De Eredan.

(Différences entre les versions)
(Histoire)
(Chapitre 13 - Au bout du chemin)
Ligne 1 055 : Ligne 1 055 :
- Parfait…  
- Parfait…  
 +
 +
- Une prophétie se réalise toujours, c’est ainsi, nous n’y pouvons rien. N’avais-je pas annoncé la découverte d’Eredan et la défaite de Néhant ? Dit Dragon l’air triste.
- Une prophétie se réalise toujours, c’est ainsi, nous n’y pouvons rien. N’avais-je pas annoncé la découverte d’Eredan et la défaite de Néhant ? Dit Dragon l’air triste.

Version du 22 janvier 2014 à 16:36

acte10.png

Sommaire

Histoire

Prologue - Le naufragé

On52u1q6.png

La mer

Qu´on voit danser le long des golfes clairs

A des reflets d´argent

La mer

Des reflets changeants

Sous la pluie

Charles Trenet


Cette histoire-là commence d’un manière très peu habituelle, loin du tumulte du Conseil de guilde et de l’Equinoxe qui à ce moment-là menaçait les Terres de Guem. Elle débuta donc sur un navire, mais pas n’importe quel navire, celui-ci ne volait pas comme les redoutables bâtiments des pirates, mais fendait les eaux de sa proue de métal. En pleine mer la tempête faisait rage, déversant sur le Rutilant des trombes d’eau, le chahutant tantôt par tribord, tantôt par bâbord. Il disparaissait dans le creux entre deux vagues avant de réapparaître au sommet de l’une d’elles, manquant par là-même de chuter ensuite et d’avoir sa coque brisée.


A son bord l’équipage donnait son maximum pour maintenir le cap. Les marins le savaient, cet endroit précis de l’océan ne pouvait être traversé sans encourir le courroux divin. Ils n’avaient pas eu le choix et ils n’avaient plus le choix, ils luttaient pour leur survie. Le chef beuglait des ordres entre chaque grondement du tonnerre. Le Rutilant avait quitté le port d’une cité bâtie sur une île quelque part au milieu de l’océan, loin, très loin des terres de Guem. On pouvait imaginer la cargaison de mets exotiques ou de choses plus précieuses les unes des autres, mais en réalité le navire était à la disposition d’une seule personne.


Presque personne n’avait réussi à vaincre la tempête et cette fois-là le Rutilant n’y parvint pas…


Les vagues léchaient lentement la plage dans un rythme irrégulier, c’était le matin, il faisait frais. Et comme tous les matins depuis des années Rémy promenait son Omega, un terrier pure race toujours foufou malgré le poids des années. Quelques mouettes volaient non loin de là, narguant de leurs cris rieurs et moqueurs l’homme et son chien. Omega allait et venait entre son maître et les vagues en aboyant sans cesse. Puis le chien s’arrêta dans son ardeur et fixa quelque chose qui se trouvait derrière un énorme rocher et que Rémy ne pouvait voir. Puis le chien aboya à nouveau sans bouger.

- Et bien, qu’est-ce qu’il y a ? Reviens par ici, on va rentrer.

Puis voyant que le chien n’écoutait rien et continuait sa cacophonie, l’homme alla voir de plus près et tomba des nues devant un spectacle d’apocalypse. En partie brisé, la coque éventré, un navire était venu s’échouer là. La mer recrachait les débris et les corps des marins. Une planche de bois portant une plaque indiquait un nom : Le Rutilant.

- Mazette ! Quelle horreur ! S’écria Rémy en avançant prudemment entre les débris.

Mais il n’y avait plus rien à sauver, le bateau était éventré et les marins étaient tous morts… tous sauf un homme. Celui-ci était inconscient sur un morceau du navire. Omega léchait le visage de cet homme qui réagissait en gémissant. Rémy se précipita pour examiner ce naufragé. Son pouls était faible et il souffrait de larges coupures d’où son sang s’échappait. Rémy n’était homme à laisser mourir quiconque aussi avec des moyens de fortune il achemina le blessé jusqu’à sa masure située derrière une haute dune pour y panser les blessures de cet inconnu.


Quelques jours plus tard le naufragé reprit conscience, il était sauf mais souffrait encore de ses blessures. Non loin de lui Rémy discutait avec un homme de grande taille à la carrure d’un ours. Le Naufragé n’entendit qu’une partie de la conversation.

- ...plage. Un bateau de bois et de métal presque entièrement détruit, expliquait Rémy.

- Des victimes ?

- J’ai compté dix-neuf morts.

- Et le survivant ?

- Inconscient depuis que je l’ai trouvé, messire Prévôt.

L’homme appelé Prévôt jeta un œil sur le naufragé et vit que celui-ci était réveillé. Il s’en approcha alors, faisant craquer le parquet de lames de bois gondolées.

- Comment vous vous sentez ? demanda le prévôt.

- Où… où suis-je ?

- Vous êtes non loin de la cité indépendante de Gardara.

- De quel royaume ?

- Les Hautes terres de l’Ouest dans les sept royaumes.

- En terres de Guem ?

- Bien sûr, où d’autre voulez-vous que nous soyons ?

- Aidez-moi à me redresser voulez-vous, dit le naufragé en tendant sa main.

Le prévôt attrapa la main, aussitôt quelque chose se produisit. Les yeux du prévôt changèrent de couleur pour devenir argentés.


Quelques instants plus tard Rémy gisait sur le sol de sa maison, le naufragé s’éloignait de là, le prévôt à ses côtés.

Chapitre 1 - Dans le bois

ObBkFK0I.png

Le prévôt de la cité indépendante de Gardara ne bougeait pas, le regard argenté perdu dans la danse chaotique des flammes. L’odeur d’un lapin grillé prenait le pas sur l’odeur de fumée et de bois brûlé. De l’autre côté du feu le naufragé réfléchissait à ses actions futures. Le Rutilant n’était plus qu’une épave échouée sur le côté d’un monde qu’il ne connaissait pas où il y cherchait quelqu’un dont il ignorait tout d’où il pouvait bien se trouver à présent. Dans ce cas de figure comment faire ? Il devait remettre de l’ordre dans ses pensées et en apprendre plus sur ces terres. Pour cela il ne disposait que de maigres informations ramenées il y a plusieurs années par Elysia, une des rares personnes à avoir réussi l’exploit de trouver les terres de Guem puis d’en revenir. Il se remémora les explications de cette dernière : ces terres sont gigantesques, trois fois plus grandes que les nôtres. Il y a un désert au sud et les glaces au nord. Contrairement à notre patrie il existe une multitude de royaumes. Mais au-delà de ça des groupes nommés Guildes ont une grande liberté d’action et un pouvoir qui peut même être supérieur à celui d’un royaume. Ces dernières regroupent des héros aux pouvoirs incroyables.

- Guildes… Des héros aux pouvoirs incroyables… Tu connais les guildes prévôt ? Demanda le Naufragé à son compagnon de fortune.

- Oui. Que voulez-vous savoir?

- Combien il y en a ? Et surtout où est-ce que je peux trouver un héros de ces guildes le plus proche d’ici ?

- Je crois qu’il y a presque une quinzaine de guildes messire. D’ici, dit-il en regardant les alentours, c’est la Cœur de Sève la plus proche.

- Cœur de Sève... Quelles sont leurs idées ? Qui sont-ils ?

- Des créatures de la forêt, je crois que c’est la guilde avec le plus de monstres. Ils vivent dans la forêt que vous voyez au loin là. Ils n’aiment pas trop ceux qui sont pas comme eux si vous voyez ce que je veux dire. La forêt est à eux et ils le font savoir aux intrus qui oseraient s’y aventurer. Ils sont capables de savoir qui entre chez eux et de vous pister pour vous trucider.

- Je te remercie… prévôt. Nous allons rendre visite à cette Cœur de Sève et ces monstres, ça sera un parfait commencement. Nous partirons juste après notre repas, nous devrions arriver sur place à la nuit tombante. Je saurai convaincre ces monstres, dit le Naufragé à grand renfort d’éclats de rire.


Les rayons de lune se frayaient un passage entre les larges branches feuillues des arbres de la forêt Eltarite. Le Naufragé appréciait cette verdure sauvage mais non dénuée de trace de civilisation. Disséminés un peu partout de petits totems d’ambre à l’effigie de créatures grimaçantes prévenaient ceux qui s’aventureraient ici : vous entrez dans un territoire qui n’est pas le vôtre, partez !

Mais le naufragé n’en avait que faire, il était là pour provoquer une rencontre avec ces créatures de la forêt dépeintes comme monstrueuses par le prévôt. Ce dernier marchait avec la peur au ventre, il ne pouvait que suivre le Naufragé, son maître, sans rien faire d’autre que d’espérer que tout se passe bien pour lui.

- Allez, montrez-vous, chuchotait en boucle le naufragé, je sais que vous êtes là…

Et il ne se trompait pas les créatures de la forêt étaient là tapis dans l’ombre, cachées dans les arbres ou les hautes fougères. Elles les surveillaient depuis bien avant qu’ils n’entrent dans la forêt. Les intrus ne semblaient pas vouloir quitter les lieux, aussi les gardiennes de l’orée du bois intervinrent. Une flèche, suivie d’une autre se plantèrent devant le Naufragé et son acolyte. “Le poisson mord à l’hameçon”, se dit le Naufragé.

- Faites demi-tour ! Vous n’êtes pas les bienvenus humains ! cria une voix féminine en provenance de derrière un arbre.

- Nous sommes désolés de venir ici sur votre territoire sans votre permission, je suis un émissaire venu à la rencontre de la Cœur de Sève. Je m’excuse de ne pas avoir prévenu de mon arrivée mais j’ai un délai assez court pour apporter mon message.

- Quel est ton message étranger, cria la même voix.

- Allons, je ne peux donner mon message qu’à un membre de la Cœur de Sève.

- Vous avez ce que vous cherchez devant vous.

- N’ayez pas peur de nous, nous ne sommes pas armés. Puis-je approcher pour vous parler de face à face ?

Il y eut des échanges entre plusieurs personnes, puis au bout d’un petit moment une forme sortit de derrière un arbre. C’était une femme, ou plutôt une Elfine, mais ça le Naufragé ne pouvait pas le savoir. Celle-ci était accompagnée d’un énorme loup arborant comme une sorte de masque de cuir. L'Elfine approcha à pas lent, avec une démarche légère et hypnotique. Enfin le loup géant et elle s’arrêtèrent en face des visiteurs.

- De là d’où je viens nous faisons le baise-main aux damoiselles. Me permettez-vous ? Demanda le Naufragé en s’inclinant légèrement et tendant sa main gauche.

Malgré un léger grognement du loup, l’Elfine n’avait pas plus de raisons de se méfier cet homme au charisme incroyable. Et puis personne ne lui avait jamais fait un baise-main, c’était donc l’occasion, cela marquait pour elle sa domination sur l’intrus. Aussi elle posa sa main sur celle gantée de l’intrus. Elle sentit alors comme quelque chose d’agréable, une douce sensation de confiance absolue envers ce monsieur. Son cerveau fonctionnait au ralenti, ses yeux ne quittaient plus ceux du Naufragé. Puis son regard se teinta d’argent. Melissandre, car c’était bien elle, sentait parcourir dans son corps une énergie nouvelle, bienfaisante, apaisante. Le Naufragé souriait. “Le tour est joué” se disait-il.

- Maintenant que les choses sont clarifiées, pouvons-nous entrer ?

- Bien sûr, répondit Melissandre à l’étonnement des autres Elfines présentes autour d’eux.




Chapitre 2 - Vendetta

ln9GQgMx.png

La forêt des Eltarites étaient derrière, loin à l’horizon. Grâce à Melissandre, le groupe avait traversé sans encombre un lieu véritablement hostile pour des étrangers comme le Naufragé et son sous fifre le prévôt de la cité indépendante de Gardara. Les deux hommes avaient ensuite récupéré de quoi monter un camp digne de ce nom en volant diverse chose à droite et à gauche. Pendant ce temps Melissandre avait entreprit un rapide voyage vers une des annexes du Conseil des Guildes afin de s’informer d’un sujet précis. Bien sur son déplacement jusqu’à cette annexe n’était pas le fruit du hasard, mais bien un ordre du Naufragé qui continuait sa quête pour retrouver quelque chose… ou plutôt quelqu’un. L’Elfine revint donc en possession des précieuses informations récoltées auprès du Conseil puisqu’elle avait, en tant que membre de la Coeur de sève, accès à certains dossiers consultables par les Guildes. Le Naufragé semblait impatient de prendre connaissance de ces informations et à peine l’Elfine fut-elle assise que la question, courte et simple à la fois sonna :

- Alors ?

- J’ai trouvé ce que vous vouliez, du moins en partie.

- En partie ?

- Un rapport en provenance de Bramamir et signé par l’Amiral Al la triste indique que ce que vous cherchez est dans les Îles Blanches. Elle a été enfermée dans une prison de haute sécurité, mais elle a réussi à s’enfuir et à semer le désordre dans toute la région. Mais sa cavale a été de courte durée, Klémence de l’équipage du navire volant l‘Arc-kadia, a capturé la fugitive.

- Où l’ont-ils emmené ensuite ?

- Et c’est là que ça se complique. Jugée dangereuse elle a été enfermé dans un lieu tenu secret par la guilde des Pirates.

A l’intérieur de lui le Naufragé sentait son sang bouillir, il était très en colère de tomber face à cette barrière. Depuis son arrivée il s’en sortait à peu prêt mais là il allait devoir chercher plus en profondeur. Il souffla un long soupir d’exaspération en réfléchissant aux prochaines actions à mener. Puis se dirigeant vers ses “amis” il expliqua se qu’il attendait d’eux désormais.

- Ils ne savent pas qui ils ont enfermé… C’est intolérable, les habitants de cette terre n’ont aucun respect. Puisque c’est ainsi, je récupèrerai celle pour qui j’ai traversé l’océan et ça ne se fera pas sans avoir laissé un souvenir impérissable sur ce continent de malheur. Prévôt !

- Oui messire ? Dit l’homme en adoptant une pose semblable au garde à vous.

- Je veux que tu te fasses enrôlé par ce Conseil des Guildes, ils doivent bien avoir besoin d’un homme de ta carrure. Explique leur que tu désires servir cette organisation de ton mieux. Nous nous retrouverons dans quelques semaines le temps que tu sois… opérationnel, en attendant tu seras mes yeux et mes oreilles. Quant à toi Melissandre… Tu vas retourner parmi les tiens et faire comme si de rien n’était. Tu répondras à mon appel en temps voulu.

- Comment je justifie mon absence de ces derniers jours ?

- Tu es partie surveiller les abords de la forêt de ce côté-ci. Tu n’as rien trouvé de suspect et tu es repartie…Bien, avant que nous ne nous séparions, j’aimerais savoir qu’elles sont les guildes que je peux rencontrer vers ces Îles Blanches et comment y aller.

- Je vais vous faire un plan pour aller jusque là bas en évitant le maximum la civilisation, dit Melissandre en attrapant un parchemin recouvert de poussière qui traînait par terre. Il y a la Légion runique qui est très active le long de la frontière entre Tantad et les Îles blanches.

- Je ne veux pas forcement éviter la civilisation, au contraire, j’ai toujours eu de bons contacts avec les gens, dit-il en rigolant. La Légion runique ? Un nom qui en impose. Qu’elles sont les relations de cette Légion runique avec les Pirates ?

- Relations cordiales, ils ont été ennemis très longtemps, mais aujourd’hui les deux guildes semblent avoir formé une alliance.

- C’est plus que je ne l’espérais. Il ne me reste plus qu’à trouver un membre de cette légion. Au travail mes amis…

Les Îles blanches flottaient lentement au dessus de Maelström. Sanquinam attendait patiemment que les prochains jours ne passent car il pourraient enfin quitter la garnison d’Obolys et rentrer chez lui, de l’autre côté de Tantad. De ce fait le légionnaire était de relative bonne humeur, posté en bout de ponton il regardait le Requin-aigle, un navire de Bramamir dépasser les dernières îles volantes. C’était le dernier rendez-vous avec les pirates et Sanquinam avait hâte que celui-ci accoste, que la cargaison soit déchargée, les corvées administratives faites pour voir le navire repartir dans la foulée. Seulement ce jour là rien ne se passerait ainsi car le destin, funeste, de Sanquinam frappait à sa porte. Un homme aux cheveux longs et blancs s’approchait de lui lentement, en silence. A l’un des doigts de la main gauche de cet homme une bague brillait, crépitante d’une magie totalement inconnue des Terres de Guem. Le légionnaire senti la main se poser sur son épaule et vit l’éclat de la bague… trop tard, le contact était établi et comme il l’avait fait plusieurs fois depuis son arrivée le Naufragé venait de se faire un allié de plus.

- Je vous salue légionnaire, dit le Naufragé. Comment allez-vous ?

- Parfaitement bien, qu’est-ce que je peux faire pour vous messire… quel est votre nom ?

- Appelez moi Naufragé, je n’ai guère envie de vous donner mon véritable non.

- Très bien, Naufragé.

- C’est bien un navire de la guilde des Pirates d’Al la Triste qui arrive là ? Dit-il en montrant le Requin-aigle.

- Tout à fait.

- Est-ce qu’il y a des membres de cette guilde à bord ?

- Bien sur.

- C’est une bonne nouvelle. Vous allez les accueillir et m’amener l’un d’eux. J’ai vu qu’il y avait des cavernes par là bas, je vous y attends, venez seul avec ce pirate, trouvez une bonne raison. Lorsque vous me l'amènerez vous l’immobiliserez pour que je puisse agir paisiblement.

- D’accord, ça sera facile.

Le Requin-Aigle avait accosté, déversant son flot de pirates et de marchandises venus des Îles Blanches. La garnison plutôt calme avant cela se retrouva perturbée dans sa quiétude. Sanquinam, incapable de résister à la demande du Naufragé conduisit alors un des Pirates jusqu’à la caverne située à quelques pas de la garnison. La jeune femme aux côtés du légionnaire ne se doutait pas de ce qui l’attendait exactement, le prétexte d’une cargaison “sensible” pour l’Amiral Al la Triste avait fonctionné. Watahata écoutait le blabla de Sanquinam d’une oreille distraite. Elle n’avait accepté de prendre le Requin-Aigle que pour échapper à la monotonie de Bramamir et de voir un peu du pays. Elle ne comprit rien de ce qui lui arrivait lorsque, une fois dans la caverne, le légionnaire dégaina son glaive et passa la lame sous sa gorge tout en tenant la jeune femme.

- Que… Quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ?

- Reste tranquille, siffla Sanquinam.

- Cela ne prendra qu’un instant, dit le Naufragé en avançant vers Watahata la main en avant. Allons, allons, aucun mal ne vous sera fait, je ne veux que vous poser quelques questions, fini-t-il de dire en posant la main sur l’épaule de la jeune femme qui allait à ce moment là déchaîner une pluie d’éclairs magiques.

Mais la magie se tue car au contact du Naufragé toute agressivité disparue.

- Laissez-là légionnaire, dit-il à l’attention de Sanquinam. A présent demoiselle au visage maquillé, j’aimerais que vous m’aidiez à trouver mon amie.

- Si je peux vous aider, j’en serais ravi dit-elle.

Chapitre 3 - Overdose

kkxR3MIO.png

Sanquinam…

Le nom, tel un écho, emplissait les cieux. Le lumière éblouissante perçait des nuages à l’allure de monstres blancs. Le légionnaire ouvrit alors les yeux, son nom résonnait encore dans sa tête, il était debout sur une route pavée envahie d’une mousse verte émeraude. De part et d’autre, des champs d’herbes hautes à perte de vue. Que faisait-il là ? C’est quelque chose qu’il voudrait bien savoir car il n’en avait strictement aucune idée. Pire, il n’avait pas le moindre souvenir, pourtant il connaissait bien son nom et ceux de ses proches.

- Hé Ho ! Cria-t-il, quelqu’un !?

Mais il n’y eut pas la moindre réponse à son appel aussi il décida d’avancer droit devant lui. Mais pourquoi droit devant ? Se disait-il en jetant un œil derrière lui. Mais le lointain de ce côté-là ne l’inspirait pas, non, il fallait qu’il avance. Mais pour aller où ? Alors autant aller de l’avant. Il marcha donc un long moment sans croiser personne, il remarqua plusieurs faits aussi intéressants que troublants. Certain d’avoir avancé plusieurs heures durant il s’étonna de ne pas voir bouger l’astre solaire. De plus il ne ressentait nulle fatigue, il ne transpirait pas malgré la chaleur, aucune faim ne tiraillait ses entrailles.

- Qu’est-ce qu’il se passe ? Chuchota-t-il en s'arrêtant au bord du chemin. Je ne ressens plus rien… je… je ne respire plus !

C’est alors que des bruits attirèrent son attention. Il aurait pu reconnaître le clac des fers à cheval sur les pavés. Protégeant ses yeux des rayons du soleil il observa ce cheval arrivant vers lui. Jamais il n’avait vu de bête aussi imposante que celle-là, noire comme les ténèbres, musculeuse, le crin tressé de son cou touchait presque le sol, des yeux clairs comme de l’eau. Son cavalier n’en était pas moins remarquable. Incroyable chevalier à l’armure magnifique aux runes brillantes de mille feux. Son casque arborant une longue crête de plumes rouges cachait son visage. Le cheval s'arrêta devant un Sanquinam à la fois inquiet et curieux. Ce cavalier… sa tenue lui disait quelque chose mais quoi ?

- Bonjour, vous êtes visiblement un Tantadien si j’en juge votre armures et les runes. Pouvez-vous m’aider ? Je ne sais pas du tout ce que je fais là.

- Je suis venu te chercher Sanquinam, dit le cavalier d’une voix semblant sortir d’outre-tombe.

- Est-ce que nous nous connaissons ? Je suis confus de ne pas vous reconnaître, n’en soyez pas offensé. Que se passe-t-il ?

- Je t’amène au Forum pour y être jugé, tu as marché plus vite que je ne l’aurais pensé.

C’est alors que Sanquinam remit les pièces du puzzle entre elles : la longue route, le soleil figé, ni faim, ni soif, ni fatigue, le cavalier sur son cheval noir…

- Attendez… Vous… Tu es Psykios… Fils de Psyché la déesse des âmes errantes. Celui qui parcourt Domitia la route vers le Forum. Celui qui mène les guerriers morts devant les dieux afin qu’ils soient jugés… Ce qui veut dire que je suis… Mort ?!

Le cavalier tendit la main vers Sanquinam afin que celui-ci monte derrière lui.

- Je ne crois pas à ces histoires, je suis un Kertasien !

- Et pourtant tu es bien là Sanquinam fils d’Amalorius, je ne peux pas répondre à tes questions.

- Dis-moi au moins comment je suis mort !


Le cheval s’en alla galopant à vive allure le long de la Domitia, filant comme une étoile. Sanquinam aurait bien pu marcher une éternité qu’il n’aurait pas parcouru la moitié du chemin menant au Forum avec Psykios. Au bout de la route se dressait l’édifice immense, plus gros que le plus imposant bâtiment de Tantad et peut-être du monde. Le cavalier stoppa sa monture sur le seuil d’une porte à double battant à la mesure du reste et laissa descendre le légionnaire.

- Va maintenant, tu es attendu. Et un conseil, n’oublie pas à qui tu t’adresses.

Sanquinam, tout de même assez intimidé, entra dans cette démesure divine. En réalité ce forum n’avait pas la forme que le Légionnaire attendait, cela ressemblait d’avantage à un amphithéâtre pour géant qu’à une large place où les gens se rencontraient. La porte claqua fermement dans un bruit assourdissant. Sanquinam s’attendait à voir les dieux assis devant lui, mais non car il oubliait que les Dieux n’aimaient pas qu’on les voit, ce tribunal serait celui de l’invisible.

- Sanquinam, dit une voix féminine, tu t’es détourné de nous, toi que nous avions marqué de notre sceau.

- Je ne me suis détourné de rien car je ne suis pas devant vous, vous n’êtes pas là, je suis un Kertasien, ce qui signifie que je ne crois pas aux dieux.

- Tu côtoies la Légion runique depuis longtemps, comment peux-tu encore douter de nous ? N’as-tu pas assisté à l’accomplissement de leurs prodiges, reprit la voix.

- Ce qu’il font n’est que de la magie, j’en ai vu des gens accomplir de tels prodiges sans autre intervention que leur propre pouvoir.

- Montrons-lui, dis une voix masculine, une voix rauque et forte.

- Me montrer quoi… que… qu’est-ce.

- Nous te rendons tes souvenirs, tu n’es pas dans un rêve, ceci n’est pas le fruit de ton imagination.

Sanquinam fut alors assailli par ses souvenirs, un flot incroyable d’images, de sensations et de sentiments. Tout lui apparaissait clairement, et à présent il savait comment s'était terminé sa vie, un peu par hasard, avec beaucoup de malchance…

Une grotte au fin fond des terres de Guem non loin des Îles Blanches. Watahata ne bougeait plus, le Naufragé la tenait sous sa coupe. Sanquinam rangea alors son glaive dans son fourreau sans ressentir la moindre émotion sur le devenir de la jeune pirate.

- A présent, pirate, tu vas me conduire à bord de ton navire volant. Si on te demande quoi que ce soit tu diras que je suis ton invité et que tu ne tolères aucune question à ce propos.

Watahata inclina la tête pour signifier qu’elle avait bien compris le message et obéit à l’ordre sans sourciller. Voici donc la petite troupe repartie à bord du Requin-aigle où le Naufragé allait questionner sa nouvelle “conquête”.

- Es-tu au courant d’une évasion qui a eu lieu il y a quelque temps d’une prison de haute-sécurité ?

- Non, mais je sais qui était au cœur de cette affaire.

- Qui ?

- Une mécaniste du nom de Klémence.

- Tu sais où je peux trouver cette personne ? dit-il avec un certain agacement.

- Oui, elle a son atelier sur une île un peu plus au nord.

- Donne le changement de cap, nous y allons.

- D’accord, dit-elle en sortant de sa cabine pour aller relayer l’ordre.


Plusieurs heures plus tard, toujours à bord du Requin-aigle, Watahata revenait du chantier où Klémence et une trentaine d’hommes et de femmes s’attelaient à reconstruire l’Arc-Kadia, en partie détruit lors de la poursuite avec l’Echappée. Jugeant qu’il ne pourrait pas placer Klémence sous son contrôle il envoya Watahata pour user de sa magie et faire parler la cible. Le résultat fut très convaincant et la jeune pirate avait réussi sa mission avec brio.

- Alors ? S’impatienta le Naufragé. Que t’a-t-elle dit ?

- Celle que vous cherchez n’est pas dans les Îles Blanches. Suite à sa spectaculaire évasion il fut décidé qu’il valait mieux la confier au Conseil des guildes qui saurait comment la maintenir captive.

- J’en ai MARRE ! Dit le Naufragé avec colère, frappant dans un des murs de lattes de bois du Requin-aigle. Bon… ajouta-t-il en contrôlant sa respiration. Ce Conseil des Guildes est-il loin ?

- Avec le Requin-aigle pas longtemps non, quelques jours tout au plus. Mais la disparition du navire des Îles Blanches va probablement attirer l’attention de l’Amiral.

- Je m’en moque de ton Amiral, j’espère avoir résolu cette histoire avant qu’on s’aperçoive de la disparition de ton navire, pirate. Je vais m’occuper de ton équipage. On change le cap, direction le Conseil des Guildes.

- Selon vos désirs, dit Watahata en laissant Sanquinam et le Naufragé.

- Ils veulent la guerre, il vont l’avoir ! Viens près de moi légionnaire, tu vas servir ma cause et montrer que nul n’est à l’abri de mon courroux !


- Je me souviens… Que m’a-t-il fait ? Cette magie, irrésistible, ce pouvoir fabuleux et incroyable qui coulait en moi. J’adorais ça, je me rappelle lui en demander encore et encore.

- Et ça causa ta perte, dit la voix féminine. C’était trop de pouvoir pour toi, manipulé, sous contrôle, tu as servi le dessein de ce sorcier.

- Oui… je me revois marchant dans la grande salle du Conseil des Guildes en pleine séance ouverte au public… Par les cornes des minotaures ! J’ai explosé !

- Oui, tu as été négligeant, le sorcier n’a eu qu’à aller dans ton sens, tu préférais croire en la magie plutôt qu’en nous. Il t’a donné ce que tu voulais et tu es responsable de la mort de plusieurs personnes innocentes.

- Mais que vouliez-vous que je fasse !? Il n’a eu qu’à me toucher pour que je tombe sous son influence.

- Nous veillons sur ceux qui croient en nous, cela ne serait pas arrivé si tu n’avais pas douté.

Sanquinam comprenait les paroles des Dieux, il s’était écarté du chemin que le destin lui avait tracé, préférant ignorer les Dieux et leurs philosophies.

- Qu’attendez-vous de moi ?

- Que ceux qui se sont égarés de la voie des dieux reviennent vers nous. Les Terres de Guem ne pourront faire face à ce sorcier sans que nous intervenions.

- Deus ex machina !

- Te voilà devant un choix que peu de mortels ont eu avant toi. Nous pouvons te faire revenir sur les Terres de Guem.

- Et en échange ?

- Plus jamais tu ne douteras, tu seras notre voix, tu partiras chercher ceux qui ne nous entendent plus. Si tu doutes alors nous te rappellerons et s’en sera fini de toi.

Sanquinam ne pouvait pas laisser passer une telle offre, l’idée même de ne plus exister, de mourir à son âge, n’était pas envisageable.

- Nous lisons en ton âme comme dans un livre ouvert. Tu vas retourner sur les Terres de Guem, retrouve Mynos, celui dont le chagrin guide les pas.

Chapitre 4 - Morts contre Morts

VGas4v07.png


- Je n’en peux plus, je vais devenir fou ! Râlait Zejabel en tournant en rond dans une sordide grotte au milieu de nulle part. Voilà des jours, que dis-je, peut-être même des semaines que je ne suis pas sorti d’ici, je vais craquer !

- Seigneur, vous êtes à l’abri ici, Dimizar ne peut pas vous retrouver ici, dit Ishaïa.

- Moi aussi je ne souhaite plus me cacher dit Almaria en appuyant les dires du nécromancien. Je ne vois même pas pourquoi nous nous cachons, bien que Dimizar possède le corps de Néhant et semble immunisé aux pouvoirs néhantiques, il ne peut rien contre nos légions de morts.

- Tu as raison Almaria, je ne vivrai pas en reclus, advienne que pourra.


Tel un chien de chasse cavalant derrière sa proie, Ayept, tristement surnommé dieu du mal suivait la piste de Zejabel. Ce dernier avait eu la malchance d’échouer dans une mission confiée par Ptol’a, déesse de la mort et du renouveau, attirant sur lui le courroux divin. Le dieu du mal poursuivait donc Zejabel depuis le désert d’émeraude, un lieu qu’il n’avait pas quitté depuis une éternité. Suivi par ses créatures à tête de serpent il progressait inexorablement vers sa cible, guidé par la rage de ne pas profiter du corps que son épouse lui avait choisi. Il le savait, bientôt il prendrait sa revanche, et pas qu’une seule. Tout d’abord sur ce Zejabel à cause de son échec, mais aussi vis-à-vis de l’autre, ce fabuleux corps qui avait repris vie par magie.

Ayept le savait, son objectif était là quelque part dans ces collines rocheuses qui lui faisaient face. Seulement il ne savait pas vraiment où exactement, aussi commença-t-il à tourner en rond au grand dam des quelques malheureux qui eurent la malchance de croiser sa route. Car Ayept tuait sans aucun remord les vivants qu’il trouvait. Puis au détour d’un chemin les créatures à tête de serpent devinrent nerveuses, elles avaient vu quelque chose passer non loin de là. Qu'à cela ne tienne, il fallait avoir le cœur net de ce que cela pouvait être. Les créatures, suivies d’Ayept se lancèrent dans une course poursuite avec une forme humanoïde inconnue.


- Mâche l’âme… mon petit Mâche l’âme… as-tu fait ce que je t’ai demandé ?

- Oui maître Dimi… Néhant, se ravisa le démon en s’inclinant devant le corps de celui qu’il servit il y a bien longtemps. C’est un démon rapide qui ne se laissera pas attraper.

- Je m’inquiète plus pour l’humain qu’il a choisi d’habiter tiendra-t-il suffisamment longtemps ? Mortelame est tellement avide d’énergie vitale… Prépare-toi, si jamais il flanche, tu prendras sa place, je veux que ce spectre du désert arrive à destination.

- Il n’en est plus très loin.

- Nous sommes aux premières loges, on se prépare à assister à un beau combat. Voyons comment va s’en sortir notre ennemi.

- Lequel ? répliqua Mâche l’âme dans un sursaut d’intelligence.

- Les deux mon petit démon, les deux !

Néhant et Mâche l’âme regardaient les créatures et Ayept avec un certain empressement à voir ce qui allait suivre.


Mortelame courrait entourée d’un halo noir de magie néhantique. Le corps de la pauvre femme dont elle avait pris possession souffrait atrocement, criant intérieurement, elle n’était plus qu’une enveloppe dénuée de volonté. Mus par une force incroyable les muscles de la jeune femme étaient sur le point de rompre, mais Mortelame s’en moquait éperdument, seul son objectif importait, et celui-ci se trouvait juste là ! Car c’est à ce moment que Zejabel et sa clique sortaient de la grotte dans laquelle ils s’étaient réfugiés depuis des jours et des jours. D’un bond Mortelame asséna à Ishaïa un magistral coup de coude en plein visage. Elle espérait ainsi qu’Almaria et Ishaïa la poursuivent ce qui fonctionna parfaitement, il ne restait plus qu’à finir le plan, continuer jusqu’à ce que cette humaine ne puisse plus assurer. Almaria et Ishaïa suivirent donc l’assaillante, laissant seul le nécromancien. Puis déboulant à vive allure Ayept et ses créatures surprirent Zejabel qui recula de quelques pas. Ayept aussi s’arrêta, retenant ses sbires.

- Enfin ! Dit le dieu du mal, tu es celui que je cherchais !

- Mmmm, le mari de Ptol’a je présume. Je suppose que tu viens réclamer ton… dû ?

- Oh ça oui… je vais commencer par toi et te briser la nuque avant de séparer la tête de ton corps, puis je m’occuperai de l’autre, il me faut son corps.

- Bon, inutile de discuter dans ce cas. Je vois que tu es accompagné. Mes amies ne vont pas tarder, mais en attendant je me permets d’équilibrer les forces. Je n’ai pas choisi cette grotte par hasard, ici dorment des guerriers tombés dans une embuscade il y a peu, dit Zejabel en activant sa magie nécromantique.

Il n’avait pas menti, ici se trouvaient de nombreux zombies qui sortirent de terre, se dressant entre leur nouveau maître et Ayept. Ce dernier lança l’assaut.


Plus loin Ishaïa et Almaria venaient de rattraper Mortelame dont le corps ne pouvait plus avancer. Les muscles déchirés la pauvre humaine était désormais à terre, tenue par une Ishaïa très en colère. La magie noire s’estompa, laissant visible les marques de Néhant sur son visage.

- Salut Ishaïa, dit Mortelame avec un sourire.

- Qu’est-ce que ça veut dire ? Demanda Almaria.

- On se joue de nous, rétorqua Ishaïa. Tu es un démon !

- Mortelame pour vous servir…

- Laisse ce démon, retournons vite auprès de Zejabel, dit Almaria en sentant que tout cela sentait bon le piège.

- Déjà, vous voulez même pas savoir pourquoi tout ceci ?

Les deux non-mortes laissèrent là Mortelame pour s’en retourner auprès de leur maître. Mais il était trop tard, la démone avait exécuté le plan à la perfection et forte de cette victoire elle libéra l’humaine pour retourner auprès des siens dans les méandres.


- Mâche l’âme, veille à ce qu’il n’arrive rien à Zejabel.

- Mais je croyais que vous le vouliez mort, maître ?

- Mort, il l’est déjà, mais son agonie doit être éternelle alors veille à ce qu’il ne soit pas détruit dans ce combat.

A ce moment-là plusieurs portails démoniaques s’ouvrirent autour d’eux et plusieurs démons de tailles et d’aspects différents apparurent.

- Tout est prêt seigneur Néhant, dit Utkin.

- Parfait… ce dieu ne m’échappera pas ! Je serai bientôt en possession d'une essence magique tellement puissante que même l'Héritier d'Eredan ou Dragon ne pourront affronter.

Chapitre 5 - Prophétie

OsfzTl1R.png

Un hurlement déchira la nuit, oh, ce n’était pas un cri de douleur, mais plutôt une effroyable plainte. Dans une des nombreuses chambres du palais de Noz’Dingard Dragon venait de se réveiller subitement, horrifié par un cauchemar qui l’avait sorti de son repos. Haletant il posa ses yeux sur la décoration de la pièce - il était bien chez lui. Il se laissa retomber sur le lit en expirant, passant la main sur son front détrempé de sueur. Ses pensées étaient confuses, il devait remettre de l’ordre dans tout ça. Aussi il se leva et marcha lentement, pieds nus sur la pierre, jusqu’à la large fenêtre ouverte. Dehors il faisait nuit, Noz’Dingard dormait paisiblement, la lune était haute et le ciel étoilé sans le moindre nuage. Là devant lui au loin, la Draconie, terre qu’il avait “conquise” il y a bien longtemps. Déjà les affres des cauchemars de la nuit s’estompaient. Lorsque quelqu’un frappa à sa porte, sortant Dragon de sa rêverie.

- Oui ?

- C’est Kounok, je peux entrer ?

- Oui, entre donc.

- Je m’excuse, mais j’ai entendu ton hurlement.

- On a dû m’entendre à l’autre bout de la cité.

- Comme presque toutes les nuits depuis notre retour de l’Equinoxe. Les rumeurs commencent à circuler dans le palais et le quartier des liés.

- Ce n’est pas Néhant qui me provoque ces visions si c’est ce que les gens veulent savoir. J’ai vécu dans l’Equinoxe des épreuves qui auraient rendu fou le plus endurci des hommes. Et ce que j’ai fait à l'Impératrice…

Kounok se gratta la barbiche en se remémorant les événements de la guerre de l’Equinoxe.


Le combat des Chevaliers Dragon et Dragon se déroulait sur la grande terrasse d’une tour du palais Impérial contre l’Impératrice et deux de ses généraux. Aucun des deux camps ne prenait l'ascendant sur l’autre car les unes profitaient de la magie de l’Equinoxe alors que les autres équipés et appuyés par Dragon étaient d’une résistance à toute épreuve. Mais dans le feu de l’action tout bascula, Dragon, impacté par sa captivité et par la réintégration de Néhant perdit pied, la colère fut trop importante, il ne put plus la contenir. Son apparence se modifia légèrement, ses mains devinrent plus larges et plus puissantes, son torse plus musculeux, son visage même arborait désormais des caractéristiques de Néhant et de Dragon. Les Chevaliers Dragon et les Equinoxiennes eurent l’impression de voir la scène au ralenti. Dragon s’avança jusqu’à l’Impératrice qui préparait un sortilège néfaste, puis il l’attrapa au niveau du coup avec sa main gauche et de l’autre il s'agrippa au bras gauche. Il tira d’un coup sec avec une force vertigineuse et arracha le bras. Le temps que les Equinoxiennes réagissent Dragon avait jeté par terre le membre arraché avant qu'il ne commette ce qui le traumatisait encore aujourd’hui. Il arracha la tête de l'Impératrice avant de la jeter de la terrasse vers la ville en partie incendiée.


- Nous étions en pleine guerre, Dragon, l’Impératrice t’avait torturé, sans parler des expériences qui ont, au final, engendré des monstres. Je crois que tu peux considérer avoir déjà payé cette colère, Dragon. Tu nous a tous sauvé. Lorsque nous avons reçu l’avertissement de ma mère tu n’as pas hésité à sacrifier définitivement de ta magie pour sauver tout le monde en nous ramenant à la porte des Dieux.

- Tu as sûrement raison, ne t’en fais pas je vais me ressaisir. J’ai juste besoin de temps pour m’adapter à ma nouvelle condition. Merci d’être venu me voir, je crois que je vais profiter des rues vides de Noz’Dingard pour marcher un peu, cela me fera du bien.

- D’accord, sache que tu peux compter sur nous, tu es notre famille.

- Je sais.


Dragon arpentait les ruelles désertes de la ville, dans les maisons les familles dormaient paisiblement. Cela lui faisait du bien d’être à nouveau chez lui et ce bien qu'il ne soit plus lié à l’immense pierre-cœur au centre de la ville. A son retour Anryéna avait définitivement pris le flambeau comme “reine” de la Draconie. Qu’allait-il faire maintenant ? Il pensait intégrer un temps l’académie de Noz’Dingard, il avait tant à enseigner autant à la jeune génération qu’aux professeurs.

Au détour d’une rue Dragon arrêta sa marche, une sensation qu’il n’avait pas ressenti depuis des années venait d'apparaître en lui. Des formes se dessinèrent dans la rue, au départ floues puis de plus en plus précises. Il y avait là plusieurs personnes, hommes et femmes dans des tenues différentes : Kotoba, Lieur de pierre, Cœur de sève… on ne pouvaient distinguer leurs visages à part leurs sourires, clairement visibles, toutes semblaient satisfaites. Par terre, Dragon, gisant inerte dans une mare de sang. Dans le ciel la lune, pleine, était de couleur argentée.

- Une prophétie...

Chapitre 6 - Chroniques de la Kotoba : Ijin Shisei

HSBTYaEd.png

Après la disparition de l’honorable et vénérable Chroniqueur Impérial Sima Qian, l’Empereur, dans son extrême bonté a exprimé le souhait que je reprenne, en tant que membre et dirigeant de la Kotoba, l’écriture de la chronique de la guilde. C’est un peu délicat de traiter de la vie des membres de la Kotoba, je les connais tous personnellement, beaucoup d’entre eux sont mes amis, mes parents, des élèves, comment garder un avis neutre sur eux ? Je crois que le mieux est donc que je commence ce nouveau livre de la Chronique par une personne que je connais en définitive assez peu, il faut dire qu’il reste un grand mystère pour moi, comme pour la majorité de sa caste à vrai dire. Il s’agit donc du très énigmatique et très controversé Ijin Shisei. Si ce nom vous est totalement inconnu comparé aux célèbres Zatochi Kage et Yu Ling, c’est parce que son rôle a longtemps été tenu secret. Aujourd’hui l’affaire “Kiria” a placé Ijin sur le devant de la scène, à son grand désarroi.

Mais commençons par le commencement car ceci est une chronique, il convient donc de parler de ce membre de la Kotoba depuis son enfance. La famille Shisei n’est pas connue pour être riche ou puissante, mais elle est réputée pour servir l’Empire de son mieux et elle a déjà brillé à maintes occasions en venant en aide à la classe la plus basse de la population et en évitant une révolte lors de l’invasion de l’Empire par les Néhantistes. Ijin est né deuxième fils d’un deuxième fils et sa destinée était de devenir Tsoutaï comme certains membres de sa famille avant lui. Il fut accepté au temple de Sakoï et montra rapidement une excellente maîtrise des arts martiaux et une prédisposition pour la magie. Mais le jeune Ijin ne parvenait pas à maîtriser les esprits et encore moins à les apprécier. Dans ce cas comment aurait-il pu trouver un cherchefaille et devenir un véritable Tsoutaï ? La décision brisa le cœur du maître du temple et celui d’Ijin car leurs chemins devaient désormais se séparer, une autre destinée attendait Ijin, là juste à la sortie du temple de Sakoï un homme l’attendait. Je ne peux écrire ici son nom car, même moi, je n’en ai pas le droit. Je peux néanmoins indiquer qu’il s’agissait de l’un des plus grands chasseurs de démon que ce monde ait connu. C’est lui qui prit la relève des Tsoutaï et entraîna Ijin pour qu’il devienne un redoutable membre de cette caste. Et c’est ce qu’il devint, un exorciste et pas n’importe lequel comme je vais vous le raconter un peu plus loin.

Evoquer Ijin, c’est évoquer les chasseurs de démons et ses mystères. Si nous avons une bonne connaissance de ce que sont les Tsoutaï ou les Traqueurs, les chasseurs de démons eux restent la plus obscure de nos castes. Que font-ils réellement ? Qui sont-ils exactement ? Comment s’organisent-ils ? Je ne pourrai répondre à ces questions car malgré mes nombreuses tentatives je me suis toujours heurté à un mur de silence, leur silence. Même l’auguste Empereur écarta le sujet lorsque j’abordais avec lui le sujet. Envers tout cela j’ai lutté, pensant que comme les autres castes celle-ci me devait allégeance et ne devait en aucun cas avoir de secrets pour moi, Seigneur Impérial de la Kotoba. Or, et je faisais fausse route, le secret étant crucial pour cette caste, je ne pouvais que l’accepter, notre relation devait être basée sur la confiance, ce que j’ignorais ne pouvait être que profitable car cela ne m’occupait plus l’esprit. Les agissements des chasseurs de démon sont ce qu’ils sont, souvent à la limite de l’honorabilité, mais il faut que cela soit ainsi, que des gens au sein de la Kotoba aient cette liberté-là, de faire ce qu’ils font.

Si je traite des chasseurs de démons et de leur… philosophie, c’est parce qu’Ijin la suit particulièrement, il est secret, puissant, et limite dans ses actes. A la fin de son apprentissage on lui confia le rôle de Marcheur, il s’agit là des chasseurs de démon n’ayant plus aucune attache, n’entretenant plus aucun lien avec sa famille, et dont la vie est dédié à chasser les monstres qui menacent l’Empire : un vagabond sur les routes. Les rumeurs qui me sont parvenues font état d’une réussite totale de chacune de ses missions, la population alla jusqu’à rendre ses aventures légendaires, l’homme qui protège la population face aux démons. Je ne sais pas combien d’adversaires il a affronté dans sa vie, par contre Yu Ling me confia un jour que les tatouages couvrant le corps d’Ijin étaient la représentation de ses ennemis vaincus.


Mais c’était bien plus que cela.


J’aborde alors l’affaire “Kiria”. Kiria est le prénom d’une femme venue d’au-delà les mers et les océans qui, par je ne sais quel hasard, s’était retrouvée enfermée dans une prison de haute sécurité dans les Îles Blanches. La femme, plutôt rusée était parvenue à s’en échapper avant d’être capturée à nouveau quelques temps plus tard. Jugée plus que dangereuse, le Conseil des Guildes ordonna son transfert dans une autre prison. Secrètement, le conseiller-doyen Vérace me demanda de m’occuper de l’emprisonnement de cette femme. Je ne pouvais laisser les chasseurs de démons à l’écart de cette affaire et je demandais leur aide. On m’envoya Ijin. Lors de notre voyage vers l’Empire celui-ci me fit une belle démonstration de l’étendue de ses pouvoirs. Kiria tenta bien d’user de son étrange magie pour nous fausser compagnie, mais à chaque fois Ijin fut en mesure de la neutraliser, ses étranges tatouages bougeant étrangement lorsqu’il utilisait sa magie. Je commençais à avoir des soupçons et ceux-ci furent confirmés lorsque, une fois sur place, Kiria essaya de nouveau de s’évader, mais cette fois le chasseur de démons s'énerva si bien qu’apparurent des attributs pour le moins curieux que je ne m’attendais pas à voir là : Il avait l’air d’un véritable démon. Il immobilisa Kiria sans trop d'efforts avant d’entrer dans le lieu secret que nous avions choisi. Il revint quelques temps plus tard, cette fois bien calmé. Je lui demandais alors la vérité à propos de ses tatouages. Il répondit sans aucune hésitation : la magie de ceux qu'il avait vaincu circulait dans les lignes de ces dessins sur sa peau, ils lui donnaient la force de vaincre les monstruosités qui menaçaient l’Empire.


Que pouvais-je dire à cela, je n’avais rien à lui reprocher, bien au contraire. Je décidais donc de passer outre ce qui peut être considéré par quelques uns comme une abomination. Mais au fond, quel chasseur de démons n’était pas une abomination ?

Chapitre 7 - La reine des monstres

8lx9exWo.png

Un vent léger soufflait doucement, provoquant un va-et-vient des branches des arbres de la forêt Eltarite. Parfois les feuilles s’envolaient pour partir dans une bourrasque et vivre une vie éphémère dont nul n’aura conscience. Là, au beau milieu de l’étendue verte plusieurs héros de la Cœur de Sève discutaient. Assis sur de vieux troncs d‘arbres que le temps avait fini par abattre, ils échangeaient sur divers sujets concernant les affaires qui touchaient à la guilde de la Cœur de Sève.

- Il est temps d’aborder à présent la disparition de Melissandre durant plusieurs jours alors qu’elle était en mission pour la guilde, dit Eikytan qui était au centre de la petite clairière.

Immédiatement Aleshane se leva.

- Je croyais ce sujet déjà traité et… clos, dit-elle avec une certaine déconvenue.

- La justification qu’elle nous a apporté n’empêche pas un débat, répondit Eikytan de façon assez tranchée.

La jeune Elfine n’osa pas aller plus loin dans sa plaidoirie, elle aurait sûrement le temps de le faire plus tard. Le visage faisant la moue elle se rassit.

- Aleshane a raison, pourquoi devrions-nous discuter de ça ? Demanda Koria, est-ce que vous douteriez de l’explication de notre sœur Elfine ? Je pense que oui, sinon vous n’aborderiez pas ce sujet.

Eikytan ne répondit pas sur l’instant. Les membres de ce conseil se regardaient les uns les autres en attendant qu’on veuille bien leur fournir une explication. Mais aucun d’eux, même le puissant Eikytan, ne savait que non loin de là, cachée par la végétation, Melissandre écoutait leur conversation. L’Elfine était silencieuse, immobile, respirant lentement.

- Il y a quelques semaines, Kei’zan a ressenti une magie qu’il ne connaissait pas, une magie étrange. Il pense que c’est une personne disposant d’un pouvoir venant d’en dehors des Terres de Guem et qui aurait traversé la forêt sans être vu de personne. Aucune de nos sentinelles n’a indiqué avoir observé un étranger sur notre territoire.

Aleshane se sentit mal, elle avait menti pour protéger sa sœur. Elle savait pertinemment qu’un étranger avait traversé la forêt et ce grâce à Melissandre, car Aleshane était présente lors de la rencontre avec cet étranger. Le poids de la culpabilité pesait trop lourd sur sa conscience. Elle craqua.

- C’est vrai, quelqu’un est passé ! Dit-elle à l’étonnement de tout le monde.

Koria, Eikytan, Yaz, Belladone, Fouisseur… tous avaient les yeux braqués sur elle.

- C’était il y a quelques semaines, nous patrouillions à la lisière nord lorsque nous avons vu deux personnes venir en direction de la forêt. Nous les avons arrêté et Melissandre est allé discuter avec eux…

Pendant qu’Aleshane parlait de ce qu’elle avait vu et fait, Melissandre décida de ne pas rester sur place. Elle devait agir pour que le Naufragé ne soit pas recherché par la suite. Mais comment faire ? Elle recula de quelques mètres pour rejoindre son loup puis le monta pour s’en aller dans une région moins peuplée.


- Tu es sûr de ce que tu me dis ? Demanda Melissandre la dague à la main.

- Oui, oui, et re-oui ! Pourquoi veux-tu que je te mente ? Je sais qui tu es Melissandre, j’ai pas envie d’avoir tes cousines sur mes talons, dit une étrange petite créature simiesque.

- Alors conduis-moi jusque là-bas, tu en seras… récompensé.

- Euh… euh… je vais t’accompagner jusqu’à leur territoire, je t’indiquerai leur pyramide et ensuite tu te débrouilleras toute seule.

- Que de courage !

- Le courage n’aide pas forcement à rester en vie… Crois-moi.

- Allez, ça m’ira parfaitement, dit-elle en attrapant la créature.

Elle posa son guide sur le devant de la selle de son loup géant avant de, à son tour, monter sur la bête. En un bond le loup s’élança, conduit par une Melissandre déterminée et menée par une créature sylvestre. Ils avalèrent la distance en un temps record, évitant les sentinelles de la Cœur de sève. Enfin plusieurs heures après leur départ la créature demanda l’arrêt.

- C’est ici, dit-elle avec une certaine pointe de crainte, par delà la rivière s’étend le territoire des Kuars. Mais tu es certaine de vouloir t’aventurer là-bas ? Ce sont des cannibales, ils mangent la chair de tout ce qui bouge sur deux jambes.

- Je n’ai pas peur d’eux, je connais les légendes à leur sujet. Où est la pyramide ?

- Et bien… là, dans la rivière, sous l’eau se trouve un passage discret qui te mènera à l’intérieur. A l’extérieur les Kuars par dizaines surveillent tous les accès.

- Merci.

- Tu peux me payer maintenant ?

- Tiens, prends ceci et n’oublie pas, ne parle de ceci à quiconque, dit Melissandre en donnant sa magnifique dague d’Ambre.

Ni une ni deux, la créature détala si vite avec son butin qu’elle disparut dans les arbres en quelques secondes à peine, laissant Melissandre et son loup aux portes du territoire Kuar.

- Bon, mon vieux, je ne peux t’emmener avec moi, je dois me débrouiller seule. Reste dans les environs, au cas où ça barde je sifflerai.

Le loup plaqua ses oreilles en arrière pour montrer sa tristesse, puis lécha la main de sa maîtresse.

- A très vite, dit Melissandre en s’approchant su bord de la rivière.

  • Plouf*

L’Elfine n'y voyait pas grand chose dans cette eau troublée par la vase remuée et les algues. Heureusement elle s'avérait être une extrêmement bonne nageuse. Elle repéra un endroit un peu plus obscur qui dessinait une forme rectangulaire. Elle progressa jusque-là et effectivement c’était bien l’embouchure d’un couloir de pierre à peine assez grand pour qu’elle puisse se faufiler à l’intérieur. Elle remonta lentement le boyau qui était en réalité plus long qu’elle ne pourrait le supposer. L’air commença alors à lui manquer, elle n’y voyait pas grand chose. A présent elle nageait en tirant sur les pierres du plafond de ce couloir. Elle commençait vraiment à être au bout de ses capacités. Puis sa main ne trouva plus de pierre et se retrouva hors de l’eau. Dans un ultime effort elle s’extirpa de là et ce fut enfin la bouffée d’air salvatrice. Elle examina les alentours et comprit qu’elle était dans une sorte de puits qui montait car il y avait en haut de la lumière. Après la nage, il lui fallait donc faire un peu d’escalade, ce qui fut assez épique compte tenu du fait que l’humidité n’aidait vraiment pas à l’ascension. A plusieurs reprises Melissandre glissa et se retrouva dans l’eau, manquant de peu de se cogner la tête. Mais l’Elfine n’était pas du genre à fuir devant les difficultés et au bout d’une heure d’essais elle parvint enfin en haut. Elle n’en pouvait plus, ses muscles et ses doigts la faisaient souffrir.

Au dessus d’elle se trouvait le ciel bleu et le soleil éclairant un des murs de cette pièce sans plafond. Un rapide examen des environs confirma sa localisation et elle était précisément là où elle voulait être, à l’intérieur de la pyramide, et pas n’importe où : dans la salle du masque sacré. Ce masque était gardé là par les Kuars en attendant le retour prophétisé de leur roi. En lui-même l’objet n’avait pas une grande valeur, il n’y avait pas de pierre précieuse, c’était un masque comme on aurait pu en trouver ailleurs. Non, la valeur était spirituelle et sentimentale. Melissandre s’empara du masque et l’examina.

- Ça sent le mort ce truc… bon ma fille, il va falloir assurer, mon plan tient à ce masque. Ils me tueront sans la moindre hésitation.

Elle passa le masque sur son visage. Au début il ne se produisit rien de particulier, mais quelques minutes plus tard elle comprit que ce masque avait des propriétés magiques. C’était comme si elle s’imprégnait de la culture, des connaissances et des coutumes de ce peuple méconnu. Elle respira un grand coup et s’avança. Une patrouille de Kuars arrivait vers elle et quel ne fut pas leur étonnement en voyant cette apparition quasi divine ! Melissandre s’adressa à eux dans une langue qu’elle n’avait jamais parlé jusque-là.

- Votre reine est revenue vous guider ! Menez-moi devant le peuple que je m’adresse à lui !

Les Kuars furent abasourdis, mais ils virent là la providence aussi ne cherchèrent-ils pas la moindre explication. Ils lâchèrent leurs armes et s’en allèrent en courant et criant “Notre reine est là ! Notre reine est là !”.

- Jusque-là tout va bien… Pensa Melissandre en avançant vers le village Kuar.

Les habitants furent comme hypnotisés, subjugués par celle qui portait le masque des rois Kuars. La nouvelle de l’arrivée de Melissandre fit le tour du village rapidement et tout le monde se rassembla devant elle. Qui était-elle ? Que voulait-elle ? Ils allaient le savoir rapidement car lorsque tous furent là elle s’adressa ainsi à eux :

- Kuars ! Je suis descendue de la pyramide sacrée pour vous ! Vous vivez depuis longtemps enfermés dans la boucle de la rivière aux eaux vertes. Il est temps de la traverser et de reprendre les territoires perdus !

Les paroles touchèrent le peuple, mais une forte tête osa s’adresser à la reine.

- Où étais-tu tout ce temps ? Nous t’attendons depuis longtemps !

Melissandre s’approcha de lui et alors les yeux du masque luisirent d’une couleur argentée très intense.

- Comment oses-tu t’adresser à ta reine ainsi !

Devant l’effet magique et la voix forte de leur reine la peur s’empara de leur cœur et nul n’osa plus contester quoi que ce soit. La forte tête, impressionnée, se jeta au sol, à genoux devant la reine.

- Pardon ! Pardon ! Pardon ! Répétait-il.

Devant cela tous les Kuars présents firent la révérence devant leur reine.

- Bien, à présent il est temps de détourner l’attention de la Cœur de sève, pensa Melissandre.

Chapitre 8 - Mynos

hgkYC1RW.png

Le sang coulait lentement dans les rainures des larges dalles de la cité état de Priskel. Il était épais et rouge vif, se répandant lentement au fur et à mesure qu’une vie disparaissait. Le corps allongé dans la ruelle allait bientôt devenir aussi froid que la pierre sur laquelle il se trouvait.

- Je suis désolé… dit une forme noire qui tirait la dague encore plantée dans la chair de la victime. Jamais plus tu ne t’en prendras à ces malheureux.

Malandrin ne prit pas la peine de fouiller le cadavre, les richesses de ce bandit ne l’intéressaient pas le moins du monde car il ne courrait pas après la fortune. Non, lui ne vivait pas comme un voleur, il préférait se satisfaire de quelques missions certes payées une misère mais qui le contentait car elles étaient en adéquation avec sa philosophie. Il avait trop souffert par le passé des malfrats et des hommes de peu de scrupules. Pour le moment la ruelle était déserte, il l’avait soigneusement choisie pour attirer sa proie dans un guet-apens, mais bientôt les habitants des environs découvriraient le corps… et les bagues et autres richesses du mort. Mais il ne fallait pas rester là, il tenait vraiment à rester discret, il connaissait les rumeurs à son sujet, on disait de lui que c’était un Traquemage dissident qui assassinait les malfrats et uniquement eux. C’est vrai qu’avec son habit noir, sa grande cape et son masque il serait aisé de le confondre avec le célèbre tueur et quelque part cela le flattait. Aussi il préférait ne pas s’attarder là pour perpétuer cette rumeur. La ville était grande, agréable et surtout on y vivait bien, alors depuis quelques mois il avait posé ses affaires et avait trouvé un petit travail, oh pas grand chose, mais ça lui permettait d’avoir une vie confortable avec ses à-côtés nocturnes. Sa “bonne action” faite il s’en retourna donc vers chez lui, une maisonnette dans un quartier en bordure de ville. Ce n’était pas spacieux, ni confortable, mais ce n’était pas grave, il s’en moquait. Il marcha donc le long du chemin de terre, car le quartier ne disposait pas de rues pavées, en songeant au lendemain et au morceau de lard séché qui l’attendait. Mais lorsqu’il arriva en vue de sa maison il remarqua de la lumière au travers de la fenêtre semi-opaque en raison de la mauvaise qualité du verre. A cette heure tardive il ne devait pas s'agir d’une visite d’un voisin ou d’une connaissance puisqu’il n’entretenait que peu de relations sociales. Les réflexes parlèrent, passant son masque avec rapidité il tira ses deux dagues et se plaqua contre le mur de la maison, tout près de la fenêtre. Grâce au masque d’Antellechia, la fille de la déesse Thyrs, il percevait la forme humaine dans la maisonnette, mais l’énergie qui s’en dégageait avait quelque chose d’étrange, l’aura n’avait rien à voir avec celle du commun des mortels. La forme bougea et s’approcha de la porte. Malandrin était prêt à frapper lorsque le grincement de la porte se fit entendre. Mais personne ne sortit, celui qui venait d’ouvrir la porte l’avait seulement entrebâillée.

- Entre Mynos, tu n’as rien à craindre de moi.

Voilà longtemps qu’on ne l’avait pas appelé par son véritable nom, cela n’augurait rien de bon. Mais d’un autre côté la présence n’avait rien d’hostile, au contraire. Il décida de suivre son instinct et rangea son attirail avant d’entrer. Il fut étonné de trouver un homme dans une tenue typiquement Tantadienne, assis devant sa table branlante. Dessus se trouvaient divers mets tous aussi appétissants les uns que les autres. Cet homme il l’avait déjà croisé une fois à une autre époque.

- On se connaît non ? Demanda Malandrin dont le ventre lui rappela soudainement qu’il n’avait pas mangé depuis quelques temps.

- Mon nom est Sanquinam, nous nous sommes vus il y a plus de dix ans lorsque tu es venu à Corastatos avec ta famille. Je t’avais alors acheté ceci.

Sanquinam sortit alors un bijou d’une bourse de velours. Il s’agissait là d’un large médaillon tenu par une cordelette. Sur la surface du médaillon était gravée une rune, Ryv, celle de l’amour, et de la protection des êtres chers. En soit le bijou n’avait pas une grande valeur, il n’était pas fait d’or, ni d’un autre métal précieux. Pourtant il représentait beaucoup de choses pour Malandrin. le cœur serré il regarda le médaillon tendu par Sanquinam.

- Il est pour toi, je sais ce qu’il représente pour toi. J’ai appris… pour ta famille.

Tout remonta alors. Malandrin saisit le médaillon d’une main tremblante assailli de souvenirs du passé. Il se revoyait avec sa femme en train de faire ces médaillons en vue de leur vente au marché de Corastatos. C’était un moment de joie et bonheur partagé avec celle qu’il aimait. Autour d’eux leurs enfants jouaient, imitant les grands guerriers de la célèbre Légion Runique.

Puis il passa le médaillon autour du cou et sortit de la maison pour respirer. Il se remémorait, comme tous les jours depuis bientôt trois ans, cet instant fatal où sa vie bascula. Il aimerait tant oublier cet accident sur la route dans les montagnes, mais ceci était gravé au fer rouge dans sa mémoire. Il voyageait avec sa femme et ses filles au moyen d’un chariot et de leur cheval dont ils avaient fait acquisition peu de temps auparavant. Tout se passait bien, il connaissait bien cette route qui longeait une falaise, elle était connue pour être dangereuse mais il la pratiquait souvent. Puis l’accident survint. Un petit rocher se détacha de la falaise au-dessus d’eux et tomba pile devant le cheval. Celui-ci, saisi par la peur, se cabra et poussa le chariot vers l’arrière et suffisamment de côté pour qu’une des roues se retrouve dans le vide de la falaise… et soit entraînée par le déséquilibre. Le cheval, trop affolé ne put être calmé par Mynos. Le chariot bascula complètement dans le vide. Seul capable de s’en sortir, Mynos sauta sur la route et vit le chariot entraîner le cheval… et précipiter sa famille vers la mort.

A présent les larmes coulaient sur ses joues, tenant fermement le médaillon il regardait la rune et voyait les visages de sa femme et de ses filles. Une main se posa sur son épaule.

- Tu n’y es pour rien Mynos, tu ne pouvais retenir la frayeur de l’animal.

Malandrin eut alors un déclic.

- Comment connais-tu cette histoire ? Je ne l’ai jamais racontée, personne ne sait ce qu’il s’est passé ce jour-là ! Dit-il avec une pointe de colère et surtout beaucoup de tristesse.

Le décor changea autour de lui, comme par magie, la ville laissa la place à des colonnes typiquement tantadiennes et parfaitement alignées. La lumière changea aussi pour devenir orange, presque rouge.

- Les dieux m’ont conté ton histoire Mynos. Du moment où tu as rencontré Antellechia, jusqu’à cet accident, puis tes aventures à travers les terres de Guem dans l’espoir de trouver la mort sans jamais la rencontrer.

- Je commençais à oublier…

- Cette blessure ne se refermera jamais, tu ne peux chasser le chagrin car il est désormais le moteur de ton existence.

- Pourquoi viens-tu me torturer de la sorte, tu es cruel !

- Non, je suis un messager de l’espoir, je viens t’offrir un présent.

A ce moment-là plusieurs personnes apparurent de derrière les colonnes, c’étaient la femme de Mynos et leurs filles. Mynos s’effondra à genoux et réceptionna ses filles en les serrant contre lui. Il pleurait en les embrassant, la joie était trop forte. Puis il se leva et serra sa femme tendrement.

- Elles sont venues te dire au revoir.

- Mynos, mon amour, dit sa femme en passant une main sur sa joue. Les dieux nous ont accueillies, ne les blâme pas pour ce qui s’est passé. Le temps n’a pas d’emprise sur nous, nous serons là le jour où tu passeras dans ce monde.

- Je vous aime tant ! Ma vie n’a pas de sens sans vous ! Dit-il les yeux rougis par les pleurs.

- Nous savons tout l’amour que tu nous portes et notre amour t’accompagne où que tu sois. Porte ce médaillon car il symbolise la quintessence de cet amour, l’amour d’une femme envers son époux, d’enfants envers leur père. Et par amour pour nous tu dois aller de l’avant, nous sommes en paix, tu dois l’être à ton tour.

La peine qu’il ressentait s’estompait déjà, il respirait lentement, profitant du moment présent. Il regarda Sanquinam et lui adressa un signe de la tête.

- Est-ce… réel ?

- Ca l’est si tu veux que cela soit.

- Comment te remercier pour ce que tu viens de faire ?

- Ce n’est pas moi qu’il faut remercier, mais les dieux et les dieux veulent que tu sois… d’attaque.

- Pour faire quoi ?

- Pour une partie d’échec sur les Terres de Guem, une partie dans laquelle tes talents, ton masque et tes dagues devront servir une cause juste.

Mynos tourna la tête vers sa femme et ses enfants, il avait compris le sens de toute cette mise en scène et il accepta.

- Nous nous reverrons bientôt, je vous le promets, dit-il en les serrant toutes. Maintenant que je sais que vous êtes là à m’attendre je suis rassuré. Je plongerai mon regard sur cette rune et cela me rappellera ce moment de joie.

- Il est temps Mynos nous devons partir.

- A bientôt, dit-il en adressant un dernier sourire à sa famille.

Puis tout redevint tristement normal, ils se retrouvèrent dans la rue boueuse et froide de la cité état de Priskel. Mynos tenait encore fermement le médaillon.

- Nous partirons demain, repose-toi maintenant que ton cœur est soulagé de la peine.

Et effectivement cette nuit-là il dormit comme il ne l’avait fait depuis des années et dans ses rêves le cauchemar de l’accident avait laissé place aux joyeuses retrouvailles. Le lendemain les deux hommes quittèrent la ville pour une nouvelle aventure, et qui sait, peut-être la dernière pour Mynos.

Chapitre 9 - Fratricide

IR6Yuqh9.png

- Cette affaire a une fâcheuse tendance à se compliquer au fur et à mesure que le temps passe mon ami. J’espère que ce Conseil des guildes a compris mon message.

- L’explosion en pleine salle est le sujet de toutes les discussions. Aucun des Conseillers n'est blessé mais il y a eu deux morts parmi le public puisque c’était une session ouverte à tous.

- Aucun blessé parmi les dirigeants dis-tu ? Je m’attendais à plus de dégâts.

- Il y a parmi ces gens de redoutables magiciens qui ont protégé le Conseil.

- Je vois… Il va donc falloir envoyer d’autres signaux.

- Croyez-moi, ce coup d’éclat a déclenché chez eux une réaction assez incroyable, ils vont chercher qui est à l’origine de tout cela. Pour le moment ils suspectent la Légion runique d’être derrière ceci.

- Logique.

- Quelle est la suite de votre plan ?

- Je me demande si parfois tu ne le fais pas exprès. Je veux que tu me présentes des personnes bien placées au Conseil, ce qui me permettra d’apprendre où ils l’enferment.

- Ah oui c’est vrai ! Se souvint alors le prévôt. Et je crois connaître la personne qu’il vous faut.

- Voilà une bonne nouvelle, qui est-ce ?

- Une femme qui travaille pour le Conseil aux archives, je crois qu’elle m’aime bien.

- Et est-ce que ces archives ont un rapport avec ce qui me concerne ? Demanda le Naufragé qui décidément n’aimait pas qu’on tourne autour du pot.

- Tout y est répertorié, les rapports, les dossiers sur les affaires etc.

- Mais elle a été enfermée dans un lieu secret ! Nous ne trouverons pas de trace dans ces archives.

- En fait, selon cette archiviste, toutes les affaires, même celles tenues secrètes sont répertoriées. Il existe plusieurs niveaux de sécurité et accréditations. Si nous tenons l’archiviste nous pourrons aller plus loin non ?

Le Naufragé semblait impressionné par la capacité de déduction de son compagnon d’aventure.

- Oui oui, c’est vrai, c’est une… bonne idée mon ami. Invite donc ton amie à boire un verre avec toi, j’ai vu une taverne plutôt propre dans ce village, et puis le château du Conseil n’est pas loin. Je saurai la convaincre de nous présenter ses collègues de travail.

- A vos ordres.


Quelques jours plus tard le silence régnait dans la salle des archives, une pièce colossale où dormaient des tonnes de papiers, papyrus, feuilles de riz et autres supports aussi incroyables les uns que les autres. Le Naufragé qui pour l’occasion avait revêtu une tenue du Conseil suivait le prévôt et un archiviste répondant au nom de Bobep, un homme d’une cinquantaine d’années au crâne clairsemé. Présenté par l’archiviste ayant le béguin pour le prévôt, il fut facile de “convaincre” cet homme de les laisser accéder à la section qui les intéressait particulièrement. C’était peut-être le lieu le mieux rangé des archives, le classement ne laissait aucune place au hasard.

- Attendez-moi ici, dit Bobep en montrant un coin. Ne parlez à personne, surtout vous messire, dit-il à l’attention du Naufragé.

- Faites vite, ne regardez personne dans les yeux, conseilla le Naufragé qui indiquait au prévôt de se placer devant lui.

L’archiviste entra dans la zone en accès restreint tout en regardant ses pieds, puis il disparut au détour d’une étagère. Les deux intrus firent semblant de rien, vérifiant que personne ne venait perturber leur petite opération dans les archives. Il leur fallait être discret pour ne pas attirer l’attention sur eux, surtout que la surveillance du château était renforcée depuis l’attentat en pleine salle du Conseil. Après un moment qui parut une éternité l’archiviste revint en inclinant la tête pour indiquer qu’il avait l’information désirée. Sans se faire prier le petit groupe quitta les archives puis le domaine du Conseil pour finalement se retrouver un peu à l’écart dans la nature.

- Le dossier concernant la personne que vous cherchez est étrange, je pense qu’il manque des pièces.

- Ça veut dire que vous avez rien trouvé ? maugréa le Naufragé.

- J’ai pas dit ça ! S’inquiéta l’archiviste qui craignait pour sa vie. Je dis juste que le dossier est incomplet, mais j’ai une information qui pourra vous aider. Vu l’importance de celle que vous cherchez, le Conseil a préféré ne pas la garder. Elle a donc été confiée à la Kotoba.

- Kotoba ? C’est quoi ? Encore une guilde ?

- Oui, confirma le prévôt. Ils sont originaires de l’Empire de Xzia, un des plus gros royaumes des terres de Guem.

- Je suis maudit… vraiment, tout est fait pour me ralentir. Mais j’ai la volonté de mille hommes, alors où puis-je trouver un membre de cette Kotoba ?

- Il y a une délégation au château, je les ai vus passer, expliqua le prévôt.

- Parfait, alors nous pouvons continuer notre chemin.


Deux semaines plus tard, dans l’Empire de Xzia. Le paysage n’avait plus rien à voir avec celui de sept royaumes où le Naufragé et sa troupe avaient passé quelques temps. Ici la myriade de cerisiers en fleur donnait une teinte rose aux paysages.

- C’est encore loin ? Demanda le Naufragé d’un air exaspéré.

- Nous y sommes presque, assura Ayako, d’après les indications de mon père la grotte devrait se trouver juste derrière cette colline.

- J’espère qu’elle y sera… menaça le Naufragé.

Et Ayako avait raison, de l’autre côté se trouvait bel et bien l’entrée d’une grotte. Devant se trouvait une charmante petite plaine d’herbe verte qui s'avérait être un magnifique jardin typiquement Xziarite avec des larges lanternes de pierre taillée, un large bassin dans lequel de larges carpes nageaient en harmonie et divers bancs de pierre. Sur l’un deux un homme était assis, buvant une tasse d’un liquide fumant, probablement du thé. Devant lui plusieurs épées étaient plantées dans la terre. Lorsqu’il vit arriver Ayako et deux autres personnes il posa lentement sa tasse sur le bord et attrapa ensuite Kusanagi.

- Qui est-ce, demanda le Naufragé à Ayako.

- Iro, champion Impérial… mon frère, répondit-elle la boule au ventre. Je ne savais pas qu’il serait là.

- Il va s’opposer à nous ?

- Je ne sais pas.

Iro avança lentement de manière à se placer entre le groupe et l’entrée de la grotte.

- Arrêtez-vous là, dit Iro lorsqu’il estima que les arrivants étaient à suffisamment bonne distance de lui. Vous n’irez pas plus loin.

- Que fais-tu là mon frère ? Demanda Ayako.

- Père a trouvé curieux que tu lui demandes où se trouvait celle que le Conseil de Guilde a confié à la Kotoba. Le sujet ne te concernant en rien et le fait que cette demande émane de toi alors que tu te trouvais au château de Kaes juste après un attentat ne pouvait que paraître suspect… Qu’est-ce que vous avez au yeux ? Demanda Iro en montrant tour à tour Ayako et le prévôt.

- Ce n’est rien, ce n’est rien… dit le Naufragé en commençant à s’approcher. Vous êtes le fameux Champion Impérial Iro n’est-ce pas ?

- Reste où tu es toi. Vous êtes ici sur les terres Impériales et dans un lieu où vous ne devriez pas vous trouver. Vous êtes aux arrêts, tous.

- Même moi dit Ayako l’air étonnée.

- Même toi oui.

Le Naufragé continuait à marcher vers Iro, lentement, mais sûrement. Mais le champion n’allait sûrement pas se faire avoir ainsi, une légère aura magique apparut alors autour de la lame de Kusanagi. Se croyant alors en danger le Naufragé recula et ordonna à ses deux esclaves de passer à l’offensive. Le prévôt dégaina une large épée alors que le Cherchefaille d’Ayako sortait de son dos. Iro écarta les bras et se plaça de façon stratégique face à ses opposants. Il balaya alors l’attaque du prévôt qui était très loin de manier l’épée aussi bien que lui, mais il ne vit pas venir l’attaque de sa petite sœur. Une véritable trombe d’eau dans laquelle se dessinait des vagues en forme de carpe percuta le champion de plein fouet le faisant décoller du sol. L’armure de Xzia absorba le choc, mais Iro se retrouva entièrement trempé, ce qui eu pour conséquence de l’énerver. Il ne voulait pas faire de mal à sa sœur, mais celle-ci n’était plus dans son état normal. Il se releva en reprenant une place stratégique, toujours face au prévôt et à sa sœur… mais où était passé le troisième ? Le Naufragé ne cherchait pas l’affrontement, il préférait laisser faire ses acolytes surtout qu’il tenait la sœur du champion impérial. Il profita de l’attaque d’Ayako pour s’engouffrer dans la bouche de la caverne. Comprenant la manœuvre, Iro laissa parler sa colère. Ni une ni d’eux il désarma le prévôt avant de lui assener sur la tête un magistral coup du plat de la lame de Kusanagi. Le pauvre homme se retrouva inconscient par terre. Il ne restait plus que sa sœur et celle-ci ne restait pas sans rien faire. Alors qu’il se battait avec le prévôt celle-ci préparait sa prochaine attaque, la jeune femme se mis à courir en s’éloignant de son frère, puis elle s’arrêta, elle avait accumulé assez de magie pour son attaque. Avec une vitesse incroyable elle fit un geste d’art martial, paume en avant, une énergie prenant la forme d’une main partie vers Iro. Mais le champion avait beaucoup de ressources.

- Utsuchi ! Dit-il en hurlant.

Un katana à la lame noire apparut alors devant lui au niveau de son torse et absorba littéralement la magie projetée par Ayako. Puis le katana se planta dans le sol avant qu’Iro ne s’en saisisse.

- Pardon Iro, je ne peux pas lutter, je suis obligée de me battre contre toi, dit Ayako en pleurant des larmes argentées.

La Tsoutaï ne faisait pas le poids contre son frère capable d’utiliser un nombre incroyables d’épées et de techniques connues de lui seul. Sans sourciller mais le cœur serré d’avoir affronté sa sœur, Iro mis fin au combat. Ayako, comme le prévôt finit au sol, inconsciente.

- A présent, il faut que je m’occupe de l’autre...

Chapitre 10 - Union

xWFVI0dG.png

Marzhin se promenait dans l’immense parc boisé situé au nord de Noz’Dingard. Il faisait un temps sublime en cette belle matinée de printemps. Les fleurs par milliers donnaient au lieu un ton arc-en-ciel. Pilkim lui avait donné rendez-vous devant le mémorial aux héros, une statue à l’image de Valentin et d’Eglantyne, tombés durant la guerre de Sol’ra. C’était un endroit magnifique où on y avait une vue imprenable sur la cité Bleue, il y retrouva son fils, et à sa grande surprise celui-ci se trouvait en compagnie d’une jeune femme blonde au regard bleu comme la pierre-cœur de Dragon. En voyant arriver Marzhin, l’un comme l’autre se mirent à rougir un peu, comme légèrement gênés par la situation. Pilkim lâcha la main de cette jeune et alla à la rencontre de son père.

- Papa ! Voilà… euh… j’aimerais te présenter quelqu’un.

- Cette damoiselle je suppose, répondit Marzhin d’un air amusé.

- Oui oui ! Voici ma fiancée, Kaerenn, dit Pilkim en présentant la jeune femme.

- Fiancée ? S’étonna Marzhin, quels cachottiers vous faites. Damoiselle, ajouta-t-il en prenant la main de Kaerenn, c’est un réel plaisir pour moi que de faire votre connaissance. Mon fils a toujours eut très bon goût et je dois avouer que vous êtes d’une splendeur incroyable.

- Et je reconnais en vos paroles la diplomatie de votre fils. L’honneur est pour moi, Pilkim me parle très souvent de vous et vos aventures sont connues dans toute la Draconie. Je suis fière de faire bientôt partie de votre famille.

Marzhin allait répondre lorsqu’il marqua une pause.

- Bientôt faire partie de la famille ? Dit-il en posant sur Pilkim qui ne savait plus où se mettre.

- Oui… j’ai demandé à Kaerenn si elle voulait bien devenir mon épouse…

- Et j’ai dit oui ! Coupa la jeune femme avec beaucoup d’enthousiasme.

- Mais c’est une excellente nouvelle ! Toutes mes félicitations ! Pourquoi ne pas m’avoir annoncé votre relation avant ?

C’était là un sujet assez délicat. Pilkim et Kaerenn savaient qu’il leur faudrait aborder cette partie de l’histoire.

- Et bien pour résumer… notre relation a bien failli tourner court, commença à expliquer Pilkim avant que Kaerenn reprenne.

- Mon père est un homme très très protecteur, pour ne pas dire à l’extrême. Il a fait fuir quelques-uns de mes soupirants.

- Quel père n’agirait pas ainsi envers sa fille ? Questionna Marzhin.

- C’est parce que vous ne connaissez pas mon père, il a des accès de colère, il est très sanguin.

- Papa… peut être que si je te dis que Kaerenn est la fille de Breor de Gwad, cela t’aiderait à comprendre la situation.

A l’évocation du nom Marzhin se raidit, comme si on avait évoqué le nom d’un des pires démons. Il connaissait Breor, tous les deux s’étaient croisés à maintes reprises, se confrontant souvent à des différences d’opinion.

- Breor… Vous êtes la fille de Breor ! Mais oui bien sur ! Je t’ai déjà vu avec tes frères et sœurs au château de Gwad. Ça alors, c’est incroyable. Et dites-moi les enfants, comme a-t-il pris la nouvelle de votre futur mariage ?

- Nous ne le savons pas encore, dit Kaerenn, j’ai fui de chez moi il y a des mois pour venir vivre avec Pilkim.

- Et je n’ai rien vu moi… râla Marzhin.

- J’ai tout fait pour la cacher afin que son père n’apprenne pas notre liaison. Je l’ai rencontré pendant la guerre civile lorsque j’ai vécu quelques temps à côté de Gwad, expliqua Pilkim.

- Attendez… si je résume, Kaerenn, vous vous êtes enfuie pour vivre votre amour avec mon fils et aujourd’hui vous invitez votre père à votre union ? Connaissant votre père je crains que la fête ne soit un peu gâchée par son humeur qui risque d’être exécrable.

- Je ne crois pas qu’il empêche ce mariage. C’est Anryéna qui nous marie et il y aura presque tous les Envoyés et une bonne partie des académiciens et même nos élèves.

- J’espère que tu as raison mon fils… En tout cas mes enfants, vous avez ma bénédiction, si vous me la demandez bien sûr.


La nouvelle du mariage du Maître-Mage Pilkim et de Kaerenn de Gwad eut tôt fait de faire le tour de la Draconie. Noz’Dingard se prépara donc pour ce grand évènement, décrété jour de fête par Kounok le Prophète et Anryéna, toute la population était en liesse. Les délégations des Seigneurs-Dragon invités arrivaient par toutes les routes qui menaient aux différentes portes de la cité. Parmi elles, celle de Gwad, venue fort d’une interminable caravane. Est-ce que toute la ville s’était soudainement dépeuplée pour assister au mariage de la fille du Seigneur-Dragon ? C’est ce que pensèrent les gens de la famille de Pilkim et les serviteurs de Prophète venus en renfort lorsqu’ils accueillirent la délégation. Le somptueux et énorme carrosse transportant Breor de Gwad s’arrêta et la porte s’ouvrit immédiatement, le Seigneur-Dragon déboulant alors devant les yeux médusés des serviteurs.

- Toi ! Hurla Breor à l’attention d’un des serviteurs qui s’immobilisa immédiatement. Conduis-moi immédiatement auprès de ma fille !

N’ayant pas vraiment le choix il l’amena jusqu’à la salle de réception où le couple se préparait en présence d’une petite partie des Envoyés de Noz’Dingard, principalement les Chevaliers-Dragon à savoir Zahal, Absalon, Kounok, Ardrakar et Loryana. Autant dire que l’arrivée de Breor fut remarquée, de par le bruit de ses pas lourds sur le sol dallé et de par la puissance qui se dégageait de lui, à la fois forte, magique et un peu… noire. Les Chevaliers-Dragon se sentirent alors mal à l’aise et Ardrakar qui pour l’occasion portait une magnifique robe bleue n’en crut pas ces yeux.

- Breor… chuchota-t-elle.

- Oui c’est bien moi, dit Breor d’une voix forte, est-ce que vous êtes là pour éviter que je trucide cet inconscient qui veut se marier à ma fille !

Breor s’avança vers Kaerenn effrayée par la soudaine arrivée de son père puis il s’arrêta à la hauteur d’Ardrakar.

- Toi ! Que fais-tu là, traitresse !?

- Moi aussi je suis ravie de te revoir Breor, je vois que tu n’as pas changé d’un poil, dit Ardrakar souhaitant prendre l’agression qu’elle subissait à la légère.

- Ne m’adresse pas la parole, tu es peut être l’épouse de Prophète, mais ça ne change rien à ce que tu as fait.

Zahal s’interposa alors, bien que plus petit que Breor le commandeur n’en était pas moins impressionnant.

- Ferme ton clapet Breor, si tu veux assister à ce mariage je te conseille d’être… gentil.

Loin de se démonter, le Seigneur-Dragon esquiva Zahal sans lui adresser le moindre mot et continua son chemin vers sa fille en partie cachée derrière son futur mari. Puis une main se posa sur l’épaule de Breor, entraînant une réaction de défense il se posta en position de combat, son aspect changea pour prendre celle du Chevalier-Dragon qu’il fut jadis. Cependant il ne s’attendait pas à faire face à… Dragon ! Ce dernier n’avait rien d’agressif, bien au contraire, il était souriant, amical.

- Breor ! Quel plaisir de te revoir ! Dit Dragon en écartant les bras. Il faut que ça soit le jour du mariage de ta fille qui te fasse sortir de ta grotte.

- Grotte où tu m’as exilé ! Dit Breor qui passa alors d’un air féroce aux rires. Dragon ! Moi aussi ça me fait plaisir de te revoir, tu es moins… translucide que d’habitude, dit-il en faisant une accolade.

- J’ai beaucoup de choses à te dire, viens donc faire un tour dans la ville, laissons ces jeunes gens préparer cette célébration, demanda Dragon.

- Je ne peux rien te refuser, dit Breor en jetant à Pilkim un regard assassin.

Les deux hommes laissèrent là l’assistance un peu médusée par ce qu’il venait de se passer.

- Qui est-ce ? demanda Loryana à sa mère.

- C’est le Seigneur-Dragon Breor de Gwad, le père de la jeune femme que notre Pilkim va épouser et accessoirement il a été mon élève durant un temps.

- Et il devait être mon maître à la place de Valentin, répliqua Zahal.

- Ah bon ? S’étonna Loryana. Pourquoi on me dit jamais rien, rétorqua la fillette.

- Les histoires des Chevaliers-Dragon sont complexes ma chérie, dit Ardrakar en passant sa main dans la frange de sa fille.

- Je veux savoir, tonton Zahal, pourquoi Breor a pas été ton maître ?

- Je crois que Breor souffre d’une malchance assez importante. Lorsque Ardrakar était jeune et était en passe de devenir à son tour Chevalier-Dragon, Breor était pressenti pour devenir le nouvel élève d’Arkalon avant qu’Ardrakar ne puisse prendre le relais. Hélas Arkalon trouva la mort durant la guerre contre l’Empire de Xzia. Ardrakar a alors repris le flambeau. Quelques années plus tard elle se fit corrompre et Breor perdit son mentor durant la guerre contre Néhant. Après cette guerre il prit sous son aile Valentin pour que quelques temps plus tard il devienne le nouveau Chevalier-Dragon. Alors que Valentin officiait Dragon demanda à Breor de m’enseigner, celui-ci accepta mais malheureusement la province de Gwad était souvent la cible des barbares du sud. Alors au lieu de devenir mon mentor il fut envoyé là-bas pour prendre la place de Seigneur-Dragon. C’est donc Valentin qui m’a tout appris. Sauf que mon maître est mort durant la guerre de Sol’ra, au grand désarroi de Breor. J’en viens alors à Absalon. Nous le pressentions pour devenir, comme son père, un Chevalier-Dragon et Breor devait commencer son éducation, sauf que ce fut le moment de la guerre civile dans la Draconie…

- Et donc c’est toi qui est devenu son maître, dit Loryana qui semblait bien avoir suivi et compris la situation.

- Breor est un grand Chevalier-Dragon, dit Kounok à sa fille, il a ce que l’on appelle un lien du sang avec Dragon.

- Ah d’accord. Merci tonton, dit-elle en souriant à Zahal.


La cérémonie se déroula l’après-midi dans la grande salle de réception pour l’occasion baignée d’une lumière magique qui donnait au lieu un aspect enchanté et enchanteur. Toute la pièce était bondée d’invités aussi prestigieux les uns que les autres : les Envoyés de Noz’Dingard bien sur, Dragon et sa fille Anryéna qui présidait cette union, et contre toute attente Breor de Gwad au bras duquel se tenait la mère de Kaerenn visiblement contente, au grand dam de son époux. Malgré son air renfrogné, Breor avait finalement accepté l’évidence, se résignant après la longue explication de Dragon sur qui était Pilkim et ce qu’il représentait pour la Draconie. Rassuré, ce grand dur au cœur tendre avait donné sa bénédiction à sa fille.

Et en ce jour festif tous ignoraient ce qu’il se tramait loin dans l’Empire de Xzia, car ce qu’il se passait là-bas allait avoir de sérieuses conséquences.

Chapitre 11 - Violence

MnavhROl.png

Au plus profond des entrailles de la grotte le bruit de l’attaque portée par Ayako sur son grand frère, le champion impérial Iro, se répercuta sur les parois, avertissant Ijin Shisei. Le chasseur de démon grogna, il se passait quelque chose dehors et il ne pouvait pas intervenir. Non loin de lui Kiria releva la tête pour regarder son geôlier et lui adressa un petit signe de tête en même temps qu’un sourire.

- Même ici tu ne peux me cacher, toi et tes amis allez maintenant payer pour l’affront que vous m’avez fait subir ! Dit-elle avec aplomb.

- Vous êtes trop sure de vous… votre présence ici n’est pas due au hasard, regardez donc où vous vous trouvez.

- Nous sommes dans un cul de sac, ici vous ne pourrez pas fuir pour me cacher ailleurs.

- Qui a parlé de fuir ? Vous n’êtes… qu’un appât ! Dit Ijin en croisant les bras.

A ce moment là le chasseur de démon devint invisible à la grande stupeur de Kiria qui commençait à comprendre. Sur ces entrefaites des bruits de pas se firent entendre, suivi peu de temps après par l’arrivée de quelqu’un, un homme assez grand portant de longs cheveux blancs et une tenue qui n’avait rien de Xziarite. Kiria fut surprise de voir qui arrivait là, elle tenta donc de le prévenir du piège dans lequel le Naufragé venait de tomber… mais il était trop tard.

Voici qu’Ijin réapparut tournoyant sur lui-même, balançant sa jambe gauche droit vers le Naufragé. Le coup fut incroyablement violent. Faisant appel à la magie de la guerre et du feu Ijin frappa l’arrivant comme s’il relâchait toute la colère du monde. Le souffle coupé le Naufragé fut projeté tellement fort que sa bague s’échappa de son doigt et tomba quelques mètres plus loin dans un bruit de métal contre la pierre. Bien placé entre la bague, Kiria et le Naufragé, Ijin se mit en garde, ses tatouages semblaient être en mouvement, débordant de magie. Le Naufragé était à genoux et se tenait le ventre. Celle qu’il venait chercher se trouvait juste là à porté de main. Sans sa bague il ne pouvait plus faire appel à la magie sans elle.

- Ne bouge pas ! Ordonna Ijin, tu es mon prisonnier. Résiste et je te tuerai...

Loin d’abandonner, le Naufragé examina son adversaire qu’il ne devait pas sous-estimer. Jusqu’ici il parvenait à éviter les affrontements avec ce genre de personne, préférant jouer sur l’effet de surprise et sur les gens qu’il jugeait faibles d’esprit. Il lui fallait sa bague pour mettre la main sur ce guerrier et faire libérer Kiria. Mais Ijin le savait car il disposait de nombreuses informations sur cet étranger venu de la mer. Tant bien que mal, jouant la comédie d’un homme blessé, le Naufragé se releva lentement.

- Vous êtes réellement puissant, je sens en vous la magie de Guem, dit le Naufragé en dé-clipsant la boucle de ceinture tenant son manteau en partie déchiré par le coup qu’il venait de recevoir.

- Ne bougez pas ! Hurla Ijin qui se doutait d’une manœuvre de diversion.

Le Naufragé avait d’autres tours dans son sac, tout comme Kiria il disposait d’autres pouvoirs qui pouvait aider. On l’avait envoyé lui et nul autre pour retrouver Kiria, il avait été choisi parmi d’autres pour ses facultés à pouvoir contrer la magie de Guem…

Ijin ressentit les effets immédiatement, alors que de larges bandes rouge semées de symboles brillants apparurent sur le dos, le ventre, le long des bras ou encore sur le visage du Naufragé dont la chemise de lin s’évapora comme si on brûlait du papier.

- Je ne bouge pas… je ne bouge pas…

Sentant sa magie disparaître Ijin vit ses tatouages se figer.

- Que fais-tu !? Que m’arrive-t-il ? Dit-il en voyant disparaître les deux petites flammes magiques qui flottaient au dessus de sa tête.

Mais Ijin n’utilisait pas que la magie pour combattre, il était formé aux arts martiaux. Il saute donc sur le Naufragé et lui donna un coup de poing en plein visage. Le sang gicla du nez de son adversaire qui encaissa ce coup là comme il l’avait fait pour le premier car peu lui importait la douleur, et il la ressentait fortement à ce moment-là, seule comptait la réussite de sa mission et cela ne pouvait être que maintenant ! Le combat entre les deux hommes débuta alors, le Naufragé aussi connaissait des techniques pour se battre, très différentes de celles d’Ijin, mais ô combien efficaces. Dérangé par l’affaiblissement de la magie, le chasseur de démon avait bien du mal à faire face. Du côté du Naufragé la surprise était passée et la contre-attaque désormais en action. Tels deux monstres enragés ils se combattaient la rage au ventre. Le sang coulait au fur et à mesure que les coups faisaient mouche.

De son côté Kiria ne pouvait pas faire grand chose à part espérer que son sauveur vienne à bout du geôlier. Et ça avait l’air bien partie, du moins jusqu’à ce qu’un autre protagoniste ne se mêle à cette histoire car Iro, après être venu à bout du prévôt et d’Ayako s’était engouffré dans la grotte, prêt à mettre un terme à tout ça.

Le Naufragé pensait avoir plus de temps que ça, Ayako avait prouvé sa valeur. Il en conclut donc que cet homme devait vraiment être fort… Ce qui était le cas. Il s’évertua alors à récupérer sa bague pour la repasser à son doigt ce qu’il parvint à faire au prix de nouvelles blessures. Iro arriva à ce moment, tombant au beau milieu du combat entre les deux protagonistes. Le champion n’avait pas du tout la même affinité avec la magie que celle d’Ijin mais il y avait tout de même une perturbation importante il remarqua que les glyphes de la prison magique de Kiria allaient bientôt se désactiver et ses lames magiques, dont Kusanagi souffraient d’une forme de dysfonctionnement. Il ne chercha pas plus à comprendre, il dégaina deux lames tout ce qu’il y avait de plus normales et s'apprêta à neutraliser le Naufragé lorsque Ijin s’interposa, ses yeux étaient couleur argent, tout comme ceux d’Ayako. Loin de se laisser impressionner Iro usa d’une technique de sabre lui permettant de couper les tendons du talon d’Ijin qui s’affala sur le sol en se tordant de douleur.

- A nous deux, manipulateur, tu ne vaux guère mieux qu’un Néhantiste et c’est la mort qui t’attend, dit Iro en pointant le Naufragé de sa lame. Ta misérable tentative pour sauver cette femme a échoué, regarde autour de toi, il n’y a aucune échappatoire.

La situation était désastreuse, mais pas désespérée, la prison de Kiria allait bientôt se désagréger et sa mission serait couronnée de succès. Encore une fois le plan ne se déroula pas comme prévu, encore une fois le Naufragé ne parviendrait pas à ses fins. Lentement Iro prenait position pour se placer juste à côté de la prisonnière, puis sans prévenir il frappa du plat de sa lame la tête de Kiria qui perdit conscience.

- Ca va être plus difficile, manipulateur.

- Comment… comment avez-vous eu connaissance de mes plans ?

- Si tu crois que je vais te dire quoi que ce soit, reste à distance ! Agenouille-toi et peut-être que tu auras la vie sauve.

- Ah ! Nous sommes en négociation, nous sommes passé de “je vais mourir” à “si je me rends je pourrais vivre”.

- Tu cherches à gagner du temps, mais tu as déjà perdu, manipulateur, c’est mon dernier avertissement, rends-toi.

- Gagner du temps… oui c’est vrai…

A ce moment là les torches qui éclairaient la caverne s'éteignirent, plongeant tout le monde dans le noir. Il y eu alors des bruits de combat, des chocs, des cris, des hurlements, des grondement et finalement une explosion. La caverne était en partie éventrée, laissant le soleil entrer et apporter la lumière. A l’intérieur, parmi les gravats et la poussière Iro tenait fermement Utsuchi qui était plantée dans l’épaule d’Ayako a qui on devait la spectaculaire fuite du Naufragé. Juste derrière lui, entourée par des dizaines d’épées aux styles différents entourait Kiria toujours évanouie. Le Champion Impérial serrait les mâchoires en grinçant des dents.


Quelques heures plus tard devant la grotte Shengdi, qui venait d’arriver, discutait avec Iro. Le Prévôt, Ayako, Ijin et Kiria étaient tous ligotés et bâillonnés.

- Seigneur Iro nous avons perdu la trace du Naufragé, nous pensons qu’il est hors des frontières impériales.

- Tout cela va trop loin, cette personne est un danger ambulant.

- Le Conseil des guildes souhaite que les manipulés et Kiria soient confiés aux Envoyés de Noz’Dingard.

- Aux draconiens… oui c’est peut être mieux, ils parviendront peut-être à comprendre les pouvoirs de cet homme et comment libérer les victimes de son influences. Faites venir de quoi voyager, je vais moi-même accompagner toute cette troupe à Noz’Dingard… et prévenez les Envoyés si ce n’est pas déjà fait.


Chapitre 12 - Les corrompus

tYkxm8hA.png

- Quel échec… une fois de plus, une fois de trop. J’y étais presque, je la tenais, j’aurais pu l’extirper de sa misérable condition, elle, détenue par ces hommes sans foi ni loi des terres des Guem. J’ai perdu dans cette bataille de précieux alliés, je les avais soigneusement choisi !

- Mais il y a d’autres alliés potentiels.

- Oui mais lesquels seront les plus à même de comprendre la stratégie que je veux employer ?

- Aucune inquiétude, j’ai ceux qu’il vous faut.

- Vraiment ? Qui donc ?

- Les plus discrets qui soient, ils se cachent depuis des années, travaillant sans relâche, tissant une toile gigantesque, un réseau de pions que vous pourriez vous-même monter mais en bien des années. J’ai moi-même fait partie de leurs rangs, les rejoindre me serait facile.

- Qu’attendons-nous ?

- Avant cela il me faut vous mettre en garde.

Le Naufragé s’enfonça dans son siège, la tête appuyée sur ses mains, les coudes sur la large table de bois.

- Évidemment, il y a toujours… un problème, dis-moi, je t’écoute.

- Les personnes dont je parle sont dirigées par un sorcier d’une puissance qui vous dépasse. En vous en prenant à son réseau, c’est à lui que vous vous attaquerez, sachez que d’autres se sont élevés contre lui et sont morts. Néhant est pour moi comme un dieu marchant sur les terres de Guem.

- Néhant… ce nom me dit quelque chose, il a été prononcé à plusieurs reprises lors de mes pérégrinations. Pensez-vous que nous pourrons manipuler ces gens sans que Néhant ne s’en aperçoive ?

- Si c’est dans un laps de temps court… disons quelques semaines, c’est jouable. Après cela il sera averti.

- J’accepte dans ce cas. Nous avons beaucoup de travail pour que mon nouveau plan soit mis en place.

- De ce que vous m’avez dit il s’agit d’infiltrer la Draconie pour libérer votre amie, et c’est une raison suffisante pour moi, je déteste la Draconie et ses Envoyés de Noz’Dingard imbus d’eux-mêmes.

- J’oubliais que vous étiez un Draconien, Carfax.

- Il y a longtemps… et aujourd’hui je ne suis qu’une âme errante.


La période sèche avait laissé sa place à la saison des pluies et en cette nuit-là il pleuvait comme rarement. Le vent propulsait les gouttes d’eau sur les toits d’ardoise avec force acharnement, le bruit en devenait assourdissant. Ce n’était pas une grosse ville, à peine plus grosse qu’un village, et encore, beaucoup de maisons étaient abandonnées en raison de la proximité avec l’ancienne prison de Néhant. Bien qu’aujourd’hui plus personne ne s’aventure par ici tout le monde considère que la région est frappée d’une malédiction. A cela, la guerre civile avait aussi élagué la population car le Seigneur-Dragon local avait mobilisé beaucoup de ses troupes et lors des batailles nombre de soldats inexpérimentés trouvèrent la mort.

- Vont-ils venir ? Demanda au Naufragé dont les cheveux trempés dégoulinait d’eau de pluie.

- Vous n’aurez pas à attendre plus longtemps car les voici.

Deux formes se détachèrent, peu à peu visibles malgré la pluie battante. L’une d’elle était celle d’un homme assez grand et l’autre d’une femme, plus petite. Soudain un éclair déchira le ciel, amenant un court instant une lumière bleutée sur les arrivants. Leur tenue vestimentaire ne laissait planer aucun doute quant à leur affiliation - vêtus de pourpre et de noir, portant le symbole de Néhant. L’homme jeta un coup d’œil aux alentours avant de venir se placer face à Carfax.

- J’espère pour toi que tu as d’excellentes raisons pour nous avoir demandé de venir ici, surtout par ce temps, dit Azaram avec la mâchoire serrée. Qui c’est celui-là ? Demanda-t-il en regardant le Naufragé.

- Ah, lui, c’est un ami qui plaide notre cause, dit Carfax en montrant son compagnon d’aventure.

- Permettez-moi de me présenter dit le Naufragé en tendant la main à Azaram qui la saisit sans trop se méfier.

Immédiatement l’effet de la bague agit et la magie s’empara de la volonté du Seigneur-Démon dont les yeux s’illuminèrent d’argent. Puis d’un geste ample le Naufragé attrapa Edrianne qui en fut surprise mais qui n’eut pas le temps de faire appel à ses pouvoirs néhantiques.

- Je suis très heureux de vous connaître, ajouta-t-il. Ensemble nous allons faire du bon travail. Suivez-moi, nous allons… boire un verre et nous réchauffer, je dois vous expliquer mon plan et vos rôles.

Dispersé autour d’un feu crépitant dans la cheminée, le petit groupe profitait de la chaleur pour faire disparaître l’humidité de la tempête sévissant dehors. C’était une petite maisonnette abandonnée depuis des mois, d’ailleurs il n’y avait plus de meubles à part une vieille table et quelques chaises qui avaient miraculeusement échappé au sacrifice de la flamme.

- Je suis à la recherche d’une personne, Kiria d’Andelerya. Celle-ci a un temps été retenue captive par les gens de la Kotoba avant d’être confiée à la guilde des Envoyés de Noz’Dingard. Ces derniers ont l’air d’être des spécialistes en magie. Aussi il va être difficile de la libérer de leur prison. J’ai commis l’erreur d’affronter la Kotoba de face et j’ai perdu, c’est pour ça que cette fois je compte bien passer par d’autres voies.

- Celle du Néhantisme, s’enchanta Edrianne. Vous auriez presque pu nous demander ça sans faire jouer votre magie manipulatrice, seigneur Néhant aurait été ravi de vous aider à lutter contre les Draconiens.

- Sûrement oui, mais vous n’avez pas très bonne réputation, je ne tenais pas particulièrement à me retrouver sous la coupe de la volonté de votre seigneur… Voilà, j’espère que nous ne reviendrons plus sur ce sujet-là, occupons-nous de notre plan. Voilà ce que j’aimerais que vous fassiez. Déjà, vous allez vous habiller autrement, tout ce noir et ce rouge au milieu d’une nation où le bleu est dominant me pose problème. Ensuite vous allez placer sous votre coupe quelques personnes bien choisies que je vais vous indiquer, principalement des gens qui voyagent dans la Draconie et par conséquent moins surveillés. Ensuite nous allons envoyer un petit groupe composé de membres de diverses guildes qui officiellement sera là pour veiller à ce que les envoyés de Noz’Dingard fassent bien leur travail vis à vis de leur captive. Ils vont nous permettre de prendre bon nombre d’informations sur le lieu où est détenue Kiria, qui sont ses geôliers et comment s’échapper de là.

- C’est très dangereux, ils ont des mages de très haut niveau… et Dragon… dit Edrianne

- Dragon ? J’ai entendu parler de lui, il semble avoir perdu de sa splendeur et une bonne partie de ses pouvoirs. Je vais l’inclure dans le plan.

- Nous devons nous débarrasser de lui, insista Azaram, je crains bien plus Dragon que n’importe qui d’autre, même cet avorton de Pilkim ou Anryéna.

- Je vois, il a effectivement l’air de vous faire peur. Je pense que nous pourrons faire d’une pierre deux coups. Lorsque nous aurons toutes les informations, obtenu l’asservissement des bonnes personnes il nous faudra une diversion pour que Kiria et moi même quittions les lieux sans nous faire repérer. Amener Dragon dans un piège et le tuer est une excellente diversion.

- Nous ne pourrons faire intervenir les pouvoirs du maître ni invoquer d’autres démons, les Draconiens nous repéreraient rapidement.

- J’en prends note, je comptais surtout sur les gens des guildes pour mener cette tâche à bien. Dragon ne verra pas le coup venir.

Visiblement la perspective d’attaquer et de tuer Dragon satisfaisait tout le monde. Le reste de la nuit l’équipe du naufragé finalisa les détails avant de se disperser pour se mettre au travail.


Chapitre 13 - Au bout du chemin

6BHBu96I.png

- Tout est en place, nous pouvons commencer.

- Parfait…


- Une prophétie se réalise toujours, c’est ainsi, nous n’y pouvons rien. N’avais-je pas annoncé la découverte d’Eredan et la défaite de Néhant ? Dit Dragon l’air triste.

- C’est vrai… mais je suis sur qu’il y a une solution à ton problème, répliqua Kounok qui tournait en rond dans la salle du trône… Oui ! Si tu as pu prévoir un évènement fâcheux, peut être arriveras-tu à voir qui sont ceux qui doivent supposément mettre un terme à ton existence.

- J’ai vu leurs affiliations, je sais d’où viendra le coup.

- Donc tu peux agir en conséquence !

- Nous ne pouvons pas interdire la Draconie aux Guildes. Et puis je ne sais pas quand mes visions deviendront réalité.

- Tu dois quand même te préparer... père dit une voix féminine. Dragon et Kounok se tournèrent et virent Anryéna apparaître. Elle avait beaucoup changé depuis qu'elle remplaçait son père à la tête de la Draconie. Sur les traits de son visage on pouvait lire la fatigue extrême, celle qui use les êtres vivants jusqu'à la moelle. Remplacer Dragon n'était pas une mince affaire, même pour la propre fille de celui qui fonda autrefois cette grande nation. Anryéna souffrait d'un mal-être incroyable, maudissant son père autant qu'elle l'aimait. Elle portait une simple robe bleue sans aucun ornement, ses cheveux blonds détachés ondulaient lentement.

- C'est intolérable pour moi d'assister à ta résignation, comme si une prophétie était une fatalité ! Ajouta l'Archimage.

- Mais parce que c'est la fatalité, c'est ainsi, on n'y peut rien, dit Dragon en s'approchant de sa fille. Regarde-moi, tu ressembles à ta mère lors de nos pérégrinations, elle ne dormait jamais.

- Je souhaiterais tant pouvoir dormir, et je serais surement dans un lit confortable en compagnie de l'homme que j'aime si je n'avais pas pris ta place ! Alors ça suffit ! J'ai l'impression que depuis que tu as... Mais Anryéna se ravisa, sentant, à la vision du visage de son père, qu'elle allait trop loin.

- Tu peux le dire, depuis que je ne suis plus que l'ombre de moi-même.

- Elle a raison, je ne veux pas mourir, enfin pas comme ça, pas parce que tu n'auras pas pris ton courage à deux mains et relevé le défi de cette épreuve, glissa Néhant dans une des pensées de Dragon. Tu as des alliés et il y a les meilleurs mages qui peuvent nous aider.

- Où en sont-ils ?

- Les pions sont dans la cité depuis quelques jours, tout est pour le mieux, dit Carfax d'un air réjoui. Cela aura lieu demain.

- Bonne nouvelle donc. Voilà qui me plait, cette fois personne n'entravera le bon déroulement de mon plan, dit le Naufragé qui regardait les yeux dans le vague la grande gemme bleue qui dépassait des toits des maisonnettes de Noz'Dingard. De leur point de vue la ville s'étalait en contrebas couverte d'une légère brume à laquelle venait se mêler les fumées des innombrables cheminées. Où se trouve-t-elle ?

- Mmm, laissez-moi me repérer, répondit Carfax en examinant les environs. Il y a des bâtiments qui forment un cercle autour de la gemme, on appelle cela le quartier des Liés, à droite il y a l'une des artères principales qui serpente jusqu'à l'une des portes, si vous la suivez il y a une petite forteresse en triangle.

- C'est là qu'il l'enferme ? Ça devrait être facile.

- Ce n'est pas aussi simple. Au cœur même de cette forteresse il y a un passage qui passe jusqu'à l'extérieur de la ville, à cette petite colline boisée, c'est à l'intérieur que les Draconiens ont construits leur nouvelle prison de haute sécurité. Un seul accès fortement surveillé, aucun moyen de s'échapper. Enfin jusqu'à demain, suite à quoi ils risquent fort de vouloir fermer leur satanée prison !

- Cette attente est insupportable.

- Gardez patience... gardez patience.

Dragon aimait profiter de la quiétude de Noz'Dingard, une cité en paix depuis une éternité. Pour lui il vivait ici depuis toujours, c'était son foyer et ses habitants ses amis, sa famille et ceux qui étaient venus trouver refuge. Depuis son retour les Noziens avaient l'habitude de le voir parcourir la cité de long en large pour discuter avec tout un chacun. Il n'avait pas vraiment de rôle à part enseigner à l'académie de magie de temps à autres aussi s'employait-il à prendre le pouls de la ville pour ensuite aider la politique afin qu'elle aille sur le bon chemin. Et le résultat était là, bien qu'Anryéna lui en veuille, la cité elle ne semblait pas lui porter la moindre rancune quant à sa disparition et à la guerre civile qui s'en était suivie. Puis, alors qu'il se décidait à rentrer au quartier des Liés, une clameur parvint à lui, plusieurs personnes couraient dans sa direction, agitant les bras pour l'interpeler.

- Au feu ! Au feu ! S'il vous plait Dragon, aidez-nous il y a le feu ! Son sang ne fit qu'un tour et ni une ni deux il s'engouffra dans la rue d'où venaient de nombreux habitants affolés. La cité n'avait connu que de rares incendies et seul un avait fait des ravages dans le quartier nord. Mais cela restait l'une des grandes inquiétudes de Dragon car les bâtisses, pour la majorité, se composaient de pierres, mais aussi et surtout de bois. Le feu pouvait donc dévorer des maisons en un rien de temps si on n'y prenait pas gare. Effectivement une maison de trois étages flambait d'un feu vif... ce qui avait l'air de tout sauf normal. Dragon ordonna l'évacuation le temps pour lui d'invoquer la magie de l'eau pour éteindre l'incendie. Il commença donc à psalmodier des incantations magiques dans le but de faire apparaître une lourde pluie. Mais il n'eut pas le temps d'achever son sort car un homme sauta du premier étage d'une maison sur sa droite pour venir lui assener un coup de poing dans les côtes. L'impact fut violent, mais pas suffisamment pour mettre Dragon en difficulté. Son agresseur se plaça face à lui, les flammes dansaient derrière lui et il le reconnut alors : Aerouant, un de ses descendants. Puis d'autres formes apparurent, se libérant d'un puissant sort d'invisibilité, parmi eux des membres des Lieurs de pierres, de la Kotoba et de la Cœur de sève. La prophétie allait se concrétiser.

Alors que les flammes rongeaient une partie de Noz'Dingard, le Naufragé épaulé par Carfax parcourait le long tunnel reliant la forteresse à l'intérieur de la ville jusqu'à la prison de haute sécurité cachée dans les entrailles de la terre. C'était un long couloir de presque une demie lieue de long, assez large pour que plusieurs personnes côte à côte puissent marcher.

La magie avait permis la construction des lieux car tout était magnifique et d'un peu partout se trouvaient encore des résidus de la magie de la terre. Tous les trois pas, de part et d'autre, des cristaux ronds grands comme une tête éclairaient le tunnel d'une lumière blanche et vive. Grâce à leurs pouvoirs de manipulation de l'esprit le Naufragé et les Néhantistes avaient réussi à ce que personne n'étant pas de leur côté ne se trouve là au moment de leur venue. Et effectivement le long du tunnel ils ne croisèrent personne. Enfin au bout d'un long moment, le bout du tunnel. En temps normal la large porte de métal à double battant recouverte de symboles magiques était fermée alors que là elle était entrouverte, invitant les deux intrus à venir prendre ce qu'ils voulaient. Et ils comptaient bien ! L'intérieur donnait vraiment tout le sens au mot prison de haute sécurité. C'était une pièce gigantesque, circulaire avec trois étages de cellules. La grande majorité n'était pas occupée, les draconiens n'avaient pas encore eu le temps de transférer tous les prisonniers d'importance. A l'origine cette prison avait été imaginée par Anryéna lors de l'Equinoxe pour y enfermer l'Etranger et Theya. Finalement la tournure des évènements n'avait pas permis de les y enfermer, mais d'autres résidents avaient pris possession des lieux. Et à part eux, aucun garde ne faisait de ronde, nouvelle preuve du bon cheminement de l'entreprise du Naufragé. Sans adresser le moindre mot ce dernier commença à gravir les escaliers en colimaçon pour accéder au troisième étage, là où se trouvait Kiria. Son cœur battait fort. Il avait passé presque deux mois à échafauder ce plan, à mettre les pions en place, cela lui avait beaucoup couté, mais tout se déroulait parfaitement. Du moins jusqu'à ce moment précis où, arrivant vers la cellule, une dizaine de personnes apparut par magie autour d'eux. Parmi eux des figures illustres des Envoyés de Noz'Dingard : Exhien, le Maître-Mage Pilkim, Marlok, Erevent et... Dragon !

Carfax fut immédiatement immobilisé, figé dans le cristal. Le Naufragé se mit en position de défense, prêt à chèrement vendre sa peau. Kiria était là, derrière de larges barreaux faits d'un rarissime métal magique. Elle baissa la tête de déception lorsque le Naufragé se retrouva au milieu des draconiens.

- Comment !? Dragon ! Vous devriez être mort ! Comment avez-vous fait ? Erevent s'avança légèrement.

- Au nom d'Anryéna, protectrice de la Draconie et de Kounok le prophète, nous vous arrêtons Takan d'Andélérya. Kiria s'effondra en pleurant.

- Ils m'ont obligé... Ils savent tout...

- Humains sans honneur ! Cria le naufragé, puis regardant Dragon. Mais comment avez-vous fait pour échapper à nos pions ? Marlok se racla la gorge.

- Nous vous surveillons depuis longtemps. Vous avez eu l'audace de vous attaquer au Conseil des guildes, et vous avez perdu !

- J'ai eu une vision prophétique il y a quelques mois, peu de personnes étaient au courant. Je me voyais mourir face à des personnes de guildes différentes. J'en ai fait par à Marlok et Pilkim qui ont alors tout mis en œuvre pour mettre un stratagème au point. Nous avons créé un double parfait et l'avons fait évoluer quelques temps en ville pour que vous puissiez noter ses déplacements.

- Mais quand saviez-vous que nous attaquerions ?

- Au départ je ne le savais pas. Puis sur des conseils avisés de ma fille je suis allé voir la Pythie, une puissante prophétesse, ensemble nous avons déterminé avec précision le moment de l'attaque. Je savais aussi que des Néhantistes se baladaient en Noz'Dingard, Edrianne et Azaram ont été capturés. Les pions sont désormais entre les mains de nos mages qui vont défaire l'influence des Néhantistes. Quant à vous, enlevez cette bague de votre doigt et posez-la à terre. Jouant contre le temps le Naufragé retira sa large bague magique, source d'une partie de ses pouvoirs et s'inclina pour la déposer délicatement sur le sol. Puis il se releva en plaçant ses mains derrière sa tête en signe de soumission. Erevent s'avança dans le but de lui passer des menottes.

- Avant... puis-je dire un mot à Kiria ? Demanda-t-il.

- Oui bien sur. Le Naufragé se tourna vers la jeune femme qui entre temps s'était relevée.

- Baisse-toi et protège ta tête ! Hurla-t-il avant qu'un bruit sourd ne se fasse entendre.

Le navire volant était descendu en piqué, sortant subitement d'un nuage où il était resté caché jusqu'à présent. Puis il stationna près de la colline boisée où se trouvait la prison. Puis Watahata fit craquer les os de ses mains en disant « au travail ». Elle savait que le temps lui était compté car les draconiens allaient la repérer très vite et la contre-attaque serait rapide. Aussi elle lança les bombes sans prendre le temps de regarder où elles tombaient exactement. Puis une fois que les explosions eurent lieu elle fit parler sa magie et arracha une partie du flanc de la montagne avant de repousser la masse de terre et de roche un peu plus loin. Puis elle lança plusieurs cordages dans le trou ainsi fait.

La structure même de la prison ne semblait pas résister à cette attaque, les rochers et la terre s'étaient engouffrés, menaçant les draconiens et les quelques prisonniers qui s'y trouvaient. Dragon donna rapidement les ordres : évacuer les prisonniers jusqu'à la forteresse pour les mettre en sureté et s'assurer qu'aucun d'eux ne s'échappe. Pendant ce temps-là il allait s'occuper du Naufragé et de Kiria. Sans délai, tous se mirent au travail. Les barreaux de la prison de Kira étaient tombés car toute la structure autour n'existait plus, et la prisonnière avait déjà sauté de l'autre côté du trou pour monter à bord du navire volant. Aussi Dragon se concentra sur le Naufragé qui allait à son tour prendre une de ces cordes. Il lui attrapa le bras et fut aussitôt assailli par une vision prophétique. Cela dura qu'un court instant pour le Naufragé, mais pour Dragon cette vision dura très longtemps car nombreuses étaient les images qui défilaient devant lui. Ce qu'il vit dans cette vision restera à jamais un secret que Dragon gardera au plus profond de ses souvenirs mais contre toute attente il lâcha le bras du Naufragé. Celui-ci ne se fit pas prier et grimpa vite la corde. Il remarqua d'ailleurs quelque chose d'étrange. Watahata n'était pas à bord du navire. Mais cela ne l'empêcha pas de lever immédiatement les cordes pour que personne d'autre ne monte à bord puis d'aller à la barre pour dégager d'ici !

- Nous y sommes arrivés ! Nous pouvons rentrer chez nous dit Takan.

- Jamais plus nous ne remettrons les pieds sur ces terres de Guem mon ami, ces gens sont fous. Le bateau pirate, affrété pour un long voyage s'éloigna très vite de la Draconie, puis quelques jours plus tard il se retrouva au dessus de l'océan, en route pour Andélérya.

Mais pour le moment revenons un peu en arrière, au moment de l'attaque de la prison, dans ce chaos où les Draconiens courraient de partout pour ouvrir les cellules et déplacer les prisonniers. Dans une cellule, juste celle à côté d'où se trouvait Kiria, une jeune femme très connue avait en avait profité pour prendre les voiles sans que personne ne la remarque. Elle gravissait la colline dans la plus grande discrétion. Elle tenait dans sa main un objet brillant, source du pouvoir du Naufragé, sa large bague.

- Quel objet... précieux... avec ça je tiens ma revanche, chuchota Amnezy en regardant les runes inscrites à l'intérieur de la bague.


Fin de l’acte 10

Liens internes

Retour à la liste des actes

Retour à l'accueil du wiki