De Eredan.

Sommaire

Tombée du Ciel : Acte 1

Voyage

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Voilà déjà plusieurs jours que les membres de la Kotoba arpentaient les routes impériales. Ils avaient traversé de nombreux villages et, à chaque fois, les habitants prévenus de l'arrivée d'illustres héros, leur avaient offert le gîte et de somptueuses fêtes. Ils avaient quitté Okïa, l'endroit le plus éloigné de la capitale Impériale mais aussi le plus proche du Tombeau des Ancêtres. Le lieu où se trouvait la pierre Tombée du Ciel n'était plus qu'à deux jours de marche.

Ils avaient franchi les grandes portes de Ji construite par leurs ancêtres afin de conduire les morts vers le monde du repos éternel. En cela, ils avaient brisé le traité passé entre la Draconie et l'Empire. Mais peu importait, les temps avaient changé et leur victoire sur les étrangers était acquise. Du moins le pensaient-ils...

Les routes au travers de ces contrées depuis longtemps oubliées n'étaient plus que de vagues chemins. Amaya remarqua alors des traces de pas.

- Là ! Regardez !, s'exclama-t-elle.

La jeune femme montrait du doigt une fumée s'élevant dans les airs non loin de là. Aku s'approcha timidement du Seigneur Impérial.

- Je crois savoir de qui il s'agit. Nous avons rien à craindre d'eux.

Très vite la Kotoba fut sur place. Là attendaient deux personnages énigmatiques. L'un habillé avec fantaisie et la figure maquillée amusait l'autre, un énorme monstre aussi musclé que gras.

- Kyoshiro et Okooni ! S'écria le jeune Iro, des étoiles plein les yeux.

Les deux personnages se retournèrent vers le groupe.

- La Kotoba réunie ou presque. C'est une bonne chose que vous soyez là, leur dit Gakyusha.

Kyoshiro, le plus petit des deux s'avança vers son chef pour le saluer.

- Mon Seigneur, nous avons vu la pierre météore et j'ai su à l'instant où elle s'est écrasée que vous viendriez jusque là.

Sen'Ryaku alla jusqu'au feu pour l'éteindre en l'étouffant.

- Tout ça n'est pas très malin, par contre. Les dragons ne sont pas très loin d'ici, ils vont nous repérer !, lança-t-elle.

En réponse Kyoshiro la regarda dans les yeux puis secoua la tête négativement.

- Ils savent que nous arrivons depuis longtemps. Ne les sous estimez pas !

Campement

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Voilà déjà une bonne journée que les Envoyés de Noz'Dingard avaient monté leur campement au pied de l'immense pierre Tombée du Ciel.

Zahal, Eglantyne et Moîra étaient partis explorer les environs et surveiller l'éventuelle arrivée de leurs ennemis de toujours : la Kotoba. Durant ce temps-là, le reste de la troupe discutait tranquillement, profitant de la relative quiétude des lieux.

Prophète était installé dans un fauteuil de voyage, grattant avec beaucoup d'attention un Kounok couinant de plaisir. Anryéna discutait avec son petit-fils d'un sujet qui passionnait le jeune homme : sa famille.

- Anryéna, vous êtes la mère de Prophète et par conséquent ma grand-mère. Mais Prophète n'a jamais voulu me dire qui était son père.

- Mon petit, il est naturel que tu t'interroges sur la lignée qui est la nôtre. Je pense qu'il y a des secrets que ton père aurait dû te révéler depuis quelques temps déjà et que tu dois connaître. Le jeune homme bouillait d'impatience.

- Je suis la fille de Dragon et de Zaïna la première Sorcelame.

Aerouant ouvrit de grand yeux, la relation devint évidente. Il était l'arrière petit-fils de Dragon ! Assis dans son fauteuil, Prophète écoutait sa mère dont le physique était éternellement celui d'une belle jeune femme.

- J'ai eu deux enfants, ton père est l'ainé. Le second ... Le plus surprenant, est le fait que ton oncle ne soit pas de forme humaine.

- Kounok !! s'exclama Aerouant.

Le petit dragon fixa le cristallomancien avec beaucoup d'intérêt.

- Quand à toi, descendant de Dragon, ta mère n'est autre que l'actuelle dirigeante des Sorcelames, la vénérable Naya. Mais Prophète et elle sont en froid depuis bien des années déjà. Seules leurs fonctions respectives les obliges à se côtoyer.

- Mère, il suffit ! Se sont là des histoires qui ne le regarde pas, du moins pas directement...

Un peu plus loin Alishk était perdu dans sa concentration. Depuis leur arrivée ici, il avait ressenti quelque chose d'étrange avec cette pierre Tombée du Ciel et il était resté ainsi, examinant de tous ses sens magiques l'immense gemme.

Mais il s'était heurté à une sorte de champ de protection dont la nature lui échappait totalement. Nul ne pouvait toucher la pierre. Elle diffusait une douce lumière jaune qui remplissait l'exilé du désert d'une énergie salvatrice.

- Alors Alishk, qu'est ce que ta magie te fait ressentir ?

Le petit garçon qui venait de parler se cachait derrière de grandes lunettes.

- Etrangement je ne ressens rien d'agressif, mais je pressens aussi que cela n'est qu'une façade. Tu devrais peut-être essayer toi aussi de ressentir ce qu'il en est, Pilkim.

- Oui, tu as raison....

Tempête

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Le vent soufflait au travers des branches des arbres millénaires de la forêt des murmures. Moîra, Eglantyne et Zahal avaient fait le tour à l'orée du bois et retournaient vers le campement quand les sens magiques de la plus jeune des Sorcelames s'éveillèrent.

- Nous avons de la visite. Des gens se cachent non loin d'ici.

Zahal fit signe aux sœurs d'aller voir ce qu'il en était. Celles-ci exécutèrent rapidement une passe magique avant de plonger dans l'ombre de la forêt. Le Chevalier Dragon attendit quelques instants avant de s'élancer à son tour dans les broussailles...

Le Seigneur Impérial de son côté avait envoyé Tsuro, Amaya et Ryouken en éclaireurs afin d'en apprendre plus sur les Envoyés de Noz'Dingard et sur les personnalités présentes. Les trois Kotoba s'étaient alors aventurés aux abords du campement "ennemi". Ils virent les Sorcelames et le Chevalier s'éloigner du campement et se diriger vers la forêt. C'était là une bonne occasion de récolter des informations sur ces étranges personnes dont la renommée était parvenue jusqu'aux oreilles de l'Empereur. Les deux traqueurs ne parlaient pas avec leur voix, mais par signes. Ils purent ainsi communiquer en silence et suivre les Envoyés. Bien cachés, ils n'imaginaient pas qu'ils puissent être découverts par des êtres qui, pensaient-il, leur étaient inférieurs. Amaya, encore novice dans l'art de la discrétion, se fit repérer par les femmes de Noz'dingard...

Eux sont les maîtres de l'invisible. Les Combattants de Zil avaient longuement espionné les Envoyés et la Kotoba. Ils avaient repéré leurs victimes. Mais Télendar n'était pas homme à agir sans avoir toutes les cartes en main.

- Soriek, Ergue, Granderage, allez dans la forêt et éliminez tous ceux que vous y croiserez.

Le jeune homme examina Marlok.

- Tu sais manier les éléments si mes souvenirs sont bons.

- C'est exact. Mais il y a longtemps que je n'ai pas utilisé mes pouvoirs.

- Peu m'importe. Fais ce que je te demande.

Le mage obéit à l'ordre donné par son chef. Il se plaça sur un rocher pour avoir une bonne vision d'ensemble et commença à psalmodier des incantations magiques. Rapidement des nuages s'amoncelèrent au-dessus du point d'impact de la pierre Tombée du Ciel. Puis le vent se mit à battre la plaine et la Forêt des Murmures. Marlok continuait ses efforts, mais hélas il n'était pas le meilleur dans la création de tempête et très vite elle échappa à son contrôle, libérant des forces dévastatrices. Des éclairs déchirèrent le ciel et des tornades commencèrent à se former un peu partout. Le mage Zil fut très embarrassé, mais Télendar, lui, se réjouissait de cette déconvenue qu'il trouvait très opportune.

- Allons-y Combattants de Zil, tuons-les, tuons-les tous !!!!

Affrontements

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Alors que la tempête soufflait de plus belle, la forêt des murmures fut le témoin de l'ouverture des hostilités entre les différentes guildes venues jusqu'à la pierre Tombée du ciel. Les Envoyés affrontaient et observaient les traqueurs de Xzia. Chacune des parties jaugeant les forces de l'autre. Jusque là, les traqueurs avaient l'avantage sur leurs opposants. Leur discrétion ne permettait pas aux Sorcelames et au Chevalier Dragon de leur mettre la main dessus. Un évènement inattendu vint alors perturber leur face à face...

Amaya contournait un arbre en même temps qu'elle sortait une lame droite de son fourreau. Elle n'était qu'à quelques pas de Moîra et dans son esprit le tour était joué : elle allait faire une première prise. Alors qu'elle allait bondir sur sa victime, elle sentit un fil au niveau de sa cheville. Le temps qu'elle réalise ce qu'il se passait, il était trop tard. Un filet habilement caché sous des feuilles mortes se referma sur elle. Le bruit avertit alors Moîra.

- Et bien alors, voilà une souris prise au piège !

- Sors-moi d'là, foutue sorcière ! Railla la traqueuse.

- Mais ce n'est pas moi qui vous y ai...

La Sorcelame s'interrompit brusquement en entendant des bruits de pas précipités. Elle se retourna et vit sa sœur foncer vers elle.

- Baisses-toi ! cria-t-elle à sa sœur. Eglantyne plongea au-dessus de sa sœur, la rapière à la main.

Tsuro, observant sa jeune élève, ne pouvait la laisser dans cette situation. Profitant de l'agitation du combat, il fit le tour et grimpa sur l'arbre auquel le filet était attaché. Le vieux traqueur escalada sans bruit les branches et se retrouva nez à nez avec une créature verte qui le regardait avec de grands yeux.

- SSsssSss pas touche vilaine mouche ou gare à ta bouchheee !

Tsuro sauta et mit un violent coup de pied qui fit chuter Granderage qui se réceptionna sans mal sur ses pattes reptiliennes avant de mettre les voiles. Le traqueur coupa la corde tout en effectuant un bond vers le sol, fit une roulade et se retrouva contre Granderage.

- Je ne sais pas qui tu es, mais tu vas avoir de sérieux problèmes.

Granderage ne répliqua pas, car elle préparait un mauvais coup. Elle l'occupait le temps nécessaire pour que Ergue puisse frapper vite et fort. Mais on n'apprenait pas au vieux singe à faire la grimace. Et surtout, Amaya, qui venait de se libérer, sauta sur Granderage au moment même où Ergue passa à l'action. Laissant son plan tomber, car cela ne se passait vraiment pas comme il le souhaitait, le chasseur lança son étrange arme en forme de cercle vers le traqueur qui eut juste le temps d'esquiver l'attaque.

Eglantyne et Moîra se relevèrent. Dans leur chute, elles avaient vraisemblablement atterrit sur quelque chose caché dans un fourré. Des bruits sourds commencèrent alors à s'en échapper. Une énorme créature à la peau bleue en sortit. Soriek s'élança vers les deux soeurs. Eglantyne engagea alors une attaque rapide, mais la créature para les coups de son adversaire. Cependant, arrivant de nulle part, Aez brandit son fléau pour protéger ses alliées et envoya valser Soriek...

Exécution

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Alors que les premiers affrontements avaient lieu, à la frontière entre le Tombeau des Ancêtres, la Draconie et les Sept Royaumes, Dame Jeanne était depuis quelques temps déjà à la tête d'une mission au temple de Precadès. A la fois couvent, auberge et hospice, le temple était en permanence fréquenté par des voyageurs ou par les habitants des environs venus se faire prodiguer des soins ou simplement passer une nuit avant de reprendre la route. En effet, les nones de Précadès étaient reconnues pour leur foi sans faille à leur divinité : la déesse Méra. La jeune femme avait grandi en ces murs, aimée par ses sœurs. Elle suivait la voie qui lui était destinée, venir en aide à son prochain. Elle avait trouvé sa place dans ce monde souvent hostile...

- Jeanne...

La jeune femme était en train de prier dans une petite salle voutée où elle aimait se réfugier de temps à autre. La voix était celle d'une femme. Elle était douce et chaleureuse mais totalement irréelle. Son sang ne fit qu'un tour, la présence qu'elle ressentit lui était déjà très familière, mais jamais Méra n'intervenait directement dans la vie de ses servants. Elle ne bougea plus d'un pouce de peur que la présence ne s'en aille.

- Jeanne... Je suis ton existence avec beaucoup d'intérêt...

Cette révélation serra fort le cœur de la jeune femme, des larmes coulèrent sur ses joues rougies par les émotions. Elle ne pipa mot.

- Jeanne... une épreuve t'attend là où est tombée la pierre. Va ma fille et n'oublie pas que je suis toujours avec toi.

Elle remercia le ciel de cette attention. Mais Dame Jeanne ne s'attendait pas à ce que cette épreuve vienne aussi rapidement...

- Adieu ! la voix du Traquemage était étrange, comme modifiée par le masque qu'il portait.

La pauvre femme passa de l'intense joie d'avoir communié avec sa déesse à la peur du Traquemage, ce dernier s'étant fait une réputation depuis bien des années par ses exécutions sommaires et ses assassinats spectaculaires. Il appuya sur la gâchette, mais le résultat ne fut pas celui attendu. Un mince voile de lumière entoura la silhouette généreuse de Jeanne et le rayon projeté par le pistolet rebondit alors sur la protection et vint percuter l'épaule de l'assaillant.

Les règles du Traquemage était strictes, si jamais une exécution tournait mal, la solution était le repli. Ni une ni deux, il passa au travers d'un vitrail dans un fracas qui attira l'attention des pèlerins présents. La situation empirait pour le Traquemage. Les rares personnes à l'avoir jamais vu étaient soit mortes soit proches de l'être.

- Suis-le, Jeanne !

La voix de Méra résonnait dans sa tête. N'étant pas très agile, elle courut comme elle pu pour sortir du temple. Les personnes présentes comprirent rapidement ce qui venait de se passer car la jeune femme brillait encore du halo divin. Ils lui firent signe et lui montrèrent le chemin qu'avait pris l'assassin. Tout était confus en elle. Des tas de questions lui venaient, mêlés à son excitation et à la peur. La trace était facile à suivre. Il y avait de nombreuses tâches de sang qui la menèrent dans le Tombeau des Ancêtres. Au loin, la tempête provoquée par Marlok déversait sa rage et, hélas pour Dame jeanne, le Traquemage fonçait tout droit dans cette direction.

La blessure de ce dernier semblait plus grave qu'il ne l'avait pensé.

- Je dois trouver l'autre, il m'aidera à arrêter l'hémorragie et dissipera cette maudite théurgie qui me ronge.

Son costume était brûlé au niveau de son épaule droite et une partie de son casque était brisée, laissant échapper une chevelure longue et brune...

Vengeance

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Il n'en fallait pas plus pour que les Envoyés de Noz'Dingard et la Kotoba ne se jettent dans une bataille. La tempête avait servi de prétexte aux deux camps pour s'accuser l'un l'autre. Le campement des Draconiens fut ravagé en peu de temps par la fureur de cette haine ancestrale. Mais, plus la bataille avançait et plus Prophète sentait que cette tempête n'était pas l'œuvre des étrangers de Xzia. La magie employée ressemblait à celle que maniaient certains apprentis de Noz'Dingard. Il décida de mettre fin aux intempéries afin que la magie de Dragon ne soit plus perturbée. La pluie cessa, le vent se tut et l'incontrôlable magie se dissipa.

C'est ce moment précis qui donna l'occasion à Aku de se libérer du sceau qui retenait sa fabuleuse puissance. La fine feuille de papier bloquant la magie d'Aku se déchira et brûla d'un coup. Aussitôt, il convoqua Akujin qui miaula de plaisir en le revoyant. Et pour cause, le Cherchefaille avait l'emprise sur Aku depuis le premier jour où leurs chemins s'étaient croisés.

- Nous voilà libre, lâcha le jeune homme avec soulagement.

- Tu crois ça ?

Aku reconnu immédiatement la voix de son ancien maître. Toran était là devant lui le fixant de ses yeux vengeurs. Il y eut comme un moment hors du temps où maître et élève se jaugeaient, puis Akujin ouvrit les hostilités et força Aku à se joindre à lui pour devenir Akutsaï. Toran attendait ce moment depuis des années. Il allait enfin venger les siens tués par son arrogance et son ignorance. Les tatouages du vieil homme commencèrent à bouger puis sortirent de son corps dans une apparition spectrale. Les deux Tsoutaïs se lancèrent l'un contre l'autre, s'échangeant de puissants coups, se poursuivant au travers du Tombeau des Ancêtres. Mais Akutsaï n'arrivait pas à prendre le dessus sur son maître. Le fait que ce dernier ait deux Cherchefailles faisait de lui un adversaire à sa hauteur. En dehors des traqueurs de Xzia, personne ne l'avait jamais mis en défaut et surtout pas les Tsoutaïs. Akutsaï se cacha dans les ruines même du Tombeau des Ancêtres, une ancienne ville de l'Empire que les affres de la guerre avaient entièrement ravagée. Toran avait tout prévu. Son plan était infaillible et sa vengeance serait implacable. Il avait poussé son ancien élève à le suivre là où il le voulait. Il avait préparé un antique rituel Tsoutaï qui avait servi à vaincre autrefois Akujin. Tout se passa pour le mieux du monde. Il s'était entraîné depuis des années dans l'attente de cette confrontation. Il avait poussé à son paroxysme l'art ancestral des Tsoutaïs. Les meilleurs ennemis se retrouvèrent au centre du village en ruine. La nuit tombait lentement et plusieurs heures s'étaient écoulées. Toran fit croire à son ancien élève qu'il était désormais trop faible et s'agenouilla à quelques mètres de lui.

- Hahahaha ! Le puissant Toran est à mes pieds. Qu'est-ce que cela fait de savoir que tu vas rejoindre tes chers amis ? Te sens-tu libéré ?

Toran plissa les yeux et fixa Akutsaï.

- Libéré ? Oui, bientôt. C'est surtout Aku que je vais libérer.

Alors que la nuit étendait son manteau de noirceur sur le Tombeau des Ancêtres, apparurent autour des deux Tsoutaïs des formes évaporées, pâles comme des fantômes.

- Tu les reconnais ? Ils sont venu pour toi Akujin, ils sont venus me donner la force de réaliser mon vœu le plus cher. Dans ta fureur et ton emprise sur Aku, tu ne fais plus appel à ses connaissances. Regarde le sol.

Akutsaï reconnut effectivement ceux qu'il avait tués quelques années auparavant. Le sol se mit à luire, dessinant des formes complexes. Mas il n'eut pas le temps de se questionner d'avantage. Les deux Cherchefailles plantèrent leurs crocs dans les bras du monstre, un de chaque côté. Toran commença alors le rituel et psalmodia d'antiques prières. La magie immobilisa Akutsaï qui commençait à ressentir une intense douleur. Puis les Cherchefailles tirèrent chacun de leur côté comme s'il voulaient déchirer une feuille de papier. La douleur était trop forte. Il comprit alors ce qu'il se passait. Après quelques minutes, les deux entités étaient de nouveau séparées. Aku tomba au sol, évanoui. Quant à Akujin, il luttait à présent pour se libérer de l'emprise de Toran.

- Akujin, je te bannis de cette terre. Ne pouvant te tuer je vais t'enfermer à jamais. Je brise ainsi l'emprise que tu as sur Aku.

Le vieil homme déroula un parchemin où des milliers de symboles avaient été dessinés. Ces derniers se mirent à émettre une lueur rouge. Akujin disparut, aspiré par le parchemin. Toran s'inclina devant les fantômes qui s'étaient entre temps placés en cercle autour d'eux.

- Merci à vous, vous pouvez enfin reposer en paix, vous êtes vengés.

Le Monstre

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Les combats mettaient à sac la Forêt des Murmures. Ergue et ses acolytes étaient tenus en échec par la coalition de fait de Tsuro, Amaya, Eglantyne et Moîra. Le vent arrachait branches et feuilles, réduisant la visibilité des combattants.

Acculés, les Combattants de Zil ne comptaient plus sur l'effet de surprise mais sur l'étonnante faculté du chasseur. Ergue attrapa une bourse de cuir souple et détacha précipitamment la cordelette usée par le temps. S'en extrait alors une poudre blanche qui au contact de l'air se forma en brume et commença à se répandre comme si elle voulait occuper tout l'espace qu'on lui donnait.

A ce moment-là, le vent se tut et le soleil perça les cimes des arbres de ses rayons. Très vite, la brume monta, gênant la visibilité des traqueurs et des Sorcelames qui cherchaient leurs adversaires. Pendant ce temps, Ergue avait entamé comme une sorte de rituel, une litanie aux sons exotiques. Il était l'un des rares à connaître ce secret gardé par les habitants d'une lointaine île. Des bruits de tambour se firent entendre, d'abord sur un rythme lent, puis de plus en plus rapidement.

Moîra et Eglantyne ressentaient que quelque chose d'anormal se passait. Une magie étrange était à l'oeuvre et cela ne leur plaisait pas. Quant aux traqueurs, dès l'apparition de la brume, ils s'étaient tous deux mis dans une position martiale et faisaient des signes en répétant les mêmes mots dans leur langue natale. Visiblement, eux aussi se doutaient d'une entourloupe de la part de leurs agresseurs. Et ils avaient raison. Ergue, à l'abri des regards ennemis accomplissait une danse particulière. Soriek et Granderage ne bougeaient pas d'un poil alors que le chasseur leur tournait autour. C'est alors que toute la brume se retira tout comme elle était apparue et ceux qui tendaient l'oreille auraient entendu comme des mots dans un dialecte très primitif. Elle se concentra alors autour des Combattants de Zil, les rendant invisibles aux yeux des observateurs extérieurs. Enfin, elle disparut et en lieu et place des trois acolytes, il ne restait plus qu'un monstre, un hybride parfait, colosse immense à la peau parfois verte, parfois bleue, aux griffes tranchantes arborant la corne de Soriek.

- Et maintenant place au spectacle !!! S'exclama la chose d'un mélange de trois voix. Elle bondit, déracinant les jeunes arbres comme s'il s'agissait de simples brindilles. Ses adversaires entendirent les craquements des branches cassées.

- Préparez-vous, ce qui arrive est puissant. Amaya, Kaïdan !

La jeune femme regarda son maître avec étonnement et réagit d'un coup. Un masque de couleur rouge assez effrayant apparut dans sa main. Elle le plaça instinctivement sur son visage avant de disparaître.

Les Sorcelames aussi réagirent prestement. Moîra se plaça devant sa sœur et commença à incanter un enchantement pour son arme. Sa sœur, elle, entama une sorte de prière.

- Ô Dragon, accorde à tes servantes le pouvoir nécessaire pour vaincre. Fait que l'esprit de ma sœur et le mien soient en harmonie.

C'est alors que la créature arriva à leur niveau. Le monstre s'arrêta net devant la petite assemblée.

- HAHAHAHA ! Vous auriez dû fuir pendant que vous le pouviez encore !!! Vous êtes perdus !

- Que tu crois ! S'écria Tsuro. A son tour, un masque apparut dans sa main. Le traqueur s'en équipa et s'élança vers la créature.

Le combat s'engagea, mais cette fois-ci l'intensité était toute autre ! Ce qui était jusque là une simple escarmouche se transforma en véritable bataille où les vies étaient désormais en jeu. Le sang ne tarda pas à couler. L'offensive de l'Abomination était redoutable. Les coups assénés par Tsuro et Moîra semblaient n'être que des piqûres de moustique. Rapidement, le monstre prit le dessus. Moîra, pourtant endurante était à bout de souffle. Tsuro quand à lui déployait tout son art de traqueur, mais hélas sa spécialité était la neutralisation de mages, pas l'affrontement contre les monstres.

Quelques minutes plus tard, les protagonistes étaient au bord de la rupture. Blessés et fatigués leur moral coulait à pic.

- Eglantyne... tu y arrives ???!! Il va nous faire la peau ! Moîra sentit une énergie familière, celle de Dragon. Ses blessures se refermèrent. Sa volonté et son courage de venir à bout de cette abomination furent ravivés. Eglantyne se posta à côté de sa sœur, un dragon de fumée bleue s'entoura autour d'elles. Leurs rapières flamboyèrent d'un feu bleuté et étaient aussi légères qu'une plume. Les demoiselles se jetèrent sur le monstre qui hurla à chaque estafilade.

De son côté, Amaya aussi avait fini sa préparation. Elle avait gravé des symboles traqueur sur les arbres des alentours. Elle fit signe à son maître et ce dernier se mit en position d'attaque. Un idéogramme dans un cercle apparut sur le sol au-dessous de lui. Le symbole palpita quelques secondes et disparut d'un coup. Le vieil homme frappa l'abomination avec une vitesse incroyable. Chaque coup porté fit mouche. Le monstre attrapa Eglantyne par le pied, la souleva pour la jeter sur le traqueur qui esquiva. Folle de rage, Moîra enfonça la lame de son épée dans le dos du monstre qui hurla de douleur. Tsuro en profita alors pour utiliser une technique particulière héritée des grands maîtres de sa famille. Il toucha plusieurs points névralgiques en priant que cette créature soit constituée comme un humain classique. Et, par miracle, cela fonctionna. L'abomination tomba raide au sol, une brume blanche s'échappa d'elle et réapparurent en lieu et place les trois Combattants de Zil...

La mort de Prophète chapitre 1

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La nuit avait recouvert le Tombeau des Ancêtres de son manteau de ténèbres. Les Envoyés de Noz'Dingard et la Kotoba s'étaient retranchés chacun de leur côté. L'art ancestral du maniement des armes faisait jeu égal avec la magie. Les combats avaient duré toute la journée. A présent, le calme revenait sur la région. Ou presque. Car dans l'ombre des plans s'ourdissaient...

Les mots raisonnaient dans la tête de Télendar et de ses acolytes. L'ordre était simple : tuer Prophète. L'homme mystérieux ne les avait pas choisi par hasard, sélectionnant des êtres sans remords, spécialistes de l'assassinat et des coups fourbes. Le chef des Combattants de Zil avait tué à de nombreuses reprises, prenant un plaisir non dissimulé à chaque fois.

Cette fois le plan était simple : diviser pour mieux frapper. La première partie avait fonctionné avec succès. Ergue, Soriek et Granderage avaient été envoyés pour créer une diversion. Pendant ce temps, Télendar en avait profité pour analyser ses ennemis et connaître toutes leurs faiblesses. La Kotoba ne serait pas un danger si loin du lieu du crime, Gakyusha préférant monter un camp de l'autre côté de la pierre tombée du ciel.

- Ma chérie, on va bien s'amuser. L'enthousiasme de Silène fit sourire sa sœur.

- J'espère bien, on s'ennuie un peu depuis que nous sommes arrivés. Télendar nous a promis de l'action.

Le jeune homme se gratta l'arrière de la tête.

- Ah ? J'ai dit ça moi.... Oui, vous avez raison. Si tout se passe selon mes plans, ce soir va être un grand soir pour les Combattants de Zil. Nous allons montrer à tous qui nous sommes et que nous valons bien mieux que ces fausses guildes ! N'oubliez pas, vous devez les attirer le plus loin possible le temps que j'accomplisse ma tâche. Marlok ne devrait pas tarder à lancer son offensive.

Les deux Guémélites répondirent en cœur un « Oui chef ! » des plus joyeux. Aussitôt Télendar disparut dans des volutes de fumée. Les sœurs, quant à elles, se mirent à courir en direction du camp des Envoyés.

Ces derniers s'étaient retranchés dans ce qui restait de leur campement, en partie mis à mal par la tempête. Les voiles des tentes claquaient au vent et la plus part de leurs affaires étaient éparpillées dans la boue.

Le jeune Pilkim commençait déjà à ramasser ses précieux rouleaux. Bien qu'admis dans cette guilde depuis peu grâce à ses facultés magiques incroyables, il n'en restait pas moins un jeune étudiant et cette jeunesse était pour lui une faiblesse. Il suivit les parchemins qui s'étaient envolés en dehors du camps. Il n'était pas vraiment attentif à ce qu'il se passait autour de lui, perdu dans ses pensées. Il finit par ce cogner dans un rocher.

- Aïïeuuhh ! Lâcha-t-il, surpris. Qui m'a mis un truc...

Il s'arrêta net lorsqu'il vit de quoi il s'agissait vraiment. Un énorme golem de cristal vieux et sale.

- Waouu ! S'extasia Pilkim ! Un golem... de cristal...

Le jeune garçon se mit tout de suite en garde, sentant que quelque chose clochait. Et pour cause. Une personne arrivait dans son dos.

- Salut petit, t'es perdu ?

Pilkim se retourna pour faire face à celui dont la réputation n'était plus à faire : Marlok, le traitre. Immédiatement le jeune mage lança un sortilège de rempart de glace pour faire barrage à Marlok et à son golem et, ce, avant de s'enfuir sans attendre son reste.

Il cria suffisamment fort en gesticulant pour que tous les Envoyés l'entendent.

- AAAAHHH Y A MARLLOOOOKKKK !!!

C'est à ce moment précis que Silène et Sélène attaquèrent à la surprise générale, suivies de prêt par Marlok et son golem. L'effet attendu eu lieu, un chaos total régnait sur le campement ! La rage des sœurs et la puissance du mage exilé désorganisa les troupes draconiennes. Anryéna repéra très vite son ancien apprenti et prit sur elle de le remettre à sa place. Le mage Zil voyant la descendance de Dragon arriver vers lui recula doucement, gardant en tête que le but était de les éloigner de la cible.

De leur côté, les sœurs étaient aux prises avec Aerouant, Alishk et Pilkim. Les sortilèges fusaient de toutes parts sans parvenir à toucher les Guémélites, habituées à affronter des mages. Ils dévastèrent le campement qu'ils venaient juste de remettre en ordre, en ajoutant cette fois des flammes ravageuses. Après quelques échanges, les mages de Noz'Dingard s'organisèrent et prirent le dessus. C'est à la faveur de la nuit que Silène et Sélène choisirent de mettre un peu de piment dans le combat. Depuis toujours, ces deux-là avaient la faculté de se transformer en une seule créature : Ombreuse. La surprise fut de taille tant la créature surprenait par sa dimension et sa formidable apparence. Elle ressemblait à un serpent d'ombre au buste de femme et à quatre bras.

Le chef des Zil, quant à lui, s'était approché de sa proie au moment de l'attaque. Avec dextérité il lui griffa le dos, non pas pour le blesser mais pour attirer son attention. Une fois le coup donné, l'assassin Zil recula de façon à attirer Prophète dans ses filets.

- Évidemment, les charognards ne sont pas loin ! Je reconnais bien là la bassesse des Zil !

Le maraudeur ne répondit que par une attaque rapide puis un recul. Cela énerva un tant soit peu le mage Noz qui commença à incanter de puissants sortilèges. Mais Télendar ne se laissa pas avoir et esquiva à chaque fois, faisant toujours face à son adversaire. Ce petit manège dura le temps nécessaire à la mise en place du traquenard. C'est dans un endroit presque clos que se passa l'un des drames qui allait changer à jamais le destin des Combattants de Zil et des Envoyés de Noz'dingard.

- Tu es fait, comme le rat que tu es ! Jeta Prophète satisfait de sa prise.

- Tu crois ?? Le sang de Dragon coule en toi et te remplit d'orgueil...

La voix provenait de quelqu'un surplombant la scène, habillé de noir.

- Toi ! Cria le mage avec rage, je croyais les gens de ton espèce disparus à jamais.

- Il ne faut jamais dire jamais...

L'inconnu laissa tomber une gemme et Télendar la ramassa rapidement. Prophète ouvrit de gros yeux à la vue de cette chose.

- Je vois que tu as compris, demi-dragon, que pour toi la mort est la seule issue.

Télendar frappa de toute ses forces. Prophète riposta avec ses plus puissants sortilèges d'éclairs mais la pierre autour du cou de son adversaire le protégeait. Vint alors le moment fatidique où les griffes du maraudeur se plongèrent dans le poitrine du mage. Le sang coula...

La mort de prophète chapitre 2

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Sous le regard de l'Inconnu, Télendar jeta le corps de Prophète au sol et l'acheva en lui plantant une griffe dans la gorge. Ainsi périt Prophète.

- Tu fus autrefois un adversaire plus vaillant que cela, se vanta l'Inconnu.

Le Dragon sentit la rupture soudaine entre son Prophète et lui, le blessant profondément. Tous les Envoyés de Noz'Dingard surent que quelque chose de grave venait de se passer. La pensée semi-collective avertit tout le monde de la disparition de leur dirigeant. Anryéna fut la première à réagir. Son premier sentiment ne fut pas la tristesse, mais la colère.

- Qu'avez vous fait maudits Zil !!!???, hurla-t'elle avec rage. Qu'avez vous fait !!!??

Son apparence changea. Ses traits humains devinrent reptiliens. Des ailes percèrent ses vêtements en haut de son dos. Aussitôt, Kounok se transforma en un draconoïde de grande taille, lui aussi dans une rage non feinte.

- Vous allez payer !, cracha-t'il avant de se jeter sur Ombreuse, aidé de Pilkim dont les larmes coulaient sans qu'il n'ait pu les retenir.

Aerouant mit un certain temps avant de se ressaisir. Outre le lien filial, il était lié à son père car lui ressemblant énormément. C'était lui qui l'avait initié à la magie de Dragon et à la cristalomantie dans laquelle il excellait. Son cœur se serra lorsqu'après un rapide coup d'œil autour de lui il ne vit pas Prophète. Tout cela n'était pas un rêve. Et là, à son tour, il explosa. Faisant appel à toute la magie qui l’imprégnait, il souhaita être auprès de son père. La voix ancestrale de Dragon résonna dans sa tête : « Exaucé ».

Instantanément, il se retrouva sur le lieu du crime. Prophète gisait là sans vie. Il serra alors son père dans ses bras avec tout l'amour qu'il avait pour lui. Il ne retint pas se larmes.

- Mais qui voilà, le fils fils à son papa, ricana Télendar.

- Débarrasse-nous de ce gêneur, ordonna l'Inconnu.

Le jeune homme ne répondit pas et fixa l'assassin. Il laissa éclater sa colère dans un attaque fulgurante. Des cristaux apparurent sur les poings du mage, puis une armure protégea son corps. Télendar fut très surpris de cela. La pierre-cœur noircie ne le protégeait que des sortilèges qu'on lui lançait. Ce mage de Noz'Dingard était bien différent de Prophète. De son côté, Aerouant n'avait plus qu'une seule chose en tête : faire mordre la poussière à cette ignoble créature. Mais le bougre savait se battre et il n'avait pas l'avantage. Le jeune homme vit alors la pierre accrochée à la cordelette autour du coup de Télendar, et tout s'éclaira. Une pierre-coeur noircie ! Il n'en avait jamais vu, mais grâce à ses talent de cristalomancien, il pouvait faire quelque chose. Il fit appel à la puissance des lieux. Alors des cristaux effilés et gigantesques sortirent du sol dans un tremblement sourd. Télendar savait que son adversaire préparait quelque chose contre lequel il ne pourrait probablement rien. L'Inconnu qui observait jusque là perdit son sourire moqueur et laissa place à une moue d'inquiétude.

Aerouant était un spécialiste des cristaux et des pierres-cœur. Celle de Télendar était visiblement corrompue et il fallait la lui retirer. La barrière de protection cristalline protégeait Aerouant. Il capta la magie contenue dans les cristaux qui se désagrégèrent puis se concentra sur la pierre-cœur noircie. Le chef des Zil hurla de douleur tenant la pierre comme s'il s'agissait effectivement de son cœur.

- Je vais te libérer de l'emprise de l'insidieux et tu paieras pour ton meurtre !

L'Inconnu s'élança vers Télendar et lui arracha la pierre-cœur des mains. D'un revers de sa main libre, il incanta rapidement un puisant sortilège d'ombre les plongeant dans d'impénétrables ténèbres. Peu de temps après, l'ombre se dispersa. Hélas pour Aerouant, ses adversaires n'étaient plus là.

- Lâches, les Envoyés vous retrouveront où que vous soyez !!!

Les ennemis partis, la colère céda la place à la tristesse. Anryéna, qui venait d'arriver après s'être défoulée sur Ombreuse, était penchée sur le corps de son enfant et lui caressa amoureusement la tête.

- Je te ramène auprès de Dragon mon enfant, ton esprit et ton corps ne feront qu'un avec lui. Aerouant, le temps qu'un nouveau Prophète ne s'annonce, tu prends la tête des Envoyés.

Un halo de lumière bleue se propagea autour d'eux, puis ils disparurent, laissant les Envoyés de Noz'Dingard sans chef et un Aerouant rongé par la tristesse, la colère et le doute.

Au loin, Tsuro et Amaya avaient discrètement suivi toute la scène et firent leur rapport au Seigneur impérial.

- Seigneur, le chef des Envoyés de Noz'Dingard est mort, assassiné par un félon Zil.

Gakyusha but une gorgée d'un alcool xziarite et sembla songeur.

- Les Envoyés n'ont plus de chef, nous pouvons considérer que la pierre est à nous. Mais cela m'attriste que Prophète soit mort ainsi, par traitrise. Honorons sa mémoire car c'était un adversaire des plus valeureux.

Chronique du Roi

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Je suis Aez, autrefois j'étais le prince d'Avalonie, aujourd'hui je suis roi. Mais, durant un temps, j'ai erré comme une âme en peine, en proie à une soif infinie de vengeance.

Comme je vous le disais, je suis né premier fils de Mirion et j'étais destiné à lui succéder le moment venu. Hélas, un tragique événement m'empêcha d'accéder au trône. Il y a quelques années, comme tous les princes des 7 royaumes, je me devais de séjourner pour 2 ans dans une des familles royales. J'avais choisi de faire cet apprentissage chez les Valdoria avec qui nous entretenions d'excellents rapports. Nos parents respectifs m'avaient d'ailleurs promis à Myrie, leur fille cadette. Rien ne pouvait aller mieux que cela. Je faisais pratiquement partie de leur famille et les connaissances acquises étaient précieuses pour mon futur règne.

Mais vint un funeste jour. Alors que je m'entrainais dans la cour du château, un messager arriva au galop. Il portait les armoiries de ma famille. Celui-ci portait une cape noire, signe de deuil. Etait-il arrivé quelque chose dans mon royaume ? Le brave homme ne me remarqua pas et fonça directement vers la salle du trône.

Peu de temps après, Myrie arriva en courant vers moi, les larmes aux yeux.

- Aez... Le roi d'Avalonie... ton père.

Elle s'arrêta, tombant en sanglots.

- Et bien ? Parle ! Qu'y-a-t'il ?, lui dis-je le cœur tambourinant.

- Il a rejoint tes ancêtres...

Ce fut là comme un coup de poignard en plein torse.

Je partis immédiatement en Avalonie afin d'en apprendre plus sur toute cette histoire. Ma mère m'accueillit l'air grave et au combien triste. On m'informa donc que mon père, recevant des Xziarites de passage en notre demeure, aurait soi-disant injurié l'Empereur en personne. Il y aurait alors eu un combat entre lui et un jeune guerrier. Ce dernier l'aurait vaincu et mon père de son grand âge n'y aurait pas survécu. Et pour cause, le vainqueur aurait réclamé l'épée des 5 ancêtres comme présent du perdant au vainqueur. Les Xziarites seraient repartis dans la foulée emportant la précieuse lame.

En effet, la coutume voulait que pour devenir roi d'Avalonie il fallait brandir cette épée. L'épée des 5 ancêtres fut forgée il y a plus de deux cent ans par le premier de nos rois. Sans elle, impossible d'accomplir mon destin. Je devais donc me lancer dans une quête pour la reconquérir. Je laissais les rênes du pouvoir à ma mère qui devint régente. Je partis alors à travers le monde à la recherche de ce qui me revenait de droit.

Trois longues années passèrent, trois années de vagabondage et de pistes ne menant qu'à des chemins sans issue. Qui étaient donc ces Xziarites ? J'ai traversé une bonne partie de l'Empire sans que nul n'ait jamais vu l'épée des 5 ancêtres. C'est lorsque je quittai l'Empire que la pierre tombée du ciel s'écrasa non loin de là.

Là-bas, un conflit semblait avoir éclaté entre plusieurs guildes. Je n'avais jamais trop prêté attention à ces groupes jusqu'à ce jour. Mais, est-ce par chance ou qu'enfin il était temps pour moi de prendre ma revanche, je trouvais enfin le voleur d'épée. Mais ce n'était qu'un jeune homme d'une quinzaine d'années. Comment avait-il réussi à défaire mon père ? Je l'observai quelques jours et je compris. Son talent dans l'art de manier les armes étaient impressionnant. Moi-même je n'aurais pu le battre ! Le destin s'acharnait-il sur moi que je ne puisse être à la hauteur de ce Iro ! En plus, il n'était pas seul. Il était entouré de guerriers qui, ma foi, semblaient aussi redoutables les uns que les autres. Néanmoins, n'étant pas un couard, je me présentai à leur chef et je défiai cet Iro. Mais le combat tourna court, j'étais trop lent et trop lourd dans cette armure, mon fléau ne fit que le frôler. Je ne vous raconterai pas cette honteuse défaite.

J'étais désespéré, Avalonie allait devenir à son tour une terre ouverte au Grand Tournoi. C'est alors que j'ai rencontré un individu qui me permit de devenir ce que je suis aujourd'hui. Je me souviendrai toujours de cette conversation.

- Il y a un temps pour tout. Un temps pour la tristesse, un temps pour agir et un temps pour la vengeance.

C'était un étrange petit monsieur, assit sur un drôle d'engin flottant au dessus du sol.

- Qui êtes-vous ?, lui dis je. Vous ne voyez pas que vous m'importunez.

- Si, je le vois. Et je sais ce qui vous chagrine et comment faire en sorte que votre honneur soit rétabli.

A ces paroles, il ajouta le geste en me tendant un objet rond avec des aiguilles.

- Qu'est-ce ?

- Ceci te permettra d'obtenir ce que tu veux. Il va te falloir être malin et bien réfléchir à ce que tu vas faire. Exploite les faiblesses de ton ennemi.

- Pourquoi faites-vous cela pour moi ? On ne se connait pas.

- Je sais bien. Disons que nous ne nous connaissons pas encore. Enfin bref ! En échange de cela, un jour je viendrai te demander quelque chose de très important. Tu te souviendras de la dette que tu as pour moi et tu accepteras.

Tout cela était bien énigmatique. J'en avais vu des choses particulières, mais celle-là dépassait tout. On m'offrait l'occasion de faire mes preuves. J'acceptai.

Aussitôt, les aiguilles de cet objet se mirent à tourner à vive allure et tout se brouilla autour de moi. Je perdis rapidement connaissance. Lorsque je revins à moi, je n'étais plus au même endroit, mais à ma grande surprise dans une grande cité Xziarite qui s'avérait être Méragi la capitale impériale. Pourquoi m'avoir envoyé ici ? Certes, mon adversaire venait de cet endroit, mais il était à des lieues d'ici. Je vis alors un attroupement de personnes qui semblaient fêter quelque chose. Je me renseignai à ce sujet. Il s'agissait du passage de Iro, le champion de l'Empereur, qui venait encore une fois de vaincre un grand combattant. Je cherchai du regard afin de voir s'il s'agissait bien du même Iro et, effectivement, c'était bien lui. Mais son apparence avait bien changé. Il était désormais bien plus vieux que moi. Impossible !

J'essayai de comprendre la situation. J'étais donc à Méragi, probablement dans le futur. Et maintenant, que devais-je faire ? Je me renseignai alors sur cet Iro, car au final je ne savais rien de lui et les renseignements que j'obtins de la population me permirent de préparer ma revanche.

Quelques jours plus tard, j'avais enfin un plan. Je me rendis donc au palais impérial et m'arrêtai devant les gardes.

- Moi, Aez prince d'Avalonie, lance un défi à Iro, champion de sa majesté l'Empereur de Xzia.

Les gardes furent surpris. Puis l'un d'eux s'en alla prévenir qui de droit. Un peu plus tard, un homme, visiblement un servant, vint me chercher pour m'amener dans une grande pièce que je reconnus comme la salle du trône. Je remarquai cependant un fait particulier. Il y avait accroché aux murs de très nombreuses armes, principalement des épées. Mon cœur s’arrêta un instant en voyant la lame de mes ancêtres. Là, au milieu, m'attendait Iro. Nous étions entouré des gens de la cour médisant sur mon compte, me condamnant à une défaite rapide. Visiblement, il ne me reconnaissait pas, à mon avantage.

- J'accepte ton défi, étranger, et j'offrirais cette victoire à l'Empereur. Tout cela devrait être terminé assez rapidement, dit-il avec un sourire qui en disait long. Autour de lui les gens riaient. Puisque je suis le défié, je choisis la lame comme arme pour ce duel.

- N'ayant pas d'épée, puis je me permettre d'en choisir une parmi celles-ci, lui dis-je en montrant les murs.

- Soit, mais elles ne te feront pas gagner, ces lames sont celles de ceux qui ont perdu contre moi.

Nous y étions, sans plus attendre, j'allai chercher l'épée des 5 ancêtres. Le fait de la tenir fut pour moi un bonheur immense. Les ancêtres étaient là, ils m'attendaient. "Venge-toi", chuchotaient-ils. "Venge-moi, mon fils !" Cette voix-là, je ne l'avais plus entendue depuis bien des années.

Galvanisés et confiants, nous allions pouvoir donner du spectacle à ces braves gens. Iro, de son côté, se battrait sans aucune armure, juste avec deux sabres. Il s'élança avec dextérité, mais cette fois-ci la situation était différente. Je connaissais certains de ses coups et, surtout, j'avais l'épée. Je parai ses coups. J'étais un roc imperturbable. De son côté, mes quelques assauts étaient évités.

- Eh bien voilà un adversaire à ma mesure !

Il changea alors de position et plaça ses sabres de façon parallèle. Un vers moi et pointant le deuxième dans l'autre direction. Une technique de combat ! Je serrai alors mon épée avec force en murmurant des prières à mes ancêtres. La lame commença à émettre une lueur verte, puis en jaillirent des éclairs de la même couleur. Iro me fonça dessus, et à mon tour je m'élançai, criant avec toute la rage que j'avais contenue jusque-là. Une grande lumière verte aveugla tout le monde et lorsque nos yeux se furent remis, Iro était à terre. J'avais gagné. Mon bouclier était coupé en deux. Mais, un de ses sabres était brisé.

Je me tournai vers lui et lui dit ceci :

- Je suis Aez, roi d'Avalonie, et tu vivras à tout jamais avec la honte de cette défaite.

Le Sceau

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Autre temps, autre lieu.

Le roi Gaumatta avait trépassé, laissant Yses dans le chaos d'un Grand Tournoi. A quelques lieues de la capitale, Guedenot rentrait d'une tournée des marchés de la région pour vendre le peu de récoltes qui lui restait après les différentes taxes. Chemin faisant, au détour du bois de Moshat, le marchand entendit du bruit dans sa carriole. Il découvrit deux créatures habillées de haillons, aussi faméliques l'une que l'autre. Le marchand, considéré comme quelqu'un de très dur en affaire, n'avait jamais laissé quelqu'un dans le besoin, qu'il soit humain ou non, et humains, ces deux là ne l'étaient pas.

- Et bien que voilà ? Guedenot s'approcha pour mieux voir de quoi il retournait. Ça alors, des créatures de la forêt, on en voit rarement par ici. Approchez que je vous vois mieux.

Bien qu'apeurées, les deux créatures se découvrirent plus, laissant leurs traits se dessiner au soleil faiblard de l'automne.

- Bon sang, vous êtes deux petits épouvantails. Vous avez quel age ? Vous venez d'où ? Vous me comprenez au moins ?

Le plus gros des deux était un hom'chai au regard craintif, quand à l'autre il s'agissait d'une elfine, plus petite que son compagnon, elle avait de long cheveux et serrait quelque chose entre ses frêles petites mains.

- Bon je vais vous ramener chez moi, je peux pas vous laisser ainsi. Cachez-vous là dessous, dit-il en montrant une couverture.

Ils ne demandèrent pas leur reste et se faufilèrent pour n'être plus que deux bosses sous la laine. Le marchand parcourut les quelques lieues le séparant de son village en pensant à ce qui allait advenir de ces deux voyageurs. Dans cette partie du royaume les superstitions étaient légion et le racisme envers tout ce qui était non humain très fort. En arrivant, la nuit tombait sur la quinzaine d'habitations qui composaient le village d'Herberonde. Niché au creux d'une forêt, les habitants étaient pour la plupart des bucherons ou des récolteurs de Sèvemiel. Tout ce qui venait de l'extérieur était perçu avec appréhension de crainte de voir arriver des malheurs dans la petite communauté.

Guedenot plaça sa carriole de façon à faire rentrer les enfants dans la grange sans que quiconque ne puisse les voir. Il les cacha entre deux ballots de paille.

- Ne bougez pas de là, je reviens, vous avez compris ? Ne sortez surtout pas.

Les enfants se blottirent l'un contre l'autre, jetant des coups d'œil sur leur nouvel environnement. Le marchand alla jusqu'à sa maison où son épouse et ses deux enfants attendaient impatiemment son retour. Il fut accueilli comme il se devait après plusieurs semaines d'absence par la joie des retrouvailles. Il expliqua ensuite sa rencontre avec ses passagers clandestins et annonça qu'il souhaitait leur venir en aide.

- Mais tu n'y penses pas ! Tu te rends compte des risques que cela comporte ??

- Bien sur que je sais, mais se sont des enfants, Mewëen, des enfants ! Tu veux les abandonner à leur sort ?

La femme de Guedenot hésita un long instant, puis se retourna brusquement pour se rendre à la cheminée. Elle plongea son regard dans les flammes crépitantes en songeant que oui, elle ne pouvait laisser des enfants ainsi, fussent-ils non humains.

- Très bien, allons voir à quoi ressemble nos invités.

Depuis ce jour là les deux Eltarites, car c'est ainsi qu'étaient nommées les créatures des forêts devinrent les nouveaux membres de la famille de Guedenot. Les habitants du village bien que très craintifs au départ furent vite pris d'affection, et le temps poursuivit son interminable course...



Quelques années plus tard.

La constitution des hom'chaïs et des elfines était incroyable. Les deux enfants grandirent à une vitesse fantastique atteignant pour l'elfine la taille d'une adolescente, et l'hom'chaï dépassait déjà la plus part des plus robustes bucherons. C'est tout naturellement d'ailleurs qu'il avait trouvé une utilité dans ce métier là. A cette époque là on les appelait Elaine et Gaherhis, deux prénoms typiques de cette région d'Yses. Ils avaient appris les us et coutumes et la langue pour s'intégrer au mieux mais certaines personnes semblaient ne jamais vouloir les approcher ou leur parler. Mais cela ne les gênait pas, ils avaient compris qu'ils n'étaient de toute façon, pas chez eux, et ne le seraient probablement jamais.

Un beau matin de printemps, alors que des festivités étaient préparées en l'honneur d'un mariage, un homme important arriva avec deux chevaliers. Il s'agissait du seigneur de ces terres, qui de temps à autres inspectait ses villages. C'est le hasard qui l'amenait là, c'est ce même hasard qui le fit rencontrer les deux adoptés. La réaction fut immédiate. Le seigneur devint furieux que ses villageois ne l'ai pas prévenu et voulut châtier le chef de village et Guedenot. Elaine et Gaherhis s'interposèrent, les chevaliers réagirent vite et molestèrent les Eltarites. L'hom'chaï fut gravement blessé au visage, l'elfine se mise en colère et tua le fautif avec son étrange lame d'ambre. Cet objet particulier avait grandi en même temps qu'elle et ce qui n'était qu'un simple couteau à son arrivée, ressemblait maintenant à une belle épée courbe. Au contact du sang de son adversaire, la lame se teinta de rouge à son grand étonnement.

Tout cela tourna très vite en cohue générale, Elaine avec l'aide de Mewëen trainèrent Gaherhis en dehors du village pour panser ses plaies. Hélas pour lui, il garderait de profondes entailles pour le reste de sa vie. Au cœur de la forêt, le hasard frappa encore à la porte des Eltarites. A deux lieues des évènements tragiques une petite troupe de saltimbanques s'était installée là. Mewëen les implora de prendre soin d'eux car désormais, ils ne pouvaient plus résider au village.

C'est ainsi qu'ils rejoignirent les combattants de Zil.



Aujourd'hui.

Après la venue de l'Inconnu, les deux compagnons avaient suivi les autres combattants de Zil. De leur nature d'Eltarite ils résistaient mieux à la folie qui emportait les Zil. Peu avant leur arrivée au Tombeau des ancêtres ils décidèrent de se séparer du groupe et de faire un crochet par la grande forêt au nord. C'était l'un des rares endroits non visités jusque là et les légendes racontaient que des créatures de la forêt y vivraient.

Abyssien les avait pourtant prévenu que la recherche des leurs pouvaient les mener à des déceptions. Grandir dans la société des hommes les avait plongé dans une culture très différente de celle qui aurait dû être la leur.

La nuit tombait sur leur campement de fortune, au loin la lumière émise par la pierre Tombée du ciel éclairait faiblement les nuages bas. Sangrépée et Sanvisage étaient perdus dans leurs pensées, les yeux dans le vague. Le silence fut coupé par un raclement de gorge. Les deux Zil sursautèrent.

- Je... je suis désolée de vous déranger. Je suis un peu perdue...

Sangrépée examina l'arrivante qui avait un aspect assez étrange et surtout le blanc de ses yeux ne trompaient pas, elle était aveugle.

- Puis-je m'installer avec vous et bénéficier de votre présence pour cette nuit ?

Cette rencontre avait quelque chose d'irréel, Sangrépée se demandait comment cette personne était arrivée jusque là, seule et aveugle.

- Et vous avez raison de vous poser de telles questions. Il est vrai que lors de notre dernière rencontre vous étiez très jeune.

- De quoi parlez-vous, rugit Sansvisage, qu'est-ce que vous connaissez de nous ??

- Je connais tout de vous, je sais qui vous êtes, je connais votre histoire.

Sangrépée sorti alors sa lame.

- Alors vous savez que vous allez devoir tout nous dire !

La jeune femme aux cheveux blancs repoussa la lame avec son ombrelle.

- Oui, ne vous en faites pas, je vais vous dire. Dit-elle avec un large sourire. Mais laissez moi m'installer.

- Quel est votre nom ?

- Un nom ? Et bien ici on m'appelle l'Apôtre. Je trouve pas ça très féminin, mais je m'en accommode.

Ce nom ne leur disait rien du tout. Elle s'installa prêt du feu, attendant visiblement qu'on lui pose des questions.

- Qui sommes-nous ?

- Vous êtes les perdus, deux enfants qui ont une destinée importante dans l'histoire de ce monde. Vous descendez d'un peuple secret qui habite cette forêt dit-elle en montrant la direction de leur destination. Mais pour retrouver les votre, il vous faudra d'abord trouver comment rentrer sur le territoire Eltarite.

- Vous avez dit que vous nous avez déjà croisé avant. Dites-nous en plus.

- Je vois que vous êtes vive d'esprit, oui je vous ai croisé, c'est moi qui vous ai placé sur la route de Guedenot, vous vous souvenez de lui ?

- Bien sur que oui !! S'exclama Sansvisage de sa forte voix enrouée.

- Pourquoi ne pas nous avoir recueilli ou ramené chez les nôtres ?

- Et être élevés par une aveugle ? Allons, je ne pouvais pas.

- Admettons. Donc vous nous parliez des nôtres, vous pouvez nous dire comment rentrer chez nous.

- A vrai dire je pourrais, mais je ne sais pas s'ils souhaiteraient vraiment vous voir revenir, vous êtes très différents des "vrais" Eltarite.

- Il faut savoir, vous nous dites : je vous dirais tout, alors allez-y, de quoi s'agit-il.

L'Apotre marqua un moment de réflexion.

- L'entrée de la forêt est une porte qui en fait se trouve juste à côté d'ici. Personne n'y fait jamais attention car la plus part des gens n'y voient qu'un mur végétal. Seul des gens comme vous peuvent la voir telle qu'elle est réellement et surtout, l'ouvrir.

- Et bien qu'attendons-nous pour y aller ? S'encouragea Sangrépée. Prend tes affaires Sanvisage, nous partons retrouver les nôtres.

Et voilà les deux Zil partis, avec l'espoir de revoir leurs semblables.

- Merci de nous avoir aidé cria l'elfine qui s'éloignait déjà. Mais par où est-ce exactement ?

- Suivez votre instinct ! Vous trouverez !

Une fois ses hôtes partis l'Apôtre se retrouva seule devant le feu. Une larme perla sur sa joue.

- Pourquoi m'obliges-tu à leur mentir ? Comment veux-tu que je les ramène vers la lumière si je ne leur apporte que mensonge et déception ? Ce que je viens de faire va changer à tout jamais le destin des habitants de ce continent.

Sanvisage et Sangrépée marchèrent une bonne heure dans la noirceur de la nuit, cela faisait longtemps qu'ils n'avaient pas ressenti une telle joie. De longues années de recherches enfin récompensées.Enfin ils arrivèrent devant la porte, immense et majestueuse. Des glyphes descendaient verticalement sur chacun des deux battants qui la composait. A l'approche des Eltarites, les inscriptions se mirent à luire. Instinctivement Sangrépée et Sanvisage se placèrent chacun devant une des lignes de glyphes. Ensemble il posèrent une main sur la première d'entre elles. Un bruit sourd se fit entendre, comme une sorte de "crac", puis la porte s'ébranla...

Les glyphes cessèrent de briller, la porte de l'Infini était ouverte. Elle ne donnait pas sur la forêt, mais sur autre chose. Sangrépée et Sanvisage comprirent vite qu'il ne s'agissait nullement d'une porte vers chez eux...

L'Appel

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La Pierre fendait le ciel à vive allure, sa course effrénée devait se terminer dans le Désert d'Émeraude. Mais tel ne fut pas le cas. Elle vint s'écraser au beau milieu du continent, dans un endroit dit neutre, où de grandes batailles avaient eu lieu autrefois : le Tombeau des Ancêtres. La gemme aussi grande qu'une maison attira l'attention des nations aux alentours. Leurs chefs pensaient tous qu'un grand pouvoir serait accordé à ceux qui en auraient le contrôle. Les premiers affrontements avaient entrainé la mort de Prophète, la trahison de Télendar et la victoire toute relative de la Kotoba...

Le campement des Xziarite était calme. La veille, les membres de la guilde fêtèrent leur "victoire" et l'adieu à un ennemi valeureux : Prophète. Le soleil brillait avec une rare intensité, pas un nuage ne venait tacher le ciel bleu. Asajiro, qui était de garde, surveillait les alentours avec tout le zèle dont il savait faire preuve. Il s'éloigna des ronflements de ses compatriotes, intrigué par cette fameuse Pierre tombée du ciel qui attirait l'attention de beaucoup de monde. Il s'en approcha plus qu'il n'aurait dû. Un énorme rayon de soleil frappa la pierre, aveuglant l'officier impérial par la même occasion. Lorsque cela se produisit, Alishk, alors en méditation, n'en crut pas ses yeux. Le rayon avait frappé la pierre avec une puissance inouïe, mais il ne voyait en cela aucune magie. Il n'avait rien ressenti de tel. Rapidement, il réveilla les autres Envoyés. Aerouant ne dormait pas, incapable d'oublier le malheur qu'il venait de vivre. Lui aussi pressentait quelque chose "d'anormal".

- Tout cela ne me dit rien qui vaille, chuchota le mage du désert.

- Je suis d'accord. A quoi va-t-on être confronté cette fois ?

De son côté, Kryss, qui nettoyait son orgue, resta planté la bouche ouverte en voyant le rayon. Abyssien, qui était à côté de lui, secoua l'épaule de son camarade Zil.

- Et beh ? Ça va pas ? Qu'est-ce que t'as ?

Mais pour toute réponse le musicien montra la pierre tombée du ciel en marmonnant des gargarismes incompréhensibles.

Nassaafaraa oukt naass oukt nassaaafaraaa...

- Entends-tu cette voix Aryhpas ? Elle est très claire et douce.

Saphyra était une jeune femme qui parcourait le monde à la recherche de connaissances sur les différentes croyances existantes. Elle avait entendu parler du culte de Méra et du temple de Précadès et s'y était donc rendue.

- Nan, z'entend rien moua. Quess ça te dit ?

La créature qui venait de parler n'était autre qu'une poupée de porcelaine dont elle en se séparait jamais. Etait-elle vivante ? Elle était persuadée que oui.

- Elle appelle des gens dans un langage bizarre, mais j'en saisis le sens. Des gens vont venir pas loin d'ici. Allons-y vite. Je veux voir qui sont ces personnes.

Nassaafaraa oukt naass oukt nassaaafaraaa...

A des lieues et des lieues de là était le désert d'Émeraude. Ici nul arbre mais du sable à perte de vue d'où jaillissent d'immenses cristaux couleur émeraude. Malgré cela, une civilisation a réussi à dominer l'environnement hostile. Mineptha est la capitale de ce peuple qui, lorsqu'il n'habite pas entre les murs de cette cité, parcourt le désert à la recherche de denrées rares et de pierre soleil servant à confectionner bijoux et objets précieux. A côté du palais royal, se trouvait le temple de Sol'ra, leur divinité tutélaire. La grande particularité de ce lieu était que que la plupart des pièces qui le composaient n'avait pas de toit afin que la lumière du soleil soit présente tout au long de la journée. Ïolmarek, le grand prêtre de Sol'ra et Ahlem priaient dans la grande cour lorsqu'ils entendirent à leur tour les paroles.

Nassaafaraa oukt naass oukt nassaaafaraaa... Partez à la recherche du présent qui vous était destiné. Les infidèles tentent de se l'approprier. Châtiez-les comme il se doit.

A ce moment-là, quelque chose jusqu'à présent caché en eux se réveilla.

- Alhem, tu pars avec Aziz et ceux qui sont dans les environs, le temps que je réunisse les autres.

- Bien grand prêtre, je m'en vais les quérir de suite. Quels sont vos ordres concernant les infidèles ? Dois-je emmener votre disciple ?

- Oui oui bien sur qu'elle est du voyage. Quand à ceux vous rencontrerez sur place, s'ils se mettent au travers de votre route qu'ils soient alors placé sous le jugement de Sol'ra !

Le lendemain, une petite troupe quitta discrètement Mineptha et se mit en route pour rejoindre le tombeau des ancêtres.

Le Précieux

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Ne dit on pas que la nuit, tous les chats sont gris ? C'est un proverbe que notre jeune voleuse expérimentait sur elle le plus souvent possible. Quelques jours au auparavant, Héléna avait eu un tuyau, une information qui d'après elle serait le coup du siècle. Un indic lui avait dit qu'on lui avait dit que le célèbre trésor du légendaire capitaine pirate Gol'denaï avait été retrouvé par le gouvernement des Iles blanches et serait bientôt exposé au grand public avant de retourner dans les caisses nationales. LE Trésor de Gol'denaï ! Incroyable ! Non seulement l'histoire de ce célèbre pirate se transmettait entre les différents équipages hors-la-loi, mais sa valeur inestimable faisait briller les yeux des chercheurs de trésors et autres voleurs. Héléna ne pouvait pas manquer cette occasion unique de s'en emparer. C'était trop tentant. Elle se hâta, car cette nouvelle se répandait aussi vite qu'un ziaf (un oiseau très peureux) ayant le vent dans le dos. Elle risquait de ne pas être la seule sur le coup.

La voilà donc à Pierrevent, la capitale des îles blanches, un endroit où l'étourdi pouvait glisser et tomber dans le vortex. Car ces iles n'étaient pas maritimes, mais aériennes, cela, suite à la grande guerre contre Néhant.

Le plan était prêt, ficelé, il ne laissait nulle place au hasard. Son génie était à son paroxysme. Évidement rien ne se passa comme prévu. Et en y repensant bien, aucun de ses plans n'avait correctement fonctionné, car justement le hasard intervenait toujours. Manque de chance ou coïncidence ? Tombée de la nuit, plan première partie : désactiver les protections magiques. Aucun problème de ce côté-là. L'alarme, une Cristagard 2.0 ne présentait aucune difficulté. Un peu de poudre de gemme miroir et l'affaire était jouée. Puis elle grimpa en haut de la tour grâce à son fidèle enchanfilin : un cordage très fin, très résistant.

Parfait, personne ne l'avait vu, il restait à passer les gardes. Facile !! Ils étaient à peine deux pour surveiller un antique trésor. Le gouvernement des îles blanches était soit radin soit ne connaissait pas la célèbre Héléna ! Les nuls !

Le petzouille était un animal assez particulier, à peine plus grand qu'un chaton avec une trompe et une faculté prisée par les brigands de haut vol. En effet, lorsqu'un petzouille mangeait des graines de tournesol, il se mettait à gonfler comme une baudruche. Il suffisait ensuite, grâce à un ingénieux mécanisme inventé par Larcène, grand maître voleur, de le lancer dans une pièce pour qu'il libère un gaz soporifique très rapide. Deux gardes endormis plus tard, la voilà dans la salle d'exposition. Le coffre, immense et convoité, trônait au milieu. Bizarrement aucun système magique ne le protégeait. Plus rien ne l'étonnait.

Clic ! Le coffre était ouvert. Les yeux brillants et le cœur serré elle l'ouvrit et... rien ! Vide, le coffre était vide ! Par les cornes de Dragon ! Un piège ? Non, visiblement. Un bout de parchemin se matérialisa alors, entourant un cristal de cachemin, un objet dont les voleurs se servent pour se laisser des messages entre eux. Dessus, à peine quelques mots : "Je t'ai bien eu !!" Et c'était signé Quilingo.

La voleuse serra le parchemin avec rage.

- QUILINGOOOO !! Hurla-t-elle. Je l'aurais ce foutu ours ! Je l'aurais !

Très vite elle rebroussa chemin. Elle devait partir avant de se faire attraper, ce qui n'arrivait jamais, enfin presque jamais. Quelques instants plus tard, la voilà dans une des ruelles sombres de la cité, ruminant cette humiliante défaite. Pas de trésor... pas de trésor... Bon réfléchis ma fille, réfléchis. Un panda ça ne passe pas inaperçu. Je vais faire jouer mes cercles d'influences et le traquer, jusqu'au bout du monde s'il le faut.

Quelques jours plus tard, au cœur d'une dense forêt à l'extrême sud-ouest de la Draconie, la jeune voleuse avait monté un nouveau plan. Un plan encore plus parfait que le dernier, ne laissant une fois de plus aucune place au hasard, qui pourtant s'invita bien entendu à cette petite fête. La piste d'un panda, surtout humanoïde était facile à suivre. Où allait-il ainsi ? En fait, peu lui importait, puisque dans peu de temps, le trésor serait sien ! Elle avait choisi un endroit où toute fuite était impossible, un immense pont de cordage au dessus d'un gouffre de dix mètres donnant sur une rivière déchainée infestée d'animaux peu amicaux. C'était aussi le seul point de passage pour aller de l'autre côté de la forêt. Elle avait donc placé quelques pièges qui immobiliserait Quilingo sans lui faire de mal. Elle se cacha ensuite et patienta jusqu'à l'arrivée de sa pauvre victime. Le temps lui sembla une éternité et son attention se relâcha jusqu'à ce qu'un bruit la fit sursauter. Une planche se mit à grincer. Elle se risqua à voir de quoi il retournait. C'était Quilingo, déjà à la moitié du pont. Mais.. mais.. mais... comment a-t-il fait pour échapper à mes pièges ?? Sa réaction fut immédiate, elle se jeta à la poursuite du panda qui, aux aguets, la repéra très vite. Une course poursuite éclair s'engagea, elle ne dura que le temps de passer de l'autre côté. Car sitôt le pont derrière lui, Quilingo s'arrêta pour faire face à Hélena.

- Alors, t'veux l'trésor ? T'sais qu'il t'appartient pas ?

- Allons mon gros, ne me provoque pas, laisse moi le coffre et va t'en. Ça t'évitera des soucis.

- HAHAHAHA, t'veux me voler ? Moi ? J'suis pas un garde-coffre pour rien. T'entend ça Er'vent ? Ta copine veut m'voler !

Héléna plissa les sourcils. Qu'est ce qui raconte le gros ?

Alors apparu à côté de lui Erevent. Tout comme Héléna, il était un membre des Envoyés de Noz'Dingard.

- J'ai entendu et tout consigné. Tu as fait du bon travail.

La figure de la jeune femme se décomposa.

- Tu... tu as monté tout ça contre moi ?? Mais pourquoi ?

- Les Envoyés doivent être respectables. Voler quelque chose à des alliés n'est pas... acceptable.

- C'est pas à toi de me dire ce qui est respectable ou pas, fiente de petzouille.

Hélena échafaudait un nouveau plan, il fallait faire durer la discussion le plus longtemps possible.

- Des insultes, voilà que tu t'abaisses au niveau des autres brigands. Non ce n'est pas à moi de te dire ce qui est acceptable ou pas. Dragon jugera si tu es encore digne de rester dans les rangs des Envoyés. Ma mission est finie. Considère-toi comme prisonnière.

- Mais bien sûr ! Hurla-t-elle en jetant au sol une sphère de verre qui libéra une fumée blanche... qui fut aussitôt éparpillée par un vent violent. La voleuse tenta l'évasion, mais échoua. Erevent faisait partie des meilleurs enquêteurs de la Draconie. Et les tours de passe-passe comme celui-là, il les connaissait tous. Il avait discrètement lancé un sort dit de "bave de troll" qui figeait une personne au sol.

- D'accord, d'accord... Discutons, dit-elle avec le sourire.

Mais il était trop tard. Quilingo sortit une corde, la saucissonna et la jeta sur son épaule. Et tous partirent pour Noz'Dingard.

Le Runique, chapitre 1

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Le Désert d'Émeraude regorgeait de petits lieux incroyables où la vie grouillait comme nulle part ailleurs. Tout cela était possible grâce à l'eau qui ressortait et attirait toutes sortes de créatures. Elle favorisait aussi la végétation luxuriante.

C'est dans une de ces oasis, car c'est ainsi que les gens du désert les appelaient, qu'une tribu entière qui vivait là depuis des générations fut en partie détruite. L'attaque eut lieu à l'aube, alors que tous dormaient encore. Elle fut brutale et sans pitié. Les assaillants étaient nombreux et très bien organisés. Il s'agissait d'une des plus grandes bandes de trafiquants d'esclaves. Les cris réveillèrent les oiseaux au couleur chatoyantes et le sang, beaucoup de sang, coula. Les hommes qui avaient vaillamment tenté de défendre leurs familles périrent devant la férocité des brigands et de leurs lions de guerre. Lorsque toute l'attaque cessa, il ne restait plus que des cadavres dans l'eau alors que femmes et enfants étaient devenus des prisonniers pour être revendus. Parmi eux, le jeune Kalhid, âgé d'à peine 9 ans.

Le garçon fut vendu quelques jours plus tard au marché aux esclaves de Mineptha à un homme puissant qui résidait dans les montagnes tout au nord du désert. A son arrivée à la propriété de Abn el hissan, il fut envoyé dans les mines de sephra, une épice rare qui avait pour originalité de se trouver dans une terre particulière des montagnes. C'est ainsi que s'était battit la fortune du maître de Kalhid.

De nombreuses années passèrent et le garçon était devenu un homme. Contre toute attente, alors que la grande majorité des esclaves des mines décédait assez vite, lui résista, se battant contre sa condition, car ceux de son peuple pensaient que la vie valait tout et que l'espoir devait toujours être un moteur pour avancer sur le long chemin de l'existence. Et le moment était venu. Après tout ce temps en captivité, il était temps de reprendre cette liberté qu'on lui avait volé. Grâce à son imposante force et à un plan soigneusement établi, lui et quelques autres esclaves réussirent à s'évader. La chance lui souriait enfin. Mais elle l'abandonna très vite car quelques heures à peine après avoir fui, une tempête de sable s'abattit sur eux avec une violence incroyable. Ils furent tous ou presque balayés comme de vulgaires morceaux de paille. Kalhid n'en pouvait plus, malgré sa résistance il ne pouvait plus lutter contre les éléments. A bout de force, il s'abandonna à une mort certaine.

Kalhid ouvrit les yeux en sursautant, haletant mais vivant il plaqua sa main droite contre son coeur. Il battait fort. Cela le rassura car cela voulait dire qu'il était en vie. La pièce dans laquelle il se trouvait était plongée dans le noir. Il n'y voyait rien. Tout à coup, quatre flambeaux s'allumèrent. Il était allongé sur un lit confortable, autour de lui quelques meubles dont le style lui était inconnu et tout juste à côté de lui une vasque contenant de l'eau. Il en but une gorgée et s'aspergea le visage. Des centaines de questions tambourinaient dans son crane. La porte s'ouvrit alors et une voix se fit entendre, une voix grave qui lui disait d'approcher. Il passa la tête dans l'encadrement et découvrit un long couloir lui aussi éclairé de flambeaux. Tout le long, il y avait des symboles qui scintillaient en harmonie. Il passa devant plusieurs portes toutes fermées et il déboucha dans une immense salle. Partout des symboles luisaient faiblement et, ce qui l'intéressa d'avantage, il y avait là des dizaines d'armes et d'armures magnifiquement ouvragées. Au bout de la salle, trônait ce qui ressemblait vaguement à une énorme enclume. Derrière elle, à moitié cachée dans l'obscurité, une créature arborant apparemment une paire de cornes le regardait.

Il hésita à avancer mais la voix le rassura.

- N'aie pas peur. Nous n'en voulons pas à ta vie. Sinon nous t'aurions abandonné à ton triste sort.

Effectivement le raisonnement se tenait et il s'avança, jusqu'à une distance raisonnable.

- Je vous remercie de m'avoir sauvé.

- Ne nous remerciez pas, coupa la créature. Hélas nous n'avons pu sauver vos compagnons, ils ont tous péri.

- C'est une chance que vous m'ayez trouvé.

- Ce n'est pas de la chance, nous savions que celui que nous attendions tous serait là.

- Je ne comprend pas très bien.

- Nous venons de loin et nous cherchons des personnes au destin particulier et vous faites partie de ceux là.

Kalhid plissa les yeux.

- Vous attendez quelque chose de moi n'est-ce pas ?

Tombée du Ciel : Acte 2

Le Chant du Cristal

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La marche dans le Désert n'était pour eux qu'une promenade de santé. Ils avaient une mission de la plus haute importance et à chaque levée du soleil, les prières étaient prononcées avec une ferveur incroyable. Galvanisés par leur foi, ils ne virent pas le temps passer. Enfin, au milieu d'une journée particulièrement radieuse, tous l'entendirent. C’était comme une sorte de chant, majestueux. Il les appelait, les guidait jusqu’à l’endroit de l’impact. Plus ils progressaient et plus le chant devenait clair. Alhem s’arrêta brusquement de marcher.

- Pourquoi t’arrêtes-tu ? dit Aziz en posant sa main sur l’épaule du prêtre de Sol’ra.

Les autres nomades les regardaient, attendant les paroles de leur chef spirituel.

- Ce chant est un appel au secours. La pierre vit, elle résonne et raisonne. Les infidèles sont nombreux et puissants. Elle est en danger. Nous devons faire vite avant qu’il n’arrive une catastrophe.

Aziz se tourna vers Kararine et prit l’air le plus autoritaire possible.

- Tu vas partir en éclaireur et nous faire un rapport sur ces chiens qui osent s'approprier ce qui n’est pas à eux.

Pour toute réponse, la jeune femme le salua de la tête avant de se mettre à courir dans la direction de l’impact.

Quelques heures plus tard, elle arriva enfin à destination et son coeur se serra lorsqu’elle posa les yeux sur la pierre. Elle était magnifique et baignait dans une lumière rappelant à la jeune femme le temple de Sol’ra lorsque le soleil, au zenith, léchait de ses rayons les murs de la salle de prière. Au pied, de part et d’autre, il y avait deux camps. Un aux tentes bleutées parées d’oriflammes aux symboles de Dragon, l’autre aux tentes rouges bien alignées. Un peu partout, il y avait divers campements plus au moins gros aux styles parfois très différents. Kararine estima qu’il y avait beaucoup de monde, mais que de toute façon Sol’ra protégerait ses fidèles et qu’ils viendraient facilement à bout de ces parasites. Intérieurement, elle jubilait déjà, imaginant les combats qui allaient avoir lieu. Bientôt ce dit-elle, ces tentes brûleront dans les flammes de la fureur du dieu soleil. Tout à coup, elle entendit des bruits de pas qui s’approchaient d’elle. Elle sentait que l’air se rafraîchissait. Les bruits cessèrent et une voix à l’accent étrange s’éleva.

- Vous entendez ce chant vous aussi ?

Kararine risqua un coup d’oeil en dehors de sa cachette. Il y avait là une femme à la peau bleue pâle et au regard intense. il y avait chez cette personne comme un pouvoir caché qui mis en confiance la jeune nomade. Elle se décida à aller examiner cette étrangère. Sans prononcer un mot, elle tourna autour d’elle et comprit que le froid émanait de sa personne.

- Qu’est-ce que vous êtes ? De quel chant parlez vous ?

- Je suis Yilith, j’ai fait un long voyage jusqu’ici et j'entends un chant dans ma tête. L’entendez-vous ? Tout cela est incroyable.

Pour Kararine, cette infidèle cherchait à la déstabiliser. Elle devait prévenir Alhem et Aziz le plus vite possible.

- Je ne sais pas de quoi vous parlez ? s’exclama-t-elle en reculant. Elle dégaina une dague et se mit en position défensive. Laissez-moi tranquille et il ne vous arrivera rien.

- D’accord, vous n’êtes pas très aimable. Je vais voir si d’autres personnes pourront m’aider. Puis elle continua son chemin comme si de rien n’était.

Kararine continua ses investigations dans la forêt qui se trouvait non loin de là car il lui semblait y avoir de l’agitation. Le plus furtivement possible, elle se déplaça en espérant cette fois ne pas faire de mauvaise rencontre. Là aussi, manquant de chance ou peut-être à cause de sa méconnaissance des lieux forestiers, elle faillit de peu se faire empaler par une dague de lancer. Alors, une personne vêtue de gris avec une cagoule assez déroutante lui bondi dessus sans crier gare. Cette fois, il n’en fallait pas plus à la jeune femme pour la mettre en colère. Elle esquiva avec agilité tout en prenant une dague dans chaque main. Elle répliqua avec vitesse prenant son adversaire de court, mais celui-ci para une dague et tenta une acrobatie pour éviter l’autre qui coupa net un morceau de sa cape. Le combat dura ainsi plusieurs heures, tous deux étaient de forces équivalentes mais Kararine avait établi un plan, peu à peu elle se rapprochait des siens. Si bien qu’au bout d’un moment l’ashashine (car tel était le nom de son rôle chez elle) sut que son ennemi allait perdre car désormais, ils étaient cinq contre elle. C’est Aziz qui se lança dans la bagarre, déroutant le Traquemage qui esquiva de justesse une lance qui aurait dû le traverser de part en part. La situation lui échappait, sa proie aussi. Il fallait de nouveau disparaître pour repenser sa stratégie. Il s’enveloppa dans sa cape et se jeta par terre. Le tissu s'aplatit alors contre le sol avant de se faire couper en petit morceau par Kararine et Aziz. Hélas, le Traquemage avait disparu.

L’éclaireuse expliqua alors ce qu’elle avait vu et qui elle avait rencontré. Elle insista sur l’étrangeté des infidèles et proposa de ne pas attaquer de front sans quoi la défaite, malgré l’appui de Sol’ra, serait cuisante. Aziz, qui avait longuement servi dans l’armée de Kahani III proposa, en attendant l’arrivée des renforts, de tenter de s’approcher de la pierre en menant de petites attaques ciblées contre des groupes de peu de guerriers. Alhem accepta avec une certaine réticence, mais il fallait impérativement suivre les ordres de Ïolmarek et il était certain que les infidèles croiseraient leur route. De plus la pierre les appelait, il fallait faire vite désormais.

Ces infidèles allaient goûter la puissance des fidèles de Sol’ra. Ainsi, les Nomades du désert entrèrent dans le conflit de la Pierre Tombée du Ciel.

La Malédiction

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La porte était ouverte, et la lumière qui s’en échappait faiblissait doucement. Sangrépée et Sanvisage se regardèrent un long moment avant que l’un deux ne prononce le moindre mot.

- Et maintenant ? Il se passe quoi ? dit l’Hom’chaï à sa compagne ?

- Et bien, on y va !

Mais a peine eut-elle fini sa phrase qu’une forme se dessina. Un homme passa le seuil de la porte, fit quelques pas et s’écroula. Puis, sans le moindre bruit, la Porte de l’Infini se referma, puis disparu. Les deux Zil firent les gros yeux, ils ne s’attendaient vraiment pas à ça. On leur avait promis un retour chez leurs semblables, et ils se retrouvaient finalement avec quelqu’un débarqué de nulle part.

Sangrépée examina l’inconnu. Celui-ci portait une magnifique armure de plaques couverte de cuir durci, qui lorsqu’elle était neuve devait probablement être rouge. Une capuche couvrait sa tête, laissant apparaître quelques mèches de cheveux que le temps avait grisé. L’Elfine se pencha sur le corps inanimé et souleva la capuche.

- Il est en vivant. Ramenons le à Kriss, il pourra probablement voir ce qu’il a.

Sansvisage attrapa l’inconnu et le jeta sur son épaule tel un vulgaire sac.

Tout au long du chemin vers le campement du reste de la guilde, Sangrépée semblait perdue dans ses pensées. Quelque chose la dérangeait sans trop savoir quoi. Elle avait cette vague impression que cet inconnu n’était pas si inconnu que ça. Arrivés au chapiteau, ils furent accueilli par Abyssien.

- Vous voilà enfin, nous avons des choses à nous dire.

- Nous aussi nous avons des choses à te dire. Nous devons voir aussi Télendar et Kriss pour qu’on leur explique.

- C’est une longue histoire, mais Télendar n’est plus des nôtres. Je reprends le rôle de chef des Combattants de Zil.

C’était décidément une journée pleine de surprises !

- Euh... Très bien, de toute façon je ne l’ai jamais aimé. Quand il a pris ta place à l’époque je lui aurais bien mis quelques tartes.

- Sansvisage, toujours en finesse et en poésie.

Ce dernier posa délicatement son paquet au pied de leur ex-nouveau ou nouveau-ex chef qui regarda l’inconnu d’un regard étonné.

- Ça alors ! Cette armure me dit quelque chose.

- Toi aussi ? coupa Sangrépée. Depuis qu’on l’a trouvé, j’ai l’impression de le connaître.

- C’est parce qu’on vous a sûrement raconté cette histoire. Enfin, son histoire lorsque vous étiez chez les humains à Yses.

Sur cet entre-fait, Kriss attiré par l’attroupement rejoignit ses compatriotes.

- Qu’est-ce qu’il se passe ici ? interrogea le musicien.

- Tu tombes bien toi, tu peux regarder ce qu’il a. Ordonna le chef des Zil en montrant l’inconnu.

- Oui bien sûr, mais pas ici. Sansvisage, amène-le dans ma roulotte, je te prie.

Abyssien et Sangrépée s’installèrent confortablement sous le chapiteau qui, en dehors des représentations, servait d’immense salon où les membres de la guilde pouvaient se prélasser à leur guise.

- Alors cette histoire ?

- Oui, j’y venais, dit-il en posant son chapeau.


Tout autour d’eux, le chapiteau disparut pour laisser place à une forêt lugubre. Là, un animal se faufila entre les arbres, puis en vint un autre, puis un autre pour finalement former une meute. Puis ils sortirent du bois. Sangrépée les reconnut : des Volks ! C’étaient de terribles créatures quasi disparues à l’heure actuelle. L’un d’eux était particulièrement imposant. Il était visiblement leur chef. La suite ne fut que carnage. Les volks attaquèrent plusieurs villages et dévorèrent tout les êtres vivants qu’ils purent, autant par plaisir que par faim. La scène changea, désormais ils étaient dans un château. Là, trois personnes noblement vêtues devisaient vivement.

- Sire, nous avons tout tenté contre les volks, sans succès. Ils sont doués de raisons et leur chef nous sent arriver.

L’homme couronné fixa le sol réfléchissant à la meilleure solution.

- Je ne vois plus que lui pour nous venir en aide. Je sais que vous ne l'appréciez guère, mais il faut vous faire une raison.

- Vous n’y pensez pas ! Gaumatta, malgré l’amitié qui nous lie, ne pouvez-vous pas intervenir plutôt que de faire appel à lui ?

- Mergis, tu es certes mon ami, mais ma décision est prise. Bardiya, allez prévenir Kolodan de la situation.

L’image se brouilla et le chapiteau réapparu. Kolodan !! Elle connaissait cette histoire. Ce protecteur fut le dernier rempart contre ces monstres. Il les décima tous et combattit leur chef durant des jours. Puis, après cela, il disparut mystérieusement.

- Tu veux dire que cet homme est Kolodan ?

- Ce n’est pas certain et la meilleur façon de vérifier ça est de lui demander.

La nuit tomba sur le Tombeau des ancêtres. Kriss avait officié et ses quelques blessures n’étaient plus qu’un souvenir. Abyssien, Sangrépée et Sansvisage attendaient autour du feu que Kriss leur donne des nouvelles. La porte de la roulotte s’ouvrit.

- Sansvisage, viens donc nous filer un coup de main.

Le musicien tenait par le bras l’inconnu qui avait repris connaissance. Ils l’installèrent avec eux autour du feu. Tous attendaient la suite de l’histoire, était-ce Kolodan ?

- Qui êtes vous ? demanda Abyssien.

- Je... Je suis Kolère...

- Kolodan vous voulez dire ?

- Kolo... Non ! Cet être-là a disparu il y a longtemps. Il ne reste plus que celui qu’il est devenu.

- Et qu’est-ce que vous êtes devenu si je peux vous demander ça ?

- Je ne suis pas homme, mais pas tout à fait volk. Je ne suis que Kolère.

- Où étiez vous durant tout ce temps ?

- Tout ce temps ? Quand sommes-nous ?

- Si mes souvenirs sont bons, les sept royaumes utilisent le calendrier impérial. Nous sommes donc en l’an 105.

Ce fut comme un coup de poignard pour Kolère. Plus de vingt années s’étaient écoulées sans qu’il ne s’en rende vraiment compte.

- Où étiez-vous, ajouta une Sangrépée visiblement passionnée par le sujet.

- J’étais... j’étais...

Il ne termina pas sa phrase. Il fixait le ciel avec crainte. La lune se levait, immense et rouge. La malédiction opéra.

- Nooon ! Non non non non non non ! cria-t’il.

Une transformation s’opéra alors. Kolère se tordit de douleur, de longs poils noir apparurent sur ses bras, son armure céda par endroit. Puis son visage changea, s’allongea en un long museau, ses dents poussèrent. Il était devenu moitié homme, moitié volk. Bien qu’il fut visiblement enragé, il s’arrêta brusquement devant Sangrépée. Il fut littéralement hypnotisé par la jeune elfine. La colère partit peu à peu.

L'Ordalie

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Ïolmarek attendait patiemment le reste des troupes qui devaient le rejoindre pour prendre ensuite la direction de l’impact. Il flânait dans la cour principale du temps de Sol’ra, perdu dans ses pensées. Voilà maintenant de très longues années qu’il était au service du Temple et bien que sa foi n’ait jamais faibli, depuis le chant du cristal, le vieux prêtre était en doute. Pourquoi alors que durant ces dernières longues années la présence divine avait été faible, tout à coup une manifestation aussi importante de Solar se produisait ? Il se souvient que lorsqu’il fut jeune prêtre, il y eut une autre manifestation de ce genre, et cela c’était terminé en hécatombe. A quoi servirait ce présent ? Quel est la finalité de tout cela ? Autant de questions qui germaient dans l’esprit du vieil homme.

- Le doute ne t’est pas autorisé grand prêtre.

Ïolmarek sortit de sa rêverie et regarda autour de lui. La présence qu’il senti lui était étrangement familière, comme ressurgie du passé.

- Je connais cette voix, montrez-vous.

- Regardez-moi... père.

Il se tourna alors vers la statue qu’il avait fait sculpter il y a de cela presque trente ans. La jeune femme représentée était nimbée d’une douce lumière. Elle n’avait d’ailleurs plus l’apparence d’une statue figée, mais bel et bien d’une personne vivante. Ïolmarek tomba à genoux, le cœur serré les larmes lui vinrent.

- Dja.. Djamena, c’est bien toi ?

- Je viens à toi comme messagère. Écoute mes paroles car elles sont commandement !

Une Messagère ! Cela augurait quelque chose de très important car leur apparition était toujours synonyme de changement et d’intervention divine. Les écritures antiques inscrites sur les murs du temple faisaient état de plusieurs interventions de cette nature.

- Je t’écoute Messagère.

- Tu t’écartes peu à peu du chemin grand prêtre et celui qui m'envoie a besoin que ta foi soit infaillible. Je viens te soumettre à l’Ordalie !

- Que... Quoi !? Ïolmarek n’en crut pas ses oreilles. On le soumettait à une épreuve pour prouver sa foi. J’ai déjà prouvé ma fidélité par le passé et ma vie est au service de Sol’ra !

- La foi n’est pas une affaire de passé, mais de présent. Sol’ra a besoin de son grand prêtre et tu dois être prêt. Plusieurs évènements vont avoir lieu et les infidèles feront tout pour vous contrecarrer. Tu serras tenté et si ta foi n’est pas assez forte, tu mèneras les tiens à leur perte.

- Je me soumet à l’Ordalie, qu’elle est la tâche que je dois accomplir ?

- Un père et sa fille arrivent au temple. L’homme est aveugle et survit grâce à sa fille. Tu devras convaincre le père que Solar réclame sa fille, le condamnant à une mort certaine.

Effectivement une carriole tirée par un bœuf passa l’arche de l’entrée du temple. Une jeune femme tenait l’animal par une corde. Il fut frappé de stupeur lorsqu’il se rendit compte de la ressemblance frappante entre Djamena et cette jeune femme. Il comprit a quel genre d’épreuve il se confrontait. Le jeune femme aida son père à descendre puis tous deux avancèrent vers le vieux prêtre et firent le salut de circonstance une fois à son niveau.

- Nous avons fait un long chemin pour prier Sol’ra afin de lui demander son aide et qu’il guérisse mon père.

Sol’ra dieu du soleil et de la lumière était souvent invoqué lorsqu’il s’agissait de prière afin de recouvrer la vue, en de rares cas les prières sont entendues. Ïolmarek avait encore les mots prononcés par la Messagère et à cette épreuve il avait déjà la réponse.

- Quel est ton nom ? Demanda t-il.

- Djamena.

La coïncidence était de trop. Il lui prit la main et ce concentra, se focalisant sur l’âme qui habitait ce corps. Il sourit lorsqu’il comprit que cette âme était celle de sa fille. Sol’ra l’avait renvoyée vers lui. Plus jamais il ne douterait.

- Et bien Djamena, amenez donc votre père au pied de la statue afin qu’il se recueille, nous prierons avec lui.

Ils prièrent pour que Sol’ra prenne en pitié cet homme qui vivait dans le noir et pour que de nouveau il puisse voir la lumière. Ïolmarek utilisa ses pouvoirs et plaça ses mains sur les yeux de l’infortuné.

- Tes prières ont été entendues.

Lorsqu’il enleva ses mains l’homme cligna des yeux alors que peu à peu sa vue revenait.

- Je vois ! S’exclama-t-il. Je vois à nouveau !! Il tomba à genoux devant Ïolmarek, Djamena fit de même. Comment puis-je vous remercier ?

- Et bien gardez la foi et suivez les préceptes de Sol’ra, ne doutez jamais. J’ai besoin que vous me rendiez un service.

- Dites-moi, je ferais tout ce que vous me demanderez.

- Ta fille appartient à Sol’ra.

Cette phrase signifiait-elle qu’elle serait sacrifiée en son honneur ? L’homme ne répondit pas, abasourdi par cette nouvelle. Devait-il regagner la vue au prix de la perte de son enfant ?

- N’ayez crainte, j’aimerais qu’elle reste au temple et devienne prêtresse. Djamena fut surprise. Elle une servante de Sol’ra ? L’homme se leva et pris le visage de sa fille entre les mains.

- Si mes souvenirs sont bons, une jeune prêtresse ne doit pas être vue des hommes tant que les préceptes de Sol’ra ne lui sont pas parfaitement connus. Tu n’as eu jusqu’ici une vie de misère accompagnée d’un aveugle. Il est temps que tu vives ta propre existence, même si pour cela je ne devais pas te revoir avant longtemps.

Djamena se jeta dans les bras de son père comme s’ils se disaient adieu. Le grand prêtre observait la scène avec nostalgie. Lui aussi avait tenu sa fille ainsi, il se souvient de l’amour qu’il éprouvait pour elle. C’était pour lui une deuxième chance, un renouveau, une renaissance, il compris que ce que Sol’ra prenait, il pouvait aussi rendre.

Une fois l’homme parti, Djamena et Ïolmarek se retrouvèrent seuls. Là les yeux de la jeune femme changèrent et brillèrent de mille feux.

- Tu as réussi cette première épreuve, mais ils y en aura d’autres. Tu as deviné, je vais revenir mais pour cela il faut que je reste ici. Le moment venu je te rejoindrai, père.

Le Runique, chapitre 2

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Kalhid attendait une réponse, même s’il était certain que c’était “oui”. Mais après tout, il valait mieux cela que de retourner à l’esclavage.

- Il y a quelque chose que tu peux faire pour nous. Sache que tu es libre de refuser, la porte au fond de la salle t’emmènera vers la sortie. Car ce qui t’attend va être difficile à accomplir.

- Je ne suis pas un ingrat. Vous m’avez sauvé de la mort et je vous suis redevable. Alors je vous écoute, que souhaitez-vous que je fasse ?

La forme s’approcha du jeune homme, mais ce dernier n’osa pas lever les yeux car il était beaucoup trop intimidé.

- Bien, ton choix est fait, ta parole est donnée. Il y a plusieurs jours une météorite s’est écrasée au beau milieu du continent. Si l’évènement en lui même est assez banal, c’est la nature de la météorite qui nous intéresse.

L’Inconnu alla du côté des armes et armures et, tournant le dos à Kalhid, il continua son discours.

- Vois-tu, nous parcourons le monde à la recherche de certaines pierres qui possèdent des facultés magiques ou qui s’assimilent à cela. Or, celle-ci présente un grand pouvoir que nous ressentons jusqu’ici.

Il se baissa et, d’une main assez peu humaine, il attrapa un objet. Il revint ensuite face à son interlocuteur.

- Nous aimerions que tu ailles là où elle s’est écrasée, et que tu nous ramènes un morceau de cette pierre. Cette tâche est périlleuse, aussi nous te confions ceci. Il posa la chose au sol produisant un bruit métallique. Kalhid hésita puis l'attrapa. Aussitôt la chose se développa autour de sa main et de son poignet. C’était comme une sorte de gantelet. Le jeune homme sentait presque comme une sorte de conscience à l’intérieur.

- Ceci est un objet runique. Prends-en soin car tu devras le ramener. Plus vous serez en symbiose tous les deux, plus le gantelet se développera. Après quelques mouvements, il se rendit vite compte que le poids de l’objet ne correspondait pas à son apparence, mais pourtant il semblait très résistant.

- Je vous remercie. Si j’ai bien tout suivi, il me faut aller à l’endroit où une météorite s’est écrasée, en prendre un morceau et revenir ici. C’est cela ?

- Oui.

- Bien, cela ne me semble pas très difficile.

- Si, ça va l’être. Mais avant que tu ne partes, saches que ton nom n’est plus Kalhid, tu seras désormais le porteur de runes Harès.

Un nouveau départ, avec un nouveau nom ? Au final, il valait mieux ça. De toutes façons, il comptait bien changer de nom.

- Dehors un cheval et des provisions t’attendent. Va maintenant, nous t’attendrons ici.

Harès partit donc vers ce nouveau destin qu’on lui avait prédit.

Une semaine plus tard, Harès trouva le lieu de l’Impact. En chemin, il avait rencontré d’autres personnes qui, comme lui, allaient vers cette fameuse pierre. Il apprit que de grandes guildes étaient sur place et qu’elles se livraient à des affrontements pour sa propriété. Quand il arriva sur place, il y avait là un véritable champ de tentes. Si tout le monde voulait cette pierre, il doutait qu’on puisse le laisser prendre un bout comme ça. Il attendit donc la nuit pour agir. Une faible lumière s’échappait de la météorite qui s’avérait être bien plus grande qu’il ne l’imaginait. Il ne s’attendait pas non plus à tomber sur un os. Après tout, qui surveillerait une pierre grande comme deux maisons de peur que celle-ci se fasse voler ? Et bien visiblement, les Combattants de Zil, eux, le pensaient. Enfin, un Combattant de Zil : Marlok. Celui-ci passait une bonne partie de la nuit à étudier la pierre. Évidemment, il faisait ça le plus loin possible du campement des Draconiens.

Harès se dirigea vers la pierre puis une fois devant posa sa main gantée sur sa paroi. Marlok fut surpris car personne n'avait pu passer la barrière qui protégeait la pierre. Lorsqu’il vit Harès assener de grand coup dessus il n’hésita pas une seconde. La prudence avec la magie était de mise et là ce n’était pas de la magie, donc potentiellement encore plus dangereux. Le mage lança un sort de fusion golemique qui eu pour résultat un mélange surprenant entre le mage Zil et son vieux golem de cristal.

- Éloigne-toi de là ! Tu risques de provoquer des catastrophes.

Harès regarda l’étrange chose avec suspicion. Son gantelet réagit à la menace et recouvrit la totalité de son bras droit.

- Ce n’est que de la pierre, ni plus ni moins. Je ne veux que prendre un morceau. Ne vous inquiétez pas, il ne se passera rien de plus.

Golemarlok secoua la tête de façon négative et sauta sur Harès, des flammes apparurent dans ses mains. L’homme du désert esquiva de justesse et asséna un coup magistral à son opposant qui faillit se retrouver à terre. Mais Golemarlok était coriace et frappa de ses deux mains jointes sur l’épaule du colosse du désert qui vacilla. Mais, pour Harès, se battre était un art de vivre. Il ne comptait plus le nombre de fois où il s’était battu dans les mines pour sa survie et celle des êtres qui lui étaient chers. Et comme à chaque fois la colère montait rapidement. Les échanges de coups se firent plus violents, la magie du mage-golem glissait sur le gantelet runique du colosse comme l’eau sur une peau d'un serpent. Puis, ce même gantelet finit par recouvrir les deux bras d’Harès et les symboles gravés dessus flamboyèrent. Golemarlok ne connaissait pas cette étrange magie et il l’apprit à ses dépends. Il souffrait de plus en plus et un malaise s’installait, il perdait le contrôle de sa magie. Mais le mage Zil n’avait pas dit ses derniers mots, et si la magie était inefficace il avait bien d’autres ressources. Il contre-attaqua avec des lames de cristal infligeant de sévères coupures à son opposant. Mais la rage d’Harès surpassait la douleur. Il mit toutes ses forces dans un dernier coup. Golemarlok eut le réflexe de se séparer de son golem pour éviter le coup qui allait sûrement le tuer. Ce fut donc sa création qui accueilli le poing ganté dans un craquement qui signifiait destruction. Harès plaqua si fort le golem contre la pierre tombée du ciel que cette dernière se craquela, libérant quelques morceaux de cristaux jaunes qui se mêlèrent aux cristaux bleu-nuit du golem.

Le mage Zil était vaincu. Et alors qu’Harès jetait les restes du golem de cristal, des personnes s’approchèrent. Ils étaient trois, leurs habits arboraient l’emblème des Envoyés de Noz’Dingard. L’un d’eux s’inclina devant Harès.

- Je suis Aerouant, fils de Prophète. Je dirige actuellement les Envoyés de Noz’Dingard.

Harès ne savait pas vraiment qui ils étaient, mais il s’en fichait vraiment. Le mage ne voyant aucune réaction enchaîna.

- Nous vous remercions pour ce que vous avez fait. Les Combattants de Zil sèment le trouble dans la région et ont commis des crimes odieux, dit-il avec amertume.

Aerouant se pencha sur Marlok. Ce dernier ne pouvait plus bouger d’un pouce, traumatisé par la perte de son golem et de sa défaite cinglante.

- Marlok, au nom de Dragon je vous arrête. Vous serez jugé en Noz’Dingard. Anryéna a vraiment hâte de vous voir. Le jeune mage ne cachait pas une certaine joie.

- Je ne sais pas qui vous êtes mais si jamais vous avez un jour besoin d’aide, prévenez-nous, nous avons une dette envers vous, ajouta Aerouant.

Alishk serra la main d’Harès à la façon des hommes du désert.

- Tu viens du désert d’émeraude n’est ce pas ? Pourtant l’armure que tu portes ne me semble pas être fabriquée là bas.

Le colosse ne répondit pas et commença à ramasser les éclats de la pierre tombée du ciel.

Les envoyés repartirent avec leur prisonnier et Harès se remis en route sans plus attendre. Il suivit le chemin aller sans s’en écarter une seule fois et une semaine plus tard il était revenu à ce mystérieux temple. Là un homme l’attendait, d’une cinquantaine d’année les cheveux bruns longs au regard fier. Il portait une armure complète de plaque de couleur dorée et argentée.

- Bienvenue Harès, je suis le seigneur runique Eilos. Si tu es là, je suppose que tu as accompli ta mission.

Harès lui jeta le sac dans les bras.

- Viens, nous avons un présent pour toi, Harès le runique.

Intrigues

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Depuis la chute de la Pierre, de plus en plus de guildes et de curieux convergeaient vers les terres du Tombeau des ancêtres. Les tensions étaient à leur paroxysme et beaucoup racontaient déjà qu’une guerre avait lieu. Ceux qui étaient présents, qu’ils soient de la Kotoba, des Envoyés de Noz’Dingard ou d’autres guildes le savaient bien, le conflit plongeait peu à peu le continent vers un embrasement total. Tout cela pour le contrôle d'un pouvoir extraordinaire dont personne à part les Nomades du désert ne connaissait l'origine.

Un peu partout dans le monde, de valeureux aventuriers s'affrontaient parfois même avec des compagnons du passé...

Deux mois après le début des hostilités, en Kastel Drakren, la plus proche ville draconienne avant le Tombeau des ancêtres.

Lorsque l'issue d'une guerre est incertaine, on fait souvent appel à la politique et à l'étiquette pour tenter de trouver une solution satisfaisante pour tout le monde. Tout cela se passait évidement en coulisse, depuis quelques temps déjà, mais cela personne ne le savait, du moins jusque là. Drakren était souvent utilisé pour les rencontres entre des ambassadeurs de l'Empire de Xzia et les politiciens de la Draconie. Et en cette heure tardive, dans l'une des salles de réception, les tractations se menaient avec tact et phrases bien tournées.

Kimiko et Oogoe kage étaient missionnés par l'Empereur pour faire négocier le départ des Envoyés de Noz'Dingard, mais le négociateur envoyé par Dragon avait des années d'expérience et allait être un adversaire redoutable.

- Seigneur Galmara, je suis certaine que nous pouvons nous entendre. Vous savez bien que seul un accord entre nos deux puissances permettra de finir cette guerre stupide.

- Ma chère, ce que vous proposez me semble difficilement réalisable. Rendez-vous compte, le Tombeau des ancêtres est une zone neutre depuis la fin de la guerre entre la Draconie et l'Empire. Que cette partie du monde redevienne Xzia et qu'ainsi la pierre soit votre n'est pas possible.

- L'Empereur est conscient que cela risque de provoquer un conflit encore plus grand. Mais dans sa grande magnificence, nous vous apportons une proposition qui je suis certain vous satisfera pleinement.

Oogoe faisait partie du Corbeau une faction présente au sein de la Kotoba et qui jouait un rôle plus que particulier.

- En échange du retour du Tombeau des ancêtres dans l'Empire, nous vous accordons un droit de passage à vie sur ces terres. Et en plus de cela vos mages pourrons venir à Méragi étudier la Pierre, une fois que celle-ci y sera rapatriée, et seconder nos mages, ajouta Oogoe.

- De plus, coupa Kimiko, voici une somme offerte par l'Empereur en gage de présent. Nous savons que la Draconie souhaite ouvrir des écoles de magie, ceci pourra l'y aider.

Galmara savait que la proposition n'était pas dénuée d’intérêt, mais la contrepartie était trop faible.

- Vous êtes bien renseignés, cela ne m'étonne guère de vous ma chère. Je retiens cette proposition et accepte au nom de Dragon le présent de l'Empereur. Je vais de ce pas faire part de votre requête à qui de droit. Je vous convie à nous revoir demain afin de vous donner une réponse.

Galmara s'inclina devant ses invités et les laissa pour rejoindre dans une autre pièce plusieurs autres personnes arborant toutes les couleurs draconiènes. Il y avait là Anryéna et une autre personne dont le visage était caché par une large capuche bleue nuit.

- Seigneur Galmara, nous vous écoutons.

- Dame Anryéna, Seigneur Prophète, l'Empire de Xzia souhaite que le Tombeau des ancêtres repasse sous leur égide. En échange de quoi la Draconie aura accès, très probablement sous contrôle à la Pierre tombée du ciel afin de l'étudier.

Anryéna regarda en direction de Prophète, puis ce dernier pris la parole.

- Dragon a été formel, nul ne doit avoir cette pierre. Elle est le poison qui va ronger Guem et nous mener tous à notre perte.

Galmara fut perturbé en entendant Prophète. Il se connaissaient bien pour avoir eu de longues discussions par le passé, mais il ne reconnaissait ni le son de sa voie ni sa façon de se tenir. Mais sachant rester à sa place il ne dit mot à ce sujet.

- Très bien, mais la situation est délicate. Si la Kotoba et les Envoyés se sont soigneusement évités jusque là, nous parlons bien ici d'une probable guerre ouverte, dont nous sortirons tous perdants. Si je peux me permettre nous avons mieux à faire.

- C'est exact, répondit Anryéna.

A ce moment quelqu'un frappa à la porte et rentra. Il s'agissait de Marlok, mais celui ci était habillé au couleur de la Draconie. Il avança jusqu'à la petite troupe et mit genou à terre.

- J’ai identifié le “souci”. Nous pouvons vaincre la Kotoba si le plan ce déroule correctement.

Galmara ouvrit grand les yeux.

- De quel plan parlez-vous et depuis quand êtes-vous devenu membre des Envoyés ?

- Ceci est long à expliquer, et le temps nous manque cruellement, répondit le mage. Prophète, vous aviez raison les Combattants de Zil sont sous une emprise Néhantiste, certains d’entre eux, comme ce fut le cas pour moi n’agissent plus de leur propre chef. Nous pouvons les libérer et faire d’eux de puissants alliés.

Prophète avança jusqu’à la hauteur du mage.

- Lève-toi Marlok, tu as bien oeuvré. Tu regagnes ta place au sein du Compendium. D’autres risquent aussi de courtiser les Zil. Mets-toi en route avec Aerouant et pistez Télendar. Il ne doit pas être loin de son “maître”. Va, j’ai encore à parler avec le seigneur Galmara. Anryéna quitta la pièce en même temps que Marlok laissant Prophète et Galmara à leur discussions.

- Que pensez-vous des Nomades ?

- Je les ai côtoyé autrefois, il faut se méfier d’eux.

- J’ai peur qu’ils préparent quelque chose de grave. Seigneur Galmara, il va falloir user de ruse. J’ai une liste d’invités que je souhaite convier à une grande soirée, ici-même. Durant cette réception, il nous faudra découvrir des secrets et déjouer les complots qui se fomentent dans l’ombre.

Dans le couloir adjacent, Oogoe souriait. Oui, bien des complots se montaient...

Présage

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Toran avait vaincu Akutsaï et emprisonné Akujin. Ne souhaitant pas abandonner son ancien élève, le vieux maître avait décidé qu’il était temps pour lui de revenir au temple de Yafujima et qu’enfin Aku devienne vraiment un membre de l’Ordre. Il l’avait quitté il y a bien longtemps, honteux d’avoir échoué dans sa tache de maître Tsoutaï. A présent, il était en paix. Il avait réussi l’épreuve que la vie lui avait imposée et, si on voulait bien de lui, alors il reprendrait sa place.

Leur arrivée ne passa pas inaperçue. Toran avait bien choisi son moment pour rentrer, car il était précisément l’heure de l'entraînement dans la cour. Les présents s’arrêtèrent, s’écartant pour leur laisser le passage. Les chuchotements se mirent à bourdonner jusqu’à ce que Toran et Aku furent de l’autre côté de la cour. Alors, tous attendirent les paroles du maître du Temple, le vénérable Zaoryu. Ce dernier n’en croyait pas ses yeux. Il fut autrefois un ami proche de Toran et avait eu le même maître. Toran s’inclina devant Zaoryu en présentant un rouleau fermé d’un sceau de papier.

- Voici le Cherchefaille dénommé Akujin, autrefois nommé Senjin. Je souhaite qu’il soit à nouveau gardé par les Tsoutaï de Yafujima.

Zaoryu accepta le rouleau et le confia dans la foulée à un Tsoutaï au regard assez froid. Puis à son tour il s’inclina devant Toran.

- Je suis heureux de te revoir mon ami, ta présence et tes enseignements ont beaucoup manqué. Je pense que nous avons à parler. Le jeune homme à tes côté est-il ton ancien élève, Aku ?

Aku n’avait pas prononcé le moindre mot depuis des jours. A présent libéré de son Cherchefaille il se rendait compte du mal qu’il avait causé et la honte s’était emparée de lui. Il répondit à la question de Zaoryu par une affirmation de la tête discrète.

- Vénérable, je souhaite finir de transmettre mes enseignements à Aku.

- Et tu souhaites donc rester ici et revenir parmi ceux que tu as abandonné ?

Toran se sentit mal. Oui, il les avait abandonnés.

- Mais nos enseignements sont tels qu’il ne nous est pas autorisé de vous refuser votre réintégration. Les blessures sont pansées et il faut désormais se tourner vers l’avenir. Toran ton erreur t’es pardonnée. Aku redevient ton élève...

Il fut interrompu par le cris de Aku.

- Maîtres, regardez, dit-il en désignant un immense oiseau qui passait au dessus d’eux. C’est un Cherchefaille !

Les Tsoutaï s’exclamèrent, aucun d’eux à part Aku n’avait ressenti sa présence, pas même Toran. Cela rappelait à tous quelle affinité avait le jeune homme envers le monde des esprits. L’oiseau, qui se trouvait être un Héron passa au dessus du temple et commença à s’éloigner.

- Toran, veux-tu suivre ce Cherchefaille et trouver pourquoi celui-ci se balade librement dans notre monde ? Surtout un Héron.

- Oui. Aku, reste là. Je reviens dès que je peux.

Le vieux Tsoutaï s’en alla rapidement avant de perdre la piste du Héron. En route, il se remémora une légende au sujet d’un Cherchefaille Héron.

Okïa, village Xziarite en bordure du tombeau des ancêtres. Hime avait été envoyées en tant que renfort auprès de la Kotoba et sur les recommandations du maître traqueur, Tsuro. Mais elle devait rester discrète car des informations lui indiquaient que des espions pouvaient surveiller les environs. C’était la nuit et elle patrouillait de toit en toit lorsqu’elle manqua de peu de louper sa réception. Elle se sentait observée. Mais il n’y avait pas l’ombre d’un quidam dans les rues à cette avancée de la nuit. Elle descendit pour se cacher le temps de voir si on ne la suivait pas. Or, c’était le cas, un vieux bonhomme déboula dans la rue, cherchant visiblement quelque chose, ou plutôt quelqu’un. Elle attendit patiemment qu’il passe à son niveau pour lui bondir dessus. Hélas pour elle, le vieux était Toran, qui ne fut guère surpris, prévenu par ses Cherchefailles. Ces derniers sortirent au moment de l’agression pour le protéger. Hime fut très surprise et recula de quelques pas. A ce moment là apparu devant la jeune fille un immense Héron violet qui écarta ses ailes. Le Tsoutaï n’en revenait pas, la jeune femme non plus d’ailleurs.

Les esprits se calmèrent lorsque chacun reconnût l’ordre dont faisait partie l’autre. Puis le Héron disparut, voyant que Hime était sauve et la situation sans danger. Toran observa la jeune fille avec beaucoup d'intérêt et remarqua les tatouages violet caractéristiques d’un lien avec un Cherchefaille.

- Que me voulez vous vieux pervers ?, lui lança Hime voyant ses yeux se balader sur son corps. C’était quoi tout ça ??

- Comment as-tu obtenu ces tatouages ?

- Et bien, je les ai depuis toujours.

- Bien, voilà quelque chose d’intéressant. Je veux parler à Tsuro, je sais que tu peux le contacter et ta présence ici indique de toute façon que tu devais probablement être en route pour le rejoindre.

- Je ne vois pas de quoi tu parles.

- Tu fais la maligne. Mais je sais que tu sens sa présence depuis toujours, que parfois tu as des rêves ou des visions que tu n’expliques pas. Je peux t’aider à comprendre ce qui arrive, mais je dois parler à Tsuro.

Il avait raison. Elle connaissait de réputation les Tsoutaï et c’est vrai qu’elle n’avait jamais pensé à eux pour régler son problème.

- D'accord, je vais le faire.

Le lendemain en toute fin d’après midi, Ramen, le très célèbre vendeur de nouilles s’était installé sur la place du village. Hélas pour lui, ses deux seuls clients, pour cause de réquisition se trouvaient être Toran et Tsuro. Ramen devrait être honoré de leur présence dans son humble échoppe. Mais deux clients, c’était mauvais pour ses affaires. Mais là n’était pas le sujet.

- Que sais-tu de Hime ?

- Tout, ou presque. Elle a fait une sottise ?

- Non non, bien au contraire, je pense que sa destinée n’est pas celle qu’elle pense avoir.

- Soit plus clair veux-tu, les élucubrations des Tsoutaï sont toujours difficiles à comprendre.

- Hime est une Tsoutaï.

Tsuro ne parut guère étonné.

- Oui je le savais, mais ses talents sont au service de l’Empereur et l’Empereur souhaite qu’elle fasse partie de mes Traqueurs. Tu ne voudrais pas fâcher l’Empereur n’est ce pas ? De plus, j’ai beaucoup d’espoir pour son avenir au sein de mon ordre. Le vieil homme baissa la voix pour ne pas qu’Amaya, qui gardait l’entrée, ne l’entende. Plus tard, elle a de bonnes chances de prendre ma place.

- Mais si elle ne maîtrise pas son Cherchefaille, elle risque de provoquer des accidents et ainsi nuire à l’image de l’Empereur. Tu ne voudrais pas que l’Empereur apprenant cela se fâche non ?

Un silence pesant s’installa entre les deux hommes. Chacun ne voulait pas donner raison à l’autre. Mais c’est Toran qui trouva la solution.

- Oryukage. Tu connais ce nom ?

- Pfff, oui, bien sur, il fut un de mes prédécesseurs, il y a plusieurs siècles de cela.

- Et il était aussi le seul faire partie de nos deux ordres.

- La situation était différente.

- Non, pas différente. Je pense qu’Hime est sa descendante, je n’en sais pas plus pour le moment, mais le Cherchefaille d’Oryukage était un Héron, comme celui de Hime. Je te propose qu’elle suive donc nos deux enseignements. Je n’avais pas ressenti une telle puissance depuis Aku, et cette fois-ci je ne compte pas faire d’erreur. Réfléchis donc au potentiel qu’elle peut apporter à l’Empire.

Tsuro se grattait la barbe.

- J’ai besoin d’elle pour une mission. Mais, dans un mois, je te l’enverrai.

Avec beaucoup d’ironie, Toran répondit.

- Je suis sur que l’Empereur ne sera pas fâché.

Le Bal des courtisans

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Kastel Drakren, plusieurs semaines après la rencontre entre le seigneur Galmara et les Envoyés de Noz’Dingard...

Comme convenu, il avait porté la nouvelle à une liste au combien particulière d’invités prestigieux. Tous jouaient de grandes batailles, mais point d’armée pour eux, seule la parole leur servait à vaincre. L’intrigue, la politique et les complots étaient le quotidien de ces hommes et femmes. Galmara savait que réunir toutes ces personnes lors d’une soirée donnerait un évènement dont tous se souviendraient. Depuis, il avait reçu de nouvelles consignes suite au refus de laisser l’Empire de Xzia redevenir maître du Tombeau des anciens. Il devait désormais se focaliser sur les gens venus du désert, empêcher la Kotoba d’avoir de nouveaux alliés, et voir si les Combattants de Zil pouvaient, ou non, servir les intérêts de Dragon, rien d’inhabituel en somme.

Tous avaient répondu présents et la soirée s'annonçait passionnante. Oogoe Kage, Kimiko, Hasna, Marlok, Angélique et Masque de fer avaient fait le déplacement jusqu’au château et chacun d’eux étaient un redoutable adversaire. Galmara les accueillit dans la grande salle de bal. Il y avait aussi des notables des environs ainsi que les gens de compagnie des courtisans. Il allait commencer son discours de bienvenue, comme le voulait le protocole, lorsque le portier annonça une nouvelle personne.

- Dame Ishaïa, envoyée du Conseil.

A ce nom tous se retournèrent. Galmara fronça les sourcils, cette personne n’était pas invitée, surtout pas elle. Ishaïa faisait partie du Conseil, une guilde co-créée par les puissances de ce monde afin de réguler les autres guildes. Son pouvoir était au moins aussi grand que celui d’une nation et les décisions du Conseil devaient être respectées sous peine de terribles représailles. Enfin, le Conseil était le seul à autoriser la création de Guilde et le seul à pouvoir les dissoudre.

Ishaïa était probablement l’une des personnes les plus craintes de ce monde. Sa beauté fatale cachait un esprit vif et une intelligence redoutable. Et, ce soir là, aucune autre femme ne pouvait se vanter d’être son égale. Avançant au milieu des convives elle salua au fur et à mesure ceux qu’elle connaissait. Galmara s’empressa d’aller à sa rencontre pour ne pas faire d’erreur. Ne pas accueillir convenablement un membre du Conseil en cette soirée pouvait provoquer des vagues. Le baise-main fut de rigueur.

- C’est toujours un plaisir que de recevoir un membre du conseil.

- Pas de balivernes, seigneur Galmara. J’ai eu vent de cette petite réception, vous ne m’en voulez pas, j’espère, de m’y être invitée.

- Certainement pas, vous n’avez nul besoin d’invitation.

- C’est exact. Mais, très cher, j’ai vu que vous alliez ouvrir la soirée. Je vous en prie, faites donc.

Le courtisan regagna l’estrade avec rapidité.

- Chers amis, le monde aujourd’hui est au bord de la ruine. Nous savons tous qu’il ne tient qu’à nous de trouver une solution diplomatique. Nous avons tous des connaissances, des amis, de la famille qui en ce moment même s’inquiètent pour leur avenir. C’est pour cet avenir que vous êtes là ce soir. Il est temps que nous retrouvions confiance les uns en les autres.

Tous applaudirent, pour beaucoup par politesse plus que par conviction. Une douce musique commença et des servants entrèrent en salle, apportant alcools raffinés et mets succulents. Et les discussions d’usage débutèrent.


Dans leur coin, Masque de fer et Oogoe se donnaient les dernières nouvelles.

- Marlok a réussi.

La voix de Masque de fer était rauque et semblant venir de très loin. Le courtisan Corbeau jouait avec une plume noire de geai.

- C’est à la fois une bonne chose et une mauvaise. S’il a restitué les pierre-coeur aux Zil, il a déjà commencé à les mettre de son côté.

- Oui, pour une fois, les Envoyés ont brillé. C’est un réel exploit que de reprendre à un Nehantiste des pierres-coeur noircies. Il m’a fallu beaucoup d’efforts pour que Marlok joue son rôle. Mais c’est fait, comme prévu.

- Désormais il faut faire en sorte que les Zil gardent leur indépendance. Et pour ça, j’ai une solution à apporter.

- Quelle est-elle ?

Oogoe sorti alors un parchemin d’une de ses nombreuses poches cachées.

- Ceci est un acte de propriété. Le Corbeau offre aux Zil un morceau de terre tout prêt de la frontière avec le Tombeau des ancêtres. Je sais bien que vous aimez voyager à travers le monde, mais cet endroit pourrait vous donner un pied à terre solide et vous permettrait d’être chez vous. Masque de fer faisait tourner un délicieux vin d’Yses dans son verre de cristal. Finalement il attrapa le papier.

- Les Combattants de Zil n’oublieront pas ce geste.


De son côté, Marlok voulait en savoir plus sur cette Ishaïa. Son nouveau rôle au sein des Envoyés le plaçait devant des situations inconnues. S’il avait déjà entendu parler du Conseil, il n’avait jamais croisé un de ses membres. Voyant que peu de personnes l’avait invitée à danser, il se lança.

- M’accorderiez-vous cette danse, ma Dame ?

- Volontiers, ils pensent tous que je dois mordre parce que je suis du Conseil, dit-elle en saisissant la main.

Marlok ne vit pas le regard noir d’Angélique qui en cet instant mourrait de jalousie. Les danseurs tournoyaient à un rythme relativement lent, ce qui leur laissa le temps de discuter.

- Vous êtes Marlok n’est ce pas ? J’ai entendu parler de votre si singulière histoire.

- Triste histoire, heureusement pour le moment elle se termine bien.

- J’ai lu le rapport que Prophète a envoyé au Conseil, et de votre coup d’éclat. Impressionnant.

- Je vous remercie du compliment.

- Je sais donc que les vôtres, et donc que vous, avez affronté un Nehantiste.

Marlok cessa de danser.

- Allons parler de ça un peu plus loin, voulez-vous, lui dit-il en lui tendant le bras, qu’elle saisit en toisant l’assemblée d’un regard espiègle.

Sur l’un des nombreux balcons du château, les deux courtisans continuaient leur discussion. Au loin, la pierre tombée du ciel luisait faiblement comme si une étoile brillait sur Terre.

- Vous permettez ?

Marlok fit apparaître cinq petits cristaux bleutés.

- Rassurez-vous, c’est uniquement pour que nos paroles restent entre nous.

Ishaïa acquiesça et le mage plaça à distance égale les cinq cristaux au sol autour d’eux. Puis, d’un geste, ces derniers lévitèrent et une sorte de bouclier magique bleuté se forma, tel une bulle.

- Voilà nous pouvons parler librement. Que voulez-vous savoir ?

- Ce n’est pas tant ce que je veux savoir l’important, mais ce que je vais vous apprendre. Voilà déjà plusieurs mois que nous observons des comportements inquiétants au sein des guildes. Ce qui s’est passé avec les Combattants de Zil n’est pas isolé. Le nom de Nehant revient sans cesse et votre dernier rapport le confirme. Nous pensons qu’un ou plusieurs Nehantistes profitent du conflit de la Pierre Tombée du Ciel.

- Nous avons affronté un Nehantiste effectivement, mais nous ne l’avons pas vaincu, seulement fait fuir. S’il y en a plusieurs, j’ai bien peur que nous ayons beaucoup de soucis si nous devions les affronter.

La jeune femme prit un air sérieux.

- Le Conseil souhaite vous confier une mission, dit-elle en attrapant un des rouleaux attachés à sa ceinture.

Marlok fut surpris.

- Pourquoi moi ?

- Parce que vous avez l’expérience, la maturité et les dons nécessaires. Il nous faut le plus de renseignements possibles sur ce qu’il se passe en coulisses. Nous voulons des noms et surtout nous voulons savoir ce qu’est devenu Eredan.

- Rien que ça ! s’exclama t-il sur un ton ironique. Vous pensez sérieusement que tout seul je vais pouvoir agir au mieux ?

- Non, pas tout seul. Il y aura d’autres personnes qui auront la même mission que vous. Pour le moment et pour des raisons de sécurité, nous préférons que chacun garde l’anonymat.

- De toute façon, je n’ai guère le choix. Je dois me plier aux ordres du Conseil. Mais je suis lié à Dragon et Dragon saura ce qui se trame. Je doute que vous puissiez lui interdire de mêler les Envoyés de Noz’Dingard à cette histoire.

- Dragon sait déjà et nous avons convenu que pour le moment il n’interviendrait pas.

Marlok soupira puis ouvrit le parchemin et déroula l’ordre de mission. Après avoir parcouru son contenu, il le rangea.

- Je me mets en route dès demain.

- Alors si l’affaire est entendue, j’ai encore envie de danser.

Le mage annula son sort et tous deux rejoignirent l’assemblée.

- Une dernière chose, méfiez-vous de ces deux là, dit-elle en montrant Masque de fer et Oogoe.

Mort et renaissance

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Prophète gisait allongé sur une table de cristal disposée au milieu de la grande place de Noz’Dingard. Le peuple était en deuil car désormais il n’avait plus de meneur. Anryéna, les yeux rougis par les larmes incessantes serrait la main de son fils. Autour d’eux, le silence n’était perturbé que par les pleurs des femmes. Kounok désormais de taille adulte dépassait de très loin tous les présents. Il se rendit compte, en voyant que quasiment toute la ville était venue, à quel point son frère était aimé. Naya et l’ordre des Sorcelames presqu’au complet saluait sa mémoire.

Tous lui dirent adieu.

Comme le veut la tradition, la nuit tombant sur Noz’Dingard, la foule s’éparpilla et, très vite, il ne resta plus qu’Anryéna et Kounok. Alors l’immense gemme bleue, point central de la vie en Draconie s’illumina. Une forme se dessina, d’abord simple lueur bleutée elle se matérialisa en un majestueux et immense dragon. Il se posa alors à proximité du défunt. Un halo apparut autour de Prophète et un double spectral sortit de lui. Anryéna semblait à la fois heureuse de revoir son fils, mais elle savait que c’était là sa dernière apparition.

- Ton existence est arrivé à son terme, je suis venu te chercher pour t’accompagner jusqu’à ta dernière demeure.

Prophète s’approcha de sa mère et, de sa main fantomatique, lui caressa la joue. Anryéna pleura de plus belle.

- Mère, retient tes larmes. Je serais toujours auprès de toi et Dragon va veiller sur moi.

- Je sais mon fils, je sais. Mais une mère a le droit de pleurer la mort de son enfant.

Kounok n’avait pas bougé d’une écaille et regardait son frère avec insistance. S’il avait pu parler, il lui aurait dit combien il allait lui manquer. Comme si Dragon avait su lire en lui, ce dernier approcha son immense tête.

- Es-tu prêt à prendre la relève Kounok ?

Anryéna protesta alors vivement.

- Quoi ? Me prendre un de mes enfants ne te suffit pas père ? Tu veux à présent faire prendre des risques inconsidérés à ton dernier petit fils.

Mais Kounok comme pour répondre regarda Dragon et acquiesça de la tête.

- Il a fait son choix ma fille. La Draconie a besoin d’un guide et, en cette ère de conflit, un nouveau Prophète doit apparaître.

- Mais Kounok n’est pas un mage. Or, tous les Prophète l’ont été auparavant.

- Il en est ainsi. Tes tentatives pour me dissuader sont vaines.

Anryéna baissa la tête.

- Mon frère, je sais que tu feras un Prophète fort et sage. Tu réussiras là où j’ai échoué.

L’ancien Prophète plaça sa main droite sur le museau de Kounok.

- Je te transmet la volonté de ceux qui nous ont précédés. Que leur sagesse et leurs connaissances soient tiennes.

A ce moment-là, une aura blanche enveloppa Kounok qui se sentit aussitôt comme assailli par des émotions et des images qui lui étaient inconnues. Dragon murmurait des paroles dans un langage inconnu. Kounok se transforma alors... en homme. L’aura blanche cessa peu à peu. Son incroyable ressemblance avec son frère était frappante. Il regarda ses mains puis toucha son visage en souriant. Il se racla la gorge et, pour la première fois de sa vie, put enfin s’exprimer par autre chose que par des grognements ou par le biais de la magie.

- Adieu frère, tu resteras à jamais dans mon coeur et dans celui de ceux qui t’ont connu.

Le fantôme de l’ancien Prophète disparut alors.

- Un Prophète part, un autre arrive. Comme tes prédécesseurs, un nouveau Chevalier dragon apparaîtra pour t’aider dans ta tâche.

- J’ai une bien meilleure idée, répondit Kounok.

- Je t’écoute, Prophète.

- Je ne souhaite pas de nouveau Chevalier dragon. Bien qu’il ait failli à sa tache, je veux garder Zahal auprès de moi.

- Si c’est là ton choix, je l’accepte.

- Ce n’est pas tout. Je souhaite aussi porter ce titre, car je ne suis pas mage comme mon frère, j’irais au combat l’épée à la main.

- Mais, cela va à l’encontre des règles, s’exclama Anryéna.

- Mère ! Les règles nous ont conduit à l’impasse. Il est temps de passer à autre chose et de montrer que notre peuple sait aussi se battre.

- Soit, je t’accorde ce droit.

- Encore une chose. Il me faut Chimère.

A ce nom, s’installa une sorte de malaise. Chimère était autrefois l’épée d’Ardakar qui restera comme le plus puissant des Chevaliers Dragon. C’est en partie grâce à lui que la Draconie l’emporta sur l’Empire de Xzia. Hélas Chimère, son épée fut l’instrument de sa chute lorsque la guerre contre Nehant éclata. L’épée fit faire des mauvaises actions à son porteur. Pour se débarrasser de l’emprise qu’avait Chimère sur lui, il n’eut d’autre choix que de la briser. Plus personne ne le revit jamais après ça. Le Prophète d’alors récupéra les morceaux de Chimère afin de les garder à jamais enfermés. Une épée apparut alors dans la main de Kounok. Sa lame de cristal était brisée et sa garde était usée.

- Dragon ! Pourquoi lui confier un tel instrument de mort ?

- Ma fille, je n’ai rien fait.

- Incroyable ! Elle est venue d’elle même !

- Elle n’est plus que le reflet de ce qu’elle fut jadis. Mais je sens qu’elle te sera utile.

Kounok regardait Chimère avec intérêt, il ne l’avait jamais vue ailleurs que dans un livre. Il espérait qu’elle devienne le symbole de la puissance militaire de la Draconie.

Plusieurs semaines passèrent et Kounok assurait pleinement ses nouvelles fonctions. Voilà quelques jours qu’il souhaitait repartir au Tombeau des Ancêtres et rejoindre les Envoyés, mis au courant de la nomination par Dragon de Kounok au rang de prophète. Mais le destin voulut que ce soit les Envoyés qui reviennent, du moins en partie, à Noz’Dingard. Prophète était en grande discussion avec quelques conseillers lorsqu’un garde lui apporta un message. Aerouant, Alishk et Zahal venaient d’arriver en ville et rapportaient avec eux Marlok le traître. Il les fit donc mander afin de les recevoir dans la grande salle. Zahal rentra en premier, tête basse, il savait qu’il allait être puni pour sa faute, suivi d’Alishk, de Marlok, maintenu prisonnier par des liens magiques, et enfin d'Aerouant qui en voyant Prophète fut déstabilisé. Kounok ressemblait tant à son père.

Zahal jeta Marlok au sol.

- Seigneur voici Marlok le t...

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que Chimère apparue dans la main de Kounok. Guidés par leurs instincts, ils avaient immédiatement vu une présence derrière Marlok, avec entre eux un lien étroit. Prophète frappa la présence avec rapidité et précision, coupant le lien invisible. Marlok perdit connaissance à cet instant. Une forme noire et vaguement humaine se forma.

- Aaahhhh, un nouveau Prophète... Tes jours sont comptés...

Puis la forme s’évapora.

Zahal, Alishk et Aerouant étaient abasourdis par la scène qui venait de se produire.

- Qu’est ce que c’était ?, demanda Aerouant.

- Je ne suis pas certain, mais j’ai bien l’impression que je viens de libérer Marlok de l’emprise d’un Nehantiste.

Zahal regardait l’épée de son nouveau chef, elle lui disait quelque chose. Puis ses souvenirs lui revinrent. Oui, il l’avait déjà vue, cette lame brisée... Chimère ! C’est à ce moment qu’il sentit que Prophète était aussi un Chevalier Dragon, ce qui l’affligea au plus haut point. C’était cela sa punition, allait-il perdre son statut ?

Le lendemain, Marlok avait repris connaissance. Bien sûr, il était enfermé dans une des cellules de la prison de la ville, bien gardé par deux Sorcelames. Mais de cela il se moquait bien car enfin il parvenait à penser par lui-même.

- Alors traître, tu es réveillé ?, la voie d’Anryéna symbolisait bien son sentiment du moment : la colère. Tu sais ce qui t’attend ?

Marlok se leva avec nonchalance et s'épousseta.

- Tu sais, je viens de vivre plusieurs mois sous l’emprise d’un Néhantiste. Tu peux bien me laisser croupir ici jusqu’à la fin de mes jours.

- Que... quoi ?

Marlok comprit aussitôt. Kounok ne lui avait rien dit.

- Je vois que ce Prophète-là se permet de te cacher des choses importantes. D’un autre côté c’est vrai qu’il est très différent de son frère.

- Je verrai avec lui.

- Voir quoi, mère ?, dit Prophète alors qu’il entrait dans la salle des cellules.

- Pourquoi vous ne lui dites pas tout, répondit Marlok.

Kounok regarda les Sorcelames.

- Veuillez nous laisser, je vous prie.

Sans bruit, les deux jeunes femmes quittèrent la salle.

- Je sais ce que vous avez fait par le passé Marlok. Voler des informations et des sorts interdits de cristalomancie sont des crimes graves. Mais je sais que vous avez toujours gardé ça pour vous. Ma mère vit dans ce passé et n’est pas capable de pardonner. Vous avez déjà été puni et je ne rajouterais qu’une chose. Vos fautes sont lavées, aujourd’hui plus que jamais la Draconie et les Combattants de Zil ont besoin de vous.

- Si j’ai été sous l’emprise d’un néhantiste, eux le sont probablement aussi n’est ce pas?

- C’est ce que j’aimerais savoir, ajouta Prophète en ouvrant la porte de la cellule.

Anryéna était blessée et en colère, mais comprenait que l'intérêt de la Draconie exigeait d’elle qu’elle ne fasse rien.

- Je vous renvoie parmi les combattants. J’aimerais que vous utilisiez ceci. Kounok tendait un monocle usé.

- Ceci a été fabriqué par Asal d’Arguemand, l’illustre inventeur de la cristalomancie. Il a été fabriqué durant la guerre contre Néhant afin de repérer les gens qui étaient sous emprise. Il vous appartient désormais. Vous êtes libre de faire ce qu’il vous plaît. Vous pouvez parfaitement ignorer, bien que cela m’étonnerait, la possession de vos amis Zil ou bien fuir. Ou vous pouvez revenir à vos racines et gagner votre place au sein des Envoyés. A vous de choisir votre chemin.

Marlok avait perdu plusieurs mois de sa vie et son golem bien aimé, qui lui avait d’ailleurs valu son renvoi du Compendium. Plus rien ne le rattachait désormais à cette vie d'errances. Par contre, il ne pouvait se résigner à abandonner les Zil à leur sort. Eux qui l’avait recueilli lorsqu’il n’avait plus d’endroit ou aller...

Abandonnée

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Ergue était fatigué. Son combat contre Tsuro et les Sorcelames lui avait demandé une attention de tous les instants. Il n’avait pas réussi à maintenir son état d’Abomination suffisamment longtemps pour les vaincre et la fuite était la seule solution qu’avait trouvé le chasseur Zil. Ses compagnons Soriek et Granderage étaient partis de leur côté pour brouiller les pistes. Depuis plusieurs semaines, ils dormaient dans les environs et jouaient à la guérilla, tantôt avec les Envoyés de Noz’Dingard, tantôt avec la Kotoba.

Ergue s’abreuvait à la rivière passant de l’autre côté de la forêt. Il vit alors coincé entre deux gros cailloux un morceau de tissu gris, puis le courant fit passer un autre morceau devant lui. Interloqué il jeta un œil un amont. Il vit plus haut une forme allongée sur la berge, à moitié dans l’eau glacée.

- Va voir. Chuchota une voix dans sa tête.

Il se releva et alla donc voir ce que cette chose pouvait bien être. Il devina en s’avançant qu’il s’agissait d’une personne. Ses habits étaient à moitié déchirés, Ergue releva un morceau de sa cape qui cachait en partie le visage de sa trouvaille. Il reconnu immédiatement à qui il avait à faire. Cette étoffe grise, ce masque si particulier, bien qu’il n’en ai jamais croisé, Ergue en était certain, c’était le Traquemage ! Mais pourquoi était-il dans cet état ? Et surtout... Le T.R.A..Q.U.E.M.A.G.E !!! Voilà une découverte sensationnelle, la réponse à bien des questions sur les origines d’un des plus célèbres assassins du monde. Ergue retourna le Traquemage qui était face contre terre, les formes sous le costume ne trompaient pas, c’était une femme. Des mèches de cheveux dépassaient de son masque presque entièrement déchiré, et le reste du costume n’était guère mieux. Le chasseur Zil en profita pour lui attacher les mains. Il décida de la ramener au campement, les autres sauraient probablement quoi faire avec elle.

En cours de route, la Traquemage se réveilla et prit doucement conscience qu’elle était trimballée comme un sac à patates. Ni une ni deux ses réflexes prirent le dessus. Un coup de genou dans le plexus, enchainé d’un coup de pied extrêmement bien placé et la voilà libre. Elle se mit alors à détaller comme un lapin. Hélas pour elle, Ergue était un chasseur et face à une proie en partie ligotée il n’eut pas de mal à la rattraper. Cette dernière se débattait avec rage et férocité, mais malgré cela, elle finit tout de même saucissonnée. Durant son retour au camp, Granderage rejoignit la petite troupe et fut fort intéressée, et il faut bien l’avouer un peu jalouse, de l'intérêt porté par son camarade Zil à ce “paquet”.

- Quesss que cessss ??

- J’l'ai trouvé au bord d’une rivière. C’est le Traquemage.

- Le quooi ?, dit-elle, l’air innocent.

- Tu sais bien, te fout pas de moi, compris, je suis pas spécialement d’humeur, rajouta-t-il en se tenant les côtes.

Un peu plus tard au campement Zil. Il n’y avait pas grand monde. Seul Abyssien, fidèle à son poste, gardait les lieux.

- Ah, Ergue, je commençais à m’inquiéter de ta présence. Soriek n’est pas avec toi, enfin avec vous puisque Granderage est là.

- Non, je sais pas où est passée cette barrique, mais il a intérêt à vite rentrer.

- Tu m’as l’air bien énervé, est-ce en rapport avec ce que tu as sur ton épaule et qui gigote ?

- Oui. Et il jeta sa prise sur l’un des nombreux coussins.

Abyssien se pencha sur la jeune femme qui grognait autant qu’elle pouvait. Il remarqua le costume et le reste de masque.

- Où l’as-tu attrapée ?

- Je l’ai trouvée au bord de la rivière à quelques heures d’ici. Elle était inconsciente.

Le chef des Zil s’adressa alors au Traquemage.

- Je vais vous libérer, nous ne vous voulons pas de mal, juste savoir ce qui vous est arrivé. Nous voulons vous aider. Vous ne pourrez pas sortir de ce chapiteau, je le scelle magiquement dans ce but. Avez-vous compris ? Le Traquemage fit oui de la tête et Abyssien après avoir clos les accès au chapiteau la détacha. Cette fois, elle ne fit aucun mouvement, mais des larmes coulait sur ses yeux.

- Êtes-vous réellement le Traquemage ?

- Je...

- Ne vous en faites pas, tout ce que vous allez dire restera entre nous.

- Je ne suis pas le Traquemage, mais j’aurais dû le devenir.

- Ah ? Vous alliez le remplacer ?

- Non, j’allais en devenir un, dit-elle avec une pointe de colère et d'amertume.

- Que voulez-vous dire par là ? Il y aurait plusieurs Traquemage ?

- Oui, nous... enfin ils sont nombreux à porter le costume.

Abyssien se retourna vers ses camarades.

- Apportez donc de quoi sustenter notre invitée.

Alors que Granderage et Ergue allaient chercher ce qu’il fallait, le chef des Zil en profita pour lancer un sort du Temps passé qui lui permettait de voir quels évènements avaient conduit cette jeune femme là où elle en était. Ce qu’il découvrit était une sacrée révélation. En effet, des images distinctes montraient plusieurs personnes en costume de Traquemage. Elles étaient toutes plus ou moins de la même taille. Elles entouraient la jeune femme comme dans une sorte de rituel. L’un d’eux s’avança alors.

- Je prends cette élève sous mon aile, je lui inculquerai nos secrets, je lui apprendrai à traquer et à tuer nos cibles sans jamais se faire prendre.

Un autre s’avança alors.

- Sombre, je prend ton nom car il n’est plus. Aujourd’hui tu es un Traquemage, tu serviras l’organisation jusqu’à la mort.

Un autre encore, qui avait un masque entre les mains le lui mit sur la tête.

- Allez maintenant, vos premières cibles sont désignées.

La scène s’arrêta là. Abyssien comprenait maintenant comment était bâti la réputation de ce célèbre assassin.

- Alors, Sombre, comment t’es tu retrouvée dans cet état ?

- J’ai été abandonnée par mon maître. La mission sur laquelle on nous avait envoyée a mal tournée et j’ai dû affronter plus fort que moi. J’ai failli. Mon maître m’a cru morte et il m’a laissée. De toutes façons, un véritable Traquemage se serait sorti d’une telle situation. Mais nos règles sont strictes, lorsqu’un Traquemage tombe, celui qui l’accompagne doit s’occuper de régler le souci. Tuer et faire disparaître le corps d’un Traquemage qui a failli fait partie des règles.

- Et bien, on ne doit pas rire tous les jours dans cette organisation. J’ai encore quelques questions, après, promis, je te laisse tranquille. Pourquoi me révèles-tu tout ça ?

- Parce que je les déteste !

- C’est une raison suffisante. Et donc, maintenant que tu n’es plus Traquemage, que vas tu faire ?

- Je sais pas.

- Les gens qui ne savent pas où aller sont les bienvenus. Reste avec nous le temps que tu voudras, Sombre, je suis sûr que tes talents seront très appréciés. Nous pouvons apprendre de toi, et nous, nous te protégerons des Traquemages si besoin est. D’ailleurs, ceux avec qui je souhaite que tu ailles arrivent.

En effet, après qu’Abyssien ait réouvert la porte, entrèrent Sangrépée, Sansvisage et Kolère...

L'Ambassadeur

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Le campement Xziarite avait retrouvé son calme. Les lueurs des torches éclairaient sa tente d'une douce lueur rouge. L'encens baignait le lieu d'une odeur suave. Gakyusha profitait de l'accalmie pour prendre un repos mérité. Une fois de plus, l'Empereur serait satisfait de ses services.

Soudain, une voix tonna à l'extérieur :

- Monseigneur ! Nous avons un problème.

Las, Gakyusha soupira. Se redressant de sa couche, il sortit de sa tente.

Avisant la sentinelle à genoux devant l'entrée :

- Que se passe-t-il ?

- Un heu... un être étrange s'est présenté à l'entrée du camp. Il réclame une audience.

- Un être ? S'agit-il d'un draconien ou d'un de ces forbans de Zil ?

- Ni l'un ni l'autre, monseigneur... Il dit parler au nom de la forêt.

- De la...? Allons bon... Je suis curieux de savoir ce que nous veut cet énergumène. Fait prévenir mon fils et Asajiro. Qu'ils se tiennent prêts au cas où il s'agirait d'une nouvelle fourberie Zil.

La sentinelle escorta Gakyusha jusqu’à trois sièges dressés un peu à l’écart de son campement. Sur celui du milieu était assis Ergue le dresseur, un peu plus à l’écart se tenait Soriek, le colosse bleu sur lequel Tsuro avait fait un rapport. Grandrage se tenait probablement à proximité dissimulée parmi les ombres des arbres.

Mais le plus surprenant dans cette rencontre était l’être étrange qui faisait face aux trois sièges. Sur sa droite, se tenait un Hom’Chai à la carrure impressionnante, le visage marqué de peintures rouges. Une grosse lance terminée par une lame d’ambre taillée était plantée dans le sol juste derrière lui. Mais l’être qui semblait avoir organisé cette rencontre était totalement inconnu du Xziarite. Il avait une physionomie plutôt chétive, pas très grand et peu musclé, ses grands yeux pales étaient dénués de pupilles et, surtout, il n’avait pas de bouche. Juste vêtu d’un pagne de feuillage et de lianes qui couraient sur son corps comme si la nature elle-même voulait le protéger des agressions. Dans sa main reposait un bâton terminé par une sorte de lune en ivoire taillée au centre de laquelle se trouvait une petite créature nimbée de flammes bleutées.

Ergue se tourna vers Gakyusha. Ce dernier lut dans son regard qu’il semblait aussi surpris que lui de l’étonnant déroulement des évènements. La voix résonna dans sa tête aussi claire que s’il l’avait entendu :

- Salut à vous Seigneur Gakyusha de l’Empire de Xzia. Je suis Parlesprit, je parle au nom du peuple Eltarite. Si nous avons souhaité vous rencontrer aujourd’hui, c’est pour vous faire savoir que les terres que vous foulez ne vous appartiennent pas. Elles ont été un territoire du peuple des forêts bien avant l’existence de vos nations respectives.


D’abord interloqué, Gakyusha éclata de rire...

- Vous plaisantez ? Le Tombeau des Ancêtres se dispute entre les draconiens et l’Empire depuis bien longtemps. De plus, la nation dont vous vous prétendez être le porte-parole nous est totalement inconnue. Je doute même que le Conseil ait connaissance de votre existence. Autant vous dire que votre entreprise est vouée à l’échec.

- Nous serions navrés de devoir user de nos pouvoirs pour protéger nos terres résonna la voix du Daïs. Nous l’avons déjà fait par le passé et nous sommes prêt à le refaire lorsque le danger est grand.

- Allons coupa Ergue, les conflits qui ont lieu ici n’engagent que peu d’hommes et ne s’enfoncent pas trop loin dans la forêt. Ne me dîtes pas qu’ils vous nuisent autant ?

- Le plus grand danger ne vient pas de ce conflit à proprement parler mais plus exactement de cette écharde dans la surface de notre monde. Le Daïs pointa son bâton en direction de la pierre tombée du ciel. Aussitôt, comme un mirage en plein désert, l’air se voila. La Pierre tombée du ciel brillait tel un ersatz de soleil. Le sol lui, semblait en feu et profondément blessé. En réalité la terre pourrissait comme une infection provoquée par un corps étranger.

- Bon sang murmura Ergue en se passant la main sur le front. Je commence à comprendre, murmura-t-il.

- Et alors, répondit Gakyusha, cette pierre est un enjeu. Nous ne saurions la transporter loin d’ici sans des outils et des hommes. Malgré notre suprématie dans le conflit actuel cette pierre suscite de plus en plus d'intérêts. Je ne peux prendre une telle décision sans l’aval de l’Empereur et des renforts pour protéger les ouvriers.

Le seigneur impérial se leva.

- Votre message est passé Parlesprit, mais je doute que votre nation insignifiante ait les moyens de se faire entendre.

- Soit, seigneur impérial. Je rapporterai vos paroles aux miens. Qu’il en soit ainsi.

Parlesprit recula avec son garde du corps, hors de la lumière du feu. Des myriades de lucioles s’élevèrent du sol allant jusqu’à masquer le Dais et l’Hom’Chai à la vue de leurs interlocuteurs. Lorsque le nuage de luciole s’éparpilla, il ne restait plus aucune trace d’eux.

De retour dans sa tente Gakyusha se recoucha. Allongé sur sa couche, il prit quelques instants pour réfléchir. Que représentait réellement cette pierre pour que tant de gens s’y intéressent. Ce peuple inconnu pouvait-il représenter un danger ? Il en doutait mais son expérience le poussait à se méfier des gens qui venaient ouvertement énoncer leur volonté face à leurs ennemis. Soit ils étaient fous, soit ils étaient sûrs d’eux.

- Tsuro !, dit-il dans le silence de sa tente. Est ce que tes traqueurs ont pu pister les émissaires des forêts?

- Non mon seigneur, nous avons perdu leur piste dès qu’ils ont atteint la forêt, répondit le traqueur depuis les ombres de la tente.

- Que sais-tu sur ce peuple Eltarite ?

- Peu de choses mon seigneur. Nous savons que de petites tribus Hom’ Chaï et Elfines sont éparpillées aux abords de la forêt. Il leur arrive de faire commerce de plantes, de bijoux d’ambre et de leur chasse mais ils n’ont que peu de contacts avec notre nation. J’ignorais qu’ils faisaient partie d’un regroupement de tribus, ni qu’ils pouvaient obéir à un autre peuple.

- Bien... Ce sont donc probablement des fous.


Ergue marchait dans l’obscurité d’un pas rapide. Ses dons d’affinité animale lui permettant de voir aussi bien dans l’obscurité qu’en plein Soleil. Si seulement Marlok était encore des leurs il aurait pu l’éclairer sur la visite de ce soir. Mais une chose était certaine, contrairement a ce prétentieux de Gakyusha, il ne ferait pas l’erreur de sous estimer le peuple des forêts. Il avait mis un moment à retrouver ce qu’il savait sur les Daïs. Dans ses voyages au cœur des peuplades les plus primitives de ce pays, il en avait entendu parler sans jamais en voir aucun, vénérés comme des dieux par tous les peuples proches de la nature. Les légendes racontaient qu’ils disposaient de grands pouvoirs magiques, qu’ils étaient la volonté de la nature, que toutes les formes de vies leur obéissaient. Si tel était le cas, un nouvel adversaire puissant allait entrer dans le jeu.

Le bloc d'ambre baignait la pièce d'une douce lueur dorée. Le Kei'zan de la vie, l'air mélancolique, s'abîmait dans la contemplation du monolithe. Poussant un soupir, il s'approcha de la pierre et posa sa main rugueuse à sa surface. La voix résonna aussi tôt dans sa tête :

- Alors mon frère, les hommes ont-ils été à la hauteur des tes espérances ?

- Hélas non, exprima silencieusement le Kei'zan. Notre tentative de raisonner cette espèce a échoué. J'avais envoyé Parlesprit accompagné de Marquerouge et de quelques-uns de nos éclaireurs pour entamer le dialogue avec les combattants humains mais nous n’avons rencontré que le mépris et l’indifférence.

- Je t'avais prévenu, ces enfants ne comprendront jamais rien, libère-moi et crois-moi qu'ils vont se rappeler pourquoi leurs ancêtres avaient peur de la forêt.

- Non, sonna mélancoliquement la voix du Kei'zan. Tes actes passés t'ont condamné à cette prison et tu y demeureras jusqu'à la fin des temps. La colère de la forêt s’éveille, ils comprendront très bientôt qu’ils ne sont pas ici chez eux.

La Momie

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150 ans avant que la pierre ne tombe du ciel, le désert d’émeraude est en proie à une guerre civile.

Les touaregs du sud, soutenus par les Cheikhs Azine, et la Prêtresse de Ptol’a défiaient la suprématie du culte de Sol’ra. Les conflits avaient mené à des batailles fratricides où les partisans de chaque camp pouvaient faire partie de la même famille.

Arriva le moment où les deux puissances furent de puissances égales. L’ultime affrontement eut lieu entre les polythéistes qui, pour une fois, s'entendirent pour mener un front commun contre les monothéistes de Sol’ra, dont les armées étaient sous le commandement du Gardien du temple Ahmid. Au coeur de la bataille, la prêtresse de Ptol’a, la déesse des morts, se retrouva à combattre Ahmid. Ce fut titanesque ! Les pouvoirs des élus des dieux étaient immenses, balayant tout sur leur passage, ne prenant plus garde à leur environnement et à ceux qui se bâtaient au nom de leur cause.

Si bien qu’il n’y eut bientôt plus grand monde autour d’eux. L’épée des gardiens d’Ahmid fendait l’air dans un sifflement rauque. De son côté, la prêtresse implorait Ptol’a de lui accorder des pouvoirs terrifiants et mortels. Hélas, le Solaris eut raison d’elle et Ahmid détacha la tête de son infortunée opposante. Il regarda la tête rouler sur le sable brûlant, elle s’arrêta en faisant face au guerrier. Les yeux clignaient encore et sa bouche s’anima.

- N’est pas mort ce qui à jamais dort ! Tu as gagné, mais en me tuant tu t’es aussi infligé la mort...

Étreint par un frisson glacial Amidh réalisa que cette voix n’était pas celle de la prêtresse, mais celle de Ptol’a. Ce jour-là vit l’avènement de Sol’ra et la suprématie des forces de Minepthra. Le soir-même au coeur du désert une grande fête fut donnée en l’honneur d’Ahmid et de son armée victorieuse. L’alcool coula à flot, si bien que le gardien du temple fut vite enivré. Ses sens commencèrent à lui jouer des tours. Au milieu de la foule, il crut voir une personne qui lui semblait familière. Bousculant les convives, il poursuivit l'inconnu jusqu’au bord du fleuve passant non loin de là. Ahmid crut à l’apparition d’un fantôme, car il l’avait bien reconnue, c’était la grande prêtresse de Ptol’a.

- Est ce bien toi?, dit-il avec un mélange d’étonnement et de crainte. La jeune femme lui sourit comme pour lui répondre que oui, c’était bien elle.

- Mais c’est impossible, je t’ai tuée de mes mains.

Des larmes coulèrent sur ses joues.

- Je t’ai... tuée.

Il tomba à genou et se remémora les douces années qui précédèrent la guerre civile. A cette époque-là, il menait avec elle une douce romance qui fut hélas brisée par la folie des dieux. Et encore aujourd’hui en la voyant, il savait que son amour pour elle était toujours bien vivant.

La grande prêtresse se mit aussi à genou et prit le visage d’Ahmid entre ses mains avant de lui donner un baiser. C’est là que le gardien du temple ressentit un profond malaise, puis une douleur au niveau du coeur.

- Tu meurs par la main de celle que tu as aimée comme elle est morte de ta main.

Le guerrier n’arrivait plus à respirer, son sang bouillait dans ses veines.

- Lorsque tu seras mort, les tiens vont te momifier et te faire de somptueuses funérailles. Hélas pour toi, lorsque tu te réveilleras, tu seras enfermé dans ta tombe, pour l’éternité.

Ahmid sentait les battements de son coeur ralentir puis cesser au moment où la prêtresse lui accorda ces derniers mots.

- Tu as compris que je suis Ptol’a en personne. Cela me coûte beaucoup de venir ici. Un jour viendra où je reprendrai toute ma splendeur d’autrefois. Adieu, gardien du temple de Sol’ra.


Ahmid fut retrouvé et pleuré comme il se devait. Les honneurs lui furent rendus et comme l’avait prédit Ptol’a. On lui accorda une tombe digne d’un roi. Bien des années passèrent avant qu’Ahmid ne sorte de cette mort apparente. Il était perdu et surtout changé. Il frappa le couvercle du sarcophage avec force pour s’en extraire. Heureusement sa tombe était pourvue d’une myriade de petites gemmes solaire qui éclairaient faiblement la pièce assez exiguë. Hélas, plusieurs jours passèrent à tenter de trouver une sortie, en vain.

Dehors, la jeune Djamena suivait depuis quelques semaines les enseignements des prêtres. Ces derniers étaient fascinés de la rapidité avec laquelle la jeune femme apprenait et s'imprégnait des préceptes de Sol’ra. Une nuit, la jeune femme se réveilla avec l’étrange sensation qu’elle avait quelque chose à accomplir. Sans se soucier de quoi que ce soit, elle sortit du temple comme guidée par une force supérieure. Une voix lui disait que quelqu’un avait besoin d’elle. Elle arriva à la grande pyramide avant de rentrer à l’intérieur par une porte dérobée dont elle en ignorait l’existence jusque là. Les couloirs sinueux la menèrent au coeur de l’édifice, là où Ahmid attendait depuis des lustres. D’instinct, elle activa la porte du Tombeau et y entra sans la moindre peur. Instantanément son apparence changea, des ailes apparurent dans son dos et ses cheveux devinrent comme le sable chauffé au soleil.

- QUI EST CE ??, hurla Ahmid.

Djamena s'avança alors, éclatante de lumière. Le guerrier tomba alors à genou devant elle en reconnaissant la puissance divine de Sol'ra.

- Un envoyé de Sol’ra, se dit-il, c’est l’heure de ma rédemption, enfin je vais pouvoir rejoindre mes ancêtres.

- Vous venez me délivrer de cette non-vie ?, dit-il d’une voix incroyablement caverneuse. J’ai servi fidèlement toute ma vie d’humain. Je vous implore Messagère de me laisser partir.

- J’ai d’autres plans pour toi, gardien du temple, sers moi avec fidélité et je te délivrerai de cette malédiction.

- Mais... J’ai fait la guerre au nom de Sol’ra, j’ai tué en son nom, sacrifié mon âme et vaincu pour lui. Est-ce là sa façon de me remercier ??

- Il se montrera reconnaissant si tu agis encore en son nom, il n’y a pas de discussion à avoir. Il pourrait très bien te laisser ainsi. Ce n’est pas ce que tu veux, n’est-ce pas ?

La momie se rappela le commandement suprême des gardiens du temple : Obéir.

- Soit, que dois-je faire pour mon seigneur et maître, répondit-il avec aigreur.

- Ce que tu sais le mieux faire, tuer des gens. Une menace plus importante a fait son apparition. Ïolmarek et les autres Nomades du désert vont avoir fort à faire contre eux. Va leur prêter main forte.

- J'obéis !

Puis la jeune femme redevient Djamena, ses cheveux redevinrent noir et ses ailes disparurent.


L'Eveil

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Une flèche siffla, fendant l’air avec vitesse et s’enfonça dans la poitrine du Seigneur Impérial Gakyusha...

Il avait fait la sourde oreille lors de l’avertissement de Parlesprit. Pour lui cette pierre appartenait désormais à l’Empereur et rien ne changerait cet état de fait. Les Envoyés ne s'intéressaient presque plus à cette pierre, les Combattants de Zil étaient en quasi déroute. Seuls les nomades du désert posaient des problème, mais jusqu’ici ces derniers n’avaient pas été belliqueux. Mais cela n’était qu’une façade, bientôt Ïolmarek saurait comment utiliser les pouvoirs de la pierre tombée du ciel et mettrait fin au conflit.

Hélas c’était sans compter l’arrivée de nouveaux adversaires qui eux ne souhaitaient qu’une chose, c’est que cette pierre et tous les envahisseurs disparaissent de leurs territoires millénaires. Aussi des racines avaient jaillies du sol dévastant les campements et tentant d'agripper tous ceux qui n’avaient pas encore fuient. Partout les uns et les autres tentaient de s’extraire de cette soudaine végétation et de délivrer ceux qui n’y étaient pas arrivés. Ydiane avait longuement observé tous ces gens et grâce à son expertise elle avait repéré certains membre de la Kotoba qu’elle jugeait “A neutraliser”. Elle et La Griffe s’étaient aventurés non loin de leur campement et s'apprêtaient à les éliminer. Elle banda son arc et tira sur celui qui semblait être le chef. La Griffe quand à elle fonça sur le plus gros d’entre eux. Xïn n'eut pas le temps de réagir et se retrouva sur le dos, des lianes l’enserrèrent aussitôt. Quand à Gakyusha, il remercia intérieurement Masamune qui lui avait forgé son armure, car la flèche se planta dans le métal et la pointe d’Ambre c’était en partie brisée. Mais ça voulait surtout dire qu’un tireur en voulait à sa vie. Dans le feu de l’action il vit une furie insectoïde agresser son Portefer. Il n’hésita pas et se mit à reculer dans la direction opposée. Repérant Ydiane, il empoigna la garde de sa fidèle Parole de l’Empereur et fit rapidement le vide dans son esprit. Il se focalisa sur cette seconde flèche qui avait été décochée. Ce n’était pas la première fois qu’il utilisait cette technique, mais jamais dans une situation aussi originale. Alors que la flèche allait lui ôter la vie en s’enfonçant dans sa tête le Seigneur Impérial utilisa une technique ancestral de iaïjutsu, il dégaina avec une incroyable rapidité son sabre, coupa la flèche en se décalant sur le côté. Il ne s'arrêta pas là, d’expérience il savait que les tirs en mêlée était très difficile, il décida d’aller porter la parole de l’Empereur à cette insectoïde qui lui servirait de bouclier en cas de nouveau tir à son encontre. Tsuro et Amaya n’étaient pas là et Iro, Asajiro étaient repartis pour la capitale, l’attaque avait donc lieu au moment où la Kotoba n’était plus vraiment à son potentiel maximum. Le combat allait être difficile.

De l’autre côté de la pierre, les nomades s’étaient réfugiés au pied de la pierre. Le pouvoir divin empêchait les lianes de progresser jusqu’à eux. Ïolmarek et Ahlem imploraient leur dieu pendant que le Sphinx était planté en garde, brandissant ses deux cimeterres avec rage. En face, deux Hom’chaï larges comme des colosses se dirigeaient en grognant de la petite troupe. Le Kei-Zan s’approcha alors, entouré d’une armure de ronces qui semblaient vivantes.

- Il est temps que vous partiez ! On ne le répètera pas.

- Créatures du mal ! Vous n’êtes rien en comparaison de Sol’ra. Vous n’êtes que des insectes et je vais vous écraser comme tel ! Hurla le Sphinx avant de se lancer contre le Kei-Zan.

Ce dernier frappa le sol de son bâton et des racines poussèrent avec célérité, capturant le mastodonte sans aucune difficulté. De leur côté les Hom’Chaï affrontaient les autres nomades avec une rage incroyable. Le sang coula rapidement, mais les blessures des nomades se refermaient grâce à la ferveur de leurs prêtres. C’était la première fois pour ces derniers qu’ils affrontaient la Magie. Ïolmarek la trouvait sans esprit et trop destructrice pour être mise entre les mains de ces sauvages. La Coeur de Sève n’eut pas de mal à s’imposer tant leur stratégie de bataille était rodée. Alors que les Hom’Chai venaient à bout des combattants du désert, Mélissandre monté sur son loup, accompagné de son Pikounours prirent de flanc le reste de la troupe. Heureusement pour les prêtres, un nouvel arrivant vint rétablir un peu d’équilibre dans cette opposition des forces. Ahmid imposait autant qu’un Hom’Chaï, à ceci près que sa nature d’être non morte, mais non vivante fit reculer ses adversaires.

- Je suis Ahmid, le fléau de Sol’ra, vous allez rejoindre vos ancêtres qui dorment dans les profondeurs de ces terres !

Ïolmarek regarda avec de gros yeux cette momie décharnée. Il avait bien dit Ahmid, comme le héros d’autre fois. Ils virent là l’intervention évidente de leur dieu et reprirent confiance. Le combat se changea en une mêlée désorganisée.

Le Kei-Zan, lui, observait patiemment. Il écoutait cette nature détruite, il réunissait ses forces, il concentra l’énergie de sa pierre-coeur, éclat de l’arbre-dieu et alors il se transforma. Son apparence devint celle d’un homme arbre. Ses pieds devinrent des racines qui s’enfoncèrent dans le sol, de son dos poussèrent de longues branches d’où pendaient de petites fleurs. Le Daïs irradiait des flots de puissance de l’arbre-monde. C’était là l’incroyable puissance de la Coeur de Sève, car à ce moment là les Elfines et les Hom’Chaï devinrent tous des Guémélites, en harmonie avec cette terre. La terre se mit à trembler, des racines et des lianes grosses comme des arbres arrachèrent le sol et s’enroulèrent doucement autour de la pierre tombée du ciel. Au bout d’un moment elles formèrent un cocon et on ne distinguait plus la moindre lueur jaune.

Ïolmarek et les autres Nomades ressentir que le lien tissé avec la pierre venait de se rompre, c’était là une lourde défaite, une bataille venait d’être perdue. Mais qui gagnerait cette guerre, désormais totale ?

Le Corbeau

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Quelques jours avant l’attaque de la Coeur de Sève, Xïn gardait l’entrée du campement de la Kotoba d’un seul oeil. Il était fatigué car depuis l’arrivée des gens du désert, de nouveaux affrontements éclataient.

- Alors, on rêvasse Porterfer ??

La phrase sortit le Kotoba de son état. Il n’avait pas vu arriver cette personne qui s’adressait à lui. Il plissa les yeux pour mieux voir et remarqua le mon de la Kotoba sur son kimono sombre.

- Tu me laisses entrer ou tu comptes me laisser là ?

- Qui êtes-vous que je vous annonce ?

- Tu ne vois pas qui je peux être ?

Xïn secoua la tête de façon négative.

- Bien, je vois... Annonce donc au Seigneur Gakyusha qu’Oogoe Kage est là, et fais moi entrer, barrique !

Le jeune membre de la Kotoba fulminait intérieurement face à cette insulte, mais le nom d’Oogoe Kage ne lui était pas inconnu. Iro qui s'entraînait avec Sen’Ryaku et qui avait assisté de loin à l’échange, laissa tomber sa partenaire pour aller voir ce qu’il se passait. Le jeune champion de l’empereur reconnut la tenue de l’arrivant, un membre du clan du corbeau. “Que veut-il ?” se demanda Iro.

- Mais voilà notre tout nouveau champion de l’Empereur ! Iro, il me faut voir ton père au plus vite. Tu peux aussi préparer des affaires car tu vas devoir repartir à Méragi.

- Pourquoi ça ?

- L’Empereur requiert ta présence.


Dans la tente de commandement, le Seigneur Impérial Gakyusha recevait Oogoe Kage.

- Seigneur Impérial, c’est hélas une triste nouvelle qui me fait venir jusqu’à vous. Notre seigneur et maître, l’Empereur de Xzia est gravement malade. Gakyusha se leva de son siège, la mine figée.

- Gravement malade ? Tu veux dire... mourant ??

Oogoe baissa la tête pour confirmer les paroles du chef de la Kotoba.

- Merci de m’avoir prévenu. Je vais préparer mes affaires et me rendre à Méragi.

- Seigneur, je crains hélas que votre présence ici ne soit... impérative, dit-il en tendant un rouleau de parchemin.

Après avoir l’avoir lu, le seigneur impérial alla se rasseoir. Il prit un parchemin, un pinceau et de l’encre. A peine eut-il écrit quelques mots, plié et scellé sa lettre, qu’il la donna à Oogoe.

- Iro et Asajiro t’accompagneront, Corbeau. Je veux que mon fils lise cette lettre à l’Empereur. Lui et lui seul, c’est bien compris ?

Le ton sévère ne fit pas réagir Oogoe.

- Il sera fait selon vos désirs, Seigneur. Puis-je disposer ?

- Tu peux. Fait appeler Iro, j’ai à lui parler.


Iro était prêt. L’Empereur lui avait toujours témoigné du respect et l’avait honoré du titre de champion de l’Empereur à un âge où personne n’avait accompli ce prodige. Les larmes lui venaient, mais il les retenait au mieux. Oogoe lui avait dit que Gakyusha l’attendait. En se rendant vers la tente de son père, il croisa Sen’Ryaku. La jeune femme lui attrapa le bras lorsqu’ils se croisèrent. Elle lui glissa quelques mots à l’oreille.

- Prend soin de toi et méfie toi des gens qui t’entourent. Aie confiance en Asajiro. Il te sera toujours fidèle.

Puis elle le lâcha et s’en alla à ses occupations. Iro entra dans la tente où flottait à présent une douce odeur d’encens. Il se rappelait de cette odeur et cela raviva chez lui un souvenir qu’il essayait d’oublier. Il y a quelques années lorsque sa mère tomba malade, son père avait prié les Kami de lui accorder la guérison, hélas sans succès. Mais le Seigneur Impérial avait accepté le décès de son épouse.

- Père, es-tu là ?

- Oui, Iro. Viens donc à côté de moi.

Le Seigneur de la Kotoba était dans une des ailes de la tente. Là, il y avait un autel sur lequel reposait la statuette d’une jeune femme nue dont les longs cheveux cachaient la poitrine. Autour d’elle des bâtonnets d’encens brûlaient lentement. Devant, en kimono entièrement rouge, le père d’Iro récitait des mantras de prière. Le jeune champion de l’Empereur se mit à genoux et récita à son tour des prières. Cela dura un long moment et la nuit tomba doucement.

- Iro, j’ai reçu un message de Tsuro juste après l’arrivée d’Oogoe. La situation au sein de l’Empire se dégrade et la politique s’intensifie. On me met à l’écart de tout cela et c’est une manoeuvre habile. C’est pour ça que je compte sur toi pour m’informer de ce qu’il se passe. Tout cela me semble suffisamment étrange et inquiétant.

Iro contemplait la statue, perdu dans ses pensées. Il entendait les avertissements de son père, mais il ne pouvait s'empêcher de songer à sa mère, dont le visage commençait à s'effacer de ses souvenirs. Il se ressaisit alors.


A quelques lieues de là, Malyss assis en tailleur au milieu du Tombeau des ancêtres terminait de lire une incantation qu’il avait commencé la veille. Il était au bord de l’évanouissement et ses forces magiques faiblissaient plus que de raison. Ce n’était pas le hasard qui l’avait amené ici, mais un plan bien précis. Et c’était plus exactement la dernière partie qu’il exécutait à présent.

Quelques semaines auparavant, il avait aidé Toran par le biais d'intermédiaires et avait fait en sorte que l’affrontement entre ce dernier et Akutsaï ait lieu ici. Leur présence en ce lieu avait bousculé le monde des esprits et une brèche s’était ouverte sur ce monde. Malyss cherchait un esprit particulier d’un guerrier tombé au combat il y a bien longtemps. Enfin, il acheva son incantation et tout autour de lui devint plus blanc, comme si la réalité s’était effacée. Des formes apparurent alors, au départ simple brume puis au fur et à mesure prirent consistance pour ressembler à des hommes. A ce moment-là, Malyss avait les yeux clos car il ne lui était pas permis de voir en ce lieu. Il attrapa alors une petite boite qu’il avait dans son sac, l’ouvrit et sortit son contenu : une plume de corbeau, bien trop longue pour être celle d’un animal de cette espèce de taille normale. Le jeune mage lâcha la plume qui se mit à voleter. Un des esprit fut alors attiré comme une mouche par du miel et il toucha la plume. Aussitôt tout réapparut autour d’eux. Malyss ouvrit les yeux. Devant lui se tenait celui qu’il était venu chercher.

- Gan’so, le Corbeau est heureux de vous voir de retour parmi nous. Vous êtes attendu avec impatience.

- Merci à toi d’être venu me chercher, je ne sais depuis combien de temps j'errais sans but.

- Il faut que nous partions pour Méragi, le Corbeau nous attend.

Iro et Oogoe arrivaient enfin à destination. La capitale s’offrait à eux, bourdonnante d’activité. Ils ne prirent pas le temps de se reposer et demandèrent audience immédiate afin que le champion Xzia puisse voir l’Empereur. Ils se rendirent jusqu’à la chambre Impériale où Ayuka, la vieille servante, prenait soin du malade. Elle se leva et s’inclina devant les deux hommes, puis sortit sans prononcer un mot. La pièce baignait dans une lumière rouge, couleur représentative de l’Empire de Xzia. Il y flottait des odeurs d’encens et de plantes médicinales. Iro tomba à genou devant le lit où l’Empereur, amaigri et la peau très pâle, dormait d’un sommeil mouvementé. Iro avait beaucoup de peine de le voir dans cet état. Après quelques minutes, une quinte de toux réveilla le malade qui s'aperçut qu’il n’était pas seul. Quand il vit son champion et Oogoe, l’Empereur se redressa.

- Kage, prononça-t-il avec difficulté. Laisse nous.

Oogoe s’inclina immédiatement et laissa les deux hommes à leur tête à tête.

- Iro, les ténèbres voilent mes yeux peu à peu... Bientôt je rejoindrais mes ancêtres.

- Non, ne dîtes pas ça, on trouvera bientôt un remède.

L’Empereur marqua un petit rictus.

- Les plus grands guérisseurs se sont penchés sur mon cas, sans aucune réussite. La mort m’emportera et je sais déjà que cela va être long. Iro... approche-toi de moi, j’ai quelque chose à te dire...

Le jeune membre de la Kotoba se plaça très proche de l’Empereur, c’était pour lui un grand honneur car dans la société Xziarite être proche de l’Empereur, au sens physique du terme, c’est avoir ses faveurs.

- Iro, tu n’es peut-être pas au fait, mais lorsqu’un Empereur n’est plus à même de régner, une régence est mise en place. Écoute moi bien, je sens que les ombres bougent et me guettent, tout cela n’est pas naturel. Tu es mon champion alors soit digne de ce titre et protège ton Empereur.

- Vous protéger ? Mais de quoi ? De qui ??

A ce moment-là entra dans la chambre un vieil homme à la longue barbe blanche, entièrement vêtu de noir.

- Seigneur Iro, ravi de vous revoir à Méragi. Je pense qu’il est temps pour notre Empereur de se reposer.

Iro connaissait bien cette personne : il s’agissait de Daijin, le vénérable et puissant dirigeant du clan du Corbeau, mais aussi premier conseiller de l’Empereur. Pour Iro, ce vieil homme avait toujours été un fidèle impérialiste.

Le jeune homme allait s’en aller lorsque l’Empereur l’attrapa par le poignet.

- Souviens-toi de mes paroles Iro... Protège l’Empire...

Tempus Fugit

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Psaume, le célèbre barde était assis sur un rocher en partie recouvert par la mousse. La plupart des habitants du petit village voisin s’étaient réunis pour cette occasion assez rare. Grands comme petits attendaient que le barde commence ses histoires avec impatience.

Psaume racla sa gorge et fit quelques notes sur sa harpe avant d’entamer une douce mélodie.

“Oyez oyez, écoutez donc l’histoire des exilés du Temps, venus chez nous pour fuir leurs malheurs.

Cela se passera dans le futur on ne sait ni quand ni où exactement. Samia jeune apprentie, curieuse de la vie, n’écoutait jamais rien.

Or elle était prévenue, le Destin ne s’offre pas à qui veut, lire le Livre lui est interdit.

Évidement elle foula du pied l’interdiction et du livre s’approcha...”


Quelques mois avant que Psaume ne fut dans ce village, comme beaucoup de personnes, il se déplaçait en direction de la pierre tombée du ciel. Son cheval et lui, harassés par un long voyage n’en pouvaient plus. Il chercha donc un endroit paisible pour passer la nuit. C’est là qu’il vit un petit campement au milieu duquel brûlait un feu, cela fut pour lui un phare dans les ténèbres tombantes. Il s’approcha et vit une jeune femme à l’accoutrement étrange, elle était seule dans un lieu assez peu réputé pour son calme.


- Excusez-moi, je voyage en ces terres et je cherche un endroit pour la nuit. Pourrais-je avoir l’honneur de partager ce campement avec vous ?


La jeune femme leva la tête vers Psaume et ce dernier vit malgré la pénombre qu’elle était aveugle, ses yeux étaient blanc comme la neige.

- Nous cherchons tous quelque chose. Installez-vous et n’ayez crainte, nous sommes à l'abri du danger.

Le jeune homme se posa et libéra son cheval, puis après avoir mis une couverture au sol commença à jouer de la lyre.

- Vous êtes musicien ? Interrogea la jeune femme avec une certaine pointe d’innocence.

- Je suis barde damoiselle, mon nom est Psaume.

- Enchantée, Psaume.

Après avoir interprété quelques chansons, le barde posa son instrument.

- Savez-vous comment nous, bardes, imaginons nos chansons ?

- Non, dites moi.

- En plus des légendes des diverses contrées, nous discutons beaucoup avec les voyageurs que nous croisons car ils ont souvent des choses à nous raconter.

- Et donc vous voulez savoir si je n’aurais pas des choses à vous dire ? A y réfléchir, oui, j’ai une histoire.

Le visage de Psaume s’éclaira d’un intérêt agrandi.

- Dites moi je vous écoute.

Il déballa à la va vite de quoi prendre des notes.

- Je vous écoute.

- Mon nom est Samia, dans cette époque nombre d’entre vous m’appelle l’Apôtre du Destin. Je viens du futur.

- Du futur ? Cela veut dire que vous savez ce qu’il va se passer alors ?

- Gentil Psaume, vous me poserez vos questions plus tard, mon récit est assez long.

- Oh, veuillez me pardonner.

- Donc, dans le futur je serai une apprentie de l’Horloger, une personne respectable d’une... comment dire, société secrète nommée Tempus. Je serai jeune lorsque se passera un évènement qui changea bien des choses.

Psaume brûlait déjà de mille questions, il écoutait en s’abreuvant de cette histoire incroyable où visiblement tous les verbes se conjuguaient de manière particulière, mêlant passé, présent et futur.

- Tempus est le gardien des secrets de la Destinée et conserve précieusement l’équilibre du Temps. Hors je ferai preuve de trop de curiosité car je briserai l’interdit absolu de Tempus, lire le Grand Livre des Destinées. Ce grimoire, créé par Eredan, peut révéler à celui qui le lit le Destin d’une personne. Il suffit alors de se concentrer sur la personne dont vous souhaitez voir le Destin pour que le livre se modifie.

Le barde avait tout de même un doute, est-ce une histoire totalement inventée ou bien était-ce là la vérité, avait-elle vécu cela ?

- Or j’ai eu une idée que je regretterai en partie, celle de vouloir faire apparaître le Destin d’une personne en particulier, le mien. Hélas pour moi j’ai enfreint là une règle que je ne connaissais pas en rapport avec la lecture de ce livre. J’en ai subi alors de très lourdes conséquences. Le Destin a voilé mes yeux et m’a punie. Je devrai désormais vivre avec la faculté de pouvoir lire le destin des gens que je croiserai mais jamais je ne pourrai apprendre quoi que ce soit sur mon propre destin. Je suis enchaînée.

- Passionnant ! s’exclama le barde. Et ensuite que s’est-il passé ?

- Il se passera qu’ayant brisé plusieurs règles “sacrées” j’encourrai les foudres des autres Tempus. Je ne devrai alors mon salut qu’à l’Horloger, dont je suis très proche. Je ne sais pas encore ce qui le poussera à m’aider. Il apparut immédiatement après que ma vue disparaisse et alors nous nous échapperons par le Tempus Fugit, une ligne du temps particulière, normalement aussi interdite d’utilisation. Nous avons choisi de venir ici dans ce temps-là.

- Si je comprends bien vous êtes revenus dans le passé. Mais est-ce que les autres Tempus ne pourraient pas venir eux aussi dans ce temps ?

- Vous êtes perspicace, Psaume. Ils arriveront bientôt, ce n’est effectivement qu’une question de temps. Mais nous avons convaincu des personnes au destin exceptionnel de nous aider.

- Mais en faisant ainsi n’allez-vous pas modifier le futur ?

- Et bien hélas je ne connaissais pas notre passé, mais à priori nous pouvons prétendre à deux théories. Dans le futur nous sommes déjà venus dans le passé et donc ce futur là est “normal”. Soit alors nous l’avons modifié et nous créons un autre futur. Je vous avoue que les histoires de temps sont plus la passion de l’Horloger. Ma vision du temps se borne à la destinée des gens car je peux voir le futur de quelqu’un.

- Alors vous savez quelles aventures je vais vivre.

- Oui, je sais que l’histoire que je vous ai racontée fera le tour du monde et que le moment venu vous vous rappellerez qui vous l’a racontée.


Loin dans le Futur, au moment où l'Apôtre et l’Horloger disparaissaient dans les méandres du Temps un homme, lui, apparut. Son costume était des plus singuliers, c’était un Tempus.

- Le présent impacte le passé mes frères, l’interdit a été enfin brisé, à nous d’agir.

D’autres personnes aux tenues semblables apparurent à leur tour.

- Ils seront enfermés.

- Les faits seront consignés.

- Ils seront châtiés.

Puis tous disparurent et empruntèrent le Tempus Fugit...


Mode d'emploi chapitre 1

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Baranthe est le plus oriental des 7 royaumes. Mais c’est aussi le plus proche des étendues sauvages, ces terres qui ont vu autrefois les affrontements cataclysmiques durant la guerre contre Nehant. Son roi, nommé Baranthe lui aussi, était un homme plein d’ambition. Son prédécesseur lui avait laissé un royaume faible et honteux pour les 7 royaumes, et cela le dérangeait vraiment. Il avait donc entrepris d’importants travaux un peu partout dans son royaume afin de donner un coup de fouet à l’économie et d’améliorer les conditions de vie de son peuple.

Un beau matin, un jeune paysan se présenta au Château de Baranthe avec une lettre importante à l’attention de sa majesté. Elle annonçait la découverte d’un étrange objet de grande taille enfoui dans le sol au fin fond de la province de Thane, connue pour être la plus pauvre région du royaume. Immédiatement, le roi fut interloqué. Un machin enterré dans une partie reculée de son royaume, qu’est-ce que cela pouvait donc être ? Il demanda donc conseil à des artisans connus de la capitale. Hélas, pas un ne sut expliquer ce qu’était exactement cette “chose”. Tout ce que le roi eut comme informations fut qu’il s’agissait d'un objet de grande taille avec des mécanismes incroyablement complexes. La réaction ne se fit pas attendre.

- Eh bien soit. Puisque vous êtes des incompétents, je vais devoir faire appel à la seule personne capable de régler cela : le grand bijoutier royal !

Celui-ci arriva quelques temps plus tard, fit de basses courbettes et dit d’un air hautain :

- Je résoudrai ce problème pour votre majesté. Cette énigme sera résolue.

Ce grand bijoutier était connu pour avoir créé des mécanismes assez avancés en matière de bijouterie et avait à son actif plusieurs grandes inventions. Il partit donc en direction de Thane où l’attendait la “chose”. Là, il passa une semaine entière, presque jour et nuit, à tenter de résoudre l’énigme. Hélas, au bout de trois jours, il paniqua car il ne progressait pas du tout. Les serviteurs présents le virent même le sixième soir presque nu devant la “chose”, presque fou et bafouillant des “J’y arriverais jamais ! J’y arriverais jamais !”. Et, effectivement il n’y parvint pas. Le malheureux perdit presque la raison et fut ramené en catastrophe à la capitale où il mit longtemps à se remettre.

Le roi fulmina. Il perdait la face dans cette affaire qui commençait à sérieusement l'énerver. Mais il eut une bonne idée.

- Hérauts ! Faites courir le bruit à travers le monde que moi, le roi Baranthe, invite les plus grands artisans du monde à résoudre l’énigme que personne n’a encore dénouée. Celui qui arrivera à trouver la solution sera récompensé à sa juste valeur.

Très vite la rumeur circula et très vite une foule de curieux, de badauds et bien sûr d’artisans arrivèrent à Baranthe, doublant la population de la ville. Le Roi se retrouva victime de son annonce et dut faire face. Il ordonna donc à ses conseillers royaux de débuter un “casting”, une nouvelle méthode de recrutement par jury. Les sélections durèrent plusieurs jours et, évidement, la grande majorité des postulants fut refoulée. Néanmoins, quelques grands noms avaient fait le déplacement. Certains venaient même de très loin. Ils furent alors aimablement conviés, au frais du royaume, à se rendre à Thane, et durant ce trajet, certains d’entre eux eurent le temps de discuter de leurs passions respectives. Ils furent accueillis par le seigneur de Thane qui avait pris en charge la sécurité du chantier et supervisait, au nom de son bien aimé roi, la gestion de cette découverte.

- Bienvenue à Thane. Plus précisément nous sommes à Imsiss, une région dont l’histoire n’a rien de particulier. J’espère que vos talents incroyables nous permettront de résoudre l’énigme que je vous propose de contempler.

Il fit alors signe à ses gens qui ouvrirent alors la grande porte de bois de l’enceinte bâtie afin de sécuriser le périmètre. La “chose” était vraiment impressionnante, en partie recouverte de terre. C’était un immense cube d’environ trois hauteurs d’hommes. Il représentait un vrai défi car sa surface visible présentait des multitudes de mécanismes et de gemmes lumineuses de diverses couleurs.

- Eh bien, voilà du joli travail, s’exclama Delko, le célèbre facteur de Golem de Noz’Dingard.

- Vous zavez raaison cher collègu’ !, répliqua Jorus.

- Mettons-nous au travail. Enfin, moi je m’y mets tout de suite. Klemence la mécanicienne s’arnacha de son mecassistant, la plus incroyable de ses réalisations.

Sans avoir la moindre délicatesse, la jeune femme se jeta sur les mécanismes à sa portée et tenta de les fracasser à coup de marteau. Hélas sans la moindre réussite. Rien ne se passa, sauf la destruction de son marteau. Delko et Jorus, eux, fondaient des théories farfelues sur ce que pourrait être cet objet.

- Et s’il fallait aligner les mêmes couleurs de gemme trois par trois, peut-être qu’elles s’annuleraient ?

- Pouapoua ! Dites pas n’importe quoa. Moi je suis sûr qu’il faut appuyer dessus en mêm’ temps, répliqua Jorus, le souffleur de verre.


Non loin de là, deux Traquemages bien cachés observaient la scène avec beaucoup d’intérêt.

- Voilà un objet dont nous n’avons pas entendu parlé depuis longtemps.

- Oui, il faut dire que certaines de ses œuvres existent encore.

- Sauf que celle-là est son œuvre majeure, enfin sa deuxième je voulais dire.

- Oui, même aujourd’hui personne n’est capable de l’égaler tant il était en avance sur son temps, un véritable génie.

- Ce qui est inquiétant c’est que ce... cube a été enfoui. On dirait un coffre-fort.

- Mais que renferme-t-il ?

- Nous le saurons, s’ils réussissent.

- Va faire un rapport à la confrérie, il nous faut consigner ces faits. Si nous pouvions récupérer à nouveau cette technologie, cela nous aiderait dans notre tâche.

- Bien, je pars immédiatement.

L’Arbre-Monde

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Le vent soufflait avec douceur dans les branches de Arbre-Monde. En ce temps-là, la vie était paisible sur Guem, l’Erosion n’avait pas encore œuvré. Nul humain ne foulait ces terres.

Arbre-Monde était le point central de toute vie. Il avait la particularité, outre d’être véritablement immense, d’avoir poussé sur une pierre-cœur, qui selon les légendes Daïs fut la toute première existante sur Guem. Ainsi, la graine portée par le vent avait atterri sur cette pierre et s’était développée à une vitesse hors du commun. C’est ainsi que l’Arbre est né.

Le printemps suivant, il se couvrit de fleurs magnifiques, qui devinrent ensuite des fruits, aussi proportionnellement grands que l’arbre. Une fois ces fruits mûrs, ils tombèrent au sol. Mais, au lieu de germer pour à leur tour donner un arbre, ce furent des créatures qui en sortirent, pareilles à des poussins sortant d’un oeuf. C’était là la naissance des premiers habitants de Guem, les Daïs. Ces enfants de l’Arbre-Monde étaient en harmonie, chacun étant à la fois une partie infime de l’arbre, comme une conscience collective, et un être à part entière.

Des années passèrent, puis des siècles et tout allait bien dans le meilleur des mondes. Mais l’un d’entre eux semblait préoccupé par quelque chose. Il avait été choisi par les siens pour devenir le chef du peuple Daïs, il se fit appeler Kei’Zan. Il était né d’un fruit de l’Arbre-Monde spécial car ce dernier donna deux Daïs. D’ailleurs, alors que le Kei’zan contemplait dubitativement le tronc de l’arbre, son frère s’approcha. Les membres de ce peuple avait la particularité de ressentir avec une grande précision les sentiments des autres. Et là, ce dernier avait senti la profonde angoisse du chef Daïs.

- Je ressens une grande préoccupation chez toi, mon frère. Peut-être puis-je discuter avec toi de ce qui ne va pas ?

Le Kei’zan avait toujours été le plus empathique avec ce monde qui l’avait accueilli.

- Chaque Daïs qui naît affaiblit l’Arbre-Monde.

- Comment cela ?

- La gemme-cœur faiblit et j'entends la voix de notre mère. Elle est à l’agonie.

- Vraiment ? Pourtant il semble que tout aille bien. Regarde, les branches sont nombreuses et ne tombent pas. Le feuillage est dense et il y a de nombreuses fleurs, annonçant l’arrivée future des enfants Daïs.

- Son mal est plus profond.

- Allons, ne t’en fais pas. Je suis persuadé que ça ira.

- Je ne crois pas.

Effectivement, la situation n’alla pas en s’arrangeant. Les Daïs sentirent que leur Arbre-Cœur périssait. La plupart d’entre eux se rendit à l’arbre comme poussé par leur instinct. Le Kei’zan et son frère soutenaient les leurs du mieux qu’ils pouvaient, mais la tristesse et la douleur était trop importante. Si l’arbre mourrait, cela condamnait leur peuple à la disparition. La gemme cœur, en partie visible dans certains interstices de l’écorce, n'émettait plus qu’une faible lumière. L’impensable eut alors lieux.

Le frère du Kei’zan s’approcha de l’une de ces interstices, vit que l’écorce était en train de se fendre et que la gemme-cœur de l’arbre était en train de gonfler. Il comprit tout de suite ce qui allait arriver. Il se mit à courir en direction de son frère alors que dans son dos la Gemme-Cœur explosait dans une gerbe de couleur verte. Il eut juste le temps de se jeter devant le Kei’zan avant de recevoir des éclats de la gemme-cœur de l’arbre. L’explosion avait pratiquement désintégré l’arbre et beaucoup des Daïs qui priaient autour perdirent la vie ce jour-là. Le Kei’zan poussa son frère inconscient qui était tombé sur lui avec le souffle de la déflagration. Au plus profond de son être, il était déchiré. Autour d’eux, c’était le chaos, des branches tombaient avec fracas alors que les pétales des fleurs descendaient doucement offrant là un triste spectacle. Il se pencha vers son frère qui malgré le fait qu’il soit inconscient bougeait, se tordant de douleur. Tout son côté droit était meurtri par des éclats qui s’étaient profondément plantés en lui.

Le Kei’zan secoua la tête comme pour reprendre ses esprits. Il se rendit vite compte que la conscience qui reliait tous les Daïs entre eux avait disparu. Il ne pouvait pas ressentir la douleur des survivants, ni celle de son frère. Pour éviter de se faire écraser par des débris qui tombaient encore, il prit son frère sur son épaule et le mit plus loin à l'abri. Ayant prit un peu plus de recul, il put alors se rendre compte de l’étendue des dégâts. Arbre-Monde était mort. Une bonne partie de son peuple balayé et, surtout, il n’y aurait plus aucune naissance de Daïs. Une fois la situation calmée, il ressentit comme une force magique qui émettait faiblement. Intrigué, il alla voir de quoi il pouvait retourner. Après avoir slalomé entre les corps des défunts Daïs et les branches mortes, il arriva là où se trouvait l’arbre et n’y trouva qu’une souche entourée d’éclats de cristal. C’est parmi eux que se trouvait un morceau de gemme particulier. Le Kei’zan se pencha et le ramassa. Aussi grosse que son poing, cette gemme abritait en son sein un morceau de racine. Il entendit alors ces paroles :

“La mort n’est pas la fin. Tu me porteras et nous vivrons ensemble jusqu’au jour de la renaissance”.

A ce moment-là, il comprit que cette graine était sa pierre-cœur et que le cycle de la vie était ainsi. Un jour, dans le futur un autre Arbre-Monde pousserait.

Mais quand ?

Mode d’emploi chapitre 2

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Salle du trône du château de Baranthe, quelques temps après le départ des artisans vers Thane.

Le roi était seul, assis dans son confortable fauteuil plusieurs fois centenaire. Il songeait à ce fabuleux trésor qui dormait et qui bientôt serait sien. Il faut bien l’avouer, il jubilait intérieurement. Hélas pour lui, sa bonne humeur intérieure fut vite contrariée par l’arrivée à l’improviste d’un visiteur très indésirable. Le roi se sentit en premier lieu fatigué, puis il sentit que son corps devenait de plus en plus lourd, autour de lui tout devint sombre, comme si la lumière passait au travers de vitres noircies. D’une poche intérieure de sa veste, une pierre sortit, lévitant à une faible distance de sa tête. Cette pierre-coeur devait probablement être verte, mais, en l’état, elle était presque entièrement noire. La lumière ambiante se concentra alors pour former des volutes de fumées qui convergèrent vers un point central. Enfin de cette fumée émergea un homme habillé de noir et dont le visage était en partie caché par une capuche. Il avança vers le roi en frappant le sol de sa canne.

- Vous œuvrez bien, roi Baranthe. Vous serez bientôt riche et les 7 royaumes seront bientôt à genoux devant votre splendeur.

Les mots du Nehantiste frappaient dans le mille. La vanité, l’avarice et le désir de devenir un des grands de ce monde servaient de point d’entrée à la conscience du roi.

- Le plan se passe comme prévu, nous arrivons à sa résolution.

Le Nehantiste donna alors au roi un parchemin vierge et de quoi écrire.

- Vous allez écrire une lettre adressée au seigneur de Thane.

Aussitôt, les mains du roi commencèrent à rédiger, sans même regarder le parchemin.

- Vous y indiquez qu’un dénommé Quilingo va venir en votre nom et va se servir en premier dans ce que contiendra le coffre. Il est important qu’il rentre en premier. Bien entendu, vous signez, comme à votre habitude, de votre sceau royal.

Quelques minutes plus tard, la lettre était prête et cachetée.

- Le dénommé Quilingo doit arriver demain. Vous le recevrez en toute discrétion et lui donnerez vos ordres.

Puis, reculant jusqu’au centre de la pièce :

- N’oubliez pas, votre nom va rentrer dans l’histoire !

Le Nehantiste se transforma alors en fumée, puis la fumée en lumière noire. La pierre-coeur du roi se remit dans sa poche, tout redevint clair. Le roi fut libre de penser à nouveau par lui-même. Pour lui, tout cela était son idée.


Plusieurs jours durant, les plus éminents artisans travaillèrent d’arrache-pied à la résolution de l’énigme. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que celle-là les tenait en respect. La petite troupe vivait de façon recluse dans un village monté à la va-vite et collé à la chose. Ce soir-là, le seigneur de Thane avait ordonné un rassemblement afin de faire le point sur les avancées de ses invités. Ils étaient donc tous là, autour d’une table, dans un brouhaha assez impressionnant, chacun défendant ses idées avec beaucoup de passion. Le pauvre seigneur avait beaucoup à faire avec autant de personnalités complexes.

- S’il vous plait ! S’il vous plait ! Messieurs et damoiselles ! Un peu d’attention !

Hélas, à part Arckam, le prestidigitateur des Combattants de Zil, personne ne l’écoutait vraiment. Devant le désarrois total du seigneur, le Zil se décida à faire quelque chose. Il fouilla dans une poche et en sortie un ballon de baudruche, puis d’un bond il se retrouva sur la table, sans que les échanges ne cessent. Puis le ballon gonfla pour devenir aussi gros que Ramen le vendeur de nouilles. Certains coupèrent leurs bavardages, d’autres pas. L’artisan Zil sorti alors comme par magie une longue aiguille et fit exploser le ballon qui immédiatement se mit à répéter les paroles du seigneur de Thane, mais avec beaucoup plus de corps.

- S’IL VOUS PLAIT ! S’IL VOUS PLAIT ! MESSIEURS ET DAMOISELLES ! UN PEU D’ATTENTION !

Étrangement, tout le monde s’arrêta de parler. Arckam redescendit de la table, aussi mystérieusement qu’il était apparu.

- Merci, messire Arckam. Maintenant que j’ai votre attention, j’aimerais que chacun fasse part de ses hypothèses. Vous voulez bien commencer Klémence ?

La jeune femme fut très étonnée de voir qu’on s'intéressait à elle. Elle s’essuya les mains sur son tablier puis se leva en se raclant la gorge.

- Si vous voulez mon avis, ce truc a bien été fabriqué par quelqu’un. Si on savait qui, on pourrait résoudre cette foutue histoire. Parce que pas moyen de dévisser quoi que ce soit sur ce machin !

- Très bien, mais sinon une hypothèse pour l’ouvrir ?

- Beh non, aucune idée.

- Bien, euh, merci. Bon, Jorus ?

Le vieil homme était entrain de chuchoter quelque chose à l’un de ses “Jorusiens” et fut surpris qu’on le demande.

- Quoa ?

- Et bien, auriez-vous une idée de comment ouvrir cette chose. Quelles sont vos théories ?

- Et beeen, j’vu des serrures, donc faut ptêt des clés ?

A ce moment-là, Delko se mit à applaudir.

- Bravo ! On s’en doutait pas !, ironisa le facteur de golem.

- Beh si t’es fort, vas-y épat’nous !

- Puisque tu me laisses la parole, je pense que j’ai quelques pistes. Comme le dit Klémence, il est important de savoir qui a “commis” ça avant d’avancer. Une fois que nous le saurons, il nous faudra comprendre les mécanismes.

- Donc, ça fait plusieurs jours que vous restez là à vous chamailler et ça n’a pas avancé d’un poil ?

- Vous faites erreur, contra Delko. Nous échangeons nos point de vue, c’est ce qui nous fait avancer. Si vous pensiez que nous allions arriver et découvrir la solution du premier coup d’oeil, c’est mal connaître notre métier. Bon ceci dit, ayant anticipé tout ça, j’aurais la réponse de qui est le constructeur de cette chose d’ici peu.

Effectivement, le lendemain matin, un messager en provenance de Noz’Dingard apporta à Delko un porte parchemin. Tous les autres artisans se réunirent autour de lui pour, comme dirais Jorus, “Lorgner”.

“Maître Delko,

Le nom de la personne que vous cherchez est Maître Elmijah de Kref’ga, aussi connu sous le nom de Ebohki. D’après les renseignements que nous avons sur lui au sein de la bibliothèque du Compendium, il aurait mystérieusement disparu quelques temps après la guerre contre Nehant.

En espérant que ces renseignements vous seront à toutes fins utiles.

Votre dévoué,

Aerouant.”


Ebohki. Ce nom éveilla immédiatement l’intérêt de l’assistance et les discussions repartirent de plus belle. Pour les gens présents ce jour-là, l’évocation de ce nom signifiait énormément, car dans le milieu qui était le leur, Ebhoki fut celui qui sublima son art à son paroxysme, un véritable génie en avance sur son temps. Même aujourd’hui la plupart d’entre eux n’était pas capable de faire aussi bien que lui. Cela n’augurait que du mauvais pour la réussite de leur entreprise.

Quelques jours plus tard, Quilingo était arrivé au campement de fortune. Il s’ennuyait ferme et passait le temps en jouant au Ylong au comptoir de Ramen. Ce dernier n’étant là que pour le travail (mais aussi un peu pour espionner les confrères). C’est au beau milieu d’une partie passionnante qu’une clameur se fit entendre et il y eut alors une grande agitation, suivi de multiples bruits de rouages et de jets de vapeur. Enfin, un tremblement de terre léger eut lieu, la “chose” était enfin ouverte. Les artisans présents se félicitaient les uns les autres et des “Hourra !” raisonnaient sur les parois de la “chose”. Quilingo sauta de son tabouret et se fraya un chemin au travers de la foule compacte qui, au-delà des compliments mutuels, commençait doucement à rentrer dans cette boite géante. Mais Quilingo rappela à tous que nul ne devait rentrer avant lui. Sa grande taille et sa force imposante lui permirent de se faire respecter. L’intérieur était incroyable ! Totalement métallique, il y avait là des mécanismes partout contre les parois et aussi des lumières vertes qui émanaient d’étranges demi sphères de verre. Un peu partout au sol se trouvait un véritable trésor. De l’argent, mais aussi bon nombre d’objets hétéroclites, allant de l’armure complète, au coffret, en passant par des objets plus simples comme des tissus. Les yeux des artisans s’écarquillèrent en voyant tout cela. Quilingo quand à lui déplia discrètement un morceau de parchemin sur lequel se trouvait une illustration, plus précisément un dessin d’une épée, avec, en dessous quelques inscriptions. L’homme-panda fouilla la pièce et finit par trouver l’objet de son désir, une épée ô combien particulière. Il l’enveloppa dans une grande pièce de tissu et s’en alla sans demander son reste.

Pendant ce temps-là, le seigneur de Thane jubilait de cette victoire. Il avait laissé tranquille ses invités depuis qu’ils avaient appris le nom de “l’artiste” qui avait construit la “chose”. Finalement, il avait bien fait. Il demanda donc à Masamune, resté en retrait jusque là, comment ils avaient réussi ce tour de force.

- Le roseau plie, mais ne se rompt pas. Notre intelligence s’est pliée sans se rompre.

- Ah, euh, très bien, très bien, mais sinon comment avez-vous fait ?

Masamune, qui à l’ordinaire ne souriait jamais, esquissa un semblant de rictus.

- Nous nous sommes adaptés. La conception de cette oeuvre ne pouvait être appréhendée par nos esprits qui raisonnent avec nos connaissances. L’adaptation a été la clé de notre victoire, et le travail d’équipe son instrument.

Le célèbre forgeron de la Kotoba montra les clés qui dépassaient de la porte.

- Il y avait plusieurs serrures, toutes différentes avec des clés de natures différentes, expliqua Delko au seigneur. En mettant nos connaissances en commun nous sommes arrivés à décrypter les énigmes. Mais bon je vous passe les détails, pour vous l’important est que cela soit fait et pour nous tous l’accomplissement. Et espérons, un peu de richesse.


L'Honneur retrouvé

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Elles étaient toutes là. L’ensemble de la sororité se tenait devant elle, comme pour faire poids dans la balance de la honte, cette honte qu’elle ressentait depuis des semaines. Elles portaient une simple robe grise et une ceinture de cuir noir tombait sur leurs hanches. Le gris, la couleur du malheur. Aujourd’hui, elle n’était plus une Sorcelame, déposant sa rapière aux pieds de Naya, elle ne retint pas ses larmes. Des larmes que beaucoup d’entre elles partageaient. Lorsqu’une Sorcelame ne remplissait pas la fonction qui lui avait été attribuée, c’était toute l’organisation et tous leurs principes qui étaient mis à mal. L’erreur de la jeune femme était l’erreur de toutes, mais malgré cela c’est elle qui en payait le prix.

- Anazra. Aujourd’hui, ton honneur est brisé, et l’honneur est le pilier de nos croyances et de nos principes.

La commandante ramassa l’épée d’Anazra.

- Je me rappelle le jour où je t’ai donné cette arme, tu étais très jeune à cette époque. Te la reprendre aujourd’hui est pour moi un déchirement.

Les larmes d’Anazra tombaient avec force sur le sol caverneux du temple de la sororité.

- A présent, il est temps que tu partes. Je garde cette épée, en espérant pouvoir te la rendre le jour où ton honneur sera retrouvé.

Ainsi s’acheva la cérémonie qui vit une Sorcelame défaite de son titre, cela arrivait que très rarement mais c’était toujours une épreuve pour l’organisation que de subir cela.


Quelques jours plus tard, la jeune femme avait abandonné tout espoir de redevenir celle qu’elle était. Elle passait le plus clair de son temps dans les jardins de Noz’Dingard où les statues des héros du passé regardaient vers l’horizon. Comment retrouver l’honneur ? Elle s’était posée cette question des centaines de fois, sans avoir la moindre réponse à apporter.

- Alors, as-tu trouvé l’inspiration Anazra ?

Deux jeunes femmes arrivaient, habillées en Sorcelame.

- Vous venez me narguer mes “sœurs” ?

Moîra et Eglantyne étaient arrivées à la même époque qu’elle et des liens s’étaient tissés entre elles.

- Bien sur que non.

- Nous n’avions pas de nouvelles de toi, mais il semble que ta présence ici ait été relevé par Dragon.

- Dragon ? Il doit bien rire de ma situation, ajouta ironiquement l’ex-Sorcelame.

- J’en serais pas certaine à ta place, ajouta Eglantyne.

- Mais tu n’es pas à ma place. J’aimerais bien t’y voir.

Les deux sœurs s’installèrent de part et d’autre du banc de pierre.

- Tu te souviens de notre formation ?, demanda Moîra.

- Oui, parfaitement bien.

Elle se remémora alors, quelques années plus tôt, la formation reçue de leur aînée, Naya, particulièrement de la première phrase qu’elle leur adressa. Et à sa façon, c’était autant un test qu’un “Bienvenu”. “La Sorcelame est à la fois fine lame et magicienne. Elle doit être agile et comprendre les arcanes de Dragon.”

Puis des souvenirs plus récents, où Eglantyne, Moîra et elle s’étaient aventurées dans le Souffle de Dragon, une région au plus profond de la Draconie. Là, elles avaient compris le sens du mot honneur. Anazra regarda ses amies avec intérêt. Toutes les deux souriaient. Elles savaient bien qu’elles lui ouvraient là la piste vers son retour chez les Sorcelames. Elle se leva, le cœur plein d’espoir.

- Merci, j’ai compris ce que je devais faire.

Puis, elle s’en alla sans dire un mot de plus, saluant de loin ses amies.

- Tu penses qu’elle va réussir ?

- Dragon veille toujours sur elle comme il veille sur nous. Elle n’est pour le moment peut-être plus Sorcelame, mais elle reste une draconienne, et ses pouvoirs sont toujours aussi redoutables.

- Nous verrons bien.


Anazra fit un rapide détour par l’auberge où elle dormait depuis sa déchéance, prit ses affaires, la rapière qu’elle s’était offerte pour remplacer celle reprise par Naya et quitta la ville dans la foulée. Elle savait que son voyage ne durerait que quelques jours et qu’elle passerait par des villages bordant la route. La voilà partie pour un périple initiatique, ou du moins, à nouveau initiatique. Elle avait déjà foulé les pavés de la route qui menait vers le Sud, à Noz’Zar, la deuxième plus importante cité de la Draconie. Là, elle quitterait la relative sécurité pour suivre des chemins qui la mèneraient à la plaine des Mornepierres qu’elle traverserait avec prudence et témérité. Sauf que cette fois, arrivée au bout de cette plaine, elle rencontra un voyageur qui se reposait près d’un ruisseau. Anazra ne s’attendait pas à trouver quelqu’un ici, au milieu de nulle part. L’homme se leva à l’approche de l’ancienne Sorcelame. C’était un jeune homme qui avait à peu près son âge, portant des vêtements de voyage mais d’une facture qui ne laissait aucun doute sur sa condition, un membre de la noblesse. Les traits de son visage lui rappelaient quelqu’un, mais elle ne savait pas vraiment qui, mais l’impression de déjà vu était plus que forte.

- C’est bien vous, dit-il d’un air assez satisfait.

La jeune femme fronça les sourcils. “Qu’est ce que c’est que cette histoire encore ?”.

- Ça dépend, qui attendez-vous messire ?

- Celle qui devait protéger mon père, mais qui n’y arriva pas.

Le cœur de la jeune femme se serra et la honte apparut d’un coup sur son visage.

- Oh, veuillez m’excuser pour cette phrase malencontreuse, je ne voulais pas vous faire de la peine. Venez, installez-vous avec moi je vais vous expliquer ce qui m’amène exactement.

L’ancienne Sorcelame posa ses affaires et s’affala sur l’herbe verte, le jeune homme suivit le mouvement.

- Nous nous sommes croisés une fois il y a deux ans, depuis j’ai grandi et surtout Dragon m’a confié la tache de succéder à mon père en devenant Seigneur-Dragon de Drak’Azol.

- Félicitations, c’est une lourde responsabilité, coupa-t-elle.

- Merci, mais je ne suis pas là pour vous annoncer cela. J’ai su que vous vous dirigiez vers le Souffle de Dragon. Or je dois rendre visite au Seigneur Karn, et je passe par la même route.

- Vous avez su ? Qui vous a dit que je passerais par là ?

- Vos amies Eglantyne et Moîra.

- Aaah les garces ! Je savais bien que leur discussion à propos de notre formation n‘était pas anodine.

Anazra fulminait et pensa “elles m’ont bien eue”.

- Et donc vous vous êtes dit que me rappeler mes erreurs le long d’un voyage serait à coup sûr une punition intéressante ?

Le jeune homme ouvrit la bouche, comme hébété par cette phrase.

- Non non, au contraire. Vous savez cet évènement tragique n’est dû qu’à deux choses : la Fatalité et le Traquemage. Cela aurait été vos amies à votre place le résultat aurait été le même.

- Vous vous basez sur des suppositions.

- Non, juste que vous vous en voulez de ne pas avoir accompli votre devoir, mais que vous ne devriez pas, car c’est ainsi que cela s’est passé et que cela aurait dû se passer.

- Je ne suis pas convaincue par ce que vous me dîtes, Seigneur-Dragon. Mettons-nous en route voulez-vous ? Les lieux ne sont pas très sûrs.

- Vous avez raison.


Ils se mirent alors en route au travers des montagnes rouges. Au début Anazra n’écouta guère le Seigneur-Dragon, mais chemin faisant elle céda peu à peu face aux arguments du jeune homme. Elle commençait de nouveau à avoir confiance en elle. Puis, quelques jours après, ils arrivèrent dans un lieu connu sous le nom de Souffle de Dragon. Une cuvette remplie en permanence d’une brume opaque.

- Nous voilà au Souffle, je vais reprendre mon chemin vers Kastel Drak. J’espère que ces quelques jours passés en ma compagnie vous aurons ouvert les yeux.

Anazra connaissait la dangerosité de la route vers Kastel Drak et, pour rejoindre la cité, il fallait franchir la passe de l’Œil qui était réputée pour être un repère de brigands.

- Si vous voulez, je peux vous accompagner jusque là-bas.

- Non non, vous avez mieux à faire que de m’escorter, personne n’attaquera un Seigneur-Dragon tout de même.

- Espérons-le.

Leurs routes s’éloignèrent alors et l’ancienne Sorcelame avança dans le Souffle de Dragon. Une légende très connue des draconiens raconte que ceci serait le Souffle de Dragon et que ce dernier empêcherait les secrets de ce qui s’est passé dans ce lieu d’être révélés. Les jeunes Sorcelames venaient ici pour être mises à l’épreuve. Anazra progressa une bonne heure avant qu’elle ne ressente la présence de Dragon.

- Qu’elles sont les règles de l’Ordre des Sorcelames ?, lui demanda une voix caverneuse.

- Vous servir Vous, servir le peuple et les Seigneurs-Dragon.

- Bien, et comment servir au mieux un Seigneur-Dragon ??, la voix se fit plus grave.

Anazra resta silencieuse quelques secondes. Puis, son cœur se serra. Elle avait laissé le seigneur de Drak’Azol face à un risque potentiel. Sur son honneur, il ne devait pas en être ainsi. Elle se mit alors à courir du mieux qu’elle pouvait. Elle ne s’arrêta que peu de temps et fit appel a ses pouvoirs magiques pour être plus endurante. Elle rattrapa le seigneur alors que celui-ci était au prise avec une poignée de marauds qui en voulait à ses quelques richesses. Sans hésitation, elle dégaina sa rapière et mit en œuvre le savoir-faire appris bien longtemps auparavant. Les brigands ne résistèrent pas longtemps et s’enfuirent à toutes jambes. Le Seigneur-Dragon n’avait heureusement rien.

- Et bien, j’ai vraiment cru que vous alliez m’abandonner à mon sort.

- Une Sorcelame doit veiller sur les Seigneurs-Dragon.

- Parce que vous êtes une Sorcelame ??

- Si la dirigeante de notre ordre le veut bien.

- Dans ce cas, je me permettrais d’intervenir en votre faveur.


Quelques jours plus tard, au temple de l’ordre des Sorcelames en Noz’Dingard. A nouveau, elles étaient toutes réunies, mais cette fois leurs robes étaient bleues et les mines réjouies. Anazra était de nouveau à genoux devant Naya. Le silence se fit alors.

- L’Honneur ne nous quitte jamais. Lorsque nous sommes dans le doute, nous pouvons compter les unes sur les autres.

Elle prit la rapière d’Anazra.

- Ceci est le symbole de notre engagement et je suis heureuse aujourd’hui de te le rendre. Porte fièrement cette arme et rejoins tes sœurs, Anazra, Sorcelame de Noz’Dingard.


Libérer l'Ombre

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Le bal des courtisans était maintenant fini, mais la mission d’Ishaïa ne s’arrêtait pas là. Elle avait confié une quête à Marlok et il lui restait désormais à annoncer une mauvaise nouvelle. Elle repartit de Kastel Draken avec ses suivants afin de rejoindre le Tombeau des ancêtres et, après plusieurs jours de voyage, l’objectif était atteint : le campement des Combattants de Zil.

En voyant arriver la délégation aux couleurs du Conseil, Ergue qui surveillait les environs prévint vite Abyssien. Ce dernier fit réunir tous les Combattants de Zil disponibles afin d’accueillir au mieux leurs augustes visiteurs. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il reconnut l’étendard de Dame Ishaïa. Par le passé, leurs chemins s’étaient déjà croisés. La conseillère toisa du regard les présents avec un air neutre.

- Conseillère, soyez la bienvenue en notre humble demeure.

- Abyssien, répondit-elle en inclinant la tête respectueusement. Merci pour votre accueil. Ne vous inquiétez pas, je ne resterai pas longtemps.

Les Combattants de Zil se regardaient les uns les autres. Qu'allait-il se passer ? La plupart d’entre eux ne savaient pas qu’un Conseil des guildes existait, et ils allaient l’apprendre à leurs dépends. Abyssien et Ishaïa s’installèrent dans une partie privée du chapiteau. Le chef des Zil proposa des rafraîchissements à la conseillère.

- Ravie de voir que tu sais encore recevoir des visiteurs de marque.

- Merci de garder tes réflexions pour toi, rappelle-toi qui t’a fait entrer au Conseil !, dit-il avec une pointe de colère dans la voix.

- Allons, allons, c’est justement parce que nous nous connaissons que le Conseil m'envoie moi et pas quelqu'un d'autre ! Tu aurais préféré que ça soit le Régent ?

- Non, bien sûr, je suis content de te voir. Mais je trouve ton attitude parfois cavalière. Qu’est-ce qui t’amène ici ?

- Et bien je viens t’annoncer une mauvaise nouvelle. Puis elle se racla la gorge en déroulant un parchemin. De nombreux faits sont remontés jusqu’à nous, parmi lesquels : l’assassinat de Prophète par Télendar alors chef de guilde des Combattants de Zil, l'infiltration d’un Nehantiste au sein de ta guilde, les trahisons des membres Sélène, Silène et Télendar, l'omission de déclaration de nouveaux membres de guilde et enfin l'absence de rapport d’activité depuis plusieurs mois.

Abyssien s’assit. Effectivement cela faisait beaucoup.

- En fonction de ces faits, le Conseil prend la décision suivante. La guilde les Combattants de Zil a deux mois pour mettre à jour ses déclarations et prouver qu’elle peut encore être digne du titre qu’elle porte. Sans quoi, elle sera purement et simplement dissoute.

C’était un coup de massue que venait de recevoir le chef Zil.

- Comprend bien, Abyssien, que ça ne me fait pas plaisir. Officiellement, le Conseil se devait de répondre aux agissements de ta guilde. Il faut redorer votre blason et prouver que tes membres sont dignes de confiance.

La jeune femme déposa son verre et se leva.

- Officieusement, je sais bien que tout cela concerne Télendar. Mais les règles sont strictes, le chef de guilde assume les responsabilités des actes de sa guilde. Le conflit dans lequel nous sommes s’intensifie. Je ne doute pas que les talents des Zils seront appréciés, si tu arrives à les canaliser.

Abyssien restait muet, tout cela était grave et il fallait agir avec sagesse.

- Bien je ne te retiens pas plus Conseillère, j’ai à faire.

Le ton indiquait clairement qu’Abyssien allait prendre les choses en main. Le visage du chef Zil se modifia et commença à enfler.

- Oui bon, je crois que je vais vous laisser. Dans deux mois, nous jugerons de l’évolution des choses.

La Conseillère repartit aussi rapidement qu’elle était venue, laissant le chef à ses affaires.


Abyssien était entouré par les autres Combattants. Il leur avait expliqué la situation et les mines étaient devenues graves. Kriss s’avança vers le chef.

- Abyssien, il faut réunir le triumvirat.

Les plus anciens Zils savaient qu’existait un triumvirat qui lorsque la situation l’exigeait se réunissait pour prendre les décisions. Les nouveaux fraîchement arrivés apprirent donc ce fonctionnement.

- Il va falloir oui. Puis, regardant l’assemblée. Bien écoutez moi tous, il faut débarrasser la piste, enlevez tout se qui traine, puis une fois que ça sera fait vous vous mettrez en cercle tout autour. Kriss et moi allons faire venir une personne inconnue de la plupart d’entre vous. Si jamais elle s’adresse à vous, ne lui répondez pas.

Les Combattants débarrassèrent donc la piste, puis Abyssien apporta une grosse malle, il l’ouvrit et attrapa son contenu. Puis, délicatement, il déposa ce qui ressemblait à une grosse marionnette, faite de paille et de tissus aux couleurs de la guilde. Il éloigna ensuite la malle. Kriss commença à jouer de la musique avec son orgue de barbarie un air jusque-là inconnu de la majorité de la troupe. Abyssien, quant à lui, lança un sortilège de nuit dans la pièce, puis un autre sort qui créa un puits de lumière sur la piste. Le chat noir qui ne quittait jamais Kriss faisait des cercles autour de l’espèce de poupée. Le chef des Zil incanta dans le même rythme que la musique. Au bout d’un moment, le mannequin de paille s’éleva dans les airs en même temps que le chat. Des tentacules d’ombre sortirent du félin et s’enroulèrent autour de ce qui en fait, était un épouvantail. Celles-ci passèrent ensuite par les yeux et la bouche de l’épouvantail et quittèrent le félin qui redescendit inconscient sur le sol.

La musique cessa de même que l’incantation. La créature était restée debout et se balançait doucement d’avant en arrière, les bras bringue-ballants. Tout le monde retenait son souffle devant l’évènement. Puis l’épouvantail s’anima encore plus et se mit à marcher en regardant autour de lui. Après avoir fait un tour de piste, il s’arrêta devant Abyssien et Kryss. Les deux hommes s’inclinèrent, puis la créature fit de même.

- PourQUOI, me DERangez-VOUS ?

- Il nous fallait réunir le triumvirat, la guilde est en danger.

- AAaH ? En QUOI la guilDE que j’ai créé EST-elle en DANger ??

Abyssien expliqua donc le passif de la guilde et la mise en demeure du Conseil. L’épouvantail se retourna et refit un tour de piste. Il ne reconnaissait personne à part Sangrépée et Sansvisage, d’ailleurs il s’arrêta à leur niveau.

- OUUUH mes PEtits vous avez GRANdits ! VOUS êtes SUPERbes !

Continuant son tour, il s’arrêta devant Sombre.

- COmment tu t’APpelles ?

Mais la jeune femme ne répondit pas, se souvenant de la mise en garde d’Abyssien. L'épouvantail dodelina de la tête.

- Elle se nomme Sombre, elle est douée en jonglerie, répondit le chef. Nous devons parler en privé.

Kryss, Abyssien et le nouvel arrivant laissèrent les autres aux spéculations les plus folles.


Le triumvirat se réunit donc à l'écart du chapiteau afin d’être libre de tout espionnage éventuel.

- NE t’inquIETE pas MONsieur LOyal, ils ne POUrront pas dissOUDRE ma chèRE GUIlde ! L’OMbre est là mainteNANT.

- Qu’allons-nous faire pour nous donner du crédit ?, demanda Kryss.

- Nous allons passer aux choses sérieuses, répondit Abyssien dont le visage se dilatait à nouveau.

- OUI ! On va PUnir les TRAîtres et FAIRE ce pourQUOI je nous AI créé, faire EN sorte QUE le MAL ne sorTE pas de l’OMBre.

- Vas-tu rester cette fois ?, interrogea Kriss qui lui aussi changeait.

- OUI ! Mais PERsonne ne devra savoir qui JE suis ! L’Archimage Artrezil a ETE clair A ce suJET. Vous me NOMMErez désorMAIS SALEM !

A l'aventure

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Comme un peu partout dans le monde, les îles blanches recelaient de véritables coupe-gorges, tavernes mal famées où l’alcool coulait à flots et les fripouilles venaient délester les soûlards. C’est dans l’un de ces lieux que débute l’aventure incroyable de l’équipage d’Al la Triste. “Les deux jambes de bois” était une taverne du quartier le plus mal famé de la célèbre cité Volovan, un repère de crapules, de fripouilles et d’arnaqueurs en tout genre. Burrich le batteur, un des clients réguliers avait bon espoir de réussir le coup du siècle en voulant vendre une carte au trésor. Ne sachant ni lire, ni écrire, il ne se doutait pas de l’importance de cette carte et, comme on ne le prenait jamais au sérieux, personne n’avait voulu croire en la valeur de ce qu’il détenait. Jusqu’au moment où son histoire parvint aux oreilles de Bragan, un des membres de l’équipage d’Al la triste. Après avoir fait quelques vérifications, il rapporta l’authenticité de la chose à son capitaine. Al la triste fut très intéressée par cette découverte.

Bragan le vieux baroudeur, Poukos l’homme poisson et le Capitaine Al la triste entrèrent dans la taverne où devait se passer la vente de la carte. Beaucoup sortirent en croisant les pirates, dont la réputation avait une fâcheuse tendance à les précéder. Pour ceux qui n’avaient jamais croisé Al la triste, sa vision provoquait toujours la surprise. Avec son tricorne, la jeune femme avait souvent du mal à passer les portes, tant en hauteur à cause de sa stature qu’en largeur avec son imposant bras droit mécanique.

Leur rendez-vous attendait dans un coin. Burrich s’imaginait déjà repartir richissime après avoir vendu ce bout de papier trouvé dans une brocante. Les deux acolytes du capitaine s’assirent à la table de l’infortuné vendeur. Le capitaine s’installa juste à sa gauche.

- Refais-nous voir la marchandise, raclure de latrines ! Harangua Bragan avec toute l’amabilité dont il pouvait faire preuve.

L’homme sortit donc l’objet tant convoité, un rouleau de parchemin qui fut probablement scellé par une lanière de cuir rouge et un cachet de cire. Al la Triste examina la lanière puis déroula la carte. C’était bien ça ! Plusieurs années à chercher en vain pour tomber dessus presque par hasard. Mais elle ne montra rien de sa satisfaction. Poukos lança sur la table une bourse contenant de l’argent. L’homme l’attrapa et l’ouvrit avec impatience. Hélas il fut déçu, la somme ne correspondait pas vraiment à ses attentes.

- Hey ! Mais y’a rien là dedans !, s’indigna-t-il.

Al la triste se leva d’un coup, renversant son tabouret, empoigna l’imbécile par le col et le souleva jusqu’à son visage. Les deux autres ne bougèrent pas le petit doigt. Il fallait bien entretenir le mythe de la célèbre Al la triste !!

- Ecoute tête de hareng, des comme toi, j’en ai plein ma cale. Je les refourgue aux mines de sel de Brence. Alors, s’tu veux pas que je t’arrache un bras et que je te bazarde là-bas, accepte ce marché qui est tout à fait honorable.

L’homme ne la ramenait pas. Il crut que c’en était fini pour lui. Poukos et Bragan le regardaient comme si sa dernière heure était venue. Pesant le pour et le contre assez rapidement, il tendit la carte.

- Te.. tenez, c’est bon ça m’va !

Le capitaine le lâcha d’un coup et il s’affala par terre. Il eut à peine le temps de se lever que les pirates étaient déjà en train de partir, ce qui constituait pour lui un soulagement. Il avait un peu plus d’argent et beaucoup moins d’ennuis.

Un peu plus tard sur l’Arc-Kadia, le navire volant du capitaine Al la triste, c’était l’effervescence. La jeune femme avait fait rappeler son équipage qui était jusque là “en permission”. Dans ses quartiers, la jeune femme tentait de percer les secrets de cette carte au trésor lorsque quelqu’un frappa à la porte.

- Capitaine, c’est moi !, dit une voix très aiguë.

Al la triste se leva, déverrouilla la porte et regarda son second avec joie.

- Viens entre, dit-elle en regardant s’il n’y avait pas un ou deux curieux qui les espionnaient. Je l’ai trouvée, j’ai enfin de quoi localiser le Titan du capitaine Hic !

Œil de gemme, le second, plissa les yeux et enleva les quelques mèches qui lui tombaient sur le visage. Elle avait grandi avec le capitaine et les deux femmes étaient devenues de véritables sœurs d’arme. Al la triste lui montra fièrement la carte, dépliée sur la table ronde. Autour, voire dessus, un tas de livres ouverts et des instruments de mesures étaient éparpillés. La carte elle-même était assez grande mais surtout magnifiquement illustrée.

- Tu crois vraiment que c’est le capitaine Hic qui l’a dessinée ?

- Absolument ! Regarde, dit-elle en montrant un tas de parchemins. C’est tout ce que j’ai réuni sur lui. Il y a là de nombreux dessins signés de sa main. Le style correspond, et la date aussi. Si tu observes bien, la partie gauche est le royaume de Bramamir, avant que le vortex ne se forme. Et on sait que Hic y a vécu avant la guerre noire.

Œil de gemme observait la carte. Elle ressentit alors l’émanation d’une magie discrète, mais présente. La guémélite passa la main au dessus et sans faire exprès réactiva la carte. Des inscriptions apparurent sur le parchemin, puis la carte exhala une fine fumée qui voleta pour former une image bien plus complète. Une petite boule jaune de la taille d’une phalange apparu sur la carte. Al la Triste avança, ses yeux brillaient d'excitation. Elle jeta un œil aux inscriptions, c’était une langue que peu connaissait, mais elle, elle l’avait apprise il y a bien longtemps. Son père, capitaine pirate lui aussi, avait enseigné à sa fille tout ce qu’il savait.

Voici ce que cela racontait :

“La chasse commence, contre vents et marée vous les trouverez, les cardinaux aidant. A chaque étape son combat, remporte les tous et trouve Titan ou bien sombre dans l’oubli éternel.”

Elle relut à plusieurs reprises la phrase afin de mieux en saisir l’essence.

- Et bien, c’est mystérieux tout ça, c’est très intéressant.

Son second, quant à elle, examinait le point jaune. Elle attrapa une carte de la région et compara les deux plans.

- On reconnaît certaines parties des Îles blanches, le point jaune indique un morceau autrefois côtier. Nous pouvons y être en deux jours.

- Bien, prépare l’équipage. Fais le plein de foudre. Nous partons demain !

- Bien, capitaine.

Le lendemain matin le navire était prêt. C’était un gigantesque 3 mats propulsé par deux gros moteurs “Vafeur”, mélangeant une technologie basée sur un moteur à vapeur et foudre, une machinerie bidouillée mêlant cristaux magiques et forces de la nature récupérés à même les nuages. Les arcs électriques qui léchaient les cristaux produisaient des claquements particuliers. Mais l’équipage s’y était depuis longtemps habitué et plus personne n’y faisait attention. Sur le pont, tout le monde attendait le discours de leur capitaine. Œil de gemme avait bien fait son boulot et tous filaient droits. Enfin, le capitaine apparut, portant son large sabre, preuve de son statut.

- Pirates ! Nous partons aujourd’hui à la recherche du Titan, le célèbre navire du capitaine Hic et du trésor qu’il renfermerait !, dit-elle en levant son sabre vers le ciel.

Alors, tous se mirent à crier, se donnant du courage, la tête pleine de rêves, de richesse et de gloire. L’équipage se mit au travail, détacha le navire de l’encrage et lâcha les voiles à la faveur du vents. L’Arc-Kadia trembla, craqua, puis doucement s’éleva dans les airs. La cité de Volovan et son île, figées dans le ciel devinrent de plus en plus petites alors que d’autres grossissaient. Al la triste tenait la barre avec fierté, elle savait précisément où aller, elle avait mémorisé la carte au trésor et les plans de son second.

La nuit était tombée sur l’ancien royaume de Bramamir et deux jours avaient passé depuis leur départ. Personne ne dormait et l’activité était fébrile, le navire amorçait sa descente vers une toute petite île à l'écart. Celle-ci était vallonnée de dunes et entièrement recouverte d’un sable morne.

- Que savons nous du coin, Œil de gemme ??

- Pas grand chose, c’est une région désertique, y’a personne qui vit dans le coin. Y’a que la mort qui ose venir ici.

- Un endroit idéal pour cacher quelque chose. BRAGAAAAAAAN !!, hurla le cap’tain.

Un vieil homme débonnaire apparut, à moitié endormi, un cruchon de rhum à la main.

- Ouais cap’tain ?

- Tu iras au matin sur cette île avec Ti mousse et...

- Moi ! Moi ! Moi ! Moi !

Débarqua alors une furie au cheveux courts et très légèrement vêtue. Elle monta les escaliers jusqu’au pont en deux temps trois mouvements et s'arrêta en se mettant au garde à vous. Al la triste eut l’air désespérée et secoua la tête en se cachant le visage de la main gauche.

- Tu dors pas encore la peste ??, targua Bragan.

- Allez, capitaine, laissez-moi y aller !, insista la rouquine.

- Bien, oui vas-y, mais je te préviens que tu m’entendras si tu rates ton coup. Compris, Armada ?

- Ouais ! Ouais ! Ouais !

La jeune fille sauta en l’air en agitant les bras frénétiquement.

Quelques heures passèrent et le jour arriva enfin, le petit groupe était prêt. Le navire se plaça à une distance suffisante pour que Bragan, Ti mousse et Armada puissent descendre avec une corde. Le sable était chaud et immaculé et les dunes s’étalaient à perte de vue. Le petit groupe progressa lentement mais sûrement vers le centre de l'île. A bord de l’Arc-Kadia, Al la triste observait avec sa longue vue, mais la chaleur émise par le sable voila rapidement le groupe de pirates. Au bout de quelques heures de marche, Bragan se rendit compte que quelque chose n’allait pas.

- En marchant comme on marche, on devrait déjà avoir atteint l’autre bout de l'île.

Ti mousse examina les environs.

- Là ! Des traces dans le sable ! Regardez, trois personnes sont passées par ici.

- C’est nos traces le mousse !, cracha Armada. Nous tournons en rond comme des rats dans une chaloupe.

- Mince, que va-t-on faire ?, lança le matelot avec une pointe de panique.

- On va réfléchir pardi, je sais que ça t’arrive pas souvent mais il va falloir. Nous allons commencer par changer de direction.

Le groupe se remit en route, et quelques temps plus tard, alors que la chaleur commençait à devenir insoutenable :

- On va mourir...

Ti mousse avait quitté son gilet et vidé son outre.

- Pas certain. Je t’ai dit qu’il fallait réfléchir.

- Parce que toi le vieux, t’as trouvé ?, dit Armada en s'esclaffant.

- Bien sur que j’ai trouvé. Et c’est justement une ancienne histoire qui me fait penser à la solution. Connaissez vous les miroirs de Flint ?

Les deux jeunes répondirent non à l’unisson.

- M’étonne pas ça. Et bien certains pirates pour cacher un trésor créaient une série de miroirs magiques imperceptibles qui faisait tourner en boucle les infortunés qui voulaient les voler. Et ici c’est le cas, enfin c’est pas un vol puisque Hic est mort depuis des lustres, mais son sort est toujours actif.

- Et comment on fait pour sortir de celui-ci ?

- Par magie ! Ces miroirs sont des mirages, nous avons de quoi les souffler et les briser. Armada, tu as toujours des explosifs sur toi. Va placer trois charges de façon à faire un triangle, tu sais ce qu’est un triangle ?

- Pfff, bien sur, vieux schnock !

Bragan se concentra durant de longues minutes, le temps pour Armada de placer trois bombes de sa confection. Puis une flamme apparue devant le mage pirate. Celle-ci se transforma alors en un petit oiseau, puis deux et enfin un troisième apparu.

- Couchez-vous !!!

Ti mousse et Armada eurent à peine le temps de se plaquer au sol que Bragan lança ses oiseaux qui foncèrent sur les bombes. Une grande explosion retentit alors et un nuage de sable se forma.

- Kof ! Kof ! Beh dis donc, c’est de sacrées bombes que tu nous as fait Armada.

- Ouaip, petites mais efficaces !

- Regardez ! Là ! Quelque chose brille dans le sable.

En effet un peu plus loin, en plein soleil un objet en or brillait de mille feu. En s’approchant les pirates reconnurent une tête de mort faites de sable, serrant entre ses dents un rouleau en or. Au moment où Bragan se saisit de l’objet, la tête de mort retourna à l’état de tas de sable. L’île elle-même fut secouée de tremblements.

A bord de l’Arc-Kadia, tout l’équipage scrutait les environs. Cela faisait maintenant de longues heures que la troupe était partie. L’inquiétude était montée peu à peu. Puis vint l’explosion, et quelques temps plus tard, un fait étrange. L’île tremblait et perdait des morceaux qui sombraient dans le vortex. Al la triste lança un rapide coup d’oeil avec sa longue-vue et repéra ses hommes. Le bateau tangua et avança en direction des infortunés corsaires qui luttaient pour ne pas être aspirés par l’un des nombreux trous qui se formait dans le sable. Bragan, Ti mousse et Armada remontèrent à bord in extremis car l’île entière se désagrégea...

Tombée du Ciel : Acte 3

Embrasement

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La nature avait enserré le Tombeau des ancêtres d’une végétation épaisse. Elle avait obéi à ceux qui sont nés de la terre et des arbres. La fureur avec laquelle la Cœur de Sève était entrée dans le conflit mettait un terme à la relative quiétude des lieux. Les lianes, qui recouvraient désormais la pierre tombée du ciel, pulsaient comme si du sang affluait par les battements d’un cœur invisible. Le Sphinx frappait avec une rage divine, taillant les racines qui tentaient de le capturer, mais sa fureur était trop forte, autour de lui deux énormes Hom’Chaï s’approchaient dangereusement. Heureusement pour le Gardien du temple, il était épaulé par Kararine. Insaisissable et agile comme une panthère, elle libéra son compagnon nomade. Ce dernier décida de se replier le temps que Ïolmarek trouve une solution à cette forte résistance. Le chef des Nomades du désert avait fort à faire, repoussant avec peine les assauts magiques du Kei’zan et de Parlesprit. La magie des deux Daïs était puissante, mais la foi de Ïolmarek et ses acolytes était un rempart contre lequel leurs adversaires venaient se briser.


Un peu plus loin à l’écart, les restes du campement des Envoyés de Noz’Dingard abritaient une étrange rencontre. Melissandre discutait avec Valentin le chevalier dragon.

- En vous sommeille une force que le Kei’zan a identifié comme étant équivalente à celle de l’Arbre-Monde. Vous devez comprendre que cette pierre n’est pas bonne pour notre terre et qu’elle va la faire pourrir.

Valentin s’était réveillé le matin en sursaut alors que la Cœur de Sève lançait son offensive. Très vite sur le pied de guerre, il avait observé les escarmouches, rendant ainsi compte par ses yeux à Dragon d’une situation assez complexe et explosive. Puis plus tard, la jeune Elfine s’était présentée à lui, pour une raison qui lui échappait encore.

- Nous avons entendu parler de Dragon et de sa sagesse. Je parle au nom du Kei’Zan en demandant de l’aide auprès de votre peuple. Vous devez ressentir les effets de la perversion.

Valentin se gratta la barbe, assez embarrassé. Il n’était pas mage et n’y connaissait pas grand chose au sujet. Il avait été envoyé là le temps que d’autres membres reviennent de mission.

- Je suis l’un des chevaliers de Dragon, tout ce que je sais, il le sait car nous sommes liés.

A ce moment là, Dragon décida de prendre la parole. L’aspect physique de Valentin changea, ses traits devinrent ceux d’un hybride homme/dragon.

- J’ai entendu l’appel de l’Arbre-Monde, Elfine. Le mal est caché aux yeux de tous et occupe mes Envoyés.

Melissandre eut l’air déçue de cette réponse.

- Mais Valentin va vous accompagner et mettre son savoir à votre service. Je vous enverrai d’autres alliés le moment venu.

Puis, Valetin reprit son apparence normale.

- Bien, on dirait bien qu’il va me falloir me mettre sous votre commandement.


Un peu plus tard et avec l’aide fortuite du vieux chevalier dragon, les Nomades étaient en très fâcheuse posture. Il y avait plusieurs blessés dans les rangs des fidèles de Sol’ra. Mais, heureusement pour eux, ils n’étaient pas seuls. Ils combattaient pour un idéal et pour une force supérieure qui dépassait leur condition. La pierre tombée du ciel, bien qu’entourée de lianes, émit un nouveau chant. Le vieux prêtre l’entendait et le comprenait comme s’il s’agissait de paroles célestes.

“Appelle-là, serviteur. Elle seule peut vous tirer de là”.

- Elle ??

Malika, qui était à côté, attrapa la soutane de Ïolmarek.

- Qui ça elle ? Sois plus clair !

Mais le prêtre n’écoutait plus rien. Il sortit alors une lampe à huile et souffla dessus. Une créature bleutée en sortit.

- Oui, mon maître, puis-je réaliser un de vos souhaits ?

- J’utilise mon deuxième vœux, génie. Je souhaite que Djamena soit là immédiatement.

- Qu’il en soit fait selon votre volonté, maître.

Le génie ferma les yeux et une aura dorée apparut autour de lui. Un flash se produisit alors, aveuglant toutes les personnes dans les environs. Lorsque la vue lui revint, se tenait à ses côtés une jeune femme vêtue des habits blancs et bleus des initiés du dieu Sol’ra. La jeune femme avait l’air interloquée par ce qu’il venait de se produire et lançait des regards autour d’elle avec une certaine panique. Puis, jetant un œil inquisiteur sur celui qui avait sauvé son père d’un sort incertain, elle entendit à son tour le chant. La douce voix ne s’adressait qu’à elle.

“Djamena, réveille toi ! Il est temps pour toi de redevenir celle que tu étais autrefois. Tu entends Djamena ?”

La jeune femme ne bougeait pas, mais en elle quelque chose se produisait, un déclic, une libération. Une lance apparut alors dans sa main puis, d’un geste, elle fendit l’air de bas en haut en direction de la pierre. Au bout de quelques secondes, les lianes l’entourant se rompirent, puis, en tombant, se décomposèrent et finirent par devenir du sable. La gemme se mit à luire de plus belle. A son pied, Djamena avait changé. Des ailes avaient poussé et ses cheveux qui flottaient au vent étaient devenus presque blancs. Tous les Nomades savaient qu’un nouveau Solarian venait de faire son apparition, cela signifiait que cette bataille n’était pas perdue.

A présent, le sol autour de la pierre se craquelait, une violente énergie divine s’était mise à l’œuvre. Alhem sentait que Sol’ra les regardait et jugerait leurs actes. Les théurgies de soin furent invoquées, remettant tous les Nomades d’aplomb pour une nouvelle manche. La contre-attaque fut lancée par le Sphinx qui, dans un rugissement, sauta sur Marque-rouge et manqua de peu de le décapiter, sauvé in extremis par Valentin qui avait repoussé le colosse au corps de lion. Djamena s’interposa ensuite.

- Tu vas être jugé, je suis le bras de dieu, et toi un insecte que je vais écraser ! Dit-elle avec colère. A peine eut-elle prononcé ces quelques mots que le ciel commença à s’assombrir. - Seigneur, nos actes à venir ne sont pas dignes de votre regard. Que l’Eclipse voile vos yeux divins et nous accorde la faveur de la lumière noire.

La Griffe, quant à elle, s’était faufilée entre les restes de lianes et d’arbres et allait assener à la jeune nomade un coup magistral lorsqu’elle fut immobilisée. Elle se sentait comme attirée par le sol. Ïolmarek s’avança jusqu’à elle en ricanant. Son aspect avait changé, ses habits et son attitude étaient devenus noirs.

- L’Eclipse, ma belle Eclipse, nous avons une guémélite !

Puis, des deux mains, il attrapa la griffe par le cou et la souleva au-dessus de lui.

- Tes péchés sont nombreux, infidèle ! Ton âme m’appartient pour l’éternité.

Il plaqua sa main droite sur la tête de la guémélite puis, comme s’il avait attrapé quelque chose d’invisible, il tira de toutes ses forces. Une forme fantomatique sortit d’elle. Son âme quittait son corps. Son cœur cessa alors de battre et ses bras cessèrent de s’agiter. Le Kei’zan un peu plus loin assista à la scène sans pouvoir faire quoi que ce soit...


Vers les Confins

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Le Tombeau des Ancêtres était à feu et à sang. La pierre Tombée du Ciel avait embrasé les alentours, détruisant les campements des Envoyés de Noz’Dingard et de la Kotoba. La Coeur de Sève et Valentin le Chevalier-Dragon s’étaient repliés sur le territoire Eltarite. Ils furent très vite rejoints par d’autres qui avaient assisté à la bataille et qui souhaitaient en savoir plus. Les Nomades du désert tenaient désormais le Tombeau des Ancêtres, galvanisés par la pierre et par l’Eclipse qui s’était produite peu de temps après l’apparition de leur nouveau combattant. Ces fanatiques avaient mis en défaite les créatures de la nature.

Le Kei’Zan tenait dans ses bras le corps sans vie de la Griffe, la tristesse et la fatigue se lisaient sur les visages éteints des Eltarites. Pour le coup, et vu l’importance de l’évènement, ce fut l’une des rares fois où autant d’étrangers furent acceptés sur les terres ancestrales habituellement cachées. Il y avait donc des membres de la Kotoba, des Envoyés de Noz’Dingard, des combattants de Zil et même des pirates, très récemment arrivés dans le conflit.


Le vent soufflait dans les arbres, le Kei’Zan posa au sol le corps inerte de sa fille adoptive. S’il avait eu un cœur, celui-ci serait brisé en mille morceaux tellement sa peine était grande. Autour de lui les autres membres de la Coeur de Sève se réunirent et entamèrent le chant rituel des défunts, une mélodie triste et mélancolique. Le Daïs incanta ensuite un antique sort de retour à la terre, des racines sortirent du sol et entourèrent la Griffe. Puis lentement le tout s’enfonça dans le sol.

Durant ce temps, Valentin était en conversation intérieure avec Dragon.

- Mon seigneur, vous avez vu comme moi ce qu’il vient de se passer. Quelle attitude prendre désormais ? Ces nomades semblent être aussi dangereux que les fidèles de Nehant.

- Chevalier, il va falloir agir sans confrontation directe, du moins pour le moment. Il existe une personne qui pourrait apporter une solution. Elle se trouve dans cette forêt mais elle est emprisonnée par les siens.

- Dois-je demander à rencontrer cette personne.

- Oui, il le faut. Quelques uns des Envoyés ne devraient plus tarder à arriver sur place désormais.

- J'obéis.

Une fois le chant fini, Valentin alla à la rencontre du Kei’Zan.

- Je m’excuse de vous déranger dans un moment visiblement pénible. Je dois vous demander un service.

Le Kei’zan hocha la tête et Valentin sentit les paroles du Dais au cœur même de ses pensées.

- Oui envoyé de Dragon ?

- Visiblement quelqu’un de chez vous aurait une solution à apporter quant aux pouvoirs de ces nomades.

- Qui donc ?

- Une personne que vous retiendriez prisonnière.

Le Daïs dont le visage sans bouche était figé secoua la tête.

- La personne que vous évoquez a été punie pour ses actes.

- Je ne remets nullement votre avis en cause, mais serait-il possible de lui parler ?

- Je soupçonne une puissance supérieure de vous avoir soufflé l’existence de cette personne.

- Dragon pense que ce prisonnier est un maillon de la chaîne et que son aide est capitale.

Après une longue hésitation, le Kei’zan accepta de mener le Chevalier-Dragon à celui qui, depuis de très nombreuses années, était emprisonné au cœur de la forêt. Durant deux jours ils parcoururent les sentiers, Valentin fut émerveillé de voir autant de lieux insolites et spectaculaires. Pourtant il avait voyagé durant des années, parcourant le monde de long en large. Enfin ils arrivèrent là où autrefois l’Arbre-Coeur de sa hauteur dominait le monde. Il ne restait plus qu’une souche sans vie, mais c’était surtout le territoire du Kei’zan. Au détour de quelques arbres entourés de buissons larges et dangereux se trouvait le prisonnier.

- Je vais l’autoriser à parler, mais attention à vos paroles, mon frère est vindicatif.

- Votre frère ? S’étonna Valentin. Bien. A-t-il un nom ?

- Aujourd’hui nous le nommons le Grêlé, vous comprendrez pourquoi en le voyant.

Devant eux la végétation s’écarta laissant le passage libre vers un immense bloc d’ambre. A l’intérieur était enfermé un Daïs de grande taille dont le côté gauche était constellée de morceaux de pierres vertes brillantes. Le Kei’zan passa sa main devant le Grêlé, lui donnant le pouvoir de ressentir le monde qui l’entourait. Aussitôt il eut une vague de tristesse. S’informant ainsi des évènements qui venaient de se produire, menant à la mort de la Griffe. La colère monta très vite, trop vite !

- Voilà où tout ça nous mène mon frère !! Le temps des discours est fini, libère moi !!

- Non, tu sais que c’est impossible répondit le Kei’zan la main tendue vers le bloc d’ambre.

Valentin fut surpris de la voix du Grêlé, puissante et claire.

- Et toi guémélite, ne ressens-tu pas la destruction lente de notre monde ? Dit-il en s’adressant au Chevalier-Dragon.

- Je sais que nous avons un adversaire de taille et que vous auriez une solution à nous proposer.

- Avant cela il faut me laisser sortir, je n’en peux plus de rester immobile, paralysé devant ce qu’il se passe alors que des Eltarites perdent plus que leur vie !

- La Griffe savait pertinemment ce qu’elle risquait ! Rétorqua le Kei’zan avec vigueur.

- Oui bien sur, mais toi, tu as laissé son âme disparaître. Alors, lequel de nous deux devrait se trouver dans ce bloc d’ambre, frère ?

- Mais connaissez-vous oui ou non un moyen de contrer ces nomades venus du désert ? Le guémélite dragon percevait l’animosité qu’éprouvaient les deux frères l’un pour l’autre.

- Oui, je le peux. Assura le Grêlé en se calmant.

- Alors dis nous ce qu’il en est mon frère.

- Je te l’ai dit, il va falloir que je sorte de cette prison car il faudra que je mène des gens loin d’ici. Ecoute, Kei’zan, écoute la complainte des Eltarites, ils sentent que le vent tourne et que le danger guette leur foyer.

Le Daïs savait que ce moment arriverait un jour, mais si vraiment le Grêlé tenait la solution il ne devait pas laisser les sentiments parler, mais faire place à la raison. Et puis si jamais le Grêlé redevenait instable il s’arrangerait pour qu’il retourne dans sa prison et qu’il y passe son existence.

- Bien, je te libère. Mais au moindre faux pas, je te renverrais ici.

Puis le Kei’zan frappa de son bâton le sol recouvert de mousse et de feuilles mortes. Une onde d’énergie magique se propagea jusqu’au bloc d’ambre, celui-ci se réduisit jusqu’à ce que le prisonnier puisse enfin bouger. Il s’étira un coup puis avança jusqu’à hauteur de son frère.

- Je tiendrais parole, je vais aider du mieux que je le pourrais.


Pendant ce temps, à l'orée de la forêt une véritable ville de tentes s’était montée, mêlant toutes les guildes. L’Arc-Kadia, navire des pirates s’était posé un peu plus loin dans une clairière. Les échanges d’opinions sur ce qu’il se passait étaient nombreux. Lorsque le Kei’zan, Valentin et le Grêlé firent leur apparition, Un grand cercle se fit autour d’eux. Le Grêlé tourna autour en regardant chacun.

- La guerre est à nos portes. Ceux venus du désert servent un dieu destructeur, ils ne s'arrêteront pas là.

Dans la foule les chuchotements allèrent bon train.

- Ceux qui seront capables de passer outre les animosités que vous ressentez les uns pour les autres seront des atouts incroyables pour le combat à venir. Et il va falloir tenir le temps pour moi et quelques uns d’entre vous de ramener celui qui peut résoudre notre problème majeur, la pierre Tombée du Ciel.

- Et où comptez vous aller, si c’est pas indiscret ? Demanda Malyss un mage de la Kotoba.

- Dans les Confins résonna gravement la voix du Grêlé.

De nouveaux chuchotements parcoururent l’assemblée, le nom “Confins” semblaient provoquer beaucoup d’interrogations, de peur et de curiosité.

- Je connais un passage qui nous mènera là-bas. Je ne vous cache pas que c’est très risqué, mais qu’est-ce que ce risque face au péril qui nous guette ? Des volontaires ? Un membre par guilde me semble être une bonne chose.

Immédiatement Ergue s’avança.

- J’ai toujours rêvé d’y aller...

Ce fut le tour de Malyss puis d’Anryena et enfin, après avoir discuté longuement et vu l’intérêt de trouver quelque chose de précieux, Oeil de Gemme fut la représentante des Pirates. De son côté Dragon offrit son aide. Grâce à Valentin et aux Envoyés de Noz’Dingard présents, un portail fut ouvert entre la forêt et la grande salle de réception du palais Noz’Dingard, ce qui leur évita une longue route car le passage vers les Confins se trouvait de l’autre côté de la Draconie par rapport à eux. Ils débouchèrent dans une vaste salle, entre quatre pylônes de cristal gravés de nombreux entrelacs. Devant eux se tenait Prophète.

- Soyez les bienvenus. La Draconie met à la disposition de cette expédition des vivres ainsi que quelques moyens afin que vous puissiez au mieux accomplir votre tâche. Je ferai en sorte que vous trouviez toujours un endroit où passer la nuit jusqu’à la frontière avec Baranthe.

Le Grêlé inclina la tête.

- Nous vous remercions Prophète.


Une semaine plus tard, le groupe d’aventuriers arrivait à la frontière. Non loin de là, c’étaient les brumes des Confins. Cet endroit particulier était une barrière, derrière se cachait le tombeau de Nehant où ce dernier fut emprisonné voilà plus de 100 ans. Cette brume magique était un lieu de passage entre deux continents, les Confins et celui communément appelé Terres de Guem. Il arrivait parfois que certaines personnes d’un côté ou de l’autre arrivent à passer sur l’autre continent, parfois par mégarde, parfois après de longues recherches.

- Nous voici au bord de la brume des Confins, nous allons nous encorder sans quoi certains pourraient ne jamais ressortir. Leur demanda le Grêlé.

- J’ai entendu parlé de cet endroit. Vous êtes certain de vouloir aller là dedans ? Une puissante magie est à l’œuvre ici, je peux la ressentir. S’inquiéta Malyss.

- C’est cette magie qui permet de passer de l’autre côté. Indiqua le Grêlé une fois que tous furent attachés les uns aux autres.

A la fois poussés par la curiosité et l’angoisse face à l’inconnu, les membres de l’expédition s’engouffrèrent dans l’épaisse brume. Ils n’y voyaient pas plus loin que le bout de leur nez et la confiance fut de mise alors qu’ils avançaient prudemment. Très vite le sol craqua sous leurs pas et des particules de terre calcinée s’ajoutèrent à l’opacité ambiante rendant la respiration difficile et la vision pénible. Une heure passa et autour d’eux, bien qu’ils ne le voyaient pas, le paysage changea pour devenir chaotique. Des cristaux de couleurs multiples dépassaient de partout, rendant dangereux leur lente progression. Leur guide les fit passer par des détours incroyables, mais peu à peu la brume s’estompa et les cendres disparurent. Lorsque tout devint clair autour d’eux ils n’étaient plus en Terres de Guem, mais à l’autre bout du monde dans un endroit incroyable.

- On dirait les Îles Blanches ! Mais c’est gigantesque !! S’exclama Oeil de Gemme.

Tous furent fascinés par la découverte de cette partie du monde. Il y avait là à perte de vue des centaines d’îles détachées de la terre et volant dans le ciel. Après un rapide coup d’œil vers le bas ils ne purent voir la surface de la planète.

- Nous y sommes. Notre voyage ne fait que commencer car notre périple risque de durer. Nous partons à la recherche d’une créature légendaire ayant autrefois existé sur les terres de Guem, le Mangepierre.

Mutinerie

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Extraits du journal d’Al la triste.

[...]Nous avons trouvé un étrange objet sur une île. Le capitaine Hic, à supposer que c’est lui, avait protégé les lieux, heureusement que Bragan connaissait ce sortilège sans quoi nous aurions été le cul dans l’eau.[...]

[...]L’objet était en réalité une foutue balise. Lorsque j’ai approché la sphère de la carte, je me suis aperçue que des symboles et des sillons dans le métal étaient apparus à la surface. Œil de gemme a passé plusieurs heures sur ce problème sans comprendre de quoi il s’agissait. C’est Klémence qui a résolu le problème lorsque je me suis adressée à l’équipage. Encore un truc de pirate, une balle à poudre, un objet dans lequel il faut mettre de la poudre puis allumer en faisant glisser sur un parchemin. Le but étant de partir d’un repère en forme de croix qui se trouve sur la sphère et pousser vers l’avant sur le parchemin, la sphère glisse alors toute seule, dessinant une forme. C’est très difficile à expliquer ainsi. Après avoir fait ça, y’avait sur le parchemin une ligne toute bizarre.[...]

[...]J’ai un mal de crane pas possible, faut dire qu’on a bien fêté notre trouvaille. Superposer la carte du capitaine Hic et le parchemin avec la ligne en prenant pour point de départ l’île où nous avions trouvé la sphère était une excellente idée. En suivant les gros points qui parcourent la ligne et en les faisant correspondre à certains repères géographiques, ça nous a indiqué le prochain lieu où nous rendre.[...]

[...]Alors que nous arrivions sur les lieux où j’espérais trouver la prochaine énigme, nous avons rencontré un obstacle de taille, l’absence de vent. Nous sommes au milieu de nulle part, la barre comme les machines ne répondent plus. Reste plus qu’à espérer que Klémence trouve comment résoudre ça.[...]

[...]Voilà déjà plusieurs jours que l’Arc-Kadia est figé en l’air comme une vieille coquille échouée. Je ne comprends pas ce qu’y s’passe, nous sommes exactement là où indique la carte, me serais-je trompée ? En tout cas, c’est ce que semblent penser certains matelots qui commencent à parler entre eux. J’ai surpris une conversation entre Poukos et Œil de Gemme, il paraîtrait que je ne suis pas un si bon capitaine que ça. Je vais surveiller ça de très près, ça m’étonne de la part de mon second.[...]

[...]Mutinerie ! C’est allé si vite, je doute que tout ceci soit normal. Une partie de l’équipage souhaite que je me rende sous le prétexte de ne pas les avoir protégé et de pas avoir anticipé tout ça. Ces lâches ont capturé Klémence et Bragan qui me sont restés fidèles. Tels que je les connais, ils vont leur faire faire le grand saut. Nom d’une jambe en bois, à quoi ça les avance de faire ça, pensent-ils que le navire va subitement se remettre à bouger parce qu’ils se sont débarrassés de moi ? J’ai vraiment l’impression qu’ils deviennent fous.[...] Plus le temps passe, plus la situation dégénère. Je vais devoir reprendre le navire, pas d’autre choix, il va falloir que je délivre Klémence dans un premier temps et qu’elle réactive ensuite Ekrou. Avec cet atout de taille, il sera facile de reprendre le reste. Ça fait bien longtemps que je n’ai pas eu l’occasion de ressortir mes pistolames, j’aurais préféré que ça soit dans de meilleures conditions, tant pis.[...]

[...]J’ai réussi, Klémence est sauve. Bon Armada va avoir un sacré mal de tête durant quelques temps, mais elle n'avait qu’à me laisser passer. Je savais que cette fille n'était pas nette mais là c’est pire, elle a menacé de se faire exploser et nous avec. Qu’est-ce qui m’a prit de la prendre à bord ?[...]Klémence me dit que les mutins avaient parfois de drôles de comportements.[...]Nous partons réactiver Ekrou, ils vont voir de quel bois j’me chauffe.[...]

[...]Une longue bataille a eu lieu. On a abîmé mon beau navire, j’vais leur faire payer moi tout ce bordel à ces sauvages ! Bon résultat des courses, tous les mutins sont neutralisés sans le moindre mort. Ça a bien castagné, je ne savais pas que Klémence était aussi intelligente. Elle a fabriqué des espèces de gants à la fois magiques et mécaniques. Lorsqu’Ekrou frappait, et bien Klémence faisait exactement le même geste ! Les autres ont été très surpris par cette trouvaille. [...] J’ai interrogé ces sacs à rhum, mais leurs réponses furent très évasives et au final eux même ne savaient pas trop s’qui s’est passé. Après réflexion, la relation entre le point de la prochaine énigme et tout ça était presque évidente, mais je l’avais pas vu. Du coup Bragan m’a confirmé que quelque chose de magique était à l’œuvre... encore.[...]

[...]Il s’est passé encore un truc bizarre, le fantôme du capitaine Hic est apparu sur le pont, plutôt bel homme d’ailleurs. Il m’a fait comprendre que j’étais digne de poursuivre la course à son trésor. De toute façon même sans son accord j’aurais continué.[...] Lorsqu’il a disparu le bateau s'est remis à nouveau à avancer, et à l’endroit où s’trouvait Hic, un livre rouge de p’tite taille fermé par une serrure cuivrée en forme de gueule de démon est apparu. Sur la couverture on pouvait lire le titre : journal du Capitaine Hic.[...] La serrure ne tint pas longtemps, un coup de piston et il a volé en éclat.[...]

[...]J’ai lu le journal du capitaine Hic, on peut dire qu’il en a vécu des aventures incroyables. Je note particulièrement ceci, l’écriture était difficile à déchiffrer : “Mes os sont brisés. Mon navire s’est posé au milieu d’un endroit inimaginable, il y a des bulles de partout. Alors que la mort tend sur moi son manteau de malheur, il est temps pour moi de lancer le sortilège d’héritage. Si tu lis ces lignes, c’est que tu es mon héritier, mais prends garde car....” Hélas ça s’arrête là. Un nouveau point brille sur la carte, nous nous mettons en route, j’ai hâte de voir ce que cela nous réserve.[...]

Le Néhantiste

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Marlok se regardait dans un des nombreux miroirs de la salle d’eau. Cela faisait bien longtemps qu’il ne s’était vu ainsi.

- T’as des cheveux blancs mon vieux. Se dit-il à haute voix. Il est temps de mériter ton retour dans ta patrie.

Aerouant qui était sur le pas de la porte secoua la tête, persuadé que cet homme était devenu fou. Après tout, n’avait-il pas fait partie des Combattants de Zil.

- Marlok, les autres nous attendent depuis un bon moment, t’es prêt ?

Le ton d’Aerouant affichait la couleur, comme sa grand-mère, il ne l’aimait pas et n’hésitait pas à lui faire savoir.

- Fiston, la précipitation n’est jamais bonne conseillère, tout comme la rancœur.

- Ne m’appelle pas comme ça ! Sache bien que malgré ta relative liberté, tu n’en restes pas moins notre prisonnier.

- Tu as raison je ne suis pas le bienvenu, mais si ton oncle m’a libéré c’est que je suis l’un des rares à pouvoir dénouer ce sac de nœuds et résoudre le “problème” Zil.

Les deux hommes allèrent ensuite à la porte nord de Noz’Dingard où les attendaient certains des Envoyés ainsi que le nouveau Prophète, seule était absente Anryéna, peut-être avait-elle des choses à raconter à son père ? Kounok prit la parole.

- Alishk, Aerouant et Pilkim vont partir avec toi jusqu’au tombeau, suite à quoi tu retourneras auprès des Zils. Les autres ne seront pas loin et te porterons assistance si besoin est.

Puis il s’adressa à Zahal.

- Voici une lettre à l’attention d’Angélique qui est à Kastel Drakren. Va lui apporter sans délais Chevalier Dragon.

Zahal attrapa la lettre sans regarder Prophète, encore honteux de ses défaillances. Il salua la troupe et se mit directement en route.

- Le temps de cette mission je réintègre Marlok au sein des Envoyés. Ajouta Prophète.

Certains furent assez étonnés et Aerouant fit la grimace. Mais nul ne dit mot car la parole de Prophète n’avait pas à être contestée.

- L’ombre étend sa main sur le monde, à nous de la mordre jusqu’au sang ! Prenez soin de vous et rappelez-vous des enseignements qui ont été les vôtres. La magie de Nehant est très puissante, elle est sournoise et peut faucher la vie en un clin d’œil.

Alors qu’il parlait, une petite troupe arriva en provenance de la ville. Il s’agissait de Naya et quelques-unes de ses sœurs.

- Prophète, mes Sorcelames et moi accompagnerons tes hommes.

La façon dont Naya venait de s’adresser à Prophète était à la limite de l’irrespect et le ton autoritaire trahissait son état de pensée, elle vengerait celui qui partagea sa vie autrefois. Kounok fixa celle qui fut la compagne de son frère durant de longues années et qui est aussi la mère d’Aerouant. Prophète était à l’écoute de Dragon “Laisse la aller, elle réclame vengeance et veut protéger son fils, elle sera un atout”.

- Soit, soyez les bienvenues dans cette expédition, vous devez déjà en connaître le danger, mais vos yeux brillent de la fureur, vos cœurs battent avec force et vous désirez venger mon frère. Soyez donc les dents de Dragon et mordez, mordez profondément.

Ainsi Naya, commandante des Sorcelames avec Anazra, Eglantyne et Moîra rejoignirent l’expédition.

Le voyage dura quelques jours, Marlok en profita pour expliquer son plan à tout le monde. Pour défaire le lien existant entre les Combattants de Zil et celui soupçonné comme étant Nehantiste, il faudrait que les mages accomplissent un rituel. Ce rituel attirera le malfrat aussi sûrement qu’une mouche sur des déjections. Et c’est à ce moment-là qu’il faudra frapper. Les Sorcelames seront donc les protectrices du rituel le temps pour eux de le finir et de libérer les Zils. Mais en attendant, il fallait que tous restent discrets. Ils montèrent un camp à une distance raisonnable de celui de ceux qu’ils venaient libérer.

Marlok enfila ses vieux habits aux couleurs des Zils.

- Demain au zénith, j’entamerais le rituel le temps pour moi de réunir ceux qui sont sous l’emprise du Nehantiste.

Puis il sortit d’un sac le bras de ce qui fut son golem, qui, après une incantation, devint partie intégrante de son propre bras. Enfin il regarda Aerouant et Pilkim.

- Vous devez connaître le sort de Lien révélé n’est-ce pas ?

- En théorie, répondit Aerouant. Mais je ne l’ai jamais lancé.

- Je sais le faire, dit Pilkim avec une voix timide. Le jeune mage se souvenant encore de sa première rencontre avec Marlok.

- Dans ce cas, lancez-le sur moi, puis durant mon absence il faudra que chacun d’entre vous puisse voir les liens.

- Dans quel but ? Interrogea Moîra poussée par la curiosité.

- Le Lien révélé permet de voir le fil magique qui lie une personne avec sa pierre-cœur, si elle en a une. C’est un sortilège inventé par Eredan lui-même. Lorsque demain nous affronterons ce Nehantiste, cela nous permettra de voir qui est le manipulateur et, le cas échéant, si l’un d’entre nous tombe sous la coupe d’un ennemi. Cela ne devrait pas arriver car nos pierres-cœur sont liées à Dragon, mais sait-on jamais.

Moîra hocha la tête, faisant signe qu’elle avait bien reçu le message.

- Allez, il est temps de s’y mettre.

Marlok sortit d’une bourse deux pierres de même taille et de même aspect, totalement rouge opaque et marbrées de noir. Il en donna une Aerouant et l’autre à Pilkim qui extasia alors.

- Du Jaspe ! C’est très rare, où avez-vous eu ça ?

Le Jaspe était effectivement une pierre aux propriétés magiques indéniables et qui servait dans de nombreux sorts et rituels.

- Ça c’est mon petit secret. Répondit Marlok avec un clin d’œil. Mets-toi en place !

Pilkim eut l’air déçu, mais il tenait fièrement la pierre, ressentant son pouvoir.

Les deux jeunes magiciens se placèrent à droite et à gauche de Marlok et le rituel commença. Ils firent appel à leurs connaissances de la cristalomancie et se concentrèrent sur les pierres de Jaspe qui lévitèrent au-dessus de la cible du sort.

- Que l'invisible devienne visible, crièrent ensemble les ritualistes.

Aussitôt Marlok ressentit l’effet magique, sa vision se voila légèrement d’une teinte rougeâtre. Il cligna des yeux à plusieurs reprises le temps de s’adapter. Il regarda ses compagnons et constata qu’un fil plus ou moins épais qui partait d’eux, allant vers Noz’Dingard.

- Bien, ça fonctionne, vous êtes très doués. Naya, je compte sur vous, demain au zénith.

La dame acquiesça.

- Filez maintenant, le temps est compté.

Le mage ne s’attarda pas plus longtemps et se mit en route pour rejoindre les Combattants de Zil.

Le chapiteau noir et violet était paisible, seule s’échappait une douce musique jouée par Kriss. Devant l’entrée Sansvisage à moitié endormi faisait office de garde. Marlok s’approcha de lui et à une distance raisonnable pour éviter la moindre anicroche il se racla la gorge. L’Hom’chaï sursauta de surprise.

- Qui va là ?? Tonna-t-il de sa grosse voix, tenant fermement sa gigantesque lame à deux mains.

- C’est moi, Marlok!

- Marlok ? Mais tu t’es pas fait capturer toi !

- Si mais j’ai réussi à me libérer.

Visiblement content de le revoir, Sansvisage lâcha son arme et serra dans ses bras le mage qui avait vraiment l’air frêle en comparaison de la masse de muscles.

- Moi aussi je suis content de te voir, allez, allez, repose-moi maintenant.

Se rendant compte de ce qu’il faisait et qu’on pourrait le voir, l’Hom’chaï desserra son étreinte. Puis il appela les autres.

- Regardez qui est de retour !! Cria-t-il vers le chapiteau.

Aussitôt une tête dépassa de l’ouverture, celle de Sangrépée, elle aussi serra le mage dans ses bras, puis tour à tour les membres de la guilde sortirent. Marlok s'aperçut que tous étaient liés au Nehantiste. De fins filaments partaient d’eux vers l’horizon. Enfin Abyssien posa sa main sur l’épaule de Marlok.

- Soit le bienvenu, tu dois avoir plein de choses à nous raconter n’est-ce pas ?

- Demain matin si vous voulez bien, j’ai marché tout aujourd’hui, je suis éreinté.

- Oui, oui, bien sur, je comprends. Tu as ta place parmi nous, entre donc.

Le reste de la soirée fut assez joyeuse au sein des Combattants de Zil. Ils improvisèrent pour le retour d’un des leurs un spectacle où chacun s’exprima librement.

“Ces gens méritent d’être sauvés” se dit-il intérieurement. “Ils peuvent être un atout certain dans le conflit approchant”.

Puis la nuit avançant le sommeil eut raison d’eux.

Le lendemain le soleil s’était caché derrière de sombres nuages, comme un présage avant une bataille à l’issue très incertaine. Marlok expliqua alors comment il s’était fait capturer, jeter en prison puis la longue tractation qu’il avait fait pour pouvoir sortir. Bien sur tout cela était un mensonge, mais personne ne vit la supercherie. Au milieu de la journée la totalité des Zils étaient présents dans le chapiteau. C’était le moment, Marlok se faufila près de la porte et fit le tour du chapiteau en laissant tomber des cristaux bleus par terre. Sangrépée trouva un des cristaux. Marlok se dirigea tout de suite vers elle. Il vit que le lien avec le Nehantiste devenait plus fort. “Il prend le contrôle ! Vite !”. Marlok bondit sur elle et lui arracha la pierre des mains. Sangrépée se mit à rugir. A présent tous les Zils les regardaient, Abyssien s’avança en se demandant ce qu’il se passait. Mais il était trop tard, le rituel venait de débuter. Le mage lança une bulle de protection, plus personne ne pouvait désormais entrer ou sortir du chapiteau. Dehors Alishk, Aerouant et Pilkim avaient suivi les recommandations des Sorcelames concernant une approche discrète. Ils déployèrent tout leur art et appliquèrent à la lettre le plan de Marlok. Ils se placèrent de façon à former un triangle autour du chapiteau, ils invoquèrent la volonté de Dragon. Des cristaux de grandes tailles émergèrent du sol. A l’intérieur du chapiteau, Marlok résistait à Sangrépée qui était devenue une vraie furie. Le lien entre le Nehantiste et elle était fort, sa volonté était désormais annihilée. Les autres ne comprirent que lorsque le dôme apparut. Certains tentèrent de sortir, d’autres de comprendre. Sansvisage, lui, décida d’aider sa fidèle amie et fonça sur le mage. Abyssien de son côté commença à comprendre, il entendait les suppliques des Envoyés à l’extérieur. Le chef des Zil avait toujours été très réceptif à la magie et comprenait instinctivement les sorts qu’il voyait.

- C’est un rituel d’Isolation de Guem !! Sangrépée, Sansvisage arrêtez de suite !!!

Mais aucun des deux n’écouta l’ordre. A son tour c’est le lien de Sanvisage qui se renforça, devenant incontrôlable. Marlok avait à peine eut le temps de lancer un deuxième bouclier protecteur autour de lui. Sansvisage et Sangrépée tambourinaient avec une force surhumaine sur le mur de magie.

- Abyssien ! Cria Marlok. Un Nehantiste vous contrôle ! Il possède vos pierres-cœur !!!

Un souvenir, vague et lointain revint à la surface de ses pensées, le jour de la visite de l’Inconnu. Lui-même n’était pas présent ce jour-là, mais on lui avait raconté cette histoire et jusque-là la relation n’était pas évidente. Tout devenait clair, l’assassinat de Prophète, la trahison de certains membres des Combattants de Zil, le départ de leur chef...

Abyssien se décida à agir, la magie de l’ombre crépita de ses doigts et il jeta deux boules noires vers leurs pieds. Au contact du sol les boules se transformèrent en disques d’ombre puis en cylindres, emprisonnant les infortunés possédés.

Dehors la situation se dégradait très vite. Les mages allaient finir le rituel lorsque le ciel s’obscurcit complètement, comme si la nuit s’était invitée à la fête. Naya dégaina sa rapière, imitée par les autres Sorcelames. Des silhouettes humanoïdes avançaient vers eux, puis elles devinrent plus précises plus nettes. Il s’agissait d’une dizaine de personnes pour la plus part habillées comme de simples voyageurs ou des paysans, armés de fourches, de bâtons ou de dagues.

- C’est tout ce qu’on nous envoie ?? S’exclama Eglantyne. On nous sous-estime !

- Méfiance ma sœur, la perfidie d’un Néhantiste n’est pas à prouver. Lui répondit sa jumelle postée non loin.

Les possédés avancèrent sans écouter les avertissements lancés par les Envoyés de Noz’Dingard, attaquant sans autre forme de procès. Galvanisés par de sombres pouvoirs, les agresseurs étaient d’une force importante, mais pas suffisante pour venir à bout des gardes du corps des mages. Alors qu’Anazra allait assommer l’un des derniers possédés encore debout, une forme se jeta sur elle. Heureusement, la jeune femme fut agrippée par Naya, juste à temps pour éviter les lames qui l’auraient déchirée et probablement tuée. Immédiatement Moira reconnu la forme. Télendar! Le jeune homme avait beaucoup changé, on ne voyait plus son visage, il était plongé dans des ténèbres magiques, de grandes lames dépassaient de ses larges manches.

- TOI !!!! Naya fulmina, elle faisait face à l’assassin de Prophète. Elle laissa éclater sa rage, se jetant en avant des ailes de cristal se déployant dans son dos. Un incroyable combat allait avoir lieu.

A l’intérieur Abyssien aidait à maintenir immobiles les Combattants de Zil sous la coupe de Nehant. C’est alors que Marlok sentit alors une présence familière, étouffante et puissante. Le Néhantiste était là.

- Marlok, mon petit Marlok, j’avais de belles perspectives pour toi, je pensais que tu me rejoindrais sur le chemin de la vérité.

L’Inconnu était là non loin d’eux, le mage n’en crut pas ses yeux, il y avait des dizaines et des dizaines de fils qui le rejoignaient, dont un d’une épaisseur incroyable, un lien privilégié. “Temporisons !” se dit-il.

- Et toi Abyssien, revenu de ta retraite ?

Abyssien percevait la puissance de la personne en face de lui, mais il devait trouver un plan. En réalité le Nehantiste agissait déjà, ressentant la présence d’une pierre-cœur non corrompue, celle d’Abyssien. Les deux parties s’observaient, le Nehantiste fut le premier à agir. La pierre-cœur du chef des Zil sortit d’une des poches de sa veste et fila à vive allure vers l’Inconnu. Celui-ci la captura, la pierre devint noire à grande vitesse. Marlok se lança sur son adversaire transformant sa main de cristal en une lame de cristal bleue. Abyssien se mit à hurler, son esprit attaqué par une puissante volonté, l’écrasant comme une vulgaire mouche sous une botte. Marlok frappa la main du Nehantiste, libérant la pierre-cœur d’Abyssien qui tomba au sol, brisant le sort du Nehantiste. L’Inconnu disparu alors.

A l’extérieur la situation avait évolué, Ombreuse avait rejoint la bataille, rendant plus difficile la défense du rituel. Les Sorcelames mettaient tout leur art en pratique, soutenues par une Naya extrêmement en colère. A présent une armure de cristal la protégeait, arborant un casque en forme de tête de dragon. Là, au milieu des affrontements, le Nehantiste apparut non loin de Télendar. Voyant le nouvel arrivant les Sorcelames se rapprochèrent de leur commandante pour faire front commun. C’étaient elles ou eux, mais elles étaient bien décidées à ne pas reculer, encouragées par la présence de Dragon.

- Naya, c’est cela ? Vous ferez une très jolie convertie. Ironisa l’Inconnu.

- Ravale tes paroles, Nehantiste !!

A ce moment les armes des Sorcelames se mirent à briller d’une lumière blanche et éclatante.

- Nous sommes les gardiennes de la justice, et aujourd’hui justice sera faite !! Hurla-t-elle.

C’est alors que le rituel prit fin. Les cristaux se désagrégèrent et tombèrent en poussière. Pilkim, Aerouant et Alishk tombèrent au sol, leur mission était accompli, les Combattants de Zil étaient désormais libres. Le Nehantiste ravala un juron.

A l’intérieur du dôme, Marlok stoppa le lien qui unissait les Zils au Nehantiste. Il ne restait plus que la dernière partie du plan à mettre en œuvre. Il sortit du chapiteau rapidement, il vit le face à face entre les Sorcelames et le Nehantiste. “Il prépare quelque chose”. A peine eut-il pensé cela qu’une forme apparut à côté d’Eglantyne. La Sorcelame n’eut pas le temps de réagir et s’écroula le dos labouré par les griffes d’une créature à la peau noire. La rixe reprit de plus belle, cette fois chacun luttait pour sa survie. Marlok lança ses derniers cristaux autour d’Eglantyne afin de la protéger. Naya quand à elle fit appel à ses pouvoirs et fit reculer Télendar et Ombreuse. Sa peau luisait d’une couleur bleutée, virevoltant, elle combattait comme une tigresse assenant coup sur coup. Moîra et Anazra qui l’accompagnait firent de même et une chorégraphie mortelle se déroulait sous les yeux de Marlok. De son côté le Nehantiste s’était en partie replié sur lui même, les doigts crispés paumes vers le haut laissant échapper des volutes de magie noire. Une pierre-cœur néhantique apparut devant lui, formant à son tour une protection infranchissable.

- Voyons comment vous vous en sortez sans l’appui de votre cher Dragon !

L’Inconnu libéra toute la puissance accumulée, créant un cercle de magie noire qui toucha tous les présents. Mais l’effet escompté ne se produisit pas. Les liens entre les envoyés et Dragon étaient toujours actifs. Marlok fut tout aussi étonné que le Nehantiste, ce dernier fronça les sourcils.

- Surpris n’est ce pas ??

La voix était celle d’Aerouant, vacillant et affaibli, il s’approcha de Marlok.

- Regarde, dit-il en montrant une pierre bleue sculptée en forme de tête de dragon. Ceci était la pierre de Prophète, mon père !

- Une pierre gardienne ? Demanda Marlok.

- Exactement. Ajouta le jeune homme en concentrant son pouvoir magique vers la pierre.

La pierre bleu s’effrita dans la main du jeune mage et tomba en poussière. L’Inconnu grogna.

- Ce n’est pas grave, maintenant que ta pierre n’est plus, je vais recommencer !

Aerouant ne le laissa pas finir sa phrase, il concentra toutes les forces magiques qui lui restait.

- La cristalomancie est notre spécialité, regarde et apprends !!

Il écarta les bras de manière à faire un T, la magie fusa et percuta de plein fouet la pierre nehantique. Sa noirceur disparu d’un seul coup. Marlok profita de cette opportunité pour à son tour lancer un sort. Ses mains grésillèrent et des éclairs jaillirent. L’Inconnu se protégea, puis répliqua à son tour. Un duel magique s’engagea. Leurs magies s’entrechoquaient avec puissance et autour d’eux le sol se craquela comme s’il ne supportait plus le poids des mages. Marlok alternait entre des sorts offensifs et défensifs, parant ainsi les coups. Aucun des deux ne peut prendre l’avantage sur l’autre. Du moins jusqu’à l’intervention de Naya. Ne voyant pas le coup venir, l’épée de lumière de la Sorcelame s'abattit sur le Nehantiste qui vacilla, il était blessé. Ce dernier mit un genou à terre.

- Rends-toi ! Hurla la commandante en le menaçant. Tes larbins sont en déroute, tu es seul.

L’Inconnu leva la tête vers ses ennemies et ricana.

- Tout cela était prévu, vous avez progressé. Mais je sais aujourd’hui que vous ne ferez pas le poids. Mes larbins comme vous dites sont ma porte de sortie. Adieu !

Puis il disparut, laissant juste quelques traces de sang à l’endroit où il se trouvait.


Festivités

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L’Empereur était toujours souffrant, alité dans sa chambre au palais de Méragi. Le peuple priait pour que leur souverain recouvre rapidement la santé pour les mener à nouveau vers la lumière céleste. Dans les rues, les habitants s’affairaient à préparer au mieux une grande fête, non pas cette fois en l’honneur de l’Empereur, mais à l’occasion du changement d’année, la 106ème depuis la création de l’Empire par Xzia.

Je suis Kaori, en charge d’enseigner nos coutumes aux étrangers tels que vous. Voici quelques-unes d’entre elles que vous devez connaître. Baladons-nous dans les rues de la capitale impériale et observons ce qu’il s’y passe.

Sur la place centrale de la capitale, une troupe de théâtre interprète devant une foule dense et disciplinée une pièce retraçant la gloire de Xzia et la fondation de l’empire qui marqua le début du calendrier impérial. Tout cela est raconté de manière à faire paraître le récit épique et héroïque. Les gens applaudissent et sont émerveillés par un spectacle qui, en temps normal, est hors de leur portée, les troupes étant souvent accaparées par les riches seigneurs qui seuls ont les moyens de se permettre un tel luxe. C’est l’occasion pour la famille impériale de faire un geste pour son peuple, et l’Empereur actuel avait toujours été bon et juste.

Le soir venu, tout Meragi sort dans les rues. Des lampions éclairent la ville et la fête bat son plein. Un peu partout, des petits groupes se réunissent autour de musiciens ou de danseurs. Chacun peut participer, car ce soir-là rien ne les retient et toutes les peines sont mises de côté. Devant le palais impérial a lieu le traditionnel tournoi du nouvel an, où les villageois les plus courageux peuvent prouver leur valeur. Iro, le champion de l’Empereur fut l’attraction en arbitrant lui-même les combats et en autorisant les villageois à l’affronter dans une joute amicale au sabre de bois. Ce fut Goshiun, un porteur d’eau inconnu du public qui, grâce à son agilité au bâton, remporta le titre et devint champion de l’année du Lapin.

Au cœur de la nuit, au nord de la ville se préparait le plus grand évènement de ce nouvel an. Les Xziarites étant en grande majorité très superstitieux, rares furent les absents de la grande parade. A cette occasion le Kamizono, le jardin dédié aux kamis, s’était paré de nombreuses décorations à l’effigie du lapin et il se retrouvait noir de monde. Le jardin était situé au pied de la colline au sommet de laquelle est édifié le plus vieux et important temple de Meragi. La tradition veut qu’il faille emprunter le chemin menant au temple à partir du Kamizono avec l’effigie du Kami protecteur de l’année passée. Une fois en haut, alors que tout l’Empire a les yeux dressés vers lui, il est incendié afin que celui-ci soit libéré de son enveloppe physique et retourne dans le monde céleste. Une fois ce rituel accompli, il faut reprendre le même chemin en sens inverse en emportant l’effigie du kami de la nouvelle année vers l’Empire. Le chemin montant vers le temple passe par plusieurs “torii”, sorte de portes par lesquelles passent les esprits pour rejoindre le monde terrestre.

Il existe beaucoup d’autres coutumes observées par les Xziarites, mais celle des pots de terre reste une singularité de cette civilisation. Durant les deux jours précédents le jour de la nouvelle année, les familles Xziarites réalisent des poteries en terre cuite. Chacun inscrit alors dessus un vœu que l’on souhaite voir réalisé par le Kami protecteur. Puis, ces poteries sont placées dans leur jardin, devant leur porte ou encore devant un temple, sans oublier de mettre de la nourriture à l’intérieur. Les Xziarites doivent alors choisir un met qui convienne au Kami. Par exemple, y mettre de la viande serait une grave offense pour l’Usagi no Kami, l’esprit protecteur de cette nouvelle année. Mais si le met convient et que le kami accepte l’offrande, alors le vœu se réalisera dans l’année. Ainsi, quelques personnes chanceuses bénéficient des faveurs de l’au-delà.

Voilà, j’espère que cette balade vous a intéressé. Il y a beaucoup d’autres merveilles à voir à Meragi, mais souvenez-vous d’une chose, il y a des lieux où vous ne devez pas vous aventurer seuls.


Au delà de cette apparente quiétude et de ce moment de festivités dans l’Empire, les plans eux se fomentaient toujours.

Oogoe Kage avait bien travaillé, préparant depuis des mois un coup qui lui octroierait avec certitude un poste gouvernemental important au sein du clan du Corbeau. Sa victime n’était autre que l’un des proches conseillers de l’Empereur et ministre des finances, Gozou Zhan. La nuit venait de tomber sur Meragi. Le lendemain soir, ce serait la fête dans les rues de la ville. Dans une demeure cossue, le seigneur Gozou, dont l’épouse était en visite dans le nord de l’Empire, s’octroyait du bon temps en compagnie d’une jeune femme peu farouche. Il ne pouvait pas se douter un seul instant que cette femme avait été payée par une autre personne pour passer la nuit avec lui. Une chose est sûre, il se souviendrait le restant de ces jours de ces moments d’égarement. Il était tard désormais. Gozou avait profité au mieux de ce moment de plaisir charnel, buvant à outrance. Ce n’était pas dans ses habitudes d’agir ainsi, mais la garce savait s’y prendre et, l’alcool aidant, le conseiller s’était laissé aller. Couché sous une couverture, il ronflait comme un bienheureux. Il se réveilla en sursaut, nauséeux, il ne vit pas de suite sur quoi il marchait, il alla jusqu’à une flasque contenant de l’eau et s’aspergea le visage. C’est là qu’il sentit une odeur particulière, caractéristique. Il se frotta les yeux et s’approcha d’un lampion.

Du sang ! Il en était recouvert. Son cœur palpita. Puis il sursauta lorsqu’on frappa à la porte avec vigueur.

- Au nom de l’Empereur, ouvrez seigneur Zhan !

Le pauvre homme ne savait plus où il en était. Clopinant, il alla jusqu’à la porte et ouvrit. Il y avait là cinq soldats des forces armées impériales.

- Désolé de vous déranger seigneur Zhan, des cris ont été entendus venant de chez vous.

- Que.. quoi ? Désolé ça doit être une erreur, balbutia-t-il.

Là, à la faveur des lumières de la nuit, le jeune capitaine aperçut les vêtements tachés de sang du seigneur Zhan. Il dégaina sa lame et tint en respect le conseiller.

- Vous autres, allez voir ce qu’il se passe à l’intérieur.

Les soldats allèrent voir et tombèrent sur le corps tranché de la fille de joie. Par terre, du sang à profusion, mais aussi des bouteilles d’alcool vides et, non loin du lit, le katana du seigneur Zhan. Le pauvre homme ne comprit rien, mais on l’emmena passer le reste de la nuit en prison, accusé d’un meurtre qu’il ne se souvenait pas avoir commis.

Dehors, une ombre se faufila jusque dans une ruelle sombre. Là, Oogoe, emmitouflé dans un manteau de plumes noires, attendait.

- Alors, Karasu ? Est-ce fait ? As-tu servi le Corbeau comme il faut ?

- Oui, éminent cousin. Le plan a fonctionné à merveille, ils n’y verront que du feu, tout à l’air si vrai.

- Bien, le capitaine aura sa récompense. Quand à moi il est temps de faire en sorte que personne ne soit disponible pour vérifier quoi que ce soit.

- Dans une semaine, tu seras le nouveau conseiller financier de l’Empereur.

- Une année qui sera placée sous le signe du Corbeau et non du lapin, que les festivités commence ! Ironisa Oogoe.

Traité de paix

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Le calme était revenu sur le campement des combattants de Zil. Le Néhantiste était parti ou avait fuit selon les dires de Marlok. Abasourdis, les membres de la guilde d’Abyssien reprenaient conscience, libérés du joug du mage noir. De même les Envoyés se remettaient de l’affrontement, Eglantyne avait été lourdement touchée par une attaque perfide et Aerouant avait utilisé une grande partie de ses ressources magiques. La bataille était finie, mais ce n’était qu’un premier assaut, l’avenir leur réserverait beaucoup d’autres escarmouches de ce style et Abyssien le savait bien.

Peu avant la nuit le chapiteau noir et violet abritait tout le monde afin de parler de ce qui s’était passé et de ce qui allait arriver.

- Ce Néhantiste ne va pas en rester là Abyssien, tu le sais mieux que quiconque. Marlok posa sa main de cristal sur l'épaule du chef Zil.

Autour des deux mages, les combattants de Zil et les Envoyés s’étaient mêlés les uns aux autres le temps d’un court répit entre leurs guildes.

- Oui, ce qui m’inquiète vraiment, c’est qu’il a encore les pierres-cœur de mes Zils et que, par conséquent, ils peuvent retomber sous sa coupe si votre rituel venait à être brisé.

Les Zils semblaient tous très préoccupés. A peine leur libre arbitre leur était rendu qu’ils risquaient de le perdre à nouveau. Les souvenirs des actes accomplis sous la coupe du Néhantiste tambourinaient dans leur conscience. Sangrépée était dans les bras de Sansvisage, anéantie, elle regardait les deux mages avec une infinie tristesse.

Aerouant, s’étant rétabli, se leva.

- Il existe un rituel qui permet de récupérer les pierres-cœur.

Tout le monde eut l’air surpris par l’intervention du jeune homme. Pourquoi voudrait-il aider ceux qui ont contribué, même sous la contrainte, à la mort de son père ?

- C’est mon père qui l’avait mis au point mais il ne l’avait jamais pratiqué en situation réelle.

Marlok se gratta la barbe en regardant avec surprise le jeune homme.

- Tu penses pouvoir le faire Aerouant ? L’interrogea-t-il.

- Avec l’aide des mages présents, on peut le tenter. J'ai besoin d’un peu de préparation et l’autorisation du Compendium d’utiliser ce sort.

- Je vais t’avoir ça, va te préparer.


Quelques heures plus tard, au cœur de la nuit les Envoyés de Noz’Dingard avaient organisé le rituel et s’apprêtaient à le débuter. Pour l’occasion et vu l’importance des courants magiques à l’œuvre, la cérémonie se déroulerait dehors. Aerouant avait délaissé les bouts d’armure de cristal composant sa tenue habituelle pour être plus à l'aise. Il convia les Combattants de Zil dont la pierre-cœur était entre les mains du Néhantiste à s’installer au milieu d’un grand cercle formé par tous les siens. Marlok avait secondé le fils de Prophète en obtenant l’autorisation d’utiliser cette magie et en sécurisant les lieux. Il pratiqua à nouveau son sort de protection en plaçant des gemmes bleues, cette fois plus grosses, et en activant le bouclier magique que nul ne pouvait franchir. Abyssien encouragea ses amis à faire preuve de bravoure et à faire confiance en la magie des Draconiens. Lui même participerait à cette expérience.

Le rituel commença.

Aerouant fit apparaître un cristal au centre du cercle puis il canalisa la magie que chaque mage participant lui offrit, obtenant ainsi une pierre palpitante de magie. Puis, un par un, Aerouant étira un fil magique pour relier chaque Combattant de Zil présent. Ceci fait, il se plaça en dessous de la pierre et se concentra. Abyssien qui comprenait naturellement la magie, analysait le rituel au fur et à mesure de son déroulement. Selon lui cette grosse gemme servait d’antenne à Aerouant, lui permettant de localiser les pierres-cœur des gens qui y étaient reliés. Puis, Aerouant absorba peu à peu l’essence magique contenu dans la pierre. La magie coulait dans ses veines et une très forte aura se dégageait de lui. Aerouant lutta, il devait garder cette puissance en lui sans qu’elle ne le consume sur place. Marlok se dit que n’importe qui d’autre aurait probablement été désintégré par ce trop plein de magie, mais ce descendant de Dragon possédait les capacités suffisantes pour réaliser ce prodige. A présent Aerouant utilisa ses connaissances en cristalomancie pour convoquer une a une les pierres-cœur. Elles apparurent au fur et à mesure, chacune rejoignant son propriétaire. Aerouant se vidait de toute magie, arrachant les pierres-cœur à la volonté du Néhantiste qui de son côté devait lutter pour garder le contrôle. Mais la magie de Dragon fut la plus puissante et le rituel de Prophète fonctionna à merveille. Aerouant invita Marlok au centre du cercle et créa une autre gemme de cristal plus petite, il y enferma ses dernières parcelles de magie. Peu avant de s’évanouir, il demanda à Marlok de remettre en activité les liens qu’ils avaient brisé avec le rituel précédent. Ce qu’il fit immédiatement. Fatigués les Envoyés demandèrent asile et protection aux combattants de Zil pour le reste de la nuit. Le lendemain, Abyssien remercia les Envoyés de Noz’Dinard de leur aide précieuse et offrit à Aerouant la paix et la promesse d’une entraide entre leurs deux guildes.

Vint le temps pour les Draconiens de rentrer chez eux, leur mission étant accomplie. Marlok quand à lui fut envoyé à Kastel Drakren afin de participer au Bal des courtisans.


Quelques jours plus tard, le bal était fini, Ishaïa était venue poser un ultimatum aux combattants de Zil et Salem était libre. Abyssien était dehors, seul avec le nouvel arrivant.

- J’ai réfléchi aux derniers évènements, je pense que nous avons été trompés par l’un des nôtres et qu'il nous a vendu à un Néhantiste.

- C’EsT poSSIble, oUi. Salem dodelinait de la tête comme une poupée qu'on secouait.

Abyssien se plongea dans ses souvenirs. Une trentaine d’années plus tôt, alors qu’il était jeune, il était l’apprenti d’un magicien dans le petit royaume d’Oryfort au nord-ouest des terres de Guem. Sa faculté à comprendre la magie avait attiré sur lui l'intérêt d’une personne qui s'avéra suivre la voie de Néhant. Tout cela était tentant pour le jeune homme qui à l’époque ne portait pas encore son nom d'artiste. Doucement, on lui avait inculqué la base des préceptes de Néhant et il était en passe de devenir un réel apprenti Néhantiste. Mais il se rendit vite compte que tout cela n’était pas ce qu’il attendait de la magie. Certes, la magie de l’Ombre était celle qu’il voulait pratiquer, mais pas de cette façon. Zil était alors intervenu pour le sortir de ce milieu et avait formé le garçon selon ses préceptes et ce qu'il pensait être la vraie magie de l’Ombre. Pour Zil, la magie de l'Ombre permettait bien des choses, mais elle ne devait pas mener à l'asservissement des autres. Elle servait à voir ce qu'il se passe dans l'ombre. Il devint membre des Combattants de Zil, puis à l'âge de vingt cinq ans il en devint le chef.

- Zil, Je vais devoir le laisser sortir . - S’iL le faUt oui, Il eSt unE partIE de TOI coMmE moI d’ArtRezIl.

Abyssien s’accroupit alors et regarda son ombre projetée au sol par la lumière du jour.

- Mon vieux compagnon, je t’ai dévoré il y a bien longtemps et aujourd’hui je dois te laisser sortir. Tu dois traquer celui des combattants qui nous a vendu.

Sur ce, le mage de l’ombre commença a vomir une matière noire qui pris vaguement une forme humanoïde. Quand Abyssien eut fini son physique était différent, il avait perdu beaucoup de corpulence. Salem se mit à applaudir signifiant son contentement.

- Tu es notre lien à tous, moi qui ai mangé une partie des ombres des combattants. Emporte-nous là où ce traître se trouve.

Le bonhomme d’ombre inclina la tête puis tourna doucement sur lui-même. Il analysait chaque membre de la guilde, bien sur il y avait les présents mais les combattants sont bien plus nombreux que ça. Enfin il s’arrêta, posa ses mains sur Salem et Abyssien puis ils s’enfoncèrent dans leur propre ombre.

Il réapparurent dans l’ombre d’une personne de dos. Celle-ci discutait visiblement avec quelqu’un mais s'interrompit quand elle sentit les présences. Abyssien reconnut sans trop de mal Masque de fer, et la relation lui parut logique. Il était le seul à être systématiquement absent des réunions, parcourant le monde dans un but diplomatique et de relation sociale avec les autres guildes.

- Toi !!! Dit Abyssien avec une intonation de colère.

- Maître Abyssien quelle surprise ! Je peux faire quelque chose pour vous ?

Salem s’avança en claudiquant. Avec rapidité il coupa le tissu au niveau du grelot qui pendait dans son dos, l’objet tomba au sol sans le moindre bruit.

- Tu N’Es PlUs un dE meS cOmbaTTants ! Tu as TRahi La cOnfIancE de ton cHEF !!!

Lorsqu'un nouveau Combattant de Zil était recruté, le chef de guilde lui confiait alors un grelot. Celui-ci représentait l'engagement à toujours servir la guilde.

Surpris le diplomate recula, son expression restait cachée derrière son masque de métal.

- Dans ce cas si je ne suis plus obligé de me cacher !

En un clin d’œil Masque de fer disparut, de la même manière que le fit le Néhantiste lors de son affrontement avec Marlok.

- Nous le retrouverons, j’ai dévoré son ombre. Affirma Abyssien avec fermeté.

- NEhanT EtenD sOn OmbRe Mon amI !


Régence

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La vieille servante courrait dans les couloirs étroits du palais impérial en tenant d’une main le bas de son kimono. Il ne fallait pas qu’elle tombe. Essoufflée, elle arriva près d’une porte et tomba à genoux devant. Elle s’inclina comme le voulait la tradition.

- Eiji-sama ! Vous êtes demandé d’urgence !

De l’autre côté de la porte, le ton affolé de la servante alerta Eiji Kakiji qui eut vite fait de s’inquiéter. Assis derrière une table basse, le médecin lâcha ses pinceaux et se leva tant bien que mal. Il n’était plus aussi souple que dans sa jeunesse mais le poids des ans ne l’avait pas encore totalement écrasé. Il trotta jusqu’à la porte et l’ouvrit d’un geste sec.

- Que se passe-t-il ?

La femme leva la tête, des larmes roulaient sur son visage tiraillé par la fatigue.

- C’est l’Empereur ! Il... Il...

Elle s’écroula. Eiji regarda de part et d’autre du couloir puis avec vigueur attrapa la vieille dame par le bras.

- Cesse de pleurer ! Allons-y vite.

Eiji Kakaji était depuis toujours le médecin attitré de l’Empereur. Il l’avait fait naître du ventre de l'Impératrice Saisho et avait pris soin de lui jusque là. Puis, lorsque sa maladie arriva, il fut très vite évincé devant son incapacité à le soigner. Mais il n’en restait pas moins le seul habilité à établir des diagnostics officiels.

Peu de temps s’écoula jusqu’à leur arrivée devant la chambre impériale. Elle était gardée par deux officiers comme le voulait la tradition en cas d'alitement de l’Empereur. Heureux hasard ou manigance, Asajiro était justement en poste à ce moment. Il s’inclina devant le respectable personnage et lui ouvrit la porte :

- Vous êtes attendu, ajouta-t-il en jetant un œil à l’intérieur.

Iro le champion de l’Empereur était agenouillé devant le lit impérial. Voyant la personne qui venait d’entrer, il se leva avec l’espoir qu’une réponse allait enfin être donnée. Autour de l’Empereur, plusieurs médecins chuchotaient entre eux, dénigrant leur estimé collègue. Eiji s’avança jusqu’à l’Empereur, ce dernier semblait paisible, les yeux clos. Il entreprit alors de l’examiner. Il fut très vite soulagé, il n’avait pas encore rejoint ses ancêtres, mais hélas il était tombé dans un profond sommeil. Son pouls était régulier mais faible. Après plusieurs tentative pour réveiller l’Empereur, le vieil homme secoua la tête de façon négative en regardant Iro.

- Tout le monde dehors !! gronda Iro d’habitude si calme. Laissez-nous !!

Devant la fureur du fils du seigneur impérial, les personnes présentes quittèrent la pièce, seul Eiji resta. Iro alla fermer la porte et glissa quelques mots à Asajiro.

- Ne laisse entrer personne.

- J’en réponds sur ma vie.

Asajiro se plaça devant l’entrée de la chambre, sa lance en travers pour signifier l’interdiction d’accès.

- Kakiji-sama, l’Empereur va-t-il mourir ?

- Je ne l’espère pas, mais son état est critique. Son corps est encore animé par la flamme de la vie, mais son esprit semble ne plus être là.

- Alors ça y est, c’est la fin de son règne ?

- Pas tant qu’il respire encore. Mais lorsqu’une situation comme celle-ci apparaît, les lois sont très claires.

- Je sais, une régence doit être mise en place. Et vu la situation actuelle, je ne suis pas certain que ça profite à l’empire. Il faut que je mette de l’ordre dans tout ça. Je vais faire en sorte que vous restiez au chevet de l’Empereur et que les membres de la Kotoba soient au relais des gardes.

- Sage décision, Champion.

Iro quitta la chambre en donnant ses ordres à Asajiro, puis d’un pas précipité, il rentra chez lui. La demeure familiale n’était pas très loin du palais impérial. C’était une maison de bonne taille, au milieu d’un jardin parfaitement entretenu, seule Ayako, la plus jeune des enfants vivait là avec leur grand-père, Henshin qui l’élevait en l’absence quasi-permanente de Gakyusha. La jeune femme était justement entrain d’apprendre une leçon de magie de l’eau au bord du bassin, Henshin lui prodiguait des conseils afin qu’elle maîtrise ses facultés. Le vieil homme vit Iro débarquer la mine grave.

- Ayako, continue sans moi et pense que l’eau est aussi une matière vivante.

Il retrouva Iro dans le bureau de son père, sortant du matériel d’écriture.

- Tu as l’air mécontent Iro, peut-être puis-je t’aider ?

- Merci Jii-san, mais je dois prévenir mon père et faire venir la Kotoba. Il se passe des évènements graves.

- Graves ? Quels sont-ils ?

Le jeune duelliste considérait l’Empereur comme un oncle bienveillant, le voir dans cet état et penser à cette régence le blessait.

- Les choses vont changer, l’Empereur n’est plus à même d’assurer la gestion et une régence va se mettre en place, profitant à des personnes qui ne devraient pas avoir le pouvoir.

- Je vois.

Le vieil homme laissa le champion à ses affaires. Ce dernier commença à écrire sa lettre lorsqu’il entendit son grand-père l'appeler dans le salon. Interloqué par cet appel il alla voir ce qu’il lui voulait. Là, Henshin était à genoux au centre de la pièce, un détail frappa Iro, son grand-père portait un Magatama de jade, un pendentif en forme de larme. Devant lui au sol un rouleau de parchemin frappé du sceau impérial.

- Je suis un Shi-ze de l’Empereur en personne. On m’a confié ce rôle afin que te soit remis le moment venu un message de sa part ainsi que cet édit impérial.

Le jeune homme s’installa en face de son grand-père, il était à la fois surpris et curieux de connaître le message.

- Iro, tu es une personne en qui l’Empereur a placé sa confiance. Ce parchemin symbolise pour toi l’espoir de ne pas voir l’empire entre de mauvaises mains. Méfie-toi de ceux qui se sont hissés trop haut. Aujourd’hui la Kotoba représente plus que jamais un idéal et le moyen d’agir au nom de l’Empereur. N’oublie pas une chose, la Kotoba obéit à l’Empereur et à lui seul, un régent n’a pas la main mise sur elle. Soit fort, ne flanche jamais tu es l’avenir de l’Empire.

Henshin prit le rouleau de parchemin et le donna à Iro qui l’accepta avec honneur.

- Ce parchemin doit être lu devant le conseil impérial. Hâte toi maintenant, il ne devrait plus tarder à se réunir. Iro, revigoré par le message de l’Empereur s’en retourna immédiatement au palais. Il salua sa sœur qui avait vraiment grandi ces derniers temps, sans parler de ses aptitudes magiques qui se développaient à grande vitesse. Elle mériterait sûrement un jour une place au sein de la Kotoba.


La grande salle du conseil avait rarement vu autant de monde depuis des années. Tous les ministres et conseillers impériaux étaient là, assis en cercle sur leur coussin soyeux et confortable. Voilà déjà plusieurs heures que des discussions animées courraient à propos de l’Empereur et de la politique à suivre. Daijin et Oogoe observaient leurs adversaires, l’heure de la lutte de pouvoir avait débuté.

Le Corbeau savait déjà qui allait remporter cette joute et son silence rendait nerveux quelques fidèles de l’Empereur. Oogoe se leva et se plaça au centre de la pièce avec toute sa nonchalance habituelle.

- Les lois sont précises à ce sujet honorables serviteurs de l’Empereur. Lorsque l’Augure Céleste ne peut pas assumer son rôle et qu’il n’a pas de descendance, un régent doit être nommé par l’ensemble des personnes habilitées à le faire. Bien que j’ai beaucoup de respect pour vous Seigneur Akizuki je pense que Daijin-sama est la personne la mieux placée à l’heure actuelle pour régir l’empire.

Aussitôt ce fut le cohue. Les partisans du premier ministre Akizuki, se levèrent pour protester. Oogoe retourna à sa place, visiblement content de la tournure des choses, il aimait instiller le doute et la confusion chez ses adversaires. Ce fut ensuite le tour de Daijin de parler, le Corbeau connaissait bien son adversaire, il savait aussi que la balance était désormais en sa faveur. Il se leva, aidé par Karasu.

- Allons, allons, un peu de calme voulez-vous, n’oubliez pas que l’Empereur dans son sommeil nous voit et nous juge. Akizuki-dono, il vous appartient de prendre la décision qui s’impose.

Le premier ministre baissa la tête, honteux de ne pas avoir vu le coup venir.

- Un régent doit être nommé.

A ce moment-là Iro arriva dans la salle avec fracas, le pas décidé. Les partisans du Corbeau protestèrent à cette intrusion du champion de l’Empereur. Mais Iro ne se démonta pas et devant le regard menaçant du duelliste les protestations cessèrent.

- Champion. Qu’est ce qui vous amène dans la cour des politiques ? Lança Oogoe.

- Ceci ! Dit-il en tendant le rouleau à Akizuki. Je pense qu’il vous appartient de le lire au conseil impérial.

Le ministre accepta le rouleau et le décacheta. Il authentifia l’objet comme étant officiellement écrit de la main de l’Empereur. Il se leva donc pour le lire à haute voix.

- Ceci sont les volontés de l’Empereur dit-il la voix tremblante.

“Alors que nous ne sommes plus qu’un dieu retenu par son enveloppe terrestre, il est de notre devoir de songer au maintien de l’unité de ce que nos ancêtres nous ont légués. Alors que nous n’avons pas de descendant et comme le veulent les lois établies devra être nommé un régent, le temps qu’un nouvel Empereur se présente. Nous décidons que si un régent devait être nommé il sera alors choisi parmi l’ordre Tsoutaï. Eux seuls ont le recul nécessaire pour remettre de l’ordre dans le chaos que laisse notre absence et ainsi rétablir l’équilibre.

Ainsi est la volonté de l’Empereur.”

La cacophonie fut à nouveau de mise, beaucoup trouvaient cela injuste, que cela soit dans le camps de Daijin ou dans celui d’Akizuki. Le Corbeau chuchota quelque chose à l’oreille d’Oogoe.

- S’il vous plaît un peu de tenue ! Cria le premier ministre. La volonté de l’Empereur doit être respectée. En ma qualité de premier ministre je demande solennellement au Champion de l’Empereur d’être le garant de celle-ci.

- J’accepte, quiconque ira à son encontre devra passer par ma lame. Répondit Iro.

Oogoe se leva à nouveau.

- Le Clan du Corbeau se propose de chercher le meilleur candidat possible à cette régence.

Akizuki n’était pas dupe, il y avait probablement une entourloupe sous le couvert de cette phrase, mais le Corbeau était désormais puissant et lui refuser cela aurait été perçu comme une insulte et un grave affront. Et puis après tout, les Tsoutaï n’étaient ils pas des sages ??

- Soit ! J’assurerai la transition le temps pour le Corbeau de trouver ce régent.

Akizuki ne se doutait pas que Daijin savait précisément qui il allait nommer. La réunion du conseil fut ajournée.


Dans la demeure du clan du Corbeau, Daijin discutait avec Karasu et Oogoe.

- Il est une histoire dont vous avez peut être entendu parler. C’était il y a bien longtemps, un Corbeau a eu une destinée particulière, il a été choisi par des Cherchefailles et reconnu comme un Tsoutaï. A l’époque et devant cet état de fait, il m’avait demandé le droit de ne plus faire partie du Clan afin de suivre la voie choisie. Et j’ai accepté avec une petite condition, si un jour nous avions besoin de lui, il devrait répondre à notre appel.

- Bien seigneur, mais cette personne est-elle capable d’assumer la régence de l’empire ? Interrogea Oogoe.

- Il l’est. Je vais préparer la demande officielle du conseil impérial pour sa nomination. Je vous envoie tous les deux apporter cette nouvelle à qui de droit.

- Seigneur Daijin, où nous envoyez-nous ?

- Au temple de Yafujima.

Ni l’un ni l’autre ne connaissait ce lieu, mais ils ne tarderaient pas à combler ce manque car le lendemain ils se mirent en route, portant le précieux message. Ils avaient désormais un nom, qui ne leur était cette fois-ci pas inconnu. Cet homme là avait fait parler de lui il y a quelques temps. Karasu était assez en colère, il profita du trajet pour pester contre l’Empereur qui n’eut pas le courage de faire de Daijin le régent, il tempêta contre ce maudit Tsoutaï qui n’y connaissait rien à la politique ni à ce qu’était la vie à Meragi. Ils arrivèrent au temple à la nuit tombante et ils furent reçus peu de temps après par son dirigeant, qui s’avérait aussi être le futur régent. La rencontre se déroula dans un des petits salons prévus pour recevoir les gens de passage. Toran se demandait ce que lui voulait deux membres du Corbeau qui venaient spécialement pour le voir.

- Merci de nous recevoir Toran-sama. Commença Oogoe.

- Ne me remerciez pas, la porte de ce temple est ouverte à ceux qui ont besoin de paix et de sérénité.

- Cela tombe bien que vous parliez de paix car c’est de cela que notre affaire traite.

Le jeune magistrat posa devant lui sur la petite table de bois la lettre du conseil impérial.

- Ceci est pour vous. Avant que vous ne la lisiez et donnez votre avis, car il est vrai que vous pouvez refuser, Daijin se permet de vous rappeler qui vous êtes réellement.

Toran plissa les yeux et ses tatouages commencèrent à bouger.

- Merci Oogoe de me renvoyer à ma condition, je sais très bien qui je suis et où est ma place, je vous suggère de réfléchir à la vôtre.

Le jeune Corbeau afficha un visage figé dans un sourire sarcastique, il avait touché sa cible. Dehors, Aku qui était désormais l’apprenti de Toran espionnait la scène et malgré sa discrétion il n’échappa pas à la vigilance de Karasu. Ce dernier se leva et s’inclina devant le vieux Tsoutaï avant de sortir donner un exemple de politesse à ce jeune effronté.

Après deux ou trois lectures Toran dut s’y résigner. Il était nommé pour devenir régent de l’Empire de Xzia, lui un homme qui avait passé quelques années à parcourir le monde, cherchant à perfectionner son art.

- Je comprends vos sentiments Toran-sama, vous seul pouvez convenir.

- Il y a d’autres Tsoutaï, des gens bien plus sages que moi.

- Oui, mais ils ne sont pas du clan du Corbeau. Il serait fâcheux que vous refusiez cette faveur à Daijin-sama surtout en cette période où l’empire est fragilisé, il ne faudrait pas grand chose pour que tout cela s’écroule.

- Je reconnais bien là les paroles de ceux qui m’ont vu naître. J’accepte le rôle que me confie le conseil impérial. Quand dois-je partir pour Méragi ?

- Le plus vite possible.


Dehors Karasu bousculait Aku.

- On joue les espions sans en avoir les moyens ?? Cracha Karasu.

- Je voulais juste m’assurer qu’il n’arrive rien à mon maître, répliqua le jeune Tsoutaï avec nervosité.

- Je vais te faire passer l’envie d’espionner !

Karasu bouscula violemment Aku qui tomba les fesses par terre. Autour de lui et malgré l’heure tardive quelques autres Tsoutaï assistaient à la scène. Leur philosophie n’étant pas de répondre à la violence par la violence, ils demandèrent poliment au membre du clan du Corbeau de cesser ses agissements. Karasu fit la sourde oreille, il fallait qu’il passe ses nerfs sur quelqu’un, ce n’était pourtant pas dans ses habitudes d’agir ainsi. Aku ne pouvait pas répliquer, Toran lui avait formellement interdit d’user de violence dans son état de fragilité. Il devrait plus tard apprendre avec Akujin, son Cherchefaille, à maîtriser les arcanes de guerre Tsoutaï. La jeune Hime justement présente à ce moment ne voyait pas cette agression de la même manière que les autres. Elle s’interposa.

- Corbeau ! Si tu cherches quelqu’un pour te battre affronte moi.

Son Cherchefaille, un majestueux héron, apparut alors à son côté, claquant son bec devant le visage de Karasu. Ce dernier stoppa là, cela ne valait pas la peine de continuer et son acte avait déjà agacé les Tsoutaï.

- Une autre fois peut-être je serais ravi de me mesurer à une combattante comme toi. Mais j’ai mieux à faire.

A ce moment là Toran et Oogoe arrivèrent dans la cour, mettant un point final à l’opposition.

- Hime réunit donc notre communauté veux-tu, j’ai quelque chose à annoncer. Demanda Toran.

Quelques minutes plus tard, tous les Tsoutaï du temple étaient dans la cour, s’interrogeant sur la déclaration future de leur maître. Toran, en hauteur par rapport aux autres réclama le silence.

- L’Empire est à un tournant de son histoire. L’Empereur est dans un sommeil sans fin et un régent a été nommé. Il s’avère que l’on m’a choisi, l’empereur a pensé qu’un Tsoutaï serait à même de mettre un terme à la division interne. J’ai donc humblement accepté cette fonction.

Chacun y alla de son commentaire sur la question, beaucoup pensaient que l’Empereur avait fait un choix judicieux et juste quoi que surprenant.

- A peine de retour parmi vous, je vais devoir repartir pour Meragi. Je confie la direction du temple au vénérable Zaoryu. A présent je vous laisse, je partirai à l’aube demain matin.

Dans l’assistance, Hime et Aku s’inquiétaient pour leur devenir. Mais Toran alla les voir et leur expliqua qu’ils devaient venir tous les deux à Meragi avec lui, il continuerait leur formation au temple de Komakai, plus petit et modeste que Yafujima.


Toran n’était plus habitué au luxe. Bien sûr, il avait vu le jour dans une famille riche mais il s’en était éloigné rapidement. Cette chambre faisait à elle seule une maison d’un éleveur de buffle. Autour de lui plusieurs servantes s’affairaient. Il allait être officiellement nommé devant le conseil comme régent de l’empire et il fallait donc qu’il soit présentable. Il tenait néanmoins à ce que sa tenue de régent ne soit pas dénuée du côté pratique que lui offrait ses habits de Tsoutaï. L’Empire avait besoin de lui et la situation était délicate. D’un côté il fallait qu’il maintienne la cohésion, gère les conflits politiques et en plus jongler avec les désirs de pouvoir du Corbeau. Il avait toujours lutté pour garder au fond de son cœur ses origines de ce clan.

Une fois prêt, il fut conduit à la salle des conseillers et ministres où tous s’inclinèrent, ce qui gêna le vieux Tsoutaï.

- En ce jour où vous faites de moi le régent, gardez ceci en tête, l’Empereur n’est pas mort, il reviendra.

Oui, l’Empereur reviendrait, en son fort intérieur, Toran le savait, car il mettrait tout en ordre pour faire la lumière sur ce mal inexplicable qui avait frappé.

Que réservait l’avenir à Toran et à l’Empire de Xzia ??

La quête du Roi Tonnerre

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Le roi est mort !!! Vive le roi !! Le roi est mort ! Vive le roi !

La foule au pied du château de Carleon scandaient le message d’adieu comme le voulait la coutume. Mais cette fois-ci la tradition ne serait pas respectée. Gaumatta, roi d’Yses venait de passer à trépas sans que son héritage puisse être transmis. Cela signifiait, selon les traditions des sept royaumes, qu’un grand tournoi allait être organisé pour la conquête des terres d’Yses. Et cela, l’un des Protecteurs du royaume s’y refusait. Sevylath assit au bord d’une fontaine regardait les badauds aller et venir de la place principale. Il mesurait toute l’importance de ce décès et les conséquences dramatiques que cela aurait sur l’avenir. Les vautours viendraient dévorer les restes et s'entre-tuer pour ce territoire, probablement au détriment de la population. Il fallait agir, et vite. Sans plus attendre il quitta sa rêverie et se dirigea vers la bibliothèque, ou du moins ce qui y ressemblait. Gaumatta était un roi savant et grâce à lui les plus grosses cités s’étaient dotées de bibliothèques qui en réalité étaient des lieux où l’on entreposait parchemins, peaux écrites et autres livres. Dans ce capharnaüm le héros d’Yses pensait trouver une loi ou une coutume qui puisse contre-carrer cette règle du grand tournoi. Après deux jours de fouilles intensives il ne trouva rien vis-à-vis des lois. Néanmoins quelque chose attisa sa curiosité. Au fond de la grande salle, derrière une pile d’objets divers se trouvait une tapisserie d’environ une taille d’homme. Sur celle-ci était peint une scène représentant le premier roi d’Yses qui était surnommé à juste titre, le Roi Tonnerre. D’après les histoires à son sujet, ce roi disparut un beau jour, en laissant son trône à son ami Argal dont Gaumatta était le descendant. Il se souvint alors de cette immense stèle gravée en bordure de la ville. Son instinct le poussa à aller la voir.

A nouveau perdu dans ses pensées, il ne vit pas passer le temps du trajet jusqu’à la pierre. Il existait une sorte de culte envers cet emblématique personnage. Lui-même croyait avec ferveur à l’existence de forces divines qui pour lui régissaient la vie des habitants des terres de Guem. Mais il ne s’était jamais intéressé à ce culte là, c’était donc pour lui l’occasion de le découvrir. Il ne se rappelait pas que cette pierre était aussi grande, elle faisait bien la taille d’une des tours du château d’Yses. Au pied de celle-ci des flammes dansaient au gré du vent dans un brasero de pierre. Il n’y avait personne, ce qui à la vue des évènements ne le surprenait pas outre mesure. Gravé sur la pierre, majestueux et immense, le Roi Tonnerre toisait la ville de son regard figé. Sevylath l’avait déjà regardé, mais il ne s’était jamais attardé sur les détails ni sur le cartouche tout en bas. Les caractères présents n’étaient pas ceux de la langue parlée en Yses actuellement. Mais pour autant ces symboles ne lui étaient pas inconnus. Il détacha le livre pendant à sa ceinture et examina la surface de la couverture de cuir. Il y avait là deux glyphes, pas identiques, mais semblables à ceux du cartouche. Ce livre était un héritage de sa famille et on lui accordait des pouvoirs importants bien qu’aucun de ses parents n’aient réussi à en percer ses secrets. Quelqu’un arriva à ce moment-là, le sortant de ses réflexions.

- Oh ! Je suis vraiment désolée de vous déranger.

C’était une jeune fille vêtue d’une simple robe blanche, elle portait des bijoux ressemblant à ceux du Roi Tonnerre. Sevylath reconnut là une prêtresse.

- Ne soyez pas désolée, c’est moi qui perturbe ces lieux. Je pense que vous pouvez m’aider. Sevylath lui tendit son livre. Vous voyez ces symboles, ils sont de la même langue que celle-là, dit-il en montrant les inscriptions sur la stèle.

La jeune femme aux cheveux teints en blanc regarda le livre et passa les doigts sur les reliefs. Son visage s’éclaira d’un sourire radieux.

- C’est la même langue, elle était parlée par le Roi Tonnerre et sa famille lorsque celui-ci régnait. Où l’avez vous eu ?

Sevylath hésita un instant, mais devant l’aide que pourrait lui fournir cette femme, il se lança.

- Ce livre est dans ma famille depuis toujours.

La prêtresse mit un moment à faire la relation. “Se pourrait-il que ???”

- Puis-je ouvrir ce livre seigneur Sevylath ?

- Vous savez qui je suis ? Interrogea-t-il avec intérêt.

- Il est difficile de ne pas reconnaître un protecteur d’Yses quand on en voit un. Puis-je ?

- A une condition, savez-vous ce que veulent dire ces symboles, dit-il en pointant du doigt la stèle.

- Il est écrit : “Brandit ma lance et je frapperai. Pare-toi de ma couronne et je serai à tes côtés. Porte mon armure et je te protégerai”. Nous ne savons pas réellement qui a écrit cela ni si ce sont les paroles du Roi Tonnerre, mais beaucoup d’entre nous pensent qu’il existerait un héritage.

- Merci pour ces précisions. Cette affaire me tient à cœur. Sevylath donna le livre à la prêtresse. Il serait judicieux d’aller l’examiner dans un endroit où nous serions mieux installés non ?

- Vous avez raison, je manque à mes devoirs, je vous en prie, accompagnez-moi à la salle d’étude du temple des dieux.

Il existait à Yses trois temples des dieux, des lieux de culte ouverts à ceux qui souhaitaient prier ou pratiquer leur croyance. Ils avaient pour particularité de ne pas être affiliés à une divinité, mais à toutes. Le protecteur et la jeune femme qui se nommait Dandranne allèrent donc à quelques rues de là dans une grande bâtisse de pierres grises en partie recouverte par la mousse. La salle d’étude n’en avait que le nom, c’était surtout un lieu de réunion pour quelques fidèles. Ceux présents à ce moment discutaient de l’évènement majeur de la journée, la disparition de leur roi, et ils ne firent pas attention à la présence du protecteur et encore moins à son occupation. Dandranne s’installa à une table de bois et entreprit d’ouvrir le livre. Hélas, la sangle ne voulut pas bouger d’un poil ! Sevylath s’en étonna car il avait toujours réussi à l’ouvrir et lorsqu’il essaya, ça fonctionna correctement. Au moment où Dandranne repris le vieux grimoire pour le lire, celui-ci se referma d’un coup et des petits éclairs parcoururent la couverture avant de disparaître.

- Et bien, en voilà une étrangeté ! S’étonna la prêtresse.

- Il faut dire que jusqu’à présent, à part mes parents, nul autre que moi ne l’avait touché. Il va falloir que je le tienne pour que vous puissiez le lire.

La technique sembla bonne car le livre resta ouvert et elle put lire, ou plutôt tenter de lire.

- Je connais mal cette langue, j’en ai appris les rudiments mais je n’ai jamais pratiqué sur des textes comme ceux-ci. On dirait des prières à un dieu. Si je traduis bien il s’agirait de Kurun.

Dandranne demanda à Sevylath de tourner les pages pour aller vers la fin. L’écriture changea, elle passa à des symboles plus rapidement écrits. Après avoir lu la première page elle se dandina sur place.

- C’est lui ! C’est le Roi Tonnerre ! Tournez-les pages ! Stop ! Là ! Attendez !

Elle relut plusieurs fois une page, puis elle leva le nez et regarda le protecteur avec une certaine joie.

- Connaissez-vous l’origine de votre famille seigneur Sevylath ??

- C’est une question en rapport avec votre lecture ?

- Oui, et à mon avis vous ne savez pas que le Roi Tonnerre a eu un enfant, un garçon nommé Korvent, ça vous dit quelque chose.

- Korvent ? Sevylath plongea dans ses souvenirs, ce nom ne lui était pas étranger. Effectivement, Korvent était un nom déjà évoqué par le passé. Oui, je crois que mon grand-père lorsque j’étais enfant me parla d’un Korvent, il fut un grand chef de guerre je crois bien.

- Et il est aussi un de vos ancêtres ! Vous vous rendez compte ! Vous descendez du Roi Tonnerre !

- Je veux bien vous croire mais comment en êtes-vous si certaine ?

- C’est écrit ! Là ! Dandranne était dans un état proche de l’euphorie, trouver le descendant de celui qu’elle vénérait, c’était un véritable miracle.

- Très bien, mais qu’est ce que ça dit ?

- Oh, oui, pardon. Il est dit, pour résumer que seuls ses héritiers peuvent ouvrir ce livre, c’est aussi simple que ça.

Sevylath ne montra pas de joie particulière à cette annonce, il voyait au-delà de ça. Le destin l’avait mis sur la route de cette prêtresse et des révélations étaient faites, jusqu’où ça allait le mener ?

- Il y a aussi des choses que je comprends moins. Il parle d’une quête qu’il doit mener à bien et qui le mènerait vers une sorte de renaissance. Il indique qu’il compte suivre une route pour se rendre dans les confins. Il indique son parcours en expliquant que son voyage n’était pas sans retour et que la mort même ne l’emporterait pas.

- Vous croyez cela possible vous qu’une personne qui vivait il y a très longtemps puisse revenir ? Interrogea Sevylath en ayant une idée derrière la tête.

- Tout est possible dans ce monde. Si le Roi Tonnerre peut revenir, devons-nous passer à côté de ça ?

- Non, vous avez raison, un roi est mort aujourd’hui, un autre roi pourrait reprendre les rênes d’Yses. Le protecteur se leva. La quête du Roi Tonnerre commence.

- Je vais prier pour la réussite de cette entreprise. Mais avant cela je vais vous transcrire les écrits de votre ancêtre.

Dandranne se leva à son tour.

- Tout cela est incroyablement passionnant. Les autres fidèles ne vont pas en croire leurs oreilles lorsqu’ils vont entendre cette histoire.

Deux jours plus tard, la traduction était finie, Sevylath et Dandranne n’avaient pas beaucoup dormi, les enjeux étaient trop importants pour perdre du temps. L’essentiel était là et il fallait commencer par s’aventurer dans les brumes des confins en suivant un chemin précis. Après un repos mérité le protecteur se mettrait en route pour l’inconnu, avec le fol espoir que la légende du Roi Tonnerre n’en soit pas une.


Le vague à l’âme, songeant qu’il laissait Yses en proie à une crise importante de son histoire, le protecteur se mit en route. Le voyage jusqu’à la brume des confins passait par Baranthe où il apprit que les autorités s’inquiétaient beaucoup de la situation du royaume voisin. Mais il ne s’attarda pas plus et continua sa route qui le mena une semaine plus tard en vue des brumes, lourdes et noires. C’était comme si les nuages prenaient tout l’espace entre le sol et le ciel. Tout cela ne l’inspirait pas vraiment, après tout, derrière, était enfermée la pire menace de cette terre. Tout ceux qui avaient cherché la prison d’Obsidienne n’étaient jamais réapparu, alimentant ainsi les légendes au sujet des pouvoirs ténébreux de Nehant. Il n’aimait pas cet endroit, il y avait là trop de malheurs et de souffrances. Il y a presque quatre vingt ans eu lieu un terrible affrontement, beaucoup de héros de la guerre tombèrent contre Nehant. Tenant fermement son marteau sanctifié, il avança suivant les indications de Dandranne. Il crut étouffer, le surnaturel présent rendait l’air incroyablement suffocant. Sevylath prit ça comme une épreuve et ne se laissa pas abattre par si peu. N’y voyant pas grand chose il progressait très lentement. Au bout de quelques heures il arrivait enfin vers la dernière indication : Trois pas à gauche d’une pierre gravée d’un symbole de spirale. Il trouva bien la pierre et fit trois pas à gauche de celle-ci. Hélas pour le protecteur, cette pierre était en réalité un bout d’une petite stèle qui depuis l’époque du Roi Tonnerre avait subi la corrosion. Le haut, là où le symbole se trouvait était tombé à côté. Cela eut une conséquence fort fâcheuse que le protecteur n’apprendrait que bien plus tard.

Sevylath sortit de la brume et respira un grand coup. Une bouffée d’air salvatrice et un vent vif lui redonnèrent de la vigueur. Son nouvel environnement était incroyable et époustouflant. A perte de vue des îles de terres et de cristaux aux multiples couleurs flottaient dans les airs. Certaines d’entre elles bougeaient comme du bois sur l’eau, se frôlant les unes aux autres.

“Comment aller d’une île à une autre” s’interrogea le protecteur. Il examina la situation et surtout où il était arrivé. Visiblement l’île sur laquelle il se trouvait était grande, et si son ancêtre était arrivé là il devait bien avoir laissé des indices quelque part. “Commençons par là”. Le paysage différait d'Yses. Là où chez lui il y avait de la verdure et des forêts à perte de vue, ici d’immenses cristaux remplaçaient les arbres. Mais ce qui l'interpelait le plus c'étaient les brûlures apparentes sur certains rochers et cristaux, ainsi que de grandes éraflures labourant le sol. Il n’y avait pas le moindre bruit, pas le moindre animal gazouillant, même le son de ses pas semblait atténué. Il marcha de longues heures avec la vague impression de ne pas être seul ici. Les lieux étaient beaucoup plus vastes qu’il ne le pensait et la végétation devenait plus dense. Puis au détour d’un chemin, son regard fut attiré par une sorte de vieux totem, il représentait une créature déformée et répugnante. Il ne s’attarda guère sur cette représentation mais ça le conforta dans sa vigilance. Quelque chose n’allait pas, la magie était à l’œuvre ici. Effectivement, d’un seul coup, des lianes en provenance des arbres et des racines venant du sol l’attrapèrent et en quelques instants il fut incapable de bouger.

- Quel est ce maléfice !? S’exclama-t-il à haute voix.

Une créature s’avança vers lui, il n’en avait jamais vu de telle, de grande cornes, des yeux blancs, pas de bouche. Elle boitait et son côté gauche était protégé par des plaques de cuir liées entre elles. Derrière elle il y avait d’autres personnes, dont une était clairement habillée comme un habitant de la Draconie, il reconnut le blason et le code couleur de la jeune femme.

- Désolé de vous infliger ceci. Mais depuis que nous sommes arrivés dans les Confins les problèmes se succèdent. Dit la jeune femme en examinant le marteau du protecteur.

- Je suis Sevylath ! Protecteur d’Yses, détachez moi draconienne !

- Sevylath ? Anryéna regarda les autres avec une pointe de surprise. Vous avez disparu il y a vingt ans.

- Sornettes, je viens d’arriver ici et j’ai quitté les sept royaumes il y a quelques jours. Écoutez, je ne vous veux aucun mal, détachez moi et discutons.

Le Daïs interrompit son sort et le protecteur fut libéré de ses liens. Il récupéra son marteau, restant méfiant à l’égard de ces personnes.

- Je me suis présenté, il serait de bon aloi que vous fassiez de même.

- Il est vrai, à croire que ces Confins déteignent sur nous. Je suis Anryéna, fille de Dragon. Voici Oeil de Gemme de l’équipage d’Al la Triste et le Grêlé du peuple Eltari...

- Il peut certainement nous aider à briser le bouclier, coupa Oeil de Gemme.

Anryéna supportait de moins en moins la compagnie de la pirate, elle était rustre et sans gène, très loin du comportement des dames de la Draconie. Sevylath connaissait le nom d’Anryéna, rajoutant à sa confusion car si vingt ans s’étaient écoulés elle ne devrait pas ressembler à une jeune femme qui tout au plus avait la trentaine d’années. Évidement il ne savait pas que pour elle le temps n’avait que très peu d’emprise. Il assista à un débat entre les trois personnes, qui finalement invitèrent Sevylath à les accompagner.

- Que se passe-t-il ? Je serais ravi de vous aider, mais vous ne me dites pas grand chose.

- Pas très loin d’ici, nous avons trouvé une sorte de temple assez vieux. Mais il est protégé et nous n’arrivons pas à y rentrer, expliqua le Grêlé.

- Et pourquoi voulez-vous y entrer ? S’il est protégé c’est pour une bonne raison.

- Parce que nous sommes à la recherche de quelqu’un et il se peut qu’à l’intérieur du temple, il y ait soit cette personne soit un indice sur comment la trouver.

- Je cherche moi aussi une personne, je vais vous aider si je le peux.


La troupe rejoignit Malyss et Ergue qui attendaient devant le temple, une vieille bâtisse à l’architecture mêlant cristaux et pierre. Le tout avait blanchi à l’exposition du soleil et une petite partie du toit s’était effondrée. De leur point d’observation, les voyageurs se demandèrent s’il n’allait pas s’écrouler une fois qu’ils y seraient rentrés. En contre-bas et tout autour de la colline où trônait l’édifice se trouvaient des colonnes gravées de symboles. Et bien qu’on ne le voyait pas, entre chaque pylône, un mur invisible empêchait quiconque de passer.

- Notre magie n’a pas réussi à briser les colonnes et la force physique n’a rien fait de mieux. Pourtant nos pouvoirs sont grands, se vanta le mage du clan du corbeau.

Sevylath voyait les choses autrement. Ce n’était pas de la magie qui était à l’œuvre et c’est pour cette raison que leur magie restait inefficace. Les symboles n’étaient rien d’autre que des écritures théurgiques, la “magie” des dieux. Pour lui tout cela était clair, quelqu’un ne voulait pas qu’on entre ici, et seul un ou plusieurs prêtres auraient réussi ce tour de force. Sevylath se tourna vers le groupe et parla assez fort pour que cesse les discussions inutiles.

- Votre échec est normal. Ceci n’a rien de magique, c’est une barrière de foi. Je peux l’annuler, mais sommes-nous certains que rien de néfaste ne va se produire ?

- Nous ne pouvons prédire ce qu’il va se passer, mais je crois que si on est là, c’est pas pour rien. Il faut y aller ! Oeil de Gemme invita tout le monde à foncer tête baissée, façon pirate.

Anryéna fit la moue, tout ce qui touchait à la théurgie ne lui plaisait pas. Le Grêlé était indécis, mais le mangepierre était peut être là, à portée. Ergue s’en moquait, mais il ne refusait jamais un peu d’action. Malyss se rangea à l’avis de la pirate, il fallait mettre ce secret à jour dans tous les cas. La décision fut prise et Sevylath se mit au travail.

Chaque pilier présentait une épreuve de foi, une question à laquelle le lecteur devait au fond de son cœur répondre avec justesse. Il choisit la question qui lui parut la plus intéressante à ses yeux et dont la réponse était son leitmotiv en tant que croyant. La question pouvait se résumer à ceci : “Jusqu’où peux te mener ta foi”. Il n’hésita pas, c’était limpide pour lui : le sacrifice, il était prêt à cela par abnégation et ferveur pour les principes de foi qu’il suivait. Visiblement la réponse était juste car le pilier s’effrita puis s’écroula. La barrière de foi était tombée.

- Vous êtes digne de la réputation qu’on vous prête, protecteur d’Yses, félicita Anryéna.

Le groupe entreprit l'ascension de la colline recouverte de vieux rochers. Leur progression fut rythmée par la découverte de multiples squelettes humanoïdes dont la présence était cachée par ces rochers.

- C’est pas très encourageant, chuchota Ergue pour lui-même.

- Regardez ça ! Cria Oeil de gemme. Quelle merveille !

La jeune femme arracha d’un cadavre une lance entièrement faite de cristal.

- C’est léger comme une plume, ajouta-t-elle.

Au premier coup d’œil Sevylath reconnu la facture de l’objet et se précipita.

- Puis-je ? Dit-il avec autorité.

Pour un pirate, un objet trouvé appartient à celui qui en fait la découverte, mais vu son entourage elle ne chercha pas les ennuis et donna la lance. Aucun doute, il s’agissait d’un objet fabriqué à Yses, et vu le style ça datait, il en avait vu quelques unes comme celle-là chez certaines familles nobles. Il était sur la bonne piste.

- Je suis sur la bonne voie. Avançons !

Ils arrivèrent à l’entrée du temple et ils purent voir que de nouveaux symboles théurgiques jonchaient l’immense porte et faisaient tout le tour du temple.

- Un sceau divin, regretta Sevylath. Poussez-vous, il doit être brisé par la foi.

Tous s’écartèrent à bonne distance. Sevylath recula de quelques pas, tenant son marteau fermement et marmonna quelques prières. Puis il s’élança et fit tournoyer son marteau de façon à briser la ligne des écritures. Il ne s’attendait pas à cela mais la violence du coup fit littéralement exploser la porte. Chacun alla jeter un œil à travers l'encadrement et ce qu’ils y virent ne présageait rien de bon. A l’intérieur, il y avait une bonne dizaine de créatures ressemblant à des humains, mais qui se comportaient en sauvage. Leur peau était bleue sale et leur attitude très agressive. Le temple en lui-même était une immense salle et au milieu de celle-ci une personne flottait dans les airs, enfermée dans une sorte de colonne composée d’une multitude d’arcs électriques qui partaient du sol. Alors qu'Ergue et Oeil de gemme reculait devant la charge des créatures, Sevylath qui savait très bien qui était cet étrange personnage sauta à l’intérieur sans la moindre peur.

“Est-ce le Mangepierre ?” se demanda le Grêlé. Il emboita le pas au protecteur et entra à son tour. Ne pouvant s’abandonner les uns les autres, chaque membre du groupe rejoignit les autres. Sevylath avait commencé à écraser des crânes à coup de marteau, mais les créatures étaient nombreuses et très fortes aussi, le Grêlé fut vite submergé par quelques unes d’entre elles et il ne dut son salut qu’à la dextérité d'Ergue qui le tira vers l’arrière. Malyss fit parler le feu tandis qu’Anryéna déployait la magie draconique. Tout se déroulait correctement, leurs stratégies complémentaires allaient vite faire triompher le groupe. Hélas, une erreur involontaire mit tout à mal. Anryéna, acculée dans un coin du temple, fit appel à d’autres pouvoirs, ceux de la foudre. De ses mains jaillirent des éclairs qui frappèrent violemment ses assaillants. Plusieurs faits inattendus se produisirent : les éclairs se propagèrent sur la grande majorité des créatures et à chaque fois que l’une d’elle était touchée l’éclair ne leur provoquait pas de douleur, au contraire la magie semblait les renforcer. Telle une marée elles reprirent le dessus sur le groupe, blessant certain de ses membres. Sevylath n’avait plus le choix, il fit appel à sa foi. Son marteau brilla intensément et il pensa à chacun de ses compagnons. Puis avec fureur, il abattit les créatures une par une. A chaque coup porté, les blessures de ses camarades se refermaient. Impressionné par la théurgie du protecteur, la bataille reprit de plus belle. Anryéna, qui avait compris son erreur, cessa l’utilisation de la foudre et préféra la défense à l’attaque. Sevylath, galvanisé, se tailla un chemin jusqu’à la personne dans la colonne d’éclairs. Mais là s’interposa une créature plus grande que les autres et qui semblait plus futée. Elle portait une couronne de cristal. Visiblement la créature cherchait le duel avec le protecteur. Mais ce dernier poussé par un accès d’orgueil se mit à rire et posa son marteau au sol.

- Je sais ce que vous êtes, je reconnais cette pierre dans votre gorge.

Derrière lui les autres voyageurs se demandait ce que faisait Sevylath.

- Je vous répudie guémélites ! Rejoignez votre créateur ! Cria-t-il.

Il leva les mains en l’air et une vive lumière blanche jaillit de celles-ci. Oeil de gemme sur le palier du temple et qui tirait avec ses étranges armes sauta à plat ventre en dehors du temple en voyant ce que l’homme de foi faisait. Les créatures hurlèrent de douleur et tombèrent comme des mouches, mortes. Hélas Sevylath n’avait pas fait attention à Anryéna qui était non loin de là et qui subit aussi les effets de l’exorcisme et s’écroula inconsciente.

La bataille était finie, les créatures étaient toutes mortes y compris leur chef. Sevylath récupéra la couronne de cristal. Les autres étaient essoufflés, le combat n’avait pas duré très longtemps, mais il avait été intense et très fatigant. Le Grêlé s’occupa d’Anryéna pendant que Malyss s’interrogeait sur cette prison d’éclairs. Ergue tenta d’y passer la main et ce n’était pas très malin de sa part car ce fut très douloureux.

Après un soin apporté par le protecteur, Anryéna reprit conscience et pesta contre cet acte certes efficace mais inconsidéré de sa part. La fille de Dragon s’intéressa alors au prisonnier et à sa geôle.

- Est-ce le Mangepierre ? Demanda-t-elle au Grêlé.

Ce dernier allait répondre mais Sevylath s’interposa.

- Je ne sais pas ce qu’est un Mangepierre, mais cette personne est celle que je cherche et n’est ni plus ni moins que le Roi Tonnerre.

Tous échangèrent des regards interrogateurs, ils ne connaissaient pas de Roi Tonnerre, mais ils étaient prêt à croire leur illustre compagnon.

- La question est, comment le sortir de là, dit Malyss.

- Ce n’est pas théurgique ? Demanda Ergue. La réponse fut négative.

- Dans ce cas, c’est magique et dans ce cas, je peux faire quelque chose. Intercéda Anryéna qui était bien décidée à corriger son erreur.

Les sorts de foudre étaient nombreux et très variés. Bien que ses études à l’académie de Noz’Dinagrd remontaient à une époque lointaine, elle n’avait pas oublié les principes appris. Elle contourna la prison et se focalisa sur la magie. Elle perçut en premier lieu les éclairs, violents, protecteurs et dangereux. Puis derrière cela la personne en elle-même, elle avait un sort actif sur elle, un autre sort de foudre mais qui n’avait pas le même objectif.

- Une stase ! Cria-t-elle. Je crois savoir comment faire. Sevylath s’il vous plait venez à côté de moi.

Le protecteur approcha en se demandant ce que prévoyait la draconienne.

- Vous rattraperez la personne lorsque les sorts seront brisés et accessoirement moi aussi si je dois tomber inconsciente, ce qui peut arriver. Vous êtes un croyant et connaissez des théurgies de soin. Je vous conseille d’en lancer une sur vous au cas ou. Je vais combattre la foudre par la foudre.

A ces paroles les autres s’écartèrent rapidement pour ne pas risquer d’être blessés.

Anryéna se concentra de longue minutes avant de déchainer la foudre sur la prison. Elle lâcha tout son pouvoir. La prison se surchargeant de magie éclata d’un coup, libérant le Roi Tonnerre. In extremis, Sevylath, protégé par sa foi réceptionna son ancêtre. Puis se retourna vivement pour voir l’état de la magicienne. Celle-ci vacilla, vidée de toute magie. Le protecteur attrapa Anryéna avant qu’elle ne tombe. Aussitôt le corps de la magicienne se mit à briller d’une aura bleue très brillante qui se propagea sur Sevylath et le Roi Tonnerre. Puis l’aura s’estompa en même temps que les trois personnes qui devinrent transparentes. Enfin elles disparurent devant les mines ébahies de leurs compagnons.


Ils réapparurent tous trois dans la salle du trône en Noz’Dingard devant Kounok qui s’était levé, Chimère à la main.

- Mère ?? Cria-t-il.

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