu utilisée. La pièce était vraiment très petite, n’ayant en tout est pour tout que trois meubles ; une table et deux chaises. Chantelain alluma trois bougies collées à même le bois et invita Sombre à s'asseoir. La jeune combattante de Zil examina la pièce et la jugeant suffisamment en retrait et à l’abri des oreilles indiscrètes elle prit place. Le Conseiller sortit de son sac de quoi prendre des notes et une fois fin prêt il débuta par quelques questions générales.

- Sombre, c’est un surnom n’est ce pas ? Quel est votre vrai nom ?

Pourtant banale cette question demanda à la jeune femme beaucoup d’efforts comme si elle ne connaissait pas son véritable nom.

- Je crois que c’était Yasma. Mais je ne suis pas sûre. On m’a appelé Sombre peu de temps après.

- Vous avez perdu la mémoire ?

- Perdu n’est pas le bon mot, on m’a enlevée lorsque j’étais petite et ils ont fait en sorte que je ne sois plus qu’une entité...

- Ils ont ? Vous voulez dire qu’ils sont plusieurs ?

- Oui c’est une organisation, ils sont nombreux.

- Donnez-moi plus de détails s’il vous plait. Avez-vous un nombre à me donner ? Un lieu ? Des noms ? Qu’elles sont leurs méthodes ?

Chantelain était visiblement enchanté de cette rencontre, on lui livrait là des informations de premier ordre !

- Hélas ils ont fait en sorte que je me souvienne de peu. Je vivais dans un petit village. Je me souviens avoir été vendue à un marchand par des parents qui ne pouvaient pas m’élever. Je ne me rappelle plus de leurs visages et à vrai dire le souvenir que j’ai ensuite est celui d’un homme qui m’achète et m’amène dans un endroit où il y a d’autres enfants comme moi. Je ne sais pas où c’était mais on nous a entraîné pour devenir de parfaits assassins. Les plus faibles ont été éliminés si bien que parmi ceux de mon âge nous avons été qu’une poignée à avoir le droit au Passage.

- En quoi consistait ce... Passage ?

- Tuer quelqu’un sans se faire prendre.

- Quelle folie !

- Maintenant que je pense par moi-même, je trouve aussi que c’est ridicule, mais lorsque l’on fait partie de l’organisation Traquemage on pense différemment.

- Continuez, ensuite que s’est-il passé.

- Je me rappelle de celui que j’ai tué, un apprenti magicien au fin fond de la Draconie. J’ai encore l’odeur de son sang dans les narines. Dit-elle en grimaçant. Mais j’ai réussi et on m’a alors donné le costume pour devenir une partie du système. C’est là que l’on perd pied, la doctrine et les règles sont strictes et qui ne les suit pas risque sa vie.

- Ça à l’air tentaculaire comme organisation.

- Le réseau est gigantesque et ils sont extrêmement bien informés. Nul doute que notre entretien ne restera pas privé bien longtemps. J’ai trouvé des gens capables de me protéger en retour de mes services, mais ?

- N’ayez pas de crainte pour moi, j’ai de la ressource. Continuez votre histoire je vous prie.

Sombre inspira profondément, se remémorant des passages de sa vie qu’elle préférerait oublier.

- Une fois que l’on devient Traquemage on nous met sous la tutelle d’un Traquemage plus ancien, un contrat, une personne à abattre. La personne que je devais tuer était une prêtresse, une cible facile. Mais rien ne s’est passé correctement, à croire que le destin ne voulait pas que j'accomplisse cet acte. Au final je me suis retrouvée mourante aux abords d’une rivière, le Traquemage qui m’accompagnait m’a abandonnée en me pensant morte. Il a fait une grave erreur car dans ce cas il aurait dû me chercher pour faire disparaître mon corps. Mais il ne l’a pas fait.

- Et dans ce cas ?

- Deux choix. L’un est de réparer son erreur, l’autre est la mort. Vu que nous ne l’avons pas revu je pense qu’il est mort. Mais si jamais c’était pas le cas, je l’attends de pied ferme.

- Je vois, dit Chantelain en posant sa plume sur la table. A présent, sauriez-vous me donner un lieu ?

Sombre fit non de la tête.

- Les Traquemages utilisent une magie et une technologie étonnante, tant qu’une mission n’était pas terminée impossible de se souvenir d’un point de retrait. Généralement on ne trouve pas un Traquemage, c’est lui qui nous trouve. Je n’ai hélas guère plus à vous dire.

- Vous avez déjà ouvert bien des portes, je n’ai pas encore connaissance du reste du dossier, mais votre témoignage sera utile. Merci pour tout et merci pour votre courage.

- Ce n’est pas du courage, je n’ai qu’une attente, qu’ils crèvent tous ! Dit Sombre en se levant de sa chaise.

Chapitre 3 - Traquer le Traquemage

Les archives du Conseil prenaient à elles seules une tour entière de l’imposant château de Kaes, la demeure qui appartenait autrefois au célèbre protecteur. En presque cent ans, la construction avait subi de nombreuses modifications et n’avait presque plus rien à voir avec sa forme primaire. Chantelain avait parcouru un véritable dédale avant d’arriver à destination, un lieu où rares étaient les visiteurs. Pourtant, de son avis, les archives étaient un point stratégique, une mine d’informations et une source de connaissances. Accolées à la bibliothèque, elles étaient beaucoup moins bien rangées et le conseiller pensait passer de nombreuses heures avant de trouver ce qu’il voulait. Visiblement son arrivée réveilla le responsable de tout ce Capharnaüm.

- Que puis-je faire pour vous conseiller Chantelain ? Demanda le jeune homme.

Après avoir déplié un parchemin et lu son contenu, il répondit à son homologue.

- Il me faut obtenir l’accès aux rapports de feu le conseiller Egobert. Ensuite il me faut avoir accès au dossier dont le numéro est inscrit ici, dit-il d’un air strict.

Très impressionné l’archiviste partit au quart de tour en balbutiant un “suivez-moi” qui, tel l'écho, se répercuta sur les murs de la tour. L’intérieur avait une architecture vraiment originale. Plusieurs escaliers longeaient les murs de la tour en montant. Les parois étant construites sans aucun mur ni poutre pour les maintenir, le visiteur venant là pour la première fois pourrait penser que tout ça pouvait s’écrouler d’un coup. Mais tel n’était pas le cas et malgré le temps peu clément de la région rien ne bougeait. Au centre de la tour se trouvait un énorme pilier de pierre autour duquel un escalier s’enroulait jusqu’à son sommet. Et de partout, le long des dits escaliers, se trouvaient des étagères regorgeant de parchemins et bibelots en tout genre. Le jeune archiviste emmena Chantelain tout en haut dans la seule partie de la tour fermée à double tour. Cette section, réservée aux personnes autorisées était étonnamment rangée. Chaque étagère possédait un numéro, comme pour le reste des archives, mais ici la magie protégeait chaque alcôve pour que nul intrus ne puisse mettre la main sur des informations sensibles.

- Ah, voilà. Veuillez signer le registre des retraits.

Chaque archive avait sa fiche, permettant ainsi de retracer les diverses consultations faites. Chantelain y jeta un rapide coup d’œil sans faire plus attention aux détails. Puis, après avoir signé il récupéra un large coffret de bois avant le plonger rapidement dans un sac de toile qu’il portait en bandoulière. Une fois sorti de la pièce l’archiviste conduisit Chantelain jusqu’à une autre étagère au milieu de la tour.

- Voici les notes du conseiller Egobert. Il n’était pas connu pour sa rigueur.

- Je vois, dit Chantelain en haussant les sourcils. Bon je vous remercie, vous pouvez disposer, ça va me prendre du temps.

Effectivement le conseiller resta là près d’une heure. Egobert fut en poste durant près de dix ans et étant en charge des affaires courantes, ses rapports furent nombreux. Après un tri intense et un rangement obligatoire Chantelain s’étonna. Chaque conseiller devait tenir un registre de ses rapports afin de servir de table des matières à quiconque voulait consulter ses écrits, hors là il manquait plusieurs feuilles du registre. Du coup en retraçant l’historique des rapports la disparition flagrante de documents lui sauta à la figure.

- Guère étonnant.

Malgré tout et grâce à ses dons de déduction il trouva quand même quelques rapports de plainte intéressants.

Le lendemain son bureau s’était transformé en véritable chantier, accumulant les parchemins Chantelain ne rata rien, guettant le moindre indice.

- Allez mon vieux, concentre-toi.

“L’homme était en noir et très grand”....”rapide comme l’éclair, petit avec une cape, quelque chose brillait sur son visage”...”Organisation”.

- C’est déjà ça de confirmé nous avons affaire à une société secrète. Si j’en crois les rapports d’assassinat ils ont toujours su faire mouche avec précision, les détails sont troublants car tous les systèmes de sécurité, même magiques étaient déjoués. Ils sont trop renseignés pour que ça soit le fruit du hasard, il doit y avoir un cerveau derrière tout ça. Faut que je me protège.

Il attrapa une clochette et la fit tinter, appelant un de ses serviteurs. Puis après avoir griffonné quelques mots il donna un parchemin cacheté à un jeune homme.

- Pour le Conseiller-Doyen Vérace. Vous ne parlez à personne avant de le lui avoir donné, compris ?

L’homme brun aux cheveux courts et à la mine abîmée prit le parchemin avec beaucoup de respect et s’en alla dans le dédale, jusqu’à trouver, une demi-heure plus tard, le destinataire. Vérace parcourut la lettre rapidement et remercia le serviteur.

Il toqua à la porte du bureau de Chantelain peu de temps après.

- Qui est là ? Demanda l’enquêteur du conseil.

- C’est moi, Vérace.

- Ah ! Attends, répondit-il en enlevant la lourde barre fermant la porte.

- Tu t’enfermes ? S’étonna le conseiller-doyen en rentrant.

- Oui, écoute-moi bien, nous avons affaire à une organisation qui à mon avis est aussi importante que le Conseil ou n’importe quelle guilde. Ce que je découvre me fait peur, j’ai besoin que tu me rendes un service.

- Demande-moi.

- J’aimerais que tu me lances le sortilège du messager fantôme. Si jamais je venais à être tué je veux que tu sois prévenu.

Vérace réfléchit à la requête de son ami, mais la réponse coula de source.

- Bien sûr que j’accepte, il me semble qu’Edrios sait le faire.

- Non, tu dois le faire toi-même, tu comprendras autant que moi les risques d’avertir plus de monde.

- Bien sûr, je m’en occupe.

Chapitre 4 - Origines

Fin de la trente-sixième année du calendrier impérial, soixante-dix ans avant que les terres de Guem ne s’embrasent dans le conflit de la pierre tombée du ciel. Néhant à présent enfermé dans sa prison, les peuples sortaient doucement de plusieurs années de dévastation. Sur les cendres d’un monde à l’agonie les héros de la guerre et les dirigeants des grandes civilisations décidaient du futur. La Kotoba et les Envoyés de Noz’dingard avaient construit leurs campements au pied des ruines du château de Kaes. Au bas mot dix mille hommes et femmes étaient présents aux alentours, qu’ils soient de simples aventuriers ou de grands héros. C’était un moment important car les guildes prenaient officiellement pieds dans cette existence. Dans une immense tente de commandement les plus importantes personnes des terres de Guem discutaient en savourant leur victoire.

- Où est Eredan ? Demanda Prophète examinant les visages autour de lui.

- Il consolide la prison de Néhant, il nous charge de finaliser le pacte des guildes, répondit Artrezil.

- En ce cas, il serait temps d’agir et aussi de laisser nos hommes retourner dans leurs foyers, s’interposa un petit bout de femme qui devait avoir à peine vingt ans et arborant les couleurs de la Kotoba. L’Empire doit se préparer à dire au revoir au premier empereur.

- Vous avez raison seigneur impérial Ayako, honorable fille de Xzia. Si l’assistance me le permet, je présiderais cette réunion.

L’homme qui venait de s’exprimer avait l’allure des gens de Tantad. Ses longs cheveux noirs n’avaient jamais connu la moindre lame, il les portait donc tressés avec des bijoux d’argent pour les maintenir. Il portait également une armure de cuir noire rigide sur le haut ainsi que des jambières et des brassards d’argent ternis par l'âge. Ses yeux bleus très clairs appuyés par un maquillage noir en forme de tête de mort sur la moitié de son visage lui donnaient un charisme incroyable. Sa voix à la fois forte et calme était pour lui une arme aussi importante que son épée. Effectivement tout le monde, y compris les rois et les dirigeants de nations présents s’étaient tus attendant la suite, confirmant la demande de cet étrange personnage.

- Nous vous écoutons seigneur d’Orgos, dit Prophète, sonnant ainsi le début de la création du pacte des guildes.

L’homme monta sur une caisse de bois, non loin de lui quatre autres personnes ayant sensiblement le même équipement que lui regardaient l'assemblée avec défiance.

- La guerre est finie, c’est un fait. Les erreurs que nous avons faites sont sources d’enseignements. Ceux que nous nommons héros se sont levés contre l’adversité et se sont réunis. C’est ainsi qu’ont été créés la Kotoba, les Envoyés de Noz’Dingard, les Thanatosiens et bien d’autres. J’y vois ainsi le véritable moyen de prévenir toute menace dans un monde qui a besoin de se reconstruire. Les pertes ont été lourdes, les armées des grandes puissances ont été balayées par la fulgurance des attaques des forces de Néhant. Je crois nécessaire de créer un statut, reconnu de toutes les nations des terres de Guem, qui permettra aux guildes d’être reconnues et acceptées quelques soient leurs origines ou leur but.

- N’est-ce pas là la porte ouverte à l’opportunisme que pourraient avoir certaines personnes peu scrupuleuses mais protégées par un statut de guilde ? Interrogea Artrezil.

- A ceci j’ai une idée que je vous propose. Outre les différents détails qui se régleront par la concertation mutuelle, il parait essentiel d’éviter tout débordement par la création d’une organisation centrale. Son rôle serait de faire observer les règles établies par le traité et qui contrôlera les créations de guildes. Une sorte de conseil des guildes dont les membres seraient déterminés par le traité, je songeais à un membre de chaque guilde s’étant formée durant la guerre.

Deux jours plus tard, le traité des guildes était prêt. Ratifié par les grandes puissances du monde, officialisant ainsi la création du Conseil et du système des guildes. En hommage envers ce grand évènement le roi de Lokta’ch offrit au Conseil des guildes le château de Kaes et les terres environnantes. Le seigneur d’Orgos et la guilde des Thanatosiens dont il était le dirigeant resta sur place en donnant rendez-vous aux nouveaux conseillers trois mois plus tard afin d’ouvrir la première séance du Conseil. Lui-même fut nommé, pour ses faits honorables durant la guerre comme premier Conseiller-Doyen de l'histoire. Ainsi le Château de Kaes retrouva le calme et la quiétude qu’on lui connaissait. Mais dans la grande salle qui deviendrait plus tard un lieu où de grandes décisions seraient prises, les Thanatosiens écoutaient leur chef.

- Mes amis, mes frères, comme moi vous avez perdu votre famille et des êtres chers à votre cœur. Vous me connaissez bien autant que je vous connais. Notre haine pour Néhant est totale, absolue, implacable. Pour cela nous n'avons d'autres choix que de passer par le fil de l'épée les contrevenants. Vous savez que le traité ne punit pas par la mort ceux qui seraient attirés par Néhant.

D'Orgos se calma, le souvenir de sa famille lui perça une nouvelle fois le cœur.

- Notre plan se passe comme nous l’avions prévu. Ebohki arrivera demain ou après demain, il se mettra au travail de suite. Si jamais vous aviez un doute sur notre action il est encore temps pour vous de renoncer, je ne vous en tiendrai pas rigueur.

Mais aucune des trois personnes présentes ne recula acceptant ainsi une nouvelle vie.

Ebohki arriva deux jours plus tard, visiblement fatigué. L’artisan et véritable génie venait directement de la région de Thane où une affaire importante l’avait retenu plus longtemps que prévu. Il fut accueilli devant le château par le seigneur d’Orgos.

- Maître de Kref’ga, soyez le bienvenu au château de Kaes, berceau du Conseil des guildes.

Ebohki était un homme d'une constitution solide et à l’intelligence vive. Lorsqu’il examina l'extérieur de la bâtisse, il l’imaginait telle qu’elle devait être avant qu’une partie ne s’écroule et telle qu’il pourrait l’améliorer. Il récupéra un gros sac de toile, apparemment lourd de sa roulotte qui ressemblait plus à un coffre fort qu’à une carriole.

- Il va falloir sortir le matériel et tout amener à l’endroit voulu, dit l’artisan.

- Ça sera fait ne vous inquiétez pas, venez vous reposer avant que nous n’attaquions notre affaire. Votre voyage depuis Thane s’est bien passé ?

- Ce que j’avais à y faire est fait, j’ai englouti la route en pensant à votre projet. Je vous ai amené quelques petites choses qui j’espère vont vous plaire, dit-il en montrant son sac.

Une fois dans la grande salle Ebohki se posa sur le sol froid et invita tout le monde à s'asseoir devant lui.

- Je ne suis pas le meilleur quand il s’agit d’armement, mais je me suis inspiré de vos désirs et surtout de vos origines.

Il commença alors à déballer divers objets ; plusieurs sortes de revolvers, des dagues et des épées, des objets plats, des vêtements et d’autres. Les yeux des Thanatosiens brillaient d’intérêt devant tout cela.

- Comme vous me l’avez demandé seigneur d’Orgos le style de ces objets est très différent du votre.

- Je vois cela, je vais laisser mes amis prendre connaissance de vos créations. Nous nous voyons tout à l’heure pour vous montrer le lieu que j’aimerais aménager.

Comme son nom l’indiquait, le château était l’ancienne demeure de Kaes, l’un des protecteurs des sept royaumes qui disparut du jour au lendemain. La légende voulait que le château reste vide jusqu’au retour du protecteur, mais celui-ci ne revint pas et par conséquent il était désormais propriété du Conseil des guildes. Kaes était un homme secret un guerrier savant qui ne faisait rien au hasard. Aussi avait-il fait construire son château sur un lieu empli de magie. Ebohki et Orgos visitèrent donc les souterrains, véritable labyrinthe. Le chef des Thanatosiens avait repéré les lieux depuis longtemps déjà, il s’y était réfugié avec les siens durant la guerre, c’est d’ailleurs de là que son plan avait émergé car au détour d’un couloir un mur s’était effondré, laissant une ouverture béante sur ce qui était une immense caverne où l’atmosphère était nimbée de magie, exhalant des centaines de cristaux bleutés. Ebohki qui avait une certaine affinité pour la magie resta estomaqué devant le spectacle qui s’offrait à lui.

- J’aimerais que ce lieu soit aménagé pour devenir un repère. Il faut une grande salle de réunion au centre, puis de multiples petites pièces afin d’y faire dormir des gens. Il me faudrait aussi des appartements privés et un coffre-fort afin que les objets néhantiques qui ne pourraient être détruits y soient à l'abri des tentations. Enfin si mon sens de l’orientation ne me trompe pas je pense que nous pouvons créer un accès secret au fond de la caverne pour entrer et sortir sans être vu.

Les idées venaient naturellement à Ebohki, il imagina d’un coup un système incroyable.

- Pour le coffre il n’y a pas de problème, je viens d’en créer un très puissant, je pourrai le refaire en version plus petite. Dit-il en restant concentré sur ses réflexions.

Il sortit d’une petite bourse un cristal violet de la taille d’un doigt et l’approcha d’un des gros cristaux bleus. La lumière se concentra aussitôt entre les deux, formant comme une fumée colorée et lumineuse. Cela s’arrêta au bout de quelques instants. Ebohki tint le cristal dans la paume de sa main pour montrer à Orgos de quoi il s’agissait.

- Ces cristaux regorgent de magie. C’est un endroit fabuleux et unique, je vais vous fabriquer une technologie qui n’aura aucun égal...

Mais ça coûtera cher car les matériaux sont rares.

- Considérez que vous avez un budget illimité.

Le sourire d’Ebohki fut une réponse très convaincante.

- Je me mets au travail.

Presque trois années avaient passé. Les Thanatosiens et l’artisan avaient œuvré sans relâche pour l’œuvre du seigneur d’Orgos. A présent la caverne avait un style bien plus étrange et moins naturel. Un peu partout gravés dans la matière étrange servant de mur se trouvaient des sortes de sillons où coulait une énergie magique bleue. Il y avait des piliers sur lesquels des runes étaient gravées afin de contenir et attirer la magie des cristaux qui faisaient désormais partie intégrante de l’édifice.

L’artisan parut satisfait de son œuvre.

- C’est fini, tout est en place, préparez-vous je vais vous montrer comment cela fonctionne.

Orgos et ses amis s’équipèrent donc, abandonnant leurs armures de cuir et leur maquillage pour quelque chose de plus léger et facile à porter. Ebohki avait créé un masque qui possédait une seule grosse lentille.

- C’est incroyable rien ne gène nos mouvements, affirma l’un d’entre eux.

- Vous ne trouverez rien de commun dans les terres de Guem. J’ai créé tout ceci avec des matériaux qui ne viennent pas de cette partie du monde, chaque fibre, chaque lame, chaque cristal, chaque partie de vos armes sont imprégnés de magie. Vous serez capable de prouesses incroyables et à vrai dire vu votre réputation de guerrier j’ai presque peur du résultat.

Orgos examina une des lames, elle était elle aussi parcourue de petites runes bleutées. Il en connaissait la signification car c’était la magie utilisée en Tantad, dès lors il sut que son but était atteint.

- Venez, suivez-moi ! Ordonna l’artisan.

Il les emmena à l’autre bout de l’édifice dans une pièce très particulière. Sur le plafond les multiples sillons convergeaient vers un point central. Une fois tous entrés la porte se referma hermétiquement.

- Nous voici dans ce que j’appelle la salle de ressourcement. Lorsque vous vous servez de vos équipements la magie s’en échappe, lorsqu’un point critique est franchi vous le sentirez. Alors il vous faudra rester plusieurs heures enfermé ici. Pour activer le ressourcement placez-vous au centre du cercle gravé dans le sol.

Les thanatosiens firent le tour de la pièce, admirant la construction et la réalisation parfaite des lieux.

- Je dois vous mettre en garde, il ne faut pas abuser du ressourcement car il est susceptible d'abîmer vos équipements. Tout cela reste expérimental, personne n’a encore créé de telles choses. De plus un excès de magie pourrait avoir de très fâcheuses conséquences. Orgos qui avait retiré son masque félicita Ebohki pour son travail puis ils quittèrent la pièce pour retourner dans la salle principale.

- Je vais rester quelques temps, déclara l’artisan, je vais vous apprendre à vous servir de ce que j’ai créé pour vous ensuite je retournerai à d’autres occupations.

L'entraînement dura plusieurs jours, laps de temps suffisant pour les Thanatosiens de s’habituer à leurs nouvelles facultés et d’apprendre à se servir des armes de distance. Mais cela ne posa guère de problèmes tant la technologie était simple à utiliser et naturelle pour eux. Un soir Ebohki les pensa fin prêt.

- Je n’ai plus rien à vous apprendre vous êtes à présents parés pour les missions que vont vous donner le Conseil, annonça-t-il.

D’Orgos s’approcha de l’artisan, le fixant au travers de sa visière-lentille, il savait que viendrait ce moment et que pour que l’entreprise réussisse il allait devoir sacrifier un innocent.

- Le Conseil ne sait pas ce que nous faisons et ne le saura jamais.

Sur cette fin de phrase d’Orgos plongea sa lame dans la poitrine d’Eboki puis tira d’un coup sec. L’homme s’écroula mort sur le coup sans comprendre le geste de celui qu’il avait aidé.

- Désormais les Thanatosiens n’existent plus, seul reste le Traquemage. Nous ne sommes plus qu’un et nul ne devra connaître notre secret sans quoi c’est la mort. J’espère que c’est entendu. A présent je vais prendre ma place au sein du Conseil et expliquer que notre guilde est officiellement dissoute, continuez l'entraînement et bientôt notre première cible sera désignée. Vu le nombre de Néhantistes encore dans la nature cela ne devrait pas tarder.

Chapitre 5 - Affaires internes

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“Bam bam bam”

Le soldat de la garde du Conseil tambourina fortement à la porte du Conseiller-Doyen.

- Conseiller-Doyen, Conseiller-Doyen, réveillez-vous !

Vérace qui avait le sommeil léger se leva sans mal de son lit. Il attrapa la cape de sa tenue et la jeta sur ses épaules.

- Qu’est ce qu’il y a ?

- C’est le Conseiller Chantelain...

- Il s’est fait avoir ? Coupa le Vérace.

- Disparu.

- Amenez-moi jusqu’à ses appartements je vous prie. Et faites réveiller les conseillers Marlok et Abyssien, soyez discrets je ne veux pas que la panique s’empare du château.

En tenue de nuit, Vérace courut le long des couloirs, s’inquiétant pour son ami, rageant intérieurement de cet incident. Sur place il trouva le chaos. La porte enfoncée, la vitre cassée, les meubles renversés et des papiers partout. Vérace se pencha par la fenêtre, les rares éclairs ne lui offraient pas assez de lumière. Comprenant plus où moins ce qu’il s’était passé ici il fit sortir les gardes et se plaça pile à l’entrée du bureau. Là il utilisa sa magie et l’intérieur devint trouble.

- Vous n’avez rien touché ? Demanda-t-il agacé.

- Non Conseiller-Doyen.

- Bien, demandez au servants de ramasser les débris qui sont tombés en contrebas, qu’ils ne répondent à aucune interrogation de qui que ce soit.

Peu de temps après Marlok arriva, suivi d’un Abyssien encore endormi.

- Conseiller-Doyen, vous nous avez fait demander ?

- Oui Conseiller Marlok. Venez tous les deux, dit-il en entrant dans le bureau.

- Un sort de stase ? Remarqua Abyssien.

- Désolé de vous déranger en pleine nuit, mais la situation l’exige. Le Conseiller Chantelain a disparu, probablement à cause du Traquemage. Il avait pour mission d’enquêter sur cette personne.

- De toute évidence cela ne lui a pas réussi, déclara Abyssien en baillant à se décrocher la mâchoire.

- Oui et non. Il est venu me voir hier en me demandant de lui accorder un sort de messager fantôme. J’ai compris qu’il avait de sérieuses pistes et qu’il fallait faire plus. J’ai lancé plusieurs sorts en plus du messager fantôme. Il porte une marque de l’ombre, en espérant qu’elle soit active.

- Il est curieux que le Traquemage n’ai pas tué directement Chantelain, je ne me souviens pas d’enlèvement de sa part, mais plutôt des morts spectaculaires, remarqua Marlok.

- Une marque de l’ombre ? Dans ce cas je peux le pister.

- Oui Abyssien, je vous ai fait venir pour ça. Retrouvez-moi Chantelain et reprenez l’enquête avant qu’il ne lui arrive malheur. Quant à moi j’ai quelques petites choses à faire rapidement. Si Chantelain n’est pas mort c’est que le Traquemage savait que sa cible portait un messager fantôme.

- On s’y met de suite, annonça Marlok.

Chantelain avait un horrible mal de tête, il mit longtemps à émerger, ses paupières se levant puis se refermant presque immédiatement. Une main le secoua, puis une claque lui donna un coup de fouet le réveillant instantanément. La lumière projetée par des sortes de lampes, probablement magiques ne fut pas agressive, bien au contraire.

- La douleur va vite passer, ne vous en faites pas Chantelain.

Le conseiller se concentra et sa vision redevint claire, la voix était la même que celle de la personne qui l’avait assommé tantôt. Il se souvint d’où il l’avait déjà entendu. Devant lui un Traquemage le regardait, mais celui-ci n’avait pas le même costume que celui qu’il avait affronté. Tout cela se passait dans une grande pièce close, sans fenêtre ni porte. La décoration luxueuse détonnait avec la modernité des murs lisses striés de sillons lumineux.

- Qu’est ce que je vais faire de vous ? Attendre que le message fantôme ne se dissipe et vous tuer ?

A présent Chantelain était certain quant à l’identité de ce Traquemage.

- Edrios... Enlevez ce masque, votre voix à l’accent de Tantad vous trahie.

Le Traquemage tira son masque de cuir, découvrant le visage du Conseiller Edrios. Celui-ci tira alors un fauteuil pour s’y installer, faisant face à son prisonnier qui, lui, était par terre, attaché.

- Vous avez toujours été un fin limier Chantelain, et, j’ai pu le voir, un être redoutable l’arme à la main. Vous avez tué un apprenti, mais ce n’est pas grave.

- Relâchez-moi Edrios, vous ne gagnerez rien à me garder captif et encore moins à me tuer, je ne fais que mon travail.

- Et moi, le mien. Je dois protéger l’organisation.

- Vous ne protégez rien, au contraire, le Conseil mettra tout en œuvre pour me retrouver tant que le messager fantôme sera actif.

- Le Conseil ? Dit Edrios en soupirant. Le Conseil a été créé par celui qui a créé l’organisation Traquemage, nous sommes ici même sous le château de Kaes. Bref, ils ne vous retrouveront pas.

- Comment vous croire ? Après tout on pourrait être à l’autre bout du monde et vous pouvez très bien me mentir.

- Je pourrais oui, mais sachez que mes buts sont honorables. Je lutte contre Néhant grâce à mon organisation.

Chantelain se remémora les différents rapports qu’il avait obtenu et ses conclusions n’étaient pas glorieuses.

- Tuer des innocents et les voler ensuite c’est ça l’honneur pour vous ?

Edrios fronça les sourcils, visiblement la remarques le mit hors de lui. Il se leva d’un coup, tira son arme de son fourreau.

- Taisez-vous ! Vous ne connaissez RIEN du sacrifice que nous faisons pour sauver les terres de Guem de cette folie nommée Néhant !!!

Chantelain ne se laissa pas impressionner, il avait déjà eu plusieurs confrontations d’opinions dans la grande salle du Conseil.

- Vraiment ?? Comment pouvez-vous dire ça après ce qu’il vient de se passer ?? Un démon qui réussit à contrôler le Conseil ! Si quelqu’un a failli, c’est vous !! Dit-il en hurlant.

Pendant ce temps, Abyssien et Marlok parcouraient les couloirs de château de Kaes, suivant une petite créature d’ombre “sniffant” le sol.

- Ça fait déjà un bon moment qu’il tourne sans sortir du château, Chantelain serait donc ici ? Questionna Marlok.

- C’est même sur, il a délimité la zone de recherche, il devrait passer...

Abyssien ne finit pas sa phrase, le pisteur s’emballa et se mit à courir.

- Ah bien voilà ! C’est parti !

Les deux conseillers suivirent donc leur petit compagnon magique, dévalant couloirs et escaliers. Tantôt à droite, tantôt à gauche, descendant et remontant les étages puis enfin ils s’engagèrent dans un couloir au plus profond des entrailles de la demeure. Là sans autre raison le pisteur stoppa sa course effrénée devant un mur, au milieu d’un couloir que nul n’empruntait jamais. La créature d’ombre en forme de chien resta alors immobile pointant le mur de son museau.

- Il est détraqué ton pisteur, s’amusa à plaisanter le Draconien.

- Que nenni mon ami. C’est juste que Chantelain est là quelque part derrière ce mur.

Marlok toucha de sa main de cristal la surface de la pierre pendant qu’Abyssien examinait les alentours. Le Draconien se concentra et fit appel à ses pouvoirs de mage.

- J’ai quelque chose, dit-il sérieusement.

- Moi aussi, bien que cela ne se voit pas, je pense que des personnes passent par là.

- Tu as raison Abyssien, y a du passage et à vrai dire, il y a de la magie dans cette histoire.

La main de Marlok s’illumina d’une lueur bleutée, à ce moment là des inscription apparurent sur le mur, formant un cercle magique. Puis une fois qu’elles furent toutes visibles un passage magique se forma, comme si la surface était de l’eau. Marlok tira de sa veste un tube de cristal d’une vingtaine de centimètres et en passa une extrémité au travers la porte magique.

- Et bien voilà ! Se réjouit Abyssien, on va voir ?

- Oui oui, mais il faut être prudent, j’ai déjà vu cette magie autrefois, celle des runes de Tantad. J’ai vu des prouesses incroyables lors de mes voyages dans cette partie du monde. Mais quelle relation avec le Traquemage ?

- A nous de le découvrir, dit Abyssien en les recouvrant tous deux d’un voile de ténèbres. Et pour cela devenons invisibles !

Aspirés par la porte, transformés en ombres, les deux conseillers se retrouvèrent de l’autre côté. Glissant ainsi dans les nombreuses ombres du repère des Traquemages. D’ailleurs ils s’aperçurent assez rapidement de l’activité présente. Dans cette grande pièce principale il y avait une dizaine de Traquemages. Ils continuèrent leurs recherchent, se faufilant à l’insu des assassins.

Chantelain continuait de défier Edrios, à présent il cherchait à gagner du temps de manière à ce que la douleur arrête de le figer et surtout le temps de défaire ses liens sans que cela ne se voit. Un plan avait vite germé dans son esprit. Sur une table non loin de là une des dagues de Traquemage était plantée, probablement dans le but de l’impressionner. S’il pouvait défaire ses liens, et vu que ceux-ci étaient lâches... Edrios était parti dans un monologue vertueux, expliquant que Chantelain avait tort et qu’il suivait la seule et véritable voie de la lutte contre Néhant. Le prisonnier avait observé la pièce, il y avait là certains objets connus comme des œuvres d’art propriétés d’un roi, d’un seigneur, d’un marchand et d’autres mais qui n’avaient rien à voir, et avec certitude, avec les Néhantistes. Il comprit alors qu’Edrios n’avait pas un discours cohérent par rapport à ses actes. La situation allait évoluer plus rapidement que prévu. Marlok et Abyssien réussirent à atteindre la pièce où Chantelain était enfermé. Ce dernier passa à l’action à ce moment là. Il fit appel à toutes ses forces restantes pour bondir entre Edrios et la table. De sa main gauche il attrapa le bras de son adversaire, de l’autre il arracha la dague de la table. Hélas pour Chantelain il ne fut pas assez fort, ni rapide. Edrios parvint à se défaire de l’étreinte de Chantelain.

Les deux mages cachés dans les ombres reconnurent les deux protagonistes et agirent à ce moment précis. Tous deux reprirent leur véritable forme. Abyssien se servit des ombres présentes pour créer plusieurs tentacules qui s’enroulèrent autour des jambes d’Edrios. Marlok quand à lui modifia la structure de son bras de cristal pour qu’il devienne une lame et la planta dans les côtes de leur adversaire. Edrios n’eut pas le temps de blesser Chantelain, surpris et entravé par les tentacules d’ombre. Le combat tourna court, voyant que l’issue lui était défavorable, ne pouvant faire face à trois conseillers de cette valeur, Edrios emporté par sa folie n’avait pas d’autre choix que de se donner la mort. Il s’enfonça la lame de son épée dans le ventre et s’écroula ensuite, la vie s’échappant de lui... Chantelain, mort de fatigue se posa à terre, soulagé de par l’intervention au combien providentielle de Marlok et Abyssien.

- Comment vous m’avez retrouvé ? Demanda Chantelain.

- Vous verrez ce détail avec le Conseiller-Doyen, répondit Marlok un peu gêné.

- Bon et maintenant ? Interrogea Abyssien. On peut ressortir comme nous sommes entrés, je tiens pas à rester là, on s’occupera des Traquemages plus tard maintenant que nous savons où ils sont.

- Non attendez, j’aimerais fouiller cette salle. Il faut aussi emporter le corps d’Edrios pour éviter que sa mort ne soit remarquée.

Chantelain se leva tant bien que mal et entreprit de fouiller la pièce. Ses recherches furent très fructueuses car il trouva plusieurs grimoires qui étaient les notes du seigneur d’Orgos et de ses successeurs, d’autres objets et costumes de Maître-Traquemage.

- J’ai fini, partons. J’ai un service à vous demander, il va falloir enlever les vêtements d’Edrios, les brûler et lui en passer d’autres.

- Vous avez une idée derrière la tête vous; affirma Marlok.

- Plus d’une même, ne parlez à personne de tout ça, nous ferons une réunion privée avec Vérace dès que j’aurais lu ce que j’ai pris.

Avec difficulté Abyssien réussit à transformer tout le monde en ombre, disparaissant du repère des Traquemages sans que ceux-ci ne se rendent compte de ce qu’il venait de se passer ici.

Quelques jours plus tard, Marlok, Abyssien, Chantelain et Vérace s’étaient réunis dans le bureau, à présent rangé, de Chantelain. Le Conseiller-Doyen scella magiquement la pièce pour que personne d’indiscret n’assiste à leurs échanges.

- Conseillers, Doyen, j’ai lu, dans les grandes lignes, les grimoires trouvés chez les Traquemages. Ce qu’on y découvre est incroyable. C’est le Conseiller-Doyen d’Orgos qui a créé les Traquemages par haine des Néhantistes. Le Conseil n’accordant pas de peine capitale, il a créé une société secrète, qui perdure encore après soixante-dix ans d’activités. Plusieurs conseillers ont dirigés les Traquemages jusqu’à Edrios. Mais c’est là que ça tourne vinaigre. C’était il y a presque vingt ans lorsqu’il s’est vu confier la direction de l’organisation. Mais il l’a perverti, s’en servant pour ses propres intérêts et pour son profit personnel. Vérace n’en crut pas ses oreilles. Les Traquemages, ici, depuis si longtemps et sous le contrôle d’un conseiller.

- Décidément, j’en apprends tous les jours, déplora-t-il. Bon réfléchissons à ce que nous pouvons faire d’eux maintenant.

- J’ai déjà une idée, déclara Chantelain. Je ne donne pas raison à d’Orgos, mais nous avons là une opportunité. Le Conseil doit garder le contrôle des Traquemages et faire perdurer l’organisation, mais avec nos directives. Le tout sans qu’ils sachent la vérité.

- C’est dangereux, affirma Marlok. Si la vérité est révélée on accusera le Conseil d’assassinat et cela nuira à une réputation déjà entachée par les derniers évènements.

- Mais c’est aussi un moyen de lutter contre les Néhantistes, ils en ont les outils, expliqua Chantelain avec conviction.

- Peut être dans ce cas devrions-nous temporairement garder le contrôle des Traquemages, au moins jusqu’à ce que nous ayons éliminé le problème Néhantiste, intervint Abyssien.

Le Conseiller-Doyen regarda les autres conseillers les uns après les autres, il lui fallait prendre une décision sur l’avenir des Traquemages. Que deviendraient-ils s’il démantelait l’organisation ? Allaient-ils devenir des bandits ? Que faire de personnes dont la seule façon de vivre était d’être Traquemage ?

- Chantelain, vous prenez la succession d’Edrios. Les Traquemages devront être réorientés vers leur but primaire et se remettre au travail. Marlok, vous connaissez le rituel du serment de parole ?

- Oui, oui, je le connais.

- Dans ce cas il va falloir le faire, afin que ce secret reste entre nous et soit caché pour toujours.

Eclosion

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Chapitre 1 - Le prêtre-roi

“Hakim...

Hakim...

Lorsque le soleil de ses rayons éclairera ton visage. Alors que tu te réveilleras, tu devras venir à moi. Tu marcheras vers l’astre jusqu’à ce qu’il soit haut dans le ciel. Là tu me trouveras, moi Ozymandias...”


Le jeune homme sursauta sur sa couche. Le jour était levé, la lumière baignait la petite chambre qu’il habitait depuis plusieurs années. Un peu hagard il se leva et se passa un peu d’eau sur le visage. Un nom ne cessait de se répéter dans sa tête : Ozymandias. Une fois convenablement habillé il sortit de sa chambre et parcourut le petit temple dédié à Sol’ra. A cette heure-ci les autres serviteurs et le prêtre dormaient encore. Son rêve était encore présent, aussi voyant là un appel mystique Hakim marcha jusqu’au porche du temple. Là dormait un garde, en poste en raison de l’insécurité des lieux suite à la recrudescence des actions de rebelles dans la région. Il se saisit d’un cimeterre posé contre le mur, jurant de le ramener à son propriétaire. Il quitta les lieux, marchant dans le désert, suivant le soleil qui eut tôt fait de progresser dans le ciel immaculé.

Mouktar avait reçu quelques jours plus tôt des ordres du vizir en personne. On lui avait demandé un rapport sur les activités rebelles d’Aksenoun. Ce qu’il avait découvert lui vaudrait sûrement une gloire et une récompense incroyable, mais le destin, finalement, s’attarda sur son cas et ne lui laissa pas le temps de rapporter des faits accablants pour le prince Metchaf et Urakia. Il avait suivi ces derniers jusqu’à Istaryam où il les espionna dans la plus grande discrétion. Mais il n’alla plus loin que ne lui permit la présence de Pto’la. Il observa donc chaque personne présente et comprit rapidement que c’était un groupe de rebelles, le prince et Urakia n’ayant rien fait à leur encontre Mouktar serait obligé d’en faire part à qui de droit. Puis lorsque le sol trembla alors que les dieux anciens étaient libérés il décida de ne pas traîner plus dans les parages. En dehors d’Istaryam un étrange spectacle s’offrait à lui. Le désert était littéralement avalé là où il y avait le dôme, découvrant ainsi quelques vestiges de l’ancienne Istaryam. Lorsque tout cessa et que le sable eut fini d’envahir la ville le Scorpion Blanc de Selik remarqua un détail pour le moins intéressant. Tout au bout de l’ancienne cité, le bout d’une pyramide dépassait du sable. sur la parois le symbole du soleil de Sol’ra. A sa connaissance il n’y avait pas de temple de quoi que ce soit ici. Poussé par la curiosité il obéit au deuxième commandements des Scorpions Blancs : Apprends tout ce que tu pourras.

Le soleil était haut dans le ciel lorsque Hakim remarqua le nuage de poussière. Il pensa de suite que c’était là un signe et continua sa route. Il monta une grande dune et une fois en haut il fut époustouflé par la vue - des ruines sortaient du sable ! En contrebas de là où il était, le symbole de Sol’ra attira toute son attention. Il entreprit alors de descendre la dune pour aller voir. Il ressentait désormais une présence familière comme si le prêtre Sol’ra qui l’avait presque élevé était à ses côtés.

Mouktar caché derrière l’une des arrêtes de la pyramide regarda arriver Hakim en se demandant d’où il venait ainsi. Savait-il que cette pyramide était là ? Il ne se laissa pas démonter et alla à la rencontre du jeune homme surprenant ce dernier.

- Qui êtes-vous ? Demanda le Scorpion Blanc.

- Je... Hakim, je viens d’un temple à une demi-journée d’ici. Et vous ?

- Mouktar, Scorpion Blanc de Selik.

Mais cela ne disait pas grand chose à Hakim.

- Qu’est ce que vous voulez ? Je n’ai pas d’argent à vous donner, rétorqua-t-il pensant avoir à faire à un bandit.

- Je ne veux pas votre argent... Je ne suis pas un voleur... Je travaille pour le vizir. Je viens juste voir ce qu’il se passe ici car c’est pour le moins étrange...

Hakim plongé dans ses réflexion laissa là Mouktar pour ce concentrer sur ce pourquoi il était là. Hélas après un tour complet de l’édifice il n’avait pas trouvé d’entrée, seulement des blocs scellés les uns aux autres. Le Scorpion Blanc s’amusa à le regarder faire, plus habitué aux ouvertures secrètes il avait déjà compris comment rentrer.

- Dites-moi pourquoi vous êtes là et je vous aide, commenta-t-il.

- Je suis là par la volonté de Dieu, si vous voulez en savoir plus aidez-moi à entrer là-dedans, répondit Hakim un poil irrité.

- Très bien, venez voir... là ! Dit-il en montrant le symbole de Sol’ra.

Mouktar pointa du doigt quatre symboles hiéroglyphiques qu’Hakim comprit de suite comme étant une courte prière. Une fois assimilée il s’agenouilla et plaqua les mains contre la pierre brûlante. Il chuchota ensuite et à plusieurs reprises les paroles qu’il venait d’apprendre. Le bruit de la pierre contre la pierre indiqua qu’un passage venait de s’ouvrir. Une des pierres s’était enfoncée dans la pyramide, laissant le champ libre aux deux nomades. Une fois à l’intérieur tout changea autour d’eux. Les murs disparurent et ils se retrouvèrent au milieu du désert devant un cristal jaune.

- Qu’est-ce que ? Marmonna Mouktar impressionné.

“Approchez !” Commanda une voix qui semblait venir de nulle part. “Je suis Ozymandias, Prêtre-roi au service de Sol’ra. Venez à moi fidèles”.

- Ozy...mandias... répéta Hakim.

Il avait eu le temps durant son voyage de réfléchir à ce nom et il ne voyait qu’une personne ayant été nommée ainsi par le passé. L’un des premiers rois du désert. Mais c’était il y a longtemps, très longtemps, par quel miracle cela pouvait être lui ? Surtout que cette voix venait de le confirmer “Ozymandias, Prêtre-roi”. Mouktar quant à lui ne connaissait pas ce nom mais ça ne l'empêcha pas d’aller voir ce cristal pour se faire une idée “Apprends tout ce que tu pourras”. A l’intérieur, pris dans le cristal il y avait un homme. Mouktar toqua à la surface pour tester la solidité de l’objet, cela ne sonnait pas creux. Hakim fit le tour, examinant la vieille tenue et l’état de l’homme. Il reconnut là une tenue comme celle d’un prêtre de Sol’ra avec sa couleur bleue caractéristique et ses symboles. Accrochée à son dos et se calant derrière sa tête, une parure en or représentait le soleil.

- C’est bien Ozymandias !

“Hakim... Brise mes chaînes... Libère-moi de ce cristal ! Et je répondrai à tes interrogations”.

Le jeune Gardien du Temple, poussé par sa ferveur prit de l’élan et frappa le cristal de son cimeterre. Le cristal se fendilla mais ne céda pas. Mouktar décida de l’aider et frappa à son tour avec force. Ils répétèrent leurs gestes jusqu’à ce que le cristal se brise totalement. Ozymandias tomba à genoux au milieu des éclats, il prit une grande goulée d’air comme un nourrisson venant de sortir du ventre de sa mère. Tant bien que mal il se leva, sa grande silhouette filiforme supplantait en taille celles des deux autres. Il serra ses poings comme pour faire revenir ses forces. Puis il se retourna vers Hakim et Mouktar et leur tendit les mains. - L’histoire n’oubliera pas vos noms et lorsque Sol’ra aura détruit ce monde il vous accueillera à ses côtés. Saisissez ma main et allons vers les nôtres qui attendent au loin un signe fort, le signe de mon retour, le signe de Dieu.

Ce n’était visiblement pas une suggestion, mais un ordre divin. Les deux hommes attrapèrent chacun une main et tout vacilla autour d’eux. La lumière s’intensifia, jusqu’à les rendre aveugles, le sol se déroba sous leurs pieds. La sensation n’était pas désagréable car, ils le sentaient, ce prodige était l’œuvre de Sol’ra.

Chapitre 2 - Prélude à la guerre

Noz’Dingard


L’inquiétude pesait sur la conscience d’un des êtres les plus proche de Guem existant à l’heure actuelle. Dragon n’avait ressenti cela qu’en de rares occasions, l’une d’elle fut l’arrivée de Néhant. Cela n’allait pas. Et bien que sa façon de ressentir les sentiments différaient des humains, l’angoisse montait. Au loin Arkalon se battait aux côtés de la Kotoba dans une bataille contre les nomades du désert. Il s’était focalisé sur son ancien Chevalier-Dragon afin de voir par ses yeux et ce qu’il voyait ne lui plaisait pas. La terre autour de la pierre tombée du ciel n'était désormais que sable stérile et jamais encore ce maudit caillou n’avait autant lui d’une puissance aussi forte. Dragon le savait, cette bataille allait être la dernière, il lui fallait agir et cesser d’être un simple spectateur. Il se matérialisa devant le trône du palais de Noz’Dingard où Anryéna lisait un parchemin. Elle cessa immédiatement sa lecture lorsqu’elle vit son père. Le visage de Dragon était crispé et son humeur impactait l’ambiance. Anryéna s’inquiéta de cet état.

- Père, qu’est ce qu’il y a ?

- Ma fille, le monde bascule et nous sommes désormais à la croisée des chemins. Si l’une des routes mène à la victoire, l’autre nous plongerait dans le chaos. Ne restons pas repliés sur nous même en attendant la résolution de ce conflit, mais appuyons ceux qui offrent leur vie. Rassemble le plus rapidement possible les gardes de la cité, nous n’avons pas le temps de faire appel à toute l’armée de la Draconie.

Sur ce Dragon ferma les yeux pour ce concentrer, il ressentait chaque personne avec qui il était lié, tous ses gens qui lui avaient donné leur pierre-cœur et qui faisaient désormais partie des Envoyés de Noz’Dingard. Il appela chacun d’entre ceux qui se trouvaient dans la capitale.

“Envoyés, entendez mon appel, Je vous attends au palais afin de vous donner une mission primordiale pour les terres de Guem. Mettez-vous en route sans tarder.”

- Ma fille tu devras rester là pour diriger, en l’absence de Kounok je ne peux me résoudre à te laisser risquer ta vie.

Anryéna comprenait bien la situation aussi ne répondit-elle pas à son père et se contenta d’obéir en convoquant le capitaine de la garde de la ville.

Les premiers à se présenter furent ceux qui étaient préparés à la guerre à savoir les Chevaliers-Dragon Zahal et Valentin ainsi que Naya et une partie de ses Sorcelames. Puis les mages arrivèrent, Aerouant avec son golem bien sur, mais aussi Marlok de passage dans la cité ou encore Alishk. Si bien qu’à part Marzhin, Pilkim, Kounok et la Pythie il ne manquait personne. Enfin se fut le tour de la soldatesque d’arriver si bien que la grande place devant le palais fut très vite remplie. Dans le palais Dragon s’adressa aux plus hautes autorités de la cité, Zahal qui en temps de guerre devenait le dirigeant des armées, Naya en tant que dirigeante des Sorcelames et Marlok qui fut nommé en tant que représentant du Compendium dans la mission qui allait suivre.

- Ce qui va advenir est capital pour les terres de Guem. Je vais vous ouvrir un portail magique jusqu’au tombeau des ancêtres où une partie de la Kotoba affronte ceux venus du désert. Rangez-vous à leurs côtés et conjuguez vos forces. Sur place vous trouverez facilement le Chevalier-Dragon Arkalon, indiquez-lui qu’il prend la tête de l’armée de la Draconie. Je ne vous cache pas que cette mission est terriblement risquée et je ne m’attarderai pas plus. Cela va bien au-delà d’une guerre de Guilde.

Marlok fit un pas afin de prendre la parole.

- Dragon, je ne suis pas en simple visite ici, mais envoyé par le Conseil des guildes. Sachez que nous venons de voter la dissolution de la guilde connue sous le nom de Nomades du désert. Nous pouvons agir sans crainte de représailles de la part du Conseil.

- En ce cas, frappez, frappez fort et mettez à genoux nos ennemis. Mais surtout il nous faut détruire cette pierre tombée du ciel !

Dragon sortit alors du palais suivi par les Envoyés de Noz’Dingard. Il fit appel à sa magie et un portail de magie s’ouvrit devant lui.

- L’ouverture d’un passage me demande énormément de magie, alors partez immédiatement. Je vais faire appel à nos alliés pour leur indiquer que nous entrons en guerre.


Okïa un jour avant l’affrontement.


Le Seigneur Impérial tenait bon sur son cheval, la douleur à son côté lui rappelait la défaite subit lors de la dernière bataille au tombeau des Ancêtres. A présent il lui fallait faire face et réparer le déshonneur par une victoire éclatante. Son fils, le Champion Impérial Iro le précédait et les dernières nouvelles étaient inquiétantes. A part ceux déjà sur place le reste de la Kotoba et une partie de l’armée impériale, c’est à dire environ deux mille hommes étaient là attendant les ordres du Seigneur Impérial. Ordre qui vint une fois que tous les capitaines de section eurent signalé qu’ils étaient prêts à partir. Le cortège démarra, vidant peu à peu le village qui n’avait pas connu autant d’animation depuis des décennies. Les villageois encourageaient les fiers soldats impériaux pour leur donner le courage et du cœur à la bataille. Telle une colonne de fourmis les troupes se dirigeaient vers cette pierre qui brillait au loin. Gakyusha, flanqué de Tsuro et Xïn discutait de stratégie.

- Mes Traqueurs nous précèdent et les nouvelles que j’ai font état de deux armées surnaturelles qui seront en train de s’affronter au moment où nous arriveront. Shui Khan, Hime et Amaya seront prêts à intervenir à notre signal.

- Et le clan du corbeau, que fait-il ?

- D’après ce que je sais, intervint Xïn, le seigneur Daijin a envoyé quelques-uns de ses hommes en plus de son exorciste. Si vous voulez mon avis, nous ne les verrons pas avant qu’ils agissent.

- Du moment qu’ils écoutent les ordres tout ira bien. Hâtons-nous je veux que nous intervenions le plus rapidement possible et que nous libérions le tombeau des Ancêtres de ces envahisseurs venus du désert.

- Nous allons leur montrer ce que vaut la Kotoba ! S’exclama Xïn en écrasant son poing droit dans la paume de sa main gauche.


Forêt des Eltarites au moment où les Envoyés de Noz’Dingard passaient le portail.


Le Maître-Mage Marzhin était très impressionné par la rapidité de croissance du Mangepierre des Confins. En l’espace de deux jours ses cheveux avaient poussé d’une trentaine de centimètres. Pilkim ne quittait plus la créature des yeux, non pas pour son physique féminin mais pour tout ce qu’elle représentait. Elle avait réussi tous les tests que les draconiens lui avaient fait passer et pourtant ceux-ci étaient réputés difficiles au sein de l’académie de magie de Noz’Dingard. Au beau milieu de l’un d’entre eux, le Mangepierre se figea, ne réagissant plus aux questions de Marzhin et Pilkim. Le Kei’zan qui observait pencha la tête, il voyait bien que quelque chose n’allait pas.

- Mangepierre ?

La créature se leva et se tourna dans une direction précise.

- Cela a commencé ! Dit-elle à haute voix.

- Quoi donc ? Qu’est-ce qui a commencé ? Demanda Marzhin curieux.

- Ce pourquoi vous êtes venus me chercher, ce pourquoi je me prépare, ce pourquoi nous allons partir d’ici. Les forces se déplacent, je ressens la puissance divine là-bas au loin, la guerre commence.

- Quoi ? maintenant ? S’exclama Pilkim.

- Faut-il que la guerre t’attende fiston ? Ironisa Marzhin.

- Les vôtres sont en route pour la pierre tombée du ciel, dit le Mangepierre à l’attention des draconiens.

Puis s’adressant au Kei’zan.

- Nous devrions nous mettre en route, la Cœur de Sève doit à son tour intervenir.

- Vous avez raison Mangepierre, partons, la grande majorité de la Cœur de Sève nous attend à la lisière de la forêt et les autres sont là. Venez-vous Maître-Mage ?

Marzhin se leva et s'épousseta en réfléchissant à se qu’il allait faire. Si les Envoyés de Noz’Dingard se jetaient dans la bataille, pourquoi pas lui. Et puis sa mission ici était finie après tout, sans parler du fait que cette bataille était importante et peut-être déterminante.

- Bien sur que nous venons, vous n'allez pas vous amuser sans nous.

Pilkim ne sut pas quoi en penser entre l'excitation de la perspective d’une bataille et la peur d’affronter la mort. Mais si son père décidait de participer alors il le devait aussi.

Sans tarder plus la Cœur de Sève se mit en branle et quitta sa forêt pour prendre en tenaille les nomades du désert.

Chapitre 3 - La fin ?

La tête de Soraya roula par terre et s’enfonça légèrement dans le sable.

Le corps de l’incarnation de Kehper tomba lourdement devant Iro et les autres membres de la Kotoba présents à ce moment là. Le jeune Xziarite s’attendait à voir les guerriers scarabées détaler à cet instant précis, mais le fait qu’il ait vaincu l’incarnation de Kehper n’eut pas l’effet escompté. La vague de chitine continua de plus belle et très vite l’armée des ancêtres dut reculer.

- C’est pas vrai, comme ça se fait ??? lâcha Iro énervé par la situation, coupant des têtes d’insecte à tour de bras.

Yu Ling vit que le général adverse se relevait, marchait jusqu’à sa tête et la reposa à sa place comme si de rien n’était. Elle resta ébahie par cette vision catastrophique. Ils allaient perdre s’il ne pouvait le terrasser définitivement.

C’est là qu’apparurent non loin de la mêlée les troupes de la Draconie. Le bleu se mêla alors au noir et au rouge pour un mélange des couleurs chaotique. Zahal trouva Arkalon, bien visible parmi l’armée des ancêtres. Comme tout bon Chevalier-Dragon le jeune homme connaissait la prestigieuse lignée des porteurs du titre, aussi il reconnut là celui qui autrefois perdit la vie contre l’empire de Xzia.

- Seigneur ! Je suis Zahal je dirige les troupes régulières de la Draconie, suivant les ordres de Dragon nous nous plaçons sous votre commandement.

Arkalon n’était guère surpris par l’arrivée des “siens”. Il ne fut pas non plus étonné de voir plusieurs Chevaliers-Dragon, cela avait déjà été le cas autrefois. Aussi assuma-t-il le rôle confié. Il amena Zahal jusqu’à Iro afin de faire un plan rapide. Mais à peine étaient-ils au niveau du Champion que Yu Ling montra quelque chose.

- La bannière de mon père ! D’autres renforts ! Cria le Champion plein d’espoir. La bataille n’est pas perdue !

Pendant ce temps l’incarnation de Kehper taillait dans le vif, détruisant vivant comme ancêtres. Voyant cela, les quelques nomades du désert présents dans la bataille se replièrent vers la pierre tombée du ciel.

Au pied de la pierre Tombée du ciel l’avenir du monde était en train de se jouer. Ïolmarek observait la bataille en criant des ordres à tout va, il vit arriver les Xziarites et projetait de jeter ses forces dans la bataille. Mais l’apparition soudaine des Draconiens réduisait ses efforts à zéro.

- Que faire !?

“Garde espoir, prêtre, garde espoir, il arrive et avec lui la fin de ce monde !” déclara la voix venue de la pierre tombée du ciel “garde la foi”.

- Qui arrive ? Et quand allez-vous agir ?

“Celui qui fut mon réceptacle, celui qui fut moi, celui qui sera moi, le fléau de Guem !”

A ce moment là une forte lueur jaune attira le regard du grand prêtre de Sol’ra. Des hommes venaient d'apparaître comme par miracle. Djamena non loin de là n’en revint pas. Elle s’approcha du Prêtre-roi, puis elle effleura sa joue de dos de ses doigts.

- Toi... Tu es revenu..

Elle mit alors genou à terre en signe de respect. Ïolmarek sauta de son rocher volant pour en savoir plus sur ces arrivants. Ils portaient les symboles de son ordre religieux et s’il avait déjà croisé Hakim et Mouktar il ne connaissait pas celui devant qui Djamena se prosternait.

- Lève-toi Djamena, nous sommes à nouveau réunis, sais-tu ce que cela signifie ?

- Non qu’est ce que ça signifie coupa Ïolmarek.

Djamena s’interposa pour faire les présentations alors que d’autres nomades se rassemblaient autour d’eux.

- Voici le Prêtre-roi Ozymandias, dit-elle en le montrant, puis à l’inverse, Prêtre-roi, voici le grand prêtre de Sol’ra Ïolmarek.

Le vieil homme connaissait ce nom et surtout savait ce qu’il avait fait autrefois.

- Je vous croyais mort depuis longtemps. Vous avez survécu ??

- Sol’ra n’aurait jamais permis que je meure, moi seul, je suis capable de contenir sa puissance ! Avec ta permission je prendrais la parole.

- Oui bien sur... se résigna un Ïolmarek impressionné.

- Solarians, enfants de Sol’ra, le moment est venu de libérer sur ce monde celui qui attend patiemment dans la pierre venue du ciel. Il est temps de vous réveiller éclats du soleil pour que nous terminions le duel qui nous oppose à Guem. Laissez parler votre nature, dit-il en écartant les bras. Lancez les suppliques et les litanies, faites entendre notre foi !

Ïolmarek prit à l’écart le Sphinx, les autres gardiens du temple et certains membres de l’Eclipse.

- Empêchez quiconque d’interrompre ce qu’il va se passer maintenant, n’oubliez pas que vous êtes le bras armé de Sol’ra et que nos vies lui appartiennent.

- C’est compris ! Dit le Sphinx en se frappant la poitrine. Moi vivant personne n’approchera.

- Regardez par là bas annonça Malika en montrant de l’autre côté de la pierre. On a de la visite... encore.

C’était le Kei’zan et la Cœur de Sève, accompagnés par le Mangepierre, Marzhin et les Draconiens. Le Sphinx cracha par terre.

- Je vais prendre ma revanche ! Dit-il en marchant calmement en direction des troupes Eltarites.

- Attends, vous ne tiendrez pas face à eux. Je vais faire en sorte que vous les écrasiez, dit Ïolmarek en soufflant ensuite sur sa lampe.

Une créature bleue en sortit alors.

- Oui, mon maître, puis-je réaliser votre dernier souhait ?

- Donne à ces personnes la capacité de résister à la magie de Guem afin qu’elles puissent vaincre nos ennemis.

Le génie écarta les bras et une aura brillante apparut autour du Sphinx et des autres nomades.

- Accordé ! Dit le génie. A présent que je t’ai servi par trois fois, à toi de respecter le pacte.

- Je sais. Va à présent, tu es libre.

Dans un “plop”, le génie disparut pour toujours. Ïolmarek jeta la lampe au sol.

- A présent allez et terrassez-les ! Ordonna le grand prêtre.


C’était la guerre.


Voilà que cette région du monde connaissait une nouvelle fois une incroyable bataille. D’un côté la Kotoba et les Envoyés de Noz’Dingard se battaient contre Kehper et son armée de scarabées, de l’autre la Cœur de Sève se mesurait à l’incroyable puissance d’une partie des nomades du désert. Tout allait très vite et malgré la volonté de cohésion des différents chefs cela tourna vite en une grande mêlée générale. Le Sphinx et ses amis, protégés par la magie du génie ne craignirent pas la magie de la nature des Daïs. Ces derniers impuissants n’eurent d’autres choix que de laisser les Hom’chaï tenter de briser la ligne d’attaque des nomades. Le Mangepierre des Confins attrapa l’épaule de Marzhin.

- Vite, ils vont ouvrir un passage ! Il faut aller à la pierre maintenant.

- Mais on ne peut pas passer les nomades nous barrent la route et semblent résister à notre magie.

Agacée la créature de Guem décolla littéralement du sol pour se poster au dessus du sphinx. Au dessus de sa tête une boule blanche se forma, puis d’un geste des deux mains elle la lança sur sa cible.

- Allez il faut avancer ! cria-t-elle.

Marzhin et Pilkim profitèrent de la diversion pour se faufiler de l’autre côté. Ils pouvaient désormais aller jusqu’à la pierre.

Djamena, Ahlem, Ïolmarek, Ozymandias et les autres Solarians priaient ensemble dans un but commun. Placés tout autour de la pierre, leur foi renforcée par la perspective d’accomplir la volonté divine. Pour eux plus rien ne comptait autour d’eux, seul leur objectif commun importait. Leur ferveur fut telle qu’ils provoquèrent la fin de cette bataille. Un craquement cristallin se fit entendre dans toute la région. La pierre tombée du ciel trembla puis s’éleva doucement dans les airs en même temps que les nomades qui priaient autour. Aucune des guildes présentes qui se battaient contre eux ne put faire quoique ce soit. Le Mangepierre, Marzhin et Pilkim n’était pas encore à portée pour agir.

- Nous allons arriver trop tard ! Déclara le Mangepierre en commençant à léviter à son tour.

A présent la pierre dominait les environs. Les nomades continuaient à psalmodier alors que la lumière émise par le cristal venu du ciel s’intensifiait.

“Ozymandias...”

La voix résonnait dans la tête de chacun des Solarians.

“Tu vas à nouveau connaître l’extase de ma présence, toi, seul réceptacle à pouvoir contenir ma puissance”

Une large fissure apparut en travers de la pierre.

“Grand prêtre, es-tu prêt au sacrifice ?”

Ïolmarek avait voué sa vie à Sol’ra, sa vie ne lui appartenait pas car à présent c’était le Solarian qui résidait en lui qui avait le dessus. Il était prêt. Il sentit sa vie quitter ce corps et ce qui faisait de lui un Solarian entrer dans la pierre. A nouveau celle-ci se fissura et des morceaux tombèrent dans le sable en contrebas. Le Mangepierre volait au-dessus de la pierre avec l’espoir qu’il n’était pas trop tard. Le guémélite de Guem fit appel à tout son pouvoir et tenta une expérience inédite, mêler les types de magie pour faire disparaître la pierre et les Nomades. Le Mangepierre ressentait la présence de Guem et la magie la plus pure circula autour de lui puis il la projeta avec toute sa volonté sur la pierre. La magie parcourut la surface du cristal jaune provoquant l'éclatement de sa surface et l’agrandissement des fissures. Il n’en fallut pas plus pour libérer ce qui était à l’intérieur.

La pierre explosa dans une conflagration d’une violence inouïe. Toutes les personnes qui bataillaient non loin de là furent projetées au sol, soufflées par la puissance de l’explosion. Le Fléau de Guem qui jusque là était enfermé dans la pierre plongea dans le corps du Prêtre-roi. Ce dernier se mit à grossir et changer d’aspect. Sa tête devint celle d’un faucon, ses jambes laissèrent la place à des filaments d’énergie divine. Tel un astre solaire la température autour de lui augmenta rapidement. Marzhin et Pilkim furent ses premières victimes, frappés de plein fouet par l’aura divine des brûlures apparurent sur leurs bras et leurs visages. Voyant cela le Mangepierre s’interposa entre eux et cet être.

- Partez vite ! Cria-t-il.

Les draconiens ne traînèrent pas vu leur état. Ils abandonnèrent l’espoir d’intervenir, laissant le Mangepierre face à cet avatar de Sol’ra.

- Enfant de Guem ! Tu es ma première victime, et après toi le monde qui t’a engendré n’existera plus, dit l’avatar de Sol’ra avant de plonger vers le Mangepierre.

La chaleur incroyable dégagée par la divine créature était insoutenable, mais le Mangepierre tint bon. Du moins au début car l’avatar s’avéra trop fort pour celui qui portait l’espoir des terres de Guem.

- NOOOON FUYEZ TOUS ! OU VOUS ALLEZ PERIR !!! Hurla le Mangepierre comprenant qu’elle serait incapable de contrer l’avatar de Sol’ra.

Voyant la résistance dont faisait preuve la créature de Guem, l’avatar décida de commencer son œuvre et de détruire les environs et toutes les créatures vivantes qui s’y trouvaient. Un rayon de soleil le frappa, comme si l’astre qui brillait haut dans le ciel réagissait à la volonté de l’avatar, la chaleur augmenta encore plus, puis servant de relais il envoya à son tour le rayon solaire. Le Mangepierre vit le rayon partir, et il le savait, si ce dernier touchait terre ça serait une catastrophe. Il n’avait pas le choix, il devait l’arrêter. Il plongea à toute vitesse et s’interposa.

Le tombeau des ancêtres explosa dans le feu de la colère de Sol’ra...

Acte 5 : La guerre de Sol'ra

Bramamir

Rassemblement

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“Un jeu d’enfant” pensa Ti Mousse alors que la porte d’un coffre-fort dissimulé derrière un tableau s’ouvrait en silence. Il jeta un coup d’œil dans le bureau du gouverneur des Iles Blanches. Aucun bruit, aucun mouvement, rien qui puisse lui faire dire qu’il était repéré. Il attrapa son sac à dos déjà bien alourdi par quelques objets conçus spécialement pour sa mission. Sans examiner plus en avant le contenu du coffre il en vida l’intérieur, sans laisser la moindre petite chose. Une fois cela fait il referma la porte puis replaça le tableau sur lequel était peint le portrait d’une horrible femme boudinée dans une robe trop petite pour elle. “Bon à présent, sortir de là !”.


Bramamir était la capitale des Iles Blanches. La cité portait depuis la fin de la guerre contre Néhant le nom de l’ancien royaume sur lequel cette république avait été créée. Grâce à d’ingénieux systèmes une multitude d’îles volantes étaient rattachées à la gigantesque île principale, cette dernière étant le poumon économique et social de la ville. Le gouverneur, dirigeant de la république, résidait dans l’une des ailes de l’ancien château royal qui fut en partie détruit durant la guerre. A présent les tours détruites étaient devenues des jardins au milieu desquels se trouvait le mémorial en l’honneur du dernier roi de Bramamir. En cette journée pluvieuse, la garde était minimale. Les rares soldats en faction s’étaient vu largement graissés la patte par un des ministres acquis à la cause pirate afin que ceux-ci aillent faire un tour ailleurs durant une petite heure. Aussi fut-il facile pour Ti Mousse de s’introduire là où il fallait sans rencontrer le moindre obstacle.


Quelques jours avant cela, Al la Triste et son équipage fouillaient les décombres de l’Amiral et de la Dame Noire après un combat acharné. Armada et Klémence exultaient de pouvoir récupérer divers objets utiles à leurs expériences respectives.

- Récupérez tout ce que vous pouvez, l’reste vous l'laissez ! J’veux des informations ! Hurla Al la Triste.

Outre l’ordre très approximatif l’idée globale était simple : découvrir le fin mot de toute cette histoire. Jon, bien qu’incapable d’exprimer la moindre émotion, du moins physiquement, récupéra quelques affaires éparpillées dans les décombres de l’Amiral, le navire qu’il avait fidèlement servi durant très longtemps. Puis, en soulevant une large planche en partie calcinée il tomba sur un étui à parchemin fait de cuir et frappé des armoiries du gouvernement des Iles Blanches. De ses doigts sans vie il tira sur le fin fil de cuir tenant le couvercle, puis laissa échapper le parchemin avant d’en lire les premières lignes. A ce moment là, s’il avait eu des sourcils, il les aurait relevés en signe de surprise.

- Capitaine, vous devriez lire ceci, dit-il en apportant sa trouvaille.

Al la Triste parcourut la lettre assez rapidement, puis l’écrasa dans sa main de fer avec colère.

- Le fumier ! Raclure de fond de cale ! Marin de mer ! Ah c’est comme ça !? On va lui faire comprendre !

La jeune femme qui dépassait tout le monde d’une bonne tête repartit en direction de son navire posé non loin de là.

- Œil de Gemme, Jon, retrouvez-moi dans mes appartements dans une heure. Les autres finissez l’fouilles et prenez s’qu’il y a à prendre.

Une heure plus tard les trois personnes les plus importantes de l’équipage étaient réunies autour de la table ronde du capitaine. Al la Triste avait disséminé à sa surface divers éléments dont une majorité de choses trouvées dans la dernière heure passée. Œil de Gemme examina quelques-uns des parchemins sans plus y faire attention, attendant que son capitaine prenne la parole, quand à Jon, il n’exprimait rien, comme d’habitude.

- Bon, j’ai reconstitué l’truc et j’ai découvert que not' ami Akeyros avait autorisé une partie de la flotte de la république à accompagner s’troufion dégénéré de Palpegeuse. A mon avis y’aura d’autres visites, va falloir qu’ça cesse et faire l’ménage.

- Akeyros... le gouverneur ? Interrogea Œil de Gemme.

- Lui-même ! Répondit le capitaine sur un air dépité. Et ce malgré l’traité entre nous et eux, ajouta-t-elle en plantant une dague dans un symbole néhantiste dessiné sur une feuille.

- Je ne vous avais pas menti. Le gouverneur travaille secrètement à la prochaine élimination du problème le plus épineux pour lui, nous, les pirates. Je crains, hélas, que pour se faire il se soit acoquiné avec la vermine néhantiste, répliqua Jon.

- Et du coup qu’est-ce qu’on fait ? Demanda Œil de Gemme. Nous avons un pacte avec le gouvernement.

- Et bien nous allons “renégocier”, ironisa Al la Triste.

- Quel est votre plan Capitaine ?

- Nous allons commencer par faire comprendre au gouverneur qu’c’est donnant-donnant. Et qu’on est pas des pirates pour rien.

A ce moment là quelqu’un frappa énergiquement à la porte des appartements.

- Capitaine... euh... vous devriez v’nir sur le pont, dit Briscar.

- Qu’est ce qu’y a encore ? Dit-elle énervée en ouvrant la porte.

- Beh j’crois bien que notre victoire contre Palpegueuse se sait déjà. V’nez-voir.

Effectivement, le cimetière des pirates était plus animé qu’il ne le fut jadis. Les navires pirates rentraient les uns après les autres. Des petits, des gros, en bon état ou non. Les navires volants se positionnaient tant bien que mal pour éviter de se percuter les uns les autres. Les membres d’équipage de l’Arc-kadia furent ébahis du spectacle, ils pointaient les navires en donnant les noms de leur capitaine respectif. Al la Triste fut la seule à ne pas être ravie de cette réunion improvisée.

- Les fous, nous sommes vulnérables ici. Faut d’gager d’là !

Par un astucieux système de code le message fut passé qu’il fallait sortir de là et se réunir plus loin. Le gouvernement étant probablement désormais au courant de la position géographique de ce lieu sacré. Aussi accostèrent-ils tous l’Ile des Trois Vents réputée pour être un lieu aux vents changeants donc terriblement dangereux lors d’une éventuelle bataille. Jamais cet îlot n’avait connu un accostage aussi important. Aussi l’île trembla-t-elle lorsque les navires, ou tout du moins ceux qui le pouvaient, se posèrent non loin de la seule et unique bicoque qui y était, l’auberge-étape du Poisson-Vent. Son tenancier, un homme terriblement stressé et à la vie compliquée eut sa mâchoire décrochée lorsqu’il vit cette arrivée massive. Puis il crut enfin à son jour de chance. Aussi ouvrit-il en grand les portes de son boui-boui en sonnant l’état de guerre parmi son équipe composée de sa femme au service et de sa fille aux cuisines. Très vite toutes les tables furent occupées par les capitaines pirates et quelques uns de leurs hommes. L’atmosphère devint vite... chaotique, jusqu’au moment où Al la Triste se leva pour parler pour expliquer les récents évènements.

Souchi était la fille du tenancier, la tête résonnant encore des légendes sur les pirates, elle avait vu arriver ses plus grandes idoles. Al la Triste, la plus célèbre des capitaines pirates étaient là à quelques pas d’elle, reconnaissable à sa chevelure rousse, sa grande taille et son bras mécanique. La grande spécialité du coin était donc la préparation de divers plats à partir de poissons du lac salé, résidu d’une ancienne mer qui occupait la grande majorité de l’île. Aussi la cuisine n’était pas séparée de la salle où se trouvaient tables et chaises. Souchi attrapa son couteau et commença à préparer les commandes qui affluèrent vite. Pendant qu’Al la Triste exposait son plan, la jeune cuistot remarqua deux pirates non loin d’elle. En cela rien d’étonnant les lieux en étaient pleins. Mais ceux-là ils avaient l’air encore plus misérables et louches que les autres, d’autant plus qu’ils se chuchotaient quelque chose à l’oreille. Pourquoi est-ce qu’elle ne pouvait pas s'empêcher de douter d’eux ? Parce qu’en fait, en regardant bien, ils avaient beau être habillés de haillons et être crades, ils étaient rasés de prêt, chose très rares chez les pirates et surtout leurs épées, ainsi que leurs fourreaux étaient semblables à ceux du gouvernement ! Que cela ne tienne, ces deux-là elle les aurait à l’œil, et le bon !


Hors donc, retrouvons notre Ti Mousse, qui quelques jours plus tard continuait de suivre le plan de son capitaine bien aimé. Il se demandait vraiment pourquoi s’était Souchi et lui qui étaient les heureux gagnants de cette mission qu’il qualifiait aisément de suicidaire. Écoutant de l’intérieur des appartements du gouverneur il n’entendit rien dans le couloir aussi risqua-t-il l’ouverture puis le passage. Malgré ses bottes de cuir grinçantes et tous objets cliquetant dans son sac, il réussit presque à sortir du château... Presque, car hélas un garde, probablement plus zélé que ceux qui regardaient ailleurs vit l’infortuné pirate dont l’apparence présageait filouterie.

Ce fut là le début d’une course poursuite effrénée à travers la demeure. “Le plan B ! Le plan B !” pensa le jeune pirate en se dirigeant vers l’exact opposé de l’entrée du bâtiment principal. Dehors Souchi qui surveillait les alentours aperçut l’animation et des formes passer rapidement devant les larges fenêtres au rez-de-chaussée.

- J’en étais sure ! Plan B !

Elle courut alors jusqu’au bout du bâtiment et s’arrêta au coin. A l’intérieur Ti Mousse extirpa de son sac un masque étrange et le plaça sur son visage, puis dans la foulée tira une petite bouteille contenant un liquide verdâtre. D’un geste rapide il explosa la bouteille sur le sol devant lui. Immédiatement le liquide vert se transforma en un gaz opaque et terriblement nauséabond. Les gardes n’échappèrent pas à la puanteur et se retrouvèrent à vomir, cessant ainsi de courser Ti Mousse. Ce dernier appliqua le plan, sauver sa prise. Il brisa la vitre au bout du couloir, non pas pour se sauver car des larges barreaux l’en empêchaient, mais pour donner son sac à Souchi qui attendait là.

- Tu vas t’en sortir ? S’inquiéta ce nouveau membre de l’équipage d’Al la Triste.

- Ouais ouais, file ! L’alerte est donnée, je te retrouve au point de rendez-vous comme prévu, dit Ti Mousse en lâchant son sac avant de repartir dans les méandres du château gouvernemental.

Souchi quitta les lieux immédiatement, suivant le parcours qu’on lui avait donné : premier arbre à gauche, suivre le chemin de cailloux au fond du jardin, puis sauter la petite clôture et enfin passer la porte de la muraille préalablement ouverte par les soins des pirates. Enfin et c’était le plus facile, sortir de Bramamir sans se faire repérer et gagner le point de rendez-vous. Là elle attendit une bonne heure avant que n’arrive son complice, éreinté et surtout blessé.

- Ça va ? S’inquiéta sa camarade de mission.

- Je me suis viandé, ils m’ont vu et du coup ma tête va être mise à prix, mais à part ça... ça va ! La nuit tombe, allons retrouver l’Arc-kadia.


Quelques jours plus tôt, Souchi venait de préparer une bonne dizaine de plats lorsque les deux compères aux armes gouvernementales décidèrent de passer à l’action. L’un d’eux attrapa par le canon un fusil posé à côté de lui, puis le fit glisser sur la table avant de se positionner afin de tirer sur Al la Triste. Voyant cela, Souchi attrapa son énorme couteau, sauta sur son plan de travail avant de bondir sur le tireur. La lame se planta entre les deux os de l’avant bras et s’enfonça dans le bois, crucifiant l’infortuné. L’autre faux pirate tenta de s’échapper, mais hélas pour lui il était dans une impasse face à plusieurs dizaines des plus dangereux pirates ! En un rien de temps ils se retrouvèrent encerclés, saucissonnés, bâillonnés, et un peu (beaucoup) tabassés.

- Mettez-moi ces rats dans la cale d’mon navire, ordonna Al la Triste furieuse que l’on ait intenté à sa vie.

Du fait de cet incident, la réunion fut ajournée, mais les premières décisions étaient prises et ça allait bientôt sentir la poudre à canon ! Du fait de son incroyable intervention le capitaine proposa à Souchi de se joindre à son équipage. Contre l’avis de ses parents la jeune femme prit son baluchon, ses ustensiles de cuisine et quitta le “cocon” familial.

Le soir-même Souchi et Ti Mousse furent convoqués dans les appartements du capitaine. Cette dernière visiblement un peu imbibée d’alcool leur proposa de se joindre à la petite fête, qui en fait n’en était pas vraiment une.

- Mes p’tits gars ! J’ai une mission pour vous ! Un truc dangereux mais assurément utile pour nous ! Dit Al en entrecoupant sa phrase de lampée d’alcool. Z’allez r’prendre le traité de paix entre nouzautres et l’gouvernement ! On va leur mettre la bouteille profondément dans le...

Mais elle ne termina pas sa phrase.

- Nous ?

- Beh ouais, toi parce qu’il s’rait temps qu’tu t’rendes utile, et toi Poulpi, parce que t’es nouvelle et qu’je peux renouveler l’expérience que j’ai eu avec l’moussaillon là.

- Souchi pas Poulpi, insista la cuistot.

- S’pareil ! Allez vous préparer, voyez l’Briscar pour faire un plan et les mécanos pour l’matos !

Faire front

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La trappe de la cale grinça lorsque Al la Triste l’ouvrit. La lumière s’y engouffra, éclairant les deux prisonniers du gouvernement des îles blanches. Les deux hommes couverts de chaînes tournèrent la tête aveuglés par la lumière. Voilà déjà deux jours qu’ils étaient là dans le noir total, sans manger ni boire. Le capitaine de l’Arc-Kadia dévala les escaliers de bois en lâchant quelques jurons.

- Bon les p’tits gars, c’est l’heure de cracher c’que vous savez, dit-elle en se penchant vers l’un d’eux. Y’a que deux options pour vous. Un, vous dites tout c’qu’on veut savoir sur qui vous envoie et tout et tout, dans ce cas ça s’passera bien pour vous. Deux, vous fermez vos mouilles, dans ce cas j’vous brise les os un par un, puis quand vous aurez bien souffert hop à la planche, direct dans le Vortex !

La seconde perspective n’enchantait pas vraiment les deux pseudo-assassins mais ils avaient reçu un entraînement militaire aussi ne parlèrent-ils pas... du moins dans un premier temps. Al la Triste eut tôt fait d’être agacée, aussi commença-t-elle par briser un doigt de l’un d’eux. Ce qui, pour quelqu’un possédant une main mécanique était une opération des plus faciles.

- Alors j’continue ou tu m’dis tout ?

- Nan nan c’est bon, arrêteeez ! Dit l’infortuné prisonnier. J’vais parler, nous...

- Tais toi !! Hurla l’autre prisonnier, on doit rien dire !

Al la Triste enfonça son poing mécanique dans la figure du résistant qui se retrouva évanoui la tête contre le sol crasseux.

- R’prenons, t’allais m’dire des trucs, j’t’écoute.

- D’accord je vais vous dire, mais en échange vous me débarquerez sur une île de mon choix en périphérie, d’accord ?? Demanda-t-il en se tenant la main totalement endolorie par l’index brisé.

- D’accord, on fait ça.

Al la Triste claqua la trappe de la cale avec un sourire satisfait sur le visage. Elle avait les informations qu’elle voulait. Le bras de fer entre le gouvernement et les pirates débuta à ce moment là. Jon, Bragan, Foudre-bec et une bonne partie de l’équipage attendaient les révélations du capitaine.

- Alors madame, est-ce que ces vils agents du gouvernement venus tenter l’assassinat sur votre belle personne ont parlé ?

- Ouaip, personne ne m’résiste ! Par contre va falloir faire une réunion des cap’taines. Prévenez ceux qui ont accepté d’joindre leurs forces aux n’tres, ils sont conviés ici-même.


Déçue de ne pas avoir une réponse immédiate la troupe se dispersa et chacun retourna aux activités habituelles, à savoir pour la plupart ne rien faire. Les autres capitaines furent prévenus de la petite réunion et à la faveur de la nuit deux d’entre eux seulement avaient répondu à l’appel, mais pas n’importe lesquels. Azalys Cinq Fois Veuve, capitaine de la Veuve Noire et Corc le Moche capitaine du Foudre de Guerre avaient posé pied sur l’Arc-Kadia. Ils furent invités dans les appartements d’Al la Triste. La réunion commença avec la présentation de Jon le flibustier comme ancien capitaine de l’Amiral. Mais un autre invité arriva au moment où tous ces chefs pirates finissaient les civilités d’usage, fort nombreuses chez les pirates. Un bruit sourd se fit entendre comme un moteur bourdonnant. Klémence qui se baladait vit arriver un vaisseau deux fois plus grand que l’Arc-Kadia, ce mastodonte cacha les rayons de lune. La jeune mécanicienne n’en crut pas ses yeux lorsqu’elle reconnut le navire et le pavillon.

- Waoouuuu ! C’est le Titan de Fer !!! Dit-elle les yeux brillants des feux de la passion.

Klémence sautilla en voyant le bateau s’arrêter au niveau du pont et installer la passerelle entre eux. Elle n’en pouvait plus tellement les machineries visibles étaient incroyables. Il n’y avait pas un seul être vivant, uniquement des automates réglés à la perfection par leur capitaine. D’ailleurs celui-ci sortit sur le pont du Titan de Fer. Klémence avait le cœur qui battait fort, son idole, celui qui avait provoqué sa vocation était là. Lorsqu’elle le vit mieux, confirmant son identité elle ne se retint pas plus au grand étonnement des autres pirates. Elle intercepta ce qui pour elle était une superstar, le bien nommé Mestre Galène, le plus ingénieux des mécaniciens, véritable génie dans son domaine. L’homme devait avoir la trentaine, emmitouflé dans une armure de rouages.

- Dis moi petite, peux-tu me dire où je peux trouver Tristounette ?

- Euh euh euh, dit-elle en sautillant autour de Galène, époustouflée par la machinerie.

- Ça veut dire oui ?

- OUI ! OUI ! Venez ! Répondit-elle se posant un millier de questions sur ce qu’elle voyait.

Al la Triste entendant l’arrivée d’un nouveau navire fit patienter ses invités jusqu’à ce que Klémence débarque avec un nouveau capitaine. Ce qui retarda encore plus les choses car tous allaient repartir dans les présentations d’usage. Klémence colla Galène jusqu’à temps que ce dernier lui demande ce qu’elle voulait.

- Je.. je peux jeter un œil au Titan ? Je suis l’un des mécaniciens de l’Arc-Kadia, je vous adore !!!

Cela fit rire Galène.

- Oui tu peux, mais ne touche à rien !

Elle s’en alla, braillant des “Yaoouu” à tour de bras.

- Bien ! Lança Al la Triste, il est temps d’causer plan d’attaque !

- Avant cela, permettez-moi de porter à votre connaissance les dernières informations dont je dispose, coupa Galène. Mes automates espions m’ont appris que le gouvernement préparait un nouvel assaut...

Dehors Crochet, à l’écart des autres, grommelait comme à son habitude. Une malédiction pesait sur ses épaules depuis bien des années. Lors de la rencontre avec Palpegueuse/Morte-gueuse il sentait que quelque chose changeait au fond de son cœur. Une petite voix lui parlait, perverse, maline et manipulatrice.

“Regarde ce que tu es devenu, un paria, même au sein des tiens tu es mis au ban ! Souviens-toi de qui tu étais autrefois ! Un valeureux pirate craint de tous. Personne n’aurait osé te traiter de la sorte. Cette Al la Triste aura ta peau.”

Les mots firent mouche car la voix ne faisait que répéter ce qu’il ressentait réellement. Il devrait être le capitaine de ce navire, il l’avait déjà été une fois il y a fort longtemps.

- Quoi faire ? Demanda-t-il à haute voix.

“Reprends ce qui est à toi ! Tu pourrais aisément devenir le nouveau maître de l’Arc-Kadia et plus encore, soumets les autres capitaines, puis prends le pouvoir des Iles Blanches !”

- Mais comment ?

“Laisse-moi faire !”.

Crochet tremblait de tout son être, il sentit son bras le brûler et une force magique s’emparer de lui. Il se laissa aller, s’offrant à cette puissance nouvelle. Son bras gonfla, puis le reste de son corps suivit le mouvement. Il se mit à grandir et changer pour prendre l’apparence d’un démon. C’était toujours Crochet mais sa peau était sombre et des cornes ornaient ses tempes. Les autres pirates réagirent vite en le voyant, sonnant l’alarme. Briscar s’interposa en premier et tenta de donner un coup avec sa pelle fétiche. Hélas celle-ci se brisa sur le mollet de ce Crochet démon.

- HAHAHA tu n’es qu’un moucheron Briscar, dit-il en lui assenant un coup du revers de sa large main. AAAAAAALLL vient m’affronter et crève comme la fille de charogne que tu es !!

La discussion avait commencé entre les différents capitaines. Galène expliquait un plan de combat plutôt novateur et audacieux, mais qui permettrait de défaire les forces de la république. Une bataille permettrait à un groupe de retourner à la capitale pour accomplir une nouvelle mission extrêmement dangereuse. C’est à ce moment là qu’il y eut du grabuge dehors. Plusieurs bruits de pas précipités se firent entendre dans le couloir menant aux appartements d’Al la Triste.

- Capitaine capitaine ! Hurla Ardranis, venez vite !

- Décidément on peut jamais être tranquille dans ce rafiot ! Râla Al la Triste en ouvrant la porte.

A ce moment là se fit entendre la grosse voix de Crochet, modifiée par sa nouvelle condition de démon, sommant Al la Triste de se montrer.

- Qu’est ce qu’ya ? Demanda-t-elle à l’Elfine.

- C’est Crochet il ressemble à un monstre et tape sur tout ce qui s’approche.

Al poussa Ardranis de son chemin et se mit à courir, suivie des autres capitaines curieux de voir ça. Personne ne fut déçu du spectacle, le démon mesurait bien presque trois mètres et avait balayé une bonne partie de l’équipage. Crochet vit Al la Triste et se fraya un chemin jusqu’à elle.

- Une fois que je t’aurais buté je reprendrai l’Arc-Kadia !!

Crochet tenta de mettre un coup de poing mais la jeune capitaine lui opposa son bras mécanique et encaissa la charge sans trop de problème. La machinerie grinça et la mini chaudière cracha sa vapeur sous l’effort. Personne n’osa intervenir, assistant ainsi à une sorte de défi, un règlement de compte. Al dégaina son arme et canarda le démon, faisant ainsi parler la poudre. Les balles sifflèrent. Tout le monde se cacha derrière ce qu’il pouvait afin d’éviter d’en recevoir une. Les balles ricochèrent sur l’épaisse peau du démon et visiblement même les torgnoles à grand coup de poing en fer ne lui faisaient pas grand chose. Crochet railla son adversaire à grand renfort d’insultes pirates. Galène et Azalys décidèrent d’intervenir, car outre le fait qu’Al la Triste n’avait pas le dessus, l’Arc-Kadia risquait d’être endommagé, risquant un plongeon dans le gargantuesque Vortex noir situé sous les Îles Blanches. Galène sortit d’une pochette de cuir un drôle d’appareil qui se déplia pour devenir une araignée mécanique. Il régla vite fait l’engin grâce à plusieurs molettes et la posa sur le sol. L’araignée se dirigea tout droit vers le démon. Quant à Azalys, depuis le début du combat elle assemblait un fusil au moyen de nombreuses pièces dissimulées un peu partout sur elle. Elle eut fini à peu près au moment où l’automate de Galène se mit à grimper sur le démon. Elle porta aussitôt le fusil à l’épaule, visa la tête et tira.

La balle fila à une vitesse hallucinante et s’écrasa contre le front de Crochet. Mais elle ne fit rien d’autre que provoquer un mouvement de recul. Galène activa à distance son araignée qui avait grimpé jusqu’à la nuque du démon. Celle-ci délivra alors une forte charge d’énergie qui provoqua une douleur importante. Corc qui examinait plusieurs plans décida d’agir à ce moment, profitant des éclairs émis par la création de Galène. D’un geste ample il amplifia les éclairs et les localisa à la tête. Crochet hurla, l'électricité lui provoquait des spasmes le paralysant.

- Son bras ! Coupe lui son bras ! Cria Bragan caché derrière un tonneau et à l’attention de son capitaine.

Al n’hésita pas une seconde, elle lâcha son pistolet, tira son sabre du fourreau et s’élança lame en arrière. Crochet vit arriver le Capitaine sans rien pouvoir faire. Avec la rapidité et la force du coup la lame sectionna net le bras au niveau de l’épaule. Le bras vola et s’écrasa quelques mètres plus loin sur le plancher du pont. Crochet s’écroula instantanément en reprenant une apparence plus humaine. Les pirates présents acclamèrent les capitaines. Bragan lui ne se réjouit pas si vite, le bras de Crochet brillait intensément d’une lueur rouge, laissant présager une nouvelle fourberie Néhantique. Et il avait raison car une forme fantomatique se dessina.

- Capt’ain ! CAPT’AIN !! Cria Bragan montrant le bras.

Al, Galène, Azalys et Corc s'agglutinèrent autour du “truc”, qui en réalité était le démon qui venait de posséder le “pauvre” Crochet. Sans attendre Al donna plusieurs coups de sabre au travers de la forme, mais sans aucun effet.

- Haha... Je ne suis pas de ceux que l’ont peu avoir avec une lame Al la Triste ! Vous vivez vos dernières heures, lorsque vos navires seront avalés par le grand maelström, cette partie du monde nous appartiendra. Toute résistance est futile !

- Tu crains pas les lames hein, mais est-ce qu’tu sais voler ? Demanda Al en donnant un grand coup dans le bras pour l'éjecter du bord de l’Arc-kadia.

Le démon hurla un “NOOOOOOOON” prouvant ainsi qu’effectivement il ne savait pas voler.

- Bon, pr’nnez soin d’Crochet, on réglera son cas plus tard. Ordonna le capitaine. Merci à vous Cap’taines, l’était costaud l’bougre.

Quelques jours plus tard, la flottille pirate composée de la Veuve Noire, du Titan de Fer, du Foudre de Guerre sous la direction d’Al la Triste à bord de l’Arc-Kadia arriva en vue de la flotte gouvernementale. Au total une dizaine de gros navires leur faisait face, imposants et armés de plusieurs rangées de canons massifs et destructeurs. Cela n’inquiéta pas les capitaines, qui avaient un plan... infaillible mais très risqué. Al la Triste sonna l’assaut, mais il ne fut pas question d’abordage, car ils n’avaient aucune chance de survivre. Non le plan établi était inventif et se basait sur un sacré travail d’équipe. Depuis l’attaque du démon envers Al la Triste et la réunion des pirates, Galène et Klémence avaient travaillé sur la création d’une trentaine d’automates volants et indétectables. Et lorsque l’on réunit deux génies en matière de mécanique on se retrouve forcement avec des inventions géniales. Ils eurent tôt fait de se rendre compte que les automates étaient performants.

La première phase du plan consistait à rester à distance de la flotte adverse et de lancer les automates avec un certain temps d'intervalle afin que ceux-ci ne forment pas un nuage insectoïde. Le temps qu’ils parcourent la distance il faudrait subir les tirs de canons adverses, mais vue la distance seuls quelques boulets réussirent à faire mouche provoquant des dégâts modérés. Les automates ne se firent pas voir et se collèrent aux coques des navires adverses - à l‘exception d’un - au niveau des moteurs.

La seconde phase du plan était plus risquée car il fallait se rapprocher de l’ennemi et ce pour que ceux qui le pouvaient fassent parler la Foudre. Corc, Bragan, Mylad et Œil de Gemme étaient chacun sur un des navires et au signal d’Al la Triste et alors que pleuvaient les boulets de canon sur leur tête ils lancèrent leurs éclairs. Les opposants se demandaient bien à quoi pouvaient jouer les pirates car leurs navires étaient protégés contre la foudre pour éviter tout problème lors des orages. Mais les éclairs n’étaient pas là pour impressionner mais pour charger, activer et faire exploser les automates de Galène et Klémence. Le résultat fut sans appel, un à un les engins explosèrent, provoquant d’irrémédiables dégâts aux moteurs. Si bien qu’il ne resta plus qu’un seul des navires en état, les autres, sans propulsion, fonçait à vive allure vers le vortex qui aurait tôt fait de les avaler.

Et enfin la phase trois du plan se déclencha. La Veuve Noire et l’Arc-Kadia quittèrent la formation pour prendre d’assaut le dernier navire dont l’équipage n’eut pas le temps de réagir. Azalys et Al la Triste menèrent l’assaut avec efficacité et violence. Leur but était de capturer le bateau afin de pouvoir, plus tard mettre en place un nouveau plan.

Assaut sur Bramamir

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Quelques jours plus tard, la nuit était bien tombée sur les Iles Blanches. A bord de l’Arc-Kadia, Al la Triste vida le contenu du sac de butin sur la table où mangeaient les membres d’équipage. Il y avait bien sûr les objets bricolés pour la mission de Ti Mousse et Souchi, mais aussi une très forte somme d’argent et enfin, le plus important, le traité pirate signé de la main du Géant au regard triste, père d’Al la Triste.

- A présent, faisons trembler les fondations d’cette république moisie et pervertie par Néhant !

- Qu’est-ce que c’est ? demanda Ti Mousse interloqué par l’objet.

- C’est une sorte d’cessez-le-feu signé par mon père et ses amis à l’époque d’la scission, répliqua Al la triste. T’vois gamin, Bramamir était un royaume fort il y a très longtemps. Puis après ce que Néhant a fait tout a sombré peu à peu. Bien des années plus tard d’anciens seigneurs et des hommes épris de liberté ont choisi de n’plus faire confiance au gouvernement et il y a eu des rébellions. Cela a donné des années d’opposition des pirates contre le gouvernement. Puis mon père et quelques autres ont alors proposé d’arrêter là. Dans ce traité il est indiqué que le gouvernement laisse tranquille les pirates et inversement. Mais aussi qu’il ne devrait y avoir de bataille entre eux et nous sans une rencontre “à l’amiable” avant cela. Hors v’là qu’on nous attaque directement.

- Je vois, dit Ti Mousse content d’en apprendre plus. Et donc ce que fait le gouvernement est illégal ?

- Ouais, mais le problème c’est que le gouvernement, c’est le gouvernement ! Donc personne au-dessus pour leur dire que c’est mal. On va devoir s’en charger !

Souchi fit la moue en apprenant ça.

- Mais capitaine, pourquoi avoir récupéré ce traité ?

- Légitimité ! Souffla Ti Mousse.

- T’à fait ! Si nous prenons le pouvoir nous pourrons très vite légitimer notre acte. A présent mes p’tits loups des airs, allons nous préparer, ça va être la fête !

Quelques heures plus tard sur le Foudre de Guerre, Al la Triste expliquait le détail de son plan concernant ce navire et son prestigieux capitaine.

- Corc, j’ai une mission très importante à t’confier.

- Je t’écoute jeune fille, qu’est-ce que mon rafiot et moi-même allons bien pouvoir faire pour la grande nation pirate ? Dit-il sur le ton de la plaisanterie.

Al la Triste prit un plan retenu par sa ceinture et le déroula par terre avant de s’accroupir à côté.

- Voilà, j’aimerais que t’embarques quelques magos à ton bord et que tu me fasses une super diversion. On va être accueilli par toute la flotte de Bramamir, va falloir épurer tout ce petit monde.

Corc se gratta le côté de son visage en bon état réfléchissant à une diversion.

- Je te propose ceci. J’ai les plans d’un illusium, c’est une machine qui peut faire des illusions de grandes tailles, je m’en sers pour échapper à mes ennemis. Avec le piaf et Mylad je pense pouvoir charger suffisamment de Foudrepiles pour pouvoir dupliquer l’Arc-Kadia, le Titan et peut être même la Veuve. On passe suffisamment loin de Bramamir pour pas se faire attaquer et suffisamment proche pour les intéresser, puis je les attire de l’autre côté. Pendant ce temps vous passez de biais et hop, le tour est joué.

Tout cela fut accompagné de démonstrations sur le plan. Al la Triste examina la proposition du capitaine, puis étant satisfaite lui tendit sa main de fer qu’il serra alors fermement.

- Par contre une fois la duperie découverte, je reste pas dans les parages, machines à fond et au revoir.

- Prends pas d’risque, le tout c’est que l’illusion fonctionne. Tu peux lancer l’opération “Mirage”.

- Opération “Mirage” ?

- Ouais, c’est comme ça que j'appelle cette manœuvre de diversion.

Un peu plus tard sur le Titan de Fer, Al la Triste se présenta dans le grand atelier de Mestre Galène. Si ce jeune capitaine était une sommité dans son domaine il s’avérait être très désordonné. Entre les outils, les tubes, les vis et autres rouages, difficile de poser un pied sur le sol, d’ailleurs le sol n’était plus visible. Al y retrouva Klémence qui admirait Galène, lui-même en train de bricoler dans son coin.

- Ah ! Al vous tombez bien... vous tombez même très bien, dit-il visiblement gêné par la présence de la jeune mécano. Je peux faire quelque chose pour vous ?

Al jeta un regard ténébreux à Klémence.

- T’as pas des trucs à réparer à mon bord ?? Dit-elle d’une voix menaçante.

- Euh... euh.. oui capitaine !! Répondit Klémence en filant à toute allure.

A présent seuls Al la Triste fit le tour de l’atelier, sous l’œil vigilant de Mestre Galène dont le cœur battait la chamade à chaque fois qu’elle approchait la main d’une de ses créations.

- Capitaine Al la Triste, que puis-je faire pour vous ?? Dit-il inquiet.

- T’es un mystère pour moi, Galène...

- Oui, oui, je suis un mystère, mais par pitié touchez à rien !

- Des trucs à cacher ? Y a quoi la d’sous ? Demanda-t-elle en montrant un drap blanc qui recouvrait visiblement quelque chose.

- Ah ça, c’est ma toute dernière création, ça va nous faire gagner la bataille !

- Une arme ? Bien bien... ça va pas nous péter à la figure ??

Galène rigola très fort, pensant à une plaisanterie d’Al la Triste, mais apparemment la remarque était très sérieuse.

- Hum, non, ne craignez rien, ma créature n’explosera pas ! Elle est juste... PARFAITE !!!

- Je te laisse dans ton délire, mais que tes automates soient prêts, nous partons bientôt à la castagne.

- Nous serons prêts, pas d’inquiétude...


Le temps était enfin venu. L’Arc-Kadia filait à grande vitesse, figure de proue de cette coalition d’équipages pirates. Le plan de bataille était réglé au millimètre près. Le gouvernement de Bramamir fut vite au courant de l’attaque prochaine et sa flotte était prête à en découdre. L’île de la cité de Bramamir était en vue, une nuée de navires de guerre attendait patiemment. Personne ne l’avait jamais attaqué, il faudrait être fou pour tenter une chose pareille. Et c’est ce que pensait le gouverneur de Bramamir perché sur son balcon, observant l’arrivée de ces insectes volant de pirates. A bord du Megalodon, l’Amiral Gardison attendait les ordres du gouvernement. Ce vétéran, habitué des batailles aériennes se réjouissait de sa future victoire et les plaisanteries avec ses officiers allaient bon train. Chacun y alla de son pronostic quant à qui abattrait l’Arc-Kadia et dinerait à la table du gouverneur. De son côté Al la Triste était concentrée, puis une fois toute sa flotte en place elle ordonna à Corc de lancer l’opération “Mirage”. Ce dernier descendit rapidement dans la cale pour rejoindre Foudre-bec et Mylad. Les Foudrepiles chargées à bloc grésillaient doucement. Reliées les unes aux autres par un câble de cuivre, l’ensemble finissait par arriver sur une drôle de machine, c’était un gros tube de verre avec deux plateaux de métal, chacun fixé de part et d’autre du tube. A l’intérieur se trouvait un liquide apparemment visqueux dans lequel flottaient des petits cristaux.

- Posez vos mains sur le tube et quand je vous ferai signe vous lancez une petite décharge magique.

Mylad et Foudre-bec écoutèrent les consignes et laissèrent leur magie s’exprimer au signal de Corc. Les petits éclairs se répercutèrent contre les cristaux qui aussitôt s’illuminèrent. Les foudrepiles bourdonnèrent de plus belle, libérant la magie contenue à l’intérieur.

A l’extérieur rien ne parut avoir changé, mais l’illusium avait agi. Les copies illusoires des navires pirates virèrent de bord pour suivre le plan de bataille. La véritable flotte rendue invisible par la magie progressa rapidement. Comme prévu la très grande majorité des navires gouvernementaux suivirent la fausse flotte, seuls restèrent cinq bâtiments. Al la Triste, de sa longue-vue fut un peu désorientée de voir les noms de ces opposants.

- Le Fleuron de Bramamir... Le Firmament... Et le Megalodon... Pas d’chance ! Bon on va s’occuper du Fleuron et du Firmament. Dites à Galène de s’occuper du Megalodon et à la Veuve de faire son taf. Quant aux autres, qu’ils nous détruisent toutes les vieilles bicoques de moindre importance !

Une fois les informations transmises la flotte fonça à vive allure sur l'objectif. Dès le premier boulet de canon tiré par l'Arc-kadia, toute la flotte se désocculta, sonnant ainsi l'Assaut sur Bramamir. La surprise fut de taille pour le pauvre Amiral Garison qui mit un temps certain avant de comprendre la supercherie. Il lâcha alors sa tasse de thé et beugla ses ordres à ses officiers. Le Megalodon fut alors éperonné par le Titan de Fer et très vite le vaisseau amiral fut submergé d'étranges créations mécaniques. Galène s'affairait à donner vie à son ultime chef d'œuvre. Le drap ne recouvrait plus la machine ou plutôt l'automate. Celui-ci aux courbes féminines ne ressemblait en rien aux autres automates comme Ekrou ou Hic-kar. La technologie ultra perfectionnée utilisée était vraiment incroyable. Galène détachait les tuyaux qui reliaient sa créature à d'autres machines. Enfin il activa l'automate. La chose bougea lentement puis se redressa. Son apparence presque humaine avait quelque chose de déconcertant, presque dérangeante. Ses yeux fixèrent son créateur qui l'observait avec une curiosité dévorante.

- Identification... Ordre ? Demanda l'automate.

- Mmm je vais t’appeler Sarah. Ordre : m’obéir et combattre les soldats du gouvernement.

Sarah suivit Galène sur le pont, analysa la situation, identifia les soldats de Bramamir et fonça aussi sec dans le tas. A bord du Mégalodon les soldats avaient bien du mal à repousser l'assaut pirate.

De son côté l'Arc-Kadia s'opposait avec difficulté au Fleuron de Bramamir et au Firmament, deux redoutables navires. Le but n'était pas de les détruire mais de les retenir le plus longtemps, aussi Al la Triste, qui tenait la barre, utilisait au maximum les spécificités de son navire, manœuvrant avec beaucoup de dextérité. Les boulets des canons volaient de part et d'autre, parfois quelques uns faisaient mouche, éclatant le bois avec une incroyable facilité. L'équipage s'activait comme il le pouvait, priant pour qu'aucun boulet ne les décapitent ou leur emportent un morceau...

Peu à peu l'Arc-Kadia éloignait ses deux adversaires. Le Titan de Fer, toujours accroché au Megalodon assurait à la Veuve noire de pouvoir remplir son objectif. Le navire d'Azalys, plus petit que les autres mais beaucoup plus rapide s'était frayé un chemin jusqu'au palais du gouvernement. Une fois au-dessus de la plus haute tour l'équipe d'intervention composée d'une petite dizaine de personnes sauta sur le grand balcon où quelques minutes plus tôt le Gouverneur fanfaronnait avec ses ministres. Très rapidement des escarmouches éclatèrent. Bragan, Ardranis et Klémence foncèrent vers l'hémicycle où le gouvernement s'était réfugié. Bragan le savait, il fallait faire vite. La porte à double battants, prévue pour résister à des coups de bélier ne fit pas le poids devant la mécanique de Klémence qui à coup de poings la défonça. A l'intérieur, les ministres, terrifiés et outrés se voyaient déjà sautant dans le grand vortex. Au milieu d'eux le gouverneur, fier et arrogant s'avança.

- Vous n'avez pas le droit, chiens de pirates ! Rendez-vous et vous finirez vos vies en prison, sinon ce sera la mort.

Bragan s'avança, pour une fois quelque chose de véritablement impressionnant se dégageait de lui. Son visage sérieux ne collait pas vraiment avec ce personnage ô combien pervers et alcoolique. Une fois à la hauteur du gouverneur il sortit d'une poche le traité pirate.

- Gouverneur, nous vous demandons votre démission ! Dit-il en se retenant de rire, puis n'en pouvant plus Bragan lui décrocha une gifle mémorable. T'as joué et t'as perdu !! Ordonne à la flotte de Bramamir de cesser les hostilités et de se rendre sans délais.

Mais ce que Bragan n'avait pas prévu c'est que le gouverneur était depuis déjà fort longtemps manipulé par les sbires de Néhant. Le gouverneur ne fut plus maître de lui et sans que personne ne puisse faire quelque chose celui-ci courut jusqu'à la fenêtre la plus proche et passa au travers, plongeant ainsi dans le grand vortex noir qui aurait tôt fait de le dévorer...

Bragan se figea.

- Beh mince...

Les autres ministres poussèrent alors le premier ministre vers les pirates. Celui-ci totalement terrifié griffonna l'ordre de l'arrêt des hostilités.

- Nous nous rendons ! Nous nous rendons !

Néhant

Chapitre 1 - Briser la première chaîne

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- Tu auras beau m'enfermer, on me retrouvera. Je te le promets Eredan, le temps passera et un jour mes fidèles viendrons me libérer. Ma haine ravagera à nouveau ce monde et tous seront mes esclaves.

Le cristal limpide comme l'eau flottait légèrement au-dessus du sol. De larges chaînes en partaient et s'ancraient dans le sol grâce à d'autres cristaux plus petits. Eredan, seul face à son adversaire avait remporté une grande victoire et la guerre contre Néhant s'achevait enfin. Le Gardien de Guem était affublé d'un large vêtement et d'une cape à capuche couvrant entièrement son visage.

- Crois-tu vraiment que je vais laisser ce lieu sans protection ? J'ai beaucoup appris en ces années de luttes contre toi, je connais l'étendue de tes pouvoirs aussi vais-je faire en sorte que personne n'arrive jusqu'à ta prison.

A cet instant, un légère brume se leva, d'abord fine et transparente, elle devint rapidement épaisse et opaque. Toute la région en fut couverte, entourant la prison de Néhant.

- Que ceux qui te cherchent et qui tenteront de passer aux travers de ma protection se retrouveront à l'autre bout du monde. A présent il est temps que je scelle ton sort.

Apparut alors dans sa main un immense bâton aussi grand que lui. Plusieurs petites gemmes tournoyaient autour du manche lui-même taillé dans un cristal à la couleur bleutée.

- La puissance des enfants de Guem est mienne. Alors que mon ennemi est défait je ferme cette prison pour qu'à jamais son pouvoir y soit contenu. Ceci est ma volonté, moi Eredan, gardien de Guem.

- Que... NOOOOOOOOOO...

Eredan frappa le sol du bout de son bâton et coupa Néhant de ce monde. Le Gardien s'assit alors sur une pierre non loin de là et réfléchit alors à ce qu'allait devenir cet endroit lorsque lui ne serait plus.

Mais il pensait avoir fait le maximum pour les habitants des terres de Guem et il devait désormais porter son attention ailleurs et arrêter un autre péril.

- Adieu Néhant, nous ne nous reverrons probablement jamais.

Eredan traversa la brume, ouvrant un passage sur une terre lointaine, les Confins.


Les brumes des Confins avaient faibli depuis ce temps-là et des passages jusqu'à la prison de Néhant pouvaient être suivis. C'est ainsi qu'Amidaraxar et sa clique étaient parvenus jusque-là. Tout avait changé ici depuis l'époque où Eredan avait enfermé Néhant. La corruption de ce dernier avait rendu le cristal de sa prison et les environs immédiats en un paysage de ruine et de désolation. De nombreux démons surveillaient la limite de la brume de manière à ce que le moindre intrus soit de suite neutralisé. Amidaraxar, fidèle lieutenant, s'affairait sans relâche pour que son maître foule à nouveau les terres de Guem, rêvant alors d'une éternité à son service. Dans l'immédiat, celui-ci gravait dans le sol rocheux et stérile, au-dessous du cristal Néhantique à l'aide d'un éclat noir. Chaque coup dans la roche s'accompagnait d'incantations anciennes et funestes.

- C'est bientôt prêt seigneur, dit-il en continuant les gravures. Ensuite il me faudra faire appel à votre puissance magique afin d'accomplir le rituel.

Le soir venant, Amidaraxar avait enfin achevé son impressionnante œuvre. Au-dessous du cristal était représenté le symbole de Néhant. Chaque trait était en réalité une multitude de petites écritures. L'un de ces traits, celui qui était en bas à la verticale, continuait sa route pour rejoindre plus loin un autre symbole de Néhant qui s’opposait comme dans un miroir au premier. C’était là la base d’un rituel que s'apprêtait à réaliser le mage-sorcier. De son côté Azaram, anciennement appelé Masque de fer se préparait pour l’occasion. Quelques jours plus tôt son père lui annonçait que leur maître voulait lui faire un cadeau, un don inestimable. Qu’après cela tout allait changer pour lui. N’ayant aucune raison de refuser, bien au contraire, il se prépara à passer l'épreuve, un rite, un passage vers un nouvel état.

Le voilà donc, nu comme un ver, sa peau cinglée par un vent mordant. Il passait outre ce froid pour se concentrer sur l’essentiel. Il se plaça donc au centre du symbole renversé.

- Mets-toi à genoux, prosterne-toi devant Néhant lui demanda Amidaraxar.

Il obéit sans la moindre hésitation, laissant ses mains tomber au sol, paumes vers la prison de Néhant.

- Azaram...

Le jeune homme, du moins en apparence, leva la tête et le vit, lui, celui qu’il servait depuis de nombreuses années. Il était là en face de lui au centre du signe jumeau, sous la pierre-prison. On ne voyait pas son visage car enfoui dans une large capuche. Et malgré cette frêle allure Azaram sentait sa puissance, toute cette magie, ce pouvoir incommensurable qui en émanait. Écrasé par cette vision il baissa la tête en signe de soumission et lâcha un “oui” en réponse.

- Tu me sers avec dévouement, tu es le premier à m’avoir retrouvé, le premier à avoir percé le secret du labyrinthe de ces brumes.

A ce moment-là, Amidaraxar débuta le rituel de son côté. De la magie apparut dans ses mains sous la forme d’une aura rouge foncée. Il se plaça ensuite là où se trouvait Azaram avant de plaquer ses mains au bout du trait vertical du haut du symbole. Lentement, les inscriptions se mirent à luire comme si la magie se répandait en elles.

- Azaram, au fond de toi dort celui qui dirigera les légions des méandres. De ton âme noire va naître le démon, de ta main tu brandiras la lame qui pourfendra les fous qui se dresseront devant nous. Azaram fais tu vœux de me servir pour l’éternité ?

Avait-il le choix ? En réalité pas vraiment. Néhant lui posait la question pour vérifier l’engagement de ce fidèle, mais la chose était déjà en route. Azaram ne pouvait faire autrement qu’accepter, mais au fond de lui une pointe de peur lui rappelait qu’il était un humain.

- C’est un honneur que je n’ai pas eu ! Commenta Amidaraxar.

Lui qui était en dehors des symboles ne voyait, ni n’entendait Néhant. Il connaissait ce rituel, il l’avait pratiqué une fois sur une autre personne jadis. Il connaissait la finalité et cette fois il éprouvait une certaine fierté pour son fils. Ce fils qui l’avait libéré de la prison de glace et par qui tout était finalement arrivé.

Le sol se déroba sous Azaram, un portail s’ouvrit et l’avala sans prévenir.

L’impression de chute dura une éternité, il était déjà passé par là, il savait bien où ça allait le mener, et cela ne tarda pas à être vérifié. Il s’écrasa sur le sol avec fracas sur le côté droit, lui brisant deux côtes. Il secoua la tête et se releva tant bien que mal. Le bruit était assourdissant, comme une sorte de chant aux sonorités gutturales. Et pour cause, autour de lui des centaines et des centaines de démons hurlaient ensemble tout en le regardant lui. Puis un démon à l’allure plus fine que les autres mais aussi plus majestueuse s’avança, une épée à la main. Il la planta alors devant Azaram avant de regagner les rangs. Le Néhantiste hésita, devant plusieurs choix. C’était là une épreuve, que devait-il faire ? Prendre l’épée et se battre ? Non, une autre idée lui traversa la tête. Il attrapa la poignée de la main gauche avant de s’entailler profondément l’avant-bras droit. La lame extrêmement coupante ouvrit une profonde estafilade dans la peau, laissant couler le sang. Les démons rugirent et hurlèrent de plus belle. Azaram resta à genoux, regardant la substance de vie s’échapper de lui. L’odeur attira une ribambelle de larbins, ces petits démons serviables à souhait. Ils reniflèrent le sang puis sans crier gare se jetèrent sur Azaram pour le mordre profondément. Chaque morsure était un supplice, sa chair était dévorée, sa vie partait...

Lorsque les larbins eurent finis leur office il ne restait plus grand chose de lui. Il respirait encore, mais il n’était plus qu’à un fil de la mort. Le démon qui avait planté l’épée la récupéra et se plaça devant Azaram.

- Tu as fait le bon choix, j’accepte ton sacrifice.

Le Néhantiste ne savait pas si c’était son état qui le faisait halluciner, mais il vit un bref instant que le démon lui ressemblait.

- Je serai toi et tu seras moi pour l’éternité, dit le démon en perçant la poitrine d’Azaram.

Le coup l'acheva.


Amidaraxar continuait les invocations en observant la scène. Azaram ne bougeait plus depuis un bon bout de temps, son âme était loin de là, dans les méandres où son destin se jouait. Cela dura jusqu’à ce qu’il s’écroule sur le sol.

- Relève-toi Seigneur-Démon Azaram ! Dit Néhant toujours dans le symbole sous la pierre-prison.

Le jeune homme refit surface, se relevant avec une immense difficulté. Il regarda ses mains humaines et toucha son visage puis commença à rire. Il se sentait différent, il n’était plus du tout le même, bien que conservant ses souvenirs il savait qu’il était autre chose, non plus le Azaram mage et Néhantiste, mais un Seigneur-Démon, commandant de redoutables guerriers. Amidaraxar cessa de lancer des incantations brisant ainsi le rituel. Les symboles de Néhant ne brillaient plus et Néhant tel que le voyait Azaram disparut.

Des esclaves humains apportèrent des vêtements au jeune homme dénudé. Amidaraxar ne put s'empêcher de remarquer le changement d’allure de son fils, ce dernier avait une expression de visage différente.

- Que regardes-tu père ? Demanda Azaram remarquant le petit manège. Je vois derrière ton masque que tes yeux se posent sur moi.

- Qu’est-ce que ça fait ? Interrogea le lieutenant de Néhant.

- D’être un démon ? J’ai l’impression de pouvoir soulever des montagnes, que rien ne peut me résister, je sens une telle puissance en moi. Dit-il en finissant de s’habiller.

- A présent nous pouvons passer à l’étape suivante, déclara Amidaraxar.

- Qui est ?

- Sortons Néhant de là.

- Ça me va... mais comment ?

- Nous allons briser les chaînes qui le retiennent. Et pour la première, j’aurai besoin de toi.

- Dans ce cas, dis-moi ce que j’aurai à faire.

- Participer à un autre rituel, celui-ci afin de donner à Fournaise la puissance suffisante pour briser une première chaîne.

Azaram serra les lèvres, laissant parler le Seigneur-Démon en lui. Donner de la puissance à un démon était délicat car ceux-ci étaient par essence très instable. Leur en octroyer signifiait de gros problèmes potentiels. La rage d’un démon pouvait se retourner contre ceux qui lui avaient donné un trop plein de magie. Grâce à ses nouvelles aptitudes, il connaissait chaque démon qu’ils soient dans les méandres ou bien par chance ici sur les terres de Guem.

- Fournaise encaissera ce rituel, il fait partie des plus puissants démons.

- Je sais c’est pour ça que j’ai pensé à lui, je compte sur toi pour veiller sur lui et faire venir tous les larbins que tu pourras.

Azaram eut un petit rire, signifiant que oui il n’y avait pas de problème.

- Tu as le recueil pour l’invoquer ? Demanda Azaram.

- Oui, je te laisse faire d’ailleurs. Je vais préparer la chaîne afin de la fragiliser au mieux.


Azaram tenait le livre écrit par Néhant en personne. Il ne l’aimait pas car il permettait à celui qui en lisait les lignes de pouvoir ouvrir un passage entre les méandres et ce monde pour obtenir les faveurs d’un démon. Et depuis l’emprisonnement de Néhant le livre était passé de mains en mains tel un jouet confié à des enfants. Heureusement à présent il était entre ses mains à lui. Il parcourut les pages et commença à lire l’invocation de Fournaise. Chaque mot était parfaitement bien prononcé, la langue des démons, naturelle pour lui claquait tel un fouet sur le dos d’un esclave. D’ailleurs un esclave il y en avait un a ses pieds, totalement soumis à la magie obscure de Néhant, attendant sans en avoir conscience une mort horrible. Et comme la première fois, lors du combat contre Nibelle l’elfe de glace, il clappa le livre lorsqu’il eut fini l’invocation.

L’esclave laissa alors place à Fournaise, toujours aussi imposant. Ce démon était véritablement gigantesque faisant deux ou trois fois la taille d’Azaram.

- Je suis Fournaise !!!! Qui ose appeler le Seigneur-Démon de la flamme ???

- Moi, encore, dit son invocateur.

Courroucé d’avoir à nouveau à faire à ce freluquet, Fournaise s'apprêta à aplatir sa main sur la tête de l’infortuné lorsqu’il comprit qui était en face de lui. Il se ravisa et posa un genou à terre. Autour de lui des dizaines de larbins gigotaient, sautaient, hurlaient, se chamaillaient.

- Seigneur-Démon, je suis à ton service.

- Bien bien, j’ai cru que j’allais devoir te renvoyer dans ton trou. Suis-moi j’ai un travail pour toi.

Azaram conduisit Fournaise devant une des chaînes retenant le cristal de Néhant. Autour d’eux Déchirure, Mortelame incarnée dans le corps d’un esclave et Calice étaient à genoux.

- J’ai déjà essayé de briser ces chaînes, déclara Fournaise sur un ton dépité.

- Oui mais cette fois, tu n’es pas seul ! Dit une voix de femme.

Ombreuse serpenta jusqu’à eux, dévisageant les démons un à un.

- Ne nous décevez pas, faites de votre mieux et vous en serez récompensés comme il se doit !

- Personne ne décevra personne Dame de Néhant car nous n’avons pas le droit à l’échec, insista Amidaraxar. A présent, officions !

Azaram, tira de son fourreau une lame noire et passa entre les larbins qui exultaient, tendant les bras vers le Seigneur-Démon.

- Toi, toi et toi ! Dit-il en désignant certains d’entre eux.

Les larbins, joyeux, sautillèrent aux pieds de Fournaise comme s’ils avaient remporté un fabuleux prix. Amidaraxar attrapa le premier qui couina fortement, l’énergie magique du mage le tua sur le coup, puis toute la puissance du larbin entra en Fournaise. Et ainsi de suite sur les autres larbins. Fournaise hurlait à chaque fois qu’il recevait de la puissance. Puis ce fut le tour de Déchirure, mais cette fois Amidaraxar ne la tua pas mais il lui prit une bonne partie de son essence. Cette fois lorsqu’il reçut l’énergie démoniaque Fournaise grogna fortement, la chaleur autour de lui devint très vite insupportable. Se sentant prêt il se saisit des maillons de la chaîne et déploya sa force sur-développée. Les maillons grincèrent, mais tenaient encore bons. La fureur monta. Ce fut ensuite le tour de Calice. La lame bourdonna au moment où Amidaraxar lui arracha une petite partie d’elle. L’énergie frappa Fournaise avec force, cette fois la fureur fut telle qu’Azaram dut intervenir pour le contrôler.

- Tu dois contenir la rage sur ton objectif, brise cette chaîne !!

Fournaise hésita à lâcher prise sous le coup de cette rage, mais la présence d’Azaram l’en dissuada. Si la chaîne n’était pas enchantée elle aurait déjà cédée sous les assauts du démon, mais là encore ce dernier n’arriva pas à ses fins.

- Raaaah, tu vas casser !! Cria-t-il de sa puissante voix.

Amidaraxar s’approcha de Mortelame qui l’accueillit les bras écartés en signe de soumission. Il l’attrapa par la gorge et en aspira l’énergie démoniaque. Chargé à bloc d’autant de pouvoir le mage posa ses mains sur la peau de Fournaise, au risque de se brûler.

- Reçois ceci ! Cria-t-il en déversant sa magie, mêlée de puissance démoniaque et de flux Néhantique.

La rage explosa, Fournaise hurla, tremblant sous l’effet d’une overdose. De part sa nature il ne pouvait pas se consumer par un trop plein de magie comme aurait pu le faire d’autres créatures, mais la rage elle était plus redoutable. Azaram déploya toutes ses facultés pour garder l'ascendant sur Fournaise.

Cette fois-ci, affaibli et devant cette incroyable poigne, le métal se craquela puis explosa en des dizaines de petits éclats.


Ainsi fut brisée la première chaîne de la prison de Néhant.

Chapitre 2 - Briser la deuxième chaîne

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La sombre silhouette de Néhant prenait l’allure d’un fantôme, hantant les lieux à moitié présent dans ce monde. Amidaraxar hurlait ordres sur ordres aussi sûrement qu’un chien face à une armée de chats. Mais ces chats-là n’avaient rien de félins, juste bons à obéir, leurs griffes limées par la servitude. La première chaîne avait cédé sous l’incroyable force de Fournaise, ses maillons traînaient par terre ignorés de tous. Les fidèles du Sombre Seigneur s’affairaient à briser les autres chaînes, inlassablement les esclaves travaillaient dans ce but ultime contre leur volonté. Cette fois la puissance des démons ne servirait à rien, ils avaient essayé la même méthode sur chacune des chaînes sans obtenir le moindre résultat, Eredan prouvait quatre-vingts ans plus tard et une fois de plus sa suprématie en terme de magie. Amidaraxar avait piqué une colère incroyable devant ce manque de résultat. Il lui fallut alors examiner une à une les trois chaînes restantes pour déterminer laquelle d’entre elle subirait son courroux. Mais leurs secrets étaient bien cachés, impénétrables...

- Patience... Voilà des années que je tente de me libérer... indiqua Néhant d’une voix morne et monotone.

- Je sais, Seigneur, mais à présent que le monde regarde ailleurs il nous faut agir vite et percer les mystères de ces chaînes, répondit Amidaraxar en montrant son empressement.

- Je me souviens bien de ce jour maudit où Eredan m’enferma avec ses alliés... Aussi je peux t’aider à accomplir un rituel qui brisera une des chaînes, je serai celui qui te permettra de te dépasser. Prépare-toi...

Amidaraxar s’éloigna, réfléchissant à ce qui allait advenir. Quand à Néhant, il convoqua Azaram pour une mission bien particulière.

- Oui, Seigneur ? Je peux faire quelque chose pour vous satisfaire ?

- Nous arriverons à briser deux autres des chaînes, j’aurai la plupart de mes pouvoirs, mais je ne pourrai reprendre corps que lorsque la dernière chaîne ne me retiendra plus. Il va me falloir les trois fragments de l’Onyrim.

- L’Onyrim ?

- L’antique couronne du roi d’une petite civilisation que j’ai soumis il y a bien longtemps. Ces fragments sont entre les mains des draconiens et ils n'en connaissent pas le réel pouvoir. Avec lui cela sera plus facile.

Azaram inclina la tête.

- Cela risque d’être difficile de les récupérer, d’après nos éclaireurs Dragon a fermé magiquement les frontières de son territoire, indiqua Azaram un peu dépité.

- Crois-tu que cela m’arrêtera ? Questionna Néhant sous une forme de reproche. J’ai bien d’autres serviteurs un peu partout dans le monde. En tant que Seigneur Démon, je veux que tu réveilles les trois tourmenteurs, ils sont quelque part dans la Draconie.

Azaram n’avait plus entendu parler de ces démons depuis des lustres si bien qu’il les supposait détruits à jamais.

- Cela serait fait suivant votre volonté. Dit le démon en s’inclinant.

- Peut-il en être autrement...

Azaram traversa la brume des Confins avec détermination. Où qu’ils soient les tourmenteurs allaient entendre son appel et se mettraient en marche pour réaliser les sombres intentions de Néhant. Une fois de l’autre côté de la brume il vit au loin le bouclier magique de Dragon, les reflets bleus ne laissaient aucun doute sur la nature de cette magie. Le Seigneur Démon passa un moment à psalmodier, demandant à Néhant la force nécessaire à la réalisation de sa tâche. Puis après un très long moment la terre se fissura, faisant apparaître une forte lumière rouge. Une paire de mains sortit de cette crevasse pour s’agripper aux rebords. Une créature démoniaque à l’aspect déformé s’en extirpa avec difficulté. Reconnaissant son supérieur il baissa la tête, dominé par son invocateur.

- A vos orrrdrrres Seigneurrrr... Souffla le démon fraichement débarqué des Méandres.

- Savais-tu que les tourmenteurs existaient toujours, raclure ? Hurla Azaram.

Le démon eut l’air gêné, il se frotta les mains et n’osa pas regarder son maître. Son silence fut éloquent.

- Pourquoi ne m’as-tu pas informé ? N’es-tu pas sensé être mon bras droit, messager des Méandres.

Devant les réprimandes le serviteur craqua, soupirant et gémissant.

- Mais c’est pas ma fauuteeee, c’est le grand maître qui m’a dit de pas en parler et qu’on en parlera lorsqu’y faudra.

Azaram se ravisa, si c’était un ordre de Néhant, alors il n’avait pas à crier plus sur son serviteur. Il respira un grand coup avant de continuer.

- Tu vas transmettre un message aux tourmenteurs. Ouvre leurs yeux qu’ils redeviennent eux-mêmes pour accomplir la volonté de Néhant.

- Trèès bieeen, j’y vais de ce pas...

- Ne te fait ni voir, ni entendre.

Le serviteur plongea dans la faille qui se referma juste après. Azaram regarda en direction de la Draconie. Il trouvait hasardeux de faire confiance aux tourmenteurs sans qu’un véritable Néhantiste ou un Seigneur Démon ne les chapeaute. Il espérait vraiment que cela se passerait bien, ça lui éviterait de passer du temps à tenter de passer cette barrière magique. La libération de Néhant dépendait maintenant de trois démons...

Durant une heure Amidaraxar s’était coupé du monde. Assis sur un rocher en hauteur il médita, se préparant à recevoir une puissance magique considérable. Il remit de l’ordre dans ses pensées et dans ses connaissances. Il fut autrefois le premier à rejoindre Néhant lorsqu’il comprit le potentiel incroyable des pouvoirs de ce grand maître de la magie, de ce fils de Guem. Lui-même était un magicien reconnu avant son changement d’identité. Il était né avec le don de manipuler et de comprendre la magie sous toute ses formes, le Néhantisme était pour lui au delà du reste, la magie capable de manipuler d’autres magies, il la jugeait même proche de Guem. Les souvenirs remontaient, le projetant bien des années en arrière. Il secoua la tête, pour lui le passé était révolu, seul le futur l’intéressait à présent. Cette fois il n’y aurait pas d’Eredan pour sauver ce monde, ni de prison sous les glaces. Ce monde ne résisterait pas longtemps sous l’assaut des légions démoniaques et la magie de Néhant.

Il était prêt, il réduirait cette chaîne en un tas de cendres fumantes. Il s’avança de son objectif, une aura rouge l’entourait signe que le rituel avait commencé. Il entendait dans sa tête les paroles de Néhant. Il lui insufflait de sombres sortilèges qu’il répéta inlassablement. La magie s’agrippa sur la chaîne aussi sûrement qu’une tique sur la peau d’un chien. Le Néhantiste incantait au prix d’un effort physique incroyable, la magie relâchée était au delà de ce que pouvait produire le plus puissant des mages, à cet instant précis il le savait il n’était pas seul dans ce rituel, Néhant était là, il lui donnait la magie dont il disposait et c’était déjà incroyablement puissant. Et ce n’était là qu’une fraction de ce que pouvait faire Néhant lorsqu’il parcourrait librement les terres de Guem. Amidaraxar aimait ce pouvoir. Tout les autres Néhantistes, démons et esclaves présents s’étaient arrêtés de besogner pour admirer le lieutenant de Néhant à l’œuvre. Ces spectateurs ne furent pas déçus. Des symboles rouges magiques apparurent sur le sol formant peu à peu la marque de Néhant. Une fois ce signe achevé chaque symbole bougea pour se réunir sous Amidaraxar pour ensuite former un tentacule d’écriture qui serpenta sur les premiers maillons de la chaîne et sur l’ancre de cristal qui retenait la prison de Néhant. Le mage sentait ses forces disparaître mais il ne devait pas flancher aussi continua-t-il le rituel. Désormais connecté magiquement à cette ancre il comprit pourquoi Néhant lui avait demandé de s’attaquer à celle-ci. La magie qui la composait était complexe et il était à-même de comprendre comment celle-ci fonctionnait. C’était un véritable enchevêtrement de différentes magies - eau, terre, air, feu, mais aussi nature, lumière et même celle de Dragon - chacune avait une fonction particulière. La terre donnait la solidité tandis que l’air cachait les autres et que la lumière protégeait l’ensemble contre l’ombre et par conséquence celle de Néhant. Il lui fallait les corrompre une par une, démêler un nœud fort pour obtenir une ficelle qu’il lui suffirait de couper ensuite. Il ne bougeait plus. La sueur coulait sur son visage masqué, le duel magique avec la protection de la chaîne n’était pas gagné d’avance. Se battre ainsi contre une réalisation d’Eredan réjouissait Amidaraxar et Néhant. Une à une les magies cédèrent, si bien que la chaîne ne devint rien de plus que du métal inerte. D’un geste ample le mage ferma le poing, donnant le signal aux écritures de finir le travail. Les maillons se désintégrèrent. Néhant apparut aux côtés d’un Amidaraxar à bout de force. Tous se prosternèrent devant lui.

- Qu’il est bon de pouvoir respirer l’air des terres de Guem à nouveau... A présent cela va se compliquer. En brisant cette chaîne nous avons clairement signifié à Dragon que mon retour est désormais plus que probable.

- Laissez-moi appeler les légions, demanda Amidaraxar d’une voix faible.

- C’est la prochaine étape, mais il me faut en premier lieu l’Onyrim.

Ainsi fut brisée la deuxième chaîne de la prison de Néhant.


Le messager démoniaque réapparut à l’autre bout de la Draconie dans un village de quelques maisonnettes mal entretenues. Sans se faire repérer il traversa plusieurs ruelles pour enfin grimper un mur jusqu’à une fenêtre ouverte. Il se faufila ensuite jusqu’à une pièce où dormait un jeune homme. Le sommeil de ce dernier semblait très perturbé et pour cause.

- Réveille-toi tourmenteur, il est temps de servir le maître, chuchota-t-il à l’oreille du garçon. Tu es Cauchemar et tu feras vivre à tes ennemis des rêves atroces. Réveille-toi, démon de Néhant... Ajouta-t-il avant de quitter les lieux.

Au matin, lorsque le garçon se leva il entendit les ordres de Néhant et se lança à la recherche d’un fragment de l’Onyrim. Le messager visita ainsi les autres tourmenteurs - Peine et Souffrance - qui à leur tour entreprirent cette chasse au trésor...

Chapitre 3 - Briser la troisième chaîne

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Les senteurs épicées flottant dans les rues enivraient le nez des habitants et des voyageurs forts nombreux. La cité forte de Karreg, carrefour important de la Draconie se trouvait être un passage obligé de biens des aventuriers. La ville en elle-même n’avait rien d’extraordinaire. A peine quelques centaines d’habitants sédentaires, un bourg regroupant des maisons à plusieurs étages construites autour d’une place centrale, elle-même donnant sur la grande porte du fort imposant. L’histoire avait jusque-là épargné Karreg mais la quiétude des lieux n’était que la surface, le devant de la scène. Ce n’était qu’une nuit parmi tant d’autres, les nombreuses auberges bondées recélaient mille trésors exotiques. Quel terrain de jeu fabuleux pour les trois tourments, des démons avides, dévorant le psychisme de leurs victimes. Dehors quelques traînards et soulards arpentaient la grande place sous la surveillance bienveillante des soldats du seigneur dragon de Karreg. Cauchemar, Peine et Souffrance attirés ici aussi sûrement que des mouches avec du miel avaient cependant un objectif bien précis, récupérer les trois fragments de l’Onyrim. Deux étaient déjà en leur possession et la piste du troisième fragment remontait jusqu’ici. Cauchemar, à pas de velours se faufilait de chambre en chambre, visitant les rêves des dormeurs.

La porte ne fit pas le moindre bruit, à peine un léger *clac* lorsqu’elle se referma. La chambre était coquette quoi que modeste. Le démon s’avança sans faire grincer le parquet. Puis une lumière s’alluma. Non pas une lumière d’une lampe mais celle de flammes légèrement violettes, créées magiquement par l’occupant de la chambre.

- Tout vient à point à qui sait attendre, dit-il en tenant les flammes sur la paume de sa main.

La lumière éclairait le visage masqué de cet homme à la tenue étrange. Le démon ne put rien faire, il n’arrivait plus à avancer comme si un mur invisible lui bloquait le passage.

- Qu’est ce que cela ! Grogna-t-il, qui es-tu ?

- Je suis Ciramor, héritier d’Eredan. Et toi tu es le démon connu sous le nom de Cauchemar. Je suis venu proposer un marché, que ton maître ne pourra pas refuser. Fais venir les autres tourmenteurs, qu’ils arrêtent leur basse besogne immédiatement... A oui, le fragment de l’Onyrim qui vous manque est bien à l’abri, inutile de le chercher vous ne le trouverez pas.

Cauchemar, continuellement en contact avec Peine et Souffrance les avertit de la situation. La fine équipe fut rapidement réunie dans la chambre devenue étroite pour eux quatre. Les deux autres démons à l’apparence de jeunes femmes restèrent en retrait afin de ne pas se faire prendre par le piège magique de Ciramor. Les Tourmenteurs discutaient mentalement de ce qu’il convenait de faire. Ciramor lui restait assis sur le lit, interceptant les échanges mentaux à l’insu des démons.

- Il nous faut réagir, dit Peine.

- A quoi penses-tu ? demanda Souffrance.

- Tourment ! Il ne pourra rien face à nous deux réunies, décida Peine.

- Ce gars-là n’a pas l’air d’un rigolo, s’il est vraiment l’héritier d’Eredan, on a du souci à se faire, dit Cauchemar.

- Effectivement ! Coupa alors Ciramor. Ne tentez rien et écoutez-moi ! Je ne suis pas venu chercher des problèmes, je suis venu... négocier.

Les démons se jetèrent des regards suspicieux.

- Que veux-tu négocier ? Demanda Peine.

Derrière son masque Ciramor respira un grand coup, ce qu’il allait révéler allait faire pencher l’histoire du conflit majeur des terres de Guem.

- Vous cherchez les fragments de l’Onyrim et j’ai le dernier. De plus j’ai quelque chose à demander à... Néhant. Vous allez me conduire jusqu’à lui et faire un pacte démoniaque afin d’assurer ma sécurité jusqu’à lui.

- Tu veux conclure un pacte ? S’étonna Souffrance. Voilà une bonne idée. Bien alors passons ce pacte ! Nous garantissons ta sécurité jusqu’à la prison du Maître.

Ciramor pouffa.

- Qu’est-ce qui te fait rire ? Demanda Cauchemar.

- Je ris parce que la blague est bien à la hauteur de la réputation des démons. Allons, n’essayez pas de me berner, j’ai les connaissances d’Eredan, je sais comment vous fonctionnez. Si j’accepte vous me conduirez jusque là-bas et me tuerez ensuite. Non, non mes petits démons, vous me conduirez jusqu’à lui et vous me garantissez la sécurité jusqu’à ce que je vous libère de votre pacte. En échange de quoi l’Onyrim sera à vous.

- Accepté ! Déclara Souffrance. Nous nous engageons à respecter ce marché.

A ce moment là une marque apparut sur la main gauche de Souffrance ainsi que sur celle de Ciramor, indiquant par là qu’un pacte venait d’être conclu. L’héritier d’Eredan descendit alors du lit, récupéra son bâton de marche et quitta sa chambre.

- Attendez-moi à l’extérieur de la ville.

- Comment comptes-tu passer la frontière de la Draconie ? Interrogea Cauchemar.

- Ne t’en fais pas pour ça démon...

Les Tourmenteurs accompagnèrent donc Ciramor à travers les campagnes Draconiennes. Ciramor fermant son esprit aux tentations ne se laissa pas berner par les démons qui ne cessèrent de tester ses limites. Mais le jeune homme savait très bien ce qu’il avait à faire, il s’y préparait depuis plusieurs semaines et rien ne pouvait le détourner du but.


Ils rejoignirent la frontière de l’est au bout de quelques jours de voyage. Derrière le mur d’énergie bleutée crépitant de magie dressé par Dragon s’étendaient les terres sauvages. Ciramor mena cette incroyable troupe à travers un dédale de grottes qui permit de traverser cette frontière sans encombre, à la jubilation des Tourmenteurs, heureux d’avoir berné le si puissant ennemi de Néhant. Le voyage continua jusqu’aux brumes des Confins où l’activité semblait redoubler. Amidaraxar fut prévenu de l’arrivée de la troupe et il s’empressa d’aller à leur rencontre. Le fidèle lieutenant fut ravi de revoir les Tourmenteurs mais fut stupéfait en apercevant la personne avec eux. Il reconnut les habits et la peur le prit.

- Eredan !

Puis la curiosité prit la place de la peur. Si les habits correspondaient, en revanche ni la taille ni le bâton dans sa main de correspondaient. Il comprit que ce n’était pas le Gardien en personne, fort heureusement. Mais bel et bien quelqu’un d’autre. Amidaraxar accueillit le groupe avec appréhension. Les Tourmenteurs s’agenouillèrent devant le Néhantiste. Ce dernier remarqua la marque sur la main de Souffrance et vit le lien du pacte entre eux et l’autre personne.

- Seigneur, voici Ciramor... héritier d’Eredan... Chuchota Souffrance.

Amidaraxar n’y avait pas prêté plus attention que cela mais lui et ce Ciramor se ressemblaient dans une certaine mesure, du moins au niveau de l’apparence. Tous deux portaient un masque dissimulant leurs émotions et les traits de leurs visages.

- Tu viens t’offrir à nous héritier d’Eredan ? Questionna Amidaraxar en s’entourant d’une aura rouge de magie Néhantique.

Le lieutenant allait pour frapper Ciramor lorsque les Tourmenteurs s’interposèrent.

- Nous avons un pacte avec lui, nous devons le mener jusqu’à Néhant et il nous donnera l’Onyrim.

Amidaraxar cessa sa magie, qui se disait que de toute façon, une fois à la prison Ciramor serait à leur merci.

- Bien ne vous faisons pas attendre, dit Amidaraxar avec ironie.

A présent habitué à faire les aller-retour Amidaraxar, impatient d’assister à la confrontation qu’il espérait terriblement cruelle pour Ciramor. Ce dernier fut estomaqué lorsque la prison de Néhant se dévoila face à lui. Elle ne ressemblait en rien à la mémoire d’Eredan dont il était le dépositaire. Tout était rongé, abimé, brisé, grouillant d’esclaves barbares et de démons de toutes sortes. Ce spectacle navrant le touchait, mais il se concentra sur sa tâche. Le cristal rouge foncé servant de prison à l’une des plus puissantes créatures de ces terres était ébréché de part en part et deux des quatre verrous n’assuraient plus leur travail. Devant et en dessous du cristal se trouvait un trône sculpté à partir des rochers environnant. La manifestation magique de Néhant était là assis confortablement, admirant ses créatures qui lui appartenaient jusqu’à la moindre parcelle d’âme. En voyant Ciramor, Néhant se redressa, le visage encore caché par une large capuche. Lui aussi crut au retour d’Eredan, venu le remettre où il l’avait enfermé depuis si longtemps. Mais il ne perçut pas l’impressionnante aura du Gardien des terres des Guem.

- Seigneur Néhant, l’héritier d’Eredan souhaite s’entretenir avec vous.

- L’héritier d’Eredan ? Avance-toi, héritier d’Eredan, que je puisse contempler celui qui par ma volonté deviendra ma chose jusqu’à sa mort.

Ciramor avait peur, mais il ne devait rien laisser paraître, les démons pourraient lire en lui si ses sentiments éclataient trop. Prenant son courage à deux mains il s’avança jusqu’au pied du trône et n’attendant pas plus déclara ses intentions.

- Vos démons sont efficaces, ils ont retrouvé deux fragments de l’Onyrim sur les trois qui existaient. Cette information ne vous est peut-être pas arrivée, mais l’un des fragments de l’Onyrim a été détruit par Dragon en personne il y a quelques temps déjà. Vous ne pourrez retrouver vos pouvoirs.

- Tu es venu jusqu’ici pour me dire ça, héritier d’Eredan ?? Dit Néhant d’une voix caverneuse et empreinte de colère.

- A vrai dire non... Mais cela me semble important de spécifier ça. Je vais vous permettre de briser une chaîne de plus.

Les marques du pacte s’effacèrent alors des mains de Souffrance et de Ciramor. Les Tourmenteurs se sentirent honteux d’avoir été ainsi manipulés par un freluquet. Ils allèrent pour fondre sur l’héritier lorsque Néhant fit un geste pour les arrêter.

- Mes petits démons, attendons d’avoir écouté ce que l’héritier a à me dire avant de dévorer sa chair. Je t’écoute héritier.

Ciramor avait hameçonné le poisson, il lui restait désormais à tirer doucement la ligne pour le ramener jusqu’à lui.

- Savez-vous ce qu’il se passe loin vers le nord-ouest, là où la pierre tombée du ciel s’est écrasée ?? L’incarnation d’un dieu destructeur, peut être que Sol’ra, ou devrais-je dire Solar vous dit quelque chose ? Un de vos serviteurs, un certain Dimizar, a fait il y a quelques mois une démonstration saisissante des pouvoirs dont vous êtes le maître contre les pouvoirs de ce dieu.

- Que veux-tu que ça me fasse ? Il ne me détruira pas.

- C’est là que vous faites erreur. Aussi fort soyez-vous vous êtes incapable de sortir de votre prison et donc vous ne pourrez pleinement vous défendre lorsqu’il arrivera ici et vous réduira en poussière.

- Je vois clair dans ton jeu, héritier. Tu veux que je tue ce dieu pour éviter à ce monde d’être détruit ?

Ciramor avait tapé là où Néhant serait sensible  : L’orgueil.

Mais la partie n’était pas finie, la négociation commençait à peine.

- Exactement. Qu’aurez-vous à gouverner si ce monde n’existe plus ?

Néhant se leva de son trône et descendit les marches une à une d’une démarche déséquilibrée. Des larbins démoniaques le suivaient comme son ombre, grognant et jappant comme des animaux. Néhant s’arrêta devant Ciramor, tous les deux avaient la même taille.

- Je suppose que tu sais comment me délivrer de ma prison, n’est-ce pas ? Affirma Néhant.

- Oui, je peux faire en sorte que vous soyez libéré de vos chaînes. Voici comment cela va se passer, écoutez bien car ceci n’est nullement sujet à discussion ou à négociation.

- Parle.

- Je vais briser la troisième des chaînes. A partir de ce moment là vous pourrez prendre un corps et c’est le mien qui vous servira de réceptacle. Une fois que nous ne formerons plus qu’un nous serons en mesure de nous opposer à celui qui veut détruire ce monde. Lorsque cette menace sera écartée nous serons en mesure de briser la dernière chaîne.

Néhant écouta les paroles de l’héritier d’Eredan avec beaucoup d’attention, on lui proposait un corps et ainsi aller où bon lui semblait. Lui capable d'annihiler les plus fortes volontés, ce jeune gardien veut devenir Néhant ?

- Ce marché me convient ! Déclara Néhant certain de prendre le contrôle de Ciramor. Comment comptes-tu briser la troisième chaîne ?

- Vous avez accepté et nos destins sont désormais scellés ! Cria Ciramor en tapant le bout de son bâton au sol.

Calice apparue dans l’autre main de Ciramor. La lame exhalait de la fumée par une bouche gravée dans le métal. Elle crépitait d’une énergie magique incroyable. Néhant fut ravi de la voir ici, son ennemi et jeune héritier d’Eredan lui ramenait sa plus belle création, une erreur de plus pour Ciramor.

- Préparez-vous seigneur Néhant, une fois que j’aurais brisé la chaîne vous entrerez en moi, dit-il en saisissant la poignée de la lame.

- Comment as-tu trouvé Calice ? Demanda Amidaraxar.

- Prise de guerre... répondit Ciramor sans rentrer dans les détails.

L’héritier d’Eredan, ne souhaitant pas plus répondre aux questions qui mettraient son plan à mal passa à l’action. Il saisit Calice par la poignée et la souleva sans le moindre effort. La lame avait désormais un nouveau porteur, elle savait que bientôt Néhant serait de nouveau là et cette perspective l’enchantait. Ciramor approcha de la chaîne et les démons et les esclaves aux alentours s’écartèrent sur son passage. Néhant suivait le mouvement, attendant sa prochaine “presque libération”.

La concentration était extrême. Ciramor, face à la chaîne tenait Calice des deux mains et derrière son masque la sueur coulait. Un coup, un seul, lui permettrait de faire avancer le plan, il avait tant travaillé pour ça. Des semaines et des semaines de préparations avec les plus grands magiciens de ce monde et certains secrets d’Eredan dévoilés pour que les terres de Guem soient sauvées de Solar. De très nombreuses écritures s’illuminèrent sur la chaîne, Ciramor chuchotait dans un langage qu’aujourd’hui seuls les gardiens parlaient. La magie de Guem se déverrouillait peu à peu... Puis Calice plongea sur un maillon avec avidité. Le métal de la lame sectionna le métal de la chaîne dans un frottement strident.

Ainsi fut brisée la troisième chaîne de la prison de Néhant.

Le reste se déroula sur une très courte durée. Néhant toujours retenu par la quatrième et dernière chaîne sentit néanmoins qu’il faisait à nouveau partie de ce monde. La forme noire s'empara de Ciramor qui lâcha Calice. L’héritier se laissa faire malgré une douleur insoutenable. Dans la tête du jeune homme Néhant tissait sa toile, mais il ne s’attendait pas à tomber contre la volonté d’un vieil ennemi : Eredan.

“Tu ne songeais pas à prendre le contrôle de mon héritier ? Ciramor s’est préparé longuement et son plan est imparable. Je connais tes secrets, il connait tes secrets, nous savons qui tu es et comment te tenir ! Nulle tromperie possible, tu devras respecter ta parole et combattre Solar avec toute ta fureur. Ciramor est désormais ton réceptacle, ton corps, mais aussi le gardien de ce monde. Vos pensées vont se mêler, il veillera à ce que tout aille dans le bon sens. A présent mon vieil ennemi, il est temps de remplir la tâche pour laquelle nous te libérons partiellement. Tes alliés attendent dehors, ils sont prêts à ranger leur haine à ton égard. Et toi Néhant, tu devras mener les légions.”

La fusion entre Néhant et Ciramor s’opéra comme prévue. Le masque du gardien tomba au sol et se brisa, son aspect physique changea pour ressembler autant à un homme qu’à un démon. Amidaraxar, Azaram et tous les autres s’inclinèrent devant le retour de leur maître.

- Seigneur Néhant, quels sont vos ordres ?

Néhant s’empara de Calice qui ronronna alors comme un chat.

- Appelez mes légions... Nous avons un dieu à abattre, je ne tolérerais pas qu’on détruise ce qui m’appartient.

Amidaraxar qui connaissait bien Néhant trouva son attitude étrange.

- Mais vous ne voulez pas briser la dernière chaîne ? Osa demander le lieutenant.

- Ne pose pas de question et obéis. Je dispose déjà d’une puissance incroyable et le temps nous manque désormais. Nous partons.

La réponse ne satisfaisait pas Amidaraxar, mais il ne tenta plus le diable, il se contenterait de servir son maître comme il l’avait fait durant des années. La perspective de la domination du monde lui convenait parfaitement. Néhant qui n’était pas tout à fait lui-même en vérité, percevait chaque lien qu’il avait avec les esclaves, démons, Guémélites et autres Néhantistes, il lui serait facile de les maîtriser. Il ne lui restait plus qu’à aller voir qui étaient ces fameux alliés.

Bien plus tard, une cohorte de démons avait envahi les lieux et Néhant était prêt à mener son armée à travers la Draconie. Ciramor/Néhant disposant des savoirs d’Eredan brisa le puissant enchantement magique cachant la prison. Les brumes des Confins se dissipèrent peu à peu, laissant désormais un libre accès à l’interdit. De l’autre côté, parfaitement alignée, une armée humaine aux étendards de la Draconie leur faisait face. Les démons rugirent face à cet ennemi, mais le Réceptacle de Néhant les fit taire. Deux personnes se détachèrent de cette armée, chevauchant de magnifiques chevaux caparaçonnés. Néhant avança à son tour, suivi par Amidaraxar. Les deux draconiens n’étaient autres que Kounok le Prophète et Zahal le Chevalier Dragon. Leurs visages étaient fermés, dénués d’émotions.

- Es-tu prêt.. Ciramor ? Demanda Kounok.

- Je préfère Néhant si tu permets, Draconien.

- Qu’est ce que ça veut dire ? Grogna Amidaraxar.

- Cela veut dire que la fin est proche, assura Néhant en affirmant son emprise sur son lieutenant.

- A présent en route, Solar s’attaque à la Draconie et Dragon ne tiendra pas longtemps, dit Kounok en faisant un demi-tour avec sa monture.

Dragon

Chapitre 1 - Après l’orage, avant la tempête.

La servante eut la frayeur de sa vie lorsqu’elle retrouva la Pythie allongée sur le sol de sa chambre. Elle lâcha immédiatement le plateau de victuailles en hurlant le nom de sa maîtresse, réclamant de l’aide. S’agenouillant les mains tremblantes elle vit les coulées de sang du nez, des yeux et des oreilles de la Pythie. Était-elle morte ? Elle pria Dragon que cela ne soit pas le cas. Elle fut rassurée lorsqu’elle vit qu’elle respirait encore. Les cristaux qui d’habitude flottaient autour de la jeune femme s’étaient écrasés sur le sol de pierre, se brisant en partie. Plusieurs autres servantes, alertées par l’agitation et les hurlements arrivèrent sur le pas de la porte de la chambre, paniquées. Elles la portèrent doucement pour l’allonger sur le lit juste à côté. La plus âgée des servantes toucha le front de la Pythie et écouta son cœur.

- Apportez de l’eau chaude... vite ! Ordonna-t-elle.

- Qu’est-ce qu’elle a, dit la plus jeune, inquiète.

- Je ne sais pas, mais elle est en train de se réveiller, retournez vaquer à vos occupations, je m’occupe d’elle.

Une alla chercher de l’eau et les autres s’en allèrent, non sans être averties par celle au chevet de leur maîtresse.

- Ne dites à personne ce que vous avez vu, c’est bien compris ??

Toutes répondirent oui. La Pythie bougea, levant le bras elle attrapa sa servante et émergea tant bien que mal.

- Ne bougez pas ma dame, vous n’êtes pas en état.

- Que... ma tête... elle me fait souffrir...

- On vous a retrouvé par terre, du sang coulant par tous les orifices de votre tête. Vous êtes glacée, dit-elle en la couvrant.

La Pythie fit un effort de mémoire et replaça les pièces d’un puzzle de souvenirs.

- J’étais assise là, lisant une lettre lorsque mon attention fut attirée par le miroir qui me faisait face. J’ai eu de multiples visions, toutes d’un coup, elles m’ont assaillie. J’ai ressenti le malheur, la désolation, la mort. Il me faut dénouer toutes ces visions pour mieux les comprendre, mais je sais déjà que plusieurs évènements importants viennent d’avoir lieu. Le genre d’évènement qui marque à jamais notre histoire.

- De quoi parlez-vous ?

A ce moment là, la servante partie chercher de l’eau revint avec le nécessaire, elle fut rassurée de voir la Pythie consciente. Elle posa le nécessaire sur le bord du lit et s’en alla donner la bonne nouvelle aux autres servantes.

- Une puissance divine vient d’arriver sur les terres de Guem, elle cherche à tout détruire. Un être s’est éteint, ils ne sont plus nombreux maintenant...

La servante qui essuyait les traces de sang avait l’habitude d’écouter les prophéties de la Pythie, celle-ci était aussi mystérieuse que d’autres.

- Plus proche de nous, dans cette cité, une femme va avoir le cœur brisé...

Kastel Levarak, une des plus belles cités de la Draconie. Construite sur une colline au milieu d’un lac artificiel, l’endroit était baigné par le mysticisme. Il est dit que le château à l’architecture extraordinaire existait bien avant la fondation de la Draconie et bien des légendes sur cette région confirmaient cela. C’était aussi là qu’étaient nés Marlok et la Pythie, cette dernière vivant toujours là. Mais ce ne sont pas ces deux personnages qui nous intéressent, mais une femme du peuple pour qui ce matin le destin la frappa avec le tranchant de la lame.

Le réveil fut difficile et la nuit très courte. La veille, Yllianna et Zerimar avaient fêté dignement leurs fiançailles avec leurs familles et leurs amis. Le vin avait coulé à flot et les délices des cuisiniers avaient enchanté les papilles. La tête pleine de rêves et d’amour, les deux tourtereaux s’étaient éclipsés le temps d’une promenade à la fraîcheur d’une aube enchanteresse. Bras dessus, bras dessous, tous deux planifiaient leur vie future, évoquant les enfants, la nouvelle demeure qui serait bientôt la leur. Leurs pas les menèrent dans un coin un peu isolé de la ville, repère de gens peu fréquentables et très souvent mal intentionnés. Au détour d’une ruelle, ils se rendirent compte de l’endroit où ils se trouvaient, hélas pour eux un brigand qui n’avait pas fini de cuver l’alcool ingurgité durant la nuit chancela jusqu’à eux dans l’espoir de faire à Ylliana ce que la morale empêche de décrire. Zerimar peu enclin à laisser sa belle aux mains crasses et moites de cet agresseur, s’interposa. Ce dernier ne vit pas la dague, dégainée avec rapidité par quelqu’un visiblement habitué à faire parler la violence. La lame s’enfonça entière dans la chair du jeune homme. Un cri déchira le silence, celui d’Ylliana alors que son fiancé s’écroulait sur le sol boueux. Le brigand se jeta sur la jeune femme en lui plaquant la main sur la bouche avant de la pousser dans une ruelle sombre. A terre, Zerimar agonisait, de sa plaie coulait le sang en abondance. Il tenta de se relever mais cela empira son cas, il sombra vite les mains pleines de sang.

Ylliana tentait d’appeler à l’aide et de se dépêtrer des sales pattes du brigand. Elle n’était pas prête à se laisser faire, oh bien sur elle avait peur, mais ce sentiment était enfouit derrière sa volonté de lui échapper. Elle croqua la main plaquée sur sa bouche, enfonça son coude dans le plexus de son agresseur. Le souffle coupé, la main endolorie, ce dernier lâcha sa proie par réflexe, celle-ci se mit à courir dans la ruelle sombre, poursuivie de près. La mort venait de se saisir de Zerimar lorsqu’elle tomba à genoux à ses côtés. L’homme sans vie gisait dans un bain de sang. Ylliana pleurait à chaude larmes, répétant inlassablement le nom de son aimé. La peur laissa place à la douleur et au chagrin puis à la colère...

L’agresseur rigola de son méfait, imaginant déjà la suite, le plaisir qu’il allait ressentir. Mais il n’avait pas prévu l’arrivée de l’autorité, incarné par une sorcelame. Telle une furie cette inconnue sauta du toit pour atterrir sur le dos du brigand. Il s’affala sur le sol comme un sac de pommes de terre. Ce dernier, la tête dans la boue ne put voir le visage de la sorcelame qui venait d’arriver car il fut assommé par le pommeau d’une lame sorcière. Ylliana, les yeux voilés de larmes aperçut à peine l’action, trop occupée à tenir Zerimar dans ses bras.

- Damoiselle... damoiselle.

La sorcelame posa la main sur l’épaule d’Ylliana, qui sursauta alors.

- Ca ira ?

La question était saugrenue, ça n’allait pas ! L’amour de sa vie était mort ! MORT ! Ylliana se releva, la rage au ventre et fit face à la sorcelame et l’examina de pied en cap. Voyant l’ouverture, elle attrapa la poignée d’une dague attachée à la ceinture de sa sauveuse, tira la dague et sauta sur le meurtrier de son fiancé. Elle arma son bras, saisit la tête du brigand vers l’arrière afin de lui planter la lame dans la gorge. Son geste fut arrêté par la sorcelame qui lui attrapa le poignet avec force.

- Non damoiselle, vous ne devez pas faire ça, dit-elle calmement.

- Il l’a bien fait lui !! Il l’a tué ! Il était tout pour moi ! Hurla-t-elle avant de s’écrouler dans les bras de son interlocutrice.

- Laissez-le aux mains de la justice de Dragon, il aura le châtiment qu’il mérite. Venez avec moi, je vous ramène à votre famille, puis lorsque la colère et la haine seront trop insupportables vous viendrez me voir.

Plusieurs soldats de la milice de Kastel Levarak arrivèrent à ce moment là, alertés par le voisinage.

- Emportez le corps de ce malheureux jusqu’à chez lui et prévenez le Veilleur de mort, qu’il vienne dès que possible.

Chapitre 2 - Sacrifice.

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Voilà à peine quelques heures que les troupes draconiennes étaient parties pour la pierre Tombée du ciel. Anryéna s'apprêtait à quitter le palais pour rejoindre ses appartements dans le quartier des Liés lorsqu’une secousse se produisit. Elle ne dura pas bien longtemps mais la nature même de cette dernière suffit à éveiller sa curiosité. Les environs n’étaient pas connus pour leur activité sismique. L’énergie divine s’était répercutée jusqu’ici et elle l’avait très bien ressentie. Elle se tourna dans la direction d’où venait cette énergie.

- C’est si fort...

Dragon apparut alors à son côté, le visage terriblement inquiet.

- Ma fille... Nous avons perdu.

Anryéna écarquilla les yeux, n’en croyant pas ses esgourdes.

- La pierre tombée du ciel vient d’exploser, libérant une créature. C’est d’elle qu’émanent ces rayonnements étranges.

- Explosions ? Nos troupes !! S’exclama-t-elle inquiète.

- Je ne sais pas mais je ne ressens plus aucune des personnes avec qui je suis lié.

- Mais c’est une catastrophe ! Il faut vite aller voir ! Lever la totalité de l’armée de la Draconie !

- Je vais m’en remettre à toi ma fille, je vais devoir dresser une barrière autour de la Draconie afin d'empêcher cette chose de venir jusqu’ici. Récoltons le plus d’informations possibles. En l’absence de Naya, son élève qui est à Kastel Levarak prend le commandement. Je vais aussi prévenir Kounok on va avoir besoin de lui, dit-il sur un ton un peu agacé.

- Bien. Gaaaardes ! Gaaaardes !

Les deux gardes dragons qui étaient à l’entrée de la salle du trône vinrent en trottinant jusqu’aux illustres personnalités.

- Allez immédiatement me chercher les ministres et les hérauts de Dragon !

Ils saluèrent tous deux et partirent de la salle rapidement.

- Ce n’est pas tout ma fille, dit Dragon.

- Ah !

- Le Seigneur-Dragon de Marche de l’est m’a fait parvenir des informations encore plus inquiétantes. Il y a une activité inhabituelle dans les brumes des Confins.

- Néhant ? On ne peut pas couvrir tous les fronts père, c’est impossible, s’il se libère s’en sera fini de nous.

- Moi vivant jamais je ne permettrai cela, j’ai juré à Eredan que je donnerai ma vie pour ça. Mais comment faire face à deux menaces aussi grandes ? Ma fille il va falloir agir avec intelligence... et stratégie. Anryéna acquiesça. - Je vais de ce pas créer le bouclier magique, à partir de là je n'apparaîtrai plus, tu seras seule à la tête de la Draconie. Viens me voir si la situation l’exige mais toutes mes pensées seront tournées vers les défenses du territoire.

- Ne t’en fait pas, ce n’est pas la première crise que je traverserai, j’aurais pourtant bien aimé que la dernière en date soit justement... la dernière.

Dragon s’approcha d’Anryéna et lui déposa un baiser sur le front.

- Reçois là les pleins pouvoirs, convoque Kounok, dit-il en disparaissant.

Elle soupira un grand coup.

- Les pleins pouvoirs. Bien commençons donc, dit-elle à voix haute en saisissant son sceptre draconique à deux mains.

Elle se concentra, son lien fort avec Dragon et son fils lui permettait de pouvoir le localiser et lui parler. Elle le visualisa en haut d’une montagne au milieu d’une tempête de neige. Il portait sur son dos une personne inconsciente. Tous deux enroulés dans des fourrures.

“Mais qu’est-ce qu’il fait là ? Il m’a l’air dans une mauvaise passe. Tant pis il faut que j’intervienne.”

Le sceptre se mit fortement à luire d’une énergie bleue, Anryéna utilisa les pouvoirs accordés par son père.

- Au nom de Dragon je te convoque Prophète, en cet instant et en ce lieu !

Un moment se passa sans rien de plus, puis une forme apparue. Kounok dut faire un effort pour ne pas glisser avec ses bottes pleines de neige. Il s’étonna de se retrouver ainsi devant sa mère au palais de Noz’Dingard. Il déposa la personne inconsciente avec beaucoup de précaution, puis il se dévêtit de sa fourrure pour en couvrir sa compagne qui n’était autre qu’Ardrakar.

- Désolé de devoir te rappeler ainsi Kounok, tu semblais en fâcheuse posture et il nous faut un Prophète pour guider la Draconie.

Kounok qui ne s’était visiblement pas rasé ressemblait à un véritable épouvantail. Ses habits n’étaient plus que des guenilles sales et trouées. Anryéna tourna autour de lui avec une moue de désespoir, expression qui passa vite à la stupeur lorsqu’elle vit qui était avec lui, le chevalier déchu.

- Je raconterai cette aventure extraordinaire une autre fois mère. Merci de nous avoir ramené, que s’est-il passé en mon absence ?

La fille de Dragon secoua la tête.

- Je me demande si j’ai bien fait de te laisser partir.

- Il le fallait, et puis... comment aurais-tu arrêté Prophète ?? Dit-il sur un air de défi.

“Il a changé” se dit Anryéna. Elle lui expliqua ensuite les évènements qui l’avaient conduit à le rappeler sur le champ. Kounok réfléchit aux différentes options qui se présentaient à lui.

- Nous avons déjà échoué contre les Nomades, traitons d’abord le problème Néhantiste en priorité. Ardrakar nous aidera.

- Tu as confiance en cette traîtresse ?

- J’ai confiance en mon épouse.

Anryéna tomba des nues et ne sut quoi répondre, elle regarda son fils avec appréhension alors que celui-ci se pencha sur Ardrakar. Les ministres et hérauts de Dragon arrivèrent à ce moment-là, intrigués par la situation les discussions allèrent bon train.

- Je reviens, je vous interdis de commencer à établir des plans sans moi, c’est compris ?, dit Prophète avec autorité.


La lumière avait été aveuglante. Sol’ra dans sa soif de destruction avait laissé parler sa volonté divine en voulait raser cette région de la carte du monde. Personne n’avait eu le temps de réagir et lorsque la lumière cessa, Sol’ra avait percé un trou béant dans le sol de Guem. Autour tout n’était que ruines et même le tombeau des ancêtres non loin de là était désormais qu’un tas de cailloux. L’armée des ancêtres avait été balayée comme un fétu de paille.

Marzhin émergea, la tête dans le sable. Il se releva avec difficulté son corps le faisant souffrir. Il n’était pas seul, tout autour de lui il y avait bien un bon millier de personnes inconscientes qui comme lui se retrouvaient à moitié ensevelies sous le sable. Le patchwork des couleurs lui fit comprendre qu’il y avait là l’armée de la Kotoba, celle des Envoyés de Noz’Dingard et la Cœur de Sève. Immédiatement à côté de lui Pilkim se réveillait à son tour, ne comprenant pas ce qu’il venait de se passer. Le Maître-Mage se souvint de l’action : la créature divine allait détruire se monde, le Mangepierre s’était interposé. Et ensuite ? Plus rien, le blanc ou plutôt le jaune, une forte lumière, la puissance divine et le réveil, ici.

- Tu vas bien ? Dit Marzhin en regardant son fils qui lui fit oui de la tête en recadrant ses lunettes sur son nez. Le Mangepierre ? Où est-il ? ajouta-t-il en regardant autour de lui.

- Là ! Cria Pilkim.

Le jeune prodige montrait un bras qui dépassait du sol. La peau était grise et les tatouages caractéristiques au Mangepierre. Le père et le fils coururent puis tirèrent du sable le corps inanimé du Mangepierre. Ce dernier bougeait encore mais le Maître-Mage ne percevait plus la moindre magie en lui. La Guémélite de Guem ouvrit péniblement les yeux et sourit en voyant les gens présents.

- Vous êtes saufs... J’ai fait de mon mieux... Je suis désolé de ne pouvoir faire... plus...prenez ma pierre... lorsque...

Sa phrase ne fut pas terminée, le Mangepierre mourut dans les bras de Marzhin.

- Un sacrifice qui nous a sauvés.

Chapitre 3 - Pénitence

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Kounok s’était rapproché des frontières de la Draconie craignant une éventuelle poursuite des Néhantistes. Son armure présentait quelques estafilades en raison de son affrontement contre Déchirure. Ses doigts frôlaient les profondes entailles “Heureusement que je te portais” pensait-il “Ces démons sont redoutables, c’est très inquiétant”. Ses yeux quant à eux ne se décrochaient pas de la silhouette d’Ardrakar qui dormait d’un sommeil très agité près du feu.

Ardrakar errait dans les terres désolées par la sombre magie de Néhant. Elle ne savait plus ni où elle était ni qui elle était vraiment. Elle tenait Chimère par son pommeau, laissant traîner la lame dans la boue à l’odeur infâme. L’épée vivante l’avait conduit à des exactions indignes de son rang et la corruption de Néhant grignotait son âme peu à peu. A demi consciente, n’ayant plus aucune notion du temps, elle arriva à la frontière de la Draconie. Était-ce Dragon qui l’avait guidé jusque-là ou bien son devoir de chevalier ? Elle qui était la plus puissante parmi son ordre, elle était aspirée par une spirale infernale. Elle agit alors pour la dernière fois comme Chevalier Dragon. Chimère, douée de vie, part de Dragon, hurlait de ne pas faire ça, mais elle ne voyait que cela. Grimpant les montagnes elle finit par atteindre son objectif - le temple d’Ehxien. Elle entendait cette voix sombre, sinistre et incroyablement séduisante qui l’encourageait à quitter les siens pour une nouvelle vie, éternelle et pleine d’aventures. A l’intérieur du temple les gemmes bleues éclairaient d’une pâle lueur les parois d’une caverne naturelle, elle était déjà venu ici avec son maître Arkalon mais quand ? Elle ne savait plus et peu lui importait à ce moment-là. Aux tréfonds de cette grotte elle arriva au cœur du temple, le sanctuaire des lames. Depuis la naissance de l’ordre lorsqu’un chevalier venait à mourir, son épée était alors déposée ici pour y reposer jusqu’à la fin des temps. Ardrakar réservait un sort pire que l’oubli à Chimère, cette lame devait reposer ici, mais elle devait aussi être brisée !

- Si tu fais ça, tu ne seras plus chevalier de Dragon ! Je suis ton seul rempart contre Néhant ! Hurla Chimère.

- Non... C’est toi... c’est TOI ! Ce sera mon dernier geste... qu’aucun Chevalier Dragon ne te tienne à nouveau !

Ardrakar tint fermement la poignée de l’épée avant de propulser la lame contre la paroi de pierre. Le choc fut terrifiant, le cristal de l’épée explosa. La jeune femme lâcha ce qui en restait parmi les autres armes des Chevaliers Dragon. Lorsqu’elle quitta le temple, Dragon détourna ses yeux d’elle, elle devint alors Ardrakar, Chevalier de Néhant...

Elle se réveilla en sursaut. La sueur perlait sur son visage, son cœur battait la chamade. Elle examina son environnement, où était-elle ?? Ses yeux s’arrêtèrent sur l’homme présent à côté d’elle et qui la regardait. Elle ne sut comment réagir, ses pensées se bousculaient, Amidaraxar, les larbins, le rituel !

- Tu n’as rien à craindre Ardrakar.

Qui était-il ? Elle se sentait en confiance avec une vague impression de déjà vu. Mais si elle ne le reconnut pas de suite, par contre elle reconnut la lame posée à plat sur ses genoux, Chimère. Prise par la peur elle eut un mouvement de recul. La dernière fois qu’elle avait vu l’épée c’était lors de son affrontement récent avec Arkalon, et la voilà dans les mains d’une autre personne.

- C’est l’épée qui te fait peur Ardrakar ?

Elle répondit oui de la tête, alors Kounok fit disparaitre l’épée, au soulagement de la jeune femme.

- Je te l’ai dit tu n’as rien à craindre. Je... je suis Kounok.

Ardrakar ouvrit grands les yeux devant cette révélation.

- Kounok ?? Mais... Comment ça se fait ?? Dit-elle en s’approchant de lui.

- Dragon m’a nommé Prophète et m’a donné forme humaine. Ah, j’ai quelque chose qui t’appartient, dit-il en se rendant jusqu’à son cheval.

Il détacha Azur des lanières de cuir qui la retenant à la selle. La lame reflétait les lueurs du feu dans des teintes violettes.

- Lorsque je suis parti à ta recherche j’ai trouvé ton épée. Prend-là elle est à toi.

Ardrakar se souvint. Azur était restée là où elle s’était faite attaquée par les larbins d’Amidaraxar.

- Je n’ai pas le droit de la porter. Re.. regarde-moi ! Je ne suis qu’une traîtresse, j’ai abandonné tout ce en quoi je croyais, j’ai brisé la confiance de Dragon !

Kounok, qui tendait Azur à Ardrakar soupira longuement. Il n’aimait pas vraiment jouer les soigneurs de l’âme, mais pour elle il fit un effort.

- Je vois le remord et le désir de te racheter. Il ne tient qu’à toi de réparer tes erreurs pour une vie meilleure. Je préfère garder de toi la part du Chevalier Dragon, celle avec qui j’ai passé de bons moments, celle avec qui...

Il hésita, mais ne termina pas sa phrase.

- Néhant t’a jeté aux ordures comme n’importe lequel de ses esclaves, tu dois te lier à nouveau avec Dragon.

Kounok avait raison, le démon en elle n’était plus là et elle se sentait très différente, plus proche de ce qu’elle fut autrefois. Mais elle était encore liée au corrupteur par cet éclat qu’elle portait en elle. Elle détacha la bourse attachée à sa ceinture et en sortit sa pierre-cœur, celle qu’elle confia autrefois à Dragon. La pierre brillait faiblement malgré les marques noires à sa surface.

- Impossible, si on m’enlève ma pierre-cœur, je meurs !

- Je comprends ton pessimiste, avec ce qui t’arrive c’est normal. Mais je n’ai pas le même avis. Si ton désir est réel et motivé je t’aiderai, je connais un lieur de pierre capable de t’enlever ça. Là-haut dans les montagnes, dit-il en montrant des monts enneigés plus loin dans la Draconie.

Ardrakar, plongée dans les ténèbres voyait là une lueur d’espoir. Elle ne pouvait rester ainsi, mais elle ne comprenait pas pourquoi il voulait l’aider, elle qui tua des innocents et qui trahit la Draconie. La question coula de source.

- Pourquoi m’aides-tu Kounok ?

Prophète s’assit en face d’elle, avec les flammes dans le dos la lumière lui donnait un aspect irréel.

- Les raisons sont nombreuses, le lien entre nous... et le devoir. Nous avons déjà vécu beaucoup d’aventures ensemble. Tu ne t’en souviens peut-être plus, mais pour moi ces moments sont gravés à jamais, dit-il en posant sa main sur son cœur. Et je suis Prophète même si je n’ai pas la sagesse de mon défunt frère je sais percevoir ce qui est pour moi une opportunité incroyable. Dragon a dit vrai, en ces temps de guerre plusieurs Chevaliers Dragon fouleront les terres de Guem ensembles. Je crois que tu as ta place parmi nous. Arkalon est revenu, Valentin tiré de sa retraite, Zahal prêt à prendre le commandement, quant à moi mon rôle est de faire en sorte que nous soyons prêts pour les évènements futurs. Ardrakar tu as la force en toi de relever ce défi, de briser les chaînes qui te retiennent à lui et qui te font souffrir.

Les larmes noires coulaient sur les joues de la jeune femme. Les paroles de Kounok étaient réconfortantes, les souvenirs de sa vie précédente refaisaient surface et elle se rappela la présence de Kounok lors de ses entraînements d’apprentie chevalier. Il avait toujours été là pour elle.

- Je.. je ferais pénitence...

- Ça ne sera pas facile, tant que tu es liée à lui, il te traquera. Il ne peut pas se permettre de te laisser en vie. Alors prends Azur et sois prête à te défendre autant que je te défendrais.

Ardrakar accepta l’épée dont la poignée convenait parfaitement à sa main. Un autre sujet lui vint en tête.

- Comment cela se fait-il que tu aies Chimère ? Je l’ai brisé dans le temple d’Ehxien.

- Et je l’ai récupéré telle que tu l’as laissé. Mais chaque Chevalier Dragon se doit d’avoir son épée alors plutôt que d’en avoir une nouvelle j’ai décidé de réparer celle-ci et de la... corriger.

Le mot “corriger” fit sourire Ardrakar, comprenant par-là qu’elle n’était pas exempte de défauts.

- Cette Chimère est bien plus stable que celle que tu as brandie autrefois ne t’inquiète pas. Demain matin nous nous mettrons en route, nous ferons étape dans un village pour s’équiper avant notre ascension dans les montagnes.


Kounok et Ardrakar furent l’attraction du village de Pied-de-brume, peu habitué à une telle présence la rumeur de la venue d’une personnalité haut placée se propagea rapidement. Le Seigneur-Dragon local ne mettait jamais les pieds ici et cela eut tôt fait de parvenir aux oreilles de Kounok. Bien qu’il ne soit pas là pour ça il écouta les gens, assumant son rôle de Prophète. Ardrakar qui voyageait avec lui depuis deux jours sentait le lien entre eux se renforcer, mais dans l'autre sens, son côté dévoué à Néhant la harcelait en permanence. Mais le changement s’opérait, doucement elle redevenait un peu plus elle-même. Ses attributs de démon avaient disparus, elle ne portait plus les cornes de cristal noir, même ses yeux commençaient à changer.

Kounok la retrouva à la seule et unique auberge des environs. L’intérieur était chaleureux, agréable, les délicieuses odeurs de cuisine flottaient dans la grande salle de cette maison de bois.

- J’ai rencontré le chef du village et les nouvelles ne sont pas très bonnes. Il y a eu des éboulements et plusieurs routes ont été coupées. Il y a un guide qui doit venir ici dans quelques jours, lui seul peut nous conduire jusqu’à bonne destination.

Ardrakar l’écoutait d’une oreille distraite, perdue dans les yeux du jeune Prophète.

- Je suis désolée pour Kétanir...

Cette soudaine marque d’affection perturba Kounok.

- Merci... Il n’y a pas un jour sans que je pense à lui, dit-il en appelant le serveur intimidé par la présence de Prophète dans son établissement.

L’homme à l’embonpoint certain accourut avec son plateau sur lequel reposaient une bouteille et deux verres. Il les posa en tremblotant.

- C’est offert par la maison, seigneur.. euh Prophète.

- C’est une belle attention de votre part, je saurai m’en souvenir.

L’homme resta figé puis sursauta avant de saisir la bouteille et de servir ses illustres personnes qui l’honoraient de leurs présences. Kounok sortit quelques piécettes de cristal rouge et les donna à l’aubergiste.

- Apportez-nous de quoi manger et préparez... deux chambres je vous prie.

Le montant des chambres et de la nourriture était bien inférieur à la somme donnée, mais cela n’avait pas d’importance, Kounok désirait simplement mettre à l’aise sa compagne. Et la soirée se passa dans le calme, les discussions tournant principalement autour du passé et de ce qui vaut la peine d’être vécu. Les sentiments aussi se délièrent, rapprochant ces deux êtres. Ils finirent plus rapprochés que jamais, dans les bras l’un de l’autre au coin du feu. Cela ne se faisait pas dans les convenances de la société Draconienne, mais cela leur importait peu.

Le rapprochement entre eux devint plus fort chaque jour et une semaine passa sans même qu'ils s'en rendent compte. Et ce qui devait arriver, arriva. Les voici à présent irrémédiablement attirés l’un par l’autre, comme d’eux âmes sœurs s’étant enfin retrouvées.

Kounok était réveillé depuis un bon moment lorsqu’Ardrakar pelotonnée contre lui émergea. Pour cette dernière ce fut la première nuit depuis des lustres sans le moindre cauchemar, la sensation de fatigue et de tension était partie.

- Je... hum, dis moi, j’aimerais te demander quelque chose.

Ardrakar se releva, attendant la question.

- Mon cœur bat pour toi depuis la première fois où je t’ai rencontré, lorsque nous étions enfants. A présent que je t’ai retrouvé j’aimerais rester avec toi pour toujours.

Les joues de Kounok s’empourprèrent. Ardrakar cligna des yeux et lui offrit son plus beau sourire.

- Tu veux que l'on se marrie ?? Dit-elle en réalisant la demande du Prophète.

- Oui.

Elle réfléchit quelques instants avant de lui donner sa réponse.

- Je veux bien... Oui ! dit-elle ravie.

Fou de joie, Kounok serra Ardrakar dans ses bras à la limite de l’étouffement.


Leur guide était enfin arrivé. Après avoir obtenu des vivres et des fourrures pour se protéger du froid le groupe se mit en route vers les montagnes et la promesse d’un avenir meilleur. Le paysage enchanteur mêlant forêt de sapins et immenses gemmes bleues cachait en réalité un environnement dangereux. Le guide du nom de Vaerzar, leur expliqua de ne jamais quitter le sentier et de ne jamais s’éloigner les uns des autres tant qu’ils étaient dans la forêt, celle-ci étant le territoire des Cristocats.

- Il ne faut pas prendre leur présence à la légère. J’ai été pris en chasse une fois par un de ces foutus bestiaux, j’ai failli y rester, sa corne m’a embroché de part en part. Je serais mort si je n’avais pas sauté dans l’eau, ils détestent l’eau ! Depuis j’ai toujours Mia-ousse, mon fidèle Darkat, c'est un prédateur naturel des Cristocats.

Au grand étonnement la traversée de la forêt se fit sans encombre, pas le moindre Cristocat à l’horizon. Vaerzar trouva suspect cette absence. En temps normal son Darkat repérait toujours quelques Cristocats attirés par leur présence, mais là rien de rien. Comme promis le guide les conduisit aux limites des chemins. Depuis plusieurs kilomètres la neige les accompagnait, tombant lentement sur le sol gelé.

- Vous ne pourrez pas aller plus loin à cheval. Je vais redescendre votre monture jusqu’à Pied-de-brume où je vous attendrai. L’endroit où vit celui que vous cherchez est à quelques heures de marche vers le nord, si vous suivez l’étoile d’Almad vous devriez trouver sans souci. Je vous souhaite bonne chance ! Kounok remercia Vaerzar, le guide ne s’attarda pas, ayant hâte de retourner au village dans les meilleurs délais. Ensuite le couple entreprit l'ascension par un chemin escarpé.

Kounok et Ardrakar avaient affronté mille périls, combattu des créatures puissantes et terriblement dangereuses, mais cela n’était rien comparé au froid et aux dangers de la montagne. La moindre chute leur serait fatale, autour d’eux malgré le manteau neigeux de plus en plus épais les éclats de cristaux bleus les menaçaient d’un sort funeste. En grimpant le vent s’était joint à la partie et le froid vif et glacial mordait ces aventuriers du bout du monde. Kounok tirait Ardrakar, puis Ardrakar poussait Kounok, la progression s’était ralentie, ce fut une réelle épreuve de volonté pour le couple. Puis passant derrière un rocher, l’étoile d’Almad apparut. Bien visible au-dessus de leurs têtes une lumière bleue brillante perçait les nuages. En réalité ce n’était pas une véritable étoile, mais un immense cristal au sommet du pic d’Almad. Grâce à elle il était plus aisé de se déplacer dans la région. Pour les voyageurs de l’extrême cette vision leur donna une indication de temps - la moitié du parcours était accomplie.

Tout à coup Ardrakar s’arrêta. Elle tira Azur de sa ceinture et plissa les yeux pour éviter la neige.

- Quoi ? Interrogea Kounok. Pourquoi t’arrêtes-tu.

- Ils sont là ? Des démons, je sens leur présence, ils sont très nombreux... LA !!

Ardrakar frappa l’air comme si quelqu’un était là, le coup toucha quelque chose qui apparut aussitôt, un démon ! Les démons alors invisibles donnèrent l’assaut. Ils étaient une bonne dizaine, de toute taille et de toute forme. Au milieu d’eux Ardrakar remarqua un démon plus grand et plus impressionnant.

- Mâche l’âme !

Les caquètements des démons étaient assourdissants, dans un désordre incroyable ils attaquèrent leurs proies, les harcelant, tentant de les griffer et de les mordre. Mais Kounok était un fin tacticien, il se plaça dos à dos avec sa compagne, déployant la magie de Dragon. Ardrakar de son côté avait un avantage, encore liée à Néhant elle parvenait à limiter les pouvoirs de ses adversaires. La combinaison s’avérait redoutable mais clairement insuffisante. Plusieurs démons étaient à terre, pourfendus par Chimère ou Azur. Jusque-là Mâche l’âme se contentait de vomir des ordres à l’attention de ses semblables, en retrait il commença un étrange manège. Il se pencha sur un petit démon filiforme aux multiples cornes, agonisant sur la neige. Celui-ci le supplia de lui venir en aide, mais au lieu de ça Mâche l’âme le retourna sur le dos et plongea sa main dans le ventre du démon, d’un geste sec il retira l’éclat de Néhant, vital pour sa survie. Le petit démon disparut d’un coup et Mâche l’âme avala la pierre. Il sentit ses forces augmenter considérablement. Il procéda ainsi avec trois autres démons. Kounok frappait de taille et d’estoc appuyé par Ardrakar. Cette dernière entrevit les gestes de son ancien camarade et réalisa ce qu’il faisait.

- Kounok, il faut le tuer ! Vite ! Sinon nous ne pourrons pas le vaincre...

Que cela ne tienne, Kounok bouscula les deux démons face à lui et se fraya un chemin jusqu’à Mâche l’âme. Chimère fendit l’air en direction du cou adverse. Elle fut esquivée sans effort, Mâche l’âme répliqua alors, une épée apparut dans sa main, une lame de cristal noire assez translucide. Kounok para et les deux épées s’entrechoquèrent mêlant leurs magies. Ardrakar vit la lame et n’en crut pas ses yeux.

- Chimère noire !! Mais c’est Arkalon qui l’avait !

Mâche l’âme fit un bond de côté et extirpa une nouvelle pierre démoniaque en regardant ses ennemis.

- Elle est revenue toute seule à son unique maître, traîtresse ! Dit-il avant de gober la pierre.

A présent il ne restait qu’eux trois, mais malgré l’infériorité numérique, Ardrakar savait qu’il n’avait plus l’avantage sur le démon dont la puissance gonflée le rapprochait du niveau de Fournaise. Elle tira Kounok en arrière pour éviter d’être à portée de Chimère noire. Le démon bondit à une vitesse incroyable sur l’ancien chevalier de Néhant et d’un coup de poing magistral il l’envoya valdinguer plus loin. Azur se planta dans la neige à côté de Kounok. Débordant de colère ce dernier déclencha l’étendue de ses pouvoirs.

“Montre-lui qui nous sommes Kounok, détruis-le ! DÉTRUIS-LE !” lui ordonna Chimère.

- Je suis Prophète, descendant de Dragon, tu ne portes qu’une pâle copie de Chimère ! Contemple son pouvoir !

La lame flamboya d’une lumière bleue et une aura se forma autour de Kounok, ses yeux devinrent entièrement bleus, une partie de son visage prit l’aspect d’une peau de dragon, telle qu’il l’avait autrefois. Ils se jetèrent l’un sur l’autre avec rage. Les Chimères s’entrechoquaient, elles aussi désireuses de battre leur alter-égo.

Ardrakar reprit connaissance au milieu du combat, elle se leva lentement et se traîna jusqu’à Azur. Une fois la lame en main, très en colère, elle se laissa aller à son côté Néhantique. Elle se concentra, focalisant sur la puissance de Mâche l’âme. Le sol sous ses pieds se fendit en une myriade de petites crevasses. La même chose eut lieu sous le démon, l’immobilisant immédiatement. Kounok profita de la situation et frappa les mains du démon pour que Chimère noire ne soit plus un problème. Puis il le faucha au niveau des jambes le renversant. Sentant la situation lui échapper, Mâche l’âme tenta de ramper pour fuir, mais il ne pouvait échapper au sort Néhantique lancé par Ardrakar, il était coincé. Sans plus attendre Kounok le perfora de part en part avec Chimère. Le démon hurla de douleur.

- Tu... tu ne me tueras pas ainsi !!

Mâche l’âme tenta alors d’ouvrir un portail vers les méandres pour échapper à son agresseur. Ardrakar, trop faible pour maintenir le sort, ne souhaitant plus entendre les paroles de Néhant qui lui chuchotait de revenir auprès de lui, elle cessa là sa magie. Elle se traina jusqu’à Mâche l’âme qui agonisait, le portail allait bientôt s’ouvrir.

- Non ! Tu n’iras nulle part !

A son tour elle planta sa lame dans le dos du démon, au niveau du ventre puis après avoir retiré la lame elle plongea sa main dans le corps brûlant pour en extirper la pierre au symbole de Néhant. Le portail vers les Méandres ne s’ouvrit pas, car toute la magie du démon disparut d’un coup. Mâche l’âme disparut aussi sec...

- Qu’est ce que tu as fait ? Demanda Kounok haletant.

- Je l’ai tué, définitivement ! Tout ce qui fait qu’il est lui est là, dans cette pierre, dit-elle les traits tirés.

La bataille finissait sur une impression étrange. Il n’y avait pas le moindre corps de leurs agresseurs. Seules les nombreuses traces de pas témoignaient de l’évènement.

- Ne restons pas là, il peut y en avoir d’autres, le lieur n’est plus très loin.


Ils n’en pouvaient plus. Ardrakar rongée par le remord d’avoir utilisé la magie de Néhant et Kounok épuisé par un combat extrêmement physique avançaient péniblement. Mais ils touchaient au but. Il était déjà venu ici une fois, à l’époque il volait rendant la chose plus simple. Le lieur de pierre habitait une grande demeure accrochée à la montagne. Kounok s’était demandé par quel miracle, ou par quelle magie l’ensemble arrivait à tenir. Se soutenant, à moitié gelés, fatigués, ils touchaient enfin au but. Là sur le pas de la porte un homme emmitouflé dans une grande cape de fourrure leur fit signe de rentrer, ce qui ne fut pas de refus.

L’intérieur était une seule immense grande pièce voutée dont le toit était soutenu par de multiples pylônes. Une gigantesque cheminée diffusait une chaleur salvatrice. Kounok traîna Ardrakar jusqu’au feu et ils quittèrent tout ce qui était mouillé. L’homme enleva sa cape et s’approcha d’eux.

- Vous êtes ici chez vous, dit-il en se laissant tomber dans un large et confortable fauteuil. Alors que viennent faire un Envoyé de Noz’Dingard et un Guémélite de Néhant ici ?

- Maître Maen, je suis Kounok le Prophète et voici Ardrakar.

- Kounok ? Je me souviens de toi oui, je croyais que tu m’avais oublié.

- La preuve que non, répondit-il en frottant ses mains. Nous avons fait un long voyage jusqu’ici pour vous demander de l’aide.

- Ah ! Et quelle aide puis-je vous apporter ?

Ardrakar prit la parole pour expliquer son cas.

- Je ne veux plus être une Guémélite liée à Néhant. J’aimerais que l’on m’enlève cet éclat que j’ai en moi.

Maître Maen respira bruyamment, puis réfléchit quelques secondes avant de répondre.

- Je peux faire cela, mais il vous faudra me payer. Les lieurs de pierre n’agissent jamais gratuitement. Je pense que nous pouvons nous entendre.

Maître Maen leva la main vers le ciel et la pierre-cœur bleue d’Ardrakar ainsi que la pierre de Mâche l’âme sortirent de leur cachette et s’élevèrent en l’air, tournoyant sûr elles-mêmes.

- Je garderai l’éclat qui est en vous et vous me donnerez la pierre démoniaque. Est-ce que cela vous semble un bon prix ??

Ardrakar n’hésita pas une seconde.

- J’accepte.

- Bien, dit Maen en tapant dans ses mains. Par contre je dois vous prévenir, ça va être extrêmement douloureux !

- J’ai déjà vécu le pire.

Maître Maen procéda le lendemain, le temps pour Ardrakar de reprendre quelques forces avant l’intervention. Kounok ne put assister à la scène, le lieur de pierre gardant jalousement ses secrets. Mais les cris de la femme de sa vie ne le rassuraient pas le moins du monde. L’opération dura plus d’une heure, lorsque les hurlements stoppèrent. Maître Maen réapparut, l’homme avait les yeux fatigués, une multitude de petites pierres de différentes couleurs tournoyaient autour de lui. Lorsqu’il arriva au niveau de Kounok il tendit les pierres qui vinrent se poser dessus. Tout en rangeant celles-ci il donna la conclusion de son opération.

- C’est fait. C’était vraiment une saleté cette pierre, faite pour tuer à coup sûr son porteur. Mais bon l’art des lieurs de pierre est plus efficace que ne le pense Néhant. Bref, j’ai enlevé la pierre-cœur d’Ardrakar. Elle se remettra très vite elle est d’une constitution incroyable. Ceci-dit vous devez partir avec elle dès demain pour Noz’Dingard. Isolé ici je n’ai pas de quoi la stabiliser magiquement, le Compendium vous aidera. Je doute néanmoins qu’elle reprenne conscience d’ici là.

- Pas grave, je la porterai sur mon dos s’il le faut.

- Il va falloir, je le crains.

- Merci Maître.

- De rien, que pourrais-je refuser à Prophète et à la perspective de m’amuser un peu avec des pierres liées à Néhant ?

- Soyez prudent, vous savez qu’il est interdit de pratiquer la magie de Néhant ni d’en étudier les pouvoirs.

Cela sonna comme une remontrance aux oreilles du lieur de pierre.

- Si je n’en connaissais pas un minimum sur la magie de Néhant, jamais je n’aurais réussi à retirer cette pierre ! Alors disons que j’étudie là la façon de combattre Néhant. D’accord ?

Kounok n’avait pas vraiment de quoi s’opposer à cet argument, il venait de sauver celle qu’il aimait le plus sur cette terre.

- Allez, oublions ce petit accroc et buvons un coup à la santé des lieurs de pierre... et de Dragon !

Comme demandé par Maître Maen, Kounok reprit la route avec Ardrakar sur son dos, la tempête avait redoublé d’intensité. Mais cela n'entachait rien la volonté de Kounok, il ramènerait Ardrakar chez lui. Et effectivement grâce à l’intervention d’Anryéna, sa mère, le couple revint à bon port bien plus rapidement qu’il ne le pensait.

Chapitre 4 - L’envers du décor

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Les rayons du pâle soleil d’hiver traversaient le bouclier magique dressé par Dragon autour de la Draconie et venaient caresser doucement les hautes tours du palais de Noz’Dingard. La lumière légèrement bleue donnait un aspect encore plus incroyable à un ensemble déjà empli de magie. Kounok le Prophète, enfin de retour chez lui et après un petit moment de repos, suite à son aventure, avait convoqué une grande assemblée. L’ordre du jour était simple et révélateur des problèmes actuels : les Néhantistes et la créature de la pierre tombée du ciel. Le Maître-Mage Marzhin et Pilkim, tous deux revenus du front racontèrent les derniers évènements sans omettre le moindre détail - comment les armées se rejoignirent, comment la pierre explosa, libérant une créature d’une puissance inouïe et enfin le sacrifice du Mangepierre des Confins. Puis des personnes encore méconnues de l’assistance se présentèrent. Le conseiller Abyssien avait fait le voyage accompagné de Marlok. Ciramor héritier d’Eredan avait fait le voyage avec la délégation Noz depuis le Tombeau des ancêtres.

Anryéna, assise à la droite de Kounok, avait la lourde tâche de conseiller son fils dans une période stratégiquement importante. Cette cuisante défaite n’arrangeait pas les affaires de la Draconie car c’était désormais sur deux fronts qu’il fallait lutter, comme un étau se resserrant peu à peu. Marlok demanda la parole au nom du Conseil des guildes puis se levant il attrapa quelques parchemins posés sur la table devant lui.

- Les rapports des éclaireurs confirment que les Néhantistes sont en pleine activité. Ils essayent de délivrer Néhant. Des démons sont actuellement en train de parcourir les routes de la Draconie en cherche d’un objet.

La Pythie eut alors la vision d’un objet : une couronne de puissance.

- L’Onyrim... dit-elle dans un souffle.

La nouvelles fit l’effet d’un coup de poignard dans le cœur de chacun.

- Le Conseiller-Doyen Vérace nous a missionné, le conseiller Abyssien et moi-même, afin de coordonner les efforts concernant les Néhantistes et la lutte qui devra absolument être rapidement menée.

Kounok montait ses plans, il était clair que combattre sur deux fronts ne seraient qu’une perte de temps, d’énergie et d’hommes. Marlok convia Abyssien à parler.

- Messires, Dames, je suis honoré d’être présent à cette assemblée. Je suis venu jusqu’ici pour faire un présent. Vous le savez surement les Combattants de Zil ont détruit le Manoir de Zejabel, tué Dimizar ainsi qu’une autre créature de Néhant. Ils ont aussi fait une prise incroyable.

Abyssien fit signe à deux gardes à la livrée pourpre d’avancer. Ils portèrent devant tous une étrange boite de métal qui faisait presque la hauteur d’un homme. La surface était gravée de symboles verts très étranges. Puis d’un geste Abyssien la déverrouilla grâce à sa magie. Ce caisson enfermait une lame rougeoyante, maintenue fermement aux parois. L’épée large comme deux mains dégoulinait de magie Néhantique. Anryéna, comme quelques autres n’eut aucun mal à la reconnaître.

- Calice ! Cria Anryéna en se levant de son siège pour mieux aller admirer cette prise de guerre.

Kounok à côté duquel Chimère venait d'apparaître alla voir à son tour la lame de Néhant.

- Abyssien, au nom des Envoyés de Noz’Dingard nous remercions les Combattants de Zil pour ce cadeau très... étonnant. Sachez que désormais cette guilde est considérée comme notre alliée et que nous l’aiderons si le besoin s’en faisait sentir.

Le conseiller Zil fut très satisfait de cette déclaration, il n’en attendait pas moins.

- Refermons ça je vous prie, demanda le Maître-Mage Marzhin, elle perturbe la magie de Dragon.

Marlok ordonna la fermeture du caisson, puis tout le monde revint à sa place pour continuer les discussions.

- C’est bien beau tout ça, mais en quoi Calice va nous aider ? A moins que cela soit une nouvelle fourberie Zil pour nous faire tomber dans un traquenard, cracha Aerouant qui ne supportait pas la présence d’Abyssien et de Marlok.

Cette intervention jeta un froid sur l’assistance, Abyssien parut choqué alors qu’Anryéna sentait de la colère monter en elle. Naya la mère d’Aerouant allait même lui infliger une correction devant tout le monde. Mais c’est Ciramor qui mit fin à la gène.

- Me permettez-vous ? Demanda-t-il avec timidité. Je pense avoir un plan, mais, et sans vouloir offenser personne, j’aimerais que cela reste une discussion avec Prophète et les Mages de la Draconie ici présents.

- De toute façon il faut impérativement que je lève l’armée indiqua Zahal. Il faut aussi que je discute avec Ardrakar et les autres Chevaliers Dragon. Aussi si vous m’autorisez...

Kounok fit oui de la tête. Zahal fut suivi des Sorcelames et des conseillers Abyssiens et Marlok.


Dans le couloir, Marlok attendit qu’Aerouant soit sorti. Il l’attrapa par le col et le plaça contre le mur devant le regard approbateur de Naya.

- Ecoute-moi Aerouant. Depuis la mort de ton père tu te morfonds dans une haine sans fin pour les Combattants de Zil, tu es incapable de reprendre le dessus.

Puis d’un geste rapide Marlok le gifla de sa main gauche.

- Réveille-toi descendant de Dragon, tu te déshonores et tu déshonores ta famille en agissant comme tu vient de le faire.

Les muscles des joues d’Aerouant se crispèrent, la gifle l’avait surpris et il prit conscience qu’effectivement cela allait trop loin. Marlok le lâcha et s’en alla, le laissant face à sa mère.

- J’aimais ton père, je l’ai pleuré pendant longtemps. Fais ton deuil mon fils.


A l’intérieur de la grande salle de réunion, la discussion avec Ciramor continuait.

- Nous vous écoutons Ciramor, dit Kounok plus à l’aise avec moins de monde autour de lui.

- Autrefois Eredan a enfermé Néhant dans un cristal très particulier, retenu par quatre chaînes, elles-mêmes enchantées de différentes façons. Eredan a fait en sorte que Néhant s’il parvenait à s’entourer de nouveau de sbires ne serait pas capable de se libérer. D’après les rapports du Conseil que j’ai là sous les yeux, deux des chaînes seraient déjà détruites. Si Néhant souhaite à présent l’Onyrim ce n’est pas par hasard. C’est qu’il ne peut se défaire des dernières chaînes sans la couronne antique. Mais Eredan avait prévu cette éventualité, la couronne fut démantelée en plusieurs morceaux.

- Et nous avons détruit un morceau il y a presque vingt ans lors du grand tournoi d’Yses, ajouta Anryéna. Cela veut dire que Néhant ne pourra pas détruire une des chaînes ?

- C’est plus délicat que ça. Disons que cela prendra plus de temps, beaucoup plus. Mais avant de continuer je crois qu’il est important de prendre en compte d’autres rapports, dit Ciramor étalant plusieurs parchemins fournis par le Conseil. Je vois ici que ce Dimizar a fait une démonstration assez surprenante des pouvoirs de Néhant. Il aura ainsi réussi à corrompre un morceau de cristal de la pierre tombée du ciel. Je cite Dimizar devant le Conseil des guildes : “La magie de Néhant permet de couper les Solarians de ce qui leur donne leur pouvoir et ainsi réussir là où tout le reste échoue”...

- Je vois où vous voulez en venir Ciramor ! Et c’est hors de question coupa sèchement Anryéna.

- Vous voulez pousser Néhant à combattre ce Solarian ? Demanda Marzhin. Mais comment puisqu’il ne peut lui pas sortir de sa prison dans l’immédiat ?

- Nous allons briser une des chaînes et à partir de là il sera capable de s’accaparer un corps. Dit Ciramor en posant sa main sur son cœur.

- Vous êtes vraiment fou ! Combattre le mal par le mal c’est bien beau, admettons que Néhant arrive à bout du Solarian, comment ferons nous ensuite ? Pourrez-vous créer de nouvelles chaînes et remettre cette ignominie dans sa prison ? Critiqua Kounok.

- Nous allons faire plier sa volonté. Dit Ciramor avec applomb.

- Vous rêvez ! D’autres ont eu l’audace de penser pouvoir lui résister, tous sont dans le meilleur des cas morts et au pire devenus des esclaves dénués de volonté.

- Je... je pense que nous pouvons... osa interrompre Pilkim au grand étonnement de son père. Je crois que je comprends ce que veut faire Ciramor et que c’est réalisable.

- Ah oui ?? Et comment je te prie ? Railla Anryéna.

- Vous voulez que Néhant vous choisisse comme hôte n’est-ce pas Ciramor ?

- Oui, le plan est en définitive simple, mais demande énormément de préparation. Dans l’ordre : trouver les démons qui cherchent l’Onyrim et les convaincre de me mener jusqu’à Néhant. Puis une fois sur place passer un pacte magique avec Néhant, on le libère s'il me prend comme hôte. Une fois cela fait et que nous ne faisons plus qu’un, régler le problème “Solarian”.

Anryéna se passa les mains sur le visage, réfléchissant à cette perspective fort peu agréable de collaboration avec des Néhantistes.

- Et comment comptez-vous briser la troisième chaîne ?

- Calice !

- Calice.

Répondirent Ciramor et Pilkim de concert.

- Mais elle ne vous obéira jamais.

- Elle est faite de magie et la magie est notre domaine, jugea Pilkim. J’ai une idée en tête, commençons par Calice, si cela fonctionne je serais capable de donner à Ciramor suffisamment de protections et d’enchantements pour soumettre Néhant.

- Je te trouve bien prétentieux petit mage, mais soit si tu arrives à soumettre Calice, ce dont je doute, je suis prêt à te nommer Maître-Mage ! Ironisa Kounok.

Il n’en fallait pas plus pour motiver Pilkim.

- Vous êtes certain de votre coup Ciramor ? Si vous échouez cela signifierait que vos connaissances en rapport avec Eredan et Calice lui appartiendront, sans parler du fait qu’à partir de ce moment là il sera en mesure de se libérer.

- Comme Pilkim l’a dit, voyons les résultats avec Calice, si c’est concluant cela validera notre plan.

- Très bien, allez-y. En attendant nous allons ordonner aux Seigneurs-Dragon de lever leurs troupes.


Le lendemain dans la demeure familiale de Marzhin et de Pilkim. Ce dernier avait passé la nuit à se préparer avec son père. Le Maître-Mage fut sidéré devant tant d’ingéniosité, son fils avait un don incroyable, la magie était à la fois instinctive et à l’écoute du jeune homme. D’ailleurs depuis le début du conflit Marzhin trouvait que son fils avait grandi. Pilkim finit par s’endormir au milieu de ses livres ouverts et annotés, mais il avait fini par créer de nouveaux sorts très puissants.

Le moment était venu de tester ces nouvelles trouvailles. Ciramor, Marzhin et Pilkim se rendirent dans une pièce circulaire de leur grande maison. Là, ils ne risqueraient pas de casser un quelconque meuble car l’endroit était prévu pour les tests des magiciens. Marzhin resta à l’écart en simple observateur, prêt à agir en cas de problème.

- Comment procédons nous ? Demanda Ciramor.

- Je vous explique le cheminement. J’ai étudié les liens de la magie de l’ombre. Attention cela ressemble beaucoup au Néhantisme mais cela n’en est pas. Si le Néhantisme plie à sa volonté, la solution que je vais employer, elle, modifie profondément la nature même de la magie. Pour cela il m’a fallu aller aux origines de la magie, à savoir Guem.

A ce moment là Pilkim sortit d’une bourse de velours la pierre-cœur du Mangepierre des Confins puis la posa par terre devant lui.

- La magie la plus pure, celle qui domine les autres est la source même de presque toutes les formes de vie sur terre.

La pierre-cœur se mit à léviter lentement non loin de la tête de Pilkim. Puis d’une poche il lança d’autres cristaux qui restèrent en l’air.

- Le tout est d’arriver à puiser dans cette magie la plus pure sans perdre la maîtrise. Ces cristaux bleus sont des morceaux de la gemme de Dragon. Lui-même étant un guémélite de Guem, tout comme le fut Eredan ou le Mangepierre. Si ma partie du rituel est dangereuse, la votre n’en sera pas moins risquée. Il va vous falloir tenir Calice le temps que je coupe le lien vers Néhant et que je le modifie légèrement pour la lier à vous. Si cela fonctionne dans un deuxième temps je vous apprendrai à faire des pactes magiques puis à modifier la magie de Néhant. Sur ce, commençons !

La boite de métal enfermant Calice était posée dans un coin à côté de Marzhin. Ciramor la détacha et l’empoigna fermement.

“Enfin un nouveau porteur digne de ce nom !” Se félicita la lame, parlant mentalement au jeune gardien. Il sentit la volonté de la lame l’agresser avec violence, mais il devait résister à cette magie à tout prix. Alors qu’un bras-de-fer entre Calice et Ciramor avait commencé, Pilkim lui déploya le sortilège conçu durant la nuit. Son père avait le regard à la fois empli de fierté et d'appréhension.

Les cristaux de la pierre de Dragon s’illuminèrent et s’harmonisèrent les unes envers les autres. De fins filaments de magie Draconique les reliaient entre elles. Puis de la pierre-cœur du Mangepierre, partirent d’autres filaments, frappant chacune des pierres de Dragon. Pilkim se concentrait sur son objectif, il sentait la magie de Guem affluer dans les cristaux.

Ciramor tenait la lame comme si elle était une extension de lui, il ne pouvait la lâcher, mais en même temps la lame lui brûlait les mains aussi sûrement qu’un morceau de braise. “Je ne te laisserai pas le contrôle !” Hurlait intérieurement le jeune homme. Mais inexorablement Calice prenait le pas sur Ciramor, comment pouvait-il en être autrement son existence était basée sur cet aspect corrupteur.

- Vite ! Vite ! Hurla Ciramor, elle me dévore !

Pilkim absorba toute la magie des cristaux, le temps sembla ralentir autour de lui. Sa main s’enflamma de volutes bleutées et il se saisit alors de la lame de Néhant. Il perçut alors la moindre parcelle de magie, la moindre parcelle de métal la composant. Comme si l’épée avait éclaté et qu’il pouvait regarder à l’intérieur de façon très précise. Il la sentit enrager à son contact, mais la volonté maléfique ne le toucha pas, sa propre volonté était insaisissable. Enfin il parvint au cœur de l’objet, là il trouva le lien entre Calice et Ciramor, le jeune gardien était en difficulté. Pilkim inversa alors le processus afin que cela soit la personne tenant la lame qui prendrait le dessus.

D’un coup Pilkim lâcha Calice et en un rien de temps Ciramor fut capable de la maîtriser.

- Incroyable ! Sourcilla Marzhin.

Puis le rituel cessa. Les pierres de Dragon tombèrent au sol et Pilkim eut à peine le temps de récupérer la pierre-cœur du Mangepierre qui suivait le même trajet.

- Parfois je me demande si tu n’es pas du même niveau qu’Eredan, fiston.

- Je ne suis pas Eredan, je ne suis que le Maître-Mage Pilkim.


Bientôt : La Fin d’une époque.

Arbre-Monde

Chapitre 1 - Péril en notre demeure.

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Eikytan et le Sachem n’avaient pas participé à la bataille qui vit l’arrivée de Sol’ra. Alors que le sorcier Elfine rassemblait les troupes en retard, le Daïs lui s’aventurait là où peu d’Eltarites osaient s’aventurer. Là, la végétation était plus sombre et plus torturée. Les Elfines et les Hom’chaïs n’aimaient pas cet endroit trop morne et inhospitalier pour eux. Pourtant derrière cette apparente laideur se cachait le merveilleux et l'étonnant. Eikytan vécut ici autrefois. Lui connaissait la valeur des êtres qui habitaient là au fil des saisons. Ceux-ci refusaient pour le moment de se montrer, longtemps ignorés par le reste des habitants de la forêt. Le Daïs stoppa sa marche au milieu d’une clairière peu accueillante.

- Je suis Eikytan, gardien de l’hiver, fruit de l’Arbre-Monde. Je viens ici demander votre aide.

Un chuchotement se fit entendre.

- Pourquoi ? Pourquoi ?

- Pourquoi nous aider ? Je me suis éveillé alors que je ne le devais pas, la terre se meure et déjà la forêt recule. Si nous ne faisons rien nos villages disparaîtront.

- Ils ne viennent pas ! Jamais ils ne nous honorent !

- Doit-on leur donner tort ? Vous avez disparu et êtes devenus légendes. Si vous ne faites rien la forêt disparaîtra et cela implique que vous aussi vous disparaîtrez.

De petits craquements se firent entendre suivis de bruissements de feuilles et de bruits de pas. Un à un les esprits de l’hiver se révélèrent. Leur forme était celle d’humains, mais leur peau et leur aspect les faisaient ressembler à de vieux arbres rabougris. Leurs pas étaient saccadés, leurs visages impressionnants de laideur rappelaient les vieilles légendes des cruelles créatures de l’hiver.

- Merci d’accepter de nous aider.

- Nous n’avons pas le choix, tu es le gardien de l’hiver. Qu’est-ce que tu veux que l’on fasse pour toi ?

- Plusieurs choses. Vous joindre aux forces Eltarites et me dire ce qu’il est advenu de Quercus.

L’un d’eux s’avança vers Eikytan.

- Je peux te mener à lui, je sais où est sa dépouille.

- Quand à nous autres, nous rejoindrons le village le plus proche...

Alors que les esprits de l’hiver quittaient pour la première fois depuis bien longtemps le territoire qui était le leur, Eikytan suivit son guide à travers la forêt. Quelques heures passèrent et le chemin qu’ils suivirent les mena loin vers le nord. En temps normal les Eltarites ne montaient pas aussi loin, il n’y avait plus de village dans cette région et seuls les Eltarites perdus ou les plus solitaires s’aventuraient ici. Désormais la forêt bordait la chaîne de montagnes nommée monts Perce-ciel, la végétation se composait de gigantesques chênes ainsi que de châtaigniers. Eikytan sentait que ces arbres étaient bien plus vieux que le reste de la forêt.

- Je ne peux aller plus loin. Tu trouveras Quercus en continuant ta route.

- Reçois toute ma gratitude, esprit de l’hiver, rejoins vite les tiens nous nous retrouverons plus tard.

Le gardien de l’hiver, émerveillé par la splendeur des lieux se sentait bien. Ici la pierre tombée du ciel n’avait aucune influence, ici les couleurs étaient nombreuses, chatoyantes. Les chênes recouverts de lichen contrastaient avec le roux des feuilles de châtaignier qui chutaient avec douceur sur le sol humide. Un doux parfum de bois flottait, c’était très agréable. Il progressa lentement, cherchant un édifice construit en l’honneur de Quercus. Tout ce qu’il réussit à trouver c’est une flèche qui vint se planter entre ses pieds.

- Halte là ! Cria une voix féminine. N’approche pas plus !

Le Daïs repéra la forme dans un grand chêne, une Elfine s’y tenait bandant un arc aux reflets blanc.

- Qu’est-ce que tu veux Daïs ?? Demanda une autre voix, masculine cette fois-ci.

Un Hom’chaï de petite taille mais à la forte carrure fit son apparition au détour d’un arbre et bloqua le passage à une distance respectable de cet inconnu.

- Mon nom est Eikytan, je suis le gardien de l’hiver. On m’a dit que Quercus se trouvait ici, je viens honorer sa mémoire.

L’Elfine sauta de son perchoir et se réceptionna avec grâce le tout en gardant son arc prêt à tirer.

- Je ne suis pas un ennemi, je suis un Daïs.

L’Hom’chaï et l’Elfine se regardèrent l’un l’autre, puis poussée par la curiosité l’archère fit le tour d’Eikytan en le touchant du bout des doigts.

- Aucun Daïs n’est venu ici depuis plusieurs générations, dit l’Hom’chaï sur un ton accusateur.

- C’est un tort, le Kei’zan ne devrait pas ignorer cette partie de la forêt, elle est aussi sur le territoire Eltarite. Pouvez-vous répondre à ma question : où est Quercus ?

Les deux gardes se consultèrent à part.

- On le laisse passer ou on le renvoie d’où il vient ? Demanda l’Elfine un poil sur l’offensive.

- Non, pour une fois que nous avons un Daïs qui nous rend visite, il faut le laisser aller où il veut.

- Mouai... mais on le garde à l’œil, puis s’il fait le moindre geste je lui fiche une flèche entre les deux yeux.

Puis revenant vers le Daïs, qui de toute façon avait tout entendu,

- Quels sont vos noms ? Demanda Eikytan.

- Moarg, et elle c’est Châtaigne.

- Châtaigne... Je crois comprendre pourquoi on vous appelle comme ça dit-il avec ironie.

L’Elfine laissa passer la pique sur la relation entre son caractère et son nom, se contentant de prendre de l’avance sur le chemin. Moarg, Châtaigne et Eikytan longèrent plusieurs sentiers qui serpentaient entre les arbres jusqu’à un village construit au centre d’un immense cercle de rocher. Au milieu de ce cercle se trouvait un chêne encore plus grand et imposant que tous les autres. Eikytan fut frappé par la ressemblance entre celui-ci et l’Arbre-Monde. Il comprit de suite que son origine ne provenait pas d’un gland.

Les villageois présents regardèrent Eikytan avec une curiosité mêlée de crainte, si bien qu’il devint une attraction. Châtaigne et Moarg se félicitèrent et se vantèrent auprès des autres de leur “trouvaille”. Mais ce dernier les laissa dire ce que bon voulait car il était là dans un but précis. Aussi s’avança-t-il jusqu’à l’arbre sans faire attention aux Hom’chaïs et Elfines qui le regardaient en chuchotant. Après en avoir fait le tour, il s’assit au pied du tronc de l’arbre, ferma les yeux et laissa vagabonder son esprit. La magie était omniprésente ici, que cela soit autour ou dans cet étrange arbre, une magie familière qui ressemblait à la sienne. “Quercus, tu es là” pensa-t-il. Pour réponse à son hypothèse les racines de l’arbre qui sortaient de terre se mirent à bouger lentement. “Je suis là frère Daïs” lui dit une voix caverneuse. Les racines entourèrent Eikytan avec délicatesse, puis le tirèrent dans la terre. Le Daïs se laissa faire, ne ressentant aucune agression. La terre s’éventra et le laissa passer comme si un passage avait été fait et menait sous l’arbre. Les racines le laissèrent dans une cavité où brillaient plusieurs éclats d’Ambre. Eikytan sentait plus que jamais la présence de Quercus, mais il n’y avait là que des racines tombantes et traversantes.

- Quercus !

Les racines qui tombaient telles des lianes s'entrelacèrent pour devenir un corps ressemblant à celui d’un Daïs. La chose se posa au sol face à Eikytan.

- Gardien de l’hiver...

La diction n’était pas parfaite, la voix caverneuse était hésitante.

- Quercus... n’est plus... je... ne suis plus.

- Comment est-ce possible, pourtant tu es là face à moi, tu me parles. Le Kei’zan m’a dit que tu étais mort.

- Je suis... au-delà... de la mort... Kei’zan... me croit...mort...Non ! Pas mort ! Changé !

- Comment as-tu fait pour devenir Arbre ? Aucun Daïs n’a jamais attend cet état là ! Ça voudrait dire que nous pouvons nous aussi devenir arbre ?

- Non... j’ai reçu ce don...car je suis né... du premier fruit...

Eikytan fut déçu de cette révélation, mais soulagé de savoir qu’au final Quercus n’était pas réellement mort.

- Es-tu devenu un Arbre-Monde ?

- Non... je n’ai pas... le pouvoir de mère... je ne peux... donner la vie...

- Je révélerai cette bonne nouvelle aux autres Eltarites !

- Non... cet endroit... ne doit pas être connu.

A ce moment-là la terre trembla, manquant de faire écrouler la petite caverne sur le Daïs. Eikytan sut que c’était là l’énergie qui l’avait éveillé, celle qui ronge la terre.

- C’est le...début...Eikytan... prends ceci...mène la grande chasse...

D’autres racines poussèrent d’une des parois comme de longs doigts, enserrant un objet de bois. Le gardien de l’hiver saisit l’objet qui était le masque de que portait Quercus à l’époque où il foulait les terres de Guem.


Le Kei'zan se réveilla à son tour, après le sacrifice du Mangepierre, il sut que désormais tout allait être différent. Au loin la colonne de fumée, immense et blanche, ajoutée à l'appel de détresse des siens laissait présager du pire. Et il était loin de la vérité...

Tout son être vibrait, emporté par un chagrin qu’il ne comprenait pas. Assez rapidement les autres membres de la Cœur de sève se regroupèrent autour de leur chef, ce dernier ordonnant une mise en marche rapide vers chez eux. L’inquiétude gagna les esprits à chaque pas fait vers la forêt, la fumée s’en échappait avec abondance. Les flammes gigantesques dansaient dans un rythme chaotique, ravageant les arbres les uns après les autres.

Le Sachem avait ressenti l’énergie de Sol’ra se répandre comme une maladie, il s’affola lorsque l’odeur caractéristique du bois en train de brûler arriva jusqu’à son village. Les Elfines et Hom’chaïs de sa tribu abandonnèrent immédiatement leurs activités, inquiets de cette forte odeur, ils attendirent les ordres de leur chef. Ce dernier hésita jusqu’à ce qu’une horde d’animaux fuyant passa tel un raz de marée.

- Il faut aller voir ! Que les guerriers viennent avec moi, les autres rassemblez tout ce que vous pouvez au cas où !

Au fur et à mesure de leur progression dans la forêt l’odeur devenait de plus en plus forte, puis la fumée au départ légère fit son apparition entre les arbres. La troupe courrait vers la lisière de la forêt où les flammes dévoraient herbes et arbres. La chaleur était insoutenable. La propagation de l’incendie était impressionnante, les flammes avaient réellement l’air vivantes, sautant d’une branche à l’autre. L’énergie dégagée par l’incendie n’avait rien de normal. Non loin de là un autre village était menacé, aussi, envoya-t-il ses guerriers aider au maximum pendant que lui tentait d’arrêter les flammes grâce à sa magie. Il se mit alors à danser en criant des invocations à la faveur du ciel. Son cirque durant une bonne dizaine de minute avant que les premières gouttes ne tombent sur la région. Le Kei’zan et les rescapées de la Coeur de sève arrivèrent au moment où la pluie était forte. Hélas l’eau ne sembla pas avoir le moindre effet sur les flammes.

Chapitre 2 - Aide impromptue

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La tempête soufflait avec violence. Elle aurait tué n’importe quelle créature assez folle pour s’aventurer si loin dans un environnement aussi hostile. Mais les Elfes de Glace avaient l’habitude de ces phénomènes, ils n’y faisaient plus attention, et surtout ils ne craignaient pas le froid. Yilith la prophétesse avait parcouru le monde à la recherche d’une solution à apporter à son peuple à l’agonie. Sans succès hélas. Pire la situation s’était dégradée et ce qu’elle allait découvrir finirait d’achever un périple sur une note de fin du monde, son monde. Elle n’avait jamais vu une tempête aussi forte, elle y vit là la colère des dieux, mais ceux-ci s’étaient tus, plus aucune voix ne venait lui chuchoter de divines vérités. Était-ce le Crépuscule tant redouté ? En un an seulement la Faille était devenue lac d’eau glacée d’un bleu très clair, presque turquoise. Yilith eut du mal à se frayer un chemin jusqu’à la caverne où elle espérait retrouver Nibelle. Les marques de griffes dans la glace ne laissaient rien présager de bon. L’eau avait envahi les couloirs là où autrefois passaient les plus grands prophètes. Son cœur se serra très fort lorsqu’elle découvrit le corps de celle qu’elle considérait comme une mère. Nibelle gisait là sans vie, en partie prise dans les glaces. Des larmes gelées coulèrent sur ses joues bleues au fur et à mesure qu’elle libéra la vieille elfe de ses entraves.

- Pourquoi ? Pourquoi ? Laissa-t-elle échapper alors que ses larmes se diluaient dans l’eau. Pourquoi dieux l’avez-vous laissée mourir ??

La douleur de la perte d’un être aussi cher fit vaciller la foi d'Yilith aussi sûrement que de l’eau sur le feu. Une fois passés les premiers instants de tristes douleurs elle examina les environs pour comprendre ce qu’il était advenu ici. La porte que gardait Nibelle était grande ouverte et les marques de brûlures sur le corps de l’elfe nommaient clairement l’assassin, un démon.

- Restez silencieux, dieux. Peut-être avons nous failli puisque le prisonnier s’est libéré de ses gardiens, dit-elle en portant Nibelle dans ses bras. Comment voulez-vous que votre peuple croie encore en vous ??

Sans s’attendre à une réponse elle quitta ces lieux qu’elle considérait désormais comme maudits. Le village le plus proche de la Faille se trouvait sur la côte à une demi-journée de marche de là. Elle décida de s’y rendre pour pratiquer les rites funéraires adéquats.

Un malheur en appelant un autre Yilith ne fut pas au bout de ses surprises. En lieu et place du fameux village côtier il y avait désormais une multitude d’icebergs dérivants lentement au gré des vagues. Les habitants avaient sauvé le maximum de choses et à présent ils vivaient dans des abris de fortune. La prophétesse se retrouva bien vite encerclée par des femmes en pleurs, la priant d’intervenir auprès des dieux pour que la fonte du glacier cesse immédiatement. Yilith posa Nibelle au centre du village et prit son courage à deux mains, pour leur annoncer de biens tristes nouvelles.

- J’ai parcouru le monde et j’y ai vu la peur, la violence et le rejet des autres. Je suis revenue ici et j’y ai trouvé la mort et la fin de notre peuple. Les dieux ne me parlent plus, ils ont détourné le regard de cette partie du monde. Nibelle n’est plus et celui que nous retenions parcourt à nouveau ce monde, libre.

Un elfe s’avança jusqu’à elle, à sa tenue il s’agissait certainement d’un chef de tribu.

- Ce que tu nous annonces là est terrible, prophétesse. Cela confirme ce que je pensais. Moi Ursyd, j’ai convoqué en ton absence les chefs de tribu et des décisions ont été prises.

Yilith n’écoutait qu’à moitié, occupée à récupérer par-ci par-là les objets nécessaires au rite qu’elle voulait pratiquer.

- Nous en discuterons après si tu veux bien Ursyd, nous devons dire au revoir à Nibelle. Dit-elle les larmes aux yeux.

Compréhensif le chef ordonna qu’on aide Yilith et qu’on respecte les traditions. Une heure plus tard tout était prêt. Nibelle fut installée sur un bûcher construit à partir de bois blanc des anciennes maisons du village. Tous les habitants, soit une quarantaine d’individus formaient plusieurs cercles autour de Nibelle et d’Yilith. Cette dernière entonna un chant sacré repris par tous, afin que les dieux puissent accueillir leur servante auprès d’eux pour l’éternité. Le chant emplit les cœurs déjà lourds de tristesse de la peine de la perte de l’un des leurs. Puis lorsqu’il fut fini le feu fut mis au bûcher afin de libérer l’âme de la défunte. Yilith resta plantée là jusqu’à ce que les cendres s’éteignent. Fixant le foyer à peine rougeoyant, elle s’adressa à Ursyd.

- Je t’écoute.

- La plupart des villages a disparu, dont le notre, emportée par la fonte des glaces. Les chefs des tribus ont décidé de mener les leurs vers le nord, par-delà la forêt blanche de Norr, là où les glaces ne fondent jamais.

- C’est une bonne décision, mais c’est dangereux. Tous ceux qui ont tenté de passer de l’autre côté ne sont jamais revenus.

- Oui c’est une bonne décision, mais mon avis est autre ! Ragea-t-il.

Yilith tourna la tête vers le chef qui était entouré de plusieurs autres elfes, un guerrier portant une hache de glace et une jeune femme au regard rempli de colère.

- Explique-toi.

- Ma tribu va rejoindre celle d’Asmardine, elle la conduira vers Norr sans nous.

- Et toi ?

- Je pars avec eux, dit-il en montrant ses comparses. Nous allons voyager vers le sud et trouver les responsables de ce désastre. Car nous suivons les préceptes d’Agmundar : si tu es frappé, frappe à ton tour avec toute ta force.

- Mais tu ne sais même pas contre qui te battre.

- Nous trouverons bien. Notre destin est de partir du glacier, de vivre ailleurs.

Elle qui avait perdu l'espoir se trouvait face à de valeureux elfes prêts à quitter les leurs pour affronter un ennemi dont ils ignoraient tout. Était-ce une mise à l’épreuve imposée par les dieux ?

- Et toi prophétesse que vas-tu faire ?

La question était bonne qu’allait-elle pouvoir faire maintenant ? La réponse était pourtant simple.

- Je vais vous accompagner... Je vais chercher le meurtrier de Nibelle et remettre celui dont nous sommes les gardiens à sa place.

Ainsi partirent ces exilés. Ayir, Kokrëm, Ursyd et Yilith quittèrent le glacier d’Améthyste pour ne jamais y revenir. Ce qui leur arriva par la suite restera gravé à jamais dans l’histoire des terres de Guem. Dame Yilith avait décidé de les mener à l’endroit où elle croisa plusieurs peuples différents, là où cette pierre était tombée du ciel. Après plusieurs jours de voyage à travers les landes, le groupe longea les monts Perce-ciel par leurs flancs est, le long de la frontière de l’Empire de Xzia sur des centaines de kilomètres. Au beau milieu de leur voyage Yilith arrêta le groupe juste un peu avant que la terre ne tremble légèrement, suivi d’une onde jaune qui faillit les renverser.

- Qu’est-ce que c’était !? Demanda Ursyd inquiet.

- Je n’avais pas ressenti ça depuis la visite des dieux frères Athorg et Berylnir. Et là cette présence est d’autant plus puissante, répondit Yilith.

- Un dieu ? Plusieurs dieux ? Ça veut dire qu’ils n’ont pas disparu finalement ? Demanda Ayir.

- Je pense que ce ne sont pas nos dieux. Lors de mon voyage j’ai vu d’autres religions, d’autres cultes. Allons voir !

Le groupe progressa plus rapidement si bien qu’il parvint au bout des montagnes. De leur hauteur ils dominaient toute la région. Face à eux et sur leur droite s’étendait la forêt Eltarite à perte de vue, majestueuse et imposante. Néanmoins en flammes ! Les Elfes de Glace ne pouvaient que constater cet incendie d’envergure qui ravageait cette forêt, libérant une fumée noire obscurcissant le ciel. Sur leur gauche le tombeau des ancêtres n’était plus qu’un vaste cratère en partie rempli d’une brume jaunâtre. Yilith était convaincue qu’une divinité s’y trouvait, elle en ressentait le pouvoir, mais aussi la volonté, une terrible envie de destruction.

- Que fait-on ?, demanda Ursyd.

- Allons voir la forêt qui brûle.

Le lendemain ils avaient rejoint les lieux et tombèrent au beau milieu d’une bataille opposant le peuple de la forêt et les gens venus du désert. Ils ne comprenaient pas vraiment la situation mais Yilith prit la décision d’aider un Hom’chaï blessé qui était adossé à un arbre. Elle s’avança doucement vers lui pendant que Kokrëm, Ursyd et Ayir la protégeaient en formant un demi-cercle autour de la prêtresse. L’Hom’chaï hésita, ces personnes ressemblaient à des Elfines, mais avec la peau bleue. De toute façon il était incapable d’aller plus loin. L’elfe entama alors la discussion.

- Je suis Yilith, mes amis et moi venons de très loin vers le nord. Je ne vous veux aucun mal, je suis là pour vous aider.

A bout de force, les genoux de l’Hom’chaï ne purent le supporter plus longtemps, aussi s’assit-il, laissant venir à lui cette étrangère.

- Pouvez-vous me dire votre nom ? Et ce qu’il se passe ici ?

- Je... je suis Marque-Rouge, guerrier de la Cœur de Sève... Ce qu’il se passe ici est une longue histoire, mais pour faire court nous sommes envahis par les hommes du désert. Ils ont fait venir leur dieu sur notre monde, ravageant tout autour de lui. Nous tentons de résister et d’arrêter ce feu, mais impossible d’y arriver... Pendant que Marque-Rouge racontait son histoire, Yilith fit appel à Berylnir, dieu bienfaiteur. Elle fut agréablement surprise de voir qu’on lui accordait le don de guérison. Les blessures de l’Hom’chaï se refermèrent.

- Incroyable ! Dit le guerrier en tâtant là où il était blessé. J’ai plus rien ! Merci étrangère, je ne sais pas qui vous êtes exactement, mais merci !

Sur ce il se releva, attrapa sa lance et marcha d’un pas décidé vers la proche mêlée. Ursyd serrait puis desserrait ses poings avec frénésie, Kokrëm, lui, s’échauffait en faisant des moulinets de son bras droit.

- Je suis d’accord, dit Yilith comprenant que ses compagnons voulaient combattre. Aidez ces gens à lutter contre l’envahisseur. Sauf toi Ayir, j’ai besoin de toi.

La jeune Elfe de Glace parut déçue lorsque les deux hommes se jetèrent dans la bataille avec rage.

- Ces flammes ne sont pas l’œuvre de la nature... C’est là l’œuvre d’un dieu, sûrement celui qu’on a vu au loin.

- Tu crois que nous pouvons faire quelque chose ? Demanda Ayir, perplexe.

- Nous sommes les enfants des dieux, je pense que oui, mais il va falloir que tu pries avec moi afin que nous soyons entendues !

- D’accord !


Alors qu’Ayir et Yilith s’éloignaient du combat. Ursyd et Kokrëm avaient rejoint les rangs de la Cœur de Sève à la grande joie des Eltarites qui virent de farouches guerriers tenir tête à des nomades inspirés par Sol’ra. Les Hom’chaï étaient particulièrement connus pour leur agressivité en combat, pourtant ceux-ci furent impressionnés par la rage de ces Elfes de Glace. Les nomades s’organisèrent afin de contrer les nouveaux arrivants. Le Sphinx bien décidé d’en finir vite avec le “souci” Cœur de Sève tenta la charge sur le groupe où se trouvaient Ursyd et Kokrëm. Le chef de tribu vit la chose arriver et laissa exploser sa Rage ! En un clin d’œil son apparence changea, sa tête devint celle d’un ours au pelage blanc et ses mains grossirent, se terminant par des griffes de glace. Hurlant, il chargea à son tour, n’ayant plus conscience du danger, ne pensant qu’à une chose : détruire son ennemi. Le choc fut terrible. Ursyd plongea pour éviter la lance du Sphinx et le frappa au niveau du torse. Le nomade ne put éviter l’énorme masse et encaissa comme il put. On aurait dit deux animaux sauvages se battant pour un territoire, Ursyd griffait et mordait alors que le Sphinx frappait de ses larges poings. Devant ce spectacle Kokrëm en appela aussi à Agmundar le dieu de la guerre afin que lui aussi puisse devenir un berserker, semeur de mort. A son tour il changea d’apparence devenant un guerrier à tête de bélier et se jeta dans la bataille. Les nomades entreprirent d’aider le Sphinx, Ursyd se retrouva alors submergé sous les combattants adverses. Que cela ne tienne ! Rargnor, Marque-Rouge et Kokrëm ne comptaient pas laisser faire. Peu à peu la coalition de la Cœur de Sève et des Elfes de Glace repoussa les Nomades jusqu’à la lisière du territoire Eltarite...


Plus loin, pendant ce temps-là, les mages de la Cœur de Sève tentaient désespérément d’arrêter les flammes qui grignotaient les arbres un par un. Une petite partie, mais néanmoins trop importante, de la forêt s’était déjà consumée sous les regards médusés de Kei’zan et de ses semblables. Leur magie s’avérait inefficace contre le pouvoir divin. Chaque arbre qui brûlait était un coup de couteau dans le cœur des Daïs, eux liés à la nature plus que toute autre créature. Kei’zan avait gaspillé toute sa magie, en vain... Les autres tentaient de trouver des solutions mais aucune ne fut efficace. Yilith et Ayir approchèrent d’eux avec prudence. Kei’zan se releva et alla à leur rencontre, intrigué.

- Désolée de venir vous perturber, dit Yilith à l’attention du chef de la Cœur de Sève.

- Vous ne nous dérangez pas, j’ai bien l’impression que c’est peine perdue, répondit-il avec défaitisme.

Les autres mages arrêtèrent aussitôt en entendant ces paroles.

- Pouvons-nous essayer... à notre manière ?

- Bien sûr, mais je dois vous prévenir la magie est inutile contre ce phénomène.

- Nous ne pratiquons pas la magie. Écartez-vous, placez-vous derrières ces arbres et ne regardez pas, je vous prie.

Parleroche et le Sachem émirent des protestations, mais Kei’zan usa de son autorité. Ils n’arrivaient pas à éteindre ces flammes, du coup toute aide était la bienvenue. Une fois qu’Yilith eut jugé la situation sûre pour les êtres de la forêt elle s’attela à la tâche. Elle se plaça au centre de la petite clairière et planta sa lance droit devant elle, pointe vers le haut.

- Prête ? Demanda-t-elle à Ayir.

- Pas vraiment, je ne sais pas quoi faire...

- Pose tes mains sur la lance, ferme les yeux et dirige tes pensées vers Edda la créatrice. Trouve les mots justes, supplie-la du mieux que tu peux.

- C’est tout ?

- C’est déjà beaucoup, je m’occupe du reste...

Ayir obéit à la prophétesse. Malgré la chaleur elle se concentra du mieux qu’elle put. Edda était la déesse principale du panthéon vénéré par les Elfes de Glace. Selon leurs croyances le souffle d’Edda créa le glacier d’Améthyste et ses larmes devinrent les Varelses, les Elfes de Glace.

Elles restèrent ainsi, les yeux clos pendant une demi-heure, priant Edda de stopper les flammes rongeant cette forêt. Non loin de là Kei’zan et les autres ressentirent la chaleur baisser progressivement, puis vint le froid de plus en plus glacial.

- Qu’est-ce qu’il se passe, demanda Parleroche voyant les arbres se couvrir de gel.

- Regardez ! Hurla le Sachem en montrant le haut des arbres. Les flammes... disparaissent.

Effectivement, alors que les arbres se couvraient de gel il n’y avait plus aucune flamme. Prenant le risque Kei’zan alla voir. Il retrouva les deux elfes de glace au milieu de la clairière. Le paysage était hivernal recouvert de glace.

- Comment avez-vous accompli un tel miracle ? Questionna le Daïs stupéfait par le prodige.

Ayir lâcha la lance d’Yilith en regardant à droite et à gauche.

- On dirait la forêt blanche, dit-elle avec une certaine joie.

- Un peu oui, répondit Yilith. Puis se tournant vers le Daïs. Ce qui est fait par un dieu peut être défait par un autre. Nous pouvons éteindre cet incendie, cela nous prendra du temps.

- Prenez tout le temps que vous voulez, vous êtes ici... chez vous.

Chapitre 3 - Esprits de l'hiver

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A ce moment-là de l’aventure la forêt des Eltarite n’avait pas encore été enflammée par la présence divine de l’avatar de Sol’ra. Eikytan le Daïs en charge de garder l’hiver s’était réveillé plus tôt que prévu. La situation particulière du monde de Guem l’inquiétait, lui l’un des premiers fruits de l’Arbre-Monde, n’avait jamais été aussi préoccupé. Le danger omniprésent l’oppressait aussi surement que cette neige qui commençait à tomber lentement. Eikytan laissa Kei’zan et les gens de la Draconie avec l’oeuf du Mangepierre, jugeant temps de partir réveiller les esprits de l’hiver. Le Sachem vit partir le Daïs, intrigué il alla le rejoindre.

- Je peux vous accompagner, Ancien ? Demanda-t-il avec beaucoup de respect.

- Si tu ne crains pas le froid, oui. J’aimerais parler avec toi. Nous avons beaucoup de marche jusqu’aux territoires du nord.

Tous deux longèrent l’Ondoyante le fleuve qui coupait la forêt dans un axe nord-sud. Eikytan s’étonna de voir la neige fondre en touchant le sol.

- De quoi voulez-vous parler, Ancien ?

- Je vis depuis très longtemps et à chacun de mes réveils je ne peux qu'assister à la lente disparition de nos coutumes. Beaucoup d’esprits et de créatures ne semblent plus parcourir la forêt. Que s’est-il passé ??

- C’est une question à laquelle je vais avoir du mal à répondre. Ma tribu et moi avons passé plusieurs dizaines d’années à l’autre bout du monde ignorant nos frères et sœurs, enfermés dans des croyances en parties fausses. Si je n’ai pas de point de comparaison je peux néanmoins vous dire ce que moi je vois.

Les mâles Elfine se montraient souvent très sensibles à leur environnement, en cela ils faisaient de bons chamans et des chefs respectés.

- Livre-moi tes impressions, Akem.

- Akem, répéta l’Elfine. Ce nom est l’illustration de l’idée que je veux vous faire passer. Lorsque la forêt est en danger les forces convergent afin de faire face. Je ne pense pas que cela soit par hasard que ma tribu soit de retour, que le Mangepierre attire l’attention, qu’Akem et moi ayons passé un pacte. Vous vous êtes réveillé et à votre tour vous comptez agir en appelant les esprits de l’hiver. Je crois que vous êtes blessé par la disparition de l’Arbre-Monde et que depuis vous avez l’impression que plus rien ne va. Pour ma part je pense que cela a évolué autour de vous, mais pas avec vous.

Eikytan marcha une longue heure sans dire un mot méditant les paroles du Sachem. Ce dernier tenta à plusieurs reprises de renouer le dialogue pensant avoir froissé le Daïs, mais rien n’y fit jusqu’à leur arrivée dans une région froide de la forêt. La neige tombait plus intensément, les arbres avaient perdu leurs feuilles. Là, Eikytan tourna en rond, visiblement désorienté.

- Ça ne va pas, Ancien ? Nous sommes déjà passés par là à plusieurs reprises.

- La présence des esprits de l’hiver est très diffuse c’est étrange. Tu as raison Akem, je n’aime pas l’évolution du peuple Eltarite, je n’aime pas le changement. Ne pas ressentir les esprits de l’hiver n’est pas dans la normalité, ce qui me fait dire qu’il y a eu du... changement, dit Eikytan dont le ton était monté. Allons au totem de l’hiver, à partir de là je pourrais les faire venir.

- D’accord, je ne connais pas cette partie de la forêt, je vous suis.

Le Sachem observa bien le Daïs, il avait considéré ces créatures comme mauvaises toute sa vie. Les côtoyer en disait long sur leur façon de penser et sur leur nature. D’ailleurs le phénomène auquel il assista avec le gardien de l’hiver l’intéressa vivement. Lorsqu’ils quittèrent le village du Sachem, le Daïs était vouté et marchait lentement. Mais depuis que la neige était abondante et qu’il faisait plus froid il était plus alerte et redressé, littéralement changé. Il ne résista pas à lui demander les raisons de ce brusque changement.

- Je suis le gardien de l’hiver, lorsqu’il fait froid, que la terre est gelée et que les animaux dorment en attendant des jours meilleurs, je suis au plus haut de mes capacités. Lorsque le printemps s’approchera je déclinerai jusqu’au moment où le sommeil me gagnera à nouveau. Ça sera alors le tour d’un autre gardien de prendre le relais.

- Je comprends, merci pour votre réponse Ancien.

- Nous y sommes, regarde. S’exclama Eikytan en montrant un pilier au milieu d’une clairière.

Le totem était un immense bloc d’ambre sculpté. La neige s’était agglutinée dessus le couvrant en partie. Le Daïs alla jusqu’à lui et en fit le tour.

- Les pierres ne sont pas là !!

- De quoi parlez-vous ?

- Il y avait là quatre pierres magiques. C’est grâce à elle que le totem peut être activé. Là je ne peux pas réveiller les esprits de l’hiver !

Le Sachem frotta la neige sur le totem, confirmant les animaux qu’il représentait - un élan, un loup, un lapin et un hibou. Il y avait effectivement un emplacement pour quatre objets aussi gros qu’un œuf de poule.

- Me permettez-vous de voir l’histoire des lieux ? Comme ça je pourrais expliquer ce qu’il s’est passé.

Eikytan acquiesça. Le Sachem s’assit en tailleur à quelques mètres du totem et se concentra. Il avait déjà utilisé ce sortilège dans les Confins.

- Voyez-vous Eikytan lorsque l’on utilise la magie du temps il y a toujours un risque de se faire happer. Je compte sur vous pour me ramener ici si vous me voyez disparaître.

Le Sachem forma un “V” avec ses bras de façon parallèle au sol.

- Esprits du temps passé, entendez-moi, libérez-moi des chaînes du présent. Je parcours le chemin de la grande trame...

Des images défilèrent dans sa tête, plusieurs jours et plusieurs nuits se succédèrent, le temps fila vers le passé. La neige disparut, les feuilles au sol remontaient sur les arbres environnant, puis enfin une créature apparut. Le Sachem usa de sa magie pour ralentir ce passage jusqu’à l’arrivée de celle-ci. Son apparence était celle d’une pie, un oiseau au plumage noir taché de blanc. Ses ailes étaient aussi des bras et son allure générale ne laissait planer aucun doute sur son origine elle fait partie du peuple Eltarite. Elle descella avec agilité les quatre pierres et les mit dans une bourse de cuir.

Eikytan fixa le Sachem qui était parfaitement immobile. Il resta ainsi une bonne demi-heure car au bout de ce laps de temps le corps du Sachem commença à devenir légèrement translucide. Aussi décida-t-il d’interrompre ce petit rituel en secouant son compagnon Elfine. La magie cessa et le Sachem revint de son voyage dans l’histoire de ce lieu. Prenant une grande respiration il se releva tant bien que mal, il ne sentait plus ni ses jambes ni son fessier. Il serra la fourrure d’Akem sur son torse pour se réchauffer.

- Alors qu’as-tu vu ?

- Brrrr... J’ai vu une femme-oiseau, elle a volé les pierres et est repartie comme si de rien n’était.

- Une femme-oiseau dis-tu... est-ce qu’elle avait des tâches blanche sur ses ailes ?

- Oui, c’est ça, elle avait aussi quelque chose au niveau du bec.

- Une Laken. Ils ne sont plus qu’une poignée. Si je ne me trompe pas ils vivent non loin de là. Une petite visite s’impose.

Et les voilà repartis, bravant la neige et le froid. Le Sachem à bout de résistance n’eut pas le choix, il fit appel à la puissance d’Akem et se transforma en homme-félin. Le pelage le réchauffa vite et le temps ne l’importunait plus, rendant leur progression vers le territoire Laken plus facile. Le paysage ne changeait guère mais l'apparition de longues plumes noires et blanches attachées aux branches indiquait que la frontière était franchie. Akem repéra vite la forme noire volant vers eux et il reconnut la voleuse des pierres. Il fit signe à Eikytan qui imagina immédiatement un plan d’attaque. La Laken n’eut pas le temps de faire quoi que ce soit que des racines poussèrent de manière fulgurante jusqu’à elle, lui agrippant les pattes. Eikytan tira les racines vers le sol mais la Laken résistait farouchement à grands battement d’ailes. Lorsqu’elle fut suffisamment à portée, Akem après avoir pris un peu d’élan lui bondit dessus. Désormais incapable de maintenir le vol elle s’écrasa dans une chute amortie par l’épais manteau neigeux. Akem et Eikytan l’immobilisèrent rapidement à grand renfort de racines.

- Qu’as-tu fait des pierres ? Interrogea Akem en tenant lui tenant la gorge.

Apeurée et choquée par l’agression dont elle venait d’être la victime la femme-oiseau secouait la tête dans tous les sens, tentant de se dépêtrer de ses liens en émettant des gémissements aigus.

- Attend Akem, regarde son bec, dit Eikytan en montrant l’étrange bijou empêchant la Laken d’ouvrir le bec.

- Arrête de bouger on te fera rien !

Eikytan se pencha vers elle.

- Je vais enlever une partie des racines, ensuite tu as intérêt à trouver un moyen pour nous expliquer ton geste. Je suis très peu enclin à la patience, ton geste m’empêche de réveiller les esprits de l’hiver et de protéger cette forêt ! Hoche la tête si tu as compris.

La Laken indiqua quelle avait parfaitement compris et Eikytan renvoya les racines à par celles qui lui retenaient les pattes.

- Où sont les pierres insista Akem.

La Laken montra du doigt Eikytan et Akem puis montra le bijou sur son bec, elle répéta ce geste pour bien se faire comprendre. Devant la mine ignare d’Akem et celle impassible du Daïs, elle dégagea la neige et ramassa quelques cailloux. Puis lentement elle répéta le geste, montrant le bijou et donnant les cailloux à Akem qui comprit le message.

- Tu veux qu’on t’enlève le bijou en échange des pierres ??

Elle répondit oui de la tête.

- Si tu voulais qu’on te libère de ce bijou pourquoi n’as-tu pas demandé à un chaman ?? S’étonna Akem.

La Laken leva les yeux au ciel et haussa les épaules.

- C’est dans sa nature, expliqua Eikytan. Les Laken sont des créatures rusées. Je pense qu’elle a agi ainsi pour me contraindre de l’aider et ce malgré les fautes qui l’ont amené à être punie. Ce petit chantage ne m’étonne pas le moins du monde.

- On ne va pas jouer le jeu j’espère ? Critiqua Akem.

La Laken récupéra les cailloux et les cacha sous la neige, puis par de nouveaux gestes elle fit comprendre que si ils ne l’aidaient pas, jamais ils ne trouveraient les pierres.

- Nous acceptons dit Eikytan mettant un terme au conflit. Rends nous les pierres et je te promets de te rendre la parole.

Akem continua à râler, mais le Daïs ne l’écoutait plus, se focalisant sur sa tâche. La Laken les emmena à peine quelques centaines de mètres plus loin, au bord d’une étendue d’eau glacée où elle indiqua avoir caché les pierres.

- Je ne sens aucune magie ici. Je ne les aurais jamais trouvés dans un tel endroit, dit Eikytan en avançant prudemment sur la glace.

Puis la Laken s’arrêta indiquant par-là que les pierres étaient là sous l’épaisse glace. Le gardien de l’hiver brisa la glace du bout de son bâton à plusieurs reprises, laissant un espace suffisant pour que quelqu’un puisse plonger. Derrière lui la Laken et Akem priaient pour qu’on ne le leur demande pas de plonger dans l’eau glaciale. Ce ne fut pas le cas, ne craignant pas les froid Eikytan plongea sans hésiter. Il n’y avait pas beaucoup de profondeur mais la lumière était très faible, se diffusant avec difficulté au travers de l’épaisse glace. Eikytan n’avait pas le même métabolisme que les Elfine ou que les humains, les Daïs pouvait rester sous l’eau bien plus longtemps. Désormais au fond du lac et au prix de beaucoup d’efforts il trouva enfin la bourse de cuir dont il vérifia rapidement le contenu. En ouvrant la pochette la magie des pierres lui sauta presque à la figure. Akem loin d’être rassuré par les fissures sur la glace aida malgré tout Eikytan à sortir de l’eau, il traîna ensuite le Daïs loin de l’étendue afin de ne pas être mouillé, lorsqu’il devenait Akem le Sachem ressentait une certaine répulsion pour tout ce qui était lac, rivière et autre. Bref, Akem était un chat.

Eikytan examina mieux la bourse. Lorsque celle-ci était fermée il ne ressentait pas la magie des pierres.

- Du cuir de Zanil n’est-ce pas ? demanda le Daïs.

- Zanil ? Demanda Akem.

- Le Zanil est un animal insensible à la magie, aujourd'hui cette espèce est éteinte, éradiquée par les hommes pour la faculté de cette peau. Dit-il en rendant la bourse.

La Laken hocha la tête positivement, puis elle s’approcha de lui si bien qu’ils finirent face contre face. Elle lui montra le bijou sur son bec.

- Je vais respecter ma parole et te délivrer de ça. Mais attention à tes paroles, il me serrait facile de te le remettre.

Eikytan caressa le long bec de la Laken et s’attarda sur le bijou, une fine tige de métal ouvragé. D’un coup le métal bougea comme s’il était vivant puis lentement comme s’il s’agissait d’une corde Eikytan tira dessus. La Laken ouvrit grand le bec, heureuse d’être enfin débarrassé de cette chose. Elle se jeta dans les bras du Daïs qui resta insensible à cette étreinte.

- Merci merci merci merci, dit-elle d’une voix à la fois stridente et croassante.

- Ne me remercie pas j’étais obligé et pressé, mais j’en ai pas fini avec toi. Quel est ton nom femme Laken ?

- Les autres m'appellent Chapardeuse, j’ai jamais vraiment compris pourquoi.

- Parce que tu es une voleuse ! Ironisa Akem.

- Akem ! Je t’ai déjà dit que pour les Lakens le vol est quelque chose de normal. Ne tardons pas plus, retournons au totem.

Eikytan aidé de Chapardeuse remirent en place chaque pierre dans chaque emplacement prévu à cet effet. Le totem d’ambre vibra lorsque la dernière pierre fut remise, alors toute la neige collée dessus s’en alla.

- Contemplez la magie de l’Arbre-Monde. C’est Quercus lui-même qui le sculpta autrefois et qui me lia à lui. Je sens les esprits de l’hiver proches, ils sont bien là.

Eikytan planta son bâton devant lui, la neige tournoya lentement autour du Daïs et du totem.

- Alors que le froid mord la terre et que la glace griffe l’écorce, maintenant que tous dorment en attendant les beaux jours, parcourrez de nouveau notre territoire. Esprits de l’hiver éveillez-vous où que vous soyez !

Eikytan répéta une dizaine de fois cette invocation et à chaque fois les pierres du totem brillaient de plus en en plus. Finalement toute cette structure d’ambre s’illumina, emplie de magie. Le Daïs était en transe, il était en harmonie avec la forêt des Eltarites. Il ressentait l’éveil de chacun des esprits de l’hiver. Lorsque le rituel cessa, le totem redevint inerte, tout comme les pierres.

- C’est fait ? Interrogea Akem.

- Les esprits de l’hiver se réveillent, ils nous aideront sûrement. Chapardeuse, j’aimerais à présent que tu me rendes un service, tu veux bien ? Parmi les esprits de l’hiver il y a quelques Laken, comme toi, ils sont vers le nord. J’aimerais que tu les rencontres pour les convaincre de nous rejoindre. Je les sais peu enclins à se mêler aux autres. Sur ta route si tu croises d’autres personnes dis-leur qu’il est important de se regrouper, nous serons au sud-est de la forêt.

Chapardeuse posa sa main plumeuse sur la joue du Daïs.

- Je veux bien.

Puis d’un bond elle s’envola, la neige glissant sur son plumage.

- Akem, je dois m’entretenir avec des esprits de l’hiver non loin de ton village, je dois savoir ce qu’est devenu Quercus. A présent rentrons.


Chapitre 4 - Le choix de Kei’zan

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Le vent froid soufflait entre les branches nues des arbres de la forêt Eltarite. L’arrivée providentielle des Elfes de Glace venus du lointain renversa le cours de la bataille opposant les fidèles de Solar et la Cœur de Sève. Cette dernière, dépassée par son incompréhension vis à vis des pouvoirs de leurs adversaires n’aurait pas fait long feu.

A présent le calme régnait. Les Nomades, repoussés loin de là, ne montraient plus de signe d’activité depuis une demi-journée, laissant aux valeureux guerriers de la forêt un moment de répit salvateur. Il y avait de nombreux blessés parmi eux - Ydiane, Parlesprit et même Ursyd dont la folie meurtrière l'avait exposé aux lames adverses et qui saignait d’une profonde entaille. Maïlandar le vénérable chasseur ramassa sa lance brisée en plusieurs morceaux.

- Raah, quel dommage... une si belle arme. Dit-il avec une pointe de tristesse.

- Je t’en ferais une autre, je ne peux pas te laisser ainsi, rigola Gaya en lui soutirant les morceaux de lance.

- Mouais, te moque pas, je l’avais depuis bien avant ta naissance. Répliqua-t-il en s’éloignant.

Kei’zan se désolait de voir un tel gâchis. La nature brisée mettrait bien des années à se régénérer et certains arbres porteraient les stigmates de cette bataille pour des siècles. Mais ce ne fut pas la seule chose que Kei’zan déplora car la venue d’une nouvelle personne annonça que le malheur s’était abattu sur eux. Alors que les Elfes de Glace et les Eltarites pansaient leurs blessures Parleroche leva subitement la tête son attention attirée par une drôle de sensation.

- Quelqu’un approche ! Dit-il en examinant les environs.

Les uns et les autres cherchèrent aussi, craignant que l’ennemi ne frappe à nouveau. Ce ne fut pas un Nomade qui au détour d’un arbre se montra, mais un Hom’Chaï. Pas n’importe lequel, celui-ci arborait des écritures peintes sur son visage rappelant deux autres séries d’écritures sur ses larges bras. Ses vêtements simples et ses cheveux en bataille lui donnaient un aspect assez sauvage. Parleroche le reconnut aussitôt.

- Garde-les-totems... sa voix s’essouffla alors...

Garde-les-totems ? Kei’zan l’avait déjà entendu lors de ses voyages dans les différents villages de la forêt.

- Que viens-tu faire ici ? Interrogea Maïlandar, se refusant à admettre la vérité, lui aussi connaissait les écritures sur le visage de cet inconnu.

Vite entouré des Hom’Chaï et Elfines présents, le nouvel arrivant toisa d’un air grave cette assemblée de braves. Une sorte de rite débuta alors, Rargnor se plaça au centre du cercle, face à Garde-les-totems.

- N’approche pas, nous sommes les gardiens de l’Arbre-Monde. Dit Rargnor de manière forte, presque agressive.

Garde-les-totems fit alors apparaître un totem d’ambre d’une moitié d’Hom’Chaï de hauteur.

- Les esprits m’ont parlé, ils m’ont annoncé la bataille, ils m’ont hurlé votre victoire, ils m’ont pleuré le nom de celui qui se meurt... répondit Garde-les-totems.

Apparemment la réponse du nouvel arrivant perturba les Hom’Chaï et les Elfines. Les Elfes de Glace ne comprenaient pas ce qui se déroulait sous leurs yeux. Ayir questionna Kei’zan. - C’est un gardien des morts. Il vient chercher quelqu’un sur le point de mourir.

Les Elfes de Glace portèrent leur attention sur la suite du rite.

- N’approche pas car nous ne savons pas qui tu viens chercher, répliqua Rargnor en écartant les bras.

- J’ai gravé ce totem dans l’ambre de l’Arbre-Monde... Ne tardez plus que le souffle ne soit pas perdu... N’attendez plus car Marque-Rouge le guerrier, braves parmi les braves se meurt.

A cet instant le nom de l’Hom’Chaï fut tel un poignard perçant le cœur de ses compagnons. Et le cœur d’Ydiane ne fut pas que transpercé, il lui fut littéralement arraché.

- Marque... Rouge... balbutia-t-elle, les larmes noyant ses yeux couleur d’or. Où ??

L’archère brisa le cercle du rite, s’élançant alors par-dessus les broussailles à la recherche de son ami et compagnon.

- TROUVEZ-LE !! Hurla-t-elle en tournant la tête dans tous les sens. Trouvez-le !

Tous se mirent à sa recherche, mais cela ne servait à rien car Garde-les-totems lui savait précisément où trouver le guerrier tombé. Marque-Rouge appuyé contre une paroi rocheuse se tenait la poitrine. Sa main droite était couverte de sang et le fluide vital se répandait lentement mais avec régularité. Son cœur battait encore, mais pour combien de temps encore ? Ydiane vit Garde-les-totems partir dans une autre direction et le suivit jusqu’à Marque-Rouge.

- NON ! Non, non, non, non ! Tu ne dois pas mourir ! Cria-t-elle avec rage à son ami agonisant.

Ydiane se jeta presque sur lui, la main tremblante. Marque-Rouge les yeux mi-clos avait l’impression de flotter hors de son corps. L’Elfine vit Dame Yilith et la supplia de faire quelque chose, elle l’avait vu guérir tant de blessures que celle-ci ne devrait pas poser le moindre problème. Avec délicatesse la prophétesse souleva l’imposante main de l’Hom’Chaï et examina la blessure. Mais il n’y avait plus rien à faire.

- La blessure est trop profonde... Son sort est déjà entre les mains des dieux... Je... Je suis désolée.

Ydiane laissa sa tristesse parler, les larmes coulaient abondamment sur ses joues devenues pâles. Marque-Rouge alors que la vie le quittait aperçut Ydiane derrière ce voile qui lui brouillait les yeux. Il eut juste assez de force pour poser sa main sur la joue de celle qui partagea sa vie.

- T’en fais pas... C’était... bien... nous deux.... chuchota-t-il.

- Marque-Rouge, mon nom est Garde-les-totems, je viens capturer ton dernier souffle pour qu’à jamais ce qui fut toi perdure.

L’Hom’Chaï inclina la tête, comprenant que son heure était venue.

- Je suis... prêt. Puis regardant Ydiane. Je serais... toujours... dans ton cœur...

Sentant la fin de Marque-Rouge proche, Garde-les-totems se mit à l’œuvre. Il planta le totem d’ambre devant le mourant. Celui-ci s’illumina doucement. L’Hom’Chaï fut alors comme hypnotisé, la douleur le quitta, il eut de moins en moins conscience de ce qui l’entourait. Puis son cœur cessa de battre...

Le totem s’illumina plus fortement et Garde-les-totems cria dans la vieille langue des esprits, ordonnant à Marque-Rouge de se lever et de rejoindre sa dernière demeure. Une sorte de fantôme, réplique spectrale du défunt sortit du corps de Marque-Rouge. Toute l’assemblée fut bouleversée, Ydiane, soutenue par Melissandre, dit au revoir à celui qu’elle aimait. Le fantôme adressa un sourire à ses anciens compagnons d’aventure et les salua d’un geste de la main. Puis Garde-les-totems le convia à rejoindre le totem d’ambre, ce qu’il fit immédiatement.

- C’est fini. Vous pouvez m’accompagner si vous le souhaitez, dit le chaman.

Kei’zan perdu dans ses pensées n’entendit pas l’invitation. Il se remémorait les mois passés et les différentes discussions qu’il avait eues avec les plus grands chamans de la forêt. A cet instant précis il pensait à Marque-Rouge bien sûr, mais aussi à la Griffe, cette orpheline qu’il avait recueillie et aimée comme sa propre fille. Sa peine était encore bien présente lorsqu’il incanta le sortilège de retour à la terre sur l’Hom’Chaï. Les racines agrippèrent le corps inerte avant de doucement s’enfoncer dans le sol de la forêt endormie par l’hiver. Le Grêlé qui connaissait bien son frère remarqua les troubles qui envahissaient l’esprit de Kei’zan.

- Qu’as-tu ?

Kei’zan fit signe à son frère pour discuter loin des autres.

- Je suis fatigué. Chaque jour qui passe apporte son lot de malheur sur notre peuple, dit-il d’une voix étonnement calme.

- Ce n’est pas la première fois que nous traversons une tempête.

- Mais celle-ci peut être la dernière.

- Pourquoi le serait-elle ?

- Mon frère, m’accompagnerais-tu jusqu’au mont Ulmus ?

- Qu’est-ce que tu veux faire là-bas ?

- Tu verras.

- D’accord allons-y.


Les deux Daïs prévinrent le reste de la Cœur de Sève, mais Parlesprit, qui avait intercepté la discussion, se proposa pour ce petit voyage. Les Daïs s’en allèrent donc, confiant la sécurité de l’orée de la forêt aux Elfes de Glace, laissant aussi les Elfines et les Hom’Chaï faire leurs adieux à Marque-Rouge.

Le mont Ulmus était le point central de la forêt Eltarite. En réalité c’était plus une grosse colline qu’une montagne. Ce monticule était entouré d’Ormes magnifiques. Et au sommet rien ne poussait. Autrefois Kei’zan tenta de faire pousser une graine de l’Arbre-Monde. Mais cela s’avéra un échec car la jeune pousse ne trouva pas assez de force pour lui assurer la survie. Beaucoup de Daïs avaient vécu ici et la plupart d’entre eux avaient disparu depuis bien longtemps. Le groupe retrouva sur place Eikytan qui ne put expliquer pourquoi il était là, une simple intuition l’avait attiré. Il ne fut d’ailleurs pas le seul à venir, d’autres Daïs, plus d’une vingtaine, arrivèrent les uns après les autres.

- Qu’est ce qu’il se passe ? Demanda le Grêlé.

- Ils viennent pour moi, répondit Kei’zan.

- Que vas-tu faire ? Je ne comprends pas.

- Quoi qu’il se passe, n’interviens pas !

Kei’zan monta à mi-colline pour faire face à cet incroyable rassemblement.

- Nous sommes tous là ! Voilà tout ce qu’il reste des fruits de l’Arbre-Monde. Nous étions si nombreux en ce temps-là, avant que l’Arbre-Monde n’explose, nous laissant orphelins et sans avenir. A ce moment là Kei’zan fit appel à sa magie et se transforma comme il l’avait fait lors de leur toute première confrontation avec les Nomades. Son aspect s’approcha alors de celle d’un arbre, son visage devint une sorte de flamme verte. Tous les Daïs aux alentours ressentirent le pouvoir immense du Kei’zan.

- Que fais-tu ? demanda Eikytan. Tu veux faire comme Quercus et nous laisser à notre sort, regretta-t-il.

- Quercus n’est plus, il est devenu un arbre mais aucun de se fruits ne donne la vie. J’ai bien réfléchi et je pense avoir la solution. Mes frères il est temps de faire renaître l’Arbre-Monde !

Kei’zan sortit d’un sac de toile la dernière des graines de l’Arbre-Monde en possession des Eltarites. Il se concentra et diffusa sa magie gardant en tête son objectif - fournir suffisamment d’énergie à la graine pour pousser puis fusionner avec elle. La magie se ressentit à des lieues à la ronde.

- Vous me protégerez, c’est désormais votre priorité, dit le Kei’zan alors que la graine qu’il tenait fermement avait éclos.

Le Grêlé resta surpris par le choix et l’audace de son frère, personne n’avait tenté cela avant lui et si cela échouait il le perdrait. Mais il n’eut pas le temps de réagir. Kei’zan marcha jusqu’au sommet du mont Ulmus et fit face aux autres Daïs. Là, il mêla par magie cette graine avec son corps. Cette fusion le transforma, ses pieds s’enfoncèrent dans la terre de la colline, ses jambes et son torse devinrent un tronc d’arbre et ses bras de multiples branches. Kei’zan était désormais un magnifique orme, jeune et à en juger par les feuilles et les bourgeons, vigoureux. Dans son tronc, bien visibles, des dizaines de petits cristaux verts pulsaient de magie.

Les Daïs n’en revinrent pas et Eikytan le plus ancien existant à l’heure actuelle ressentit en cet arbre la puissance d’un Arbre-Monde.

- Le printemps approche.

Artrezil

Chapitre 1 - Affranchi

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Le Manoir de Zejabel brûlait. Farouche et les Combattants de Zil venaient de remporter une grande victoire face aux Néhantistes. Durant les combats, Télendar était réapparu, venant exécuter la sentence des Envoyés de Noz'Dingard...

L’ancien chef Zil fut vite entouré par ses camarades et assailli de questions sur ce qu’il s’était passé depuis plus d’un an, comment il avait entendu parler de l’attaque de la guilde, du manoir de Zejabel et à peu près un million d’autres questions. Le jeune homme ne sut plus où donner de la tête, ni ne sut à quoi répondre en premier.

- Laisser-le ! Mais laissez-le ! Cria Sangrépée. De toute façon il nous doit des explications ! Dit-elle d'un ton teinté de reproches.

Farouche écarta tout le monde pour se frayer un chemin jusqu’à Télendar. Elle le fixa en plissant les yeux.

- Dis donc toi ! Tu crois que tu peux revenir comme ça au milieu d’une bataille, buter notre cible et faire comme si de rien n’était ?, râla-t-elle. Encore heureux que notre plan était imparable.

Le plan n’était pas si imparable que ça, sans son intervention Dimizar s’en serait tiré. Puis une partie de la clique Néhantiste avait réussi à fuir, on lui devait une partie de cette demi-victoire. Mais Télendar ne pipa mot, comprenant qu’il avait quelques comptes à rendre et l’histoire de ses aventures à raconter à ses anciens camarades de jeu.

- Je ne crois rien Farouche, je vais vous raconter tout ça.

Puis voulant changer de conversation.

- La vache ! Tu as grandi depuis la dernière fois que je t’ai vue, t’es une femme maintenant !

Farouche se mit à rougir d’un coup, déclenchant l’hilarité de la troupe.

- Ouais ouais, allez tout le monde, on retourne au chapiteau, mission accomplie ! Cria-t-elle embarrassée.

Une bonne heure plus tard, à la nuit tombante, la guilde retrouva son chapiteau. Télendar se sentit mieux rien qu’à la vision de ce dernier, lui rappelant bien des souvenirs. Alors que la colonne de fumée du manoir de Zejabel incendié s’éparpillait sous la faible lueur du crépuscule, les Zils organisèrent rapidement une fête à l’occasion de leur victoire. Les éclats de rires emplirent le chapiteau, chacun y alla de sa petite anecdote, certains mimèrent même des combats contre les Néhantistes à grands renforts de gestes et d’exagérations. Ergue, Soriek et Granderage, redevenus eux-mêmes expliquèrent comment ils avaient détruit “l’être de cristal rouge et noir” d’un seul coup et à la force de leurs poings. Malgré l’apparente bonne humeur de tout le monde Farouche ne quitta pas des yeux Télendar qui, lui, était dans un coin et souriait à l’humour parfois particulier de ses congénères. Farouche se leva de son énorme coussin et se racla la gorge.

- Combattants de Zil, nous avons remporté la bataille, mais pas la guerre. Ce soir fêtons jusqu’au bout de la nuit. Mais lorsque le jour se lèvera demain nous nous remettrons en route, la chasse n’est pas finie. Notre première mission est accomplie, Abyssien sera averti de ce qu’il s’est passé au Manoir de Jezabel et nul doute que nous continuerons la traque des Néhantistes.

Farouche se gratta le nez et regarda Telendar.

- Bon à toi la parole, annonça-t-elle avec monotonie.

La phrase de Farouche fut accueillie par des “Ouais Télendar !” “Explique-toi !”. Le jeune homme se leva à son tour pour se placer au milieu de la piste. Il n’avait jamais aimé prendre la parole en public, même du temps, pas si lointain, où il était le dirigeant de cette guilde. Mais il fallait faire un effort pour montrer qu’il avait changé.

- J’ai toujours aimé me battre. J’ai toujours aimé la violence, je suis né avec le don de donner la mort. Dimizar l’avait bien compris et grâce à Masque de fer il réussit à mettre sous son influence toute la guilde. Il nous a gardés, Silène, Sélène et moi-même sous son contrôle pour se servir de nous. Je ne réalisais pas ce que je faisais, je me souviens encore du visage de chaque homme, chaque femme et de chaque enfant que j’ai tué durant cette période et cela me hante. Sans pouvoir m’y opposer. Dimizar m’a fait assassiner Prophète, attirant sur les Combattants de Zil les foudres des Envoyés de Noz’Dingard.

Télendar se remémorait son malheureux parcours avec douleur, car à présent il évoquait une période encore plus sombre.

- Dimizar ne s’arrêta pas à quelques assassinats, je suis devenu un cobaye, faisant des expérimentations que je ne souhaiterais à personne de vivre. A cette époque j’aurais aimé mourir, j’ai supporté l’insupportable. Quand enfin il en eut fini avec moi, je n’étais plus que l’ombre de moi-même. Comprenant que je ne lui étais plus utile il m’a alors livré à vous sous le déguisement de ce traître de Masque de fer. A partir de là vous connaissez la suite. Après avoir été soigné par Kriss, que je ne remercierai jamais assez, Abyssien a décidé, à raison, de me livrer au Conseil des Guildes. Puis on me confia aux Envoyés de Noz’Dingard pour être jugé. Je m’attendais à la mort, une mort rapide qui me délivrerait enfin de mes maux. Mais tel ne fut pas le cas. Les Draconiens ont jugé que le seul responsable était Dimizar et que celui-ci devait payer pour son crime. La sentence à mon encontre fut de tout mettre en œuvre pour retrouver le Néhantiste et le tuer. La magie de Dragon devait me contraindre à exécuter cette sentence. J’ai suivi les pistes pendant plusieurs semaines et j’ai profité de votre attaque pour m’infiltrer dans le manoir et trouver ma cible. Voilà, mon histoire Combattants de Zil.

Le silence tomba sur le chapiteau. Tout le monde avait écouté avec beaucoup d’attention. Sombre se leva, ses cheveux étaient ébouriffés de la bataille passée.

- Alors Dimizar est mort ?

- A priori, non. Je sens encore la magie de Dragon sur moi, ça veut dire qu’il a survécu, et que je vais continuer à le chercher. Dit Télendar un peu désappointé. Je profite aussi d’avoir la parole pour demander à Abyssien si je pouvais revenir parmi vous.

Farouche s’avança prêt du jeune homme et lui attrapa l’épaule.

- Tu ne dois pas le savoir, mais Abyssien ne dirige plus la guilde, il est désormais au Conseil des Guildes. C’est moi la chef maintenant ! Bon, moi je veux bien que tu reviennes, mais...

Elle tourna la tête vers les autres combattants de Zil.

- Est-ce que vous pensez que Télendar mérite de revenir parmi nous ?

Les regards s’échangèrent, d’ordinaire c’est le chef qui prenait ce genre de décision. Farouche jouait là un petit jeu, elle connaissait déjà la réponse, mais il fallait qu’elle se démarque par rapport à ses prédécesseurs. Ergue, Granderage et Soriek furent les premiers à crier “Oui ! Oui ! OUI !”, suivi par les autres, même ceux qui ne connaissaient pas Télendar finirent par répondre par la positive.

- Te revoilà Combattant de Zil ! Libère-toi du poids de la culpabilité envers nous. Puis lui chuchotant à l’oreille. C’est grâce à toi que j’ai voulu intégrer cette guilde, dit-elle en rougissant, ça me fait plaisir que tu reviennes.


La réintégration de Télendar fut une raison supplémentaire pour continuer la fête jusqu’au bout de la nuit. Mais tous ne furent pas de la fête. Salem de part sa nature préférait rester à l’écart. Mais ce n’était pas la seule raison. Depuis quelques jours il se sentait... mal, ce qui pour lui était inhabituel. Il claudiqua dans une démarche plus confuse qu’à la normale et d’un coup il s’effondra comme une poupée jetée à terre.

-QuE.. QuOI ??

La matière ombreuse jusqu’à présent bien cachée dans l'épouvantail commença à couler de son visage. Salem plaqua une main sur sa figure comme pour retenir l’ombre.

- NoooOOoOn., cria-t-il.

Kriss aussi rodait dehors, le musicien aimait ces soirées de liesse mais il préférait boire à la faveur de la lune qui en cette nuit d’automne était très haute dans le ciel. Les bruits émis par Salem l’alertèrent et il alla voir quels étaient ces étranges bruits. Il vit le pauvre Salem au sol dans une flaque noire.

- Salem ! Qu’est ce que tu as ??

Le musicien n’osa pas trop marcher dans la substance noire. Il n’avait jamais vu ça.

- Ne.. BOuGe pAS... KrISs...

La voix ne provenait pas du pantin de paille, mais de la flaque elle-même. Celle-ci se mit à bouger, prouvant qu’elle était vivante, puis d’un coup un millier de petits tentacules d’ombre en sortirent pour attraper l’épouvantail. La matière noire s’infiltra partout, si bien qu’elle disparut du sol en un clin d’œil. Salem tenta de se relever mais ses forces étaient très faibles. Kriss l’aida et l’installa un peu à l’écart du chapiteau. Il ne voulait pas que les autres Combattants de Zil soient au courant de cet incident.

- Tu m’expliques ? Qu’est ce que c’était ? Demanda Kriss terriblement inquiet.

- jE sAIs paS. Je N’aI plUS Eté CApaBlE de Me maiNTEnir dAns cE CorPS.

- Comme ça ? D’un coup ? Tu veux que je regarde ?

- D’Un cOUp... JE mE sENs FaiBle.

Kriss posa sa main sur la froide surface du bras de Salem et se concentra. Au bout de quelques minutes il dû se rendre à l’évidence qu’il ne trouvait rien qui puisse justifier cet état. Cela l’étonna beaucoup car Kriss se targuait de pouvoir déceler n’importe quelle maladie, qu’elle soit magique ou naturelle.

- Tu n’as rien, rassure-toi.

- NoN, J’Ai quELQue ChOSe jE leSEns. Je RISque dE dISParaItrE KrIss...

- Mais pourtant être dans l’épouvantail te permet de pouvoir perdurer. Bien sur tu n’es plus aussi puissant qu’à l’époque de ta création, mais tout de même. Tu crois qu’Artrezil n’avait pas la magie suffisante pour t’offrir l’immortalité ?

- Il L’AvaIT... C’eST AutrE chOSE.

- Mais quoi ? Si jamais on ne trouve pas, si tu venais à disparaître la guilde perdrait le but de son existence première et nous ne serions plus les Combattants de Zil.

Chapitre 2 - Alyce

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La fête avait duré toute la nuit. Le chapiteau dormait paisiblement au rythme des ronflements de ses occupants, une douce odeur d’alcool embaumait l’intérieur. Télendar et Kriss étaient restés plus sages que les autres. L’assassin et le musicien profitaient de la fraîcheur matinale et devisaient sur leur guilde se remémorant leurs aventures souvent incroyables mais très risquées. Ils évoquaient la course poursuite au sein d’une bourgade de Baranthe qui s’était finie dans un tas de fumier lorsqu’un homme à cheval s’arrêta devant eux. L’homme habillé de la livrée du Conseil des guildes regarda les deux Zil avec une certaine appréhension.

- Je vous salue Combattants de Zil. J’ai fait un long chemin jusqu’à vous pour vous porter un message du Conseiller Abyssien, puis-je m’entretenir avec votre chef de guilde ?

- Conseiller Abyssien ? Je m’y ferai pas, dit Télendar en lâchant un petit rire moqueur. Je vais chercher la cheftaine.

Kriss aida l’homme à descendre de sa monture, il le remercia vivement expliquant qu’il avait parcouru la distance depuis le château de Kaes, berceau du Conseil des guildes jusqu’ici en un temps record.

- Ce que vous avez à dire semble urgent, entrez vous reposer et manger un bout, dit Kriss en lui montrant l’entrée du chapiteau.

Le messager ne refusa pas l’hospitalité tellement il était éreinté. Cela faisait peu de temps qu’il travaillait pour le Conseil des guildes et la passion ainsi que le désir de bien faire l’avaient poussé au bout de ses forces. Il s’affala sur un des énormes coussins et tenta de rester éveillé tant bien que mal pour finir sa mission. Télendar revint accompagné d’une Farouche à moitié endormie et le visage plein d'ecchymoses.

- Je suis le chef de cette bande de vauriens, dit-elle en adressant une tape sympathique sur l’épaule de Télendar. Qu’est-ce qu’on peut faire pour le Conseil.

L’homme se remit debout, rajusta sa tenue flambant neuve et se racla la gorge, enfin il se saisit d’un rouleau du sac de toile qui pendait sur son côté. Il en lu le contenu devant tout le monde.


“Chère Farouche,

J’espère que tu t’en sors à la tête des Combattants de Zil et que tu arrives à te faire respecter autant que tu les respectes. Mon intégration au sein du Conseil est finalement moins ennuyeuse que je ne le prévoyais, bien au contraire il s’avère que mes quelques talents trouvent ici une utilité.

Les nouvelles que je te fais porter ne sont pas bonnes et il est très important que tu écoutes attentivement les ordres que je vais te donner. De très nombreux rapports et observations font état d’une activité importante dans les brumes des Confins. Des allées et venues de personnes suspectes ont amené le Conseiller Marlok à enquêter et ses découvertes sont catastrophiques.

Néhant regroupe ses troupes de fidèles et les Néhantistes à sa solde capturent de nombreux esclaves pour accomplir leurs basses besognes. Nous pensons qu’ils ont pour but de libérer Néhant de sa prison.

Cela ne doit pas arriver !

Aussi le Conseil ordonne aux Combattants de Zil de joindre leurs forces aux Envoyés de Noz’Dingard afin de mener un assaut sur les Néhantistes et éradiquer la menace. Le Conseiller Marlok vous attend à la cité frontalière d’Arbenn. Mettez-vous en route dès la réception de ce message. La situation est extrêmement complexe et tendue. Le Conseil va essayer de gérer ce problème ainsi que celui des Nomades. Je te tiens informé.

Abyssien.”


L’homme enroula le parchemin pour le donner à Farouche.

- T’étais obligé de le lire à haute voix ? Protesta-t-elle.

Outré l’homme ouvrit de grand yeux.

- Mais damoiselle c’est ainsi que cela doit être.

- Mouais, bon merci pour tout, restaure-toi et prends du repos. Quant à vous autres Combattants de Zil vous avez entendu les ordres du Conseil des Guildes, on démonte et on se met en route. Arbenn est à une semaine de marche d’ici, ne traînons pas.

Le chapiteau était à terre, les combattants rangeaient tout dans différentes roulottes et certains s’occupaient des quelques animaux. Dans une des carrioles Kriss avait réuni différents membres de la guilde dont Salem, Farouche et le Psychurgiste, ce dernier étant désormais au courant du petit problème rencontré par Salem. Le mentaliste avait examiné l'épouvantail sous toutes les coutures cherchant un quelconque indice sur ce qui provoquait ses crises. Sa conclusion n’était pas réjouissante et confirmait les craintes déjà émises : Salem allait disparaitre. La magie de ce monde était bouleversée et celle qui avait permis la création de Zil, donc de Salem, disparaissait avec le temps. Kriss se devait d’informer son chef.

- Farouche nous avons quelque chose à te dire.

Vu les visages tristes Farouche s’attendait à une terrible nouvelle.

- Je t’écoute, qu’est-ce qu’il y a ?

- Il y a eu un incident hier soir durant la fête. Quelque chose que nous avons du mal à expliquer même si nous avons des théories. J’ai retrouvé Salem par terre dans une mare d’ombre. C’était lui-même qui se liquéfiait. Après un petit moment il a retrouvé sa structure normale mais il pense que ça va aller en empirant. Farouche était surprise de l’histoire, les choses magiques n’étaient pas son truc, pas comme Abyssien en tout cas. Aussi se contenta-t-elle d’écouter la suite. Le Psychurgiste intervint à son tour.

- Je sens beaucoup de désarroi chez notre ami Salem, troublé par ce qui lui arrive. Comme je le disais à Kriss la magie semble perturbée chez lui. Je ne connais pas beaucoup les détails sur la création de Salem, enfin de Zil aussi ne puis-je faire que de simples suppositions basées sur mes observations...

- Oui oui, abrège, s’impatienta Farouche.

- D’accord, pour faire la version courte l’épouvantail ne pourra pas contenir plus longtemps Zil.

- Dans ce cas qu’il retourne dans le chat, non ?

- C’est l’une des solutions que nous avons établies. Mais d’après Salem cela ne servira à rien, il se passerait la même chose dans le corps du félin. Zil est en train de se...décomposer magiquement.

- Cela veut dire que nous perdrions Zil, ajouta Kriss pour donner encore plus de gravité à la situation. Je sais que l’ordre a été donné de joindre nos forces aux Noz, mais nous, et quand je dis nous je parle de Salem et moi, pensons que nous devons vite trouver une solution à son état.

- Et donc vous ne resterez pas avec nous ? Regretta Farouche qui réfléchissait à tout ça.

- Salem a une idée, une piste qu’il nous faut suivre. Pour ne pas pénaliser la guilde, seuls lui et moi partirons.

- Et c’est quoi cette idée ?

- Bien que l’ancienne demeure d’Artrezil soit notre quartier général nous n’avons pas encore tout découvert de lui. Il se peut qu’il y ait d’autres journaux de travaux ou du matériel lui appartenant dans d’autres lieux. Salem a le vague souvenir d’un manoir perdu loin de tout. J’aimerais aller le fouiller avec lui et qui sait peut-être qu’on trouvera de quoi le guérir.

- C’est maigre comme piste mais c’est la seule que nous ayons, ajouta le Psychurgiste.

- Je comprends le problème, ça marche, vous partez tous les deux. Prévenez Abyssien, la magie de l’ombre c’est sa grande passion.

- Nous comptions le faire oui, mais Salem a formé Abyssien à la magie de l’ombre il ne pense pas qu’il soit en mesure de remédier à son problème, répliqua Kriss.

- Et les Draconiens ? Ils ont une super école de magie, peut-être qu’ils peuvent faire quelque chose.

- Oui... mais non. Si tu te rappelles bien l’histoire de Zil, les draconiens le recherchent, ce n’est donc pas une bonne idée.

- Bon, je fais confiance à vos avis, j’espère que vous trouverez de quoi remettre Salem sur pied.

- Et moi donc, chuchota Kriss.

Kriss et Salem voyageaient depuis plusieurs jours et désormais leurs amis Combattants étaient très loin, partis vers la Draconie. Salem eut une autre “crise” cette fois plus impressionnante. Kriss en avait le cœur meurtri, il aimait Zil par dessus tout, ils étaient amis depuis qu’il avait quitté sa famille pour parcourir le monde. Il se souvient du jour où on le mit dans la confidence, qu’on lui révéla qui était Zil et qu’on allait l’enfermer dans le petit chat noir que Kriss affectionnait tant. Mais Salem s’était remis de cette épreuve au prix d’un effort magique considérablement affaiblissant pour lui. Désormais le pantin de paille ne parlait que rarement préférant garder son énergie pour continuer à marcher à bon rythme. Salem se souvenait d’une vieille bâtisse dans un endroit reculé. Grâce aux pouvoirs de Kriss et une bonne dose de chance les deux amis finirent par se retrouver face à ce qu’ils pensaient être l’endroit recherché. C’était un manoir de taille respectable sur trois étages. Construite de pierres taillées, son architecture ressemblait étrangement à la demeure d’Artrezil bien que cette dernière soit bien plus grande que celle-là.

- OuI ! C’esT biEN Ca.

- En tout cas elle ressemble à notre QG. Quelqu’un doit habiter là, il y a de la lumière !

Les deux Combattants de Zil avancèrent sans avoir conscience de ce qui allait les attendre de l’autre côté de l’épaisse porte de chêne. Kriss toqua une fois, puis au bout d’un moment ne voyant rien venir toqua une deuxième fois.

- Y a quelqu’un ? Excusez-nous de vous déranger. Nous sommes des voyageurs à la recherche d’un toit pour passer la nuit.

Salem tenta de regarder au travers les volets clos, mais à part la lumière il n’y vit rien d’autre.

- Je VAis jeTEr un OeIL.

- Ca ne va pas t’affaiblir ?

- Non, je PEUx.

Salem fit le tour de la bâtisse et trouva une brèche dans une pierre. A partir de là il utilisa la magie de l’ombre pour se fondre dans les ombre et tenter de faire un tour à l’intérieur. Mais hélas il se heurta vite à la lumière et la disparition des ombres. Il revint auprès de Kriss, ce dernier avait l’oreille collée à la porte.

- AloRS ?

- Chut ! Je crois avoir entendu du bruit, comme des pas.

Kriss saisit alors l’anneau de fer de la porte et poussa lentement. Les gonds émirent un long grincement au grand dam du musicien. Personne dans l’entrée. Ils furent frappés par sa ressemblance des lieux avec l’antique demeure d’Artrezil.

- Au moins nous ne sommes pas dépaysés. Puis en criant : Y A QUELQU’UN ???

Toujours aucune réponse.

- Vraiment étrange, tu penses qu’on nous a vu arriver et que les habitants se sont cachés par peur ?

- NoN, Je SEns beAUcOuP de mAgIe ICI.

- Et bien dans ce cas ne nous gênons pas pour fouiller les lieux, on a un objectif tenons nous en là.

Le rez-de-chaussée était composé d’un grand salon sur la partie droite, d’une cuisine et d’un grand garde-manger sur la gauche. Bien que tout soit vieux et en partie décrépi il n’y avait pas de poussière, signe d’une présence. Entre la cuisine et le garde-manger un escalier montait et un autre descendait.

- Alors, cave ou étages ?

La réponse fut un craquement, long et terriblement angoissant de toute la maison. De la poussière s’échappa des murs et du plafond en leur tombant dessus.

- Kof kof, qu’est-ce qu’il se passe ?

Puis aussi brusquement qu’il était apparu le phénomène s’arrêta, net.

  • DONG DONG DONG DONG DONG*

Quelque chose se mit à sonner, comme une petite cloche, le son emplissait toute la maison si bien qu’il était impossible de localiser la source de ces “dongs”.

- CAvE ! Dit Salem en poussant Kriss dans l’escalier.

Des lampes à huile brûlaient lentement leur offrant la visibilité nécessaire. En bas une porte de fer leur barra le passage au grand étonnement des deux compères.

- La même porte qu’à notre quartier général, Artrezil était soit un plaisantin soit aimait tellement sa baraque qu’il la reproduit le plus fidèlement possible.

- OptIOn dEUX !

- Bien d’accord, si mes souvenirs sont bons il y avait dans notre QG le laboratoire d’Artrezil, donc on peut supposer trouver quelque chose d’intéressant ici, dit Kriss en ouvrant la porte.

Là une vision d’horreur assaillit nos héros. Par terre au milieu d’un fatras de bouquins, d’alambic, de pots et d’appareils étranges se trouvait le corps d’un homme baignant dans une mare de sang, face contre terre. Son dos présentait de profondes entailles. Kriss prit le pouls de cet homme.

- Mort.

Mais Salem n’en avait rien à faire, il était déjà en train de faire le tour du laboratoire, poussant les objets inutiles et examinant ce qui lui semblait magique. Kriss retourna le cadavre pour mieux voir le visage de cet inconnu.

- Artrezil ??

Salem tourna la tête vers eux.

- QuOI ? Dit-il en revenant vers Kriss.

- Dis-moi si je rêve ou non, mais la ressemblance entre son portrait dans notre quartier général et lui est plus que frappante.

- Tu AS raIsoN !

- Mais comment est-ce possible ?!

C’est alors que des bruits de pas se firent entendre. Comme si quelqu’un courrait au-dessus d’eux. Kriss abasourdi par leur découverte leva la tête et regarda le plafond.

- C’est quoi cette histoire.

- Va VOiR, je ResTe lA.

Il n’en fallut pas plus pour que Kriss s’élance dans l’escalier et monte rapidement au rez-de-chaussée. Rien dans le salon, rien dans le garde-manger et rien non plus dans la cuisine.

- C’est pas vrai, j’ai pas rêvé pourtant !

Les bruits de pas se répétèrent, cette fois c’était à l’étage. Kriss, un peu énervé fonça à nouveau vers l’escalier, montant les marches deux à deux. Une fois en haut il se retrouva nez-à-nez avec une petite créature qui flottait dans les airs. Cette chose ressemblait vaguement à une poupée avec une robe rose et une perruque, mais elle était faite d’ombre.

- PARTEZ !! Cria-t-elle, vous n’avez rien à faire ici !!

Kriss ne sut trop quoi dire, cette chose était vivante, mais étrangement il n’y avait pas la moindre étincelle de vie là-dedans.

- Nos intentions ne sont pas mauvaises, nous venons chercher de l’aide pour guérir quelqu’un.

La créature fixa Kriss qui tentait de se rapprocher. Aussitôt l’homme fut submergé par des émotions. Un flot immense de sentiments parfois contradictoires, tristesse, colère, désir et bien d’autres. Kriss dû se retenir à la rambarde pour ne pas tomber dans les escaliers son esprit ne pouvait supporter autant, il tomba à genoux et se tint la tête, hurlant.

- STOP, CA SUFFIT, criait-il en se tordant, sa tête allait exploser.

Puis le flot s’interrompit. Kriss qui haletait se redressa, soulagé. Salem était là, des tentacules d’ombre sortaient de sa main, retenant prisonnier la petite poupée d’ombre.

- C’est quoi ?

- UNe CReaTIoN d’UN esPrIt dEraNgé ! ToUT esT fAux IcI...

- Hummmm, nous avons manqué de prudence mon ami, faisons la lumière sur toute cette histoire !

Kriss fit apparaitre son orgue portatif et tourna la manivelle dans le sens inverse à son habitude. Une musique déstructurée s’en échappa. Le morceau dura cinq bonnes minutes au bout desquelles tout autour d’eux changea. Les murs semblaient fondre comme si c’était du chocolat, la créature disparut à son tour. Finalement ils étaient au milieu d’une ruine, là par terre à deux mètres d’eux une jeune femme recroquevillée sur elle-même balançait sa tête d’avant en arrière en sanglotant.

- PoUVoir de l’OmbRE, jE seNS la PResenCe d’ArtreZIL Ici.

- Cette maison a dû lui appartenir, dit Kriss en s’accroupissant devant la jeune fille aux cheveux blonds.

Elle portait des vêtements étrangement proches du style des Combattants de Zil et elle serrait un miroir contre son cœur. Kriss remarqua qu’une partie de son visage était brûlée.

- N’ai crainte, mon nom est Kriss.

- Je.. je sais... je te connais... et... et toi tu es... Zil, dit-elle à l’attention de Salem.

La petite poupée d’ombre fit son apparition sur l’épaule de la fille, elle lui chuchota quelque chose à l’oreille.

- Tu nous connais ? Mais nous ne te connaissons pas, qui es-tu ? Que fais-tu là ?

- Je m’appelle Alicia. J’ai... non, je... peux vous aider ? Ne me laissez pas ici, j’ai peur.

- La nuit est déjà avancée, on va rester là et tu nous dois des explications. C’est toi qui as provoqué tout ça ?

- Oui c’est moi, je n’y peux rien je... je ne contrôle pas ce que je suis.

- Qu’es Tu ? Demanda Salem qui avait déjà sa petite idée.

- Une création, une chose, on m’a transformé ! Dit-elle en montrant l’escalier qui descend vers la cave.

Salem et Kriss allèrent voir, ils trouvèrent un homme mort, d’après Kriss son cœur l’avait lâché. Dans cet endroit il y avait un lit, une cage et tout un tas de matériel magique. Parmi cela ils retrouvèrent différents journaux de recherches ainsi que des travaux d’Artrezil sur la transformation par l’ombre. Salem expliqua que cela faisait partie des recherches qui ont permis à l’archimage de le créer.

Le chercheur expliquait avoir kidnappé Alicia lorsqu’elle était petite fille car disposant d’un pouvoir incroyable. Il aurait fait d’elle sa créature.

- Un mystère de plus à résoudre, mais je pense qu’elle peut nous aider pour l’affaire qui te concerne Salem.

- OuI, je PEnsE aussI.

Chapitre 3 - L'héritage d'Artrezil

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Cette histoire là ne pouvait être racontée que par moi. Je suis un Combattant de Zil depuis presque dix ans maintenant. Des aventures, j’en ai vécues d’innombrables et d’incroyables. Mais celle-là est au-delà de ce que j’ai déjà vu et elle mérite d’être racontée à ceux qui vont rejoindre notre guilde dans le futur. 

Tout cela démarra il y a quelques semaines. Lors de la fête donnée en l’honneur du retour de Télendar parmi nous, j’ai retrouvé Salem en piteux état, presque liquéfié. Devant ce constat et l’éventualité de la disparition de Zil, j’ai entrepris le voyage en sa compagnie afin de trouver une solution. Je m’aperçois aujourd’hui que nous aurions peut-être dû mettre au courant la guilde dans son ensemble. Après tout ne sommes nous pas les Combattants de Zil ? Peut-être devais-je entreprendre cette quête seul ? Mais ce qui est fait est fait.

Nous sommes partis tous les deux aux travers de contrées où personne ne va, des lieux désolés et sombres. Nous avons cherché des informations sur l’Archimage Artrezil qui créa autrefois Zil dans l’espoir de trouver une quelconque indication pour contrer le mal qui rongeait mon compagnon. Sur notre route, nous avons trouvé Alyce, un personnage étrange pour qui j’avais de sérieux doutes quand à sa motivation. Et pour cause, j’avais de très bonnes raisons. Notre première rencontre a failli très mal terminer. Enfermés dans une illusion presque parfaite. Mais notre expérience de ce genre de manifestation a fait la différence et nous nous en sommes sortis, héritant au passage d’une nouvelle désaxée, comme si nous n’en avions pas suffisamment dans la guilde. Je suis sur que tu me comprendras Alyce lorsque tu liras ces lignes, je ne dis pas que cela est forcement négatif, mais il faut bien reconnaître ce qui est : les Combattants de Zil sont une guilde d’excentriques et de sociopathes. Cela n’est pas un mal c’est ce qui fait sa force. Mais ce n’est pas le sujet. Hors, nous avons quitté l’une des anciennes demeures d’Artrezil, aujourd’hui en ruine, avec notre nouvelle compagne. Nous nous sommes alors posés la question : quoi faire ? Nos indices étaient plus que maigres. Les crises de Salem continuaient et à chaque fois les rémissions lui demandaient des efforts plus importants.

J’ai assisté à une scène des plus... bizarre. C’était au beau milieu de la nuit. Nous étions en marche vers notre repère principal, le seul pied-à-terre officiel que les Combattants de Zil ont : le manoir d’Artrezil. Je dormais du sommeil du juste, bien à l'abri sous la toile de ma tente, lorsqu'un bruit m’extirpa de mes songes. Le raffut était terrible, cela provenait de l’extérieur. Les sons gutturaux me rappelaient quelque chose, j’avais déjà entendu ça à plusieurs reprises. Là sur le bord de la route à peine éclairée par la lune je retrouvais Alyce et Salem. L’épouvantail totalement désarticulé ne bougeait pas, comme un vulgaire objet. La jeune femme penchée au-dessus chuchotait dans un langage connu de nous seuls Combattants de Zil. J’ai alors reconnu ses paroles, l’ombrelangue, que faisait-elle ? J’ai songé à une hallucination ou, comme lors de la rencontre avec Alyce, à une illusion. Mais non, elle que nous ne connaissions pas parlait comme l’une des nôtres. Je n’eus même pas le temps de demander des comptes sur cette histoire que la voilà partie. “Où vas-tu ?” lui dis-je. La réponse que j'obtins me rassura et m’inquiéta à la fois. “Je vais sauver Zil”. Sauver Zil !? Prétentieuse !

Mais je n’avais pas le choix, l’épouvantail était vide, plus de Zil et donc plus de Salem. Je récupérais donc en vitesse quelques affaires, bien déterminé à comprendre et courus après Alyce. C’est en la voyant de près que je compris. Sa peau noire, son regard, ses attitudes. Tout en elle me rappelait Salem. Alyce m’expliqua alors avoir agi d’instinct et que désormais elle abritait Zil à l’intérieur d’elle. Pourquoi elle ? Pourquoi pas moi ? Après tout je le connaissais depuis longtemps et elle non. Comment avait-elle réussi ce prodige ? J’étais dans l'incompréhension la plus complète. Nous avons suivi la route pendant des lieues sans que le moindre mot ne soit prononcé. Notre course s’est arrêtée chez nous au manoir d’Artrezil. C’est d’ailleurs là où je me trouve en ce moment pour écrire cette histoire. Enfin bref, le hasard nous avait amené ici, enfin hasard, pas vraiment. Que venait-on faire ici ? Zil et moi connaissons bien ce manoir, nous y vivons durant les mois hivernaux. Les possessions d’Artrezil étaient toujours là, comme d’habitude, et il n’y avait rien dans tout ça capable de résoudre le problème. Alors quoi ? Était-ce de la nostalgie de la part de notre compagnon d’ombre ? La fin étant proche voulait-il disparaître dans un endroit familier. Alyce ne m’écoutait pas de toute façon, nous perdions du temps à faire je ne sais quoi. 

Puis elle s’est retrouvée dans le bureau d’Artrezil où là aussi je connais bien les lieux : j’y ai composé mes plus belles chansons. Je la vois tourner en rond cherchant quelque chose, puis elle regarde les livres et se saisit d’un, l’ouvre à une page et le pose par terre. Bon, d’accord, mais après ? Elle fait de même avec d’autres, les posant par terre avec délicatesse. Devant moi un schéma apparut, sur chaque page un dessin, un symbole, en les plaçant au sol Alyce faisait un rituel ! Vous comprenez !? Nous pensions tout savoir sur Artrezil et ses créations incroyables et voilà que bien longtemps après sa mort il nous étonne encore. Une fois le dernier livre ouvert et posé une petite créature d’Ombre semblable à celle qui se baladait tout le temps avec Alyce apparut. Elle s’inclina devant nous et partit de là. Nous la suivîmes jusqu’au sous-sol où elle traversa un mur. Alyce lui emboîta le pas traversant à son tour le mur. J’avoue avoir eu un pincement au cœur lorsque à mon tour je plongeais dans le mur.  Une pièce inconnue ? Je suis certain que si on détruisait le manoir nous serions incapables de la retrouver, car cette pièce n’est pas vraiment là, mais ailleurs, il nous faudra découvrir son vrai emplacement un jour ou l’autre. L’endroit n’était pas bien grand mais il émanait des murs une lueur violette. Tout ici n’était que magie de l’ombre et même moi, qui ne suis pas versé dans les arts magiques, j’en ressentais la présence tellement c’était fort. Là, Alyce se mit carrément à vomir de l’Ombre, en fait à vomir Zil. Une autre personne apparut à son tour, ou en tout cas s’avança, peut être était-elle là depuis notre arrivée. Je restais bouche bée devant elle : c’était Artrezil. Ce qui se passa ensuite tient vraiment de l’incroyable. Je me souviendrais toujours de ses paroles réconfortantes à l’attention de sa créature. Cette pièce lui était consacrée, l’archimage n’avait pas eu le temps avant sa mort d’en révéler l’existence. Comment Alyce a-t-elle sut alors ? C’est l’une des questions à laquelle je suis prêt à me dévouer corps et âme afin d’en trouver la réponse. Artrezil s’escrimait à enchanter le pauvre Zil à la limite de la disparition. Peu à peu Artrezil renforçait celui qui était à la fois lui et son héritier. Des tentacules d’ombre bougeaient dans tous les sens, rendant le spectacle fascinant, et aussi dangereux. Alyce dans son coin ne bougeait plus. Ce petit manège dura une bonne heure avant que Zil ne soit totalement “fini”. Artrezil disparut comme il était apparu.

Quant à Zil le voilà tout neuf et pimpant comme lors de notre première rencontre...

J’ai vraiment l’impression d’avoir vécu un rêve éveillé. Dois-je chercher à comprendre ? Je crois que non et qu’au final je pense que seul le résultat compte. Zil est de retour parmi nous, il est l’héritage d’Artrezil et nous avons beaucoup de chance de l’avoir. Les mystères qui nous entourent sont nombreux et nous avons encore de longs jours devant nous avant de les découvrir.

Empire de Xzia

Chapitre 1 - Mécontentement

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Le hurlement des esprits était insoutenable. Daijin en méditation recevait de plein fouet leurs lamentations alors qu'ils disparaissaient les uns après les autres sous les flammes divines. Le lien tissé avec chaque membre de son clan lui permit d’être informé à tout moment de l’avancée de la situation au demeurant extrêmement critique. L’armée impériale, menée par la Kotoba était éparpillée, en déroute. Sans l’intervention du Mangepierre il ne resterait rien des hommes courageux envoyés lutter contre l’ennemi. Mais Daijin se souciait plus des esprits que des vivants et à ce moment même il savait que l’avenir allait être sombre... Cela se vérifia quelques jours plus tard, lorsque la Kotoba revint à Meragi, la capitale impériale. Les rumeurs de la destruction du Tombeau des Ancêtres et de la défaite impériale furent confirmées, minant le moral de la population. Gakyusha, blessé dans son orgueil fut rapidement convoqué avec son fils devant l’Empereur et ses ministres. L’Augure du Ciel lui-même était là attendant avec impatience le récit de son bras droit et le retour de son champion. Gakyusha et Iro ne se parlaient pas beaucoup et ce depuis de nombreuses années. Mais depuis quelques temps les deux hommes s’ouvraient l’un à l’autre et en cette journée ils étaient solidaires l’un de l’autre. Attendant tous deux devant la porte de la salle du conseil impérial, ils discutaient évidemment des derniers évènements.

- Ne t’en fais pas, fils, nous n’avons pas de raisons d’avoir honte de nous, dit le Seigneur Impérial les yeux plongés dans ceux d’Iro.

- Ah ? Moi je vois que nous avons perdu, dans la honte absolue, surtout pour moi porteur de Kusanagi. Je ne mérite pas cette lame et encore moins le titre de champion.

- Tu me dis ça depuis que nous avons quitté le champ de bataille. Je retiens pour ma part que tu as décapité une créature aux pouvoirs immenses et que sans l'intervention de cette chose divine nous battions ces scarabées et les nomades.

Sur ce le garde invita les deux hommes à entrer. Gakyusha rajusta sa tenue et passa devant Iro. A la vue des mines déconfites des ministres et de l’Empereur la discussion s’annonçait houleuse. Après un protocole parfaitement exécuté, tous deux se retrouvèrent à genoux au milieu de la salle, face à l’Empereur. A droite de celui-ci le premier ministre Akizuki éventail à la main examinait quelques notes sur un papier de riz. A gauche Daijin dévisageait Iro et Gakyusha avec une singulière désinvolture. L’Empereur lui restait impassible il réfléchissait aux derniers évènements et sur ce qui allait arriver pour son empire. Plus en retrait car n’étant pas ministre, Toran, anciennement régent impérial assistait à l’échange.

Iro s’inclina, front contre le parquet.

- Nous t’écoutons, champion de l’empereur, dit Akizuki en repliant son éventail.

- Vénéré Empereur, mon honneur est entaché d’une honteuse défaite. Dit-il en se relevant. Bien que la bataille fût au départ à notre avantage nous avons failli à notre devoir et par notre faute le Tombeau des Ancêtres a été détruit.

Akizuki allait répondre, mais Daijin s’interposa.

- Effectivement, c’est un échec. Pourtant cette mission d’envergure était simple, protéger le Tombeau des Ancêtres, éviter sa destruction ! Dit-il en colère.

A ce moment une très légère brume se leva dans la pièce et plusieurs formes fantomatiques apparurent ci et là. Puis des chuchotements, comme des plaintes à l’encontre des vivants se firent entendre.

- Entends, Champion de l’Empereur ! Cria Daijin, ils pleurent les ancêtres disparus à jamais !

Iro baissa la tête, il était évident pour lui qu’il méritait cette réprimande. Il dégaina lentement Kusanagi pour la poser au sol.

- Vous avez raison Daijin. Je ne mérite pas de porter plus longtemps Kusanagi, ni le titre de Champion de l’Empereur.

A côté, Gakyusha bouillait intérieurement de rage, on s’attaquait à son fils et cela de façon injuste. Aussi décida-t-il de rentrer dans la conversation, de façon peu cordiale.

- Nous pensez-vous plus fort qu’un dieu, seigneur Daijin ? Dit-il en se levant, à la surprise de l’assistance. Pensez-vous que votre titre de Conseiller Mystique vous accorde le droit de parler ainsi au Champion de l’Empereur ? Nous avons lutté du mieux que nous pouvions, j’ai vu Iro couper la tête d’une créature qui aurait pu vous battre Corbeau ! Seuls l’Empereur et le premier ministre peuvent lever leur voix à l’encontre du Champion ou de moi-même. Suis-je assez clair, ministre des « mystères » ?

La tension monta vite. Bien que de nature surnaturelle le visage de Daijin s’empourpra, il éclata de colère.

- Écoutez ceci, Seigneur Impérial car je suis...

Mais il fut coupé dans son élan. Kusanagi posée devant Iro vibra puis s’éleva dans les airs devant un Empereur surpris. Une nouvelle forme se dessina, une présence qu’Iro avait déjà ressentie. Tous restèrent ébahis devant celui qui fut le premier empereur. Ils se prosternèrent devant cet illustre ancêtre.

- La colère ne mène à rien, esprit Corbeau. Il est trop tard pour revenir en arrière, le Tombeau des Ancêtres n’est plus et sa destruction a créé une ouverture entre ce monde et celui des morts. Écoute-moi Empereur de cet âge car je suis là pour t’avertir. Ton monde est une proie de choix pour des puissances supérieures. Nous, ancêtres, étions leurs gardiens, mais à présent nous ne pouvons les retenir plus longtemps. Elles vont se réveiller et marcher sur l’Empire. Celui-ci doit rester uni comme il l’a été depuis que je l’ai créé.

Le premier Empereur fit le tour de la pièce, cherchant quelqu’un.

- Nashi !

Un des fantômes restés en arrière plan s’avança jusqu’à Xzia. Un homme portant un habit rouge en partie déchiré.

- Tu resteras auprès de la Kotoba tant que tu pourras, conseille-les sur ce que tu sais à propos de cette affaire.

- A vos ordres Premier Empereur, dit-il en s’inclinant.

Se tournant vers Daijin.

- Vous avez créé des jalousies en restant dans ce monde Corbeau. Certains de vos semblables sont offusqués, j’espère pour vous que vous ferez tout pour qu’ils restent où ils sont.

Il s’arrêta ensuite au niveau d’Iro et de Gakyusha.

- Vous avez fait de votre mieux et vous avez suivi le code de l’honneur à la lettre. Ne vous reprochez rien, gardez le cœur vaillant et la lame prête à s’abattre sur l’ennemi. Iro, tu manies Kusanagi aussi bien que moi, mon descendant a bien fait de te la confier.

Enfin il fit face à l’empereur actuel.

- Ta voie est différente de celle que j’ai choisie, je vois que tu diriges avec sagesse et non avec l'épée. Tu sais t’entourer des meilleurs éléments, garde confiance en eux.

- J’ai toute confiance en mon champion et en le Seigneur Impérial, illustre Aïeul. J’allais intervenir au moment de votre providentielle apparition. J’ai entendu votre avertissement et l’Empire tout entier fera en sorte d’éviter que les malheurs ne s’abattent sur lui. Hélas il nous faut aussi surveiller le destructeur du Tombeau des ancêtres, nul doute qu’il ne restera pas sur place.

- C’est là l’affaire des vivants...

Xzia disparut, tout comme les autres fantômes à l’exception de Nashi. Le calme revint. Daijin alla se rassoir à sa place, songeant aux paroles du premier Empereur à son égard.

- Remettez cette lame sur votre côté Champion de l’Empereur, je n’accepte pas votre remise en question. Vos actes sont valeureux et vous êtes pour le peuple de Xzia un exemple. Quand à vous Seigneur Impérial, bien que je sois du même avis que mon ancêtre je ne peux que vous recommander de ne plus agir sous le coup de la colère surtout en ma présence. Ceci dit, il est vrai que mon premier ministre et moi-même sommes les seuls à pouvoir nous permettre de lever la voix sur mon Champion et sur le Seigneur Impérial. Que cela soit su de tous ! A présent rejoignez les rangs, voyons donc notre nouvel invité.

Iro et Gakyusha s’assirent derrière l’Empereur le cœur plus léger.

- Nashi... L’un des frères chasseur de démons d’Onabunda ? Demanda l’Empereur avec beaucoup de curiosité.

- Lui-même, répondit le fantôme en s’inclinant.

Toran se leva et se faufila jusqu’aux côtés de Nashi dans le but de prendre la parole.

- Oui maître Toran ?

- Excusez mon interruption dans cette discussion. La présence de Nashi m’impose de vous révéler certains faits.

L’Empereur fronça les sourcils, on lui cachait quelque chose et ça ne lui plaisait pas.

- Nous vous écoutons Maître Tsoutaï.

- Il y a bien des années, alors que Xzia affrontait les légions draconiques venues du sud, une autre guerre se déroulait. Une guerre du silence, une guerre mystique que peu de personnes peuvent décrire aujourd’hui. Si Xzia a dirigé sa guerre, de son côté c’est la coalition des chasseurs d’Onabunda et des Tsoutaï sous l’égide du maître Akiyoshi qui ont mené les affrontements. Nous avons œuvré activement pour que ce qu’il s’est passé durant deux années ne soit pas connu. Je vous raconterai en détail le déroulement de cette guerre mais pour résumer nous avons confiné plusieurs Karukaï, des esprits malfaisants, dans le monde des esprits et des morts. Je pense que ce sont eux dont il s’agit, n’est ce pas Nashi ?

- Oui Maître Tsoutaï, vous avez raison. Et s’ils reviennent je me serais sacrifié pour rien.

- Je ne comprend pas tout, intervint Akizuki, mais pourquoi nous a-t-on caché ceci ?

- Parce qu’il le fallait. L’Empereur devait faire face à la Draconie, il nous appartenait de régler les problèmes internes à l’Empire, répondit Nashi avec calme.

- Oui, mais après la guerre contre le Draconie ? Interrogea l’Empereur.

- Les ancêtres ont leurs raisons, ils nous ont fait jurer de ne jamais en parler aux vivants. Et nous avons tenu nos engagements.

Cette réponse ne satisfaisait pas l’Empereur, mais il s’en contenta, du moins pour le moment.

- Merci pour vos réponses. Seigneur Daijin, je vous confie cette affaire, travaillez de concert avec la Kotoba et Nashi. Pour le moment inutile de révéler ces informations à la population. Disposez.


Le soir-même, dans un lieu tenu secret se tint une réunion des chasseurs de démons. Zatochi Kage, Nashi, Kyoshiro, Okooni et Ryouken formaient un cercle autour de Yu Ling. Autour d’eux des dizaines de bâtonnets d’encens diffusaient leurs fortes odeurs. De même plusieurs lampions de couleur rouge contribuant aussi à cette atmosphère au combien particulière. La vieille femme debout au milieu des autres fermait les yeux, écoutant les paroles de Nashi.

- Notre confrérie a traversé les âges sous le couvert du secret. Nous protégeons l’Empire des menaces mystiques dont il pourrait être la victime. Yu Ling, mets-toi à genoux devant tes pairs.

La vieille dame exécuta l’ordre avec beaucoup de difficulté.

- Par tes actes tu as mené à la mort un des nôtres lorsque She Zuan a tenté de se libérer. Pour cela tu as été punie.

Yu Ling se souvenait parfaitement de cet épisode malheureux d’il y a quelques années. Depuis elle portait sur son visage la marque de sa malédiction.

- Tu as assez payé pour ta faute. Moi Nashi, chasseur de démons d’Onabunda, efface ta marque et te libère de ton fardeau. Il arrive parfois que nous affrontions des forces incroyables, cela fut le cas autrefois et cela va être de nouveau le cas. Retrouve âge et beauté en ces temps tourmentés et dresse-toi devant nos ennemis.

Nashi posa sa main sur le front de Yu Ling et de son pouce translucide effaça la marque comme si l’encre était encore fraîche. De la fumée bleu nuit s’en dégagea et enveloppa rapidement la vieille femme qui tomba par terre. Elle se tordit de douleur, son corps se modifia et lorsque la fumée disparut, elle n’avait plus la même apparence. La vieille dame avait laissé place à une jeune femme dans la fleur de l’âge et belle comme le jour. Elle se sentait mieux et en pleine possession de ses moyens.

- Chasseurs de démons, c’est à nous d’agir à présent.

- Que devons-nous faire, demanda Kyoshiro.

- Allez aux quatre coins de l’Empire et rassemblez notre armée.

- Ça on peut faire ! Lança Okooni de sa grosse voix.

- Quant à moi je vais chercher quelques ancêtres égarés, je pense qu’il y en a encore, dit Zatochi. Puis regardant Ryouken. Tu viens avec moi ?

En réponse le loup de guerre plaça son museau sous la main de l’ancien général.

- L’Empereur veut que nous nous associons à Daijin et à la Kotoba, dit Yu Ling en se relevant.

- Et il a raison, nous allons avoir besoin d’eux. Il faut vérifier que les portes soient toujours scellées, répondit Nashi. Et ça ne va pas être chose aisée...

Chapitre 2 - Capturer un Karukaï

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Iro assis en tailleur sur un tatami regardait sévèrement un pauvre homme presque aplati sur le sol comme un misérable ver de terre. L’homme, visiblement paysan, s’excusait en boucle de la médiocrité de ses cultures qui avaient fourni peu de grains à l’Empire en cette année de disette. Mais Iro ne voulait rien entendre. Ses cheveux blancs noués et ses rides le vieillissaient énormément, pourtant il n’avait pas encore atteint l’âge vénérable mais les épreuves traversées l’avaient marqué au plus profond de lui. Il réajusta sa tenue de premier ministre, puis d’un geste agile posa la main sur Kusanagi. Il se leva lentement et laissa reposer le fil de la lame sur la nuque du pauvre homme.

- Si tu ne peux nourrir l’Empire, tu ne lui sers à rien !

Il arma son bras et abattit la lame, détachant la tête du reste du corps. D’autres personnes assistèrent au spectacle et furent horrifiées du geste. Mais Iro n’en avait rien à faire, il avait pour tache de mener l’Empire vers la gloire et la puissance, le reste n’avait pas la moindre importance.


Iro se réveilla en sueur. Voilà une semaine qu’il faisait le même rêve, toutes les nuits il se voyait âgé, décapitant un paysan qui demandait la rédemption. Ses nuits plus courtes commençaient à le fatiguer. Il passa un kimono rouge à l’insigne de la Kotoba et sortit un moment dans le jardin. Il faisait froid mais cela ne le gênait pas, il admira la lune pour moitié visible. “Je perds la tête” se dit-il. “C’est le milieu de la nuit et je sais que je ne vais pas pouvoir dormir plus longtemps”. Iro retourna dans son lit et attrapa Kusanagi.

- Xzia, ancêtre bienveillant, j’aurais bien besoin de tes conseils avisés. Je n’ai pas envie de parler aux autres de ce que je rêve, ça serait un aveu de faiblesse.

Il posa la lame du premier empereur à son côté puis fixa le plafond jusqu’à ce que le soleil se lève. Il s’habilla lentement, fatigué de cette nouvelle nuit sans sommeil. Il salua à peine son père et son grand-père qui discutaient des dernières nouvelles. Gakyusha n’aimait pas voir son fils dans cet état, il savait que quelque chose n’allait pas.

- Période difficile pour notre champion ? Questionna le grand-père à qui Iro ressemblait tant.

- Il est comme ça depuis quelques temps. Lorsqu’un homme commence à ne plus dormir convenablement c’est que son esprit est occupé par de mauvaises pensées. Je vais voir ce que je peux faire.

Plus tard dans le bureau de Gakyusha, Tsuro le maître des traqueurs écoutait attentivement son vieil ami inquiet pour son fils.

- Si tu veux je vais le surveiller quelques temps pour voir, si jamais quelque chose ne tourne pas rond je te préviens.

- Je te remercie de prendre du temps pour ça.

- Non c’est normal il est membre de la Kotoba, Champion de l’Empereur et aussi un ami. Tu sais ce qu’il doit faire aujourd’hui ?

- Il doit assister à un cours d’escrime à l’école impériale.

- Très bien, j’y vais.

Iro avait passé la matinée de service au palais impérial. Il avait assisté à d’ennuyeuses réunions politiques ainsi qu’à l’accueil d’un lointain chef de clan venu saluer l’Empereur. Tout cela fut d’une banalité affligeante pour notre héros épris d’aventures. Aussi fut-il content d’enfin arriver à l’école impériale, un lieu qu’il aimait pour y avoir passé quelques années. Mise en place par le père de l’actuel Empereur, cette école avait pour but de former les futurs magistrats impériaux, mais aussi les officiers et les futurs soldats. Petit génie des armes, fils du Seigneur Impérial, Iro avait très tôt incorporé le prestigieux établissement et en était ressorti trois ans plus tard avec le surnom du “Duelliste”. Maître Fu-Fa fut content de voir le champion, ce vieil homme à la barbe tombante sur ses pieds était le plus vieux maître d’arme de l’Empire et malgré son âge très avancé même lui aurait du mal à le vaincre.

- Iro, c’est toujours un honneur de te recevoir ici, mes jeunes apprentis sont véritablement impatients de recevoir les enseignements du champion de notre Empereur bien aimé.

- Allons, je vais leur enseigner ce que moi-même j’ai eu le privilège d’apprendre du meilleur bretteur vivant sur cette terre !

- Tu me flattes, à l’occasion il faudra vérifier si l’élève a dépassé le maître, surtout que cet élève porte désormais Kusanagi.

- Ce n'est pas impossible. J’accepte le défi, comme toujours. Il est temps de laisser la place à un plus jeune, dit-il sans vraiment faire attention à ses paroles.

Maître Fu-Fa resta choqué quelques instants face à cette dernière remarque fort peu respectueuse d’un aîné. Mais il ne lui en tint pas rigueur. Les élèves en tenue de combat légère étaient bien alignés, à genoux tout autour de la surface de sable réservée aux affrontements à l’épée. Iro s’installa du côté où il n’y avait personne suivi de près de maître Fu-Fa. Les élèves s’inclinèrent respectueusement.

- Comme vous le voyez jeunes gens, nous avons aujourd’hui l’immense honneur de recevoir le Champion Impérial qui a bien voulu accepter d’assister à notre séance d’enseignement.

Iro ne se sentait pas bien, il avait terriblement sommeil et comme une étrange impression de déjà vu. Maître Fu-Fa remémorait à ses élèves les règles que tout bon bretteur se devait de connaître. Puis afin que chacun puisse faire preuve de dépassement de soit, il motiva ses élèves en organisant un rapide tournoi, le gagnant serait alors confronté à Iro, bénéficiant ainsi de toute son expérience. Devant le challenge les élèves se surpassèrent. Iro ,ses pensées ailleurs, ne fut pas très respectueux des élèves, ses bâillements provoquèrent d’ailleurs quelques chuchotements d’indignation. “Qu’est ce qui lui prend ??” Se demanda Tsuro à quelques pas de là. “Cette histoire va remonter jusqu’aux oreilles de l’Empereur, ça peut lui nuire.”

Enfin après une bonne heure de joutes amicales le plus fort des élèves, un certain Yang Guo, arriva en tête. Il fut salué par maître Fu-Fa qui fut ravi de cette victoire, car il était à présent son meilleur élève. Le jeune homme s’avança vers Fu-Fa et Iro et comme le devait la tradition mit les genoux au sol et front contre terre. Dans la tête du champion il y eut un déclic. Il revit la scène de son rêve sauf que cette fois il était éveillé. Il se leva, se saisit d’une de ses épées et alla jusqu’à Yang Guo. Fu-Fa eut un mouvement de recul, ne comprenant pas ce qui se passait, les autres élèves se demandaient bien à quoi pouvait jouer le Champion Impérial. Tsuro, non loin de là, n’hésita pas une seconde et s’élança. Mais Iro était rapide et abaissa la lame. Cependant Yang Guo n’allait pas se laisser faire, il roula sur le côté et para de son arme le second coup que lui portait Iro. Tsuro arriva de justesse sur Iro avant que la moindre goutte de sang ne soit versée. Le maître traqueur, aidé de Yang Guo désarmèrent puis immobilisèrent le champion impérial qui tomba évanoui. Maître Fu-Fa réagit assez vite, comprenant que la situation n’était pas normale, il renvoya immédiatement tous ses élèves et ordonna à Tsuro et Yang Guo d’amener le Champion jusqu’à chez lui, en face de l’école. Là le champion fut confortablement allongé.

- Il faut prévenir le Seigneur Impérial, vite ! Il est chez lui en ce moment, vous voulez vous en charger jeune homme, dit-il à l’attention de Yang Guo.

Le jeune homme partit en courant, il n’en revenait pas de ce qu’il venait de vivre. Bien plus tard, chez Fu-Fa, Iro s’était réveillé et remit de ses émotions. Gakyusha avait suivi le jeune élève, demandant à Yu Lin de venir également pour examiner son fils.

- Alors Exorciste, qu’est-ce qu’il a ?

Yu Lin analysa les flux magiques autour d’Iro et son diagnostic était clair.

- Il est sous une influence magique, je reconnais là la marque d’un Karukaï !

- Alors la menace est bien réelle ? S’inquiéta Gakyusha. Exorciste, je m’en remets à vous.

Yu Lin passa la main sur le front de Iro, révélant un symbole en forme de vague.

- Le seigneur des serpents ! Il est ici !

- Ici... où ?? Demanda Tsuro.

- Je vais vous expliquer, c’est en rapport avec la création de Meragi. Avant que cette cité ne soit fondée, vivait ici un homme cruel, le seigneur Onoba. Il possédait toutes les terres de cette contrée et considérait les habitants comme des esclaves et sa perfidie était sans égal, conspirant pour gagner un maximum de pouvoir. Lorsque Xzia arriva dans la région dans le but d’unifier les clans il se retrouva confronté à Onoba. Cet homme à la langue de serpent fut l’un des plus grands défis du futur Empereur.

- L’histoire de l’Empereur et du Serpent ? Coupa Tsuro.

- Oui, et lorsque Onoba se retrouva avec son âme pourrissante entre les mains de son alter-ego serpent, ils s’unirent en fin de compte pour devenir un Karukaï. Il est probable qu’Onoba soit resté au même endroit que Meragi mais dans le monde des esprits. Il est dit que ce Karukaï aime les villes, ça ne serait pas étonnant qu’il soit ici à Meragi. Ajouta Yu Lin qui observait Gakyusha. Quelque chose ne va pas Seigneur Impérial ?

- Oui ça ne va pas. Je n’ai jamais beaucoup prêté attention à ces histoires, je ne crois qu’en ma lame. Notre famille est l’une des plus anciennes, nous descendons d’Onoba, dit Gakyusha qui commençait à comprendre.

Yu Lin inclina la tête, cette nouvelle n’était pas bonne.

- Il tente d’influencer Iro, dit-elle avec de grands gestes.

- Alors ? On peut faire quoi ? S’inquiéta Tsuro.

- On va devoir régler le souci. Il va falloir aller dans le monde des esprits et régler son compte à ce Karukaï de malheur...


Demeure du Corbeau, une maison lugubre dans un quartier lugubre de la capitale impériale. Tsuro et Iro assis l’un face à l’autre étaient entourés par Daijin, Malyss, Yu Lin, Kyoshiro et d’autres mages du clan du Corbeau. Tous dans la même position incantaient afin d’ouvrir un passage vers le monde des esprits.

- Pourquoi sommes nous que deux ? Demanda Iro à son illustre ainé.

- Pourquoi pas ? Aurais-tu peur d’un échec ? Dit Tsuro piquant au vif le champion.

- Non, je n’ai peur de rien.

- Alors concentre-toi.

Des dizaines de corbeaux apparurent les uns après les autres, tournoyant au dessus d’eux avec frénésie. Ils se mirent ensuite à voler de plus en plus bas, frôlant puis cognant Iro et Tsuro. Mais ni l’un ni l’autre ne pouvaient désormais bouger. Au bout d’un moment ils ne voyaient plus rien cachés par les plumes tombantes et les très nombreux oiseaux. D’un coup, plus rien, plus aucun oiseau mais une lumière vive et rouge. Et alors que leurs yeux s'adaptaient un sifflement se fit entendre, long et transperçant. Iro se leva d’un bond, plaçant instinctivement la main sur Kusanagi. Tsuro se leva à son tour le masque des traqueurs sur son visage.

- Je me sens bizarre dit le vieil homme.

- Moi aussi, quelque chose ne va pas...

Iro entendait toujours ce sifflement aigu et ne comprenait pas d’où il venait.

- Tu entends ça ? On dirait le sifflement d’un serpent, on doit être dans l’antre du Karukaï.

Tsuro tendit l’oreille mais ne comprenait pas car il n’entendait rien du tout. Seul Iro pouvait l’entendre.

“Mersssssi d’être venu” lui dit une voix dans sa tête, “à préssseent tu es à MOI !”

Iro eut une immense douleur dans le ventre qui le plia en deux. Le mal remonta rapidement jusqu’à sa tête, il crut mourir. Tsuro sauta alors sur Iro et lui mit un coup de poing au niveau du torse. Des symboles Xziarites apparurent sur le jeune champion.

- Hors de question !! Cria Tsuro en frappant une deuxième fois.

Là une forme translucide sortit d’Iro, une forme qui se mit à grandir et à grandir pour devenir enfin une sorte d’homme serpent. Son apparence était repoussante, cette chose à la peau écailleuse et rouge ne possédait pas d’œil et sur sa tête bougeaient plusieurs tentacules. Iro se tint à Kusanagi pour ne pas sombrer, la douleur passant.

- Tssssss, voilà qui est fâcheux, tu me prives de mon nouveau corps...

- Onoba ! Tu ne sortiras pas d’ici ! Hurla Tsuro qui s’assit en tailleur. Iro reprends-toi et frappe !!

Le champion à présent libéré de la présence d’Onoba avait la ferme intention de régler ses comptes. Il quitta le haut de sa tenue pour être libre de ses mouvements et attrapa Kusanagi dans une main et une autre épée dans l’autre.

- Vous croyez pouvoir battre le sssssserpent ?? Vous êtes chez moi issssssssi ! Mes règles !

- Tu vas voir tes règles ! Lâcha Tsuro souhaitant faire un trait d’humour.

Un cercle de protection se forma sous le maître traqueur, puis un autre, assez différent sur le Karukaï. Iro fonça et assena de violent coup d’épée sur la créature. Celle-ci surprise de ne pouvoir utiliser plus ses pouvoirs tenta d’esquiver et de répliquer. Malgré le glyphe de Tsuro, Onoba était une créature redoutable, Iro eut bien du mal à contrer les assauts. Le Karukaï, emprisonné se débattait tant qu'il pouvait.

« Prend la lame à deux mains et frappe, Iro, tu n'es pas le descendant d'Onoba, mais le mien !! »

Cette voix était celle de Xzia qui semblait se manifester dans les moments les plus délicats. Iro lacha sa deuxième lame, il prit de l'élan et sauta. Il fut surpris de se voir décoller à la hauteur de la tête du Karukaï. Il agrippa fermement Kusanagi à deux mains et frappa de haut en bas, découpant sur toute la longueur la peau de la créature qui hurla. Une matière gélatineuse, presque ectoplasmique dégoulina par la blessure. Tsuro qui avait fini sa concentration relâcha toute l'énergie du glyphe, un filet magique captura Onoba qui gigotait de douleur.

- Il est à nous ! Ce ne fut pas très difficile, dit Iro avec orgueil.

Le combat avait été bref, mais intense. Iro était à présent libéré de l'influence de son ancêtre. Mais il ne savait pas que tout cela était prévu et que le plan des Karukaï fonctionnait parfaitement...

Chapitre 3 - Le secret du Corbeau

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Il y a longtemps...


Daijin volait au-dessus des futures terres impériales, battant des ailes avec vigueur, porté par un vent vif. Lui qui avait vécu les premiers moments de son existence dans le monde des esprits. Il aimait tant cette liberté durement acquise auprès de Yachoukou, le Karukaï, maître des esprits oiseaux. Il avait imaginé ce moment avec fébrilité et lorsque, enfin, il trouva le chemin de la sortie du monde des esprits, il sut qu’il était désormais chez lui. Il visita les différentes régions des terres de Guem mais rien ne l’attirait plus que les grandes forêts de bambou des terres de l’est, là où les hommes semblaient révérer l’honneur comme un Kami. Il s'émerveilla devant tant d’ingéniosité, de courage et de bravoure, dont faisaient preuve ces hommes. Il fut encore plus impressionné par la facilité qu’ils avaient à s’entre-déchirer pour des questions territoriales ou parfois pour de simples banalités.

Puis vint l’ascension de Xzia. Cet humain qui par la force, la diplomatie et la perspective d’un monde meilleur rallia tous les clans sous sa bannière. Daijin était là lorsque cela arriva. Ce jour-là, il décida de prendre forme humaine et de vivre parmi eux. Peut-être pourrait-il en apprendre plus sur leurs coutumes et sur leur nature ? Et puis ainsi il échapperait aux recherches d’éventuels envoyés de Yachoukou. C’est ainsi que Daijin devint un vieil homme, du moins d’apparence, parmi les hommes.

Bien des années plus tard Daijin se retrouva dans une histoire dont il se serait bien passée. Était venu le temps de la guerre. L’Empereur Xzia allait bientôt mener ses armées contre la Draconie et le monde allait s’embraser. Daijin ne souhaitait pas y participer car il vivait en observateur et en ami des hommes. Depuis qu’il vivait dans l’Empire de nombreuses légendes à propos du Corbeau se racontaient au coin du feu et désormais le Corbeau tenait une place de choix dans la mythologie de cette région, on lui attribuait même des pouvoirs bien supérieurs à ceux qu’il détenait en réalité. Cela lui convint jusqu’au moment où l’Empereur pensant la victoire sur le point de lui échapper ordonna à ce qu’on lui trouve et lui amène ce “Corbeau”. Qu'à cela ne tienne, ce qu'Empereur désire, Empereur obtint. Daijin ne se cachait pas vraiment et il fut facile pour les conseillers de Xzia de le retrouver et de le conduire devant celui qui le réclamait. On l’amena à Meragi, la capitale qui chaque jour accueillait de nouveaux habitants, une ville bouillonnante d’activité. Daijin fut accueilli dans la salle du trône où l’Empereur et ses conseillers l’attendaient. Parmi ses gens le Corbeau reconnut une personne de l’ordre des Tsoutaï, il n’aimait pas ces gens car ils étaient à la fois dans ce monde et dans celui des esprits. Xzia parla.

- Corbeau, on m’a rapporté l’étendue de tes pouvoirs et ils nous seront utiles pour mettre en échec nos ennemis. Place-toi sous le commandement Tsoutaï et voit comment organiser notre défense magique.

Mais Daijin ne souhaitait pas intervenir dans cette guerre qui n’était pas la sienne. Aussi répondit-il le plus naturellement.

- S’il est honorable de vouloir le meilleur pour votre empire, sachez que je ne suis pas de ce monde et que je n’interviens pas dans le monde des hommes.

Ce refus public blessa profondément l’Empereur, provoquant un raz de marée politique. Xzia leva la main et fit taire l’assistance. Il n’était pas du genre à se laisser impressionner par qui que ce soit, humain ou non.

- Tu foules mes terres, tu es donc mon serviteur, car je suis l’Empereur, désigné par les Kamis pour dominer le monde des hommes mais aussi celui des esprits. Tu feras ce que bon me semble.

Daijin aurait bien agit à ce moment-là, mais il fut incapable de disposer de ses pouvoirs.

- Empereur, si les Kamis t’ont confié ce monde tu ne peux en revanche pas te targuer d’être le maître des esprits. Le monde dont tu parles est régi par d’autres lois. Je dispose de mon bon vouloir, je n’ai d’ordres à recevoir de personne.

La colère de Xzia éclata devant cet affront !

- Si tu n’es pas prêt à aider l’Empire tu disparaîtras !

Alors que les gardes aidés du Toustaï se saisissaient de Daijin incapable de résister. Alors qu’ils allaient sortir de la salle du trône Daijin lança une dernière phrase.

- J’ai tissé sur ton Empire un voile de malheur. Un jour l’Empereur ploiera devant moi comme un serviteur devant son maître. Je te condamne toi Xzia et tes successeurs à devoir pactiser avec ma descendance !!

Le Corbeau fut jeté au fond d’une mine désaffectée de grisfer, métal capable de contenir les pouvoirs de cet esprit et l’on entendit plus parler de lui.


Un passé très proche...


Bien des années ont passées. D’ici une quinzaine d’années la pierre allait tomber du ciel, provoquant un conflit majeur. Mais pour l’heure, l’Empereur avait fait rouvrir les portes de la mine de grisfer, envoyant une cohorte de petites mains extraire les derniers morceaux du précieux métal. Le jeune Oykun parcourait les boyaux de la mine, bravant le danger, fuyant les coups des contremaîtres. Au plus profond de la montagne il trouva un vieil homme à moitié conscient. Oykun s’empressa de lui venir en aide, lui donnant un peu de son eau alors qu’il n’en avait presque plus. Le vieillard au regard jaune s’essuya la barbe.

- Merci... merci jeune homme. Je ne sais combien de temps j’ai passé ici.

- Que faites-vous là vieil homme ? Demanda Oykun en éclairant les chaînes de grisfer retenant Daijin.

- J’ai été enfermé ici pour avoir soi-disant eu des paroles menaçante envers l’Empereur. Depuis je suis ici au fond de cette mine. Aide-moi, délivre-moi de ces chaînes et je sauverai ta famille de la servitude et de l’enfer de cette mine.

Oykun était très sceptique, mais il vouait envers les autorités une haine des plus féroces. Aussi alla-t-il chercher le moyen de délivrer le vieil homme, puis, une fois fait, il l’emmena à l’extérieur où depuis le temps la nuit était tombée. Daijin sentit à nouveau le vent frais sur son visage, humant les parfums de la forêt non loin de là.

- Mes pouvoirs vont mettre du temps à revenir jeune Oykun, amène-moi à ta famille, cache-moi. Dis-moi Oykun, quel est ton nom de famille ?

- Je suis Oykun Kage. Ne traînons pas, les contremaîtres surveillent les lieux.

La famille d’Oykun vivait dans les baraquements délabrés affectés aux ouvriers de la mine. Tout était sale et dans un piteux état. Daijin avait déjà observé par le passé l’asservissement de l’homme par l’homme, visiblement rien n’avait changé depuis son enfermement. L’arrivée du vieil homme et la façon dont Oykun le libéra sema la discorde parmi les membres de la famille Kage. Certains furent pour confier le vieillard aux autorités, d’autres voyaient là l’occasion de faire payer les souffrances qui leurs avaient été infligées. Finalement Daijin parvint à faire accepter sa présence parmi eux. Le lendemain soir Daijin allait mieux, il discuta alors avec Oykun de l’avenir qu’il allait offrir à sa famille.

- Je tiens toujours mes paroles Oykun. Dis-moi qui sont ces enfants qui dorment d’un sommeil agité ? Demanda Daijin en regardant deux jeunes garçons pelotonnés sous leur couverture.

- Lui c’est Oogoe et lui Karasu, quand à ce petit bout d’homme, dit-il en désignant un nourrisson, c’est Kotori.

Daijin voyait l’énorme potentiel des garçons et sut que cette rencontre allait lui permettre de prendre sa revanche.

- Je prendrai tes fils, tes cousins, tes oncles et tout ceux qui voudront se placer sous ma protection. Je déferai les chaînes qui t’entravent comme tu l’as fait pour moi. Ensuite nous irons à Meragi et nous prendrons le contrôle. Cela sera peut-être long, mais nous y parviendrons.


A présent...


Daijin était revenu à Meragi depuis longtemps. Le clan du Corbeau avait rapidement prospéré tout comme Daijin eut sa vengeance en empoisonnant les rêves de l’Empereur. Puis la situation avait évolué et à présent Daijin était un conseiller de l’Empereur, enfin reconnu et surtout respecté. Une nouvelle menace frappait l’empire, les Karukaï allaient bientôt fouler cette terre ce qui horrifiait Daijin. Il avait longtemps échappé à Yachoukou, mais la barrière entre le monde des esprits et ce monde était brisée.

Kotori Kage, le plus jeune de la famille se révéla vite comme un petit garçon doué dans les arts martiaux. Grâce à la puissance du clan et à ses incroyables facultés il parvint à intégrer l’ordre des traqueurs. Shui Khan, qui reçut les enseignements de Tsuro transmettait à présent son savoir au jeune Kotori. Leur entraînement les avaient mené dans la forêt des arbres millénaires de Kobimori non loin de Meragi. Kotori courrait, en zigzagant entre les arbres, il savait qu’à tout moment son maître pouvait surgir, le but étant de lui échapper le plus longtemps possible. Jusque-là tout allait bien. Puis une lame frôla son visage. Il plongea derrière un gros rocher pour se cacher.

- Je croyais qu’on utilisait pas les kunaïs maître ! Hurla Kotori.

Puis il s'aperçut que l’objet qui failli le blesser n’était pas un kunaï, mais une lame de métal noir en forme de plume. Ce n’était pas là une arme de traqueur ! On l’attaquait pour de vrai, malgré cela il garda son calme, analysant la situation, tentant de découvrir où se trouvait son ennemi. D’après l’angle de la lame et sa vitesse, son ennemi était dans un des arbres à quelques mètres à peine de sa position. Rapidement il s’équipa, armant son lance-aiguille, dégainant plusieurs kunaïs. Puis d’un bond il sauta sur le rocher qui l’abritait, lançant les kunaïs dans l’arbre. Puis une nouvelle lame noire fila à toute allure en direction de la tête de Kotori, mais un kunaï venu d’ailleurs le percuta avant qu’il n’eut touché le jeune traqueur. Shui Khan apparut aussitôt au pied de l’arbre, il tenait une petite dizaine de shurikens serrés entre ses doigts. D’un geste agile et puissant il les lança en l’air, coupant feuilles et branches. Profitant de la diversion Kotori fonça sur les premières branches de l’arbre. Mais il ne trouva rien de plus que quelques plumes noires voletant doucement vers le bas. Shui Khan surveilla les environs mais l’agresseur n’était plus là.

- Ca va Kotori ?

- A part que j’ai failli me recevoir une lame en plein visage, ça va. Qu’est-ce que c’était ?

- Aucune idée, mais j’ai senti une présence malsaine dans les environs, je ne me doutais pas un seul moment que tu risquais quelque chose.

- J’étais pris pour cible ? Demanda Kotori en ramassant les plumes tombées.

- Oui, à n’en pas douter. Tu m’as l’air le mieux placé pour comprendre cette histoire, dit Shui Khan en montrant les plumes. Rentrons à Meragi, je vais informer le Seigneur Impérial de cette histoire.

- Et moi je vais demander à celui qui pourra me répondre.

Daijin discutait avec Oykun dans la grande salle de la demeure du clan. L’ancien mineur avant quelques années de plus et ses tempes grisonnantes lui rappelaient que le temps avançait inexorablement. Le jeune mineur qui sauva autrefois le Corbeau était devenu une personne importante, gérant le clan avec Daijin. Leur discussion fut coupée par l’arrivée de Kotori qui avait couru jusqu’ici pour éviter toute rencontre fortuite. Il s’inclina devant le Corbeau et devant son père.

- Désolé de vous déranger tous deux...

- Qu’est-ce qu’il y a ? Demanda Oykun en fronçant les sourcils.

- On... on vient de tenter de m’assassiner, dit-il en tendant les plumes récupérées sur place.

Le visage d’Oykun devint blanc, quelqu’un avait tenté de tuer son fils ! Quant à Daijin, il prit les plumes, il en avait déjà vu de semblables.

- Qui a osé faire ça ?? Cria Oykun.

Kotori ne sut quoi répondre.

- Calmez-toi seigneur Oykun, je sais qui a fait ça, et je pense que ce n’était pas vraiment une tentative d’assassinat, mais un avertissement, voire une invitation. Mais cela me regarde, moi, esprit Corbeau.

- Je n’aime pas que l’on se serve des miens pour des histoires d’esprits !

- Je comprends ta colère, je vais.. régler ça, et je tiens toujours parole.

Oykun grinça des dents mais ne répondit pas, préférant examiner son fils pour voir s’il n’était pas blessé. Daijin lui alla jusqu’à ses appartements, tout en haut de sa demeure, puis ouvrant la fenêtre il se transforma en un énorme corbeau. Il vola en direction de la forêt de Kobimori. Lui qui percevait la présence des esprits en trouva d’innombrables ici.

- Si proche de Meragi, cela ne va pas du tout.

Puis il repéra celui qu’il venait voir et à ce moment précis il avait peur. Il retrouva forme humaine et s’approcha de quelqu’un ou de quelque chose.

- Je vois que tu as le courage de venir me voir mon petit Corbeau... Mais... que tu es laid ! Dit cette étrange personne à moitié humaine et à moitié oiseau. Change-moi ça !

Daijin changea d’apparence, rajeunissant alors.

- C’est mieux.

- Seigneur Yashoukou...

- Ma présence ici te fait peur n’est-ce pas mon petit Corbeau. Tu m’as échappé longtemps, mais maintenant que je t’ai retrouvé nous allons pouvoir régler nos.. différents. Beaucoup de Karukaï parlent de toi, ils ont peur que tu les trahisses comme tu m’as dupé, moi, mon petit Corbeau.

- Vous n’êtes pas encore totalement dans le monde des hommes, vous ne pouvez rien contre moi.

- C’est vrai, c’est vrai, je ne suis pas encore capable de t’égaler dans ce monde. Aussi j’ai prévu d’autres plans... Tu sembles attaché à cette famille humaine... les Kage. Nous allons commencer par eux mon petit Corbeau.

A ce moment là jaillirent des arbres des arbres des dizaines et des dizaines d’oiseaux, des corneilles, des corbeaux et autres volatiles de même acabit.

Tous s’envolèrent vers Meragi sous l’œil amusé de Yashoukou.

Sol’ra

Chapitre 1 - Mise à l'épreuve

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Le soleil était levé depuis bien longtemps sur le désert d’émeraude. Comme à son habitude le premier conseiller du roi, le Vizir Mahamoud consultait les missives arrivées durant la nuit. Le thé à la menthe des rives de l’Ekta diffusait une délicieuse odeur, le vizir aimait la relative fraîcheur des lieux à cette heure-ci. La journée s’annonçait bien, les nouvelles jusque-là excellentes le mettaient de bonne humeur. Il se risqua même à se servir à nouveau du thé. Alors qu’il portait la tasse à ses lèvres il remarqua un parchemin plié portant un sceau de cire. Ce pli ne venait assurément pas du royaume du désert, mais d’ailleurs, ce qui était chose rare car peu de personnes parmi les autres nations s’intéressaient au désert. Il posa sa tasse fumante et examina le sceau.

- Le Conseil des Guildes...

Il décacheta le pli et commença à parcourir les écritures. La lettre était rédigée de main de femme.


“Très estimé Vizir Mahamoud,

Voilà un moment que je ne vous ai fait parvenir de nouvelles et celle que je m’apprête à vous donner est hélas très mauvaise. Une réunion exceptionnelle du Conseil a eu lieu en début de ce mois. Il a été voté à la majorité la dissolution temporaire des Nomades du Désert. Cette décision a été validée par le Conseiller-Doyen Vérace et a pris effet dans le même temps.

Vizir, je ne peux que vous alerter de l’opinion extrêmement défavorable à l’encontre des Nomades du Désert et par extension envers le royaume du désert. La décision a été motivée par les récentes attaques sur le Tombeau des ancêtres menées par Ïolmarek. Sachant qu’une petite partie de ces terres, à savoir l’endroit où s’est écrasée la pierre tombée du ciel et ses proches environs sont désormais la propriété des Combattants de Zil. Par conséquent les actes des Nomades ont été jugés comme une agression vis à vis des Combattants de Zil.

Vizir, jusque-là nous avons réussi à épargner le désert d’émeraude de la venue des étrangers et ceci grâce au fait de notre présence au Conseil. A présent que la guilde est dissoute, il est probable qu’il y ait de graves conséquences. Aussi je vous implore de ramener Ïolmarek à la raison.

Ayant de bonnes relations avec les Combattants de Zil je vais tenter de calmer les tensions en attendant des ordres de votre part. Le Conseil m’autorise à garder mes fonctions auprès d'eux, mais je ne sais pas pour combien de temps encore.

Votre dévouée,

Hasna”


Mahamoud relut la lettre à plusieurs reprises pour bien assimiler chaque information. Familier des complots et un peu paranoïaque il y vit de prime abord une machination à l’encontre des Nomades, mais n’étant pas homme à agir sous le coup de la colère il lui fallait plus d’informations. Il replia soigneusement la lettre et la glissa à l’intérieur de sa veste puis d’un trait avala le reste de thé.

- Atcha !

Une servante d’un certain âge entra dans la salle et regarda le vizir avec respect.

- Je m’absente pour la journée, va voir Arzeb, dis-lui qu’il prévienne les Nomades du Désert encore présents dans le royaume, ils sont convoqués sans délai.

- Bien vizir, ça sera fait.

- Merci.

Mahamoud avait décidé en tout premier lieu de prévenir le roi du désert de cette mauvaise nouvelle. A cette heure-ci il trouva le roi et la majorité de la cour en route vers le temple de Sol’ra à Mineptra. Devant le visage inquiet de son premier conseiller, le roi accepta une entrevue à l’écart, au risque d’être en retard pour la Vénération. Une fois la situation expliquée et un bref échange d’opinions Mahamoud reprit sa route avec la ferme intention de résoudre cette fâcheuse histoire.


A l’oasis d’Istaryam, le prince Metchaf, Urakia et Kébèk s’adaptaient à une nouvelle vie, une vie sans Sol’ra mais sous l’égide du panthéon originel ou du moins ce qu’il en restait. Depuis qu’Istaryam avait été en partie détruite et que les anciens dieux étaient libres, des groupes de personnes arrivaient pour se mettre sous la protection du prince. La nouvelle se répandait vite au grand damne de Metchaf car cela arriverait tôt ou tard aux oreilles de son père. Il le redoutait car cela lui imposerait une confrontation qu’il ne désirait pas vraiment. Le destin eut tôt fait de s’occuper de lui imposer cette confrontation...

La femme qui s'avérait être l’incarnation de Naptys alla trouver le fils du roi.

- Il y a une personne que j’aimerais vous présenter. Elle a quelque chose à vous révéler, prêtez-lui une oreille attentive. Elle vous attend de l’autre côté du lac.

- Vous êtes bien mystérieuse, Déesse.

Cette remarque la fit rire aux éclats.

- C’est là l’avantage d’être un dieu ! Et puis c’est juste que je tiens à ce que vous fassiez connaissance de cette personne, quelque chose me dit qu’elle restera à vos côtés de longues années.

- On verra bien.

Sakina était l’une des rares prêtresses de Naptys. Elle bravait depuis plusieurs années les interdictions de Sol’ra vis-à-vis des autres cultes. Son peuple vivait par et pour le voyage, préférant éviter les cités et les contacts avec les autres communautés. Naptys avait décidé de guider ce peuple vers Istaryam afin que dieux et mortels cohabitent dans une harmonie nouvelle. La jeune femme aux cheveux bruns trempait ses pieds dans l’eau tiède du lac se délectant du contact du liquide de vie. Sakina aimait la vie et c'est pourquoi elle avait une grande affinité avec la déesse qu'elle représentait : Naptys. Elle plongea les mains dans l’eau et s’aspergea le visage. Metchaf avait fait le tour de l’étendue d’eau et avait vu cette jeune femme belle comme un rayon de soleil. Il se demanda si Naptys lui avait dit qu’eux deux s’entendraient bien parce qu’il aimait séduire les femmes ? Hors cette jeune femme n’avait pas à rougir à côté d’Urakia et de la fille de l’Aïf d’Aksenoun. Metchaf se para de son plus beau sourire de séducteur en arrivant face à Sakina. La prêtresse le dévisagea quelques instants de ses grands yeux.

- Les légendes sur ta beauté sont loin de la vérité Prince, Naptys a bon goût.

Cela toucha le prince en plein cœur. Il ne montra pas sa gêne pour rester digne face à une personne de classe sociale bien inférieure à la sienne.

- Merci merci. Ravi de vous connaître...

- Sakina...

- Un joli prénom, dit-il pour reprendre l’avantage.

Mais son effet tomba à l’eau car elle détourna le regard vers l’étendue d’eau.

- J’ai quelque chose à te montrer Prince Metchaf, regarde le présent...

Interloqué il jeta un œil à la surface de l’eau. Il y vit des images mouvantes...

Les Nomades du désert partis vers la lointaine pierre tombée du ciel se battant contre des guerriers vêtus de rouge...

Puis Ïolmarek et les autres prêtres de Sol’ra priaient au pied de la pierre...

Le cristal jaune se fendit et une créature d’énergie prit possession du corps d’une personne que Metchaf ne connaissait pas...

Enfin une créature à la puissance divine apparut...

Enfin la vision cessa. Metchaf réfléchissait à la signification de ce qu’il venait de voir.

- Qu’est-ce ?

- Si tu fais référence à la créature au bec de faucon, il s’agit de Sol’ra venu sur Guem pour la détruire.

- La détruire ??

- Oui Prince, Sol’ra n’a que faire de ceux qui le prient et encore moins de ce monde, il n’a qu’un but l’anéantir.

- Que faire face à ça ?

- Tu as ouvert la voie en te détournant de lui. Maintenant les choses changent rapidement, un oiseau venu de la capitale va arriver, t’apportant un message.

- Vois-tu l’avenir ?

Sakina sourit alors et montra le ciel.

- Non, dit-elle alors qu’un faucon se posa sur son avant-bras.

Metchaf comprit alors qu’elle l’avait vu arriver, il était de notoriété que le faucon servait de messager royal. Cela se vérifia immédiatement lorsque Metchaf détacha le message du collier de l’animal et le parcourut très vite.

- Le Vizir Mahamoud convoque tous les Nomades du Désert. Ça aussi tu le savais ?

- Non, mais je pense que ça a un rapport avec la vision de tout à l’heure. Je suis persuadé qu’il n’y a une coïncidence entre le retour des dieux et la venue de Sol’ra sur cette terre, mais que ce n’est que le début.

- Dans ce cas, nous allons à Mineptra, nous accompagnes-tu ?

- Oui.

Quelques jours plus tard Metchaf, Sakina, Kébèk et Urakia étaient arrivés à Mineptra. Sans tarder la troupe demanda audience au Vizir Mahamoud, ce dernier les reçut dans ses appartements. Il fut heureux de revoir sa fille dont il n’avait plus de nouvelle depuis son départ avec le prince. Le vieil homme serra fort sa fille contre son cœur les yeux pétillants, puis il salua le prince en s’excusant de ne pas l’avoir fait avant.

- Qui sont ces personnes ? Demanda Mahamoud en direction de Kébèk et Sakina.

Le prince jeta un œil à l’entrée de la pièce pour vérifier qu’ils étaient seuls.

- Voici Kébèk guerrier de Kapokék et Sakina prêtresse de Naptys.

A l’évocation de ces noms le vizir se raidit, fronçant les sourcils.

- Installons-nous Vizir, je vais vous raconter notre histoire. Kébèk ! Peux-tu garder l’entrée, personne ne passe, pas même mon père !

Metchaf conta alors son aventure, comment il avait rencontré Shrikan et déjoué les complots rebelles à Aksenoun, puis l’histoire d’Istaryam et des dieux emprisonnés, sa rencontre avec Kébèk et la libération de Ptol’a, Naptys et Kapokék et surtout l’arrivée sur Guem de Sol’ra au travers de la vision de Sakina.

- Tout cela doit rester entre vous et nous, Vizir.

- Je... je comprends bien. De mon côté les nouvelles sont mauvaises. Le Conseil des guildes a dissout temporairement les Nomades du Désert, Ïolmarek et consorts ont perdu la raison. Lisez ceci, dit-il en tendant la lettre envoyée par Hasna.

Sakina et Urakia lisaient en même temps par dessus l’épaule du prince, ce dernier se pinça les lèvres.

- Que pense mon père de ça ?

- Votre père est un croyant fidèle, mais il a les yeux ouverts. Il vous faudra aller le voir avant votre départ.

- Départ ? Où allons-nous ?

- Les Nomades du désert ont été créés sur un principe politique et non religieux. Cela nous permet de récolter des informations, assurer le commerce avec l’extérieur et maîtriser nos frontières. Il nous faut une guilde officielle, nous ne sommes pas en mesure de nous passer des Nomades. Aussi je vous envoie plaider notre cause auprès du Conseil et s’il faut se dresser contre Ïolmarek nous le ferons. Nous sommes à l’aube de changements majeurs, votre père le sait et je pense qu’il compte sur vous pour assurer sa relève et éviter que le royaume du désert ne sombre dans le chaos. L’action de Ïolmarek nous porte préjudice et le monde nous met désormais à l’épreuve.

- Dans ce cas, dit le prince en regardant ses compagnons, préparons-nous au voyage !

Chapitre 2 - Guerre divine

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Le prince Metchaf, le Vizir Mahamoud ainsi que leurs compagnons avaient fait un long voyage depuis Mineptra. Devant eux les hautes tours du château de Kaes se dressaient, éternelles, elles rappelaient à qui les apercevrait que le Conseil des guildes siégeait ici. Et c’est justement ce Conseil que les Nomades du désert venaient visiter. Les nouvelles n’avaient pas été bonnes pour eux et ils comptaient plaider leur cause. Prévenue de leur arrivée imminente Hasna se tenait devant la grande porte du domaine, entourée de soldats du Conseil à la livrée pourpre. Son cœur battait la chamade, elle allait revoir ses compatriotes et cela la rendait joyeuse. Lorsqu’elle vit la caravane avec ses chameaux et ses palanquins elle sentit le parfum du sable lui apportant un petit bout de chez elle. Urakia, Kébèk et Sakina furent les premiers à poser le pied sur le sol froid, vérifiant ainsi la sureté des lieux. Puis le prince Metchaf et le vizir Mahamoud sortirent des palanquins. Hasna s’inclina, écartant les bras comme le voulait les traditions du royaume du désert.

- Prince Metchaf, Vizir Mahamoud, c’est un véritable honneur pour le Conseil des guildes ainsi que pour moi de vous accueillir ici. Soyez les bienvenus au château de Kaes. Votre route a été longue aussi je vous invite à me suivre. Je vais vous mener jusqu’aux appartements préparés pour vous.

Mahamoud avança jusqu’à elle afin de compléter le protocole.

- Merci au Conseil des guildes de nous recevoir. Nous souhaitons nous entretenir avec le Conseil au plus vite.

- Le Conseiller-Doyen Verace vous recevra dès que vous serez installés.

- Merci ambassadrice, je ne manquerais pas d’informer sa majesté de vos efforts pour le satisfaire. Dit-il pour clore les civilités.

Hasna se redressa et fit signe aux gardes d’aider le convoi afin de mener leurs illustres invités aux appartements.

- J’en peux plus de ce voyage, j’ai cru que ça ne se terminerait jamais, lâcha Kébèk.

- M’en parle pas, les dieux ont créé les chameaux pour marcher sur le sable par sur la terre étrange de cette région du monde, ajouta Urakia en se jetant dans un confortable fauteuil.

- Il fait froid, c’est étrange comme sensation, répliqua Kébèk en regardant dehors.

- Un grand guerrier comme toi, avoir froid ? Ironisa Urakia. Où sont le prince et mon père ?

- Ils sont partis voir le Conseil. On fait quoi ? S’inquiéta Sakina.

- Je peux vous faire visiter, déclara Hasna impatiente de faire découvrir les environs aux nomades.

Alors que certains passaient du bon temps, pour le prince Metchaf et le Vizir Mahamoud la partie d’échec avec le Conseil avait démarrée. Ils furent reçus dans le salon des appartements de Vérace. Les serviteurs s’affairaient à proposer boissons et nourritures aux invités qui pour l’occasion avaient laissé armes et armures de côté, arborant de somptueuses tenues exotiques. Vérace, tenant le bâton de cérémonie du Conseil s’installa face à eux et sans détour ni ménagement il posa la question qu'il lui semblait nécessaire de poser.

- Prince, Vizir, notre temps, à vous comme à moi est très important. Aussi sans attendre je me dois, au nom du Conseil des guildes que je représente, de vous demander pourquoi nous devrions reconsidérer notre décision de dissoudre la guilde des Nomades du désert ?

Cette question était l’essence même de leur rencontre, le prince et le vizir avaient eu le temps du voyage pour monter un argumentaire qui pourrait selon eux aller en leur faveur. Le Vizir prit la parole.

- Conseiller-Doyen, merci d’avoir accepté de nous recevoir et de nous donner l’occasion de défendre au mieux notre vision des choses. Le désert est un lieu de secrets et de mystères, ce qu’il s’y passe n’est pas connu des personnes qui n’y résident pas. Voilà plusieurs mois que de grands changements secouent notre civilisation, nous sommes, si nous pouvons dire ainsi à nouveau dans une guerre divine.

Vérace ouvrit de grands yeux, indiquant par là qu’il n’avait pas connaissance des faits. Le Vizir continua.

- Une partie des Nomades du désert a agi contre les intérêts du roi du désert et par cela a trahi notre confiance. Ïolmarek, grand prêtre de Sol’ra, aveuglé par sa foi inconditionnelle dans celui que nous considérons aujourd’hui comme notre ennemi, a provoqué un désastre sans nom. J’ai été nommé par sa majesté Fils du Sable et des Dieux comme nouveau dirigeant des Nomades du désert et c’est en cette qualité que je vous demande de bien vouloir nous accorder votre confiance.

- Comment être sûr que vous ne trahirez pas à nouveau cette... confiance. La venue de cette créature a provoqué une guerre entre guildes et beaucoup de guerriers du désert sont en ce moment en passe d’attaquer la Cœur de Sève.

- Nous ne reconnaissons plus ces guerriers comme étant des Nomades du désert. Nous sommes venus ici pour montrer notre bonne foi, si j’ose dire ainsi. Nous combattrons cette menace qui pèse sur les terres de Guem car il est dans nos intérêts de rétablir la situation. La dernière fois qu’un tel évènement s’est produit cela a été la fin de florissantes civilisations du désert, nous ne souhaitons pas que cela advienne à nouveau. Nous connaissons bien notre ennemi et vous ne trouverez pas de meilleurs appuis dans cette guerre qui vous oppose à Sol’ra, nous sommes nous même des envoyés d'anciens dieux du désert désireux de rétablir l’ordre au sein de leur panthéon.

A son tour le prince Metchaf s’adressa au Conseiller-Doyen.

- J’ai combattu les Solarians dans le désert, je sais à présent qu’ils n’ont rien de bienveillants et que leur désir le plus profond est de détruire ce monde. Et nous ne pouvons... vous ne pouvez pas laisser passer cette occasion. Nous partirons dès demain pour affronter Sol’ra !

Vérace ne laissa rien exprimer de ses impressions sur tout cela.

- Je vais porter vos arguments durant la séance de cet après-midi. Hasna vous informera de ce qui sera décidé. Joignez-vous à nous durant le repas, j’ai cru comprendre que vous avez ramené du Laardish ? Dit Vérace pour détendre l’atmosphère.


Fin d’après-midi. Le soleil se cachait derrière les arbres nus lorsque Hasna entra dans la grande salle de réception où attendaient les Nomades du désert.

- Alors ? S’inquiéta Metchaf.

- Voici la décision du Conseil, dit-elle en déroulant un parchemin. Le Conseil, représenté par le Conseiller-Doyen Vérace en ce jour a statué sur la demande formulée par le Roi du désert par le biais du Prince Metchaf et du Vizir Mahamoud. La guilde des Nomades du désert est temporairement acceptée et reconnue comme telle par le Conseil des guildes. Le Vizir Mahamoud est reconnu comme actuel chef de guilde des Nomades et remplace le grand prêtre Ïolmarek déchu de la direction des Nomades du désert. Est convenu que cette décision est soumise à une période au terme de laquelle, si la guilde des Nomades du désert n’a pas suivi les règles du Conseil des guildes, celle-ci sera remise en cause. Pour le Conseil des Guildes, Conseiller-Doyen Vérace.

Kébèk fronça les sourcils.

- J’ai rien compris.

Tous éclatèrent de rire, le prince se leva de son siège pour récupérer le parchemin tendu par Hasna. Le Vizir se leva à son tour.

- Ça veut dire que les Nomades du désert ne sont plus des parias. Mais aussi que nous devons faire nos preuves. Aussi, Nomades du désert, préparez-vous, nous partons affronter la mort.

- La mort ?? Je suis déjà mort plusieurs fois, c’est pas une fois de plus qui va m’arrêter !! Répondit Kébèk en montrant ses biceps.

- Espérons-le... ajouta Sakina rêveuse.


Plusieurs semaines avant cela, au Tombeau des ancêtres, la guerre faisait rage.

- NOOOON FUYEZ TOUS ! OU VOUS ALLEZ PERIR !!! Hurla le Mangepierre comprenant qu’elle serait incapable de contrer l’avatar de Sol’ra.

Voyant la résistance dont faisait preuve la créature de Guem, l’avatar décida de commencer son œuvre et de détruire les environs et toutes les créatures vivantes qui s’y trouvaient. Un rayon de soleil le frappa, comme si l’astre qui brillait haut dans le ciel réagissait à la volonté de l’avatar, la chaleur augmenta encore plus, puis servant de relais il envoya à son tour le rayon solaire. Le Mangepierre vit le rayon partir, et elle le savait, si ce dernier touchait terre ça serait une catastrophe. Elle n’avait pas le choix, elle devait l’arrêter. Elle plongea à toute vitesse et s’interposa.

Le temps se mit à ralentir pour toutes les personnes présentes à l’exception de l’avatar et du Mangepierre. Tous deux se retrouvèrent face à face. Le rayon solaire s’arrêta avant le sol, figé par le sortilège du temps. Le dieu destructeur ne comprenait pas cette magie, mais il ne fit pas l’erreur de sous-estimer cette chose qu’il ne connaissait pas.

- Je sens chez toi la présence de mon vieil ennemi, créature. Je ne sais pas ce que tu as fait mais arrête cela de suite !

Le Mangepierre en lévitation devant l’immense tête de l’avatar sourit pour la dernière fois de sa vie.

- Il m’est impossible de te battre. Mais à présent j’y vois clair, je sais qui je suis, je sais qui tu es et je sais ce que je dois faire. Hors si je ne peux te vaincre, je peux te ralentir Solar et donner aux autres parties de Guem le temps nécessaire pour parvenir à te contrer ! Dit le Mangepierre alors qu’une aura de lumière verte se développait autour de son corps.

Une onde, comme une explosion, fut projetée de son enveloppe, libérant toute la magie qu’elle enfermait au plus profond d’elle. Incapable de l’éviter, Solar reçu la magie de plein fouet et se figea aussitôt. Pour lui le temps venait de s'arrêter. Très affaibli le Mangepierre reprit un court instant sa respiration.

- Tu as déjà essayé à maintes reprises de me détruire, ce n’est pas cette fois que tu réussiras, dit le Mangepierre.

Puis allant vers son destin elle s’interposa devant le rayon solaire et retourna dans le bon fil du temps. Le rayon solaire la frappa, mais le Mangepierre en offrant ses dernières forces évita le pire des scénarios. L’explosion projeta tout le monde au sol...


Aujourd’hui.

- Pourquoi il bouge pas ?? Interrogea Kébèk regardant l’avatar non loin de là.

- Oui c’est étrange, ça fait deux bonnes heures que nous l’observons, il est comme figé, répondit Metchaf.

- Profitons-en, s’il bouge pas ça n’en sera que plus facile, dit Urakia en dégainant son épée.

- Avançons-nous, mais attention il peut y avoir d’autres Nomades dissidents, ordonna Mahamoud qui tenait son casque à tête de lion sous le bras. Que les dieux nous guident sur le chemin de la victoire !

La troupe n’eut aucun mal à avancer car tout autour de l’avatar n’était que désolation et sable. Ci et là des morceaux d’armures, des bouts d’armes rappelaient la violence de la bataille qui eut lieu il y a quelques semaines.

- Attention !! Prévint une voix venue de nulle part.

Les nomades avertis à temps échappèrent de peu à l’assaut d’une chose mi-humaine mi-scarabée. Au même moment un homme spectral à tête de lion apparut aux côtés des Nomades. La créature qui n’était autre que l’incarnation de Kehper frappait de ses griffes chitineuses les guerriers immortels.

- Kehper ! Cria l’apparition, qui n'était autre que Naptys.

Ni une ni deux Kébèk s’interposa devant la créature.

- Il est pour moi celui là !!

- Misérable tu n’es rien qu’un insecte ! Invectiva Kehper.

- Tu t’es vu face de scarab ? Plaisanta Kébèk en encaissant un coup de poing de son adversaire.

Metchaf épaula son compagnon de combat en donnant quelques coups d’épée sur la carapace de l’incarnation. Puis à ce moment là Ptol’a et Kapokèk apparurent à leur tour.

- Vizir, la bataille commence ! Ouvrez-nous vos âmes et alors nous ne ferons plus qu’un ! Cria Ptol’a.

Les pièces du puzzle s'emboîtaient parfaitement et alors que Kébèk devint Kapokèk, qu’Urakia devint Ptol’a et que Naptys s’incarna en Mahamoud, le sort qui figeait l’avatar fut brisé par sa volonté divine. Écartant les bras l’avatar libéra sa colère. La terre trembla puis se fissura, engloutissant lentement le sable du Tombeau des ancêtres. Sol'ra analysa la situation à la vitesse de l’éclair. Il n’y avait plus l’armée des misérables créatures de Guem, à la place des personnes aux tenues d’habitants du désert lui faisaient face. Il comprit à qui il avait à faire lorsqu’il remarqua la présence des dieux emprisonnés il y a bien longtemps.

- VOUS ??? Comment est-ce possible ??

Mahamoud qui tenait fermement Jugement de l’âme ne prit pas la peine de répondre, se contentant de charger.

- FOLIE ! Cria l’avatar déployant son pouvoir. JE SUIS SOL’RA !

Le combat s’engagea, une bataille où les forces en présences n’avaient rien d’humaines. Alors que Kébèk et le prince Metchaf s’occupaient d’un Kehper déchainé, Mahamoud, Urakia et Sakina combattaient Sol'ra de toute leur rage divine.

En ce jour là l’histoire se répéta à nouveau...

La bataille fut titanesque, les dieux ne prirent pas la peine de faire attention à leur environnement, détruisant en grande partie les alentours. Les énergies divines s’entrechoquaient avec violence. Mahamoud et Urakia coupaient les tentacules de lumière de l’avatar les uns après les autres et lorsque les griffes de Solar perçaient leurs cœurs, Ptol’a leur redonnait vie. De leur côté Kébèk et le prince Metchaf avaient l’avantage sur l’incarnation de Kehper, appuyés par Sakina dont les dons permettaient de refermer les plus graves blessures. Kébèk réussit à ceinturer la créature à moitié scarabée pendant que le prince inspiré par Kapokèk lui transperçait la poitrine pour ensuite lui arracher le cœur de ses mains. Kehper succomba, trop faible pour affronter des dieux supérieurs.

Solar et les dieux morts faisaient désormais jeu égal. Les coups portés n’avaient plus rien d’ordinaire, et les enveloppes de chairs, les armures et les armes ne comptaient plus, désormais c’était une lutte de puissances divines, de volontés incroyables déterminées à en finir maintenant. Sol’ra connaissait bien l’étendue des pouvoirs de Ptol’a et de ses camarades, il avait aussi un atout plus qu’important qui fit basculer la victoire de son côté : Cheksateth. Ce dieu du savoir avait depuis longtemps disparu, ou du moins il n’avait plus la même forme. Le dieu solaire avait absorbé son énergie divine ainsi que ses connaissances. Sol’ra repoussa lentement mais sûrement ses adversaires, contrant les assauts avec une redoutable efficacité.

Enfin tout s’arrêta. Sol’ra mit un terme à tout cela. Se concentrant il explosa littéralement, balayant les Nomades du désert, rayant le Tombeau des ancêtres et toute la région de la carte des terres de Guem. Incapable de lutter Ptol’a, Naptys et Kapokèk ne purent rester dans les corps de leurs serviteurs plus longtemps... La bataille était perdue, Sol’ra, libre de la moindre opposition exultait. C’était le chaos autour de lui, les profondes crevasses libéraient doucement la lave jusque là cachée dans les entrailles de ce monde. Il était plus que temps à présent d’entreprendre la destruction de ce monde.

Les Nomades se retrouvèrent à des dizaines de lieux de là, non loin de la Draconie. Blessés, mais encore vivants grâce à l’aide des dieux ils se rassemblèrent pour mettre au point une nouvelle stratégie après cette défaite. Alors qu’ils reprenaient leurs esprits non loin d’une route, ils assistèrent à un étrange spectacle. Des créatures à l’aspect monstrueux couraient dans des mouvements erratiques. Puis un cavalier de bleu vêtu apparut. Son armure brillait doucement et son casque avait la forme d’une tête de Dragon. Il était suivi par d’autres créatures ainsi que des soldats humains. Le cavalier s’arrêta à leur hauteur et les Nomades furent rapidement entourés des humains.

- Qui êtes-vous, demanda le cavalier.

- Je suis le prince Metchaf et voici mes compagnons, nous sommes la nouvelle guilde des Nomades du désert. Nous venons d’affronter Sol’ra... et nous avons... perdu...

- Nouveaux Nomades du désert ? Marlok nous a prévenu de cela. Je suis le chevalier dragon Zahal. Je commande cette armée, alliance improbable de forces opposées. Et nous marchons en direction du Fléau de Guem pour une ultime bataille.

Le monde invisible

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Voilà deux jours que Mynos parcourait les bois à la recherche de gibier. Jusque-là la chasse n’était pas trop mauvaise. Quelques lapins et une perdrix, voilà qui rassasieraient assurément les petits morfals qui auraient tôt fait de dévorer cette prise. Jugeant cela suffisant il se décida de rentrer chez lui pour rejoindre femme et enfants. Il était fatigué, mais il aimait par dessus tout ces moments de solitude où il n’y avait que lui et la nature. Il profita du chemin du retour pour récupérer quelques champignons qui à coup sur seraient succulents bien grillés. Il se régalait d’avance du futur festin qu’il allait partager en famille. Il hâta sa marche, il savait qu’il se rapprochait de chez lui car la forêt était de plus en plus clairsemée. Enfin il sortit du bois pour arriver devant de douces collines elles-mêmes au pied de hautes montagnes. Cachée dans une cuvette, entourée d’enclos à animaux Mynos retrouva sa maison dont il était fier. Il l’avait construit lui-même avec l’aide de son épouse, d’ailleurs son architecture très irrégulière prouvait l’amateurisme des bâtisseurs. Le chasseur fut étonné de ne pas avoir sa marmaille déjà autour de lui, il s’attendait à les voir débouler à toute allure.

Puis il vit la porte entrouverte et là il s’inquiéta. En temps normal la porte est soit fermée, soit ouverte avec sa femme devant en train de surveiller les environs. Il eut raison de s’inquiéter car lorsqu’il poussa la porte il vit son épouse, une jeune femme belle comme le jour, en train de sangloter recroquevillée sur le plancher. Mynos lâcha son arc et ses prises par terre.


- Où sont les enfants ??

La jeune femme entendant la voix de son époux leva la tête. Horrifié Mynos, vit les marques sur son visage : quelqu’un l’avait roué de coups. Il la prit dans ses bras en essayant de la calmer, mais cela s'avéra impossible. Sa voix tremblait, elle ne sentait plus son visage.

- Qu’est ce qu’il c’est passé ? Dis-moi !

- Des... des hommes sont venus... Ils ont emporté les enfants... ils ont emporté les enfants !!

- QUOI !? Qui ? Combien ? A quoi ils ressemblaient, dit l’homme avec rage.

- Ils étaient trois ou... quatre... très grands... Il y avait un homme qui n'avait qu’un bras... Ils, ils m’ont tabassé sans rien me demander, par pur plaisir...

- Un homme sans bras... Ont-ils dit quelque chose de plus ??

- Ou... oui, l’homme avec un bras a dit qu’il fallait que t’ailles... à la crique de la Chouette... Mynos, fait quelque chose !!

L’homme serra les dents en aidant sa femme à se relever. Puis il courut vers une armoire d’où il sortit son contenu sans ménagement. Il déplaça une planche du fond libérant une cache. De là il tira des habits noirs et deux dagues.

- Je vais prévenir les voisins qu’ils viennent te tenir compagnie.

- Tu avais... promis...

- JE SAIS !! Puis il se radoucit. Désolé, ne t’inquiète pas je vais les ramener, dit-il en s’habillant.

Le voici désormais vêtu de noir et d’une large cape à capuche. Il tira les dagues de leur fourreau, les lames brillèrent vivement. Après les avoir attachées à sa large ceinture il laissa sa femme.

- Ferme la porte...

Mynos était arrivé à la crique de la Chouette qui portait son nom en raison d’un rocher surplombant une petite étendue d’eau et qui rappelait la tête de cet animal. Caché dans un arbre il observait les environs. Sur la berge, tout proche du rocher de la Chouette, deux hommes aux bras gros comme des jambons gardaient les trois enfants de Mynos, ceux-ci étant attachés et bâillonnés. Un troisième discutait avec l’homme qui n’avait qu’un seul bras. Aucun des visages de ces personnes ne lui revenait en mémoire, les avait-il déjà croisés ? Il ne saurait le dire. Il songeait plutôt à un plan d’attaque et de libération. Mais il n’arrivait à aucun plan qui pourrait assurer la sécurité de sa progéniture. Puis le manchot regarda dans sa direction.

- Malandrin !! Montre-toi ! Je sais que tu es là ! Cria-t-il.

Bon, perdu pour perdu il ne lui restait plus qu’à aller voir ce qu’il lui voulait. Peut être aurait-il un plan le moment venu, mais la présence des enfants n’arrangeait vraiment pas les choses. Mynos sauta de son arbre pour atterrir dans le sable gris de la berge. Il s’arrêta à bonne distance pour éviter que les gros bras ne l’attrapent sans un maximum d’effort de leur part.

- Je sais pas qui vous êtes, relâchez les enfants !

Le manchot avait sa proie dans les filets, il ne restait plus qu’à les remonter.

- J’ai mis du temps à te trouver Malandrin, tu m’excuseras auprès de ta femme, mes amis parlent plus avec leurs poings qu’autre chose. Je suis Volius d’Andromicès.

- Pourquoi m’appelles-tu Malandrin ? Mon nom est Mynos.

- Allons, allons, nous sommes entre nous tu peux être toi-même. Je sais parfaitement qui tu es, pilleur de tombes. Je t’aurais cru plus futé que ça, Mynos. Non mais vraiment. Bon, on m’a dit que rien ne pourrait te faire redevenir celui que tu étais, aussi ai-je monté ce petit plan. Rassure-toi, nous ne ferons pas de mal à tes charmants bambins, je veux juste que tu retrouves quelque chose pour moi.

Les souvenirs de la vie passée de Malandrin refirent surface. A l’âge de quinze ans il vivait de petits larcins, puis le destin a fait qu’il retrouve plusieurs objets antiques, il se fit donc connaitre comme pilleur de tombes et il devint célèbre. Puis dix ans plus tard il rencontre une femme et décide de raccrocher pour fonder une famille, loin de tous les problèmes que son activité attirait comme les mouches. Aussi changea-t-il de nom, laissant Malandrin dormir dans son placard, donnant à Mynos la vie qu’il rêvait. C’était il y a huit ans. De longues années de bonheur, jusqu’à ce moment-là...

- Tu veux que je fasse quelque chose pour toi en échange de mes enfants ?

- Exactement. Je l’aurais bien fait moi-même vois-tu, j’ai fait le même métier que toi jusqu’à un tragique accident. Dit-il en montrant le côté de son torse sans bras. Je ne connais personne d’autre qui soit capable de réaliser ce que je vais te demander. Malandrin n’avait pas le choix.

- Qu’est ce que tu veux ?

- Je veux le trésor du monde invisible !

Il connaissait les légendes du monde invisible, comme beaucoup d’autres légendes d’ailleurs. Les pilleurs de tombes comme on les appelait vulgairement basaient une partie de leur “travail” en fonction des légendes car souvent elles avaient pour origine des faits réels. La plus fameuse des légendes, celle qui créait la vocation était celle du monde invisible. Certains des plus célèbres pilleurs avaient passé leur vie à la recherche de ce monde, on prétendait que ceux qui le trouvaient ne revenaient jamais.

- Folie ! Dit Malandrin, ce trésor n’existe que dans tes fantasmes.

- C’est là que tu te trompes.

Volius s’approcha de Malandrin en détachant une bourse de sa ceinture, qu’il lança au pilleur de tombes.

- C’est quoi ?

- Ouvre-là, fait attention.


Malandrin défit le nœud de cordelette, découvrant un drôle d’objet de cuivre. C’était une sphère autour de laquelle flottaient trois fins anneaux taillés dans des cristaux de différentes couleurs. Cela ressemblait beaucoup à un bijou et il y avait même de quoi passer une chaînette. Il reconnut cet objet, il l’avait cherché autrefois.

- La larme de Thyrs ?? Où as-tu trouvé ça ?

- Peu importe, c’est mon affaire. Ton affaire à toi et désormais de retrouver le monde invisible et de me ramener son trésor. Ne perd pas de temps sans quoi ta famille en pâtira.

- Très bien, je vais le faire, touche un seul cheveu de mes enfants et je t’égorgerai.

- Des menaces... Ridicule !

Malandrin referma la bourse et s’en retourna chez lui, il lui fallait faire le point sur toute cette histoire. De retour chez lui il retrouva Apolynia son épouse, entourée d’un couple de personnes relativement âgées, leurs voisins les plus proches. Il raconta une partie de l’histoire - celle où on le contraint à aller chercher quelque chose - et qu’il comptait bien faire quelque chose. Les voisins lui proposèrent bien d’aller voir les autorités du seigneur runique le plus proche, mais il refusa poliment, ne tenant pas particulièrement à voir son histoire étalée aux yeux de la justice de Tantad et de risquer de tout perdre. Il remercia les voisins pour leur gentillesse et les libéra de leur présence. Là il raconta les morceaux manquants à Apolynia.

- Je savais que ça arriverait un jour, je rêvais d’une vie calme et paisible loin des...

- Attends ! Rien n’est perdu, je vais trouver ce trésor et récupérer nos enfants !

- Puissent les dieux t’entendre, dit-elle en laissant échapper des larmes.

Malandrin posa la larme de Thyrs sur la table et commença à réfléchir à voix haute.

- Selon les écrits de Zabius, Thyrs folle de chagrin après la mort de sa fille scella l’accès à son temple en versant une larme, quittant son monde elle devint mortelle.

- Puis elle a emprunté le chemin jusqu’à Sarys où elle a affronté le géant Kaïross. Tout deux sont morts en tombant du haut de la falaise au bord de laquelle se trouve Sarys, continua Apolynia. Mais ça n’indique pas comment accéder au monde invisible, ni comment marche la larme.

- En réalité la larme de Thyrs est un objet créé par Keborius le célèbre bijoutier. Regarde, les anneaux peuvent se déplacer dans n’importe quel sens.

- Un casse-tête ?

- Des milliers de possibilités. Dans la recherche du monde invisible on a cherché à savoir où vivait Keborius pour chercher des indices, mais on a jamais trouvé.

Avec précaution et beaucoup de délicatesse, Malandrin nettoya l’objet pour faire partir la saleté et l’oxydation. Une fois propre la larme s’avérait être un bijou somptueux. Malandrin l’examina mieux.

- Du cuivre rouge ! Observa-t-il.

- Abypolis ?

- Oui, il y a là-bas des statues des divinités en cuivre rouge. Il n’y a aucun autre endroit où ce métal existe ! Je dois y aller, Abypolis est à deux jours de cheval d’ici.


Malandrin mit moins de temps que prévu pour atteindre l’antique cité. Abypolis était la troisième ville de Tantad, un joyau qui malgré les nombreuses attaques n’avait jamais été prise. Il connaissait bien la cité pour y avoir vécu de nombreuses années aussi la myriade de merveilles ne l’arrêta pas, se concentrant sur son objectif : le Cénacle. Cet endroit était une immense place pavée en plein milieu de la ville, cela grouillait de monde. Tout autour de cette place circulaire, dos tournés, les statues des dieux du panthéon de Tantad surplombaient les toits des maisons. Malandrin fit le tour et s’arrêta devant celle de Thyrs. Cette déité y était représentée en armure portant un casque couvert de runes et une lance où chaque extrémité se terminait par de longues lames. Il remarqua un symbole qui se répétait assez souvent, un triangle avec un disque en son centre qui touchait les côtés du triangle. L’un de ces symboles était creux.

- Est-ce que ça serait ?? Non, ça ne se peut pas...

Pourtant il essaya, à plusieurs reprise il y inséra la larme en plaçant les anneaux de chaque côté pour que vu de profil cela fasse un triangle. A la troisième fois cela fonctionna. Malandrin disparut... littéralement. Pour réapparaitre ailleurs dans un endroit à la fois fort différent et habituel. Autour de lui tout était trouble, comme s’il faisait très chaud, sauf que la température n’y était pas particulièrement élevée. Il se trouvait dans un temple mais à quelques mètres au dessus de lui il n’y avait rien, à part un immense ciel bleu presque opaque. Il fut étonné du silence, presque inquiétant. Il remarqua aussi qu’il avait dans la main la larme de Thyrs. Une fois passée la surprise il entreprit une fouille méticuleuse du temple. C’était un véritable labyrinthe, des couloirs, des pièces et des centaines de colonnes. Il trouva de larges escaliers dont il gravit de très très nombreuses marches. Mais il n’était pas fatigué ici, son cœur battait de façon très régulière. Tout en haut à nouveau de grandes colonnes et plusieurs places. Au centre de l’une d’elle allongée sur une stèle de pierre blanche couverte de runes se trouvait le corps d’une femme. Une fois à son niveau il regarda mieux et remarqua un masque sur son visage. Elle avait de longs cheveux qui tombaient de part et d’autre de la stèle. Il en était certain, il se trouvait devant le trésor du monde invisible.

- Prendre le masque et trouver un moyen de sortir d’ici...

Il alla pour prendre l’objet lorsqu’une voix l’arrêta.

- Ne faites pas ça !

Il se retourna et vit la même jeune femme, non masquée et totalement spectrale. Son regard vide de vie fixait le visiteur venu des terres de Guem. A plusieurs reprises Malandrin regarda la femme sur la stèle et la présence devant lui. Nul doute c’était bien la même personne, elles ont toutes deux la même chevelure.

- Tous ceux qui ont touché ce masque sont morts. Repartez et oubliez ce que vous avez vu.

- Vous êtes Antellechia la fille de Thyrs n’est ce pas ? Je n’ai pas le choix, je dois repartir avec ce masque.

- Je ne vous empêcherai pas de repartir avec, je ne peux que vous mettre en garde.

- Je prends le risque je n’ai pas le choix, une personne retient mes enfants captifs, il les tuera si je ne lui ramène pas.

Malandrin se retourna vers la stèle et retira le masque du visage de l’Antellechia morte. Si la surface visible était très conventionnelle l’intérieur lui représentait un aspect fantastique. De l’énergie bleutée crépitait de dizaine de petites runes.

- Lorsque vous porterez ce masque, soit vous mourrez soit vous serez liés pour toujours. Attention, parfois vous verrez votre monde différemment, il vous révélera bien des choses. Il y a une condition à son utilisation. vous ne devez jamais parler de ce que vous verrez à travers lui, sans quoi votre âme sera déchirée et vous subirez des tourments éternels. Si vous mourrez le masque me reviendra.

Peu importe que le monde s’écroule ou qu’il meure si cela rendait la liberté à ses enfants. Il mit le masque dans son sac.

- Savez-vous ce qu’il se passe dans notre monde ? demanda Malandrin par curiosité.

- Non, ma mère a scellé ce monde à jamais.

- Vous ne savez pas ce qu’elle a fait pour vous ? Vous ne pouvez pas sortir d’ici ?

- Non je ne sais pas, ni l’un ni l’autre.

- Si les légendes sont vraies, votre mère a tué celui qui vous a ôté la vie, mais est morte durant ce combat.

- Je me doutais, elle serait revenue me voir sinon.

- Comment je sors d’ici ?

- Avec la clé, concentrez-vous.


Malandrin ferma les yeux. Puis lentement, il entendit du bruit... des gens qui discutaient, des enfants qui jouaient. Il entrouvrit les yeux. Il était devant la statue de Thyrs à Abypolis. Il vérifia que le masque était bien dans son sac, ce qui fut confirmé. Ouf ! Il ne restait plus qu’à faire l’échange.

Malandrin ne repassa pas par chez lui, il continua la course jusqu’à la crique de la Chouette. Durant son voyage il ressentit comme une présence et à plusieurs reprises il dû s’arrêter pour voir que personne ne le suivait. Puis alors qu’il approchait du lieu dit, quelque chose changea, mais il ne savait pas réellement quoi. Il stoppa sa monture au niveau de la berge, avertissant ainsi Volius et ses sbires de sa présence. Les lieux étaient devenus un véritable campement, avec plusieurs tentes et un feu crépitant près duquel les trois enfants attachés attendaient le retour de leur père. Il comprit ce qui avait changé lorsqu’il eut une vision étrange. Il vit Volius sortir de la tente, discuter quelques instants avec lui, prendre le masque et puis s’écrouler par terre en se tenant le cœur. La vision cessa et Malandrin porta la main sur son visage, il portait le masque ! Pourtant il n’avait pas la sensation du contact d’un masque sur sa peau, son champ de vision n’était pas modifié. Volius sortit alors de la tente, dans la même tenue et de la même démarche que dans sa vision.

- Alors Malandrin qu’as-tu trouvé ?? Dit le manchot avec impatience.

Il ôta le masque et lui confia.

- Ceci est le trésor du monde invisible.

La main de Volius trembla en examinant l’objet. Puis son visage se figea, ne pouvant tenir plus il lâcha le masque qui s’écrasa sur le sable. Volius tomba à genoux puis sombra... mort. Les gros bras regardèrent la scène, béats. Leur patron était mort dans des circonstances très suspectes. Craignant pour leurs vies ils récupérèrent leurs affaires - et celles de Volius - puis prirent les voiles sans adresser un regard à Malandrin. Ce dernier récupéra le masque et ses enfants pour les ramener chez lui auprès de sa femme...

Temporalis

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Autre temps... un futur lointain...

Le temple de Tempus, perché sur la plus haute montagne de cette terre, là où les nuages ne sont qu’une mer à perte de vue. La forteresse circulaire, cachée du reste du monde abritait une organisation avec pour but ultime la protection de la Trame du Temps. En ce matin-là, les rayons du soleil léchaient les grands murs d’albâtre, chauffant doucement cette petite cité engourdie par une nuit d’agitation. Car à la faveur de ce début de journée les Tempusiens avaient, pour la plupart, emprunté le passage interdit, le Tempus Fugit...

Au plus profond des entrailles de la grande demeure se réveilla la dernière personne encore présente ici. Ce réveil n’en fut pas moins extraordinaire que les évènements de la nuit. Doloreanne sursauta comme si elle était en danger. La respiration rapide elle examina sa chambre, une simple pièce rectangulaire aux murs blancs, dénués de décoration, au bout de son lit un coffre de bois sur lequel ses vêtements aux symboles des Tempusiens attendaient patiemment le moment où elles les enfileraient. Quelque chose n’allait pas... mais quoi ?? Cette impression ne la quitta pas lorsqu’elle enfila sa robe ou lorsqu’elle alla jusqu’à la salle principale. Et là, personne, pas le moindre Tempusien. Le feu s'essoufflait lentement par manque d'entretien, la braise rougeoyante perdait lentement sa vigueur.

- Mais où sont-ils donc passés ?

Elle visita alors les cuisines et tomba nez à nez avec l’un des serviteurs.

- Ah et bien...

Mais le pauvre cuisinier était comme figé, tenant un œuf dans une main et une cuillère de bois dans l’autre. Doloreanne passa la main devant les yeux du cuisinier qui ne réagit pas du tout au stimulus. Elle ne mit pas longtemps avant de comprendre que le pauvre homme était bloqué à un temps donné. Elle claqua des doigts pour arrêter le sort frappant l’homme, pensant avec une grande naïveté que cela serait facile. Elle se trompait, rien ne se passa.

- Quoi ? Dit-elle étonnée.

Elle serra fort son bâton au bout duquel de grandes aiguilles d’horloge étaient fixées puis utilisa plus de magie pour retenter de délivrer le cuisinier. Des horloges faites de magie tournèrent autour du cuisinier et lorsque le sort de Doloreanne cessa... rien ne se passa, ou presque. Bien que le cuisinier fût toujours dans sa bulle temporelle la jeune femme sentit que la magie du temps n’était pas comme à son habitude, mais perturbée. A un tel point qu’elle trouva plusieurs autres anomalies temporelles, des personnes non figées mais plutôt ralenties, d’autres allants plus rapidement. Tout cela l’inquiéta énormément. C’est dehors que la manifestation la plus importante pouvait être observée. Au-dessus du temple des éclairs verts, gorgés de magie temporelle déchiraient le ciel. A chaque flash d’un éclair, Doloreanne pouvait voir des images de ce monde à un temps passé, présent ou futur.

- Une déchirure... Et je suis seule pour lutter contre ça !! Cria-t-elle comme pour demander à l’effet magique de disparaître. Que faire... que faire... le Temporalis !

Elle s’élança aussitôt en direction de la salle du temps, une pièce attenante à la grande salle de vie et où une statue du très célèbre père fondateur de l’ordre, Tempus, vous regardait de son air sévère. Au centre et en guise de sol se trouvait une immense horloge dont les rouages, visibles, tournaient dans tous les sens. Doloreanne se plaça au milieu avec la ferme intention de pratiquer l’un des puissants sorts de l’ordre, le Temporalis. Celui-ci visait à rétablir les problèmes de temps afin de corriger certaines erreurs qui ne pouvaient être corrigées autrement. Elle avait déjà participé à ce rituel, mais jamais seule. Elle se concentra en tenant son bâton des deux mains...

Les tic-tac des rouages se répercutaient sur les murs, le sol et le plafond. La trotteuse qui avançait avec un rythme très précis se mit à ralentir puis le cadran émit une faible lueur verte d’où sortirent d’autres aiguilles, des horloges spectrales et autres cadrans affichant des heures différentes de l'heure actuelle. La magie emplit la pièce et les rouages s’arrêtèrent, immobilisant les aiguilles. C’est à ce moment précis que le Temporalis se réalisa. Les murs s’effacèrent pour laisser place à d’autres lieux et à d’autres temps. Doloreanne sentit la grande puissance de l’artefact créé par Tempus et si au départ elle en était maître la situation lui échappait rapidement. Les rouages cliquetèrent de nouveau, allant jusqu’à s’emballer, tout comme les aiguilles de l’horloge. La magie, devenue beaucoup trop puissante ne put être contrôlée plus longtemps. Doloreanne fut submergée, le Temporalis explosa !

Doloreanne se réveilla avec la vague impression d’avoir dormi une année entière. Elle ne reconnut pas les lieux mais un détail la frappa, pas le moindre cristal à l’horizon ! Elle fit un tour des environs et remarqua au loin un arbre gigantesque dont la cime touchait les nuages. A perte de vue une forêt aux arbres magnifiques. - Quand est-ce que je suis. Voyons ça, dit-elle écartant les bras pour faire apparaître le morceau de Trame du Temps sur laquelle elle se trouvait.

Mais la magie du temps sembla ne pas vouloir être coopérante. Doloreanne recommença plusieurs fois, sans succès. Elle était désormais prisonnière d’une autre époque, incapable de pouvoir revenir chez elle...


A cette époque-là, cette montagne n’était pas encore le refuge de la société secrète, mais Tempus en personne était présent, attiré par la position particulière du sommet. Assis sur un rocher, près d’un feu, il s’activait à dessiner les plans d’une machine incroyable. Il s’arrêta lorsque des éclairs verts apparurent brièvement au-dessus de lui. Il observa alors le phénomène avec beaucoup de curiosité et ce qu’il y vit déclencha des évènements qui le feront entrer dans l’histoire des terres de Guem. Les images montraient des personnes qu’il ne connaissait pas, mais leurs tenues ressemblaient à la sienne, avec des couleurs et des symboles approchants.

- Incroyable, une brèche temporelle... Des gens jouent avec le temps, il va falloir que je m’occupe de régler ça. Et ma machine qui n’est pas tout à fait prête.

A quelques lieues de là les Tempusiens partis à la recherche de l’Horloger et de l’Apôtre dans le futur venaient d'apparaître dans ce temps. Eux aussi remarquèrent la brèche temporelle visible au loin.

- Qu’est-ce ? Demanda l’Exécuteur.

- Une faille temporelle, répondit le Geôlier.

- Pas seulement mes frères, j’ai bien peur que ce soit de notre faute et de celle de ceux que nous sommes venus chercher, expliqua l’Observateur.

Le dernier observa le phénomène écoutant ses frères.

- Mes frères... Nous y sommes, déclara l’Observateur. Nous savions que ce moment viendrait, il nous attend.

- Mais il ne le sait pas encore, déclara l’Annonciateur.

Même époque, autre lieu. L’Horloger et l’Apôtre profitaient de la faveur des flammes d’un feu de camp. Le Tempus Fugit les avait conduit quelques années avant l’arrivée des autres Tempusiens et depuis ils avaient parcouru les terres de Guem. Eux aussi avaient ressenti cette déchirure de la Trame du Temps. L’Apôtre elle ne la vit pas de ses yeux car aveugle depuis qu’elle avait lu le Grand Livre des Destinées, mais sa nature de guémélite du temps lui fit ressentir les effluves de magie.

- Que vois-tu mon ami ? Demanda-t-elle à l’Horloger.

- Des problèmes, de graves problèmes. Je sens que le Tempus Fugit a été emprunté. Tu vois où je veux en venir.

- Nous savions qu’ils nous poursuivraient mon ami.

- Oui, mais le Tempus Fugit n’aurait jamais dû être emprunté plusieurs fois d’affilée. Et nous n’avons pas le Temporalis pour gérer ça, la Trame du Temps risque de s'effondrer sur elle-même.

- J’ai... je dois t’avouer quelque chose. Lorsque j’ai plongé mon regard dans le Grand Livre des Destinées, j’ai vu la destinée de beaucoup de personnes, j’ai vu celle de Tempus et la tienne.

L’Horloger souleva les sourcils.

- Si tu me dis ça, c’est que tu comptes me faire une révélation ?

- Je le dois. Car cela était écrit.

- Décidément, le destin est bien particulier. Et si je n'accepte pas que tu me dévoiles quoi que ce soit ?

L’Apôtre fit un large sourire.

- Tu le pourrais effectivement, et je vois la question que tu te poses - dans ce cas ai-je lu que tu refuserais de m’écouter ? Et je pense que tu t’amuses, à un moment où il ne faut pas. Aussi je ne vais pas répondre à ta question.

- De toute façon tu ne comprends jamais mes blagues...

- Non, jamais.

- Très bien, très bien ! Je t’écoute.

- Je ne vais pas te faire un cours sur l’histoire de notre ordre, mais je vais parler d’un point particulier : la création du Temporalis. On nous enseigné que c’est Tempus lui-même qui créa l’artefact et les sorts qui lui sont liés. Ceci n’est pas tout à fait vrai. C’est toi qui aida... enfin qui va aider Tempus à achever son œuvre et nous utiliserons le Temporalis.

- Quand ??

- Demain.

L’Horloger savait que Tempus existait au présent dans lequel il se trouvait, mais les lois de la Trame du Temps, déjà violée par leur venue ne devait pas être modifiée plus par la rencontre avec le légendaire Tempus.

- Tu es sûre de toi, Samia ? S’inquiéta l’Horloger, si tu essaies de me convaincre de rencontrer Tempus par pur altruisme nous risquons l’écroulement immédiat de la Trame.

- Me prendrais-tu pour une menteuse !? Regarde mes yeux ! Ne crois-tu pas que j’ai été suffisamment punie pour avoir transgressé une loi de notre ordre ??? Dit-elle avec colère. Puis adoucissant le ton, il y a autre chose, tu vas convaincre Tempus de fonder l’ordre, l’Eternel sera présent.

- L’Eternel ! Ça voudrait dire que la quasi-totalité de l’ordre est présent à notre époque !

- Pas tout à fait, mais cela ne va pas tarder, nous allons faire venir la dernière des nôtres, celle qui existait du temps d’où nous venons.

L’Horloger créa magiquement de l’eau au-dessus du feu afin de l’éteindre. Samia se leva en s’appuyant sur son parapluie, ramassant au passage un sac avec quelques affaires. Puis ils se mirent rapidement en route.


Tempus avait passé la nuit à tenter l’impossible. Bien que comprenant parfaitement le Trame du Temps, concept qu’il avait découvert quelques années auparavant, il ne pouvait rien face à une déchirure qu’il perçut comme plus importante qu’elle ne paraissait. Il n’avait dormi que quelques heures et la fatigue se faisait sentir. Il crut halluciner lorsqu’il vit arriver le Geôlier, l'Annonciateur, l’Observateur et l’Exécuteur, avec leurs étranges costumes cachant leurs visages.

- Je vous ai déjà vu... Êtes-vous réels ? Dit-il en les examinant.

Les quatre étranges personnages s’agenouillèrent et l’Annonciateur prit la parole.

- Nous vous connaissons... Seigneur Tempus. Nous venons de loin... du futur.

- Du futur ! S’exclama Tempus. Dites m’en plus !

- Nous ne pouvons tout vous révéler, déclara l’Annonciateur.

- Sans quoi je serais obligé d’intervenir et d’enfermer mes camarades, ajouta le Geôlier.

- Vous êtes bien étranges... dit Tempus.

- Nous nous excusons, seigneur, pour ce que nous avons fait. Nous sommes fautifs et accepterons la juste punition qui nous sera infligée. Je suis l’Observateur, voici l’Annonciateur, l’Exécuteur et le Geôlier.

- Vous devez maudire vos parents, à moins que cela ne soit que des surnoms.

- Oui, ce sont là nos fonctions au sein... de notre ordre, répondit l’Observateur.

- Quel ordre ??

Puis deux nouvelles personnes arrivèrent. Ayant entendu la question, l’Horloger se permit de donner une réponse.

- Ils ne vous le diront pas, mais si nous voulons résoudre une bonne fois pour toute les différends qui nous opposent, il va falloir tout lui dire.

Le Geôlier qui était toujours un genou à terre se releva d’un bond et sauta sur l’Horloger, car fortement conditionné par son ordre il se devait d’accomplir sa tâche et d’arrêter les deux fugitifs. L’Horloger stoppa net la course du Geôlier, le figeant immédiatement, éveillant immédiatement la curiosité de Tempus.

- Un sort du temps ! Quelqu’un veut bien m’expliquer !?? Dit-il sur un ton à la fois agacé et curieux.

- Je vais vous expliquer ! Dit l'Apôtre, imposant le silence à l’assistance. Quant à vous, dit-elle en montrant l’Observateur et ses camarades, nous avons tout intérêt à mettre de côté nos problèmes.

- Tempus. Nous sommes des exilés temporels. L’histoire commence lorsque cette jeune femme lira le Grand Livre des Destinées raconta l’Horloger avant d’être coupé.

- Le Grand Livre des Destinées ? Celui écrit de la main d’Eredan ? Je le croyais disparu à jamais ?

- Oui Seigneur il l’est pour le moment, mais ceci n’est pas un sujet que nous devons aborder. Bien, je reprends, dans ce livre elle tenta de lire sa destinée et ses yeux en furent brûlés. De là, l’ordre auquel nous appartenons tous...

- Pas vous ! Coupa l’Annonciateur.

- Tous ! Défia l’Horloger. L'ordre, disais-je, a décidé d’enfermer et de punir la fautive. Mais je n’étais pas d’accord, alors j’ai aidé la prisonnière à s’échapper et nous avons emprunté le Tempus Fugit, un couloir qui traverse la Trame du Temps.

- Vous avez fait ça ? Arrêter ou accélérer le temps est possible, mais voyager le long de la Trame, c’est incroyable !

- Pas tant que ça, dans quelques temps d’autres en seront capable et alors vous fonderez l’ordre dont je vous parle, afin de prévenir les problèmes temporels. Vous savez de quoi je parle ? Questionna l’Horloger.

- Temporalis ?

- Oui, dans le futur je serais celui qui maintient le Temporalis, je suis l’Horloger car telle est ma fonction.

- Je saisis, c’est très astucieux. Mais au final pourquoi vous êtes là ?

- Puis-je voir le plan de l’artefact ?


Doloreanne avait marché des jours pour revenir jusqu’à la montagne qui plus tard accueillerait le temple de Tempus. Son plan était simple - faire un appel au secours. Si elle ne pouvait pas ouvrir le Tempus Fugit elle espérait graver un message dans la pierre, en espérant que le destinataire le voit. Elle arriva au sommet de la montagne et même si le paysage était différent elle trouva un endroit qu’elle savait existant dans le futur. Elle espérait que Tempus trouverait ce qu’elle allait laisser, à savoir son bâton. Seul un maître du Temps serait en mesure de s’en saisir. Elle le planta dans la terre et plaça des petits rochers à son pied... L’Horloger récupéra le plan et aperçut parmi les affaires de Tempus deux objets extrêmement familiers. C’étaient deux aiguilles d’une horloge émanant de la magie du temps.

- Où avez-vous trouvé ça ? S’étonna le vieux mage.

- Ici-même lorsque je suis arrivé, je vous avoue ne pas avoir eu le temps de me pencher sur la question.

- Vous auriez dû si je peux me permettre. J’ai offert ceci à notre plus jeune recrue.

- Je t’avais prévenu, dit l’Apôtre.

- Elle n’est pas capable d’utiliser le Tempus Fugit, dit l’Observateur. Elle a probablement utilisé le Temporalis.

- Ce n'est pas possible !! Ce n’est pas possible ! Ragea l’Horloger.

- Donnez ! Ordonna Tempus, je peux la localiser sur la Trame.

L’horloger laissa faire le Seigneur du Temps qui sans trop de difficulté remonta l’histoire de ces aiguilles.

- Mille ans...

- Tempus, je vais vous aider pour terminer la première version du Temporalis. Vous autres, nous allons avoir besoin de l’Eternel, vous pouvez faire ça ?

- Quel est le plan ? demanda l’Observateur.

- Une fois que le Temporalis sera prêt, au moment où nous allons l’activer il faudra que quelqu’un ramène votre amie ici. Il faut être quelqu’un de puissant pour faire ça.

- Qui est l’Eternel ? Demanda Tempus qui avait compris le raisonnement de l’Horloger.

- C’est l’enfant de la Trame du Temps, il est l’être suprême, à la fois Annonciateur, Observateur, Geôlier et Exécuteur, dit l’Apôtre en regardant les autres.

Quelques heures plus tard, les efforts conjugués de Tempus et de l’Horloger permirent la mise au point du Temporalis. Pendant ce temps les autres avaient fini de se préparer pour la venue de l’Eternel. Le Temps les engloba et les fit disparaître. Puis une autre personne apparut, strict mélange des Tempusiens disparus. Il parla comme si quatre personnes parlaient.

- Il est temps !

Tous se mirent en place autour d’un sablier à taille humaine, puis l’Horloger habitué à la manœuvre lança le Temporalis. La Trame du Temps se déforma alors, corrigeant sous l’impulsion de l’ordre réuni des maîtres du Temps les erreurs passées, présentes ou futures. L’Eternel sembla alors déphasé par rapport aux autres. Les aiguilles de Doloreanne en main il filait le long de la Trame. Enfin il la trouva. Il décida alors de l’emporter avec lui, juste après qu’elle eut planté le bâton dans le sol...

L’énergie magique s'atténua jusqu’à disparaître. Tous étaient réunis autour du sablier qui était brisé, laissant échapper le sable. L’Horloger fut étonné d’être encore là avec tous les autres.

- Pourquoi ne sommes-nous pas revenus dans notre temps ?

- Parce que ce Temporalis n’en est encore qu’aux prémices de ce qu’il sera, déclara l’Eternel. Je ne peux nous ramener tous, nous sommes prisonnier ici.

La fin d'une époque

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- Les armées de l’alliance la plus incroyable qui soit progressent vers l'endroit où la pierre tomba du ciel il y a deux ans jour pour jour. C’est le début d’une fin annoncée, inévitable. Elle brisera ce monde comme jamais. La guerre de Solar finit bientôt, êtes-vous prête à jouer votre rôle Archimage Anryéna ?

- De quoi parlez-vous, Apôtre ? demanda la fille de Dragon.

- Vous le saurez dans peu de temps.

- Vous êtes simplement venue me dire cela ? Je connais les histoires vous concernant, vous avez lu le Grand livre et lu ma destinée. Pourquoi venir jusqu’ici dans ce cas ?

- Je viens vous raconter comment cela va se passer... ou plutôt comment cette bataille s’est déroulée. Vous vous demandez peut être pourquoi nous autres, adeptes de Tempus nous n’intervenons pas afin d’éviter les pertes, mais sachez que nous ne pourrons rien y faire.

- Encore une fois vous ne m’aidez pas beaucoup, mais je vous écoute, racontez-moi cette bataille...


- Rien ne prédisposaient l’armée de la Draconie à faire une alliance avec son pire ennemi - Néhant - et ses démons. Pourtant, et avec l’aide de la très puissante magie de Guem, Ciramor l’héritier d’Eredan a dupé l’intrompable et Néhant fut contraint à la cohabitation. Mais ça vous le savez déjà. Sur leur route Zahal commandant des armées de la Draconie rencontra le Vizir Mahamoud et le prince Metchaf qui venaient d’affronter Sol’ra sans avoir pu le mettre en échec.

- Une ultime bataille ? Alliance improbable ? S’étonna Mahamoud entouré des autres Nomades. Nous venons de loin et ne sommes pas au fait de cette alliance.

- C’est une longue histoire mais les démons que vous voyez courir dans tous les sens nous accompagnent, nous armée de la Draconie.

Metchaf vit là l’occasion de pouvoir affronter de nouveau Sol’ra et cette fois remporter la victoire.

- Pouvons-nous venir avec vous ? Demanda le jeune prince.

- Vous dites l’avoir déjà affronté, vous nous serez précieux dans cette bataille. Soyez les bienvenus parmi nous Nomades du désert.

C’est alors qu’une vive lumière, suivie d’un bruit fort coupa la discussion entre les Nomades et le Chevalier Dragon. Une gigantesque explosion venait de se produire au tombeau des ancêtres. La terre trembla créant un vent de panique dans les rangs draconiens.

- Tenez les chevaux ! Tenez les chevaux !! Hurla Zahal.

- Sol’ra commence à tout détruire ! Affirma Mahamoud.

- N’ayez pas peur, je vais mettre un terme à la présence de ce nuisible, répondit un homme entouré par deux gros démons.

Les Nomades eurent un haut le coeur en voyant cet être abject. Ils ne le connaissaient pas mais l’aura qu’il dégageait était empreinte d’une magie néfaste et noire comme la nuit.

- Vous pouvez venir à partir du moment où vous ne me gênez pas, dit Néhant d’un air hautain.

Les Nomades n’osèrent pas répondre à ce produit de la haine et de la mort, se contentant de se mettre en route avec l’espoir qu’enfin le “problème Sol’ra” soit réglé.

Le sol tremblait toujours, dans un tintamarre de rochers se brisant. Les armées conjuguées de Néhant, Dragon et des Nomades arrivèrent sur un surplomb d’où tous pouvaient voir le plateau où déjà de nombreuses batailles avaient eu lieu. Mais là devant humains, Guémélites et démons s’étendaient le chaos ! D’un Sol’ra nimbé au centre du tombeau des ancêtres un rayon d’énergie divine perforait les terres avec férocité. Néhant n’attendit pas l’assentiment de ses alliés du Dragon pour lancer l’offensive. Brandissant une Calice rugissante la horde démoniaque se mit en branle. Tel un raz de marée les démons dévalaient la lente pente menant au plateau. Eux qui ne ressentaient pas la fatigue pouvaient courir de très longues distances sans faiblir, à l’instar des humains. Néhant et ses lieutenants marchaient lentement prêt à finir le travail une fois que les démons auraient affaibli l’ennemi.

- Ca commence bien ! Dit sans retenue un Aerouant toujours irrité par la présence des Néhantistes.

- Nous ne commandons pas les démons Aerouant, garde bien ça en tête, rétorqua Zahal qui examinait du regard la ligne formée par ses troupes. Soyons prudents, voyons comment nos “alliés” vont s’en sortir face à Sol'ra. Naya, restez en arrière avec vos Sorcelames afin de pallier aux imprévus et réagir rapidement. Que les mages restent en retrait, boucliers magiques déployés. Nous savons que la magie sera sans effet sur notre ennemi et je veux qu’on soit capable de maintenir et au pire contrer les néhantistes si ceux-ci devaient s’opposer à nous.

Au fur et à mesure que les ordres étaient donnés les commandants de chaque ordre et de chaque groupe organisaient les troupes en fonctions.

- Chevaliers Dragon avec moi, chacun en tête de régiment. Adrakar seras-tu capable d’assumer le commandement d’hommes ?

- Bien sur, répondit-elle en dégainant Azur. Je ne faillirai pas.

Zahal eut un regard d’inquiétude à son encontre.

- Si jamais elle nous trahit nous devrons l’abattre, vous en êtes conscients, répliqua Valentin à l’attention de Kounok et de Zahal.

- J’ai plus confiance en elle qu’en certains membres de ma propre famille, expliqua Prophète en regardant vers Aerouant. N’oubliez pas qui elle est, enfin qui elle était devrais-je dire.

De leur côté les Nomades discutaient de la stratégie à employer. Comment s'accommoder de leurs alliés et en tirer le meilleur parti ? Sachant que Néhant avait foncé bille en tête il leur fallait mettre au point un plan.

- Ils vont se faire balayer comme de vulgaires insectes, objecta Kébèk.

- Ils ne savent pas à qui ils ont affaire, peut être devrions-nous les protéger de la volonté divine de Sol’ra ? Interrogea Urakia.

Mahamoud, qui tenait son casque à tête de lion sous le bras, réfléchissait. Il avait vécu plusieurs batailles dans le désert, mais il n'avait jamais vu une armée contre un seul individu.

- Les gens de la Draconie on l’air d’attendre, peut être ont-ils déjà un plan de bataille. Les dieux n’aideront pas les démons ni les incroyants, nous ne pouvons nous fier qu’à nous. Lorsqu’un ennemi est trop fort de face peut-être faut-il le contourner et frapper alors que nous ne sommes pas vus. Je sais que cela n’est pas très convenable, mais face à Sol’ra tous les moyens sont bons. Implorons les dieux pour qu’ils nous permettent d’atteindre notre cible. Dit Mahamoud en tenant l’épaule de Metchaf. Gardons la foi et punissons Sol’ra pour ce qu’il a fait et pour ce qu’il fait en ce moment même, ajouta-t-il en mettant son casque.

Sol’ra vit approcher les démons, innombrables, qui courraient en hurlant mais il restait immobile, les jugeant incapables de le perturber dans son oeuvre de destruction. Il se trompait car parmi eux certains avaient la forces de dizaines d’hommes. Tourment, galvanisé par la présence de Néhant fut le premier à assaillir Sol’ra. Avec élan le démon sauta sur l’avatar pour le frapper de toutes ses forces. Le coup porté fut terrible, Sol’ra ne s’attendait pas à cela et cessa immédiatement sa concentration, laissant un trou béant en dessous de lui. Tourment retomba sur ses jambes de l’autre côté. A ce moment là les autres démons firent de même, s’agrippant à Sol’ra pour le griffer ou le mordre. La réaction ne se fit pas attendre. L’avatar émit une vive lumière, brûlant les démons aussi sûrement que du papier jeté au feu. Les hurlements de douleur couvrirent bientôt les hurlements guerriers. Voyant cela Néhant ordonna un retrait stratégique puis instantanément il invoqua Fournaise.

- Va mon petit Fournaise, va aider Tourment.

Le démon se rua sur sa cible brûlant du désir de satisfaire son maître. Tourment appuya l’assaut de son semblable et les deux démons furent très rapidement aux prises avec l’avatar qui déployait des pouvoirs incroyables. Mais ils ne purent prendre le dessus car en plein jour et devant cette radieuse journée le soleil irradiait de sa chaleur le tombeau des ancêtres. Il faisait chaud et l’avatar tirait sa puissance de Sol’ra. Fournaise fut le premier à se faire détruire, consumé par un rayon de soleil, puis Tourment qui était plus malin échappa de justesse au courroux divin. Alors, l’Avatar s’envola, s’arrêtant hors de porté des démons. Les Néhantistes prirent le relais tissant un voile d’ombre, tentant de trouver le point faible de l’adversaire.

A présent, Sol’ra jugeait la menace bien plus élevée. Cette magie là était très différente de celle des Draconiens et il la redoutait. Il devait continuer la destruction de ce monde, il devait gagner du temps. Aussi tourna-t-il ses pensées vers celui dont il faisait partie, l’enjoignant à lui envoyer des renforts. La réponse ne tarda pas, des centaines de formes lumineuses se matérialisèrent face aux démons. Sol’ra jubilait car assurément rien ne pourrait vaincre ces Solarians dans la forme la plus pure. Les autres Nomades aussi étaient là, venus de la même façon que les autres. Djamena, le Sphinx, Ahlem, Kroub, Shrikan, Lodir et Kararine, tous étaient là pour défendre leur dieu. A présent fort d’une armée, Sol’ra retourna à son occupation pensant les Solarians à même de repousser les démons. Il croisa les bras sur sa poitrine et de nouveau émit un rayon mortel, continuant de détruire un peu plus les lieux.

Néhant lâcha les démons sur les créatures de lumière et la bataille s’engagea. Zahal décida d’intervenir lançant l’armée de la Draconie dans la mêlée. Le but des Solarians était simple occuper le terrain, empêcher quiconque d’approcher de Sol’ra et de se débarrasser d’un maximum de Néhantistes. Djamena prit les devant et organisa la défense, comprenant rapidement la situation. Cette fois la bataille n’était pas qu’une simple escarmouche. Les démons étaient aussi nombreux que les Solarians. Néhant ouvrait de nombreux portails démoniaques, vidant les Méandres de ses habitants. Malgré cela les Solarians surpassaient les créatures de Néhant avec une facilité déconcertante. Amidaraxar et les quelques autres adeptes du Néhantisme réussirent à mettre en échec quelques uns de leurs adversaires, mais cela ne se passait pas comme prévu...

Zahal vit la situation dégénérer et ordonna la charge. Les Chevaliers Dragon en tête fendirent les rangs, suivis par le gros des troupes humaines. Mais comment battre des ennemis constitués uniquement d’énergie divine ? Pilkim et Marzhin en arrière du combat discutaient justement à ce propos. Alishk et Aerouant écoutaient avec beaucoup d’attention. Ce dernier eut une idée.

- Le rituel de la pierre. Nous l’avons pratiqué avec Alishk pour couper les Nomades du lien avec Sol’ra. Nous pouvons le refaire et même si cela n’aura pas d'impact sur cet avatar, cela aura un effet sur les Solarians.

- C’est une excellente idée ! Jugea Pilkim. J’ai étudié ce rituel, je pense pouvoir le modifier légèrement pour lui donner un peu plus de puissance. Mais avant ça il nous faut être certain des liens existants, et les mieux placer pour découvrir les liens sont les néhantistes.

- Laisse-les où ils sont, regarde le spectacle ils ne font que brasser du vent, critiqua Aerouant.

- Je m’occupe de les prévenir, commencez le rituel, ordonna le Maître-Mage Marzhin.

Effectivement Néhant ne se contentait pas de faire apparaître des démons à tour de bras. Il observait les Solarians et Sol’ra. Dimizar avait créé une créature hybride Solarian/Démon grâce aux éclats de la gemme de Néhant. Il lui fallait corrompre les Solarians en modifiant leur nature et les lier à lui. C’est alors que Marzhin arriva prêt de lui.

- Cir... euh... Néhant, nous allons tenter de couper les liens des Solarians, mais il nous faut savoir de quelle façon ils sont liés et s’ils le sont envers l’avatar ou directement à leur dieu.

Néhant plissa les yeux de son visage impassible. Oui cela pouvait aider, doublement même. Il pourrait corrompre les Solarians plus facilement si les liens étaient rompus. Pour le Maître des Ombres et Corrupteur Ultime les liens n’avaient aucun secrets, il les voyait naturellement. Une bonne partie des Draconiens étaient liés à Dragon, les fins filaments bleus partaient en direction de Noz’Dingard. Les démons quant à eux étaient liés à Néhant et les fils noirs, tels de nombreuses laisses les retenaient à lui. Puis au milieu de cela les Solarians eux n’avaient pas le même liens, mais représentaient un tout avec Sol’ra et des fines traînées blanches montaient vers le ciel. Enfin l’Avatar lui aussi était en harmonie, mais bien plus important que les autres. Néhant décrivit rapidement les faits à Marzhin qui s’en retourna rapidement vers les siens.

La mêlée s’intensifiait et beaucoup de démons et d’humains furent terrassés par les pouvoirs divins des Solarians. La bataille était bien engagée et allait bientôt prendre un tournant encore plus incroyable, car l’Avatar laissa échapper sa colère vis-à-vis de ce monde. Du trou béant s’échappa de la lave, rougeoyante et dévastatrice. Puis le sol se disloqua à cet endroit, une fissure coupa le tombeau des ancêtres de l’est à l’ouest avalant humains, démons et même Solarians. La lave aspergeait les environs avec d’immenses geysers mortels.

- Maintenant ! Cria Pilkim voyant cela. Père ! La lave va dévaster nos rangs, fais quelque chose !

Marzhin maîtrisait la magie du feu à la perfection, la lave était considérée comme le sang de Guem. Il alla donc retenir au maximum les coulées pour éviter qu’elles n’atteignent les troupes Draconiennes. Un nouveau rituel de la pierre commença, mais cette fois la puissance fut bien supérieure à celui déjà pratiqué. Pilkim tenait la pierre-coeur du Mangepierre des deux mains au dessus de sa tête, de part et d’autre Alishk et Aerouant s'élevèrent dans les airs en incantant. Puis une fois prêts les deux hommes transférèrent leur magie à Pilkim qui se sentit investi d’une puissance au-delà du mesurable. La magie de Dragon mêlée à la magie de Guem fut alors projetée dans les airs, cisaillant les liens entre les Solarians et Sol’ra. Néhant agit alors, récupérant les cristaux noirs des démons il commença à poignarder les solarians un a un. A chaque fois la créature se tordit de douleur puis tomba au sol.

L’Avatar ne pouvait le laisser faire, le lien avec Sol’ra avait faibli mais ils pouvaient toujours détruire cet inconscient qui s’opposait à lui. Il devait mettre un terme à tout cela aussi il redescendit de là où il se trouvait pour foncer vers Néhant.

- Parfait ! Cria Néhant en voyant que l’Avatar se lançait vers lui.

Le plan se déroulait parfaitement et les deux mastodontes aux pouvoirs fabuleux s’affrontèrent enfin...

Autrefois Néhant avait combattu bien des mages et des guerriers. Même l’Archimage Artrezil s’était retrouvé le bec dans l’eau face à lui. Seul Eredan fut capable, au prix d’un avenir funeste, de l’enfermer. Non pas le détruire, mais juste l’emprisonner. Aujourd’hui Néhant tenait une revanche. C’était là l’éternelle opposition entre Solar/Sol’ra et Guem, comme un cycle éternel les deux dieux de part leur haine l’un envers l’autre s’affrontaient une fois de plus. C’était la Magie contre la Théurgie. Néhant ne pouvait pas poignarder Sol’ra avec un de ses éclats car il était entouré d’une barrière de protection qui lui barrait le passage. Aussi Néhant comptait bien sur Calice pour percer ce bouclier. La lame perça la protection surprenant Sol’ra qui lançait des Théurgies à tout va. Néhant encaissait non sans mal les assauts, mais il ne devait pas faiblir. Une fois de plus Calice découpa le bouclier et le fit voler en éclat...

Pour les deux superpuissances plus rien n'existait autour. Seul comptait leur combat. Sol’ra se concentra pour que la lumière du soleil détruise son adversaire. Mais à ce moment là Néhant découvrit la faille, car Sol’ra avait fait une erreur. Si c’était bien l’avatar de Sol’ra qui faisait face à Néhant, ce dieu n’avait eut d’autre choix que d’investir le corps d’un homme ! Et malgré la différence physique Néhant ressentit cette parcelle de Guem et de ce fait il pouvait être corrompu. Néhant enveloppa l’Avatar de tentacules d’ombres qui s’agrippèrent à Ozymandias le Prêtre-Roi. Immobilisé l’Avatar ne pouvait rien faire de plus qu’invoquer la puissance de Sol’ra qui frappa encore et encore un Néhant qui résistait malgré de profondes brûlures. Mais pour l’Avatar il était trop tard, l’incarnation ne pouvait être maintenue sans l’humain qui l’abritait car dès lors qu’il n’y avait plus d’ancre rien ne le maintenait dans ce monde. Néhant s’infiltra dans les pensées d’Ozymandias comme Ciramor l’avait fait avec lui et prit le contrôle. Il coupa le lien entre l’homme et le puissant Solarian. L’énergie divine s’échappa comme de la fumée blanche, s’évaporant au fur et à mesure. Peu à peu Ozymandias sous la volonté de Néhant expulsait l’incarnation. Devenu pantin dans les mains de Néhant il ne resta finalement que l’humain.

Les Solarians invoqués plus tôt dans la bataille disparurent de la même façon, incapables de rester maintenant que l’Avatar n’était plus.

Au milieu du champs de bataille, les Chevaliers Dragon avaient assisté à la défaite de Sol’ra.

- Alors c’est fini ? Demanda Zahal qui tenait le corps de Valentin dans ses bras.

- Non Zahal, si nous avons éliminé une menace, une autre reste toujours et comme prévu il va falloir faire notre maximum pour l’éliminer. Sonnons le ban, que les troupes reforment les rangs et détruisons Néhant.

- Mais cela semble impossible nous ne sommes plus qu’une poignée.

- Alors nous perdrons, mais pas sans nous battre, dit Kounok en serrant la poignée de Chimère couverte du sang de Djamena.

Acte 6 : Un monde brisé

Chapitre 1 - Prise de guerre

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- Foutu sable ! Râla Valentin en sautant de cheval, s’enfonçant par la même occasion dans le sable créé par l’intervention d’un dieu. J’aime pas le sable, rajouta-t-il en parant le coup d’un Solarian avec son épée de cristal.

Le brouhaha de la bataille couvrait les jurons du Chevalier Dragon alors que le sol tremblait, meurtri par la violence des coups de Sol’ra. Puis ce fut l’explosion, la terre s’éventra, comme un coup de couteau passé sur la peau, la lave, sang de Guem, gicla de cette blessure. Valentin échappa de justesse à un tentacule incandescent qui tomba juste à côté de lui, calcinant le sable. Il vit plusieurs de ses soldats se faire engloutir comme de vulgaires lapins jetés dans un brasier.

- Par les cornes de Dragon ! Vite ! Éloignez-vous de là ! Hurla-t-il à grands renforts de gestes à l’attention de son régiment.

Écoutant leur commandant le groupe bifurqua et au lieu de progresser vers l’avant se retrouva vite sur le flanc ouest, retrouvant Zahal qui ne savait plus où donner de la tête. Les ordres fusaient dans tous les sens alors que dans le même temps les mages préparaient le rituel de la pierre. Zahal embrassa du regard le champ de bataille et vit une avancée des Solarians entre le milieu du front et le flanc est.

- Valentin, prends le reste de tes hommes et va appuyer Ardrakar et les Sorcelames.

Le Chevalier Dragon appela ses hommes et se mit en marche sans tarder.


Bien des démons étaient présents ce jour-là. Des grands, des petits, mais aussi des démons plus insidieux qui pour exister devait vivre aux dépends d’un autre. Néhant présent, beaucoup de démons affluaient, invoqués par le sombre maître. Si pour la plupart des autres démons cela se passa sans encombre, lorsque Néhant prononça le nom de Mortelame, l’instabilité de la nature même des démons fit presque basculer la bataille. Le démon quitta les Méandres et chercha rapidement quelqu’un qui pourrait lui servir d’hôte acceptable. Instinctivement ce fut vers Moîra la Sorcelame que le démon se tourna. La jeune femme se plia en deux de douleur.

- Ça recommence ! Cria-t-elle, le démon est de retour !

Eglantyne, aux prise avec un Solarian ne vit pas sa sœur s’écrouler par terre. Mortelame avait de cela de particulier que ce type de démon tirait sa force de la présence d’autres démons, les larbins. Hors les larbins pullulaient sur le champ de bataille aussi nombreux que des puces parcourant la peau d’un chien. Cette sur-représentation de larbins rendit Mortelame forte, terriblement forte. Elle avait déjà ressenti un tel flot de pouvoir, c’était durant la guerre contre Néhant, lors d’une bataille contre des hommes de la Draconie. Telle une furie la démone se jeta sur une première victime qui ne fut autre qu’Eglantyne. La Sorcelame tenta bien d’esquiver les coups et de raisonner sa sœur, mais la démone avait trop d’emprise et Moîra avait totalement disparu. La lame perça la poitrine d’Eglantyne de part en part devant les regards stupéfaits et surpris des autres sorcelames et d’Ardrakar qui non loin de là assista au geste de la démone. La pauvre Eglantyne tomba au sol lorsque Mortelame tira la lame avec rapidité, le sang coula à grands flots. Naya, Ardrakar et les autres Sorcelames hurlèrent de rage et se ruèrent sur la démone avec la ferme intention de l’abattre sans autre forme de procès. Cet incident provoqua alors une faiblesse dans l’armée des hommes et des démons. Les Solarians en profitèrent pour faire une percée, écrasant les humains par leur férocité. Eux ne connaissaient pas le désordre, implacables, résolus, ils agissaient de concert dans le seul but de mettre à bas les créatures de Guem. Les Sorcelames ne surent plus où donner de la tête entre Mortelame aidée par d’autres démons et les Solarians quoique affaiblis n’en restaient pas moins de redoutables adversaires. Naya ordonna à Ylianna, Anazra et quelques autres de tenter de les retenir pendant qu’elle et d’autres combattaient la démone. La situation était véritablement critique, si les Draconiens ne parvenaient pas à tenir les forces conjuguées allaient être coupées en deux armées et vite encerclées. Valentin arriva à ce moment-là.

- Vous à droite, vous à gauche, ordonna-t-il en désignant des soldats. Appuyez les Sorcelames mais n’entravez pas leurs mouvements.

Telle une vague les Solarians s'abattirent sur le rempart formé par les Draconiens. La lutte s’engagea rapidement et les Draconiens avaient pour le moment atteint leur objectif : ralentir la vague. Une créature plus grosse que les autres se faufila en bousculant tout sur son passage. Valentin crut d’abord à un démon, mais non, le style des habits et des bijoux étaient d’origine du royaume du désert. Cette chose à moitié humaine et à moitié lion chargea Valentin lance en avant. Le Chevalier Dragon encaissa l’attaque de plein fouet. La pointe de la lance brisa la résistance de l’armure de Dragon et trouva un chemin vers le ventre du guerrier. Dans un “crack” Valentin se retrouva propulsé plusieurs mètres plus loin. Son cœur cessa de battre dans sa poitrine en même temps qu’en la cité de Noz’Dingard une pierre-cœur se détachait de la gemme de Dragon indiquant la mort du chevalier.


Anryéna avait écouté l’histoire de l’Apôtre et lorsque la bataille commença elle se rendit aux jardins du palais, attenants à la gemme de Dragon. Là, les milliers de pierre-cœur de ceux qui avaient décidé de lier leur destin à celui de Dragon brillaient de couleurs chatoyantes. L’Apôtre l’avait suivie car elle n’avait pas fini son histoire. Toutes deux savaient qu’au loin, au Tombeau des ancêtres le sort des Terres de Guem se jouaient. Mais pour l’heure l’Apôtre ne parlait plus et Anryéna fixait les pierres. Puis un craquement la sorti de sa torpeur, une pierre-cœur se désolidarisa de la gemme de Dragon et tomba devant elle. Elle la ramassa le cœur peiné.

- Eglantyne est morte, chuchota-t-elle.

- Vous connaissez les propriétaires de chaque pierre n’est-ce pas.

- C’est là un don que m’a octroyé mon père.

- Attendez-vous à d’autres pertes, ce n’est pas la dernière de cette bataille.

Effectivement une autre pierre tomba plusieurs minutes plus tard, un beau cristal rond et bleu.

- Val... Valentin...

Une larme coula du visage de l’Archimage, une larme bleue.


Le Seigneur Runique Eilos regardait le champ de bataille l’esprit affûté par la curiosité et par l’envie d’en découdre.

- Tout ce trajet et cette maudite chose tombée du ciel n’est plus là ! gronda Harès.

- Lania ! Tu peux venir s’il te plait ??

La prêtresse aussi frêle que belle grimpa la colline où se trouvaient les deux guerriers non sans difficultés, elle n’était pas vraiment habituée à crapahuter ainsi.

- Oui seigneur Eilos ?

- J’aimerais avoir l’avis de la fidèle de Thyrs sur ce qu’il se passe ici.

- Il en sera selon votre volonté, dit-elle d’une voix douce et serviable.

La jeune femme aux cheveux noirs ondulés se plaça face à la bataille, s’agenouilla et commença à adresser des prières vers Thyrs. La déesse répondit favorablement, donnant diverses informations comme ce qu’il se passait ici et qui étaient les différents protagonistes.

- Les créatures à l’aura blanche ne sont pas de notre monde, Thyrs est catégorique, elles sont une menace pour nous. Les hommes en bleu et les êtres du dessous forment une alliance contre nature mais logique.

- Je reconnais les étendards, c’est la Draconie, nous ne sommes pas très loin de cette région du monde. Ajouta Eilos. Je te remercie Lania, nous offrirons la victoire à Thyrs et nous lui ferons une offrande.

- Tu es entendu seigneur.

Le Seigneur runique mit son casque et dégaina l’une de ses épées avant de se tourner vers le reste de la Légion runique restée en contrebas.

- Légion runique ! Les Envoyés de Noz’Dingard sont aux prises avec un envahisseur inconnu. Allons les aider, puis lorsque l’issue de la bataille sera certain nous pourfendrons du démon !

Les hommes et les femmes composant la Légion crièrent pour s’encourager les uns les autres puis suivirent leur chef vers la bataille. Ce dernier entouré d’Harès et Xenophon se focalisait sur leurs actions futures.

- Xenophon, emmène Loquitus et Neixiriam avec toi, tu auras aussi Lania en appui. Vous êtes de loin les plus massifs et les plus costauds, vous tiendrez le centre.

Le gigantesque minotaure hocha la tête et fit signe aux concernés de le suivre. Puis Eilos regarda le reste de la troupe.

- Vous autres avec moi, on prend le flanc est. Quant à toi Harès, cela fait maintenant plus d’un an que tu es avec nous. Ta force est incontestable et aujourd’hui tu as rejoins la Légion, aussi montre-toi digne de l’honneur qui t’est fait. Tu vas combattre seul dans cette bataille, je veux que tu détruises le plus de ces créatures et que tu analyses nos possibilités pour la suite.

Harès prit ça pour un défi.

- Très bien, dit-il en resserrant les lanières de ses gantelets runiques.

- Les dieux nous regardent et nous jugent, cria Eilos.

Tous reprirent en cœur.

- Les dieux nous regardent et nous jugent !


La Légion runique dévala la colline arme à la main. L’équipe du Seigneur Runique Xenophon bifurqua laissant le gros de la guilde aller sur le flanc. Les Solarians ne comprirent leur malheur que lorsqu’ils virent briller les runes sur les armes et les armures de ces soldats venus de nulle part. Les pouvoirs des Solarians ne purent rien contre eux, les rayons solaires ne purent passer les protections de ces armures runiques.

Harès devait prouver sa valeur, aussi chercha-t-il du regard l’ennemi qui lui semblait le plus fort. Au centre il en vit deux. Une femme aux allures de démon et aux prises avec des Envoyés de Noz’Dingard puis une créature mi-homme mi-lion qui abattaient ses larges cimeterres sur les soldats de la Draconie.

- Toi, je vais pas te rater dit-il en courant vers sa cible.

Les runes sur l’armure et les gantelets d’Harès brillaient intensément lui offrant ainsi un grand pouvoir. Puis arrivant enfin à sa cible il arma son bras et décrocha au Sphinx un coup de poing monumental en plein visage, lui prélevant ainsi quelques quenottes au passage. Le Sphinx vacilla, sonné par le coup. Harès ne laissa pas de temps mort, frappant à nouveau de son poing ganté, cette fois-ci façon uppercut. Les autres Solarians se jetèrent sur lui pour l’éloigner de leur meneur, mais sans pouvoir réussir à le plaquer au sol. Le Sphinx fit craquer les os de son cou sous la colère.

- Poussez-vous ! Il est à moi ! Tu vas voir ce qu’il en coûte de toucher au Sphinx !

Mais Harès ne se laissa pas démonter et suivant sa stratégie lança son poing dans le ventre de son adversaire. Mais celui-ci cette fois ne se laissa pas faire et un duel mortel s’engagea.

La Légion runique s’en sortait admirablement bien. Les armées de Tantad étaient reconnues à travers le monde pour leur incroyables tactiques martiales, même l’empire de Xzia les enviait. Alors que les guerriers, en rang étaient au corps à corps, les prêtre en appelaient à leurs dieux pour infliger de gros dégâts dans les rangs adverses. Le groupe du Seigneur Runique Eilos fut rejoint par les nouveaux Nomades, le Vizir Mahamoud avait déjà croisé la route du seigneur Eilos. En face d’eux se regroupèrent les anciens Nomades. Contrairement aux Solarians invoqués par Sol’ra, eux avaient un corps humain. Djamena avait repéré les arrivants et les serviteurs des anciens dieux et plus que les Draconiens, eux représentaient un danger. Cela fut une bataille dans une bataille, une coalition des dieux du panthéon de Tantad et des anciens dieux du désert face à Sol’ra.

Puis le rituel de la pierre lancé par Pilkim et les autres mages débuta coupant les Solarians de Sol’ra, renversant le cours de la bataille. Les anciens Nomades se retrouvèrent seuls face à la Légion et les nouveaux Nomades, s’en suivit alors une incroyable boucherie. Si bien qu’il ne resta plus personne en vie de ce côté-là. Au-dessus d’eux Néhant étaient aux prises avec Sol’ra, l’issue n’était pas évidente pour l’un comme pour l’autre, mais c’est finalement Néhant qui emporta la partie, extirpant Ozymandias. Néhant rigola de sa victoire et lança sa prise par terre. Comprenant que cette personne devait être capturée Eilos se rua sur elle, suivi de près par Mahamoud. Le Seigneur Runique le prit par la gorge et examina les blessures. Ozymandias n’avait pas grand chose physiquement, mais mentalement il était détruit. Mahamoud laissa faire Eilos, jugeant que la témérité et l’intervention de la Légion runique avaient plus qu’aidé dans cette bataille.

- Est-ce qu’il existe d’autres cristaux comme la pierre tombée du ciel ?? Parle !!

Mais Ozymandias n’était plus à même de révéler quoi que cela soit. Au-dessus d’eux les nuages s’amoncelaient rapidement, trop rapidement.

Un cor résonna, celui de l’armée de la Draconie, rassemblant ses troupes. La guerre de Sol’ra était finie, une autre allait commencer sur-le-champ.

Chapitre 2 - Libérer la Flamme

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- Ne nous tuez pas !! Bégaya le premier ministre. Je suis sûr que nous pouvons trouver un arrangement... n’est-ce pas ?

Les pirates se regardèrent les uns les autres puis s'esclaffèrent en se tapant dans le dos.

- Vous nous prenez pour des sauvages ou quoi ? Ironisa Bragan. Vous en faites pas, on vous fera rien. Ordonnez à la flotte de se rendre, immédiatement... et tout ira bien.

Un des ministres, un petit homme au teint blafard sortit du groupe et, tremblotant, demanda à un des gardes de relayer l’ordre de retrait et de défaite de la flotte de Bramamir. A peine quelques minutes plus tard, Al la Triste entra triomphalement dans le lieu qui représentait certainement toute la puissance du gouvernement. De par sa taille elle toisa chacun des ministres avec aplomb et un brin de fierté.

- Vous faites moins les fanfarons maintenant, bande de traine-savates. En tant que meneuse de la rébellion pirate je déclare la dissolution du gouvernement.

- Vous ne pouvez pas ! S’insurgea un des ministres.

Le silence tomba sur l’assemblée comme une chape de plomb. Al la Triste se figea et fixa l’impertinent, un homme très sec habillé de vêtements beaucoup trop larges pour lui.

- Voyez-vous cela, le très corruptible Ardrios, ministre des finances prenant le peuple de Bramamir à la gorge, qui la ramène. J’ai tous les droits ici ! Dit-elle en sortant le pacte passé autrefois entre son père et le gouvernement. Et tout ceci est légal.

Puis regardant Briscar et Poukos.

- Amenez-le dans une des cellules du palais, je suis sûre que ça lui remettra les idées en place.

Les deux pirates s’occupèrent alors de l’ex-ministre des finances qui, après avoir émis quelques protestations, se retrouva vite... tabassé.

- Quelqu’un d’autre a une objection à formuler ??

A côté de leur capitaine, Ardranis et Ti mousse discutaient d’un sujet qui leur semblait capital.

- Je rêve pas hein ? Demanda Ti mousse.

- Quoi ? Rétorqua l’Elfine pirate.

- Beh t’entends pas ?

- Euh... non.

- De la façon de parler du capitaine, elle mâche plus les mots...

Ardranis fronça les sourcils écoutant Al la Triste. Effectivement en temps normal Al la Triste n’avait pas du tout ce langage.

- Elle cache bien son jeu celle-là... plaisanta Ardranis.

- …Hors donc notre action visait à faire toute la lumière sur la corruption de ce gouvernement. Nous allons donc faire un peu de ménage. Dit Al la Triste en frappant son poing de métal dans la paume de sa main de chair. L’armée passe sous mon commandement et je vous interdit de quitter la ville. Vous serez mis à contribution très rapidement car mon désir est de laisser les personnes intègres à leurs postes. Nul doute qu’il y en a parmi vous.

Sur ces dernières paroles Al la Triste s’en alla, non sans avoir donné la consigne à Bragan de veiller à ce que le premier ministre fasse le nécessaire côté administratif. Puis, dégainant son pistolame, elle fila à toute allure en direction du bureau de feu le gouverneur. La porte, fermée à clé, ne résista pas très longtemps et après quelques coups d’épaule mécanique l’infortunée serrure céda.

L’intérieur du bureau était presque aussi grand que le pont de l’Arc-Kadia. Tout paraissait neuf, le large bureau de bois commandé auprès des plus habiles artisans, au sol une fourrure d’un animal exotique aux couleurs incroyables, sur les murs diverses peintures présentant des scènes - souvent des batailles contre des insurgés pirates -. La lumière entrait par une large fenêtre qui offrait une vue imprenable sur la magnifique cité de Bramamir. Al fit attention à bien être seule, se méfiant du moindre recoin et de la moindre possibilité d’un tueur embusqué. Rien d'inattendu ne se produisant, elle posa sa lourde arme sur le bureau et commença l’examen en règle de la paperasse. Des rapports sur divers thèmes, des lettres écrites par divers ministres, des chiffres notés sur un parchemin et des rapports militaires. Exaspérée elle jeta les parchemins par terre puis se laissa tomber sur le confortable fauteuil de l’ex-gouverneur. Elle enfouit son visage dans ses mains pour mieux remettre de l’ordre dans ses idées lorsqu’une brusque variation de luminosité la tira de ses pensées. Soudainement la pièce s’obscurcit, puis un courant d’air chassa les quelques parchemins restants de la surface du bureau alors qu'apparaissait en même temps la forme d’une petite créature. Celle-ci à peine plus haute qu’un tonnelet de rhum présentait toutes les caractéristiques d’un démon. Petites cornes noires transparentes, aspect monstrueux et absence de bouche.

- Alors c’est réglé ? Gouverne... demanda-t-elle avant de se rendre compte que ce n’était pas le gouverneur assis dans le siège.

Al la Triste, furieuse l’attrapa par le cou avec sa main de fer. Supris le démon se mit alors à couiner comme un chien à qui on aurait donné un coup de pied.

- Lâche-moi ! Lâche-moi ! Lâche-moi ! Lâche *glurgl*.

Le démon se débattait, tentant désespérément de griffer la large main de métal.

- Qui es-tu ? Qui est ton maître, chiure de latrines !? T’as intérêt à parler si tu veux pas que je t’arrache la tête.

- J’dirais rien ! J’dirais rien ! Répondit le démon en secouant jambes et tête.

  • Crac*

Al serra tellement fort le cou qu’elle finit par le broyer, tuant le démon. Elle jeta avec dédain le corps de cette chose à l’autre bout de la pièce. La colère montait, sentant que quelque chose lui échappait elle donna un grand coup de pied au large bureau, le renversant aussitôt. Là elle remarqua d’étranges écritures et symboles gravés sous le plateau du bureau.

- Qu’est-ce ??

Mais sa réflexion fut interrompue par Briscar et Poukos.

- Ca y est chef, c’est fait... Mais qu’est ce qui s’passe ici ? Demanda le vieux pirates, voyant le corps du démon et le bureau renversé.

- J’aimerais bien l’savoir, j’veux que les magots planchent sur ça, dit-elle en montrant les symboles. Ça sent mauvais cette histoire.

- Je suis bien d’accord, vous savez qui j’ai trouvé dans les geôles ?

- Des ennuis ?

- Nan, la p’tite Flammara.

- Flam... Pfffff, bien fait pour sa pomme, ça lui apprendra la vie.

- Elle demande à te voir chef, dit Briscar en montrant l’entrée de la pièce.

- Bon... voyons voir ce qu’elle me veut, dit-elle en ramassant et rangeant son pistolame.

Le palais de Bramamir fut autrefois un château fort très imposant avant que la royauté ne laisse la place à un gouvernement plus démocratique. Depuis, les bâtiments avaient subi de nombreux remaniements. Les geôles, elles, avaient été épargnées de toute modification. Les murs épais, suintant d’humidité, cachaient de nombreuses cellules insalubres. Al la Triste trouva le gardien évanoui, probablement en raison de la rencontre entre sa tête et la Coulegrouillot de Poukos. Dans la première cellule, plusieurs hommes aux barbes longues et habillés de haillons tendaient leurs mains pour qu’on les aide, mais Al la Triste les ignora pour le moment. Elle passa devant la nouvelle résidence d’Ardrios qui criait à l’injustice, puis après plusieurs cellules vides s’arrêta enfin devant celle tout au bout du long couloir. Appuyée sur le mur du fond gravé d’inscriptions la prisonnière évitait de regarder en direction d’Al la Triste.

- Alors Flam’ on s’est mise dans de beaux draps ? Ironisa-t-elle en prenant et ouvrant le registre de la prison posé sur une étagère en hauteur.

Mais Flammara répondit en la fusillant du regard, et quel regard ! Si ses yeux avaient bien la forme normale en revanche le blanc, comme l’iris étaient rouge vif.

- Me regarde pas comme ça, c’est pas moi qui t’ai mise là. Alors voyons... F... Flammara, voilà, rébellion... agression... incendie... étonnant. T’as perdu ta langue ? Tu t’es fait lâcher par tes copains de jeu ? Où est ce rat de fond de cale, ce suceur de moelle qui te sert de capitaine ? Alors ??

Piquée au vif, Flammara sauta sur les barreaux de sa prison, cognant l’étrange appareil qui lui serrait la tête.

- Joli chapeau, au moins un peu de bon sens dans cette baraque. Pas de magie du feu... tant...

- Je vais te dire ce que je fais ici... mais fais-moi d’abord sortir d’ici. Ça va te plaire... je te promet.

- Non ! La dernière fois que je t’ai écouté ça a tourné au désastre. Et puis t’es pas en position de la ramener, t’es en taule, pas moi.

Flammara grinça des dents, puis comprenant que ça ne conduirait pas à sa libération elle fit preuve d’un peu de bon sens.

- T’as gagné Al... Je me suis faite prendre alors que j’étais en mission, c’était un piège !

De suite elle gagna l’attention de son auditrice.

- Tu ne sais pas ce qu’il se passe ici en Bramamir...

Al coupa net.

- Tu crois ? Poukos et Briscar t’ont pas dit ??

Devant le visage interrogateur de Flammara, la réponse était vraisemblablement non.

- Nous venons de prendre le palais et le gouvernement vient de se soumettre, le gouverneur s’est suicidé.

- Bien ! Mais l’histoire qui me concerne est certainement bien plus importante que ça. Al je sais que nos rapports sont toujours très... enflammés, mais écoute-moi, j’ai découvert des indices et ce qu’il se passe est en rapport avec le vortex. Un secret que le gouvernement cache depuis la fin de la guerre contre Néhant.

- Quoi donc ?

- Ouvre-moi maintenant, je t’ai déjà révélé beaucoup, et de toute façon je ne peux pas tout mettre à jour sans aide. Je pense que ce chien de Doigts-Crochus m’a vendu au gouvernement et qu’il est de mèche avec tout ça.

- Ou il s’est rendu compte que t’es une véritable peste et a trouvé marrant de t’envoyer dans je ne sais qu’elle histoire rocambolesque. Mais bon, je suis dans un bon jour, je te gracie ! Puis Al récupéra les clés pour ouvrir la porte de la cellule.

- Par contre tant que je suis pas certaine de tes intentions, tu vas garder ça sur la trogne, ajouta le capitaine en montrant l’étrange appareil sur la tête de Flammara, je veux pas que tu brûles le palais... ajouta-t-elle à gorge déployée.

Chapitre 3 - Eradication

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- Vous n’obtiendrez rien de moi, tuez-moi que je rejoigne le grand astre.

Ozymandias dodelinait de la tête. Cela faisait maintenant plusieurs semaines que Sol’ra avait été défait par l’alliance des Draconiens, des Néhantistes, des Nomades et des Runiques. L’ancien Prêtre-roi qui abritait en son sein l’avatar de Sol’ra n’était plus que l’ombre de ce qu’il fut. Désormais entre les mains de la Légion Runique il subissait un interrogatoire perpétuel.

- C’est là que tu fais erreur... commença à répondre Eilos avant d’être coupé.

- Non l’erreur c’est Néhant qui l’a faite, il aurait du me soutirer les informations que vous désiriez... mais c’est trop tard maintenant.

Eilos attrapa Ozymandias par la mâchoire et serra fort.

- Il y a d’autres moyens, tu as peut-être une volonté d’acier, mais nous autres sommes capables de modeler le métal, dit Eilos en relâchant son étreinte.

Les campements des Runiques et des nouveaux Nomades se trouvaient à l'extrémité nord de ce qui restait du Tombeau des ancêtres. Une alliance temporaire entre ces deux guildes se dessinait et Eilos et le Vizir Mahamoud tentaient vainement de remonter le moral des troupes après une bataille éprouvante face à Néhant. Pour Eilos seule comptait la mission que le Cénacle de Tantad lui avait confié : Récupérer le cristal tombé du ciel. Hélas il n’en restait rien après que la créature qui se trouvait à l’intérieur eut prit possession d’Ozymandias dans le but de détruire ce monde. Mais Eilos était la persévérance même, il n’allait certainement pas s’arrêter à cet état de fait, à cet échec.

Le lendemain matin, il y avait de l’agitation au campement. Eilos sortit de sa tente en même temps que d’autres un peu partout, eux aussi attirés par le bruit. Coranthia, Lania et Xenophon entouraient un homme en le révérant, le glorifiant. On ne voyait pas le visage de cette personne cachée par l’imposante stature du minotaure. Mais le bâton indiqua à Eilos que la personne qu’il attendait était enfin arrivée. Après avoir salué ses congénères l’homme avança jusqu’à Eilos. Son visage était marqué par les années, sa tenue blanche aux bordures dorées était celle d’un prêtre et effectivement c’était un homme de foi, et pas n’importe lequel.

- Je te salue Seigneur Runique Eilos, que le Panthéon te soit favorable.

- Et je te salue en retour Sapient, Oracle d’Orpiance, répondit Eilos en écartant les bras puis le serrant contre sa poitrine. Ton arrivée me soulage, nous avons cruellement besoin de tes talents... sur bien des points, ajouta-t-il en relâchant son ami. Mais entre donc, tu es le bienvenu sous la tente des Archontes comme il va de soit.

L’intérieur regorgeait d’armes, d’armures, de sièges, de lits. Il y avait au beau milieu une table avec divers objets dessus, un pichet d’eau et diverses coupes. Sapient posa son sceptre contre une des colonnes qui soutenait la toile de l’immense tente. Puis se posa dans un siège à grand renfort en laissant échapper un râle de soulagement.

- Je commence à me faire vieux pour ces voyages, dit-il en se servant un peu d’eau. Alors pourquoi m’as-tu fait venir jusqu’ici ? Ce n’est certainement pas pour t’apprendre l’art des runes, Coranthia et Lania sont des expertes en leur domaine.

- Non, du moins pas pour le moment, mais tu disposes d’un savoir qui va me permettre de déverrouiller une langue. J’ai un prisonnier, quelqu’un d’important, j’aimerais qu’il nous révèle ce qu’il sait, mais il ne veut rien dire. Après avoir empêché nos fortes têtes de lui arracher les bras, j’ai cru bon de te faire venir.

Sapient avala le contenu de la coupe avant de se servir à nouveau.

- Tu me fais venir pour jouer le tortionnaire ? Dit-il sur un air de reproche.

- Pas seulement, ce prisonnier peut nous dire où trouver des cristaux tombés du ciel, et tu serais le premier à pouvoir créer des runes avec. Je pense que c’est une motivation et une raison suffisante, non ?

Le prêtre soupira et posa sa coupe sur la table.

- Oui, c’est suffisant. Mes serviteurs vont installer mes affaires ici. Laisse-moi un peu de repos et nous irons... délier la langue de ton prisonnier.


- Vous n’obtiendrez rien de moi ! Cria Ozymandias.

Le Vizir Mahamoud, qui se tenait aux côtés d’Eilos et de Sapient, se demandait comment ils allaient obtenir des réponses. Après tout, eux aussi, nouveaux Nomades, avaient tenté de faire parler Ozymandias, mais à part des malédiction et des insultes, il n’avait rien dit. Sapient se plaça devant Ozymandias qui était attaché à un poteau profondément enfoncé dans le sol.

- Vous ne parlerez pas, mais devant nous va se dévoiler ce qui se cache dans les méandres de votre tête, dit Sapient d’une voix forte.

A ce moment là les runes sur ses habits et sur son bâton s’illuminèrent.

- Tenez-le bien, ajouta-t-il alors que ses yeux s’illuminaient à leur tour.

Loquitus passa derrière le poteau et tint Ozymandias de manière à ce que l’infortuné soit totalement immobilisé. A présent des runes scintillantes de mille feux volaient en cercle autour du bâton qu’il tenait d’une main. De l’autre main, Sapient dessinait des runes sur le front d’Ozymandias.

- Ô dieux du Panthéon, entendez la voix de votre serviteur, Sapient Oracle d’Orpiance. Faites apparaître ce qui nous est caché, accordez-moi la clairvoyance.

Puis les runes sur le visage d’Ozymandias s'effacèrent les unes après les autres, on aurait dit qu’elles étaient absorbées par la peau.

- Voyons tes souvenirs à présent !

Sapient ferma les yeux et posa la paume de sa main sur le front d’Ozymandias qui commençait à convulser. Des formes humaines, des lieux en fonction de différentes situations apparurent tels des mirages. Les souvenirs passaient à reculons, du plus récent vers le plus ancien. Ainsi au départ Avatar de Sol’ra, il redevint Ozymandias suite à quoi l’assistance vit comment il fut libéré d’un cristal jaune semblable à la pierre tombée du ciel.

- Il y a d’autres cristaux jaunes, dit Eilos en souriant.

Un long moment passa avant que d’autres souvenirs reviennent, à cette époque très lointaine Ozymandias était un grand chef de guerre, dirigeant les armées au nom de Sol’ra. Enfin, plus jeune un fait plus extraordinaire qui fit basculer le destin d’Ozymandias. Une pluie de météorites arrosa une bonne partie du désert, de ces cristaux étaient sorties des créatures de Sol’ra. Sapient arrêta là sa recherche, sentant que le prisonnier n’allait pas tenir plus longtemps. Les runes sur les habits et le bâton s’éteignirent lentement.

- Il y a d’autres cristaux parsemés dans le désert, dit Sapient en reprenant son souffle. J’ai vu dans son esprit que Sol’ra a prévu un plan de secours si son Avatar ne remportait pas la victoire. Partout dans le désert des... Comment vous les appelez déjà ? Sol’rain ?

- Solarian, répondit le prince Metchaf.

- Merci. Ces Solarians sont enfermés dans des cristaux et sont donc une menace pour l’avenir.

Mahamoud et Metchaf se regardèrent, la nouvelle était mauvaise et impactait directement le royaume du désert.

- Dans ce cas il est temps pour nous de retourner chez nous, décida le Vizir.

- Accepteriez-vous notre compagnie ? Nous comptons bien récupérer ces cristaux et détruire ces Solarians, ajouta Eilos en tendant la main en direction de Mahamoud.

L’homme à l’armure de lion saisit aussitôt l’opportunité offerte et scella la décision par une poignée de mains.

- Avec plaisir, nous ne seront pas trop de deux guildes pour cette tâche, nous devons débarrasser définitivement le désert de l’influence du dieu solaire.

- Légion Runique, nous levons le camp. Les dieux nous regardent et nous jugent ! Dit Eilos.

- Les dieux nous regardent et nous jugent ! Répondit comme un écho le reste de la Légion Runique.


La Légion Runique et leurs nouveaux alliés Nomades voyagèrent jusqu’à la porte à double sphinx, seul accès vers le désert d’Emeraude. Le vent chargé de chaleur s’engouffrait là avec force, projetant le sable fin sur les visages des voyageurs. Les Nomades ouvrirent la marche, habitués à suivre des routes invisibles aux yeux des étrangers. Les Nomades s’attendaient à devoir traîner les Runiques comme des fardeaux, accablés par la chaleur, mais tel ne fut pas le cas. La plupart d’entre eux était habitué aux températures extrêmes.

- Ça me rappelle l'entraînement à Faistaios, avec moins de lave, se souvint Agillian.

- Faistaios ! Mais ici il fait frais comparé à là-bas, répondit Loquitus en rigolant.

Ne comprenant pas les allusions, les nomades se concentrèrent sur leur nouvel objectif et menèrent le groupe suivant les indications de Sapient. Plusieurs jours plus tard les voici au nord-est du désert, devant eux se dressaient des ruines en partie recouvertes de sable.

- Nous y sommes, je reconnais cet endroit des souvenirs d’Ozymandias, plusieurs cristaux se trouvent par ici, expliqua Sapient.

- Bien, dressons un campement ici. Vous connaissez vos rôles, patrouille par deux, ordonna vivement Eilos.

- Nous allons vous aider pour le campement et pour les patrouilles, indiqua Mahamoud peu familier avec les tactiques militaires Tantadiennes.

- Du sable, du sable et encore du sable, comment font les gens d’ici pour vivre dans un tel environnement ? Râla Agillian et extirpant ses pieds du sable.

- Bah, tu sais d’où je viens c’est pas mieux, de la pierre et toujours de la pierre, ironisa Loquitus.

- Qu’est ce que...

Agillian montrait un point brillant en haut d’une dune. Les deux Guerriers Runiques coururent jusque-là pour découvrir de multiples éclats de cristaux jaunes. C’était comme si un cristal plus gros avait explosé, éparpillant des morceaux tout autour.

- Agillian, regarde là, des traces.

A priori une personne était venue jusque-là, puis était repartie dans une autre direction.

- Ça part vers cette montagne-là.

- Si ce que me disait Urakia est vrai, les traces disparaissent rapidement dans le désert. On peux en déduire que cette personne est passée il n'y a pas longtemps, expliqua Agillian.

- Allons voir ! Ordonna Loquitus en tenant fermement sa large épée.

Les deux Guerriers Runiques suivirent les traces jusqu’au pied de la chaîne de montagne qui entouraient le désert d’émeraude. Là ils virent un homme aux cheveux blancs avec des ailes lumineuses. Celui-ci dégageait un cristal enfoui sous des gravats. Lorsqu’il s'aperçut qu’il n’était pas seul le Solarian se retourna puis projeta une pierre sur Loquitus.

- Partez ou mourrez ! Cria le Solarian.

Il n’en fallut pas plus pour énerver le minotaure qui chargea sans plus attendre le provocateur. Le combat n’avait rien de vraiment équilibré mais le Solarian se défendit du mieux qu’il le put, blessant Agillian au bras gauche. Mais hélas pour lui il en fallait plus aux Guerriers Runiques pour les impressionner. Loquitus parvint à immobiliser son adversaire, puis Agillian arma son bras et transperça la gorge du Solarian avec sa lance.

Loquitus lâcha le corps sans vie du Solarian, les ailes disparurent et l’homme reprit l’apparence qui était vraiment la sienne, un simple humain qui avait eu le malheur de passer par ici. De ce corps s’échappa alors une forme lumineuse qui aussitôt se dispersa. Si bien qu’il ne restait plus de trace du Solarian.

Chapitre 4 - Ni vivant, ni mort

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Le feu crépitait dans l’âtre, l’odeur de la fumée se répandait dans toute la maison, sans que cela ne vienne gêner les occupants. A cela se mêlait un parfum de viandes et de vins cuits. Devant la cheminée deux écuelles traînaient là, vides de tout contenu, seules les traces de sauce et de pain indiquaient le festin passé. Non loin un petit chaudron de cuivre finissait de se refroidir après les assauts des flammes. Tournant un gobelet d’argent d’une main, Dimizar assis dans un fauteuil fixait le feu la tête remplie d’espoirs futurs. Il se laissa à rêver de cette descendance qu’il souhaitait tant, de bambins qui rempliraient cette grande maison vide de bonheur et de joies enfantines.

- A quoi penses-tu ? Demanda une voix féminine venant de derrière.

- A l’avenir.

Une jeune femme le rejoignit alors. Son visage blanc était encadré d’une longue chevelure brune bouclée. Ses yeux verts exprimaient un amour profond envers l’homme qu’elle regardait.

- C’est une belle maison, nous y serons bien, dit-elle en souriant.

- Espérons-le, les quelques personnes que j’ai croisé ne m’avaient pas l’air très accueillantes.

- C’est partout pareil les gens sont toujours méfiants de ceux qu’ils ne connaissent pas, laisse le temps au temps et...

La jeune femme s’arrêta de parler, quelque chose n’allait pas. Elle se tint la poitrine au niveau du cœur, ses jambes ne la retinrent plus et elle s’écroula sur les lattes du plancher. Dimizar lâcha la coupe de vin et s'élança vers le corps inerte de son épouse.

- Almaria ! ALMARIA ! Cria-t-il en saisissant délicatement sa tête.

Le cœur de Dimizar battait la chamade, aspirant et expulsant le sang de la terreur.


Le sang.

Le sang coulait sur le sol humide de cette caverne où se traînait Dimizar. Les souvenirs de cette vie passée tambourinait dans sa tête en rythme avec ce cœur qui battait de plus en plus lentement. La froideur de la lame plantée dans son thorax le glaçait à chaque respiration. Elle était pour lui un supplice. Nul son ne sortait de sa gorge trop serrée pour laisser la moindre émotion passer, seul le sang pouvait se frayer un chemin. Il tenta bien de l’ôter mais à peine eut-il poser la main sur la poignée de la dague qu’il souffrait le martyr. Cette fois il allait mourir, il le savait, son sort était réglé.


Almaria ouvrit péniblement les yeux. La lumière ambiante l’agressait, elle s’en protégea de son bras en râlant. Assis sur une simple chaise de bois Dimizar tenait son autre main au creux de la sienne. Depuis la première fois, la première crise, tout s’était enchaîné dans un processus infernal. Cette belle demeure n’était désormais plus qu’une coquille vide. Chaque meuble, chaque bijou, chaque livre vendu fut une cruelle déception, mais il le fallait. Pour lui seule sa femme comptait, tout le reste n’était qu’accessoire.

Il lui serrait la main comme pour l’empêcher de partir, comme si l’issue pourtant inéluctable pouvait être évitée.

- Je suis là, je suis là, dit-il la voix tremblante.

- Pardonne-moi...

- Tu n’as rien à te faire pardonner.

- Je ne t’offrirais jamais l’enfant qui aurait comblé tes rêves... J’ai... l’impression de t’abandonner. Ne leur en veux pas Dimizar, ils ne savent pas et ont peur.

Des larmes perlaient à présent sur les joues creuses de l’homme.

- Ne pars pas... ne pars pas !

La main qui tenait la sienne se décontracta, devenue inanimée, morte. Dimizar resta là, immobile, tentant d’admettre la mort de sa femme. Dehors la nuit tombait, comme un écho à la noirceur de la mort. Tremblant de tout son être il passa les bras sous le corps sans vie d’Almaria pour la serrer fort contre lui.

- C’est moi qui aurait dû te demander pardon.


Pardon.

- Elle pourra t’accorder son pardon mon ami.

Dans le brouillard sur le chemin de la mort Dimizar cru halluciner. Qui lui parlait, ici au milieu de nulle part ?

- Je ne vais certainement pas te laisser ainsi mon ami, nous avons traversé beaucoup d’épreuves ensemble.

Oui, il connaissait cette voix. Étrange qu’il se manifeste maintenant. La pierre-cœur de Zejabel, tombée lorsque Dimizar arriva là après avoir traversé les méandres brillait intensément. Une forme se dessina, comme une apparition fantomatique.

- Nous sommes morts mon ami. Néhant ne t’aidera pas, il nous a rejeté, tu sais que cela pouvait être ainsi, tu as toi-même agi comme le pire Néhantiste, moi aussi d’ailleurs, nous avons agi ainsi. La forme spectrale de Zejabel fit le tour de Dimizar, contemplant le Néhantiste agonisant.


- La mort te fait si peur que ça Zejabel ? Demanda Amidaraxar. Tu devrais être honoré de donner ta vie pour Néhant.

- Mais je suis honoré, le sujet n’est pas là. Je suis un mage... un sorcier, j’étudie la magie et je suis certain qu’il existe une application des pouvoirs Néhantiques avec la mort, dit Zejabel au beau milieu de la grande caverne sous son manoir. Mes recherches seront longues.

- Justement, ce n’est peut être pas le moment pour ça, le lézard bleu de Noz’Dingard a annoncé une prophétie. Tu es au courant ?

- Bien sur, tu crois quoi, c’est pas parce que je suis enfermé ici que j’ignore ce qu’il se passe ailleurs.

- Je vais bientôt conduire les légions vers le nord afin d'écraser ceux qui osent se rebeller. Quant à toi, vois avec Artrezil pour la destruction de ce Dragon de malheur.

- Je verrais, je finis quelques expériences et je me mets en route.


- J’ai travaillé des heures et des heures à manipuler les magies les plus obscures. Et lorsque Néhant a été défait j’étais sur le point de réussir. Dimizar, je vais enlever cette dague qui te transperce et tu vas mourir, ton cœur va cesser de battre pour toujours. A ce moment-là tout va changer. Je t’avais dit que nous ne formerions plus qu’un, que tu serais moi et que je serais toi. Nous allons continuer notre chemin et nous allons le faire à notre façon, car dès lors tes souvenirs se mêlerons aux miens, tes traits de caractère seront aussi les miens.

Dimizar s’était presque vidé de son sang lorsque la main spectrale de Zejabel attrapa la poignée de la dague que Télendar planta de toutes ses forces. Puis d’un coup sec il la retira dans un jaillissement sanglant. Le visage de Dimizar exprimait la terreur mais aussi la tristesse, des larmes coulaient de ses yeux exorbités.

Tout s’arrêta, la douleur, la peine, la peur. Tout cela fut balayé alors que sur lui s’étendait le voile de la mort.

Ses paupières papillonnèrent quelques instants alors que tout se chamboulait en lui. Quelque chose avait changé, il s’en rendit compte immédiatement, disons que le changement qu’espérait Zejabel s’était produit. Les deux esprits ne faisaient réellement plus qu’un, il le savait car il était à la fois Zejabel et Dimizar. Il avait la dague de Télendar dans sa main et en lieu et place de sa blessure se trouvait désormais sa pierre-cœur. Seule sa surface dépassait.

- Cela à fonctionné, la mort est vaincue, dit-il d’une voix caverneuse, à peine humaine.

Son cœur avait cessé de battre, son sang ne circulait plus et désormais il ne respirait plus. Il ne voyait plus le monde de la même manière, sa vision déformait la réalité. Après un temps d’adaptation il réalisa toute l’ampleur de ce qu’il venait de se passer. Cela était très confus mais le résultat était là, il n’était ni vivant, ni mort, mais il existait toujours, d’une manière... différente. A présent qu’ils ne formaient plus qu’un, le funeste évènement qui propulsa Dimizar vers lui apparut sous un jour nouveau, était-ce un simple hasard. Zejabel travailla autrefois à créer des maladies magiques qu’il expérimenta sur des villageois, précisément le village où Dimizar s’était installé avec sa femme.

La boucle était bouclée, Zejabel était un Néhantiste et malgré le fait qu’il avait du mêler son âme à celle de Dimizar il avait fini par avoir ce qu’il cherchait.

Chapitre 5 - Objectif : Dimizar

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Les Combattants de Zil s’affairaient à ranger toutes leurs affaires. Le chapiteau aux bandes verticales noires et violettes se retrouvait au sol, attendant d’être plié une fois de plus. Les stigmates des fêtes successives s’estompaient dans les cœurs. Chacun avait un rôle précis à jouer dans l'organisation de la guilde. Farouche cachait son inquiétude vis-à-vis de Salem et de Kriss, partis pour régler un problème jugé vital. La jeune femme désormais chef de bande ne montrait pas ses craintes vis-à-vis de la bataille à venir et tentait de faire bonne figure. Télendar avait déjà ressenti ça dans une autre vie, il comprenait l'appréhension de Farouche. Mais il devait lui parler et ce qu’il allait lui dire ne lui plairait pas.

- Je peux te parler Farouche ? Demanda-t-il avec gravité.

- Euh... oui.

- Lorsque nous avons attaqué le manoir j’ai réussi à avoir le Néhantiste, du moins à lui mettre une lame en pleine poitrine avant que celui-ci ne disparaisse.

- Je sais ça... et ?

- Je ne suis pas sûr qu’il soit mort. Je dois m’assurer qu’il n’a pas survécu et si c’est le cas lui régler son compte. C’est crucial pour moi, tu comprends ?

- Oui je comprends, mais les ordres sont clairs, les Combattants de Zil doivent aider les Envoyés de Noz’Dingard. Et tes lames nous seront précieuses.

Les mains sur les hanches Farouche lui adressa un regard de reproche.

- Et comment comptes-tu t’y prendre pour suivre quelqu’un qui a disparu ? Demanda-t-elle pensant mettre ainsi un terme au désir de balade de Télendar.

Le jeune homme aux cheveux blancs s’attendait à cet argument.

- Je peux localiser la dague que j’ai planté dans ce Néhantiste... à l’autre bout du monde s’il le faut. Mais je sens qu’elle n’est pas si éloignée que ça d’ici. Quelques jours tout au plus, ensuite je vous rejoins.

- Bon, je suppose que tu te feras la malle durant le voyage si je te dis non. Et puis nous devons lutter contre les Néhantistes, ça serait bête de laisser un doute planer. Alors vas-y, pars, mais tu n’y vas pas seul, tu emmènes au moins un autre combattant.

- C’est tout vu, j’ai besoin de discrétion. Sangrépée et... celle que je ne connais pas, Saphyra c’est ça ?

- C’est ça. Par contre revenez le plus vite possible, s’il le faut passez par la demeure au retour et rameutez les Combattants qui pourraient s'y trouver. Je compte sur toi Telou, dit-elle en lui adressant un large sourire.

- T’étais obligée de faire une marionnette à mon effigie ? Râla Télendar.

Saphyra fut étonnée que les premiers mots prononcés depuis une demi-journée de marche furent ceux-là.

- C’est une longue histoire, c’était pour te rendre un hommage.

- D’accord, mais ça me perturbe, j’ai l’impression qu’il me regarde.

- Ce n’est qu’une poupée Télendar, tu vas pas avoir peur d’une poupée ? Se moqua Sangrépée en contenant un fou rire. Bouh la poupée elle me regarde de travers, maman j’ai peur !!

Les deux filles rigolèrent ensemble de leur camarade de voyage. Ce dernier ne se laissa pas faire et bien que les moqueries ne lui plaisaient pas, l’assassin aimait cette ambiance propre aux Combattants de Zil. Le trajet à travers les montagnes fut l’occasion de connaître un peu mieux Saphyra qui avait rejoint la guilde pendant l’absence de l’ancien chef. Son histoire réellement atypique avait tout d’une Zilerie comme ils disaient souvent. Le soir arrivant, les compagnons d’aventure s'installèrent dans une cuvette bordée de grands rochers. Sangrépée connaissait bien cet endroit pour s’y être arrêtée quelque fois avec certains Combattants de Zil, c’était un passage vers leur quartier général, la célèbre demeure d'Artrezil.

- Il nous nargue ton Néhantiste Tel’, il est loin d’ici ? Parce qu’on est près de chez nous quand même, dit Sangrépée interloquée.

- Je pense pas qu’il s’amuse à ça, pas après le coup que je lui ai porté. Je ne sens pas la dague bouger, à mon avis il est mort. Mais bon... On en aura vite le cœur net. Qu’est ce qu’il y a Sang’ ? Sansvisage te manque déjà.

- Non, dit-elle en laissant échapper un petit gloussement. Je me demande juste où sont passés Salem et Kriss.

- Pareil, au final nous sommes peu nombreux à avoir obéi à l’ordre d’Abyssien, dit Saphyra en remuant les braises du feu de camp.

- Et , c’est pas étonnant, nous sommes les Combattants de Zil, n’oublions pas que la guilde passe avant les intérêts autres. Ceci dit nous retrouverons les autres dès que possible, seulement nous arriverons avec du retard, tu vois nous avons été prévenus après les autres.

- Après ? Ah mais oui bien sur, répondit Saphyra comprenant l’idée de Télendar.

- Dormez les filles nous allons avoir de la marche demain, et ça risque de pas être facile en talons, hein Saphyra !

- Pfff, répondit l’intéressée en regardant ses chaussures.

Télendar, Saphyra et Sangrépée cachés derrière des rochers observaient l’entrée de la grotte depuis plusieurs heures maintenant. La route jusque-là s’était avérée plus difficile que prévu en raison de l’éboulement d’une falaise sur la route qui traversait les Monts noirs. L’équipe dû faire un large détour pour finalement revenir sur le bon chemin. Puis Télendar stoppa la course car ils entraient dans une zone où potentiellement ils pouvaient croiser des Néhantistes, des démons ou toute autre créature mal intentionnée à leur égard. Mais étant des experts en infiltration la petite troupe se retrouva vite indiscernable à l’œil d’un non initié.

- On y va, chuchota Télendar en dégainant une dague. Soyez prudentes.

- Vas-y, on surveille tes arrières, répondit Sangrépée.

Télendar sauta de rocher en rocher jusqu’à l’entrée de la grotte où il se plaqua contre la paroi pour être le plus discret possible. La grotte n’était en réalité qu’une caverne de petite taille. La faible lumière ne l'empêcha pas de discerner les taches au sol et l'éclat du métal.

- Du sang ! Ma dague !

- Tel ! Télendar ! Tu devrais venir voir ça ! Cria Sangrépée. Y a de drôles de gars qui arrivent...

- De drôles de gars ? Se demanda Télendar en allant voir.

Les trois hommes qui arrivaient vers la grotte n’avaient en réalité rien de particulièrement drôle. Au contraire, leur allure claudicante, les morceaux de chair manquants, leurs regards vides de la moindre étincelle de vie, avaient de quoi soulever les cœurs des plus endurcis. Leurs vêtements étaient déchirés et l’odeur qui s’échappait d’eux se sentait à plusieurs mètres autour. Saphyra et Sangrépée révulsées par ces “choses” reculèrent. Télendar qui n’éprouvait pas la peur s’avança non sans serrer sa dague.

- N’approchez pas ! Nous sommes membres des Combattants de Zil, guilde officielle !

Mais les arrivants ne produisaient rien de plus que des sons inhumains. Le premier arriva au niveau de Télendar et tenta de le griffer des ses doigts crochus. Le Zil réagit par instinct et enfonça sa lame dans la gorge de cette... chose. Peu de sang s’écoula de la blessure et lorsqu’il retira la lame celle-ci était couverte d’un liquide épais et noirâtre à l’odeur nauséabonde.

- Herk ! cria Saphyra en esquivant le coup d’un autre assaillant.

- C’est quoi ces trucs ? Des cadavres vivants ?? Demanda Sangrépée en donnant un coup de sa lame d’ambre dans le thorax du troisième.

- Des zombies dégueulasse ! C’est comme dans les histoires qu’on me racontait quand je n’étais qu’une fillette, expliqua Saphyra en tenant le zombie face à elle au moyen de sa poupée aux griffes d’acier.

Télendar batailla avec ce corps sans vie et il s'énerva après avoir frappé aux endroits vitaux avec sa dague sans parvenir à un résultat. Sangrépée elle n’y allait pas de main morte et trancha dans le vif sans autre forme de questionnement. Les membres volèrent vite, la résistance de ces corps n’était pas vraiment la même que celle des vivants. Si bien qu’assez vite le sol se trouva jonché de bras, de jambes, de doigts et de têtes. Et au bout d’un moment plus rien ne bougea.

- Y en a partout ! Ça chlingue ! Critiqua Saphyra qui commençait à nettoyer sa marionnette.

- Et ta dague Télendar ? Dit Sangrépée qui réfléchissait au pourquoi du comment.

- Elle est dans la grotte. Ce qui implique que le Néhantiste n’est pas mort et ça me met en colère.

- Du coup on fait quoi ? On reste là ?

- Non, je récupère ma dague, on prend une tête de... comment tu as dit que ça s’appelle ? Zombie ? Bref un bout de cette chose et nous allons faire une halte à la demeure pour faire le point sur tout ça et chercher à comprendre.

- Tu... tu veux qu’on prenne un bout de ça ?? S’étonna Sangrépée.

- Oui, répondit l’assassin en lui jetant un sac de toile dans les bras. Tu t’en charges... s’il te plait.

Alors que Sangrépée récupérait la tête de zombie, Télendar examina sa dague, le sang n’était pas encore sec car l’intérieur de cette caverne était très humide. Il remarqua des traces noir sur le sol et de minuscules morceaux de cristaux noirs qu’il récupéra précieusement en veillant à ne pas les toucher directement.


- Kriss, des gens approchent de ma demeure.

- Oui, euh Zil ? Je dois t’appeler comme ça ? J’avoue que ça me fait bizarre.

- Si mon aspect est différent, je n’en reste pas moi Salem, mais Zil est mon nom. Donc je disais, des personnes arrivent, des Combattants.

- Qui ça ?

- Télendar, Sangrépée et Saphyra.

- Devons nous leur révéler désormais qui tu es réellement ?

- Oui, nous pouvons et devons leur dire. De même le Triumvirat doit être de nouveau actif, je pense que tu as toujours ta place et la jeunesse de Farouche sera un atout. Mais nous en parlerons plus tard, ils sont là, allons les accueillir.

La porte grinça lorsque Télendar tira le large heurtoir en forme de serpent. L’endroit n’était jamais fermé afin d’accueillir les voyageurs en quête d’un moment de repos et les Combattants de Zil itinérants souhaitant se tenir au courant des nouvelles de la guilde. Revenir ici fit un bien fou à l’ancien chef de guilde, cela lui rappelait des souvenirs, bons comme mauvais. Saphyra elle découvrait la demeure d’Artrezil pour la première fois, elle remarqua vite les divers objets laissés là, des machineries de spectacle, de vieilles tentes, du matériel de jonglerie etc. La grande entrée était bien encombrée mangeant là tout l’espace. Ils se dirigèrent vers le grand escalier central lorsque Kriss, Alyce et Zil débarquèrent de la grande porte du premier étage, porte donnant sur la salle principale, immense salon servant de salle de réunion. Télendar fut ravi de revoir son ami, mais il ne connaissait pas les deux autres personnes. Toutes deux dégageaient vraiment quelque chose, comme une aura importante et familière.

- Télendar, Sangrépée et Saphyra, je ne m’attendais pas à vous voir ici, qu’est ce qu’il se passe ? Venez montons dans la grande salle nous devons parler.

- Tu as bien raison.

La grande salle n’était pas en reste niveau encombrement, mais un effort avait été fait pour que cela soit vivable. Au centre sur le mur du fond, encadrée par deux grandes fenêtres la cheminée aspirait à son maximum la fumée dégagée par le feu crépitant. Au dessus de la cheminée, le portrait de l’Archimage Artrezil regardait quiconque entrait là.

- Télendar, voici...

- Zil ? Dit le jeune homme. Difficile de ne pas voir la ressemblance frappante.

En effet Zil tourné vers eux avec le portrait dans le dos était le portrait craché de l’Archimage, disparu depuis des années.

- Bravo, tu ne cesseras jamais de me surprendre. Effectivement je suis Zil.

Saphyra ne savait pas trop quoi penser, quant à Sangrépée elle n’en croyait pas ses yeux.

- Zil... ZIL ! WAOUH ! Dit-elle. Pour de vrai ? C’est pas une blague ou un truc de magie de l’ombre j’espère !

- Non Sangrépée, douce Elfine assoiffée de batailles. Je vous raconterais tout, mais voici Alyce, une nouvelle recrue très prometteuse et qui par certains aspects me ressemble beaucoup.

- Bienvenue parmi nous, dit Télendar en donnant un vague coup d’œil à la jeune fille, l’esprit tourné par l’arrivée soudaine de Zil.

- Et vous alors ? Interrogea Kriss.

- Vous allez pas nous croire, ironisa Saphyra.

- Le lendemain de ton départ Kriss, je suis parti avec Saphyra et Sangrépée à la recherche du Néhantiste que j’ai presque tué durant l’attaque du manoir et qui s’était enfui grâce à sa magie. J’avais prévu une telle fourberie et la dague que j’ai utilisé me permettrait le cas échéant de remonter la piste, dit-il en déroulant la dague d’un tissu imbibé de sang. Nous avons fini par arriver là où il était réapparu, mais il a commis quelques erreurs.

Télendar montra alors le sac porté par Sangrépée, l’Elfine sembla satisfaite de pouvoir enfin se débarrasser de cette tête de zombie. Elle vida le contenu par terre sur le tapis déjà en partie dévoré par des insectes voraces.

- Nous avons été attaqués par des cadavres ambulants, des hommes sans vie, décharnés et très agressifs. Nul doute que la magie soit derrière ça.

- C’est... oui c’est ça, de la magie, s’exclama Alyce.

- Et une mauvaise, je déteste ce qu’on fait les Néhantistes des arts de l’ombre, mais cette magie là, mes petits, représente tout ce qu’il y a de pire, du Néhantisme perverti, détourné.

Zil attrapa la tête et la jeta au feu, très en colère.

- Du coup ce Néhantiste est encore vivant. Et j’enrage de l’avoir raté.

- Et l’éclat de cristal ? Se rappela Saphyra.

- L’éclat... à oui, j’ai trouvé de petits fragment de cristaux noirs à côté de la mare de sang.

- Montre-moi.

Télendar attrapa la bourse dans laquelle se trouvaient les fragments noirs et les donna à Zil. L’ombre vivante se concentra pour trouver les résidus de magie qu’ils pouvaient encore contenir.

- Zejabel... Cancrelat, pire qu’Amidaraxar celui là.

- Qui est-ce ? Demanda Kriss.

- Zejabel était un Néhantiste, un chercheur qui s’était mis en tête de pervertir et détourner toutes les magies. Ceci sont des éclats de pierre-cœur, de sa pierre-cœur, je sens un lien d’ombre, très faible mais existant. Zejabel vivrait toujours.

- Pourtant le nom de ce Néhantiste selon le Conseil des guildes serait Dimizar, pas Zejabel.

- Mes amis, reposez-vous, dès demain nous partons à la recherche de ce Dimizar ou Zejabel, peu importe son nom. Si il est capable de faire revenir les morts à la vie alors il est de notre devoir de mettre fin à ces agissements.

Télendar souriait, ravi de cette décision. Ils allaient partir à la chasse au Néhantiste et il le ferait aux côtés de Zil et de ses compagnons.

Chapitre 6 - Le vent du changement

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Il est dit que Mineptra est la plus ancienne cité du monde. Elle aurait été construite par une civilisation bien antérieure aux hommes et cette civilisation aurait abandonné la cité pour une raison inconnue, telle est la légende de Mineptra et à vrai dire, elle est fausse. Les murs ont autrefois été les témoins de batailles incroyables, mais depuis que Sol’ra avait vaincu les Anciens Dieux et les avait fait disparaître des mémoires jamais plus aucune armée ne s’était présentée à ses portes. Pourtant une guerre avait bien eu lieu loin en dehors du royaume du désert d’Émeraude, le vizir Mahamoud, le prince Metchaf et d’autres valeureux combattants revenaient après plusieurs mois d’absence en l’éternelle cité. Rien n’avait vraiment changé. Dans les rues ombragées les habitants saluaient le retour de ces héros partis défendre une cause dont à vrai dire peu connaissaient la teneur. La rumeur sur leur retour alla bon train et très vite les ministres ainsi que le roi en personne allèrent à la rencontre de la troupe.

La grande place, devant la colossale porte du palais royal s’en retrouva noire de monde. Là le Roi du désert serra, devant tous son fils contre son cœur.

- Sois le bienvenu chez toi mon fils, tu as manqué au royaume des sables et du soleil.

La formule bien que classique n’était pas celle attendue par Metchaf qui aurait préféré un accueil moins solennel.

- Merci père... que les dieux... vous gardent, répondit Metchaf sans prendre garde. Nous avons vu mille merveilles et participé à mille batailles.

La phrase choqua profondément le roi ainsi que le grand prêtre de Sol’ra présent à ses côtés. En temps normal un tel blasphème, même provenant d’un membre de la famille royale serait puni avec sévérité. Le prince Metchaf voulait provoquer son père et surtout le grand prêtre, il allait y avoir du changement, et cette phrase l’annonçait.

- Merci d’être venu en personne nous accueillir enfant du désert et du soleil, dit Mahamoud comprenant la provocation de Metchaf.

- Je suis ravi de vous revoir, Vizir, autant vous dire que votre départ fut un houleux sujet de discussion de la part de mes ministres.

- Je suis à leur entière disposition.

- Allons parler de votre voyage et de vos actions au palais. Ordonna le vieux roi du désert.

La salle du trône avait pour particularité d’avoir un plafond de verre laissant passer le soleil du matin au soir. Le siège royal lui était fait de sable compacté et durci, presque incassable, orné d’une multitude de hiéroglyphes invoquant la protection de Sol’ra. Les murs de cette salle carrée, eux aussi, étaient couvert d’écriture, mais cette fois il s’agissait de noms des anciens rois et des héros qui marquèrent le passé. Seuls étaient présents le prince, le vizir, le roi et le grand prêtre de Sol’ra en remplacement de feu Ïolmarek. L’atmosphère était assez pesante et bien plus qu’un simple compte-rendu il s’agissait d’affirmer et amorcer les changements d’un côté et de maintenir la stabilité de l’autre.

- J’ai lu vos divers papyrus de notre ambassadrice au sein du Conseil des Guildes, avant qu’il ne lui arrive malheur. Est-ce que tout cela est vrai ? Sol’ra est-il réellement venu sur les terres de Guem et a été défait par les forces conjuguées de plusieurs guildes dont mes Nomades du désert ?

Metchaf allait parler, de manière cinglante comme à son habitude, mais il fut retenu par Mahamoud.

- Demandez à votre grand...

- Étant officiellement à la tête des Nomades, je me permet de prendre la parole pour éclairer votre éminence du savoir qui lui ferait éventuellement défaut. Ce qui est dit est vrai, Sol’ra a bien foulé les terres de Guem. Mais son but était de détruire ce monde et non de guider ses fidèles. Il a été vaincu avec l’aide des anciens dieux désormais libres. Ensuite nous sommes repartis en direction du désert avec de nouveaux alliés, une guilde du nom de Légion Runique. Nous avons entrepris de nettoyer le désert de la présence des Solarians qui menacent votre royaume.

Le grand prêtre Atetsis ne croyait pas aux anciens dieux, tout comme Metchaf n’y croyait pas non plus avant de faire face à la vérité. Quel plus grand outrage pouvait-on lui faire à ce moment-là ?

- Si telle était la volonté de Sol’ra alors ce monde aurait du périr et alors il nous aurait accordé miséricorde et pardon pour nos fautes, nous offrant la vie éternelle. Vous auriez dû être à ses côtés. Coupa le grand prêtre. Je ne saurais tolérer cette traîtrise faite à Sol’ra le tout puissant.

- Êtes-vous de cet avis père ? Moi aussi j’étais comme vous au début, fidèle à Sol’ra, mais j’ai ouvert les yeux. Autrefois avant que Sol’ra n’enferme les autres dieux il existait un panthéon qui protégeait le désert et prodiguait à notre civilisation leurs bienfaits. Le saviez-vous Atetsis ? Saviez-vous que durant les vieilles guerres des peuplades entières avaient disparu du désert. Des hommes, des femmes et des enfants ont été tués ou dans le meilleur des cas soit exilés soit réduits en esclavage, dit Metchaf en levant la voix. Atetsis ne répondit rien et cela se remarqua.

- Vous le saviez Atetsis ? Interrogea le roi du désert qui avait toujours prôné une politique tournée vers son peuple. Oui, vous le saviez, quels autres secrets cachez-vous grand prêtre ??

- Ecoute-nous enfant du désert.

La voix se répercuta contre le dôme de verre et les murs. Alors plusieurs silhouettes apparurent tel un mirage, un homme à la tête de crocodile, une femme au visage très doux et une autre au cheveux noirs comme les ténèbres et au diadème à tête de chacal. La femme au visage radieux s’avança vers le prêtre de Sol’ra qui tremblait de tout son être.

- Jamais Sol’ra ne vous est apparu Grand prêtre, pas comme nous le faisons en ce moment-même n’est-ce pas ? Nous arrivons au bout d’un cycle et il va y avoir un renouveau. Roi du désert nous sommes désormais de retour grâce aux Nomades du désert et nous promettons de veiller sur vous comme nous le faisions autrefois, alors vous en sortirez grandis. Mais cela ne peut se faire que si nous redevenons tels que nous étions. Hors nous étions cinq. Et nous ne pourrons être cinq à nouveau sans vous mortels et sans vous... Atetsis.

Ptol’a s’avança à son tour.

- La mort est différente pour nous autres divinités, elle revêt des formes variées mais en aucun cas elle n'est définitive. Aussi nous devons retrouver Cheksateth et... et Ra qui est devenu Sol’ra. C’est pourquoi nous avons besoin de vous Grand prêtre.

Le roi du désert très impressionné par la présence des dieux se posait tant de questions qu’il ne lui suffirait pas d’une vie pour toutes les poser. Mais il n’était pas prêt à jeter aux orties toutes ces années passées à prier Sol’ra et à croire en lui.

- Nous vous avons entendu... dieux. Un changement trop brutal risquerait de perturber l’équilibre du royaume. Un équilibre qui a déjà commencé à être brisé par les rebellions contre le culte de Sol’ra. Retenez vos fidèles, laissez-nous le temps, dit le roi du désert avec fermeté.

- Nous reviendrons bientôt, le temps pour vous de remettre de l’ordre dans vos affaires de mortels, dit Ptol’a en disparaissant avec Kapokèk et Naptys.

- A présent vous ne pouvez plus nier l’évidence, les anciens dieux sont libres et quoi qu’il se passe, le royaume du désert ne sera plus le même. Je mets ma vie entre leur mains, tout comme beaucoup de gens désormais. Vous devez acceptez cela et il faudra réformer les préceptes de Sol’ra, expliqua Metchaf.

- Fils du fils du désert, tes paroles sont plus sages qu’elles ne le furent il y a quelques temps. Je... je sais qu’il faudra accepter le changement. Mais cela ne se fera pas simplement. Le sang peut couler.

- Il faut faire en sorte que non, fils du désert, grand prêtre, les Nomades du désert peuvent être utilisés pour maintenir la paix et résoudre les conflits qu'il pourrait y avoir.

Le roi du désert qui connaissait parfaitement les préceptes de Sol'ra savait pertinemment qu'un problème épineux allait apparaître.

- Grand prêtre, avons-nous quelque chose à craindre de la part de l'Eclipse ?

Ce nom-là ne devait pas être prononcé car cette société secrète, au service de Sol'ra avait très mauvaise réputation tant les actions menées par ses membres étaient mal vues. Mahamoud en avait entendu parlé, il savait que l'Eclipse était un ordre d'assassins utilisé par le roi et les prêtres de Sol'ra hauts placés. Atetsis connaissait bien les membres de l'Eclipse, certains d'entre eux se montreraient implacables, mais beaucoup avaient déjà disparu, probablement en raison de la défaite de l'Avatar de Sol'ra.

- Question pertinente majesté. A vrai dire l'Eclipse subit déjà des répercussions des derniers événements. Il se peut que nous ne soyons plus en mesure de contrôler tous les Eclipsistes.

- Où est leur repère secret ? Demanda le vizir.

- Non, seuls les Eclipsistes le savent et je n'en suis pas un. Ils sont très prudent vis-à-vis des contacts qu'ils entretiennent avec les autres. Je peux les contacter.

- Dans ce cas contactons-les, je veux les voir, il ne faut pas qu'ils deviennent des chameaux sans berger, voir pire que le mouvement soit repris par quelqu'un qui pourrait se servir d'eux à notre encontre.

- Soit, Grand prêtre tu feras comme le désire le vizir. Ensuite je veux que tu convoques les autres grands prêtres, qu'ils viennent à Mineptra.

- Votre parole est celle de Dieu, dit Atetsis en s'inclinant.

La réunion s'arrêta là, des choses avaient été dites, mais peut être pas les bonnes. En attendant, Atetsis exécuta l'ordre du roi et demanda à ce que l'Eclipse entre en contact avec le vizir Mahamoud. Il ne fallut pas longtemps pour obtenir la réponse.


Le Vizir profitait de son retour pour remettre un peu d'ordre dans ses affaires. Son bureau, attenant à ses quartiers croulait sous les papyrus politiques ou économiques. Il se devait de récupérer son retard avant de rencontrer les autres ministres et faire le point avec eux.

- Excusez-moi.

Mahamoud sursauta. Il n'avait ni vu ni entendu venir Mouktar. Cela se produisait souvent, le jeune homme était des plus discrets.

- Mouktar ? Je peux faire quelque chose pour toi ? Demanda le vizir.

Le jeune homme accompagné de son scorpion blanc géant entra dans la pièce.

- Non seigneur, mais je pense pouvoir faire quelque chose pour vous. Sommes-nous seuls ?

- Je crois bien, devrions-nous l'être ?

- Vous avez demandé à rencontrer l'Eclipse et l'Eclipse vous répond. Je suis Mouktar, scorpion blanc de Selik et Eclipsiste.

Mahamoud s'étonna de cette révélation, il connaissait cet homme depuis quelques temps déjà et ne s'était rendu compte de rien.

- Très bien... Je me prépare et je te suis Mouktar.

Une fois son armure remise et Jugement de l'âme attachée à sa ceinture, le vizir suivit Mouktar. Ce dernier plaça une large pièce de tissu sur Mahamoud car ils allaient voyager de manière anonyme. A dos de chameaux tous deux se dirigèrent vers le nord, au pied des montagnes. Ils empruntèrent une ancienne route utilisée autrefois pour le commerce, avant que le désert ne se ferme aux étrangers et que les passages soient pour la plupart murés.

- La vallée du soleil ?

- Oui vizir, c'est là que je vous mène. Vous allez rencontrer Inatka qui est désormais celle qui est le plus haut dans la hiérarchie de l'Eclipse.

- J'ai hâte.

La vallée du soleil portait bien son nom. Une rivière coulait-là offrant un peu de fraîcheur dans cet environnement aride, la roche nue était jaunie par les rayons du soleil et le sable glissait entre les gemmes d’émeraude effilées comme des lames de poignard. Personne ne venait ici, c'était un lieu idéal pour des personnes voulant se rencontrer sans que cela ne se sache. Mouktar et Mahamoud montèrent jusqu'à un vieux temple caché derrière plusieurs petites collines. Cela ressemblait beaucoup à un temple de Sol'ra, mais l'architecture et le style étaient en décalage par rapport aux autres temples, Mahamoud comprit rapidement que cet édifice était dédié, à son époque, à Ra, avant qu'il ne devienne Sol'ra. L'intérieur fut tout aussi surprenant que l'extérieur. Les murs couverts de hiéroglyphes racontaient une histoire, celle de l'Eclipse. Voyant que le vizir désirait en savoir plus, Mouktar se risqua à lui expliquer la signification de tout cela :

- Qu'ils me rejoignent ou qu'il périssent. Il se déroberont à mon regard solaire, mais là où mes rayons ne peuvent les atteindre, les serviteurs de l'Eclipse eux, le peuvent.

- Ce qui veux dire que vous êtes à la base des déicides ?

- Non cela serait présomptueux et faire preuve d'arrogance que de prétendre à pouvoir tuer un dieu, nous simples mortels. L'Eclipse tua de nombreux fidèles d'autres cultes. Mais de nos jours c'est un peu différent. Du moins c'était différent lorsque la plupart des Eclipsistes étaient des Solarians.

- Et moi qui suis vizir j'ignorais tout ça.

Ils suivirent divers couloirs qui emmenèrent les deux hommes au cœur du temple, là où seul la lumière du feu pouvait éclairer les lieux. Puis au détour d'un de ses couloirs ils tombèrent face à face avec une grande femme à la peau brune. Ses peintures de guerre et son accoutrement indiquait ses origines. Kebèk venait de la même région qu'elle, là où le soleil frappe encore plus fort.

- Tu as l'Eclipse devant toi vizir. Que veux-tu lui dire ?

- J'ai l'Eclipse devant moi ? C'est toi qui la dirige ? Combien êtes-vous ? Quelles sont vos missions actuelles ? Est-ce...

- Tu es venu poser des questions, mais tu n'auras aucune réponse, car l'Eclipse ne répond qu'à l'Eclipse... Coupa-t-elle avant que Mahamoud n'agisse.

Prenant Inatka par surprise Mahamoud tira son arme poignée en avant pour enfoncer le pommeau dans le ventre de la femme. Puis, alors qu'elle était pliée en deux de douleur il lui attrapa les cheveux et lui plaqua le visage contre le mur, tout en lui faisant une clé de bras.

- Eclipse, un nouvel ordre va naître. Tu peux choisir entre te rendre utile pour le royaume du désert ou l'indépendance, tu peux choisir entre la vie et la mort. Je veux tous les renseignements que je demanderai, je veux que l'Eclipse reste une organisation secrète, mais ses buts seront différents. Tu as compris Eclipse ?? Dit-il avec Colère.

Mouktar regarda la scène sans intervenir et Inatka elle comprit les enjeux qui se cachaient dans les paroles du vizir. Elle n'avait en définitive pas le choix, coopérer ou mourir.

- Bien, dit-il en lâchant prise. Je suis vizir, mais je suis aussi le chef des Nomades du désert. Je sais et j'en ai eu la preuve il y a peu que certains membres de la guilde faisaient ou font partie de l'Eclipse, cela me convient si l'Eclipse agit dans le sens que je désire.

- Et que désires-tu vizir ?

Mahamoud glissa quelques mots à l'oreille d'Inatka, la jeune femme écarquilla les yeux, horrifiée par ce qu'elle venait d'entendre...

Chapitre 7 - Renouveau

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Le temps dans sa course frénétique avançait inexorablement dans un présent en perpétuelle évolution. Ainsi l’hiver était passé et avec lui le froid s’en était allé, laissant la végétation reprendre le dessus. Au milieu de cette forêt, véritable mer de feuilles, Kei’zan, le nouvel Arbre-Monde poussait de manière fulgurante, et déjà les premiers fruits étaient là. Ils n’étaient pas bien nombreux, à peine une poignée. Mais pour les Daïs, eux qui n’avaient pas vu de naissance depuis l’explosion de l’ancien Arbre-Monde, assister à ce spectacle était un moment fort. Depuis que Kei’zan avait fait le choix de se sacrifier, les Daïs restants décidèrent de rester sur place pour fonder un nouveau foyer, une nouvelle cité. Très vite la nouvelle fit le tour de la forêt et beaucoup d’Hom’chaï, d’Elfines et d'autres créatures firent le voyage pour voir le nouvel Arbre-Monde et peut-être vivre là.

Le vent soufflait doucement dans les feuillages, la chaleur revigorait le peuple Eltarite encore un peu endormi par cet hiver ô combien particulier. En effet il s’en fallut de peu pour que la forêt ne soit ravagée par le plus important incendie de son histoire. Sans l’arrivée providentielle des Elfes de Glace, il ne resterait que des souches calcinées et un peuple à l’agonie. Ces alliés, à l’exception d’un, s'installèrent alors à l’extrême nord de la forêt, là où la température leur était plus acceptable. Hors donc le jeune Yulven, Elfe de Glace recueilli par une Elfine courait comme un cabri entre les différentes habitations Eltarites tout en exprimant sa joie.

- Ça y est ! Ça y est ! Il est là ! Il est là.

Les habitants regardèrent le garçon avec curiosité, puis la rumeur enfla, et chacun cessa ses activités pour aller voir ce grand événement. Si bien qu’une bonne dizaine de personnes se retrouva au pied de Kei’zan où d’ores et déjà l’ensemble des Daïs formait un large cercle autour d’Eikytan. Le gardien de l’hiver était penché au-dessus d’un fruit de Kei’zan qui s’était décroché, indiquant l’arrivée imminente d’un nouveau-né Daïs. Le fruit ressemblait à une noix plus lisse et beaucoup plus grande. Lentement Eikytan retira comme une sorte de peau gluante et filandreuse entourant le fruit. Puis une fois que cela fut fait il caressa la coque avec la plus grande attention, la magie qui s’en dégageait prouvait qu’une forme de vie se trouvait là, à l’intérieur. Les Daïs, de leur cœur de sève, ressentaient une énorme joie et à l’unisson ils exécutèrent un antique rituel de bénédiction, accueillant le nouveau venu.

  • Clac*

La coque s’entrouvrit laissant échapper un liquide vert semblable à de la sève. Quelque chose bougeait à l’intérieur alors Eikytan entreprit d’aider cette jeune pousse en finissant d’ouvrir la coque. Les souvenirs coulaient en lui, ce geste, il l’avait fait à de nombreuses reprises avec Quercus et les autres premiers fruits de l’ancien Arbre-Monde. La plupart des Daïs actuellement présents se rappelaient de leur naissance car contrairement à beaucoup d’autres races foulant les Terres de Guem, eux gardaient leurs souvenirs dès la naissance. Le gardien de l’hiver examina cette petite créature encore engluée, celle-ci présentait tous les attributs des Daïs, l’absence de bouche, les yeux blancs, une peau semblable à de l’écorce lisse, une petite touffe de petites feuilles sur le haut du crane et deux petites cornes en haut du front. Ce Daïs avait la peau légèrement brune avec des stries horizontales plus claires, ses “cheveux” étaient blanc et rose. Eikytan attrapa le nouveau-né avec précaution en enlevant les restes de sève du fruit.

- Bienvenue parmi nous. Quel nom a choisi pour toi l’Arbre-Monde que je puisse le révéler au peuple Eltarite ?

Le petit Daïs reçut le message télépathique du gardien de l’hiver, ce n’était pas la première fois qu’on lui parlait, Kei’zan le faisait jusque-là.

- Fe’y.

Eikytan porta précieusement l’enfant dans le creux de ses bras et fit le tour du cercle formé par les Daïs. Puis une fois fait, il s’arrêta devant la foule pour le présenter.

- Voici Fe’y, né du premier fruit de Kei’zan et nouveau gardien du printemps !

Les Eltarites hurlèrent de joie, cette naissance donnait à tous l’espoir d’un avenir radieux.


Deux jours passèrent, deux jours de liesse, deux jours durant lesquels Fe’y grandit à une vitesse incroyable. Passant d’une trentaine de centimètre à presque un mètre de hauteur. Eikytan et les autres Daïs trouvèrent cela remarquable et imputèrent cette croissance exceptionnelle à ce nouvel Arbre-Monde. Les autres Daïs nés de cet arbre allaient-ils subir le même phénomène ? L’avenir le dirait, mais pour l’instant d’autres préoccupations allaient vite effacer cette question par l’intervention de Fe’y dont la précocité ne laissait pas de doute.

- Je suis en harmonie avec Kei’zan, il me parle et me guide, dit Fe’y.

- Tu veux dire que Kei’zan est une conscience, demanda Parlesprit.

- S'il a changé de forme il est toujours là, tel que vous l’avez connu. Vous ne l’entendez pas ?

- Non, nous ne l’entendons pas, répondit Le Grélé la curiosité piquée au vif. Que te dit-il ?

- Et comment l’entendre ?? Demanda Eikytan. Jamais l’ancien Arbre-Monde ne nous a parlé, il n’avait pas cette faculté-là.

- Kei’zan pense qu’il peut y avoir des tensions entre nous, entre votre génération et celle qui arrive et il ne veut pas de cela. Je propose à ceux qui le souhaite de s’harmoniser avec lui.

- Pourquoi craint-il une dissension ? Questionna un autre Daïs.

- A propos d’un autre sujet, primordial et qui va influer sur notre civilisation. Que savez-vous des Eltarites ? Dit Fe’y de sa voix cristalline.

- C’est le nom de notre peuple, s’exclama Parlesprit.

- Pas seulement, commença Eikytan. C’est une histoire que peu d’entre nous connaît je suis de ceux-là car j’étais là lorsque cet événement majeur s’est produit. En ce temps-là je n’étais qu’une jeune pousse, prêt à donner sa vie pour défendre l’Arbre-Monde. Hors justement une guerre avait éclaté contre une race sauvage, primitive et puissante : les Eltarites. Ils vivaient là où aujourd’hui se dressent des royaumes humains, ils étaient des conquérants et il ne restaient plus que nous sur leur passage. Nous étions alors si nombreux, des milliers et des milliers de Daïs. En peu de temps nous avons été balayé, tout en leur infligeant des pertes colossales. Enfin il y eu un point culminant, une dernière bataille où les dernières forces des deux côtés s’affrontèrent, non loin de l’Arbre-Monde.

Les Daïs se regardaient les uns les autres. Aucun d’entre eux n’avaient eu vent de cette histoire. Eikytan reprit.

- C’est là au cœur de cette bataille que l’Arbre-Monde intervint, alors que nous allions nous annihiler mutuellement. Du sol des milliers et des milliers de racines poussèrent subitement capturant toute les créatures de cette forêt, autant Daïs qu’Eltarites. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés enfermés, mais nous avons repris conscience peu à peu. Je me souviens parfaitement, j’aidais les autres à se défaire de leurs cocons et nous découvrîmes alors des êtres d’une nature nouvelle : Les Hom’chaï, ces grands guerriers pacifiques et les Elfines le cœur battant de liberté. Je ne comprenais pas vraiment, seuls Quercus et moi étions au fait de tout ce qui venait de se passer, les autres Daïs, Hom’chaï et Elfines n’avaient plus de souvenirs de la guerre passée. Quercus et moi avons alors compris, que l’Arbre-Monde avait créé les Hom’chaï et Elfines à partir des Eltarites et qu’il nous fallait, à nous Daïs, les intégrer à notre civilisation pour les garder au plus proche de nous. Et cela a fonctionné. C’est ce que tu voulais entendre, Fe’y ?

- Oui, dit le jeune Daïs.

- J’ai découvert ce secret il y a longtemps, déclara Le Grêlé, cela m’a valu de longues années emprisonné dans l’Ambre. C’est interdit d’évoquer cette histoire, nous risquerions un soulèvement des Hom’chaï et des Elfines si jamais ils trouvent une seule preuve de la véracité des faits.

- Il est déjà trop tard. Vous vivez parmi ceux qui savent, comme un certain Parleroche. Cela n’est pas un mal, car notre forêt est en péril, tout comme les terres de Guem. Les autres peuples n’en ont pas encore conscience, car ils sont ignorants, mais même si l’Arbre-Monde va faire naître des Daïs, nous peuple Eltarite ne seront pas de taille à faire face.

- Cela aurait-il un rapport avec Dragon et ce qu’il est advenu de lui ? Demanda Le Grêlé.

- C’est en incidence directe. L’Arbre-Monde veut faire revenir les Eltarites d’origine.

Cette nouvelle créa une vive protestation des autres Daïs.

- N’est-ce pas trop de risques que de les faire revenir ? Coupa Eikytan afin d’éviter un trop grand chaos.

- Toute action implique un risque, Ainé, la question que tu aurais dû poser est : comment ? Et là, seul toi peut être à même de répondre car tu es le seul en possession de la clé de l’énigme. Kei’zan n’a pas de solution à part que tout commence avec l’Ancien Arbre-Monde.

- La Souche ? Il faut aller voir là-bas, dit Le Grêlé impatient d’agir.

- Il y a beaucoup d’autres questions à poser avant de faire quoi que ce soit. Devons nous impliquer Hom’chaï et Elfine ? Quel est ce danger qui nous menace ? Tant de choses peu claires qu’il faut impérativement déterminer, ordonna Eikytan.

- Kei’zan veut que tu prennes sa place en dirigeant la Cœur de Sève dans cette... tâche.

- Étant l'Ainé je me dois de prendre la place qu'était celle de Kei'zan. Daïs, rassemblons la Cœur de Sève !

Chapitre 8 - Maître des esprits

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- Ta fascination pour l’homme est déroutante mon petit Corbeau. Regarde comme ils sont faibles. Ils ont laissé se consumer le Tombeau des ancêtres oubliant que nous leur avions laissé ces terres sous leur protection. Dit Yashoukou le seigneur Karukaï des oiseaux.

Au loin les corbeaux, corneilles et autres oiseaux de malheur volaient à vive allure vers la demeure de la famille Kage connue comme étant la dirigeante du clan du Corbeau. Daijin ne pouvait pas intervenir, Yakoushou l’en empêcherait et face à ce dernier même ses fabuleux pouvoirs ne pouvaient rien. Non, la famille Kage était livrée à elle-même.

Harmonie, c’est la première des valeurs de l’ordre Tsoutaï, celle qui rythme la vie de ces Xziarites si particuliers. Au cœur de Meragi, à l’ombre de Pakyu l’arbre millénaire du jardin du temple Tsoutaï, Toran et ses disciples méditaient. Malgré la fraîcheur de cette journée de fin d’hiver nul ne bougeait hormis les Cherchefailles qui faisaient face à chacun d’entre eux. Toran savourait ce moment privilégié après avoir assumé la régence de l’empire et chaque matinée en harmonie avec ses Cherchefailles l’emplissait de plénitude. A présent il pouvait se consacrer entièrement à la formation des derniers arrivants dans l’ordre comme Ayako, la fille du seigneur Impérial Gakyusha, ou Hime. Le vieil homme avait choisi le plus petit des temples pour s’occuper d’eux, rejoins dans cette tâche par Xianren un ami de longue date. Aku de son côté ne subissait plus l’influence de son Cherchefaille. Akujin était à nouveau libre sous la surveillance de Toran, mais la relation entre Aku et lui était désormais sur des bases plus saines. Puis les deux Cherchefailles de Toran s’agitèrent perturbant aussitôt le vieux maître qui sortit alors de sa méditation.

- Et bien, qu’avez-vous ? Dit-il en sentant un sentiment de nervosité émaner d’eux.

Les autres Cherchefailles aussi sentirent que quelque chose n’allait pas et comme ceux de Toran firent preuve de nervosité, annonçant la fin de la séance de méditation. Toran qui connaissait bien ses deux compagnons s’inquiéta vite, d’autant plus lorsqu’il vit les immenses volatiles de Yakoushou passer à vive allure au dessus du jardin.

- Des esprits ! S’écria Ayako.

- Où vont-ils ? Demanda Aku.

- Je ne sais pas, mais je ressens chez eux une agressivité hors du commun. Nous devons les arrêter ! Déclara Toran.

Il n’en fallut pas plus aux Cherchefailles présents pour immédiatement retourner à l’état de tatouages sur leurs maîtres. La course dans les rues de Meragi commença alors. Les oiseaux furent plus rapides, profitant des grands couloirs des rues et du vent s’y engouffrant, ils arrivèrent en vue de la demeure du Corbeau. Sur place nul ne se doutait de la menace qui filait à vive allure sur eux, la surprise aurait été totale si Toran et ses Tsoutaïs n’avaient pas emprunté des raccourcis et intercepté une partie du nuage de volatiles. Sans prévenir le vieux maître ordonna à ses Cherchefailles d’attaquer, lui-même suivant le mouvement décocha un coup de pied magistral au premier oiseau à sa portée. Xianren et Aku s’élancèrent à leur tour dans le nuage de plumes, de becs et de griffes. Enfin de leur côté, Hime et Ayako se pressèrent vers l’entrée de la demeure du Corbeau où la grande majorité des oiseaux était entrée. La grande salle principale, toujours plongée dans la pénombre, était à présent le théâtre d’un affrontement peu ordinaire. En temps normal la famille Kage maîtrisait les corbeaux et ne subissait pas leur courroux. Les cris des Xziarites, les bruits des battements d’ailes et les piaillements se mêlaient dans cette gigantesque cohue.

Effectivement Yakoushou avait sous-estimé la famille Kage. Il n’avait pas songé à un seul moment qu’elle serait aidée par cet ordre de guerriers mystiques accompagnés de Cherchefailles. Qui d’autres que les Tsoutaïs pouvaient mettre en échec des esprits ? Ils avaient pour mission de protéger l’Empire de Xzia des esprits et ils respectaient leurs vœux au mieux. Dehors les quelques habitants eurent vite fait de décamper, fuyant l’attaque des oiseaux. Toran et Xianren n’avaient jamais connu une attaque d’esprits de cette envergure, surtout ici à Meragi à la vue de tous. De longues minutes passèrent avant qu’à l’intérieur le clan du Corbeau, soutenu les Tsoutaïs n’arrive à repousser l’assaut. Les oiseaux sortirent les uns après les autres effrayés par la puissance des Cherchefailles.

Voyant leurs congénères battre en retraite le reste suivit le mouvement. Le nuage ainsi reformé commença à repartir en direction du seigneur Yakoushou. Toran comptait bien tirer tout cela au clair et poursuivit alors les oiseaux. Les Tsoutaïs n’allaient certainement pas laisser leur mentor agir seul et la troupe se mit en route à son tour, dans la relative incompréhension des membres du clan du Corbeau. Daijin regardait Méragi avec beaucoup d’attention, observé de près par Yakoushou certain d’une victoire éclatante. Mais cela ne se passa pas ainsi, et le Corbeau jubila lorsqu’il vit revenir les oiseaux, mis en échec, piaffant de peur.

- Voyez votre défaite seigneur Yakoushou et admettez vos erreurs. Repartez d’où vous venez et laissez les terres de Guem en paix.

Yakoushou, blessé dans son orgueil ne pouvait pas laisser passer un tel affront. Il hésita longuement, puis se décida enfin.

- Vous comptez quitter le monde des esprits ? Vous êtes à la frontière de cette réalité seigneur Yakoushou. Mais avant de faire cela dites vous bien que c’est définitif.

- Si cela me permet de t’éliminer, c’est un petit sacrifice que je vais m’autoriser. Et puis... si je veux prendre le contrôle de cet empire, puis de ce monde.

Le seigneur des oiseaux sembla comme prendre corps dans ce monde, comme s’il traversait une barrière invisible. Son aspect, jusqu’à présent légèrement translucide et auréolé de blanc changea. La ressemblance entre Daijin et lui était frappante et intrigante, pourtant ni l’un ni l’autre n’était sous sa véritable apparence.

C’est alors que les oiseaux serviteurs de Yakoushou, perchés sur les arbres et les rochers avoisinant s’envolèrent, pris de panique. Toran et les autres Tsoutaïs courraient dans leur direction, encadrés par leurs Cherchefailles. Daijin sourit, recula de quelques pas et reprit son apparence de vieil homme afin d’être reconnu par Toran.

- Vous auriez dû m’écouter Yakoushou... Vous les sous-estimez trop, et vous aller payer votre arrogance.

Les serpents à plumes de Toran volèrent vite jusqu’à Yashoukou afin de l’encercler. Le seigneur des oiseaux se sentait pris au piège et n’avait pas le choix. Les Cherchefailles venaient à l’origine du monde des esprits avant d’en être banni vers un monde annexe où ils ne pourraient menacer les autres esprits. Mais certains mages Xziarites avaient réussi à les contacter, puis les faire venir sur les terres de Guem, donnant naissance à l’ordre Tsoutaï. Bien que puissant, Yashoukou savait qu’il ne pourrait rien contre autant de Cherchefailles, de Tsoutaïs et contre Daijin. Il choisit alors de fuir, se divisant en une multitude d’autres oiseaux, à la surprise générale. Cela n’aurait pas été un problème pour Daijin si ces oiseaux ne s’étaient pas mêlés aux autres. Les Tsoutaïs frappèrent quelques oiseaux, mais très vite ces derniers se dispersèrent, rendant impossible toute tentative de poursuite.

- Maître Toran, je dois avouer que votre arrivée m'ôte une épine du pied. Dit Daijin en accueillant le groupe.

- Seigneur Daijin... Avez-vous une explication à nous fournir, demanda Toran avec une pointe de sévérité dans la voix.

- Bien sur que j’ai une explication. La personne que vous avez vu est un Karukaï, un des plus puissants. Il a essayé de me convaincre du bien fondé de ses actes et tenté de me retourner contre l’Empire, ce qui est bien évidemment hors de question. Aussi a-t-il tenté la menace, puis le chantage en envoyant une attaque contre mon clan. Hélas pour lui son attaque n’a pas porté ces fruits. Peut être y êtes-vous pour quelque chose ? Mon clan a-t-il subit des pertes ?

- Nos Cherchefailles ont perçu l’attaque et nous avons fait en sorte de rétablir la situation. Rassurez-vous, tout va bien en votre demeure. Cette histoire de Karukaï commence à être un véritable problème.

- Problème que je suis bien décidé à résoudre. Aussi permettez-moi honorables Tsoutaïs de vous inviter chez moi afin de vous remercier.

- Nous n’avons fait que notre devoir, répliqua Xianren qui caressait son Cherchefaille panda roux.

- Nous acceptons, il est temps pour nous d’intervenir plus en avant dans cette affaire. Hime, dit-il en regardant la jeune femme. Va prévenir le Seigneur Impérial, dis-lui que je souhaite le voir, avec Iro.

Cela n’arrangeait pas Daijin, mais le Corbeau ne dit rien, cherchant à tout prix à garder son secret intact.

Chapitre 9 - Champion contre Champion

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Agillian jeta en l’air le pigeon qui s’envola aussitôt, bravant la chaleur du désert d’émeraude afin d’apporter le rapport du Seigneur Runique Eilos à l’attention du Cénacle. Le chef de la Légion Runique suivait scrupuleusement les consignes et règles de la guilde afin que le Cénacle soit tenu au courant de façon très régulière des avancées faites. Voilà déjà un bon mois que la troupe venue de Tantad arpentait le désert d’émeraude en quête de cristaux jaunes et de Solarian à passer par le fil de l’épée.

- Combien il nous reste de piafs, demanda Agillian à l’attention du légionnaire en charge des oiseaux.

- A peine quatre. La chaleur en a terrassé la moitié, j’ai du mal à les maintenir en vie. J’en ai un qui va pas tenir longtemps je pense.

- Espérons qu’ils tiennent encore le temps de notre mission, dit le guerrier runique en tapant sur l’épaule de l’éleveur. Je vais faire mon rapport à Eilos.

L’ombre de la tente d’Eilos rafraîchissait à peine ses occupants. Le chef de la Légion Runique en partie nu discutait avec Sapient et Xenophon, eux aussi en nage. A côté d’eux, la table de bois croulait sous un amas de cristaux jaunes récupérés au fil de leur voyage. L’Oracle d’Orpiance avait fait une découverte assez incroyable à leur sujet.

- Ces cristaux-là ne sont pas issus de notre monde mais nous pourrons probablement en faire de puissantes runes. En les examinant j’ai observé un fait étrange mais néanmoins crucial pour la finalité de notre mission. L’énergie émise, même faiblement est d’origine divine, c’est vraiment discret si on prend les cristaux à part, mais devient plus évident lorsque, comme là, ils sont ensembles.

- C’est bien, mais en quoi cela va nous permettre de finir notre tâche ? Demanda Eilos en examinant un des cristaux.

- Cela va nous aider car, étant un Oracle d’Orpiance je peux suivre cette... comment dire... signature divine. Je ressens une telle présence non loin d’ici, un endroit puissant où nous devrions trouver soit un cristal équivalent à la pierre tombée du ciel soit une concentration remarquable de cristaux.

- Vraiment ? S’étonna Eilos. Cela vaut toujours le coup d’aller voir de quoi il retourne de manière à récupérer encore plus de cristaux et tailler dans les rangs ennemis. D’après toi, combien de temps pour nous rendre sur place ?

- Je n’ai pas de certitude, mais je dirais deux jours.

- Seigneur Xenophon il est temps que les troupes se préparent, nous partons dès que possible !


Lentement les hommes et femmes de la Légion Runique marchaient, suant sang et eau au fur et à mesure de leur progression. Le sable, véritable ennemi dans cet environnement freinait considérablement ces étrangers. Tant et si bien qu’au final c’est le double du temps annoncé que mis la troupe pour arriver sur place. Les émeraudes effilées et hautes comme plusieurs hommes perçaient les dunes aussi sûrement qu’une aiguille enfoncée dans la plante d’un pied. Le soleil très haut continuait son travail de sape, rabotant le moral des légionnaires pour beaucoup encore peu habitués à la chaleur. Sapient se protégeait les yeux pour éviter la forte lumière, regardant à droite et à gauche. - C’est bien là Eilos, pourtant il n’y a aucun cristal jaune de visible, uniquement des émeraudes, comme partout ailleurs dans ce désert. Est-ce que nous cherchons quelque chose d’enfoui sous ce sable ?

- J’en ai bien peur, dit Eilos en se tournant vers cette petite armée qu’est la Légion Runique. On va chercher un peu.

Puis en criant de façon autoritaire.

- LEGIONNAIRES A VOS LANCES !! FOUILLEZ-MOI LES ENVIRONS !!

Écoutant leur chef chaque membre de la Légion Runique prit une lance et commença à repérer les lieux. Si bien que cela se transforma vite en chasse au trésor, au début infructueuse mais qui au bout de quelques heures s’avéra payante. En effet, un petit groupe tomba sur quelque chose de recouvert de gravas et de sable. Les autres cessèrent là toute recherche pour céder à la curiosité de la trouvaille. Sapient et les autres Archontes se questionnaient au fur et à mesure que les autres dégageaient l’objet. C’était une grande dalle d’émeraude entièrement taillée et sculptée d’un seul bloc.

- La taille de ce truc est impressionnante gronda Loquitus.

Le minotaure avait raison, cette chose était presque une petite bâtisse faite d’émeraude, à ceci prêt qu’il n’y avait nulle porte. Des inscriptions en langue du désert ornaient les parois, mais nul ne pouvait les lire. Enfin et c’était là le plus important le haut du parallélépipède était fendu de part en part.

- Il y a quelque chose à l’intérieur, remarqua Lania.

Comme un seul homme tous se penchèrent ou collèrent leur visage contre la paroi sablonneuse et en partie effritée. Au cœur de l’objet se dessinait une forme, vaguement humaine mais en beaucoup plus gros.

  • Crac*

Un bruit intense se fit alors entendre, un bruit familier de la Légion runique habituée à entendre des cristaux se briser. Puis se fut l’explosion, jetant tout le monde à terre. Cette gemme retenait effectivement quelque chose qu’il aurait mieux valu laisser dormir à jamais. Les morceaux d’émeraude entaillèrent les chairs, blessant sérieusement quelques hommes, provoquant un léger mouvement de chaos. La créature libérée émanait comme un parfum de déjà vu. A la fois homme, à la fois animal, Eilos et certains autres en avait vu une de semblables durant la bataille qui avait conduit à la défaite de l’Avatar de Sol’ra.

- Le Sphinx ! Siffla Eilos en saisissant ses armes.

Non c’était un sphinx, mais pas celui rencontré précédemment, celui-là avait quelque chose de particulier dans son aspect. Ses pattes avant étaient des pattes d’oiseau, tout comme son visage comparable à celui de l’avatar de Sol’ra. La réaction de la Légion Runique ne se fit pas attendre et les guerriers dégainèrent leurs armes avant de former un cercle autour de ce sphinx. La créature bien que debout ne semblait pas en pleine possession de ses moyens. Debout mais les bras ballants et les yeux clos le sphinx respirait à nouveau l’air surchauffé du désert. Peu à peu ses forces revenaient et très vite il reprit conscience, faisant craquer les os de son cou il observa ces humains menaçants autour de lui. Avant de lancer une quelconque offensive Eilos s’avança pour prendre contact.

- Je suis le Seigneur Runique Eilos de la Légion Runique, déclinez votre identité !

Le sphinx s’étira longuement, ses muscles engourdis par l’immobilité, puis daigna répondre à l’humain qui avait l’audace de s’adresser à lui.

- Je suis Nebsen, Sphinx de Ra ! Seigneur Runique Eilos sais-tu où est Redzah le Mage-roi de Thèbirak ?

- J’ignore qui est cette personne... Que sais-tu des cristaux jaunes venus du ciel ? Nous savons qu’il y en a ici-même.

- Cristaux jaunes dis-tu ? Oui... je sais où tu peux les trouver car je suis le gardien des Larmes de Ra ! Indiqua le Sphinx espérant une confrontation.

- Dans ce cas, nous te ferons parler de force, dit Eilos en tentant l’intimidation.

- Me provoquerais-tu en duel ? Es-tu un humain doté d’honneur ou n’êtes-vous que des guerriers sans foi ni loi ?

Eilos s’attendait plus à une charge furieuse de la créature, comme l’autre l’avait fait durant la bataille au Tombeau des ancêtres. Ce Sphinx avait vraiment quelque chose de spécial dans son attitude. Oui, dans la Légion Runique il n’y avait que des gens d’honneur. Aussi lorsque le mot duel fut prononcé tous les regards se tournèrent vers le Seigneur Runique. Ce dernier n’avait pas le choix, accepter ou être déshonoré devant sa guilde.

- Un défi ? Très bien, si je gagne tu nous donneras ces Larmes de Ra.

- Et si la victoire est mienne, alors toi et les tiens deviendrez mes nouveaux serviteurs.

C’était un duel risqué, mais intéressant pour les deux partis. Les enjeux étaient importants et il était trop tard pour faire marche arrière. Eilos ordonna a la Légion de baisser les armes et de monter le camp.

- Je te laisse jusqu’à demain Seigneur Runique Eilos...

Le campement dressé pour la nuit grouillait de soldats prêts à défendre les lieux contre une éventuelle invasion de Solarians. Après tout, le Sphinx pouvait parfaitement jouer de ruse et mener une attaque surprise. Mais non, rien ne se passa durant la nuit à part une préparation minutieuse d’Eilos. Il fit appel aux savoirs ancestraux des prêtres runiques afin que lui-même et son armure soient dans les meilleures conditions possibles.

La journée était, une fois de plus, radieuse, pas l’ombre d’un nuage et la chaleur toujours dévastatrice. Mais Eilos n’était pas homme à se laisser abattre par la chaleur. A présent en armure complète, il quitta le campement, suivi de la Légion bien décidé à combattre le Sphinx et à gagner. De son côté Nebsen disposait à nouveau de toutes ses facultés... et d’un plan. Si son adversaire s’avérait être plus fort alors il respecterait sa parole, mais d’un certain point de vue. Désormais les deux adversaires se faisaient face, entourée par la Légion Runique soutenant son champion. Le combat allait être intense, violent et déterminant...


Tantad, amphithéâtre du Cénacle,

La jeune guerrière runique marchait d’un pas assuré dans les couloirs, il ne fallait pas qu’elle se mette en retard, le Cénacle l’attendait. Les portes s’ouvrirent alors sur la grande salle où siégeaient les personnes les plus importantes de Tantad. Seuls deux sièges étaient occupés. L’un par Apolodria, une jeune femme aux cheveux bruns lâchés sur un visage très maigre au regard sévère. L’autre par Centorium Aurius, un homme dans la force de l’âge au visage marqué par la guerre. Apolodria était celle que l’on appelait en cas de gestion de crise, l’autre commandait en tant que Grand Archonte les armées de Tantad et en cela était le supérieur direct d’Eilos. La guerrière le connaissait bien, et pour cause, Aurius n’était autre que son père. La guerrière mit un genou à terre et posa son bouclier et sa lance devant elle en signe de soumission au Cénacle.

- Relève-toi guerrière runique, nous ne sommes pas en séance officielle, laissons le cérémonial de côté veux-tu, dit Apolodria.

Sans répondre la guerrière obéit.

- Ce que nous allons te dire est confidentiel, tu ne devras en parler à personne, ajouta-t-elle.

- Mes lèvres seront scellées par les runes du silence, répondit la guerrière.

- Dans ce cas... Myrina, le Cénacle montre de l’inquiétude envers la Légion Runique, dit Aurius.

- Pourquoi cela ?

- Comme tu le sais, la Légion est en mission depuis plusieurs mois. Les dernières nouvelles d’Eilos et ses hommes datent d’il y a plus d’un mois, nous craignons qu’il leur soit arrivé quelque chose.

- Que disent les Clairvoyants d’Abypolis ?

- C’est là qu’est le problème, coupa Apolodria, les Clairvoyants ne trouvent pas la Légion Runique, à leurs yeux elle a simplement disparu.

- Disparue ? Impossible ! La Légion est constituée des guerriers les plus forts de Tantad !

- Je sais... ma fille. Nous devons avoir le cœur net quant au sort de la Légion. La perte d’Eilos et de ses hommes provoquerait une crise importante, crise qui ne doit pas exister. Aussi nous t’envoyons sur place découvrir ce qu’il est advenu d’eux et nous tenir informé. Constitue un groupe de personnes fiables et mets-toi en marche sans plus attendre... Les dieux nous regardent et nous jugent.

- Les dieux nous regardent et nous jugent ! Répondit Myrina avant de quitter le Cénacle, ce demandant quel destin avait frappé la Légion Runique.


Chapitre 10 - Maelström

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- Alors Flammara, maint’nant qu’on est entre nous, vas-y on t’écoute.

La guémélite du feu attendait depuis plusieurs heures qu’on daigne s’intéresser à son cas. Mais Al la Triste était une femme très occupée suite à son coup d’état... Enfin suite à la dissolution du gouvernement précédent des Îles Blanches. Flammara fut conduite à bord de l’Arc-kadia en attendant que le capitaine du navire daigne lui accorder un peu de son temps. ce qui arriva en fin de journée, alors que le soleil se couchait derrière les Îles Blanches. L’ensemble des capitaines de la flotte pirate attendait les révélations de l’ancienne prisonnière. Ce qu’allait raconter Flammara allait changer le cours de l’histoire sur bien des plans.

- Ce que j’ai vu... et entendu...

Flammara cherchait ses mots.

- L’essentiel n’est pas de savoir comment j’ai obtenu ces informations, mais plutôt ce que ça implique. Le gouverneur ainsi que bon nombre de politiciens et de militaires sont sous la coupe d’une organisation véritablement dangereuse. Tout cela est tellement incroyable... Je les ai vu faire, ils les ont... jetés dans le vide.

Elle semblait alors très perturbée par des souvenirs traumatisants.

- De quoi parles-tu, pour ma part je comprends pas tout, râla Galène en fixant le haut du crâne de la jeune femme. Puis regardant Al la Triste. Je peux lui enlever ça ? J’aimerais bien jeter un coup d’œil à cette technologie.

- Plus tard Galène, plus tard. Donc, qu’est-ce que t’as vu Flammara.

- Dessous la ville il y a un réseau de tunnels et de cavernes, je les ai parcourus... jusque tout en bas, dans une vaste salle disposant d’un accès vers l’extérieur. C’est là que j’ai vu... C’était des militaires, ils portaient l’uniforme. Ils avaient des gens avec eux, des prisonniers attachés comme des bêtes, hommes, femmes et même des enfants. Là... ils les ont jetés dans le vide... droit en direction du maelström. J’ai vu une ombre donner des ordres aux militaires puis disparaître.

- Et quoi d’autre ? Demanda Al.

- Puis, je me suis fait avoir et me suis retrouvé en taule. Et là j’ai assisté à leur manège, régulièrement des prisonniers que je savais être enfermés pour de petits délits ont été emmenés. Plus jamais on ne les reverra, c’est sûr eux aussi ont fini dans le maelström.

- Pourquoi ont-ils fait ça ? Dit Azalys intriguée.

- Que cherchais-tu exactement Flam’ ? J’ai l’impression que tu ne nous dit pas tout.

La jeune femme hésita longuement avant d’en venir à sa réelle motivation.

- Je cherche Eriade. D’après ce que je sais et ce que je ressens il est là dans ce réseau.

- Eriade ?? C’est qui ? Demanda Azalys.

Ce nom évoqua bien des histoires à Al la Triste, son père lui racontait les aventures extraordinaires de cette fabuleuse créature.

- C’est un phénix, répondit Al.

- Oui un phénix... Il y a longtemps et selon les légendes Eriade était le souverain d’une immense région des terres de Guem, allant des volcans jusqu’au bout de Bramamir. Il aurait disparu un beau jour sonnant la chute de son empire qui se morcela en deux grands royaumes, Tantad et Bramamir. Mon enquête m’a mené jusqu’ici même Eriade serait là quelque part.

- Deux raisons d’aller voir ! Exulta Al. Et désolé de t’dire ça, mais tu viens avec moi ma 'tite Flam’ ! Puis se tournant vers Galène. Tu peux lui enlever ce qu’elle a sur la caboche. En attendant je vais voir qui j’emmène avec moi... Je ferais bien une équipe d’filles tiens... Azalys ? Partante ?

- Avec plaisir, dit la cinq fois veuve.


Le lendemain matin, Al avait convoqué son équipe de choc composée d’Azalys, Flammara, Mylad et bien sur d’elle même ! Al et Azalys vérifiaient leurs armes pendant que Mylad et Flammara faisaient connaissance l’une de l’autre. Très vite les deux guémélites s’entendirent, l’une manipulant la foudre, l’autre le feu. L’Arc-Kadia s’arrima à un trou dans la paroi sous l’île principale de la cité. Sous eux en contrebas d’autres petites îles flottantes au-dessus du centre du gargantuesque maelström.

- Attendez-nous ici, ordonna Al la Triste.

Une par une les pirates sautèrent par l’ouverture, Al la Triste fermant la marche.

- Tout le monde va bien ? Demanda Al en allumant sa lampe. Alors où est-ce qu’on va Flam’ ?

- Mmm, si on suit ce conduit, on devrait arriver dans une heure de marche là où j’ai vu les soldats. Sinon on peut explorer et tenter de trouver des pistes d’Eriade.

- Évitons de se perdre dans un premier temps, suivons la route qu’tu connais Flam’.

Le groupe se mit en marche au travers des boyaux, forçant l’allure pour éviter toute mauvaise rencontre. Mais les lieux étaient déserts. Après la défaite du gouvernement les ennemis des pirates avaient pris la poudre d’escampette. Plus personne n’osait venir ici... enfin presque plus personne. Car lorsque qu’elles arrivèrent vers le lieux indiqué par Flammara, des bruits de discussions se firent entendre. Des ordres aboyés par une voix forte et des sanglots, une multitude de sanglots.

- Faites vite, j’en ai besoin ! VITE ! J’ai hâte ! Criait la voix.

- Pitié, nous n’avons rien fait ! Dit une autre personne sur un ton suppliant.

Al al Triste et Azalys, collées contre la paroi rocheuse à l’entrée de cette caverne observaient. Il y avait trois soldats au regard hagard, comme absent, tels des automates décérébrés gardant des prisonniers, de simples habitants de la ville. Puis non loin une forme d’ombre, peut-être humaine, mais son aspect avait quelque chose de magique. Enfin un peu partout des caisses et divers objets massifs entreposés là.

- C’est comme la dernière fois, chuchota Flammara à l’attention des autres filles.

Ni une ni deux, un des soldats agrippa le bras d’un prisonnier, fit trois pas et propulsa sa victime dans le vide. Il n’en fallut pas plus pour qu’Al la Triste ne donne l’assaut. Les soldats lâchèrent les prisonniers pour dégainer leurs armes à feu et commencèrent à faire un tir de barrage pour leur permettre de reculer un maximum. Leur plan était de parvenir jusqu’à une autre sortie, à l’exact opposé des pirates. Les filles comprirent vite la stratégie des soldats, Al cria de leur tirer dans les jambes. Azalys mit un genou en terre, épaula son fusil et visa une jambe. La balle perfora la chair de part en part et le soldat s’écroula. Flammara et Mylad firent parler la magie et neutralisèrent aussi un autre soldat. Quant à Al la Triste, elle courut jusqu’au dernier avant qu’il ne parvienne à s’enfuir, puis de son bras mécanique le plaqua au sol. Lorsque tout redevint calme la grosse voix de l’ombre se fit entendre.

- Parfait, voilà un plan qui se déroule parfaitement... HAHAHAHA !

Puis un coup de feu retentit... Al la Triste lâcha prise et se releva pour voir d’où provenait le tir. cela venait de derrière les grosses caisses, il y avait là plusieurs hommes avec des fusils trafiqués. Azalys, Mylad et Flammara réagirent vite malgré la surprise, canardant en direction des caisses. Al suivit le mouvement tirant à tout va. Mais la capitaine de l’Arc-kadia était très exposée, trop même car une balle toucha son bras mécanique et dans un bruit d’explosion la prothèse éclata littéralement. C’est alors qu’une autre balle la toucha, cette fois en pleine poitrine. L’imposante femme à la chevelure rousse s’effondra sur le dos, brisant alors la mini chaudière qui jusque-là animait son bras mécanique. Folle de rage Mylad déclencha une pluie de foudre sur leurs ennemis. Touchés par les éclairs les assaillants ne purent continuer de tirer, mais le mal était fait, l’objectif atteint. Al la Triste gisait sur le sol d’une caverne lugubre, le sang s’échappant par sa blessure. La douleur la paralysait et lui coupait le souffle.


Al la Triste ne sentait plus rien à présent, mais alors que ses amies se battaient pour éliminer leurs adversaires, le capitaine de l’Arc-kadia se trouvait entre la vie et la mort. Dans son inconscience elle entendit quelqu’un l'appeler.

- Alexandra. Alexandra !

Elle connaissait cette voix, resurgissant d’un lointain passé.

- Papa ? C’est toi papa ?

- Alexandra, je suis heureux de te parler à nouveau ma fille.

Al parlait à haute voix dans cette caverne, mais tout cela se passait ailleurs, imaginait-elle cette scène ?

- Il est temps pour toi de découvrir qui tu es, Alexandra.

Al se sentit comme aspirée, projetée dans un autre endroit, qu’elle connaissait bien : l’Arc-kadia. Elle était là, face à son père et entourée d’autres personnes qui lui souriaient ou la saluaient amicalement. Elle se sentait bien ici, parmi eux.

- Je suis morte ? Demanda la jeune femme rousse.

- Cela ne va pas tarder ma fille, répondit le Géant au regard triste. Mais avant que cela n’arrive j’aimerais que tu m’écoutes. Même si Al était sur le seuil de sa vie, la joie de revoir son père dépassait toutes les autres émotions.

- Alexandra, tu te souviens du jour de ton accident, quand tu n’étais qu’une petite fille ?

- En grande partie, je me souviens de la douleur principalement.

- Ce jour-là... Ce jour-là en réalité tu es morte ma fille. Le bras arraché tu n’as pas tenu. Ton cœur avait alors cessé de battre. A ce moment-là au-dessus du navire une forme enflammée passa lentement. Al était un peu perdue attendant la suite.

- Je t’ai alors fait un cadeau inestimable. Je t’ai transmis ce que l’on m’avait transmis des siècles avant, je t’ai ramenée à la vie. La forme enflammée ressemblait à un oiseau, qui n’avait rien à voir avec un moineau, car aussi grand que le navire.

- Alexandra, je vais faire vite car le temps m’est compté. Les personnes qui sont autour de toi sont nos ancêtres, tu es l’héritière d’une lignée prestigieuse qui autrefois régnait sur cette partie du monde. Chacun d’entre nous avons été le dépositaire d’un secret farouchement gardé. En toi vit Eriade.

La forme enflammée commença alors à rapetisser pour devenir d’une taille plus modeste. Finalement le phénix s’accrocha au bras du Géant au regard triste.

- Je veille sur toi Alexandra, je suis une partie de toi. Nous nous sommes déjà parlé autrefois, mais tu n’as gardé aucun souvenir. Mais c’est différent cette fois. Tu vas mourir Alexandra pour mieux renaître ensuite et continuer ce que tu as commencé à faire, dit le phénix.

- Qu’est ce que j’ai commencé à faire ?

- Tu luttes pour libérer les Îles Blanches des influences néfastes qui la détruisent. Regarde donc à bâbord.

L’Arc-kadia était à présent juste au-dessus du grand vortex, au centre de ce maelström.

- Sais -tu ce qu’est le Maelström ?

- Un sort puissant lancé par Néhant ?

- Pas tout à fait. C’est un démon, le plus grand démon existant à l’heure actuelle. Une créature dévoreuse. C’est elle qui t’a tendue cette embuscade pour te tuer, révéla Eriade.

- L’ombre ?

- Oui ma fille. Le gouverneur subissait l’influence des Néhantistes et du Maelström, un odieux chantage. Le démon ne dévorait pas les Îles Blanches si en échange des gens étaient sacrifiés, dévorés par le démon.

- C’est ignoble !!

- Oui, hélas comme Eriade était alors en toi, je n’ai pu renaître pour continuer la lutte, je n’ai guère eu le temps de prévenir qui que ce soit, il fallait que tu meures pour que je t’en parle...

Tout devint flou autour d’Alexandra.

- Il est temps de renaître, dit Eriade en écartant les ailes pour envelopper Al la Triste.

Les éclairs avaient eu raison des assassins. Mylad à bout de souffle regardait le corps inerte de son amie, Azalys penchée au-dessus pressait la blessure comme elle pouvait, les mains pleines de sang. Puis un halo rouge brilla autour d’Al. Flamamra sentit alors la magie du feu et d’instinct hurla.

- Barre toi Azalys !!! Ça va brûler !!

A peine eut-elle le temps de s’écarter que le corps du capitaine s’enflamma en même temps qu’elle se levait. Les flammes vivantes formèrent alors une forme d’oiseau de feu, un phénix. La blessure se referma et le cœur de la jeune femme se remit à battre, elle était vivante. Azalys, Flamarra et Mylad restèrent figées devant ce spectacle incroyable.

L’ombre qui avait assisté à la scène disparut alors, car Al la Triste vivait et son plan avait échoué.

Chapitre 11 - Le sacrifice de Dragon

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Zahal courut jusqu’à sa monture laissée en arrière. Il devait faire vite car à présent les forces de Néhant n’avaient plus de raison de se battre aux côtés des Draconiens et de leurs alliés. Une fois en selle il fit tournoyer son épée en haranguant les troupes, les invectivant à reprendre courage pour la suite de la bataille.

- Resserrez les rangs !! Naya ordonne à tes sorcelames d’éliminer les démons qui sont derrière nous ! Marzhin, protégez-nous des pouvoirs Néhantiques !

Les ordres se relayèrent vite grâce à une mécanique bien rodée de transmission par les divers officiers de l’armée. L’organisation se mit en place de manière efficace. Kounok dirigeait son régiment de soldats à pied, Ardrakar assurait l’autre flan avec une poignée d’hommes, des vétérans endurcis et capables de prodiges. Les mages du Compendium dressèrent des boucliers magiques autour de ceux qui allaient au contact. Enfin Naya et ses Sorcelames exécutèrent l’ordre sans la moindre hésitation, détruisant les démons qui pourraient leur causer des problèmes en raison de leur position dans l’armée de la Draconie.

Zahal eut raison de réagir si rapidement car Néhant bien qu’en partie sous la domination de Ciramor brisa là l’alliance avec ses ennemis. Néhant laissa tomber Ozymandias, l’homme ne pouvait de toute façon aller bien loin vu son état. Dirigés par la volonté de leur maître, les démons et autres Néhantistes se lancèrent avec rage contre les lignes des Draconiens et quiconque se mettrait en travers de leur route.

Et des ennemis il y en avait, la Légion Runique, les nomades du désert, les Draconiens. Mais celui que craignait Néhant, c’était Kounok et son général, Zahal. Aussi et à son tour, il s’avança dans la grande mêlée où le noir dévorait vite le bleu. Alors que les démons découpaient les chairs et brisaient les os, les Néhantistes prenaient le dessus sur les volontés les plus faibles. Mais bientôt les mages du Compendium firent pleuvoir la colère des éléments sur les Néhantistes qui ne purent que constater leur supériorité dans le domaine de la magie. Là, au milieu des soldats effrayés par les démons, certains mages utilisèrent la magie de Dragon pour combattre au corps à corps, encourageant les autres. Cette guerre-là, contre Néhant, commençait directement par la fin, l’ultime bataille, ramenant le monde bien des années en arrière. A cette époque aussi les armées luttaient, Eredan en tête, contre les légions démoniaques. Cette fois encore les démons affluaient sans cesse. Des portails, ouvertures vers les Méandres, vomissaient les démons qui attendaient patiemment le moment de détruire toute vie humaine. Et les démons s’en donnaient à cœur joie à ce moment précis, car au fil de la bataille les rangs de la Draconie furent en partie décimés. Luttant à un contre dix, l’issue de la bataille était courue d’avance. Pourtant un événement qui a jamais changera les terres de Guem se produisit.

Alors que l'avatar de Sol’ra venait de perdre, Anryéna continuait d’assister impuissante à la chute des pierre-cœurs liées à Dragon. Une par une elle chutait sur l’herbe fraîche du jardin du palais. Que pouvait-elle faire de plus ? Coincée ici, en l’absence de ceux qu’elle chérissait, Anryéna avait peur. La présence de l’Apôtre du destin n’ajoutait rien à l’affaire car elle ne pouvait réconforter l’Archimage. Elle connaissait le destin de la fille de Dragon et c’est cela qui l’avait conduite à venir ici à ce moment précis. Car si elle savait ce qui allait se passer dans la globalité, elle en ignorait les détails, ne pouvant voir le destin de tous les êtres des terres de Guem. La lumière filtrée par le bouclier de protection dressé par Dragon devint d’un coup plus vive attirant l’attention des deux femmes. Effectivement le dôme protecteur avait disparu d’un seul coup, laissant la Draconie vulnérable face à une invasion. Anryéna ne comprenant pas appela son père. Alors sur la grande gemme bleue, cœur de Noz’Dingard et de la Draconie apparut une forme reptilienne aussi grande que la gemme elle-même. C’était Dragon en personne. Anryéna s’étonna de le voir ainsi alors qu’il devait protéger la Draconie. Accroché aux multiples arrêtes de sa pierre-cœur, Dragon portait son regard vers le lointain Tombeau des ancêtres. Puis après être ainsi figé pendant quelques minutes Dragon baissa la tête vers sa fille.

- Tu es toute ma fierté Anryéna. Tu es mon empreinte sur ce monde et l’avenir de la Draconie dépend désormais de toi.

- Qu’est ce que tu racontes ? De quoi parles-tu père ?? Cria-t-elle vers l’énorme guémélite de Guem.

- L’Avatar de Sol'ra n’est plus, mais Ciramor ne peut pas tenir plus longtemps la volonté de Néhant... Nous perdons ma fille. Cette fois je n’ai aucune prophétie, aucun Eredan pour venir redonner espoir aux peuples de ces terres. Je vais devoir intervenir. Je ne pense pas pouvoir venir à bout de Néhant, mais je vais le faire disparaître pour toujours. Cela implique aussi que je parte moi aussi.

Anryéna resta bouche-bée devant cette décision.

- Je dois réparer mes erreurs et laisser ce monde sans que de trop fortes puissances magiques ne risquent de détruire ces terres, comme ce fut le cas dans les Confins.

- Mais... tu veux te sacrifier ?

- C’est un sacrifice utile. A présent je dois partir. Je sais que la Draconie sera entre de bonnes mains. Lorsque j’aurais quitté les terres de Guem ma pierre-cœur serra tienne et tu deviendra le nouveau Dragon. Garde foi en toi.

Anryéna aurait bien hurlé, pleuré et crié, mais elle connaissait bien son père et rien ne le ferait changer d’avis. Elle se contenta de le laisser partir, elle aurait tant aimé le serrer une dernière fois dans ses bras. Dragon s’élança dans les airs puis après s’être éloigné utilisa sa magie pour aller d’un lieu à un autre en un battement d’ailes.


Au Tombeau des ancêtres, les démons perforaient les lignes des Draconiens aussi facilement qu’un couteau dans une motte de beurre. Les soldats tombaient comme des mouches, seuls arrivaient à résister les Chevaliers Dragon, les Sorcelames et les mages du Compendium. Néhant satisfait s’avançait lentement Calice en main vers un Kounok à bout de souffle. Mais le Prophète ne s’avouait pas vaincu. Chimère se fit un plaisir de guider au mieux son porteur dans son affrontement contre Néhant. Le Chevalier Dragon tint bon, résistant avec habileté. Appuyé par un Pilkim au summum de son art, contrant les assauts de la magie Néhantique, Prophète faisait jeu égal avec Néhant. Mais bientôt, l'étau se resserra sur la poignée de Draconiens et infatigable Néhant prenait le dessus peu à peu. Et alors que les premières blessures lui étaient infligés le doute étreint Kounok, et la fatalité annoncée devint évidence, s’en était fini d’eux. Mais jamais il ne se rendrait sans lutter, Chimère aussi voulait en découdre. Les chocs des lames étaient terriblement violents, jusqu’au moment où dans un dernier assaut Kounok frappa de toutes ses forces. Chimère détruisit alors Calice, cette dernière explosant alors, projetant toutes les personnes autour sur le sol couvert de sang.

Lorsque Prophète se releva il remarqua alors Zahal par terre, il s’était interposé juste au moment de la déflagration pour le sauver. Les éclats de la lame de Néhant criblait le pauvre chevalier. Alors que Kounok se penchait pour aider son ami, l’imposante silhouette de Néhant se dessina au dessus de lui. Le visage toujours impassible il jeta les restes de Calice.

- Je savoure ce moment de victoire. Il me sera désormais facile de soumettre ce monde à ma volonté.

Puis un hurlement se fit entendre, un cri puissant pouvant s’entendre d’un bout à l’autre du Tombeau des ancêtres. L’ombre d’une forme gigantesque, grand lézard volant, propulsa les armées entremêlées dans la pénombre. Kounok reconnut sans peine son grand père. Tout à coup Dragon se volatilisa pour réapparaître, sous une forme humaine devant Néhant, balayant les démons aux alentours. Dragon ressemblait à Kounok, ou inversement, sa peau était bleutée, son visage quasi-humain arborait de larges cornes de cristal. une aura de magie incroyable crépitait autour de lui. Sans faire le moindre mouvement il plongea son regard empreint de colère dans ceux de Néhant. Ce dernier porta immédiatement son attention sur lui.

- Mais qui voilà ? Dragon en personne ? Tu m’honores de ta présence...

- Ne sois pas flatté, tu sais ce que cela veut dire.

Le visage d’habitude inexpressif de Néhant forma une grimace menaçante. De part et d’autres, les armées avaient cessé les hostilités et effectué un repli stratégique. Renforcés par la présence de Dragon, Pilkim dressa un bouclier impénétrable autour du reste de l’armée Draconienne.

- Ce que cela veut dire ? Oh ? Tu veux me détruire cette fois ? Tu sais que cela te tuerait, n’est-ce pas.

La tension entre ces deux entités surpuissantes emplissait les lieux, la magie bleue de Dragon contre la magie noire de Néhant. Un sourire se dessina sur les lèvres de Dragon. D’un geste il téléporta Kounok à ses côtés.

- Kounok, il y a une histoire que personne ne connaît et que je dois raconter.

- Oh ? Tu veux tout lui dire ? Tu m’autorise à le faire ? Demanda Néhant exultant à l’idée de révéler un lourd secret.

Dragon fixant toujours son adversaire inclina la tête.

- Alors ouvre bien tes oreilles Kounok, petit fils de Dragon. Mon nom est Néhant et je suis une part de Dragon, enfin de ce qu’il fut autrefois, incapable de refréner cette part d’ombre qu’il avait en lui, cherchant la perfection, il m’a créé puis banni dans les méandres, les entrailles de Guem. Ce n’est que bien des années plus tard qu’enfin je pus revenir sur les Terres de Guem. Dragon occupé avec autre chose laissa les peuples de Guem se débrouiller seul un moment, du moins jusqu’à ce qu’Eredan entre en jeu.

- C’est plus complexe que ça, tu le sais, répliqua Dragon calmement.

- Laisse moi finir. Donc, sachant très bien que me tuer impliquerait sa fin, ton cher papy aida Eredan et ses amis pour me coller en prison. Mais tu connais ce passage-là de mon histoire. Ainsi donc si je meurs, Dragon meurt. Alors qu’est ce que ça fait de découvrir que le glorieux Dragon n’est en réalité qu’un égocentrique ? Prêt à sacrifier la vie de milliers et de milliers de gens pour se sauver lui-même.

- C’est là ta vision des choses. Kounok, lorsque tu retourneras en Noz’Dingard, va avec Anryéna dans le cristal et tu comprendras. A présent il est temps d’agir.

- Tu es vraiment prêt à me tuer ? Cela risque d’être difficile, douloureux, tu risques de provoquer un véritable cataclysme !

- Te tuer... non... je ne vais pas te tuer !

A ce moment-là la magie de Dragon opéra, Kounok fut renvoyé vers les siens, derrière la barrière magique de Pilkim. Néhant se prépara à l’assaut... qui ne vint finalement pas. Dragon se contenta de se concentrer. Alors Néhant réagit en lançant ses hordes de démons sur son adversaire. Voyant cela et n’écoutant que leur courage, les Mages, Sorcelames et Chevaliers Dragon intervinrent, bloquant une bonne partie des assaillants. Ceux qui réussirent à passer furent instantanément transformés en statues de cristal en approchant Dragon. Une lumière aveuglante baigna alors l’assistance, Dragon venait de libérer sa magie, non pas pour tuer Néhant comme ce dernier le pendait, mais dans un autre but. Une porte, de la taille d’une maison apparut là, derrière Dragon. Celle-ci, à double battant, était couverte de symboles magiques flamboyants. Néhant resta figé un instant, ne comprenant pas les intention de Dragon, que comptait-il faire avec cette porte ?

- Bien que tu sois une partie de moi, tu n’as pas pour autant mes connaissances. Ceci... Ceci est une des portes de l’Infini, dit Dragon alors que la porte s’ouvrait. Je ne vais pas te tuer, nous allons disparaître de ce monde ! Hurla Dragon. Tu vas retourner dans une prison, mais très différente de celles que tu as connu.

- Jamais, jamais je ne serais à nouveau enfermé ! Dit Néhant.

Dragon ne s’attendait évidemment pas à une coopération de sa part. Aussi tels des tentacules, de fins filaments bleues sortirent des mains du guémélite de Guem pour agripper Néhant.

- Que me fais-tu ?? Cria Néhant en tentant de se dépêtrer et de résister. NOOOOON !

Dragon ne faisait pas qu’attirer vers lui celui qui représentait sa part de ténèbres, il le neutralisait totalement. Le corps de Ciramor était au maximum de ses capacités, ses muscles tendus ne pouvaient rien face à l’attraction de Dragon. Néhant râlait, hurlait, était furieux, comme si tout cela se passait au ralenti. Bien sur les pouvoirs de l’ombre frappaient Dragon, mais au final que pouvait-il faire contre lui-même ?? Le seigneur des démons devait tenter de s’échapper, il devait abandonner Ciramor ! Instantanément Néhant se désolidarisa de son hôte.

- Parfait ! Cria Dragon.

Libérant alors l’héritier d’Eredan, Dragon lança de nouveaux filaments sur Néhant et activa un vortex provenant de la porte. Alors il ne restait pour Néhant qu’une solution : retrouver son intégrité pour redevenir celui qu’il était autrefois avec Dragon. Il fonça alors avec rage sur Dragon, et les deux magies, celle de l’Ombre et celle de Dragon luttaient l’une contre l’autre dans un paroxysme de puissance.

- J’avais prévu cela ! S’enchanta Dragon.

Il resserra les fins filaments autour de Néhant alors que ce dernier tentait de passer ses défenses magiques. Cela fut son dernier geste car la porte de l’Infini avala tels deux grains de poussière Néhant et Dragon. Ceci fait les deux battant se refermèrent dans un grincement devant les figures ébahies des draconiens qui avaient assistés à la scène sans vraiment réaliser son importance. Enfin la porte de l’Infini se referma et tel un mirage disparut. Kounok, Aerouant et les autres descendants de Dragon surent à ce moment là que Dragon venait de quitter ce monde. De leur côté les démons, à présents libres d’aller où ils voulaient, sans Néhant pour les diriger s’enfuirent en s’éparpillant. La dernière bataille de la pierre Tombée du Ciel s’acheva ainsi - la mort de l’Avatar de Sol’ra, Dragon et Néhant disparus, les terres de Guem ravagées.


- Cette fois c’est fini, tempêta Moîra qui serrait dans ses bras le corps sans vie de sa sœur. S’en est fini de la Draconie, dit-elle avec une infinie tristesse.

Chapitre 12 - 28 zombies plus tard

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Il est toujours extrêmement difficile de repérer un Combattant de Zil cherchant à se faire discret. Même en bande ceux-ci pouvaient véritablement disparaître, à plus forte raison quand la magie de l’Ombre couvrait leur avancée. Farouche s’étonna de l’efficacité de Kuraying et des autres manipulateurs de l’Ombre. Ils avaient croisé plusieurs voyageurs fuyant les tumultes du Tombeau des ancêtres sans même que ceux-ci ne se doutent de leur présence. Ainsi l’aventure qu’allait vivre cette guilde resta longtemps secrète.

Les petites routes sinueuses venant de l’ouest coulaient telles des ruisseaux vers les anciennes terres de vieux conflits désormais en partie pardonnés. Avant d’arriver sur les lieux proprement dits la guilde se trouvait à la corniche d’une falaise surplombant la région. Vue imprenable s’il en était, la fine équipe put enfin réaliser toute l’importance de ce qu’il se passait là depuis leur départ du lieu d’impact de la pierre Tombée du ciel. Plus bas la forêt des Eltarites fumait encore de ses stigmates, la terre changée en sable réfléchissait les rayons du soleil. Mais le plus spectaculaire était certainement cet être entouré de milliers de formes lumineuses. Face à cela une autre armée de bleu et de noir tentait de contenir l’assaut des Solarians.

- Tu vois quelque chossssse Ergue ? Demanda Granderage.

- Oui, mais je me demande si je ne rêve pas. Les Envoyés sont bien là, mais ils sont au milieu de démons. J’ai comme l’impression qu’on a raté quelque chose, Farouche.

La plupart des Zil et Farouche n’en croyaient pas leurs yeux, les Draconiens côte à côte avec les Néhantistes ? A quoi cela rimait.

- On doit tirer ça au clair et accomplir notre mission. Le premier Draconien qui passe, vous me le choppez !

- Si vous voulez mon avis ma chère, nous arrivons après la fête, dit Kuraying.

- Hâtons-nous de rejoindre les Draconiens. Cette histoire ne me dit rien qui vaille. Des nouvelles des autres ?

- Non, rien, j’espère que Télendar a réussi et qu’il est en route. J’espère aussi qu’Oukanda va venir, dit Ergue en se passant la main dans les cheveux.

- Bah on les voit jamais, pourquoi tu veux qu’ils viennent aujourd’hui, se moqua Terrifik. Ils ont jamais accepté de faire leurs numéros avec nous.

- Ça n’empêche pas qu’ils restent des Combattants de Zil, répliqua Ergue.

- Ça suffit, on a du pain sur la planche. Dit Farouche en se retournant vers le groupe. La mission donnée par Abyssien était de rejoindre les Envoyés de Noz’Dingard pour affronter les Néhantistes. Hors les plans ont visiblement changé. Du coup on va appuyer les Noz, et seulement eux, le premier démon qui passe on le zigouille. Ah oui, important, j’offre une prime de vingt mille cristaux à celui qui me ramène la tête de Sélène, Silène ou cet enfoiré de Masque de fer.

Derrière la chef Zil la bataille prit une autre tournure car à ce moment là, l’avatar de Sol’ra venait d’être défait par Néhant.

- Farouche !!! Regarde !!! Hurla Sombre.

Les Combattants de Zil assistèrent alors à ce moment historique. L’armée de Sol’ra alors décapitée de son meneur se vaporisa. très vite les démons se retournèrent contre les Draconiens. Sans autre ordre les Combattants de Zil se mirent à courir vers le champ de bataille. Ils longèrent la falaise jusqu’à un passage qui descendait abruptement. Farouche espérait pouvoir arriver à temps et ainsi respecter les ordres d’Abyssien - il y aurait bien une bataille entre la Draconie et les Néhantistes et elle comptait bien prendre part au combat !


- Il n’y a plus personne ici. Les maisons sont vides. Dit Saphyra en jetant un œil dans une des vieilles maisons d’un petit village.

Zil, dagues déployées, attendait ses autres compagnons qui faisaient le tour des habitations. Ils étaient revenus là où Dimizar s’était transporté suite à son agression par Telendar. Les zombies qui attaquèrent le petit groupe provenaient sûrement des environs, ce qui les mena jusqu’à ce village. Avec la certitude que quelque chose d’affreux s’était déroulé ici Télendar retourna au centre du village pour partager ses découvertes.

- Il y a des traces de pas dans le sol imbibé de sang par là-bas, dit-il en désignant une ruelle. A mon avis il y a eu du grabuge et les habitants se sont enfuis.

- Si ce Néhantiste est capable de faire revivre les morts, nul village n’est à l'abri d’une attaque. Qu’en penses-tu Kriss ? Demanda Zil au musicien qui s’approchait à son tour.

- J’en pense que tu as raison, tout porte à croire qu’il y a effectivement des zombies qui sont venus ici et ont attaqué ces malheureux villageois. J’espère qu’il y a eu des survivants...

- A mon avis... Non !! Cria Alyce en courant vers le groupe. Là !

Un petit garçon, chancelant, s’avança depuis une ruelle, immédiatement suivi par d’autres personnes, hommes et femmes. Tous présentaient des contusions, des coupures, des morsures et autres blessures sanguinolentes. D’autres déboulèrent d’une autre rue, marchant lentement vers leur objectif : Zil et ses compagnons.

C’est dans le brouhaha de grognements et de cris rauques des zombies que Zil se jeta alors avec rage dans la mêlée. Télendar, Saphyra et Sangrépée tirèrent à leur tour leurs lames de leurs fourreaux et suivirent Zil déjà en train de trancher dans le vif. Kriss et Alyce quant à eux restèrent en retrait pour user d’autres talents plus mystiques. Les assaillants étaient innombrables, un véritable raz de marée de chairs en putrescence. Mais ces zombies n’étaient que d’infortunés qui usèrent de malchance en croisant la route de Zejabel et ses sbires non-morts. Les corps tombèrent les uns après les autres sur le sol terreux du village. Zil face à ces cadavres mus par une magie de l’Ombre pervertie était autant furieux que miséricordieux. Chaque coup porté apportait la délivrance et la vengeance.

Les corps s’accumulèrent, enchevêtrement de membres, tel un charnier se remplissant petit à petit. Les zombies n’arrivèrent pas à freiner la folie destructrice des Combattants de Zil et ce malgré leur nombre très important. Puis après une demi-heure d’un âpre combat, il ne restait plus que quelques morceaux de zombie encore “vivants”, mais très vite détruits. L’odeur qui s’échappait du tas en décomposition agressait les narines des vivants, si bien que Saphyra et Alyce quittèrent la place pour sortir du village par le nord.

Zil, hors d’haleine serrait fort ses dagues prêt à réagir au moindre mouvement suspect. Et assurément la forme qui se faufila rapidement dans une des ruelles lui parut des plus suspecte. Aussi s’élança-t-il, espérant mettre la main sur ce Néhantiste capable de créer de telles atrocités. En quelques bonds la forme fut rattrapée et Zil frappa, un coup sec, rapide et fatal. La lame perça la chair et se fraya un chemin jusqu’à l’organe palpitant de la fuyarde. Celle-ci devait avoir tout au plus sept ou huit ans, bien vivante jusqu’à ce que Zil ne la tue là, dans cette petite ruelle, de ce petit village où sa famille fut assassinée par des hommes et des femmes sans vie. Zil lâcha sa lame alors que les yeux de la fillette s'embuaient de larmes de sang, sa vie s'échappant. Il ne réalisa son geste qu’au moment où elle tomba par terre, à côté d’une vieille poupée défraîchie, alors les sentiments se bousculèrent en lui. Son visage se figea alors qu’il retirait la lame ensanglantée, puis entendant arriver Télendar il se retourna pour aller à sa rencontre.

- C’était quoi ? Demanda Télendar.

- Un autre zombie, mentit Zil, viens, allons chercher de quoi mettre le feu au village, il n’y a plus rien à voir ici et le Néhantiste doit être quelque part dans les environs.

Télendar n’eut pas la curiosité de vérifier les dires de Zil et se contenta de repartir dans l’autre sens. Une heure plus tard le village était en flamme, la fumée calcinant les chairs des morts et le bois des habitations. Saphyra et Alyce, de leur côté, avaient trouvé une piste, d’autres traces de pas traînants, des pas de zombies.

- Cela part vers Tantad, je sais pas si c’est une bonne idée d’y aller, ces gens sont bizarres, indiqua Saphyra.

- Rien ne me fera reculer, j’aurai la tête de ce Néhantiste, grogna Zil dont l’image de cette petite fille hantait les pensées.

- Mais les ordres du Conseil ? Si on part vers Tantad alors nous aurons désobéi, déclara Kriss.

- Le Conseil ne nous dira rien, car lorsque nous aurons réglé cette affaire on nous remerciera d’avoir agi, puis les Combattants de Zil ont répondu à l’appel, la grande majorité de la guilde est déjà sur place.

- B... bien balbutia Kriss, dans ce cas...

Le groupe se mit alors en marche vers Tantad.

Une fois les Combattants de Zil partis, alors que le village brûlait, en toute discrétion Zejabel brava les flammes pour récupérer un corps, celui de la petite fille tuée par Zil.

- Tu seras l’instrument de la défaite de Zil mon enfant, dit-il alors que les pouvoirs Néhantiques la ranimaient.


Les Combattants de Zil qui se trouvaient au Tombeau des ancêtres n’avaient plus beaucoup de chemin à parcourir avant de rejoindre la bataille. Mais hélas celle-ci tourna court, Dragon apparut alors que les Draconiens, en sous nombre perdaient la bataille. Puis la porte de l’Infini aspira Dragon et Néhant avant de se refermer. Les Combattants de Zil n’étaient pourtant plus très loin et tous ressentaient une certaine frustration d’avoir raté le gros de la bataille. C’est alors que les démons et autres Néhantistes, privés de leur leader, s'enfuirent, donnant aux Combattants l’opportunité d'extérioriser leur frustration.

- Tuez-en un maximum ordonna Farouche suivie de prêt par sa meute.

Les Combattants de Zil utilisèrent leurs tactiques de guérilla déjà éprouvées lors de l’attaque du Manoir de Zejabel. D’un côté la Meute, de l’autre Ergue, Soriek et Granderage et en retrait le reste de la guilde, ceux capables de neutraliser les fuyards plus rapides que les autres. Très vite et avec méthode les Combattants de Zil entreprirent une véritable purge de la population démoniaque. Les larbins ne firent pas un pli, cibles faciles s’il en était. D’autres démons, plus coriaces opposèrent une résistance plus importante, mais sans pouvoir non plus échapper aux lames et aux pouvoirs des Zil. Puis, dans cette masse un Néhantiste en particulier tenta de couvrir sa fuite par la présence de démons plus gros. Voyant qu’il était repéré, celui-ci fit appel à Fournaise. Le seigneur démon, responsable de maints malheurs, fut ravi d’avoir de nouvelles cibles. Le but étant de donner l’opportunité à Amidaraxar de partir sans se faire attraper. Le démon enflammé dégagea du passage Kolère et Sombre avec une facilité déconcertante, puis ce fut le tour de Brutus, pourtant jugé comme l’un des plus costaud des Zil et enfin Farouche n’opposa pas plus de résistance. Quelque chose n’allait pas, Fournaise montrait là une force beaucoup trop importante. Et pour cause, sur le dos du démon se trouvait un autre démon collé peau contre peau, comme un vulgaire sac à dos, c’est lui qui donnait autant de pouvoir à Fournaise, mais personne ne le vit. Devant ce manque de réussite face à Fournaise. Voyant cela, Ergue appela à lui Soriek et Granderage.

- Encore ? Râla le mastodonte à la peau bleue.

- Fais pas ta sssssale tête ! Répliqua Granderage en repoussant un démon.

Ergue ne prit pas le temps d’argumenter son choix et débuta le rituel qui faisait sa réputation. Très vite le front de la bataille fut immergé dans une brume épaisse alors que le son de tambour couvraient les bruits des combats. Au bout d’un instant les tambours cessèrent et la brume disparut en découvrant ce qu’elle cachait : l’Abomination.

- A nous quatre ! Hurla l’Abomination qui se jeta sur Fournaise.

Ce fut là le choc des titans, deux colosses s’affrontant parmi une nuée d’insectes. Les coups échangés auraient certainement mis au tapis n’importe qui, mais l’Abomination, comme Fournaise pouvaient encaisser sans trop sourciller. Personne n’osa intervenir, que cela soit du côté démon ou Combattants de Zil. Les deux adversaires, de forces équivalentes, n’arrivaient pas à trouver la faille dans l’armure qui permettrait la victoire.

C’est alors que de nouveaux sons de tambours se firent entendre, de même sonorités que les tambours du rituel de Ergue, mais sur un rythme et une mélodie différents. Puis un cri retentit avant qu’une masse aussi grosse que Fournaise ou l’Abomination se fraye un chemin jusqu’au deux adversaires. La ressemblance entre l’Abomination et ce nouvel arrivant était flagrante, bien que ce dernier malgré les grelots et couleurs Zil arborait des masques tribaux d’une civilisation inconnue.

- Alors l’Abo’ on arrive pas à venir à bout du démon de feu ?? Dit l’arrivant avec une voix multiple, comme l’Abomination le faisait.

- Tiens l'Aberration, tu tombes bien, attrapes son bras gauche et tire fort !

Les deux monstres ridiculisèrent Fournaise, qui incapable de reprendre le dessus se retrouva retenu par chaque bras, d’un côté l’Abomination de l’autre l’Aberration. De concert les deux monstres posèrent un pied sur la hanche du démon et tirèrent de toute leurs forces. Dans une gerbe de liquide semblable à de la lave les deux bras de Fournaise ne faisaient désormais plus parties du démon qui tomba au sol en hurlant de rage. L’Aberration attrapa la tête de Fournaise et l’arracha avec rage avant de la jeter parmi les autres démons présents. Le message était passé, les démons restant tentèrent de fuir de plus belle, mais le carnage fut tel qu’il ne resta, de côté plus aucun démon vivant. Quant à Amidaraxar, la diversion avait fonctionné à merveille, il avait passé les lignes ennemies et était désormais en route vers un repère connu de lui seul. La pression retomba, l’atmosphère de bataille se dispersa peu à peu. L’Abomination et l’Aberration se morcelèrent alors, sonnant la fin de cette petite bataille.

- Oukanda, N’ba, N’ta, Dar’i, je suis content de vous voir mes frères ! Salua Ergue, je pensais pas que vous accepteriez de venir. Oukanda était un homme proche de Ergue au niveau de sa tenue. Visiblement il était le meneur de ce petit groupe.

- Nous n’avions rien d’autre à faire dans l’immédiat, alors nous sommes venus. Apparemment nous avons bien fait, c’était vraiment un ennemi de valeur.

Farouche s’approcha et dévisagea les arrivants avant de les sermonner.

- Et bien, faut vraiment que vous n’ayez rien à faire pour vous décider à venir nous voir ?? La moindre des choses c’est de venir présenter ses respects au nouveau chef des Combattants de Zil !

Cette phrase fit rire N’ba et N’ta, et encore plus Oukanda.

- Nous comptions le faire... princesse Zil, répondit Oukanda avec ironie.

Tous rirent de bon cœur, même Farouche se laissa aller. Les Combattants de Zil venaient de remporter une belle bataille contre un ennemi puissant, il était inutile de se quereller.

Chapitre 13 - Chat et Lion

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Le vent charriait son lot de sable fin, agressant la peau des rares bêtes tournant en rond dans un vieil enclos. Deux maisonnettes, usées par le temps et le soleil servaient de refuge à ses habitants. C’était aussi là que vivait un érudit ayant fuit les brimades et la censure du culte solaire. C’est ici que l’enquête menée par Mahamoud et Kébèk s’arrêta brièvement, dans une étape au beau milieu du désert, là où personne n’ose vraiment aller. Étrangement, depuis la disparition de l’Avatar de Sol’ra et du lent déclin du culte Solarian, les oppressés de tous bords réapparaissaient les uns après les autres, fait établi ou simple coïncidence ? En tout cas une des pistes suivies par les Nomades du désert mena ici. L’intérieur de la plus grosse des habitations était misérable. Ce rocher taillé se désagrégeait lentement, la poussière et le sable partout donnaient un sentiment d’inconfort. Les quelques tapis autrefois beaux étaient défraîchis, effilochés. Kébèk raclait sa tête contre le plafond en râlant alors que Mahamoud cherchait un endroit où s’assoir. Plusieurs personnes leur faisaient face : un ancien, homme au crépuscule de sa vie, la peau plissée et brunie par les années, en partie aveugle, une femme d’une quarantaine d’année tenant une amphore d’eau et enfin une homme du même age que la femme, habits simple, tête rasée et yeux noirs comme l’ébène. Au fond de lui, il était très impressionné par l’arrivée de ces guerriers aux casques d’animaux. Cela n’augurait rien de bon pensait-il.

- Es-tu Azim ? Demanda Mahamoud en enlevant son casque à tête de lion.

- Cela se peut, qui le cherche ? Répondit l’homme.

- Celui qui cherche Ra et Cheksathet, affirma le vizir. Je suis le Vizir Mahamoud, et voici Kébèk guerrier de Kapokèk.

L’homme qui était effectivement Azim ne pu garder l’impassibilité qu’il voulait montrer à ces visiteurs. Se réclamer ouvertement cherchant Ra et Cheksathet avec un guerrier de Kapokèk était soit de l’inconscience, soit un piège, soit l’indicateur que les temps avaient changé. Mais Azim garda sa retenue vis-à-vis des visiteurs, il avait déjà trop souffert dans le passé des pièges de ses opposants.

- Parle sans crainte, je sais qui tu es et si nous devions t’arrêter je ne serais pas venu en personne.

Effectivement, l’argument se tenait, aussi Azim se décontracta et invita les deux visiteurs à s'asseoir.

- Vous cherchez ce qui est perdu, les secrets sont des secrets.

- Mais toi tu connais ces secrets Azim n’est-ce pas ?

- Je les connais Vizir, mais que feras-tu d’eux ? Est-il sage de déterrer ce qui a sciemment disparu aux yeux des mortels ?

- Ceux qui avaient disparu foulent à nouveau le désert d’émeraude, nous avons pour tache de les aider. Renseigne-nous et tu pourras retourner chez toi.

- Chez moi, mais c’est ici chez moi vizir Mahamoud. Mais je perçois la sincérité dans tes yeux. Depuis le temps que je suis ici, coupé du monde, les choses ont évolué et il m’est difficile de te certifier que les secrets sont encore là. Les anciens dieux ont toujours des fidèles, des hommes et des femmes qui bravent tous les jours le fléau du soleil.

- Ce fléau n’en est plus un, et nous devons faire en sorte de rétablir l’équilibre des forces.

- Je vois, je vois... A une journée d’ici, il y a la cité de l’oasis de Kahouma. Tu trouveras la vieille Maât, elle vend des étoffes sur le marché. Peut-être acceptera-t-elle de t’aider... peut être pas, à toi de te montrer convainquant.

- Je ferai de mon mieux car ma quête est noble.

- Si tu ne mens pas et que les dieux sont avec toi alors tu ne devrais pas avoir d'ennuis, mais si tu te joues des dieux, ils te puniront !


Le lendemain, Kébèk et Mahamoud se trouvaient à Kahouma, une ville incroyable, un havre de paix et d’eau. Une source naturelle alimentait d’innombrable bassins reliés entre eux par un système d’aqueducs. De longs palmiers longeaient les allées du coup ombragées. Surplombant l’ensemble, un édifice. Malgré la taille relativement modeste de la cité, il y avait là une population très importante et très hétéroclite. Un peu partout les émeraudes géantes fréquentes dans le désert étaient sculptées pour parfaitement s’harmoniser avec l’architecture. Autour de la ville poussaient lentement les champs de papyrus sur les grandes étendues d’eau.

Le marché, centre principal de l’activité se trouvait au pied du plus gros édifice lui-même servant d'entrepôt et lieu de rassemblement.

- Cette cité est superbe ! S’étonna Kébèk.

- Elle l’est. Je suis déjà venu ici une fois, c’est une cité indépendante. Le roi du désert tolère son existence car elle achète sa liberté en fournissant à Mineptra le meilleur papyrus. Comme elle ne représente pas une menace militaire, le roi a consenti à laisser cette cité vivre par elle-même. Visiblement elle est florissante. Viens, allons trouver cette Maât.

La vieille dame en question avait l’étoffe d’une vénérable ancienne et sa renommée permit au duo de vite la retrouver. Criant sur les passants en vantant la beauté de ses tissus Maât débordait d’énergie malgré son âge. Tombant nez-à-nez avec l'énorme pectoral de Kébèk elle arrêta ses beuglements.

- Maât ? Questionna Kébèk sur un ton inquisiteur.

- Je sais pas si le bleu vous ira, guerrier ! Ironisa la vieille femme.

- Désolé de vous interrompre, nous aimerions vous parler, dit Mahamoud.

Maât connaissait bien les symboles et bijoux portés par le vizir, elle sut alors que c’était important. Elle posa les étoffes de soie sur l’étalage en confiant sa garde à sa petite-fille.

- Suivez-moi je vous prie.

L’autre coté de la ville n’avait pas le même cachet, un peu moins peuplé il s'agissait surtout d’habitations. Là, à l’abri des regards indiscrets Maât, Mahamoud et Kébèk pouvaient discuter sans être dérangés.

- Que voulez-vous à la vieille Maât ? Dit-elle en plantant son regard dans celui de Mahamoud.

- Je suis le Vizir Mahamoud et voici Kébèk, guerrier de Kapokèk. Nous venons sur les conseils d’Azim.

- Azim ? Il a toujours la langue bien pendue à ce que je vois. Et pourquoi Azim vous a-t-il conseillé de venir me voir ?

- Nous sommes à la recherche de Ra et Cheksathet.

Le visage de la vieille femme se ferma, son regard devint dur.

- Je ne sais rien de cela, et vous ne devriez pas en parler ouvertement, vizir Mahamoud, les murs de cette cité ont d’innombrables oreilles...

- Les chats, vizir, les chats, je vois les pensées de Maât, elle te le cache mais je peux voir clairement de quoi il s’agit... Ainsi c’est ici qu’elle se cache ! Dit une voix féminine.

Juste à côté d’eux apparut la forme translucide d’une femme magnifique à la tête de lionne. Maât fut stupéfaite et se prosterna alors devant cette apparition.

- Naptys, vous soignez toujours votre entrée à ce que je vois. Les chats vous dites ? Questionna Mahamoud en jetant un œil tout autour en espérant apercevoir un félin.

Justement, d’un muret à quelques mètres, un chat au pelage fauve et tigré sauta vers un autre muret non sans avoir observé rapidement Mahamoud, Kébèk et Maât.

- Suis-le, vizir ! Cria Naptys.

- Garde la vieille, ordonna le vizir en sautant d’un escalier.

Poursuivre un chat s’avéra être une mission des plus délicate pour un humain, surtout pour Mahamoud qui ne connaissait pas les lieux. Heureusement celui-ci pu compter sur Naptys qui le guidait. Les réflexions se succédaient dans la tête du Nomade et il trouva comique de se retrouver à courir après un chat. A vrai dire il se demandait bien pourquoi puisqu’il tenait Maât. Naptys devait avoir une bonne raison de vouloir ce chat et Mahamoud avait hâte de savoir de quoi il retournait. Le félin sauta de mur en mur et de toit en toit jusqu’à une maison parmi d’autres. Le vizir ne s'embarrassa pas des civilités, propulsé par l’élan il entra épaule en premier dans une porte de bois tenant à peine sur ses gonds. Le bois explosa dans un bruit assourdissant. C’était une petite habitation avec pour seule décoration un tapis de papyrus sur le sol. Les nombreuses ouvertures sur les murs laissaient passer la lumière. Pas la moindre trace d’un quelconque chat, pourtant l’odeur ne trompait pas. Une des ouvertures, celle face à la porte, au raz du sol, avait l’air plus empruntée que d’autres. Mais c’est le tapis de papyrus qui attira le plus son attention, pourquoi n’y avait-il que ça ? Il tira le tapis d’un geste découvrant une trappe dans le sol. Après quoi il la souleva pour s’engouffrer sans plus attendre. Le tunnel creusé dans le sol n’était pas très large et il eut quelques difficultés pour progresser avec son armure. Ce n’est qu’au prix d’un effort colossal qu’il finit par s’extirper du tunnel par une ouverture trop serrée pour lui. Quel ne fut pas sa surprise alors de se faire assaillir par une horde de chats visiblement mécontents de sa présence. Outre la meute une forme plus grande lui sauta dessus avec fureur. Cette fois pas de doute c’est un homme, enfin plutôt une femme vu l’allure. Portant une armure légère rappelant le chat, cette guerrière cherchait plus à repousser Mahamoud qu’à le blesser, celle-ci ne cessant de répéter le mot “sacrilège”.

Suffisamment énervé, Mahamoud dégaina Jugement de l’âme et écarta en premier lieux les chats avant de s’en prendre à cette guerrière. Celle-ci fut étonnée de la résistance de son adversaire ainsi que de son aspect. A la vue de l’armure à tête de lion, recula, temporisant l’affrontement.

- Je ne vous veut aucun mal ! Ragea Mahamoud épée en garde. J’ai été conduit ici par Naptys.

L’évocation de la déesse suffit à faire cesser le combat.

- Naptys ? Qui es-tu pour connaître Naptys ?

- J’ai la vague impression qu’on me demande souvent qui je suis, mon nom est Mahamoud, vizir du roi du désert et serviteur des anciens dieux.

A ce moment là un chat, bien plus grand que les autres sauta sur une colonne coupée à hauteur d’épaule. La jeune femme et le chat se regardèrent quelques instants, comme si l’un parlait à l’autre mais sans prononcer le moindre mot. Mahamoud profita pour regarder où il avait fini, cela ressemblait à d’autres temples qu’ils soient de Sol’ra ou d’autres dieux. Voyant les décorations et statues dédiés au chat il comprit qu’une divinité féline était priée ici, mais il n’avait jamais entendu parlé d’un dieu chat, à part Naptys qui adoptait la tête de lion ou de lionne suivant son humeur. A présent Mahamoud percevait une relation, un lien.

- Et toi qui es-tu femme au masque de chat ?

- Remets ton arme à ton côté, mon nom est Ba-Sthèt et voici l’incarnation de Baâst dont je suis la servante et protectrice.

Mahamoud qui avait rangé son arme durant la présentation enleva alors son casque à tête de lion, il ne le supportait plus tant il avait sué à l’intérieur.

- Es-tu venu demander pardon à la déesse au nom de celle que tu sers ? demanda Baâst en penchant sa tête de chat.

Mahamoud ne comprenait pas et devant l’absence de la manifestation de Naptys il se risqua à l’improvisation.

- Je cherche Ra et Cheksathèt, peux-tu m’aider ?

- Je suis la gardienne des savoirs perdus, cachée en attendant le retour des anciens dieux et la renaissance. J’ai vécu mon exil imposé par Naptys comme une punition.

- Comment vous demander pardon alors pour l’offense que vous avez subie ?

- Tu es bel homme, vizir, consens-tu à te sacrifier ? Demanda Ba-Sthèt en enlevant son casque à son tour, révélant une femme à la beauté... féline !

Ba-Sthèt tourna autour de Mahamoud en le frôlant du bout des doigts.

- Tu vas devoir m’offrir un enfant qui deviendra serviteur de Baâst, tu connaîtras son existence et tu le verras, mais jamais il ne t’appellera père.

Mahamoud était un homme d’honneur, jamais il n’avait posé les yeux sur une autre femme que la sienne et encore moins touché. On lui demandait beaucoup, concevoir un enfant dont il n’aurait jamais de nouvelles et aller avec une autre, cette affaire allait loin, trop loin.

- Tu doutes, tu es l’homme d’une femme n’est-ce pas, tant d’autres se seraient jetés sur moi pour un court instant de plaisir, mais toi... Tu te demandes si tout cela vaut le coup ? Pourtant ce n’est pas grand chose, regarde-moi... Mahamoud.

De Ba-Sthèt émanait une aura de sensualité, irrésistible elle enlevait ses atours un par un sans quitter du regard le vizir toujours dans le doute.

- Nul ne saura, car ce qui est secret des dieux reste caché, appuya Baâst sentant l’homme dont la volonté vacilla.

En réponse Mahamoud lâcha son casque à tête de lion et serra Ba-Sthèt dans ses bras en l’embrassant. Ce qui advint alors sous le regard de Baâst appartint au futur et l’impact qu’aurait ce moment de plaisir dépasserait l’entendement...

Bien plus tard, alors que Ba-Sthèt se rhabillait, le vizir était étreint de la culpabilité la plus basique, celle qui provoque un malaise profond. Mais c’était trop tard, les regrets n’avaient pas lieu d’être.

- Je vais te conduire au temple de Cheksathet à Thèbirak. Baâst sent qu’il va se passer un événement important à cet endroit. Prépare-toi, Vizir.

Chapitre 14 - L’Eltarite

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Quelques années seulement après l’explosion de l’Arbre-Monde beaucoup d’Elfines, d’Hom’chaï et de Daïs décidèrent d’établir là une grande cité. On lui donna alors le nom de la Souche. Creusée, aménagée et peuplée, la Souche est devenue peu à peu la cité la plus civilisée de la forêt. Certaines tribus virent d’un mauvais œil cette ville jugée trop rurale. Mais cette véritable capitale devint un lieu incontournable. Eikytan et une grande partie de la Cœur de Sève arpentaient la grande rue qui partait de la porte taillée dans le bois de l’Arbre-monde, passait au milieu des jardins chatoyants et finissait sa course dans le lac à l’eau turquoise. Tout était fait ici pour respecter l’harmonie et la sérénité. Les maisonnettes accrochées sur la paroi intérieure de la souche étaient reliées entre elles par une gigantesque toile d’araignée faite de lianes dont le centre se trouvait légèrement surélevé grâce à un monumental pylône de troncs d’arbres attachés les uns aux autres. Fe’y s’émerveilla devant la beauté de la cité, il y avait là un peuple vivant ensemble malgré certaines différences.

- Alors Fe’y que sommes-nous censés trouver ici, questionna Eikytan qui lui n'appréciait guère de fouler les restes de l’Arbre-Monde qui l’avait fait naître.

- Je te l’ai déjà dit il y a plusieurs jours, c’est à toi de trouver la solution car je n’ai pas la réponse à l'énigme.

Eikytan réfléchissait déjà depuis qu’ils avaient quitté Kei’zan. Il regardait tour à tour chacun des membres de la Cœur de Sève. Il y avait quelques Elfines bien sûr, des Hom’chaïs, des Guémélites de la nature et des Daïs. Eikytan regrettait tellement la sagesse de Quercus. Lui aurait trouvé une solution... Lui aurait trouvé... Mais si c’était cela la clé ?? Eikytan sentait qu’une faible magie émanait encore des restes de l’Arbre-Monde.

- T’ai-je raconté ma dernière rencontre avec Quercus, jeune pousse, demanda le vieux Daïs à Fe’y.

- Non, raconte-moi.

- Quercus aujourd’hui n’est plus un Daïs. Il voulait faire renaître l’Arbre-Monde et a sensiblement fait la même chose que Kei’zan, mais sans graine il n’est devenu qu’un arbre simple, incapable de faire naître le moindre Daïs. Ceci dit j’ai trouvé un passage entre ses racines, un tunnel qui m’a conduit sous terre. Là je suis entré en contact avec Quercus, dont il ne restait qu’une semi-conscience. J’avais promis de ne pas en parler, mais je pense qu’il est important que tu sois au fait.

- Je suis le cheminement de tes pensées.

- Nous n’avons jamais cherché en dessous, dans les racines de l’Arbre-Monde. Si la magie est toujours présente, c’est qu’il réside encore une part de Mère quelque part !

Rapidement le message passa entre les différents membres de la Cœur de Sève. Commença alors une véritable enquête. Par petits groupes, ils cherchèrent un passage vers les entrailles de l’Arbre-Monde. Interrogeant les passants, fouinant un peu partout, leur présence ainsi que leur but fit vite le tour de la Souche et les habitants, forts coopératifs, les aidèrent au mieux. Personne n’avait jamais entendu parler d’un passage conduisant sous la Souche. Aussi la recherche fut-elle infructueuse, jusqu’à ce que la chance, certains diraient le destin, poussa deux personnes vers un avenir incroyable.

Maïlandar était un Hom’chaï chevronné, un chasseur aguerri et un excellent pisteur. Alors que les autres étaient dans la cité, accompagné par Gaya, leur recherche se porta du côté du lac.

- Regarde, de l’ambre verte ! Dit Gaya en montrant des lumières vertes non loin d’une cascade.

L’eau jaillissait d’une ouverture, comme une sorte de petite grotte légèrement en surplomb du lac. Gaya courut voir de plus près cet ambre, car elle en était certaine, ce n’était pas de vulgaires cristaux. Elle plongea le bras dans l’eau et en tira une pierre grosse comme le poing.

- C’est bien ça, de l’ambre verte. On en trouve uniquement sous terre.

- Donc par déduction, elle vient de là, dit Maïlandar en montrant l’orifice de la grotte. Ça m’a l’air assez grand pour pouvoir y entrer.

Sans attendre plus l’Hom’chaï entreprit de grimper les quelques mètres le séparant de la grotte. Puis à son tour l’Elfine monta jusque là. Grâce aux casques créés par Gaya, le duo put correctement voir dans ce boyau plongé dans le noir absolu. A peine assez large pour l’Hom’chaï, le tunnel plongeait directement sous la ville. Les deux amis avancèrent prudemment bifurquant de temps à autre. L’aventure s’avéra difficile de part le réseau important de souterrains qui se trouvait sous la Souche, et ce dans l’ignorance la plus totale de ses habitants. La balade, bien compliquée, n’avait rien d’insurmontable jusqu’à leur rencontre fortuite avec une bande de rats à la taille disproportionnée. Ceux-ci bouchaient le seul et unique passage non encore visité et qui changeait en apparence de part les larges racines de l’Arbre-Monde entravant le tunnel.

- Nous ne passerons jamais à deux, râla l’Hom’Chaï, je vais m’occuper de la vermine et toi tu passes.

Gaya n’avait rien d’une combattante, elle admirait les autres Elfines pour leur témérité. Elle préférait grandement son atelier où elle passait la plupart de son temps en compagnie de ses petits animaux mignons qu’elle chérissait. Rien à voir avec ces créatures moches. Elle accepta de tenter le passage, le cœur serré. Maïlandar qui tenait les rats à distance avec sa lance changea de tactique et en abattit un premier afin d’attirer l’attention sur lui. La stratégie fut efficace. Les rats ne s’occupèrent pas de Gaya, préférant attaquer l’Hom’chaï. Avec discrétion et agilité l’Elfine se faufila jusqu’au fond du tunnel où elle disparut aux yeux de Maïlandar. Manquant de prudence, elle ne vit pas le trou dans le sol et glissa non sans crier de stupeur. Le boyau d’argile prit l’air d’un toboggan et l’Elfine fila à toute allure sur une centaine de mètres avant que la paroi ne s'interrompe. Elle tomba alors sur le sol et tous ses outils volèrent avant de retomber avec fracas. C’était finalement dans une salle relativement grande qu’elle avait terminé sa course. Les larges racines de l’Arbre-Monde ressemblaient à d’énormes piliers où des champignons lumineux s’accrochaient fermement. Gaya se sentait bien ici malgré la douleur de la chute. Elle marcha prudemment entre les racines en s'étonnant.

- J’ai l’impression que les racines sont encore en vie, comment c’est possible, dit-elle à haute voix. La réponse vint un peu plus loin car tout au bout de cette caverne Gaya trouva ce que cherchait Eikytan, un secret depuis longtemps enfoui et qui concernait l’ancienne race des Eltarites.

- Le temps est venu, Gaya, la punition n’a que trop durée et elle doit être levée !

Cette voix ne résonnait pas dans la pièce, mais dans la tête de l’Elfine, comme le ferait un Daïs.

- Qui êtes-vous ? Montrez-vous !

Des racines, plus petites poussèrent des racines plus grosses et s’enchevêtrèrent pour former un corps, semblable à celui d’un Daïs.

- Je suis ce qu’il reste de l’Arbre-Monde, dernière parcelle de vie cachée ici en l’attente de ce jour. Je vais enfin pouvoir disparaître définitivement et retourner auprès de Guem qui m’appelle depuis si longtemps. Gaya restait figée, attendant d’en savoir plus, ne sachant quoi dire, elle se contenta d’écouter ce que l’Arbre-Monde avait à lui dire.

- Depuis l’explosion je suis resté ici endormi, fragilisé...détruit, réduit à l’état de racines. Vous m’avez réveillé lorsque vous vous êtes approchés. Pourquoi est-ce vous et non un Daïs qui est là à ce moment précis reste un mystère, peut-être est-ce l’héritage Eltarite coulant dans votre sang qui vous a poussé jusque là ? Un Hom’chaï et une Elfine, liés l’un à l’autre.

A ce moment là un bruit sourd, suivi d’un juron, coupa la solennité de la scène. Gaya guida son compagnon jusqu’à eux. L’Hom’chaï, un peu couvert de sang ne semblait pas blessé. Gaya expliqua de quoi il retournait avant que l’Arbre-Monde ne continue son récit.

- Vous portez en vous un héritage ancestral, dans vos rêves, parfois, vous voyez des scènes et des lieux que vous ne connaissez pas, des personnes que vous ne connaissez pas. C’est là la seule chose que je n’ai pu vous enlever.

Maïlandar et Gaya avaient effectivement ce genre de rêves incompréhensibles. Ils ignoraient les petits secrets des Daïs et la nature exacte de leurs origines.

- Ne vous êtes-vous pas rendu compte que quelque chose vous attirait l’un à l’autre ?

Les deux compagnons se regardèrent et réalisèrent soudainement que oui. Dans leurs souvenirs l’un était souvent non loin de l’autre et ce peu importe les circonstances ou les lieux. Ils ne ressentaient pas de l’amour, non c’était quelque chose de plus profond.

- Vous êtes une seule et même personnes, chacun complète l’autre. Je vais vous donner le moyen de redevenir un, mais cela ne se fera pas sans le nouvel Arbre-Monde... Lui seul a la magie nécessaire pour briser le sort. Tenez, prenez ceci et finissons-en.

A ce moment là sortirent du plafond plusieurs racines de taille moyenne. Elles enserraient une pierre verte dont émanait une magie pure.

- Ceci est ma dernière parcelle de vie, elle renferme le secret concernant les Eltarites. Gardez-là jusqu’à ce que vous soyez face au nouvel Arbre-Monde. La boucle sera ainsi bouclée.

- Cela va vous tuer ? Demanda Gaya.

- C’est déjà le cas, mon temps est définitivement venu. J’espère juste qu’une fois que vous serez redevenus un vous ne vous laisserez pas votre bestialité resurgir.

Maïlandar posa la main sur la pierre, puis après un court instant s'en saisit et tira de toutes ses forces, déchirant les racines. Immédiatement l'enchevêtrement formant l'Arbre-Monde s'effondra sur lui-même comme si quelqu'un avait tiré sur le bout d'une corde formant un nœud et l'avait ainsi défait. Les champignons lumineux s'éteignirent lentement, plongeant la salle dans le noir. Gaya récupéra son casque et le remit sur sa tête.

- On fait quoi maintenant ? Demanda-t-elle inquiète.

- On sort !

- Mais par où ?

- Par là d'où nous sommes venus !


Plusieurs jours plus tard, la Cœur de sève était de retour au pied du nouvel Arbre-Monde. Après avoir raconté leur aventure sous la Souche, Maïlandar et Gaya virent toute l'attention tourner autour d'eux. Les Daïs firent reproches au duo de ne pas les avoir prévenus avant de poursuivre leur aventure. En tout état de cause la frustration d'avoir raté l'occasion de parler avec l'Arbre-Monde précipita l'ambiance dans la tension. Aussi le duo fut-il ravi d'arriver à destination, pressé d'en finir. Fe'y, qui ne ressentait aucune animosité envers eux, les convia à se rendre sous l'Arbre-Monde et ce sans la présence des autres.

- Il faut les comprendre, c'était leur mère. Mais ne vous en faites pas, ce que vous avez rapporté avec vous va finalement être la sève qui va de nouveau couler dans leurs cœurs. Auriez-vous l'amabilité de me confier la pierre-cœur de l'Arbre-Monde ?

Gaya hésita, puis après un regard approbateur de Maïlandar elle tira du sac l'objet tant convoité. Si Fe'y avait eut une bouche, alors il est certain qu'à ce moment même le Daïs souriait.

- Merci. A présent et à nouveau ce qui fut sera de nouveau. Kei'zan va intégrer cette pierre-cœur, permettant à l'Arbre-Monde d'être complet. Après quoi je vais vous laisser avec lui, il veut vous voir, juste vous et lui.

- Que va-t-il nous arriver ? Demanda Gaya qui n'arrivait pas à tout comprendre.

- Je ne peux pas répondre à cette question, je n'ai pas la réponse. Vous verrez avec Kei'zan.

Fe'y se retourna et marcha jusqu'au tronc de l'Arbre-Monde. Non loin de là le reste de la Cœur de Sève regardait la scène en théorisant sur la suite des évènements. Eikytan respecta la volonté de l'Arbre-Monde et resta à l'écart.

Le plus jeune des Daïs posa la pierre-cœur contre l'écorce de Kei'zan qui commença lentement à l'absorber. Quelques minutes plus tard la pierre fut bien incrustée dans le tronc et seul un petit bout était encore visible. Puis rassuré, Fe'y quitta les lieux, laissant Maîlandar et Gaya dans l'expectative.

Les branches les plus basses et les plus proches du duo bougèrent alors qu'il n'y avait aucun vent. Ce spectacle sembla familier à l'Elfine qui avait vu la même chose se produire avec les racines de l'ancien Arbre-Monde. Néanmoins, cet enchevêtrement là forma un Daïs connu de Maïlandar puisqu'il s'agissait de Kei'zan, dans son aspect Guémélite de la nature qu'il prenait dans lorsque cela s'avérait nécessaire. L'Hom'chaï s'inclina respectueusement.

- Je ne pourrais garder cette forme bien longtemps. Aussi je vais être bref sur ce qui vous attend. Eikytan vous a, il me semble, raconté l'histoire des Eltarites, je parle des véritables Eltarites ?

Effectivement sur le chemin du retour on les avait mis au courant. Mais pas forcement dans tous les détails.

- Dans ce cas je peux vous faire retrouver votre unicité, mais à vous et vous seuls car je ne dispose pas encore de suffisamment de puissance.

Maïlandar n'hésita pas, sa dévotion envers Kei'zan était totale depuis bien des années. Par contre Gaya hésitait.

- Ça veut dire que je n'existerai plus ? Dit-elle vraiment inquiète.

- Au contraire, tu seras plus vivante que jamais, c'est la façon dont tu vas vivre qui sera nouvelle et incroyable. Balaye tes craintes, nous sommes à l'aube de l'unité retrouvé. Il ne faut surtout pas que tu te sentes obligée. Il existe d'autres Hom'chaï et d'autres Elfines qui pourraient accepter.

- Tu peux avoir confiance en l'Arbre-Monde, Gaya. J'ai passé toute ma vie en sentant un manque au fond de moi, et ce manque, c'est toi.

- Je... Tu as raison, je sais que tu as raison car nous ne sommes qu'un en définitive. D'accord Kei'zan, libère-nous de notre entrave.

- Abandonnez tout ce qui fait de vous ce que vous êtes actuellement, laissez vos objets et vos vêtements, ils ne vous serviront plus à rien.

Gaya hésita, sachant pertinemment que les regards se portaient sur elle. A côté Maîlandar qui n'avait pas de souci de pudeur s'exécuta, posant sa lance et se déshabillant. Timidement Gaya fit de même. A peine eurent-ils fini que, sans perdre de temps, Kei'zan débuta son rituel. Des dizaines de racines de l'Arbre-Monde sortirent du sol et entourèrent doucement le duo pour les enfermer dans une sorte de cocon. Puis Kei'zan leva les bras, sans prononcer la moindre parole il entreprit de défaire ce qui avait été fait par l'ancien Arbre-monde, mais que pour un seul Eltarite, craignant qu'un retour trop rapide de cette civilisation pourrait entraîner un risque pour les mondes. La magie se concentra dans ce cocon et entre les racines une vive lumière prouvait le déroulement du puissant sortilège. Plusieurs heures durant on pouvait entendre des cris, tantôt de Maïlandar, tantôt de Gaya, des paroles dans une langue qui ne fut plus parlée depuis un âge lointain. Enfin une voix émergea, forte et au timbre particulier. Kei'zan arrêta son rituel car sa tâche était accomplie.

Des doigts glissèrent par l'interstice entre deux racines, deux mains qui déchirèrent le cocon...

Chapitre 15 - Passé décomposé

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Comme une triste mélodie Amidaraxar suivait le cours des événements passés, cet enchaînement catastrophique finissant par la disparition de Néhant. Tant d’efforts pour un résultat si décevant. Le Néhantiste, caché dans une vieille maison abandonnée avec d’autres ruminait tant et plus. Azaram, le visage couvert d’un mélange de sang tenait encore sa lame-démon brisée au niveau de la pointe, groggy par cette défaite cuisante. Il ne restait plus beaucoup de démons, à peine une dizaine. Les méandres avaient aspiré la plupart d’entre eux et quelques rares furent totalement détruits. Amidaraxar détacha son masque et laissa respirer sa peau gonflée par la transpiration. Son visage était en partie rongé, résultat d’expériences anciennes. Son sang bouillonnait de rage.

- Comment avons-nous pu perdre !? COMMENT !? Nous l’élite de ce monde aux pouvoirs incommensurables, défaits par une poignée de Draconiens !

- Nous sommes encore en vie, rien n’est encore perdu, déclara Azaram.

- Qu’as tu en tête ?

- En premier lieu il nous faut reprendre des forces et nous faire oublier. Il est probable que la prison du maître soit surveillée dans l’immédiat.

- Oui nous ne pouvons accéder à la quatrième chaîne sans nous faire voir.

- Dans ce cas, j’en viens au deuxième point, infiltrer les royaumes, républiques et autres nations puis prendre le contrôle. Sans Dragon, la Draconie est une proie facile.

- Mais ils seront sur leur garde, ils risquent de nous traquer. Tu as raison Azaram, il nous faut disparaître comme ce fut le cas après la guerre contre Eredan. Le manoir de Zejabel étant détruit, il nous faut trouver un nouveau quartier général.

- Il y a d’autres Néhantistes en sommeil, il faut aussi les trouver.

Anagramme arriva alors essoufflée.

- Nous sommes poursuivis il faut mettre les voiles... de suite ! Dit-elle paniquée.

Jamais Amidaraxar n’avait du fuir autant que pendant les jours qui suivirent. Parvenant finalement à se dépêtrer des poursuivants le groupe de Néhantistes s’arrêta dans une ferme, au grand dam de ses habitants, transformés alors en esclaves.

- Au moins la disparition de Néhant n’impacte pas sur nos pouvoirs magiques, dit Azaram.

- Non, c’est là la particularité du Néhantisme, il dépend de la personne qui l’utilise, expliqua Amidaraxar. J’ai réfléchi à notre fuite, il va nous falloir passer par le manoir, il me faut la pierre-cœur de Zejabel et des autres Néhantistes morts. Il faut que j’augmente mes pouvoirs à leur maximum si je veux pouvoir faire revenir le maître. Il nous faut aussi des renseignements sur le sort qu’a employé Dragon, ce qui a permis d’ouvrir cette... porte.

Zejabel marchait à pas réguliers, infatigable, mu par une volonté inflexible. Il n’avait pas de plan exactement si ce n’était le désir d’échapper aux Combattants de Zil. En réalité il n'avait nullement l'intention de se rendre ailleurs que là où il considérait être chez lui, c'est à dire au Manoir de Zejabel. Il entreprit donc de faire le tour des montagnes, accompagné de la petite fille qu'il avait « sauvée » des flammes et de la mort. Ses deux autres compagnons, deux zombies plutôt hargneux suivaient l'ombre de leur maître comme deux ignobles toutous décharnés. Qu'il pleuve ou qu'il vente la troupe avançait inexorablement vers son objectif. Zejabel changeait rapidement, sombrant lentement dans la folie, entendant la voix d'une femme, pleurant et gémissante. Cela le perturbait au plus haut point car quelque chose le gênait, cette voix il la connaissait bien, mais sans pouvoir comprendre de qui il s'agissait.

Enfin la grande paroi et son ouverture discrète vers le manoir furent en vue. Sans joie, ni peine, ni aucune autre émotion Zejabel progressa le long d'un chemin caillouteux bordé d'arbres morts. Puis il s'arrêta net, la voix était insoutenable, hurlant dans sa tête des jurons, comme quoi il devait faire quelque chose pour elle. Mais qui était elle ? Qui criait, qui était cette femme ?? Le déclic se produit alors lorsque Dimizar reprit le pas sur Zejabel. Lui savait pertinemment qui lui parlait, comment l'oublierait-il, tout ceci avait commencé ici.

- Al...ma...ria...

Zejabel tourna la tête vers la gauche et remarqua le monticule de pierres. C'était là l'endroit où il avait déposé et recouvert le corps de sa femme. Dimizar ne put se contenir et brisa la volonté de Zejabel.

- Tu ne peux m'arrêter Zejabel...

Le Néhantiste claudiqua jusqu'à la tombe et entreprit de découvrir le corps de sa femme. Il ne fallut pas longtemps avant que la dépouille ne soit visible. Il ne restait pas grand chose d'elle, mais par un étrange procédé la chair était encore là, flétrie bien sur, mais présente. Le nécromancien passa sa main sur le visage mort et se dessina alors comme un sourire, provoqué par la satisfaction des retrouvailles et la perspective d'être de nouveaux réunis. La magie de Néhant opéra et le corps se secoua de spasmes violents.

- Reviens ma chère et tendre Almaria, reviens, regarde qui je t'amène, notre petite fille.

La main du cadavre se mit à trembler, puis les doigts se crispèrent sur le bras de Zejabel. Ce dernier l'aida à se relever, les os craquaient, trop longtemps restés dans l'immobilité de la mort. Le zombie sembla regarder cette petite fille puis en boitant s'avança jusqu'à elle avant de passer sa main sur sa joue.

- Elle est... ma...gnifique... dit le zombie d'une voix féminine terriblement torturée.

« Même à travers la mort sa volonté est forte, ce n'est pas qu'un simple cadavre ambulant, Almaria est là, je peux la faire revenir si tel est ton souhait. » Cette voix qui s'adressait à lui, est-ce qu'il l'imaginait ? Une nouvelle personnalité naissait-elle en lui ? La réponse était non, il ne l'imaginait pas car une forme de femme apparut, tel un fantôme.

- Alors le veux-tu ?

- Qui êtes-vous ?

- Le veux-tu ?

- Oui, je veux qu'elle soit elle-même.

La forme fantomatique vola jusqu'à Almaria et passa à plusieurs reprises au travers d'elle. Le zombie s'agita alors que la magie opérait. Peu à peu Almaria reprit un aspect plus vivant, ses chairs se reconstituèrent, ses cheveux s'allongèrent et devinrent blancs, tout comme ses yeux. Le plus remarquable furent ses doigts qui s'allongèrent pour devenir comme des griffes, les mains couvertes de sang. Puis le fantôme disparut sans que Zejabel n'ait obtenu de réponse au sujet de son identité. Ceci dit il s'en moquait pour le moment car seul importait le résultat, Almaria était de retour, il avait enfin sa famille avec lui. La femme à la peau d'une extrême pâleur prit dans ses bras la petite fille zombie et dans un simulacre de maternité l'embrassa comme s'il s'agissait de sa propre progéniture. Zejabel, satisfait de cette résurrection providentielle se remit en marche en direction de son ancien manoir. La troupe emprunta alors la galerie dans la paroi jusqu'aux jardins en partie détruits lors de l'attaque des Combattants de Zil.

- Quelqu'un arrive ! Chuchota énergiquement Anagramme en écoutant par l'ouverture dans les jardins du manoir.

- Je n'entends rien, dit Azaram. Mais soyons prudents, reculons-nous.

Les deux Néhantistes allèrent un peu plus loin, cachés derrière deux statues démolies. A peine une minute plus tard un homme apparut dans l'encadrure, le pas hésitant il s'arrêta le temps d'être rejoint par un autre, puis Zejabel arriva avec Almaria et leur petite protégée. Anagramme avait passé beaucoup de temps avec Dimizar, suffisamment pour le reconnaître même dans un état proche du cadavre ambulant qu'il était devenu. La jeune femme fut à la fois contente de le voir et à la fois craignit le grabuge. Elle hésita puis prenant son courage sortit de sa cachette pour aller à la rencontre des arrivants. Zejabel la reconnut et retint ses zombies.

- Dimizar ? On te croyait mort !

- Mort ? Je le suis oui, Dimizar est mort d'une certaine façon, je suis désormais Zejabel, affranchi du joug de Néhant, dit le nécromancien en avançant vers le manoir.

L'annonce était claire, la scission consommée, mais il ne fallait pas pour le moment jeter de l'huile sur le feu. D'ailleurs en parlant de feu, celui qui avait ravagé le manoir n'y était pas allé de main morte. Les flammes avaient ravagé une bonne moitié de l'édifice et l'autre moitié s'était en partie écroulé, le toit ayant décidé de descendre d'un étage.

Amidaraxar, Ombreuse et les autres démons qui entre temps les avaient rejoints virent arriver la troupe de non-morts avec appréhension, jusqu'à ce que le leader soit identifié. A partir de là tout ce petit monde se retrouva devant la grande entrée du manoir où il ne restait plus qu'un morceau de bois sur les gonds.

- Dimizar, où étais-tu passé ? Le maître...

Mais Amidaraxar n'eut pas le temps de finir sa phrase que la rage se saisit du nécromancien.

- Que le maître QUOI ?? Je suis mon seul maître à présent, Néhant m'a laissé tomber trop de fois pour que je puisse encore l’appeler maître !

- Pourtant c'est ce qu'il est, ton maître, dit calmement Amidaraxar.

- Ne nous disputons pas, intervint Ombreuse, nous sommes trop affaiblis pour que nous nous retournions les uns contre les autres.

- Je ne suis plus des vôtres, je suis désormais ma propre voie, j'ai poussé la magie de Néhant à son paroxysme.

- Comment as-tu fait Dimizar ? Questionna Amidaraxar en comprenant que toutes les personnes qui l'accompagnaient étaient mortes.

- Cesse de m’appeler ainsi, je suis Zejabel, tu sais celui que tu dénigrais autrefois car jugé trop passif. Aujourd'hui j'ai réussi, mon plan a fonctionné et je suis libéré de mes chaînes.

- Que comptes-tu faire Di... Zejabel ? Demanda Ombreuse. Veux-tu nous aider ?

- Vous aider ? Vous vous êtes mis seuls dans cette situation, où est donc votre Maître ?

- Dragon nous l'a enlevé, par une porte magique, nous comptions justement trouver ici des informations à ce sujet.

Zejabel avait là un atout dans sa main, il aurait eu du mal à se défaire de ces gêneurs si jamais ceux-ci décidaient de le détruire et de détruire ses créations. Aussi joua-t-il la carte de l’apaisement, poussé par l'avidité. Il laissa donc Ombreuse et Amidaraxar lui expliquer tout ce qu'il s'était passé. La libération de Néhant, la possession de Ciramor, la grande bataille contre l'avatar de Sol'ra et sa défaite, puis l'arrivée de Dragon et la disparition de Néhant. Zejabel vit là de nombreuses opportunités.

- Mais il ne reste plus rien de ta bibliothèque, tout est parti en fumée.

- Tout mon savoir n'est pas perdu, je détiens les clés pour faire revenir Néhant. Mais avant cela il va me falloir une composante majeure, indispensable pour réaliser ce que je veux faire. Ramenez-moi l'héritier d'Eredan, ramenez-moi Ciramor.

Chapitre 16 : Le Grand Concile

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Déjà le bruit emplissait le bâtiment. Les discussions allaient bon train parmi toutes les personnes présentes en ce jour historique. Le Conseiller-Doyen Vérace réajustait sa tenue et soufflait devant cette porte qui le menait à l'abattoir.

- Allez mon vieux, tout va se jouer maintenant.

D’un main molle il tira la poignée de la porte et immédiatement la chaleur lui frappa le visage comme une claque. Il s’engouffra alors par l’encadrure de la porte dans l’hémicycle du grand Concile. La salle était comble, même les trois escaliers qui desservaient les différents étages de l'amphithéâtre étaient occupés. Les Conseillers formaient la première ligne, puis derrière les différents représentants de guildes et autres curieux venus assister à cet évènement. Vérace prit place derrière son pupitre, légèrement surélevé sur la grande scène au parquet de chêne. Devant l’indiscipline générale Vérace fit parler son bâton de cérémonie en frappant à trois reprises. Le son se propagea et eut l’effet escompté, le silence se fit alors. Tous les yeux se figèrent alors en direction du Conseiller-Doyen. Celui-ci avait déjà vu Kaketsu faire autrefois, il espérait tant être à la hauteur de sa fonction.

- Votre attention je vous prie, votre attention ! Je déclare à présent ce Concile ouvert et je vous en rappelle l’ordre du jour. En premier lieu nous allons faire un récapitulatif de ce qu’il s’est passé au sein du Conseil des guildes, puis la parole sera donnée aux différents intervenants. Je vous remercie par avance de bien vouloir respecter le silence et de ne pas couper la parole.

Devant les regards approbateurs, Vérace continua sa prose.

- Concernant le Conseil des guildes, cette année a été pour l’organisation une épreuve de passage. Comme vous devez le savoir le Conseil a été la cible d’un complot Néhantiste visant a s’en emparer par le biais de conseillers manipulés. Mais grâce aux efforts conjugués des guildes le pire a été évité. Nous avons hélas déploré la perte de plusieurs conseillers et à la fin de cette histoire et du départ du Conseiller-Doyen Kaketsu, la moitié du Conseil a disparu. Aussi nous avons depuis de nouveaux Conseillers : Abyssien, Marlok, Sevylath, Maître Maen, et Myrie d’Avalonie.

Des applaudissements eurent lieu pour saluer et donner du courage aux conseillers.

- Depuis le Conseil a eu à cœur d’organiser l’offensive contre les Néhantistes. Nous avons mené les investigations nécessaires et découvert nombre d’informations qui ont été utiles dans ce dossier. Pour connaître les détails vous pouvez vous reporter aux archives publiques du Conseil. Nous sommes cependant en mesure d’assurer une meilleure sécurité des peuples des terres de Guem et ceci grâce aux guildes. Ce qui nous rappelle l’utilité de ces dernières et du Conseil. A présent passons aux questions au Conseil.

Vérace lista les noms des personnes qui souhaitaient interpeller le Conseil sur un sujet ou un autre.

- Le Conseil appelle le seigneur Galmara.

L’homme bien connu du Conseil avança de manière à ce que tous puissent le voir. Étincelant dans ses atours rouges et noirs.

- Merci Conseiller-Doyen. Ma question concerne les finances du Conseil. Il est inscrit dans la demande de cotisation aux guildes des sommes démesurées demandées pour l’année future. Comment le Conseil justifie-t-il une pareille demande ?

Le conseiller Chantelain, en charge des finances se leva pour monter sur la scène afin de répondre au mieux à cette question.

- Seigneur Galmara, le Conseil des guildes demande plus parce qu’il fait plus tout simplement. Jamais depuis sa création l’organisation n’avait connu semblable activité. Nous avons tissé un réseau à entretenir, entreprit la rénovation du château et engagé une brigade de scribes et de bibliothécaires afin d’entreprendre une réforme de nos archives. Cela améliorera notre efficacité.

- N’avez vous point d’autres manières de trouver les sommes nécessaires ? Outre le Conseil, la plupart des guildes, comme les Envoyés de Noz’Dingard ou les Nomades du désert ont payé un lourd tribut. Leur demander de contribuer plus peut leur être fatal, ajouta Galmara souhaitant amener Chantelain à aborder un point particulier.

- Je comprends bien, mais ce qui profite au Conseil profite aux guildes. Si le Conseil pouvait aller chercher cet argent ailleurs, il le ferait.

- Pouvons-nous nous permettre ? Coupa quelqu’un dans l’assistance.

Une personne noyée parmi d’autres leva la main à l’attention de Vérace.

- Si le seigneur Galmara et le conseiller Chantelain veulent laisser la parole.

Les deux hommes firent oui de la tête. A ce moment là avança un homme à l’allure extraordinairement... voyante. Pas vraiment grand il était engoncé dans une perruque aux boucles chatoyantes. Sa tenue aussi avait de quoi surprendre par la richesse extérieure qui s’en dégageait : manteau brodé d’or, vêtements faits de la soie la plus belle, bijoux. Tout en lui était élégance et raffinement. Tenant un mouchoir au niveau de son nez pour éviter les mauvaises odeurs des quidams il se faufila jusqu’à la scène.

- Excusez-nous, excusez-nous, dit-il en faisant une courbette. Qu’il vous soit remercié d’accorder au Marquis de s’exprimer ici devant tous. Le Marquis viens présentement des Îles Blanches et il a en cela des nouvelles à vous donner. Aussi le moment nous semble tout à fait propice à ce que notre humble personne offre le présent que nous sommes venu offrir.

Le Marquis agita son mouchoir et deux hommes habillés comme des pirates mais avec des perruques portèrent un gros coffre jusqu’à la scène.

- Voici l’annonce que le Marquis a à faire. Dit-il en même temps que ses serviteurs ouvraient le coffre. Qu’il soit porté au Conseil des guildes la victoire des pirates menés par Al la Triste contre le gouvernement de Bramamir. A présent nommée Amiral elle fait don au Conseil une infime partie des trésors soutirés aux très maléfiques gouvernementaux. Ainsi la guilde menée par Al la Triste espère pouvoir fournir, par ce geste désintéressé, de quoi contribuer au bon fonctionnement du Conseil des Guildes.

Les yeux des spectateurs brillaient, il y avait là un véritable trésor. Les conseillers s’étaient levés et discutaient entre eux de cet acte, au combien politique et magistral.

- Je dois lui reconnaître une habileté pour la dramaturgie, dit Marlok.

- Manœuvre politique intéressante, Vérace ne pourra pas refuser un tel présent, ce qui permettra aux pirates de légitimer leur coup d’état, affirma Abyssien.

Sevylath resta assit, il n’accordait aucune importance à ce genre de coup politique. Aussi il se contenta d’observer les réactions des autres, surtout du Conseiller-Doyen. Celui-ci frappa le sol avec le bout de son bâton pour ramener l’ordre. Hélas cela ne sembla pas calmer les ardeurs de certains aussi insista-t-il.

- SILENCE !! SILENCE !! La séance est suspendue pour régler cette affaire et remettre de l’ordre. Rendez-vous demain matin !!

Puis s’adressant aux conseillers :

- Je vous attends pour réunion extraordinaire, dans mon bureau.

- Et bien, pour ton premier Concile, on ne peux pas dire que l’on s’ennuie, comme avec Kaketsu, plaisanta Chantelain.

Mais Vérace n’avait pas le cœur à rire. Installés dans le grand salon des appartements du Conseiller-Doyen ils attendaient la réaction de leur meneur.

- Je ne me vanterai pas d’un tel Concile. Dit-il avec une pointe de colère. J’aimerais que chacun réfléchisse à l’offre du Marquis, il nous faut peser le pour et le contre avant de donner une réponse officielle.

- Peut être devrions-nous interroger le seigneur Galmara, proposa Marlok. D’après le conseiller Abyssien cela serait un coup monté dans le but de faire un coup d’éclat au cours du Concile.

- Damoiselle Myrie, qu’en dites-vous ? Questionna Vérace.

- Je confirme la crainte de mes éminents confrères, ceci est à coup sur un coup d’éclat. Arriver ainsi, questionner à propos des finances, puis dans le même temps un homme arrive pour proposer une solution au problème. Ce n’est pas une coïncidence.

- Cela est-il... illégal ? Demanda Sevylath.

- Non, il n’y a rien d’illégal, dit Argalinard, le spécialiste en droit du Conseil et des Guildes. Une guilde peut tout à fait aider le conseil par un don, alors que le prêt, lui, est proscrit.

- Mais cette manœuvre, certes légale n’en reste pas moins un coup bas. Je comptais aborder les actes des pirates d’Al la Triste, déclara Marlok.

- Nous ne pouvons pas refuser une telle somme. Si nous l’acceptons, nous allégeons les charges sur les guildes. Déclara Chantelain.

Le conseiller, nouveau dirigeant des Traquemages prêchait pour sa paroisse. En effet si il y avait une augmentation du budget c’était en partie pour officieusement financer l’organisation Traquemage. Mais cela il ne pouvait pas le révéler devant les autres conseillers ignorant cet état de fait.

- Et ainsi créer un sorte de dette envers les autres guildes ? Les pirates vont en profiter et en tirer un avantage certain, ajouta Marlok agacé par cette affaire. N’avez-vous pas l’impression qu’Al la Triste essaye d’acheter le Conseil afin de se protéger ?

- Oui messire Marlok, c’est le cas, j’ai cette impression aussi, mais faisons confiance au Conseil pour qu’il reste en dehors des influences des guildes. Du moins de cette influence là, dit Myrie en gratifiant l’assistance d’un sourire ravageur.

- Ce n’est pas la première fois que le Conseil reçoit un don, ce fut le cas à maintes reprises par le passé. Verace, ne vous posez pas plus de questions, acceptez cet argent, remerciez officiellement Al la Triste et passons à autre chose, dit le Conseiller Nadur avec fermeté. Je vous accorde que c’est plutôt spectaculaire, très peu conventionnel et politique, mais c’est la façon de faire des pirates... croyez-moi. Cessons donc de tourner autour du pot, si vous n'appréciez pas ce petit jeu je ne peux que vous recommander de rencontrer le seigneur Galmara et le Marquis pour leur faire part de vos griefs.

Nadur était avec Vérace le plus ancien membre du Conseil. D’habitude peu loquace, la situation l’agaçait au plus haut point, préférant les résolutions rapides des conflits plutôt que de longs débats. Aussi l’assemblée fut-elle surprise de cette prise de parole.

- Bon... Effectivement, on ne va pas tergiverser plus longtemps. Merci pour vos divers avis, je vais trancher la question rapidement et recevoir le seigneur Galmara et le Marquis. Nous nous revoyons demain pour la reprise du Concile dans de meilleures dispositions.

Le soir même Galmara et le Marquis étaient reçus par le Conseiller-Doyen, chez lui.

- Asseyez-vous messieurs, asseyez-vous, demanda Verace en montrant les larges fauteuils où tant d’illustres personnes s’étaient déjà installées.

Lui-même se vautra dans son vieux fauteuil, un meuble qui avait traversé les âges sans en sentir les effets. Une servante du Conseil servit une collation aux personnes présentes dans de grands gobelets de cristal. Puis Vérace leva son verre en direction de ses invités.

- Buvons en l’honneur de l’Amiral Al la Triste et du don généreux qui est fait au Conseil des guildes.

Galmara et le Marquis se regardèrent l’un l’autre puis se sourirent, un échange qui en disait long sur la connivence des deux hommes dans cette affaire. Les deux courtisans trinquèrent de bon cœur avec leur hôte. Vérace ne s’était pas moqué d’eux car la boisson servie étaient réservée à de grandes occasions et valait une petite fortune.

- Marquis, faites part à Al la Triste que le Conseil des guildes la remercie et qu’une délégation viendra a Bramamir la saluer et lui présenter ses respects, ce qui est me semble-t-il la moindre des choses.

Oui c’était la moindre des choses, mais cela n’arrangeait pas le Marquis qui aurait préféré que le Conseil se tienne à l’écart des Îles Blanches.

- Allons allons ! Conseiller-Doyen, il est tout à fait hors de question de déranger les membres du Conseil pour si peu ! Il est tout à fait normal que les guildes participent à la vie de l’organe dirigeant, intervint le Marquis. Le Marquis se chargera de transmettre vos remerciements à la noble Al la Triste !

Vérace avait fait mouche, c’était donc cela qu’essayait d’acheter Al la Triste, l’éloignement vis à vis des Îles Blanches.

- J’insiste, cela fait partie de l’étiquette et des règles du Conseil des guildes. Cette affaire est entendue, je pense que j’irai en personne saluer Al.

Le Marquis n’en parut pas, mais il était déstabilisé, le jeu revenait à l’équilibre et Vérace s’avérait un adversaire tout à fait à sa hauteur.

- Cela n’est que trop d’honneur Conseiller-Doyen, si tel est votre désir il est de notre devoir de vous satisfaire.

- Dites moi Conseiller-Doyen, pourquoi m’avoir fait venir au fait, demanda Galmara intrigué.

- Vous faites bien d’amener ceci sur la table, j’allais de toute manière aborder le sujet. Voyez-vous je suis dans le milieu de la politique depuis plus de vingt ans maintenant, j’ai suivi les enseignements de grands maîtres en la manière. Je peux me targuer de repérer les manœuvres politiques lorsque j’en vois. Si j’apprécie le don fait au Conseil, en revanche j'apprécie moins le coup monté et encore moins le fait d’avoir du suspendre le Concile pour ça. Aussi pour le bon déroulement de futures séances auxquelles vous pourriez participer et pour votre propre bien je vous suggère d’éviter ce genre de manipulations. Comprenez que cela vous dessert fortement aux yeux du Conseil. Je préférerais que vous vous amusiez à contrer nos détracteurs plutôt que vous adonner à la fanfaronnade. A l’occasion je vous suggère de relire les règles du Conseil des guildes à propos des dons qui lui sont faits. Ne vous méprenez pas, le geste est beau, intéressé, mais beau.

Galmara se retrouva le bec dans l’eau, mais c’était le jeu et en fin de compte peu importait le moyen tant que le résultat escompté était là. Mais l’avertissement avait été entendu, de lui comme du Marquis. Le lendemain le Concile reprit, sans qu’aucun imprévu ne vienne le perturber.

Chapitre 17 - Imprévu

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Rarement la demeure du Corbeau n’avait accueilli autant de personnes en son sein. La quasi totalité de la Kotoba avait investi les lieux et tous les groupuscules qui la composaient discutaient du sujet brûlant du moment : les Karukaï. Et plus précisément d’un, le seul restant encore sur la liste noire de l’empire de Xzia, le très antipathique, mais néanmoins puissant Yakoushou. Le Corbeau ne pouvait définitivement pas laisser son secret s’éventer et mettre en péril la famille Kage, aussi il prit les devants de cette affaire et convia tout le monde à s'asseoir. Gakyusha prit place à côté de lui et de Toran.

- Merci au Seigneur Daijin de nous recevoir chez lui, nous vous honorons pour votre hospitalité, dit Gakyusha en introduction.

- La maison du clan du Corbeau est toujours ouverte pour la main de l’Empereur. Quelqu’un veut-il prendre la parole ?

Toran sauta sur l’occasion.

- Seigneur Daijin, honorables membres de la Kotoba, je dois m’avouer un peu perdu. L’ordre Tsoutaï est-il à ce point si mésestimé qu’on ne fait pas appel à lui alors que l’Empire est attaqué par des esprits ? Pourtant n’est-ce pas nous qui nous battions aux côtés de l’Onabunda autrefois ? Hors, depuis l’intervention du fantôme du premier Empereur, nous n’avons eu aucune nouvelle. Pire, c’est par le biais d’une invasion d’esprits-oiseaux, venus jusqu’ici que l’Ordre se retrouve impliqué.” Puis, se tournant vers Daijin, “Ne fais-je pas non plus partie du clan du Corbeau ?”

Le coup de semonce ébranla l’assemblée. Toran était mécontent et visiblement le Seigneur Impérial avait fait défaut dans son rôle de coordinateur. La faute en revenait principalement aux chasseurs de démons et à Daijin. Il fallait un coupable pour cette défaillance d'organisation. Toran s’était adressé à Daijin. Aussi une fois Toran retourné à sa place, c’est lui qui poursuivit la discussion.

- Effectivement maître Toran, nous pensions pouvoir stopper par nous-même les Karukaï. Il ne semblait pas utile de mobiliser tout le monde suite à nos diverses victoires.

A ce moment-là, Daijin déroula un parchemin et annonça les diverses nouvelles.

- Zatochi a retrouvé plusieurs ancêtres et avec leur aide ont renvoyé Yesou le mangeur. Kyoshiro et Okooni sont parvenus à détruire Oogon le passeur et ses serviteurs. Iro le champion impérial et le maître traqueur Tsuro ont capturé Onoba, que nous avons renvoyé par la suite. Et récemment nous avons repoussé Yakoushou le maître des esprits-oiseaux. Vous voyez Maître Toran avec autant de victoires il était inutile de vous déranger dans la formation de vos élèves.

Néanmoins, malgré les arguments, cela n’empêchait pas Gakyusha de se sentir à la fois responsable et déçu de ce problème de concertation et d’entraide. Aussi, il se devait de remettre en place son autorité. Aussi se leva-t-il pour que tout le monde le voit bien.

- Seigneur Daijin, quand l’Empereur vous demande de travailler avec la Kotoba, il serait bien que cela soit le cas. Nous sommes tous à bord de la même pagode et, telle que je la vois, celle-ci prend l’eau. D’un côté, certains écopent et tentent de remettre la barque à flot, d’autres ne font rien et quand les derniers partent sur une autre embarcation. Ceci m’est intolérable ! Maître Toran, veuillez accepter mes plus humbles excuses pour tout ceci, dit-il en s’inclinant devant le Tsoutaï. Ceci ne se reproduira plus. Jamais la Kotoba n’avait eu autant de membres, aussi je compte sur chacun pour jouer son rôle au mieux. La prochaine fois qu’une telle affaire se reproduit, des têtes tomberons.

Puis, laissant tout le monde réfléchir à ses parole, Gakyusha se rassit.

- J’accepte vos excuses... mon ami, dit Toran avec un regard amical. L’important est à présent de clore cette histoire. Voilà presque six mois que cela dure et le monde a besoin de la Kotoba. Dragon est parti, emportant Néhant avec lui, et l’instabilité politique qui en découle ébranle les terres de Guem. Un problème à la fois, mais en priorité les Karukaï. Seigneur Daijin, savez-vous où peut se cacher Yakoushou ?

- Je vous dirais... n’importe où. Mais il est probable qu’il se cache sur les hauteurs. Peut-être même a-t-il passé la frontière entre le monde des esprits et le nôtre, emportant ses nombreux serviteurs avec lui. Puis...

C’est alors qu’un homme passa la grande porte. Par rapport aux Xziarites, il avait une, voire deux têtes de plus et une carrure impressionnante. Sa peau noire indiquait qu’il n’était pas originaire de l’Empire, mais plus probablement du lointain Désert d’émeraude. Pourtant, sa tenue était tout à fait accordée à celles des autres personnes présentes. Il balaya du regard les différents protagonistes et se dirigea droit vers le Seigneur Impérial. Une fois devant lui, il se prosterna comme le voulait l’étiquette.

- Seigneur Impérial, je suis porteur de nouvelles de la province de Maoling. Je pense que cela vous intéressera.

- Parlez maître Mà.

Mà se releva, restant alors sur ses genoux.

- Des villageois de Maoling ont rapporté aux soldats en faction sur place un étrange évènement. Au pied des falaises du Tsang, gisent une vingtaine d’oiseaux, morts sans qu’aucune justification ne soit possible.

- Et qu’est-ce que cela a de si extraordinaire que vous veniez interrompre notre réunion ?, questionna Yu ling.

- Je suis moi-même en charge de cette province, j’ai donc vu de mes propres yeux ces oiseaux morts. Ce qu’il y a d’extraordinaire c'est leur taille et leur variété. Corneilles, Corbeaux et autres, tous deux à trois fois plus gros qu’à l’accoutumée.

- Yakoushou !, lâcha Daijin. Il est à Maoling !

- Mais pourquoi tuerait-il ses propres serviteurs ? Cela n’est pas logique, déclara Toran.

- Vous avez raison, c’est assez incompréhensible, ajouta Daijin qui partageait ce point de vue.

- C’est peut être un piège, affirma Tsuro. Yakoushou nous attire là-bas et nous tombe dessus.

- Peut-être bien. Aussi n’allons nous pas tous y aller, décida Gakyusha. Iro, Asajiro, Yu ling, Xianren et Kotori Kage, vous partez sur place avec maître Mà. Soyez prudents, tenez-nous informés de ce que vous trouverez sur place. N’entreprenez rien sans mon accord.

Le Tsang était le deuxième plus gros fleuve de l’empire de Xzia, descendant du nord lointain, se frayant un chemin par une vallée de plusieurs dizaines de lieues. Il creusait un large sillon dans la massive falaise par une chute d’eau vertigineuse. Puis, passait à Meragi la capitale avant de mourir en plusieurs bras dans l’océan.

Maoling était une petite contrée à une journée de marche de Meragi. La région vivait de la production de riz dont la culture était favorisée par le Tsang. Des dizaines de rigoles acheminaient l’eau jusqu’à divers grands bassins où les villageois se fatiguaient à la tâche. Voyant passer les illustres guerriers de la Kotoba, les villageois se retrouvèrent vite agglutinés à Maître Mà et ses compagnons. Puis, sans perdre plus de temps le guerrier à la peau noire renvoya tout ce petit monde au travail avant de mener la troupe sur le lieu où se trouvaient les oiseaux morts. L’odeur de décomposition indiqua à l’avance l’arrivée sur place. C’était le long de la falaise même, tout portait à croire que les volatiles s’étaient posés sur la végétation émergeant de la paroi rocheuse. Kotori grimpa pour inspecter plus en hauteur alors que Yu ling inspectait les cadavres.

- Ils n’ont pas l’air d’avoir subi de blessure physique. Vu leur état on ne peut pas présager d’une quelconque maladie. Je n’aime pas ça, si ce n’est ni par le fer, ni par la maladie, c’est que cela révèle du surnaturel. Que dit votre Cherchefaille, Xianren ?

L’esprit du Tsoutaï, à l’aspect de panda roux ne semblait pas particulièrement inquiété de quoi que ce soit.

- Apparemment... pas grand chose, répliqua-t-il.

- J’ai trouvé quelque chose !, cria Kotori arrivé au sommet de la haute falaise, venez voir ça !

Une fois en haut, le spectacle était pour le moins surprenant. Si au pied de la falaise il n’y avait qu’une dizaine d’oiseaux environ, en haut il y en avait une bonne trentaine, gisant eux aussi morts. Il y avait comme un tapis de plumes et de corps... à l’exception d’un endroit, au beau milieu du charnier. Là, pas la moindre plume, juste la roche et quelques arbres. Cela aurait pu être une coïncidence si ce “trou” n’avait été strictement circulaire.

- Je ne sais pas ce qu’il s’est passé ici, mais on dirait bien que Yakoushou a eu des ennuis, dit Iro en tirant Kusanagi de sa ceinture.

Chapitre 18 - Retour à Noz'Dingard

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La marche fut longue jusqu’à Noz’Dingard. La victoire était certes acquise, mais elle le fut dans la douleur, les larmes et le sang. Les grandes barges de cristal créées magiquement ramenaient les nombreux défunts vers leur dernière demeure, glissant lentement sur la route pavée menant à la capitale. Déjà les hautes tours volantes perçant le ciel accueillaient les soldats alors que les habitants de la cité affluaient de partout. Kounok entra le premier, en tête de la petite cohorte, suivi immédiatement par Zahal et les autres chefs des différents corps de l’armée draconienne. Aucun d’eux n’avait le cœur à faire la fête mais Prophète se devait de saluer cette foule impressionnante venue les couvrir d’un honneur gagné sur le champs de bataille. Le peuple avait-il compris l’impact qu’aurait la disparition de Dragon sur l’avenir de leur nation ? La question n’échappa aux principales personnalités occupants des places stratégiques en Draconie.

La file progressa lentement le long de l’avenue menant au quartier des liés. Anryéna attendait patiemment devant la porte de cristal bleu à double battant, elle se devait d’être là pour accueillir les héros et pleurer les morts. Elle ne retint plus ses larmes lorsque le visage aux traits tirés de son fils lui apparurent. Sautant de cheval Prophète parcouru le reste de la distance à pied avant de serrer fort sa mère dans ses bras, faisant fi du protocole.

- J’ai le cœur fendu mon fils, mais je suis tellement heureuse de te revoir en vie, dit-elle la joue contre la poitrine de Kounok.

- Mère, mon cœur est aussi fendu, tant de braves sont morts... Va... Valentin.

- Je sais cela, coupa-t-elle en relâchant son étreinte et séchant ses larmes. La Draconie pleurera ses héros comme il se doit. Mais avant cela renvoie tes soldats dans leurs foyers, qu’ils se reposent.

Naya, dirigeante de la caste des Sorcelames, Maître-Mage Marzhin et son fils Pilkim, Ardrakar, Aerouant... ils étaient tous épuisés, aussi lorsque Prophète ordonna le renvoi au foyer chacun fut soulagé. Les au-revoir furent amicaux et promettaient d’un temps nouveau. Les soldats se mêlèrent à la foule recevant les accolades des hommes et les baisers des femmes, libérés de plusieurs menaces.


Ardrakar, enveloppée dans un simple drap regardait Noz’Dingard du balcon des appartements de son époux au palais. Cette vie qu'était la sienne jusque là, mouvementée, dure, avait prit une tournure qu’elle n’avait pas prévu. Elle souri lorsqu’elle songea à l’avenir, passant sa main sur son bas ventre, elle jugea le moment idéal.

- Kounok, dit-elle de manière à se faire entendre. Si nous avions un enfant, quel nom porterait-il, demanda-t-elle ?

Prophète fut surpris par la question, alors allongé sur le lit il se redressa d’un coup.

- Que... quoi ?

- Je ne croyais pas cela possible, dit-elle en se retournant vers lui, ses cheveux châtains détachés flottant au vent. Je crois que nous allons être parents dans quelques mois, annonça-t-elle, craignant la réaction de Kounok.

Ce dernier resta bouche bée, l’air un peu idiot, puis bondit du lit pour enlacer son épouse avec la plus grande tendresse.

- Quel nom pourrions nous bien choisir ? Ceili si c’est une fille et Krenv si c’est un garçon ? Chuchota Kounok.

- Ce sont de beaux noms.

- Je l'annoncerai à mère après les funérailles. Je pense que ça lui mettra un eu de baume au cœur après la perte de son père, et je sais de quoi je parle.


Ce jour là la pluie battait les flancs des maisons et des tours de Noz’Dingard, contribuant ainsi à l’ambiance morose. Depuis la veille les familles endeuillées parcouraient les allées bordées de cristaux du funérarium. Le chevalier dragon semblait paisiblement dormir dans son cercueil de verre, pourtant il ne foulerait plus la Draconie, ne parlerait plus avec Zahal pour lui prodiguer ses conseils. C’était un homme d’une grande discrétion, vivant simplement aux côtés d’une femme qu’il chérissait et avec qui il avait eu deux enfants, des jumeaux. La femme éplorée se tenait en avant, face au cercueil, elle écouta d’une oreille distraite les paroles de Prophète, comme le devait la tradition de l’ordre des Chevaliers Dragon. Puis une fois fini elle se retourna vers Zahal et plongea son regard dans celui du chevalier. Il avait vu la main se lever et arriver sur sa joue, mais il laissa le geste se finir, il penser amplement le mériter. Puis la colère laissa place à la tristesse et elle embrassa sur chaque joue le chevalier qui pleurait, avant de laisser là les puissants de ce monde.

- J’ai mérité cette haine, dit Zahal à l’attention de Kounok, je n’ai pas protégé Valentin, tout comme je n’ai pas protégé Ketanir.

- Allons, tes états d’âme t’honorent, mais Valentin était un chevalier de Dragon, il n’avait pas à être protégé, encore moins par toi. Sa vie fut longue et pleine d’aventures, la peine s’effacera avec le temps, nous lui ferons une cérémonie au temple d’Ehxien demain.

Une par une les personnalités quittèrent les lieux laissant le chevalier dragon seul face à son ancien maître.

- Au revoir mon ami, tu m’as tout appris, à mon tour je passerais le flambeau comme tu l’as fait avec moi il n’y a pas si longtemps.

Zahal posa la main sur le cercueil de cristal, il espérait tant que cela ne soit pas vrai, que cela ne soit qu’un mauvais rêve dont il pourrait s'échapper bientôt. Mais l’eau et les larmes sur son visage lui rappelaient la triste réalité de ce monde brisé.

- Qui sont ces enfants ? Demanda Ardrakar intriguée à Arkalon venu spécialement de l’Empire de Xzia pour le dernier adieu à Valentin.

- Valentin avait une famille, une femme certes, mais aussi deux enfants, des faux jumeaux.

Les enfants se tenaient droits impressionnés qu’ils étaient de voir le temple d’Ehxien, leur mère discutait depuis une bonne demie heure avec Zahal et visiblement la conversation était animée. Depuis la veille le chevalier dragon cherchait un potentiel apprenti à qui il pourrait enseigner tout se qu’il savait. Hors durant son enquête rapide il tomba vite sur un fait peu ordinaire. Une femme se serait faite agresser dans un quartier extérieur de la cité et son salue serait venu de deux enfants déguisés, l’un en sorcelame, l’autre en chevalier dragon. Ils auraient ainsi attiré l’attention de miliciens et permit l’arrestation des agresseurs. Cette histoire peu banale interpella d’autant plus Zahal lorsqu’il apprit le nom des héroïques jeunes gens : Nadarya et Absalon, respectivement fille et fils du chevalier dragon Valentin. Aussi Zahal s’escrimait de négocier auprès d’une mère peu encline à se retrouver seule et endeuillée.

- Il ne s’agit pas de vous priver d’eux, ils resterons à Noz’Dingard tant que leur formation durera, c’est à dire au moins cinq ans. Vous pourrez les voir quand vous voudrez, je ne pourrais jamais laisser ces enfants sans l’amour de leur mère. J’ai moi même perdu mes parents très tôt.

- Je n’ai pas envie qu’Absalon devienne comme son père et meurt au combat, je veux qu’il ai une vie paisible loin des conflits.

- Et si il ne veut pas de cette vie ? Lui avez vous demandé se qu’il désirait le plus au monde ?

Elle savait très bien se que voulait son fils, ressembler à son père et servir Dragon. cela lui brisa le cœur une fois de plus, mais Zahal avait raison, elle devait les laisser partir et vivre leur vie, quelles qu’elles soient dans le futur.

- Je... Dit-elle en fixant ses enfants. D’accord, très bien, qu’ils suivent leurs propres voies. Qui va s’occuper de Nadarya ?

- L’ordre des Sorcelames va l’accueillir, Moîra sera sa préceptrice, vous n’avez aucune inquiétude à vous faire.

Puis un son cristallin se fit entendre, la cérémonie d’adieu au chevalier dragon allait commencer.


Un mois plus tard l'entraînement d’Absalon battait son plein. Le jeune garçon s’avérait très appliqué avec une excellente discipline. La leçon du maniement d’épée allait bon train et était l’occasion d’un jeu entre le maître et son élève. L’un courait après l’autre dans les jardins du palais, dérangeant les rares personnes qui y cherchaient un peu de sérénité. Puis Prophète débarqua la mine soucieuse, coupant là l’entraînement.

- Zahal, j’aurais besoin de toi, enfin de vous, dit-il en regardant l’apprenti chevalier.

- Nous sommes à tes ordres Prophète.

- Depuis deux semaines les rapports du Seigneur-Dragon Anselme d’Arpienne ne nous parviennent plus, et aujourd’hui nous venons de recevoir un message de Moîra, le contenu est plus qu’explicite, incroyable et inédit. Le Seigneur-Dragon la chasse de sa cité et de ses terres, il déclarerait ne plus vouloir être sous le joug de Noz’Dingard.

- Moïra ? Et ma soeur ? Demanda Absalon inquiet.

- Elle va bien rassure toi. Moîra essaye de temporiser son départ et je veux que tu te rendes sur place pour tirer ça au clair.

- Anryéna ne peut pas intervenir ?

- Elle est très occupée par d’autres gros problèmes qui requièrent toute son attention. Je préfère éviter un affrontement direct en t’envoyant là bas.

- Nous partons sur le champs.

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