De Eredan.

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Sommaire

Histoire

Chapitre 1 - Les portes

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Aucun son ne sortait de la gorge de Yakoushou. Le Karukaï agonisait, sa magie s’échappait de lui, le vidant de sa substance. Lui qui régnait sur les plus puissants esprits avait perdu un long combat contre cet être sorti de nulle part. Combien de temps s’était écoulé depuis leur première rencontre ? Il ne savait pas, le temps n’avait pas d’emprise sur lui. Des centaines d’esprit-oiseaux avaient péris pour le protéger.

- Qui... qui es-tu, pourquoi... me fais-tu ça ? Demanda Yakoushou fermement retenu par l’Etranger.

- Je ne suis qu’un éclaireur, Esprit, avec une mission que je suis en train d’achever. C’est tout ce que tu as à savoir.

La gigantesque porte face à eux s’illumina de centaines de glyphes, puis elle s’entrouvrit lentement. Une sorte de gros renard au pelage d’argent apparut alors sur le seuil. La bête alla se frotter contre les jambes de l’Etranger. Ce dernier jetait à terre la dépouille du Karukaï qui avait choisi ce monde au prix d’une vie mortelle dans le but de se venger du Corbeau. C’est alors qu’une personne passa par la porte.

C’était une femme qui, à n’en pas douter, avait les mêmes origines que l’Etranger.

- Théya je livre ce monde à vos pieds, dit-il en s’inclinant avec respect.

- Prétentieux, ce n’est pas parce que tu es arrivé à entrouvrir cette satanée porte que cela va améliorer ta condition. Tu devais nous envoyer des rapports plus fréquemment.

- Pardonnez-moi, la cible était plus coriace qu’elle ne le laisser présager.

- Tu es faible, ta lenteur retarde les plans.

A ce moment là la porte derrière se referma, se scellant à nouveau. Théya, au visage lisse et blanc fit une moue de mécontentement.

- Malgré la puissance de la cible la porte ne s’est pas ouverte en totalité et pour un temps trop court. Cela ne me convient pas.

- Il nous faut suivre le plan.

- Bien sûr ! Où est le pion ? Demanda Théya en regardant aux alentours.

La petite créature, arrivée en même temps que Théya, reniflait dans une direction. Plus exactement il venait de sentir l’odeur de Kolère, caché un derrière un rocher.

- Barre-toi souffla Kolère en prenant un air menaçant.

Effectivement l’espèce de renard retourna auprès de Théya, non pas par peur mais pour prévenir celle-ci.

- Le pion est là, dit-elle après avoir communiqué avec son familier.

D’un geste souple elle saisit une flûte attachée à son côté et joua quelques notes. Le son produit n’avait rien de musical, c’était comme une sorte de code. Lorsque Kolère entendit ces notes quelque chose changea, comme si un verrou venait de sauter dans sa tête. Il se leva, sauta le rocher devant lui et marcha à pas lent jusqu’à Théya et l’Etranger.

- Tu joues ton rôle à la perfection, Kolodan, je savais que les Combattants de Zil seraient de parfaits compagnons pour toi, ironisa Théya.

- Ils ne se doutent de rien, dit Kolère. Quels sont vos ordres ?

- Il faut continuer la stratégie que nous avons mis en place. En premier lieu il nous faut ouvrir la porte de la forêt des Eltarites, c’est la porte la plus centrale des Terres de Guem.

- Où va-t-on trouver la puissance nécessaire à son ouverture ? Interrogea l’Etranger.

- Arrête de poser des questions stupides, nous allons capturer l’héritier d’Eredan et absorber la magie qu’il a reçu en héritage.

- Ce n’est qu’un humain, comment peut-il avoir plus de puissance que l’esprit-oiseau ? dit l’Etranger en montrant le cadavre de Yakoushou.

- Je viens de le dire, il a toujours en lui une parcelle de la magie d’Eredan et de Néhant. En plus durant toutes ces années où tu as traîné la jambe pour vaincre le Karukaï, nous avons fait en sorte que l’héritier trouve un peu plus de légitimité...


Kyoshiro parcourait les rapports qui lui parvenaient de l’Empire de Xzia avec beaucoup d’attention. Il n’en croyait pas ses yeux, toute cette histoire avait finalement un sens, la vision de la Pythie n’était pas le passé et encore moins le futur, mais le présent. Le chasseur de démon courut au travers du dédale de couloirs du palais de Noz’Dingard à la recherche d’une autorité compétente. Il finit par trouver la Pythie en discussion avec le Maître-Mage Pilkim. A son approche les deux Draconiens cessèrent de discuter pour l’accueillir.

- Vous tomber bien Kyoshiro, dit Pilkim. Je discutais de l’affaire que vous appelez Mystère Yakoushou avec la Pythie suite à la réception d’une missive provenant de chez vous, ajouta-t-il en montrant un parchemin.

- J’ai reçu semblable lettre, allez-vous intervenir ? Demanda Kyoshiro impatient.

- Certainement. Néanmoins j’ai pour le moment d’autres affaires très urgentes à gérer avec Prophète. Aussi c’est Ciramor qui, étant le plus apte à comprendre cette énigme, va partir sur place. Je l’ai fait prévenir, si vous désirez partir avec lui ou le voir avant qu’il ne quitte Noz’Dingard.

- Oui j’aimerais connaître son avis sur le sujet. Où puis-je le trouver ?

- Il est à l’académie de magie, vous y êtes déjà allé me semble-t-il, non ?

- Oui j’ai l’autorisation nécessaire. Je vous remercie pour votre aide en tout cas. J’ose caresser l’espoir que la situation en Draconie ira en votre faveur.

- L’avenir nous le dira, dit Pilkim en jetant un œil contrarié vers la Pythie.

Kyoshiro s’inclina en signe d’au revoir et laissa les deux Draconiens à leurs soucis.

Depuis le départ de Dragon, la fréquentation de l’académie de magie était en chute libre. Aussi les étudiants n’étaient guère nombreux en cette période de tension internes à la Draconie. Les professeurs discutaient dans les couloirs, attendant de pouvoir délivrer leur savoir à qui voudrait bien. Devant le manque à gagner pour la structure, les étudiants des autres nations furent admis exceptionnellement en plus grand nombre. Sans cet assouplissement dans le règlement de l’académie, jamais Kyoshiro n’aurait pu en parcourir les couloirs et les livres magiques. Une tour entière était même réservée pour ces étrangers. C’est là que depuis quelques années vivait Ciramor. Lorsque l’héritier d’Eredan se sépara de Néhant il fut recueilli par les Draconiens dans un état lamentable. Il mit plusieurs mois à remonter la pente, les pensées souvent envahies par les noirs secrets Néhantistes.

Lorsque Kyoshiro entra dans la salle commune, il retrouva l’héritier d’Eredan sur le départ.

- Ciramor ? J’ai de la chance de vous trouver avant que vous ne partiez, dit Kyoshiro en s’inclinant pour le saluer.

- Oui ? Je vous ai déjà vu il me semble... Kyoshiro ?

- C’est cela, puis-je vous poser quelques questions ?

- A quel propos ?

- Le Maître-Mage Pilkim vous a demandé de partir pour l’Empire afin d’appuyer les investigations de mes compatriotes et des Combattants de Zil, n’est-ce pas ?

- C’est exact, cette histoire-là, outre le fait d’être intrigante, traite d’un sujet qui m’est cher.

- Lequel ?

- Il y a dix ans Dragon et Néhant ont passé une sorte d’immense porte et ont disparu de notre monde. Depuis je n’ai cessé de chercher des informations sur cette porte et ce que j’ai trouvé me parait capital pour réussir à faire revenir Dragon. J’ai interrogé les guildes, fouillé les archives du Conseil, de l’Académie, de l’Empire, de Tantad. L’histoire des Terres de Guem recèle d’apparitions de portes semblables à celle qu’a fait apparaître Dragon. La dernière description d’une telle porte vient de votre compagnon de la Kotoba. Mais ce n’est pas tout. Depuis que Karasu a écrit le rapport que nous avons reçu j’ai eu d’autres informations. Les étrangers arrivés par la porte située à Shirozuo ont quitté l’Empire par le sud-ouest. Je devrais pouvoir les intercepter juste avant qu’ils n’arrivent à une autre porte.

- Mais comment savez-vous tout ça ? S’étonna le Xziarite.

Ciramor tendit sa main et fit apparaître alors un bâton, un objet splendide fait de cristal et d’argent. Une petite créature d’air tournoyait lentement autour. Kyoshiro avait rarement vu un aussi bel objet.

- Ceci est la Sagesse d’Eredan, créée par Dragon en personne elle fut offerte à Eredan pour l’aider dans la lutte contre Néhant. Je n’ai certes pas la même valeur qu’Eredan qui était d’un niveau tout autre que le mien, mais je peux aujourd’hui réellement me sentir comme son héritier.

- Comment l’avez-vous obtenu ?

- C’est une longue histoire et une aventure qui m’a accaparé quelques années. Je vous la narrerai le moment voulu. Si vous n’avez pas d’autres questions, je vous laisse.

- J’en ai sûrement encore beaucoup, mais je ne vous retiens pas plus. Je vous souhaite un bon voyage.

- A bientôt Kyoshiro, et n’oubliez pas, la magie permet de tout faire.

A ce moment là Ciramor saisit la Sagesse d’Eredan à deux mains et la créature d’air voleta autour de lui. C’est alors que dans une gerbe d’étincelles l’héritier d’Eredan disparut, laissant Kyoshiro bouche bée.


Ciramor traversa des lieues et des lieues instantanément, il sut parfaitement où il voulait aller. Sangrépée et Sansvisage, deux membres des Combattants de Zil furent précis quant à l’endroit où ils avaient trouvé Kolodan. C’est là qu’il réapparut. Depuis le passage des deux Zil, la forêt avait repris ses droits et désormais de larges arbres entouraient une clairière d’herbe bien verte. Il ne fallut pas longtemps avant que le phénomène qu’il voulait observer ne se produise. Entre deux arbres une porte à double battant d’au moins trois fois sa hauteur se dessina lentement. L’encadrement était fait de racines et la porte en elle-même de bois sculpté. Ciramor admira l’œuvre, enfin face à l’une de ces portes il commença à percevoir le potentiel. La magie qui s’en dégageait n’avait rien de commun.

- De la magie pure, extraite de Guem, dit une voix en provenance de l’autre côté de la clairière.

C’était Théya accompagnée de l’Etranger et de Kolère.

- Nous avons presque failli t’attendre Ciramor.

- Nous connaissons-nous ?

- Je te connais oui, mais toi tu ignores qui nous sommes n’est-ce pas ?

- Non, mais je sais que vous êtes capables d’ouvrir cette porte, mais qu’est-ce qu’il y a derrière ??

- Tu essayes de me soutirer des informations mais tu n’obtiendras rien de moi. Considère-toi comme étant notre prisonnier. Ne résiste pas et tu garderas la vie sauve, tente quoi que ce soit et nous n’aurons aucun scrupule à t’éliminer, cria Théya.

Ciramor analysa rapidement la situation. Il connaissait Kolère, mais pas les deux autres. L’Etranger commençait à avancer vers lui alors que Théya restait en retrait. Leurs intentions étaient hostiles il ne devait pas laisser faire ça. Il prit alors les devants et deux boules de feu partirent rapidement de sa main droite alors qu’il tenait fermement la Sagesse d’Eredan de sa main gauche. Les deux sorts firent mouche et l’Etranger fut projeté dans les arbres loin derrière lui. Théya avait prévu cette réaction et ordonna à Kolère d’agir. L’homme grogna et alors qu’il avançait se transforma en volk-garou. Ciramor, comprenant que Kolère n’était pas maître de ses gestes le bombarda littéralement de sortilèges dans le but, non pas de le tuer, mais de le neutraliser. Lorsque la fumée produit par les sorts s’en alla il remarqua que Kolère n’avait aucune entrave et avançait toujours. En observant mieux il vit ce qui empêchait ses sorts de faire de leurs effets : une pierre-cœur néhantique.

- Où ? Où as-tu eu ça ??? Hurla Ciramor dans une expression de colère et de peur.

Théya se fendit d’un rire sinistre.

- Tu n’es pas à la hauteur Ciramor, tu ne peux pas empêcher l’inévitable.

- Mais que voulez-vous à la fin.

- Dans l’immédiat, toi et ton bâton.

Chapitre 2 - Fermeture !

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- Me sous-estimer est une grave erreur, dit Ciramor en restant à bonne distance de Kolère. Si je suis étonné de voir une pierre-cœur Néhantique c’est simplement parce que cela se fait rare, mais cela ne me pose pas le moindre problème, la magie s’adapt...

D’un bond Kolère lui sauta dessus et ses griffes arrachèrent un pan de tissu et des lambeaux de peau. L’héritier d’Eredan lâcha un petit cri de douleur, mais se concentra sur sa cible. Étant au contact de son adversaire il attrapa fermement la pierre-cœur Néhantique et tira pour briser la chaînette du cou de Kolère. La magie afflua jusqu’à sa main et le cristal rouge et noir éclata dans un bruit sec. Le Combattant de Zil profita que l’attention de Ciramor se portait sur la pierre-cœur pour asséner un nouveau coup de griffes. Cette fois la blessure fut profonde et le sang coula abondamment. Théya jubilait, l’héritier allait se faire mettre en pièces par son esclave et le bâton allait être entre ses mains pour enfin ouvrir cette porte. Cela ne se passa pas exactement comme elle le voulait.

A présent que la pierre-cœur Néhantique n’existait plus, le mage déchaîna une pluie de sortilèges puissants. Le pauvre Zil ne put faire grand chose que subir, obligeant Théya a prendre part au combat. La femme au teint blafard plaça sur son visage le masque qu’elle portait à la ceinture et dégaina une dague à lame courbe. Elle s’approcha lentement des deux adversaires aux prises l’un avec l’autre, espérant qu’elle ne se ferait pas remarquer. C’était prendre une nouvelle fois Ciramor pour un incompétent, alors que depuis son départ des Confins pour les terres de Guem il avait acquis un savoir immense et s’était endurci. L’héritier éjecta Kolère grâce à un sort d’air puis dressa un mur de glace autour de lui.

“ils sont trop nombreux, je dois trouver autre chose” pensa-t-il. De l’autre côté du mur Théya testa un peu l’épaisseur de la glace, puis voyant que c’était solide elle se focalisa sur la porte.

- Tu es immobile, c’est parfait, dit-elle. Tu sais c’est surtout ça le principal, plaisanta-t-elle. “Si je me téléporte ailleurs je n’aurais potentiellement plus assez de force pour revenir.” Se dit Ciramor cherchant une idée. La porte de l’Infini s’illumina et il ressentit alors une force qui arrachait de la magie, à lui et à la Sagesse d’Eredan. Poussé dans son dernier retranchement Ciramor eut un déclic. Il lui fallait agir rapidement sans quoi il ne serait plus en mesure de faire quoi que ce soit. Le mur de glace s’écroula sur lui-même laissant le mage sans protection. Théya profita de ce moment pour passer sa lame sous sa gorge. - Ne t’en fait pas je ne vais pas te tuer... pas de suite. Regarde qui revient, Kolère et mon cher souffre douleur. Tu vois, tu es totalement à ma merci. Les deux autres arrivèrent lentement, brûlés et blessés par Ciramor. La porte de l’Infini s’illumina et s’entrouvrit, se gavant de la magie de l’héritier d’Eredan. Ce dernier chuchota alors quelques mots. - Qu’est ce que tu dis ? Tu demandes pitié ? Tu me supplies ?

- A PLUS TARD ! Cria-t-il au moment où des bandes de magie verte partirent d’une zone créée sous lui.

Théya fut la première à se retrouver enserrée par des bandes, qui en fait étaient plutôt des aiguilles d’horloge. Les deux autres se retrouvèrent rapidement empêtrés et tous les trois finirent entièrement recouvert de bandelettes et incapables de faire le moindre mouvement.

Ciramor à bout de force eut juste le temps de parachever son sort avant de s’écrouler par terre, inconscient. Les bandelettes se volatilisèrent, en même temps que Théya, l’Étranger et Kolère.


- Il se réveille... Ciramor, vous allez bien ?

Ses paupières s’entrouvrirent légèrement, il se sentait faible, sans force. Le temps de s’habituer à la lumière ambiante il remarqua qu’il se trouvait dans une grande cahute, allongé sur un lit de feuilles et de mousse. La personne qui s’adressait à lui c’était Fe’y, le jeune Daïs au visage dépourvu de bouche lui faisait face, et ses yeux exprimait l'intérêt qu’il lui portait.

- J’ai l’impression qu’un rocher m’a roulé dessus, mais à part ça je vais bien. Qu’est-ce que je fais ici... et les envahisseurs ?? Dit-il en se remémorant sa bataille contre Théya, Kolère et l’Étranger. Ciramor se redressa péniblement sur le lit, les larges griffures faites par Kolère étaient à présent bandées. Dehors la nuit recouvrait la forêt de son manteau de ténèbres.

- Combien de temps ais-je dormi ?

- Je vais vous expliquer.

Ourénos suivi d’un autre Daïs que Ciramor ne connaissait pas entra dans la pièce. L’Eltarite avait côtoyé l’héritier d’Eredan lorsque celui-ci était venu passer quelques temps avec la Cœur de sève. Ils se saluèrent l’un l’autre, puis Ourénos s’assit au milieu de la pièce.

- Pas de trace des fuyards, dit-il.

- Vous m’expliquez ? Insista Ciramor auprès de Fe’y.

- Oui, donc, vous le savez depuis plusieurs années nous avons renforcé la sécurité de la forêt. Pour ce faire, un système magique a été mis en place. Si par un moyen ou un autre des personnes qui ne sont pas autorisées entrent sur notre territoire, nous sommes immédiatement avertis. Hors ce matin nous avons détecté une intrusion. N’ayant pas de sentinelle Elfine dans les parages, nous avons décidé d’y aller nous-même, une poignée de Daïs et Ourénos en force de frappe. Nous sommes arrivés sur place une bonne heure plus tard et nous vous avons trouvé là, devant une gigantesque porte en partie ouverte. Plusieurs personnes en sont sorties à peu près au même moment et nous ont agressés sans prévenir. Il n’en fallut pas plus à Ourénos pour se lancer dans la mêlée. Quant à nous, nous vous avons mis à l’abri pour ensuite entreprendre de circonscrire les envahisseurs autour de la porte. Il faut bien l’avouer le combat fut rude. Mais ils furent surpris de nous voir aussi vaillants... et puissants. Nous attaquer chez nous, c’est une folie que même les Nomades n’entreprendraient pas à présent. Nous avons repoussé l’assaut et renvoyé tout le monde par la porte, puis notre Eltarite à fini le travail en refermant les deux battants. Le plus étrange fut la fin de cette histoire. Lorsque la porte fut refermée, elle disparut.

Tout cela est très résumé Ciramor, mais c’est dans les grandes lignes ce qu’il s’est passé. Maintenant j’aimerais savoir ce que vous vous faisiez là ?

Ciramor écarquilla les yeux en comprenant qu’il avait échappé à une deuxième belle bataille.

- Il n’y avait personne d’autre quand vous êtes arrivés à la porte ? Demanda-t-il.

- Non, seulement vous par terre, puis les envahisseurs de la porte.

- Je ne suis pas l’intrus que votre magie a détecté car je suis autorisé à venir dans votre forêt. En venant jusqu’ici je comptais intercepter des étrangers arrivés par une porte de l’Infini située dans l’empire de Xzia. Je les ai trouvé et affronté, leur groupe était composé d’un homme en armure, de Kolère le Combattant de Zil et d’une femme qui semblait les diriger. Tout cela n’était qu’un piège, ils ont servi d’appâts pour m’attirer jusque-là afin d’ouvrir la porte de l’Infini que vous avez vu grâce à ma magie et à celle de la Sagesse d’Eredan...

Puis le jeune homme se souvint de son bâton, il ne le vit nulle part.

- Il devait y avoir un bâton en cristal avec moi ! Rassurez-moi et dites-moi qu’il était là lorsque vous êtes arrivés.

- N’ayez pas d’inquiétude, la Sagesse était là, mais elle a souffert. Eikytan est en train de s’en occuper... terminez donc votre histoire Ciramor.

- La femme... c’est une redoutable tacticienne, dit-il en se souvenant du combat. Elle a fait en sorte que mon attention se porte sur ses deux amis, puis acculé j’ai dressé un rempart de glace, j’ai été bête car je me suis bloqué. Elle en a profité pour me drainer ma magie et ouvrir la porte. Mais j’ai résisté et en dernier recours j’ai utilisé un sort de temps.

Fe’y plissa les yeux.

- Un sort de temps ? Vous avez envoyé vos adversaires au travers de la Trame du Temps ?

- Apparemment, c’est ce qui me paraissait le plus logique sur le moment. Le problème c’est que je n’ai aucune idée de quand ils vont réapparaître, dans une minute, demain, dans mille ans ? En tout cas ils ne sont pas dans le passé, sans quoi j’aurais modifié l’histoire.

Plusieurs petits esprits en forme de boule fantomatique traversèrent les murs de l'habitation pour venir chuchoter quelque chose à Fe’y.

- Ils viennent de revenir, dit le Daïs. Deux choix se présentent à nous Ciramor. Soit nous les neutralisons, soit nous prenons le risque de les suivre.

- Je préfère les mettre sous surveillance. Ils ont échoué à ouvrir la porte de l’Infini qui se trouvait là, je veux savoir comment ils vont s’adapter à cet échec.

- Qu’il en soit ainsi.

Lorsque Théya, l’Étranger et Kolère réapparurent la porte de l’Infini, tout comme Ciramor n’étaient plus là. L’equinoxienne tourna sur elle même, fortement décontenancée par ce qu’il venait de se passer elle laissa échapper sa rage et hurla de toutes ses forces. Puis d’un geste elle frappa l’Étranger en plein visage.

- Kolodan s’est mieux battu que toi, si tu avais fait preuve d’un peu de savoir faire nous aurions pu capturer convenablement Ciramor !

L’Étranger ne broncha pas, mais le coup était un de trop. Partagé entre sa fureur et sa loyauté il se contenta de réajuster son armure et de remettre son casque.

- Qu’elle est la suite du plan ? Demanda-t-il d’une voix monotone.

- Ne restons pas là, mon gardien de lune doit avoir trouvé la piste de notre prochaine cible.

Chapitre 3 - Guerre civile

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Kounok supportait sa tête, le coude posé négligemment sur la large table de cristal. Voilà des heures et des heures qu’il était là, écoutant avec lassitude les rapports de ses généraux sur les avancées et les reculs des divers fronts de bataille. Heureusement tout cela avait enfin cessé, pause salvatrice pour Prophète. Les généraux avaient regagné leurs quartiers jusqu’au lendemain et il se retrouvait seul, ou presque.

- Mère, la situation nous échappe, si nous continuons ainsi nous risquons la dislocation de la Draconie, dit-il en regardant la gemme-cœur de Dragon à travers les hautes fenêtres de la salle.

Mais seul le silence fit écho à sa question et cela n’avait rien d’inhabituel. Voilà déjà plusieurs années qu’Anryéna, sa mère, s'efforçait de résoudre les problèmes magiques et de défense. Elle cherchait avec certains mages une solution pour faire revenir Dragon, mais sans succès jusque-là. Puis alors qu’il se levait de sa chaise, les feuilles de papier et les plans sur la table s’envolèrent légèrement comme si un courant d’air passait. Dans une lumière bleutée Pilkim apparut. Kounok qui avait alors Chimère dans sa main abaissa la lame vers le bas.

- Bonjour Kounok, dit le mage.

- Pilkim... décidément tu soignes de plus en plus tes entrées. Que me vaut l’honneur de ta visite Maître-Mage ? Revenu du front d’Arcania visiblement.

- Ouais, je fais un passage éclair pour une réunion du Compendium, déclara Pilkim en s’affalant dans un des larges fauteuils autour de la table. Et toi, ça avance ? Quel bazar ici !

Kounok fit disparaître Chimère et s'installa dans son siège.

- Pour tout te dire, non, ça n’avance pas, je dirais que c’est de pire en pire. Je désespère...

- Et bien sache que je suis porteur d’une bonne et d'une mauvaise nouvelle en provenance d’Arcania.

- Commence par la bonne.

Pilkim posa sur la table un porte-parchemin de cuir fermé par un sceau de cire. Kounok s’attarda sur le-dit sceau : les armoiries d’Arcania.

- Je viens de la part du Seigneur-Dragon d’Arcania, le document qui se trouve à l’intérieur est un serment de fidélité et signe par là-même l’arrêt des hostilités avec ce territoire.

Le regard de Kounok s’éclaira d'intérêt et pour la première fois depuis longtemps un sourire se dessina sur ses lèvres.

- Splendide ! Voilà un événement qui, je l’espère, fera boule de neige. Comment en es-tu arrivé à ce résultat ?

- C’est ce qui me fait aborder la mauvaise nouvelle et ma présence ici. Il y a quelques jours a eu lieu une bataille rangée entre les forces d’Arcania et deux de nos régiments. Nous avons fini par vaincre, mais un de nos hommes a eu un comportement détestable et fâcheux, entraînant la mort de deux soldats.

- La guerre implique des morts, dit Kounok.

- Deux soldats de notre camp.

- Ha... continue ton histoire.

- Cette personne a fait preuve de cruauté et a mis hors d’état de nuire des soldats d’Arcania qui s’étaient rendus, ce qui le place hors nos lois. Et si je suis ici c’est parce qu’il s’agit de ton neveu, Aerouant. Je viens de le ramener, il est actuellement en détention dans une geôle de l’académie.

Kounok souffla, la victoire était donc entachée d’un acte déshonorant de la part d’un membre de sa famille. Depuis la mort de son père Aerouant avait changé, il était devenu aigri. C’était d’autant plus vrai ces deux dernières années depuis que la Draconie était en guerre civile. Mais là clairement il venait de dépasser la limite et avait sombré.

- Je vais aller le voir. Dois-je assister au conseil du Compendium ?

- Hélas seuls les mages du Compendium pourrons participer à ce conseil, moi-même n'y participerait pas. Même si c’est Prophète qui le demande et à plus forte raison avec le lien que vous avez. Néanmoins je suis certain que mon père saura t’écouter.

- Je vois... je vois... merci de m’avoir prévenu Pilkim, tu fais comme d’habitude un excellent travail et la Draconie se félicite de t’avoir de son côté.


Assis sur son lit, Aerouant était plongé dans ses pensées. Il leva à peine les yeux lorsque Kounok se présenta devant les barreaux de cristal imprégnés de magie. Ce dernier regarda son neveu et remarqua à quel point il avait changé. Il avait vieilli évidemment, devenant un adulte, un homme et un mage accompli. Ses cheveux longs en bataille et ses vêtements sales juraient avec ses origines nobles.

- Que s’est-il passé Aerouant ?

Le mage leva la tête et passa sa main dans ses cheveux.

- Prophète en personne, je trouve que l’on fait un tapage exagéré d’une affaire mineure, répondit Aerouant sur le ton du défi.

- Affaire mineure dis-tu ? Les enjeux de cette guerre sont importants. Comment rester crédible si un de nos mages bafoue nos règles, foule du pied notre honneur et se laisse aller à la surenchère magique. Aerouant tu as beau être mon neveu je reste le Prophète de la Draconie et je me dois d’avoir une position ferme vis à vis de tes actes. Que va penser ta mère de ce que tu as fait, elle qui est la dirigeante des Sorcelames.

- A vrai dire... je m’en contrefiche de ce qu’elle pense, nous ne nous parlons plus depuis des lustres. Si tu as fini ton sermon je souhaiterais me reposer en vue de mon passage devant le conseil du Compendium demain.

Kounok garda son calme, sachant pertinemment qu’Aerouant jouait la provocation.

- Très bien, je te laisse au jugement de tes pairs. Tu me déçois Aerouant, tu me déçois beaucoup, tu gâches ton potentiel et je crois pas que ton père apprécierait.

Le prisonnier sauta de son lit et attrapa les barreaux de cristal avec rage. Ceux-ci brillèrent intensément en blessant les mains d’Aerouant. Mais celui-ci avait beaucoup de ressources en magie aussi il put résister le temps de placer quelques mots.

- Laisse mon père en dehors de ça ! Arrête de me parler comme si nous étions une famille car le sang de Dragon qui coule dans nos veines est porteur d’une malédiction qui nous interdit de vivre les uns avec les autres.

Impressionné, choqué et encore plus déçu, Kounok se retourna et s’en alla de la prison de l’académie, le cœur lourd et blessé.


Les mines graves des mages du Compendium indiquaient à quel point le problème les affectait. Marzhin était debout devant le petit amphithéâtre où toutes les places étaient prises. Alishk, la Pythie, Vaerzar, Blanche et d’autres avaient répondu à la convocation de l’archimage afin de régler “l’affaire Aerouant”.

- Chères consœurs, chers confrères. Nous sommes réunis afin de juger du comportement d’Aerouant. Je vous rappelle les faits puis nous ferons entrer l’accusé.

Marzhin ouvrit un petit coffre et en sortit un cristal en forme de demi-sphère. Il alla ensuite la poser sur une petite table devant les rangées de fauteuils. Le cristal brilla vivement et des hologrammes magiques s’en échappèrent. Des images, au départ immobiles, s’animèrent pour retranscrire une scène.

- Ce que vous voyez et la retranscription magique du souvenir du Maître-Mage Pilkim, présent au moment des faits. Les images montraient un combat fratricide entre deux armées, celle de Noz’Dingard et celle d’Arcania.

- Le but de Prophète est de remettre les choses en ordre dans la Draconie, mais pas au prix des vies de nos semblables. Il a donc été interdit d’utiliser des sorts visant à tuer, nous laissant la faveur d’utiliser de quoi neutraliser nos adversaires de manière non létale. Les stratégies mises en place pour cette bataille ont porté leur fruit et comme vous pouvez le constater le Seigneur-Dragon en personne s’est incliné devant Pilkim en signe de soumission. Hors à quelques mètres de là nous voyons parfaitement Aerouant utiliser un sort de Foudre sur une dizaine de soldats, et ce, des deux camps. Deux d’entre eux ne se relèverons pas.

Certains mages commentèrent les hologrammes par des “oh” et des “ah” de stupeur. La fin de la retranscription montra que Pilkim, voyant Aerouant agir, immobilisa l'arrière petit-fils de Dragon pour l'empêcher de nuire. Puis le cristal cessa de produire les images et redevint inerte.

- Je vous propose d’écouter Aerouant pour qu’il nous explique son geste, dit Marzhin en demandant aux gardes de le faire entrer.

L'arrière petit-fils de Dragon plissa les yeux derrière ses mèches de cheveux colorées en examinant l’assemblée. Des entraves de cristal, telles des menottes magiques lui interdisaient la pratique des arts mystiques. Il fut placé à côté de Marzhin, face au conseil du Compendium.

- Ne vous fatiguez pas à me questionner, dit-il à brûle-pourpoint. Oui j’ai grillé ces soldats d’Arcania, je l’ai fait pour les empêcher de tuer les nôtres. Seulement il semble que j’y suis sois allé un peu trop fort...

- Maîtrise ! Cria l’un des mages de l’assistance. C’est la première des règles du Compendium !

L’homme, assit à côté de Blanche se leva. Il s’agissait de Tanaer d’Arcania, jugé comme étant un guerrier avec des pouvoirs magiques.

- Si tu n’es pas capable de respecter les règles, tu n’as rien à faire parmi nous, descendant de Dragon ou pas, ajouta-t-il avec virulence.

- Tu crois ? Il existe une règle du Compendium : PUISSANCE !

A ce moment là le sol sous Aerouant se craquela et le symbole de Néhant apparut. Les Mages eurent à peine le temps de réagir que le prisonnier disparaissait aspiré par ce portail démoniaque. Tanaer s’élança et voulu sauter dans le portail, mais il fut stoppé par Marzhin.

- Certainement pas ! cria l’Archimage. Nous en avons vu assez pour statuer sur son cas... Aerouant ne fait plus partie du Compendium !


Chapitre 4 - Ziloween

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- Bon, mes amis, nous y sommes. Nous avons mis des années et des années pour que notre rêve se réalise.

Farouche, debout sur un tabouret était radieuse, pour une fois elle avait délaissé sa veste striée de noir et de violet au profit d’une robe. D’ailleurs elle n’était pas la seule à être sur son trente et un, la plupart avait fait un effort vestimentaire.

Et pour cause c’était un jour important : l’inauguration du Zircus land, tout le savoir faire des Combattants de Zil au sein d’un même endroit !

- Pour un temps nous allons arrêter de sillonner le monde pour nos représentations, notre public viendra désormais parcourir les allées du parc. Je vous remercie tous pour les efforts que vous avez fourni, tant durant la construction de chacune des attractions, qu’au niveau politique et plus encore. Je lève mon verre pour vous tous !

Les Combattants de Zil crièrent leur joie et trinquèrent de bon cœur. Le territoire offert par l’empire de Xzia était l’endroit rêvé pour leur nouveau parc. En effet c’était probablement l’endroit le plus éloigné de Meragi, le fin fond de l’empire, un lieu presque marécageux accolé aux montagnes où se trouvait la demeure d’Artrezil.

Les Zils en avaient fait un endroit qui leur ressemblait, effrayant, amusant et surtout paisible.

Les jours qui suivirent furent exaltant. Au début il y eut peu de visiteurs, mais très vite la renommée du parc, ainsi que le bouche à oreille ramenèrent des visiteurs en provenance des quatre coins du monde. De fait la guilde attira de nouveaux membres et la vie s’organisa au Zircus land.

Un beau matin, Sangrépée vit arriver un messager portant la bannière de la Kotoba.

- Bonjour Combattante de Zil, je suis porteur d’un message du seigneur Malyss.

- Seigneur Malyss ? Il a pris du galon. Donne.

Le messager tendit alors un parchemin plié en quatre. Sangrépée commença à lire avant de s'apercevoir que c’était écrit en Xziarite.

- Vous êtes des farceurs à la Kotoba, dit-elle en rigolant.

Mais visiblement la boutade n’était pas du goût du voyageur. Ce dernier récupéra le parchemin et lut à haute voix.

- A l’attention des Combattants de Zil. Je suis au regret de vous apprendre que Kolère est désormais passé à l’ennemi. Celui-ci a combattu aux côté des étrangers contre Ciramor, l’héritier d’Eredan.

Aussi il vous appartient d’arranger la situation et ce avant que le Conseil de Guilde ne s’en mêle. En vous souhaitant bonne chance. Malyss.

Une fois fini le messager replia le parchemin et le donna à Sangrépée.

- Dis-moi messager, tu viens d’où ?

- Je viens du village en bordure de votre territoire.

- Très bien, merci, j’ai cru que tu venais de Meragi, du coup l’information est récente. Reste au Zircus land si tu veux, nous te donnerons une réponse pour Malyss.

Poussé par la curiosité le Xziarite accepta, et cette petite aventure dans le parc le marquera à jamais...

- QUOI !? Kolère a fait QUOI !?? Hurla Farouche.

- Tu m’as bien compris, je suis on ne peut clair sur ce qui est écrit noir sur blanc, dit Kuraying en montrant le message de Malyss. Cependant il y a peu de détails. Le mieux serait d’entrer en contact avec Ciramor.

- C’est pas possible, on a fait quoi pour que les traîtres soient toujours dans nos rangs hein ? Grogna la chef de guilde. Tu en dis quoi toi ? Demanda-t-elle en s’adressant à Zil.

- Il doit y avoir une raison logique à cela, mais il faut vite régler ce problème pour prouver que nous sommes de bonne foi. Kolère étant un membre de la meute je suggère que celle-ci soit chargée de retrouver Kolère. Les autres Combattants vont tenir le parc le temps de votre absence.

- Et faut que ça tombe pendant les jours qui suivent le lancement du Zircus... Bordel ! Kuraying comment on fait pour entrer en contact avec Ciramor ?

- On demande aux ombres très chère, que veux-tu lui dire ?

- Je veux savoir où il est et ce qu’il s’est passé avec Kolère.

- Très bien, je m’occupe de cela, ensuite je retournerai auprès de Yu Ling, visiblement j’ai raté quelque chose.

- On dirait bien ouais ! Répondit Farouche sèchement. J’aurais peut être pas du te faire revenir pour l’inauguration du Zircus, tu aurais pu intervenir dans cette histoire. Bon... Au travail !

Ciramor fut prévenu alors qu’il était encore en convalescence, le message des Combattants de Zil le réconforta d’une certaine manière. Kolère n’agissait pas pour le compte de cette guilde et celle-ci proposait son aide.

Eikytan et Fe’y n’eurent rien contre cette collaboration, Ciramor une fois en pleine possession de ses moyens proposa aux Daïs de gagner du temps en téléportant les Combattants de Zil là où ils se trouvaient. Poussés par la curiosité de voir agir l’héritier d’Eredan ils acceptèrent.

La démonstration fut très impressionnante, Ciramor fit apparaître en cercle plusieurs cristaux transparents de la taille du poing. Puis ceux-ci se modifièrent, des filaments de cristaux s’échappèrent d’elles pour se rejoindre et former comme une porte de cristal.

Là le paysage visible au travers de cette porte changea, il ne s'agissait plus de la forêt Eltarite mais du Zircus avec une petite dizaine d’étranges personnages, presque toute la Meute en fait, Farouche en tête.

A des lieues de là les Zils virent apparaître une porte semblable avec de l’autre côté la forêt en paysage, Ciramor, Eikytan et Fe’y les regardaient.

- Venez, dit Ciramor leur faisant signe. C’est un sort me demandant beaucoup de magie, je ne vais pas pouvoir le maintenir bien longtemps. Farouche n’hésita pas et passa le portail, s’étonnant de la prouesse de l’héritier d’Eredan. C’était comme s’il avait coupé la distance entre les deux lieux grâce à ce portail.

- Soyez les bienvenus, Combattants de Zil, dit Eikytan une fois que tout le monde eut passé le portail.

- Merci bien. Alors on peut en savoir plus sur Kolère ? demanda Farouche avec impatience.

- Je vais y venir, rétorqua Ciramor qui fermait son portail magique. Je comprend le sentiment qui t’anime Farouche, je réagirais pareil à ta place.

Les Combattants de Zil s’installèrent sur la place principale du village et furent vite entourés de curieux. Ourénos se plaça derrière eux de manière... défensive. Là, Ciramor expliqua l’altercation avec les étrangers et Kolère, comment ce dernier semblait ne plus être maître de lui même.

Le doute était permis sur sa liberté d’action, agissait-il de son propre chef ou pas ? Les théories de ses compagnons affirmaient que non, mais malgré tout la question resta en suspend. Ceci dit le fait que la Cœur de sève surveille de près ces inconnus redonna du baume au cœur des Combattants de Zil.

- Alors qu’attendons-nous pour agir ? dit Farouche.

- Avant de tenter quoi que ce soit contre ces gens, nous voulons en savoir plus sur leurs buts et qui ils sont.

- Hors de question de laisser Kolère vadrouiller et provoquer des dégâts, répliqua Farouche en commençant à s'énerver.

- Ne prenons pas ce risque, je sais que le passif de votre guilde joue sur votre vision des choses, expliqua Ciramor en regardant la troupe. Les enjeux sont bien plus importants que

vous ne pouvez le supposer. Ces gens sont venus par des portails d’une puissance inouïe, jusqu’à présent il y en a un dans l’Empire de Xzia, un dans la forêt des Eltarites et je suppose qu’il y en a d’autres parsemés sur les Terres de Guem, je veux en savoir plus.

- Tu vas avoir tes réponses, héritier. Ils sont combien ?

- Trois, dont Kolère.

Les Combattants de Zil se regardèrent le uns et les autres avant de rire à gorges déployées.

- Que trois, allez, finie la plaisanterie, on va les capturer et on va les faire parler, parole de Zil ! Déclara Farouche en serrant le poings, mène nous à eux.

Devant leur détermination Ciramor n’eut rien à redire. Ourénos se leva et ajouta une couche aux arguments de la chef des Zils.

- La p’tite a raison, c’est bien de savoir ce qu’il font ici, mais par précaution il vaut mieux les stopper avant qu’ils ne déclenchent on ne sait quelle catastrophe.

- Et vous Eikytan, qu’en pensez-vous ? Demanda Ciramor en pensant trouver un appui auprès du dirigeant de la Cœur de sève.

- Notre réaction a été tardive lors des événements de la Pierre tombée du ciel, il faut apprendre de nos erreurs. Demandons un rapport sur la situation à Melissandre et envoyons les forces conjuguées des Combattants de Zil et de la Cœur de sève arrêter ces envahisseurs.

- Très bien, je m’incline, je ne voulais pas d’une confrontation directe. Si jamais les deux étrangers venaient à être tués durant le combat cela nous porterait préjudice.

- T’en fait pas, on sait se retenir... déclara Farouche en regardant d’un regard menaçant les éléments de la Meute les plus enclins à la violence, c’est à dire tous.

Pendant ce temps au Zircus les spectateurs affluaient alors que la nuit tombait. C’était le moment le plus intense en terme de fréquentation. Chacun était à son poste, prêt à terrifier ou à faire rire les badauds pour certains venus de loin. Le moins que l’on pouvait dire c’était que la guilde avait réellement mis tout son savoir faire dans cette superbe entreprise.

Zil était ravi de pouvoir enfin avoir un moment de répit. Il avait passé les dernières années à courir après les zombies et Dimizar sans jamais parvenir à attraper le maudit nécromancien.

Finalement lorsque l’idée du Zircus fut émise il profita pour se donner un temps de repos. Hélas ce court instant de calme cachait une tempête qui balayerait ce monde.

Le messager de la Kotoba avait rit de bon cœur aux tours effroyables de Terrifik. Il déambulait dans les petites ruelles, on lui avait dit que certaines attractions étaient cachées et qu’il fallait bien chercher. A un croisement, il tomba sur une petite fille. Après s’être confondu en excuse de l’avoir bousculé il se rendit compte que la fillette ne bougeait pas.

- Tu vas bien, demanda-t-il.

Sur ces entrefaites un homme s’approcha, grand, mince, les cheveux noirs tombants sur ses épaules d’écharnées.

- Ce monsieur t’embête ma chérie, dit Zejabel d’une voix monotone.

- Non non, pardon, je ne l’ai pas v...

Le Xziarite s’arrêta de parler lorsque la fillette bougea en se plaçant sous la lumière d’une torche. Sa peau était sèche, collée aux os de son crane.

Ses grands yeux vitreux ne trompaient pas : c’était un cadavre... mais vivant. L’homme abasourdi par la découverte posa son regard sur Zejabel avant d’apercevoir l’éclat d’une faux. La tête roula au sol alors que par dizaines des zombies entraient dans le Zircus.

Chapitre 5 - La Légion perdue

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- Le sable, je hais le sable ! Il y en a à perte de vue, j’ai parfois l’impression que la terre est vivante, tout peut changer si rapidement. Un coup de vent et on perd tous ses repères, je n’ai jamais réussi à m’y habituer malgré les conseils des voyageurs du désert. J’ai marché des jours sous ce soleil de plomb et des nuits poussée par un vent glacial. J’ai fouillé les moindres recoins et la moindre masure. J'ai appris plus sur cette civilisation que je n’aurais pu le faire au long de ma vie. Et finalement je suis restée dix ans sans la moindre nouvelle de la Légion. Combien de fois me suis-je demandée s’il ne fallait pas arrêter les recherches ? J’ai perdu le compte, mais en aucun cas je ne devais abandonner là mes compagnons ! Comment aurais-je pu me présenter devant toi père sans avoir trouvé ? Je sais que je ne suis pas le modèle de vertu que tu voulais et j’espère à présent que tu comprends mieux cette absence et ce silence. Dix ans sans te faire parvenir de nouvelles, je sais, c’est long. Les Clairvoyants d’Abypolis et peut être les dieux eux-mêmes t’ont-ils conseillé de ne pas intervenir dans ma quête et ils ont eu raison car j’ai trouvé la Légion, père.

Le centorium Aurius regardait sa fille en retenant ses larmes, Myrina ne s’était pas adressée au Cénacle, mais à lui. Les autres membres de l’instance dirigeante de Tantad n’osèrent pas intervenir dans ces retrouvailles, mais ils brûlaient d’impatience d’en savoir plus. Aurius se leva et serra sa fille dans ses bras si fort qu’elle faillit s’étouffer. Puis, relâchant son étreinte il la regarda, elle avait changé. Elle n’était plus la jeune femme qu’il avait envoyé à l’autre bout du monde, mais une femme à la peau séchée, brûlée par le soleil. Par endroit sa peau était striée par de larges cicatrices, derniers vestiges de combats passés.

- Tu dois me trouver dur, mais j’ai gardé un œil sur toi durant ton périple et désormais des chants font les éloges des aventures de Myrina fille du Centorium Aurius.

- Je n’arriverais jamais à ta hauteur.

- Ne te dévalorise pas, nous n’avons pas les détails de comment tu es parvenu à retrouver la Légion. J’ai proposé au Cénacle de t’accorder un Cantique et tu en auras un d’ici quelques jours.

- Un Cantique ? C’est... c’est un grand honneur.

- L’honneur est pour Tantad, Myrina. Tu dois être fatiguée, revoyons-nous un peu plus tard, pour que le père retrouve la fille.


Du haut de ses quatre étages et de part sa circonférence, le cirque de la capitale de Tantad s’imposait, faisant passer les autres édifices pour des cabanes. Il pouvait à lui seul contenir tous les habitants de la ville et en ce soir de Cantique seuls les soldats d’astreinte ne participaient pas aux festivités. Le peuple acclamait ses héros de retour après dix ans d’absence, pour l’occasion le cirque s’était paré d’or, comme le voulait la tradition en cas de Cantique. Une scène à la mesure de la taille de la piste avait été construite, c’est là que les orateurs déclamaient leurs histoires concernant la Légion Runique. A la suite de quoi les membres de la guilde entrèrent en conquérant, parés de leurs plus beaux atours. Saluant le peuple venu pour eux, ils défilèrent ainsi tout autour de la piste. Pendant ce temps là Myrina expliquait au Cénacle et aux orateurs comment elle avait vécu tant de temps dans le désert et surtout, le plus intéressant comment elle parvint finalement à retrouver la Légion.

- J’avais entendu parlé d’un village récemment reconstruit où autrefois vivaient des mystiques qui avaient résisté aux dieux eux-mêmes. j’entrepris d’aller sur place n’étant plus à un voyage près. Celui-ci fut terriblement éprouvant pour moi car je dus gravir des montagnes où les émeraudes étaient coupantes comme les meilleures lames de Telb. Puis après les montagnes se furent les sables mouvants d’Arkesh, je faillis me retrouver engloutie par le désert et je ne dus mon salut qu’à ma fidèle lance, dit-elle en montrant son arme. J’espérais enfin arriver à destination après cela, mais non ! Une nouvelle épreuve m’attendait lorsqu’un petit groupe de pilleurs en voulut à ma vertu. Erreur fatidique pour eux, je réussis à me défaire d’eux et surtout j’appris que je n’étais désormais plus loin de mon objectif. La cité en question n’avait pas grand chose de particulier, mais j’y croisais certains de nos anciens alliés Nomades. L’agitation régnait, je tombais visiblement à un moment critique, un évènement impactant directement sur ma recherche s’était produit. Je remercie les dieux de m’avoir accordée leurs faveurs. En effet, après avoir demandé aux Nomades se qu’il se passait on m’informa que le Vizir Mahamoud était de retour avec une créature nommée Nebsen ainsi qu’une centaine de personnes. La créature correspondait en tout point avec les dernières informations laissées par le Seigneur runique Eilos. Il me fallait donc le rencontrer. Avec patience j’attendis qu’il veuille bien me recevoir. Il reconnut ma tenue, il savait pertinemment ce que j’allais lui demander. Il me raconta son duel contre Eilos ainsi que la disparition de la Légion toute entière, envoyée dans un monde souterrain. Il m’indiqua comment faire pour créer un accès vers ce lieu. Mais dix ans étaient passés, aussi je fus à la fois inquiète de retrouver mes compagnons sans vie et excitée par la perspective de clore toute cette histoire. J’allais sur place le plus rapidement possible et je tombais nez à nez avec d’autres créatures, toutes aussi agressives les unes que les autres, j’avoue que sans les runes et l’art du combat que m’enseigna mon père, le Centorium Aurius, j’aurais péri là. C’est une nouvelle fois les runes qui me permirent de briser la roche scellant le passage. Attirés par le bruit je ne tardais pas à entrevoir une forme, puis deux. C’était la Légion !

Le Cénacle fut ravi d’entendre l’histoire de Myrina et les orateurs prirent sur eux d’envelopper le récit pour le rendre encore plus héroïque. Le Cantique se termina tard dans la nuit...


Quelques jours plus tard dans la salle su Cénacle où la quasi totalité de ses membres étaient présents. Myrina, le Seigneur Runique Eilos, le Seigneur Runique Harès ainsi qu’une partie de la Légion furent convoqués en vue de leur donner une nouvelle mission.

- Vous me voyez désolé de vous renvoyer si tôt dans de nouvelles affectations, déclara Aurius. Mais rassurez-vous j’espère que cela sera de courte durée et puis il n’y a rien de bien dangereux, enfin je l’espère. Je pars pour le Conseil des Guildes, je compte sur vous pour former ma garde. Le sujet qui sera abordé est l’infiltration de personnes étrangères à notre monde par le biais de portes magiques. Les guildes doivent mettre en place un plan anti-invasion. Je crois que tout cela sera très... passionnant, dit-il sur un ton moqueur.


Chapitre 6 - Le Pacte

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- J’lui fais pas confiance, déclara Poukos de sa grosse voix déformée par l’eau contenue dans son scaphandre.

- Et sur quel fait te bases-tu je te prie ? Demanda Jon au visage habituellement squelettique.

- Bah un mec avec sa face à moitié calcinée par la corruption m’inspire pas confiance.

- Ah bon ? Et que penser d’un pirate mort et maudit comme moi ainsi que d’un homme poisson comme toi ?

- Mouai, ok, t’as raison, mais je le sens pas quand même ! regarde ce pauvre Galène comme il est anxieux, faut vraiment qu’on lui retrouve son jouet.

- Son désarroi est à la hauteur de sa perte mon ami. Mais il ne faut pas oublier les objectifs de notre venue ici.

- Donc trouver S.A.R.A.H.

- Entre autre, oui. Prévenons les autres que nous allons mener l’enquête... que tout ceci est exaltant ! Dit Jon en serrant ses doigts dépourvus de chair. Alors que le reste de l’équipe se lançait dans la recherche de l’automate, Al la Triste continuait sa discussion avec Balastar sur divers sujets.

- Que sais-tu du maelström ? Depuis le temps que tu es là tu dois sûrement avoir des renseignements à me donner à son sujet non ? Balastar plissa les yeux, réfléchissant aux mots qu’il allait utiliser dans sa réponse.

- Commence par me dire ce que tu connais à son sujet ? Je compléterai les manques, dit-il en ne faisant que répondre à une question par une autre question.

- Il est responsable de la destruction de Bramamir, qu’il a été créé par Néhant et qu’il est d’une certaine façon vivant. Mais qu’est-il exactement je ne le sais pas, à priori un Néhantiste maintiendrait le vortex et aurait passé un pacte avec l’ancien Gouvernement. Voilà. - C’est léger.

- Ne tient qu’à toi de m’en dire plus.

- Commençons par le début, le maelström tel que nous le connaissons n’existait pas lors de la dislocation du royaume de Bramamir. C’est un démon qui en est responsable, l’un des plus puissants qui doit exister. C’est lui qui par la suite a créé le vortex, lui permettant, comme tu l’as dit, de pactiser avec les survivants et aussi de les manipuler à sa guise.

- Donc ce démon n’est pas le vortex ?

- Non.

- Et donc ? Il a une forme physique ? On peut le retrouver ? Le tuer ?

- Attends, je crois comprendre ce que tu veux faire et je te le dis de but en blanc, c’est de la pure folie ! Tu n’arriveras qu’à ta perte si tu tentes de détruire ce démon.

- Je dirige les Iles Blanches désormais et il m’appartient de juger ce qui est bon ou non pour ses habitants. Aussi je juge inconcevable de jeter en pâture des âmes à ce démon ! Sais-tu, oui ou non où le dénicher ?

- Si je te le dis, qu’est-ce que j’y gagne ? Dit Balastar qui se trouvait en position de force.

- Du marchandage ? Avec moi ? Tu plaisantes ?

- J’ai une tête à plaisanter ? Al la Triste hésita entre tirer son sabre et pourfendre son interlocuteur, ou bien de jouer le jeu et de voir où cela pouvait la mener. Elle choisit la seconde option.

- Très bien, que veux-tu ?

- Ton navire est en bon état, je pense qu’il peut décoller, si je t’amène jusqu’au démon je veux que tu nous emmènes tous...

- Je ne comptais pas vous laisser là...

- Laisse moi finir. Si jamais nous arrivons à revenir dans les Îles Blanches, je veux l’île de Mortetourbe.

- Morte... Mortetourbe !? C’est une île marécageuse, s’il n’y a que ça pour ton bonheur... accordé.

- Parfait ! Par contre tu viens seule, je veux pas de tes amis.

- Des trucs à cacher ?

- Des milliers, comme toi.

Alors qu’Al la Triste quittait les lieux avec Balastar, le reste de l’équipe continuait ses investigations. Jusque-là le manque de piste ne permettait pas de résoudre l’énigme de la disparition de S.A.R.A.H et Galène se désespérait de retrouver son ultime créature. Les habitants de ce drôle d’endroit n’étaient pas vraiment coopératifs, les indiscrétions ne faisaient qu’ajouter de l’eau au moulin de cette forme de crainte ou de xénophobie.

Voici plusieurs heures que l’enquête piétinait jusqu’à ce que Galène eut un coup de génie.

- Je sais comment la retrouver ! Dit-il enthousiaste à ses compagnons.

- Exblique, dit Poukos en enlevant la buée sur son scaphandre.

- Je suis vraiment un âne, ajouta l’ingénieur en s’asseyant par terre.

Galène vida alors le contenu de sa large besace de toile. Plusieurs petits automates tombèrent avec fracas sur le sol glacé, semant rouages et autres ressorts. Il dégaina alors un ensemble de petits outils de précision reliés entre eux par un fin cercle de métal, attrapa un des automates et se mis au travail avec toute sa passion habituelle.

- Vous voulez bien nous éclairer sur ce que vous faites mestre Galène ? Demanda Jon qui ne comprenait pas les agissements du jeune capitaine du Titan de fer.

- Avant de concevoir S.A.R.A.H j’ai expérimenté une source d’énergie à base de cristaux en prenant exemple sur les magies des Lieurs de Pierres et sur la magie de la foudre. Il se trouve que vous avez devant vous le Frelon, une petite bête mécanique bien utile qui vole grâce à cette énergie. Je vais effectuer un petit changement dans son comportement. Comme il n’a plus beaucoup d’énergie, je vais faire en sorte qu’il se dirige vers une source semblable.

- Ça va marcher ? Demanda Poukos.

- Cela devrait, dit Galène en finissant de remonter son Frelon.

La créature mécanique bourdonna puis cliqueta. Ses ailes remuèrent lentement au début puis si vite qu’elle s’envola. Après avoir stagné une bonne minute le Frelon fonça dans une direction à la surprise de tout le monde. Flammara fut prompte à la réaction et s’élança, suivie des autres. L’automate tourna dans le dédale de couloirs creusés dans la roche puis se fixa devant une porte faite de bric et de broc. Un homme qui tenait un fusil perfectionné s’interposa à l’arrivée de la petite troupe.

- Hop là les gens ! Doucement, doucement, où allez-vous ainsi ?

- Laisse-nous entrer ou je t’écrase ! Menaça Poukos.

- Tu veux que je te brise le bocal la Rascasse ? Railla le jeune homme en visant Poukos de son arme. On m’a dit personne ne passe, alors personne ne passe.

Poukos lâcha une série de jurons avant de regarder les autres pour voir ce qu’ils allaient faire. Flammara s’avança, sûre d’elle.

- Écoute, je vais pas discuter longtemps, ma spécialité à moi, c’est les flammes.

- Ouai et alors ?

- C’est quoi ton nom ? Demanda-t-elle.

- Je suis Mathurin, bras droit de Balastar.

- Très bien Mathurin, tu sais je connais les gens comme toi, ceux qui aiment les flingues, ils ont souvent des traces noires sur la peau, tu sais ce que sont ces traces ??

- Euh...

- De la poudre. Et tu sais quoi, la poudre je peux l’enflammer d’un seul claquement de doigts. Dit-elle en faisant claquer ses doigts.

A ce moment là l’une des traces noires prit feu, provoquant une vive douleur à Mathurin. Le jeune homme recula, se rendant compte de l’horrible destin qui l’attendait si elle continuait.

- Waow, regard de braise hein ? Bon bon, je vais pas insister, je vais pas risquer ma peau pour une porte. On va dire que je me suis absenté pour aller me soulager, déclara Mathurin en reculant d’autant plus.

- Je t’ai à l’œil. Poukos, ouvre la porte maintenant.

Ni une, ni deux la porte éclata en morceau sous le poids de Coule-grouillot l’arme-ancre de Poukos. A l’intérieur se trouvait l’automate tant désiré. S.A.R.A.H était en partie démontée et raccordée à divers câbles.

- Mais qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? demanda Galène les lèvres tremblantes.

Après examen il s’avéra que l’automate alimentait le complexe en énergie. Sans la moindre réflexion de sa part Poukos arracha les câble, pensant bien faire.

- MAIS NON !! QU’AS-TU FAIT !? Hurla Galène.

- Nous y voilà. Regarde bien car il ne faut plus venir par ici à l’avenir.

- J’y comptais pas.

Balastar et Al la Triste se trouvaient à l’exact centre de l’œil du Vortex. Au loin bien plus haut des îles flottaient les unes au-dessus des autres. Autour d’eux de très nombreuses épaves de navires volants étaient plantées sur des pics rocheux comme des papillons venus plantés sur des aiguilles. Tout à coup une forme noire se matérialisa devant eux. Al la Triste le reconnut immédiatement.

- C’est bien toi ?

- Ah, mais ne serait-ce pas la somptueuse et impétueuse Alexandra. Quel plaisir de te parler enfin.

- Le plaisir n’est pas partagé, tu as voulu ma peau et je ne te le pardonnerai jamais.

- Ne restons pas sur tant de rancœur, le passé est le passé, pensons au présent. Pourquoi voulais-tu me voir... Amiral ?

- Il est temps que tout s’arrête, tu n’as plus rien à faire sur cette terre. Je veux que Bramamir redevienne Bramamir.

- Ce que tu veux n’est pas forcement compatible avec la réalité. Car je te le dis, sans moi les Îles Blanches seraient englouties par le vortex, c’est moi qui grâce à ma magie le maintient à sa puissance minimale. Si je pars d’ici cela aura de très funestes conséquence pour ce monde. Et laisse-moi te dire que si les Îles s’écrasent ici je n’en mourrai pas.

- Dans cas, je n’ai plus rien à faire ici, dit Al la Triste qui ne voyait pas d’issue à cette discussion.

- Tu as encore quelque chose à faire, ma chère pirate. J’avais un pacte le gouverneur de Bramamir. En échanges de quelques humains je maintenais le vortex stable. Mais le gouverneur est mort, tu es désormais la représentante du peuple qui vit au dessus de ma tête, il me faut donc continuer le pacte avec toi. Quelques âmes lorsque je les réclame et ce monde est sauf. C’est simple n’est-ce pas ?

- C’est horrible surtout, lâcha Al al Triste avec dégoût.

- Question de point de vue, je parle là d’un marché réciproquement profitable. Continue à exécuter les gens en les jetant dans le vortex et ça sera parfait. A présent... signe ! Une main gantée déroula un parchemin alors que l’autre main lui tendait une plume. Al hésita longuement puis saisit la plume. Elle allait signer lorsqu’elle arrêta son mouvement.

- Je vais signer, mais avant cela tu dois laisser partir les exilés qui résident plus loin.

- Qu’ils partent, ils ne m’intéressent pas.

Al la Triste apposa sa signature et tourna le dos au démon.

- Voilà une bonne chose de faite Alexandra, j’ai beaucoup d’espoir dans notre relation.

- Il n’y aura pas de contact entre nous. A présent excuse-moi je dois retrouver mes gars et repartir dès que possible.

Alors que l’Amiral et Balastar arrivaient au complexe, ils virent tous deux des gens s’enfuirent. Poukos tenait dans ses bras S.A.R.A.H et Galène hurlait :

- EVACUEZ ! EVACUEZ !

Flammara stoppa sa course au niveau de l’Amiral.

- Il faut partir, le système de survie du complexe va exploser.

Balastar réalisa ce qu’il se passait lorsqu’il vit l’automate, mais n’osa pas dire quoi que ce soit. L’Arc-kadia, à peine réparé eut juste le temps de décoller avec difficulté avant que l’explosion n’ait lieu.

- C’est une chouette histoire mam’, c’est là bas que tu as connu pap’ ? Dit la fillette à Flammara.

- Et oui ma fille, le destin nous joue des drôle de tours.

A ce moment là entra dans la pièce où se trouvaient la mère et la fille un homme portant un fusil en bandoulière.

- Pap’ ! Dit la fillette avant de sauter dans les bras du nouveau venu.

- Flam’ prépare tes affaires, Al nous demande à bord de l’Arc-kadia.

- Il se passe quoi ?

- Je ne sais pas trop, une histoire de portes et de Conseil des guildes.

- Très bien, j’arrive.

Chapitre 7 - Prélude à l’apocalypse.

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Aerouant tomba ventre contre terre. Son visage portait une multitude de petites griffures, résultat de son court voyage au travers des méandres. Jamais il ne s’était senti aussi mal, il imaginait ce que devaient ressentir les Néhantistes en utilisant là leur magie. Il se releva tant bien que mal, après un moment de récupération. Le lieu d’arrivée n’avait rien de très particulier, c’était une simple cave avec diverses étagères où se trouvaient des conserves et autres bouteilles couvertes de poussière. La lumière éclairant l’escalier qui remontait fut voilée, projetant une ombre inquiétante, celle d’Amidaraxar. Aerouant s’époussetait en même temps que le Néhantiste arrivait vers lui.

- Je crois que le message est passé, dit Aerouant. Après l’humiliation que je viens de leur infliger ils vont focaliser leur attention sur moi, dit Aerouant d’un ton sardonique.

- Il faudra m’expliquer comment tu as réussi à leur échapper, je pensais vraiment ne jamais te revoir. Tu nous es plus précieux qu’il n’y parait.

- Les menottes anti-magie sont faites à partir de cristaux et de magie de Dragon. Il ne m’a pas fallu beaucoup de temps pour en venir à bout, moi Aerouant descendant de Dragon, expert en magie.

- Expert en magie, mais pas de toutes les magies. Tu as presque gagné notre confiance, tu prouves à chacune de tes actions que tu peux être un parfait Néhantiste. Depuis que Dimizar est devenu ce fou de Zejabel il nous manque des mages de valeur.

- Presque gagné votre confiance ? Que puis-je faire de plus pour enlever les dernières miettes d’hésitation à mon égard.

- Plusieurs choses. Cela fait presque dix ans que dort dans les geôles du Conseil une des nôtres, il est temps de la libérer.

- De qui parles-tu ?

- De l’ancienne Conseillère Edrianne.

Aerouant dégagea les mèches cachant son visage et posa un regard interrogateur sur Amidaraxar. Son visage se reflétait sur son masque frappé du sigle de Néhant.

- Edrianne ? Mais ce n’était qu’un simple pion ? Demanda Aerouant intrigué.

Derrière son masque Amidaraxar souriait, mais ça Aerouant ne le savait pas.

- C’est exactement ce que nous voulions faire croire. Le Conseil pensait que Haine utilisait Edrianne, ce n’est pas tout à fait cela. Edrianne est une Néhantiste, à l’époque plus néophyte dans notre art, mais aujourd’hui je pense qu’elle doit être prête à agir.

- Et je suppose que je vais être seul à agir ?

- Non, même moi je ne suis pas certain d’y parvenir seul, alors toi... Tu vas y aller avec Azaram.

- Azaram ?

- Un problème avec ça ?

- Aucun, au contraire. Est-il là ?

- Oui, à l’étage, je te prierais de ne pas faire de bruit, nous sommes au milieu d’une cité d’Yses. Je ne veux pas attirer l’attention sur nous.

Azaram appuyé sur le côté de la fenêtre guettait de manière discrète la rue animée de la cité, dans l’ignorance du péril que représentaient les Néhantistes. Il ne fit pas attention à l’arrivée d’Amidaraxar et d’Aerouant. Un larbin lové entre ses jambes leur adressa un regard exempt de toute intelligence.

- Regardez-les vivre, ils me font vomir, il me tarde de débarrasser ce monde de ces larves, dit Azaram d’une voix empreinte de dégoût.

- Patience. Poursuivons le plan tel que prévu, répondit Amidaraxar.

- Et quel est ce plan ? Il est peut être temps de m’inclure dans le cercle, intervint Aerouant.

Amidaraxar s’installa dans le vieux fauteuil faisant face à une large cheminée éteinte. Azaram cessa de regarder dehors pour se tourner vers le fils de l’ancien Prophète.

- Nous te révélerons ce fameux plan lorsque Edrianne sera parmi nous, je déteste me répéter.

- Hâtons-nous de la libérer dans ce cas, répondit Aerouant tentant de rebondir après le refus d’Azaram.

- Montre moi ta pierre-cœur Aerouant, s’exclama Amidaraxar. Je sais que tu l’as récupéré je sens sa magie d'où je suis.

Le draconien fit la moue, mais ne pouvait se soustraire à la demande il détacha une bourse de sa ceinture et en tira une pierre d’un bleu profond. Celle-ci était brute, non taillée et luisait légèrement dans la main du mage. Après une brève hésitation il posa la pierre dans la main que lui tendait le Néhantiste. Immédiatement le pierre se teinta jusqu’à devenir d’un bleu nuit.

- Ainsi je m’assure de ta fidélité et te permet d’améliorer les sorts de Néhant que tu utiliseras, ce qui va être le cas bientôt.

- Nous n’avons pas choisi cette ville par hasard, expliqua Azaram. Edrianne est secrètement emprisonnée ici. La libérer ne nous aurait pas posé de problème si les gardiens n’étaient pas les Chevaliers-sorciers de Dhun.

- Combien sont-ils ? Questionna Aerouant.

- A notre connaissance il ne sont “que” deux, dit Azaram.

- Je comprend mieux pourquoi vous avez besoin de moi, que ça soit vous deux ou n’importe lequel des démons, aucun ne peut en venir à bout. Vous avez besoin de ma cristalomancie n’est-ce pas.

Azaram fut agréablement surpris par la perspicacité du draconien.

- Tu t’en sens capable ? Ne t’en fait pas je serai à tes côtés, je suis à l’aise avec une Lame-démon en main.

- Les Chevaliers-sorciers de Dhun sont redoutables, mais il ne faut pas oublier que leur connaissance de la magie vient en partie de Dragon. J’en viendrai à bout.

- La nuit tombe, nous allons pouvoir agir.


Évidemment le lieu où Edrianne était enfermée n’avait pas l’air d’une prison au sens commun du terme. Là où on aurait pu s’attendre à une citadelle fortifiée on retrouve une bâtisse de taille modeste perdue à l’écart de la cité. Il fut facile pour les deux missionnés de se glisser jusque-là sans se faire repérer de qui que ce soit. Cachés derrière une vieille carriole abandonnée ils observaient les environs, cherchant le moindre signe d’activité. Mais rien ne bougeait à part les flammes des torchères encerclant la cour qui elle-même entourait la large maison.

- Il n’y a même pas de garde, ça sera plus facile que prévu, ironisa Azaram.

- Méfia... commença à dire Aerouant avant d’être interrompu par la soudaine apparition d’une personne.

Une large lame tenue par un large guerrier en armure plongea vers Aerouant. Azaram eut tout juste le temps de pousser Aerouant que leur agresseur levait à nouveau son épée pour poursuivre le combat. A présent au bord de la cour, ils virent mieux à quoi ressemblait leur adversaire. Il les dépassait d’une bonne tête, son armure ressemblait à celle des avaloniens mais à la différence que celle-ci semblait beaucoup plus légère vue les déplacements de son porteur. De large pans de tissus brodés de symboles cabalistiques indiquait son appartenance à l’ordre des Chevaliers-sorciers de Dhun. Son casque intégral ne présentait aucun orifice pour les yeux, la respiration ou la bouche. Azaram tenta de lancer un sort de Néhant mais se ravisa comprenant à qui il avait à faire, aussi dégaina-t-il sa lame-démon avant de revêtir son apparence démoniaque. Le combat s’engagea avec fracas et violence. Les forces semblaient inégale entre les protagonistes, les chevaliers-sorciers étant certainement les gardiens les plus défensifs qui existaient. La tactique était simple : repousser l’adversaire, l’empêcher d’avancer. Inutile de tenter de le fatiguer, celui-ci pouvait tenir le combat un temps extrêmement long. Il fallait faire vite avant que le deuxième Chevaliers-sorciers ne viennent se joindre au combat, auquel cas la mort les attendait. Azaram entreprit d’occuper l’adversaire en lui assénant des coups, alors que de son côté Aerouant se mit au travail. Il utilisa l’un de ses sorts de cristalomancie préféré parfois utilisé par Marlok. Son bras se recouvrit de cristal et une lame poussa dans prolongement de sa main. Il se contenta d’esquiver la lame, qui pouvait le terrasser en un coup, cherchant une faille dans l’armure.

- Qu’est-ce que tu fiches !? S'énerva Azaram croyant qu’Aerouant ne faisait rien.

Le Draconien vit alors la faiblesse du Chevalier-sorcier, lorsque celui-ci levait son arme pour frapper : son aisselle. Aidé par la magie il agit avec rapidité et frappa. La lame fit son œuvre et s’enfonça profondément. Puis avant que l’adversaire n’ait le temps de réagir il utilisa ses dons de cristalomancien et fit pousser des cristaux à l’intérieur du corps du Chevalier-sorcier, perçant à plusieurs endroit l’armure. Il s’écroula en se crispant.

- Magnifique ! S’extasia Azaram.

- Ne perd pas de temps et avance, je vais m’occuper de lui, dit Aerouant.

Le seigneur-démon tiqua, mais vu l’urgence il laissa là Aerouant et courut vers la porte de la bâtisse qu’il ouvrit d’un geste brusque. De son côté le Draconien utilisa sa magie sur le Chevalier-sorcier et son corps se couvrit d’une fine couche de cristal bleu. A l’intérieur Azaram tomba presque nez à nez avec le deuxième garde. Le rez-de-chaussé n’était qu’une grande pièce protégée de nombreux sorts. Edrianne se trouvait au centre dans une cellule de verre. Son immobilisme prouvait qu’elle était sous l’effet d’un sort de stase, utilisé souvent sur les prisonniers les plus dangereux. Le Chevalier-sorcier procéda de la même façon que son homologue à qui il ressemblait en tout point. Le Chevalier-sorcier agit avec célérité, surprenant Azaram qui para les assauts de son adversaire. Pourquoi avait-il écouté Aerouant ? Car il se retrouva vite surclassé par son adversaire. La lame coupa la chair épaisse du démon, puis du plat de son épée il donna un coup au niveau de la tête, l’envoyant valdinguer plus loin. Il perdit conscience immédiatement...

- Azaram ! Azaram !

La voix était celle d’une femme, pas n’importe laquelle, il s’agissait d’Edrianne, libre de ses mouvements.

- Que s’est-il passé ? Bégaya-t-il.

- Je suis arrivé à temps, dit Aerouant en montrant le Chevalier-sorcier figé telle une statue de cristal. Seul je n’ai pas réussi à renouveler l’exploit du premier combat. Alors je l’ai entièrement cristallisé.

- Je ne savais pas que ce draconien était avec nous, questionna Edrianne sur un ton de reproche.

- C’est une longue histoire, dit Aerouant. Je serais ravi de vous en dire plus, mais pas maintenant, et pas ici. Ce Chevalier-sorcier n’est pas mort, profitons-en pour partir. Je ne vous conseille pas de tenter de briser ou percer le cristal.

- Oui, partons, je ne suis pas en état, j’ai la tête qui va exploser, se plaignit Azaram en se relevant tant bien que mal.

Le groupe de Néhantistes quitta les lieux, la mission étant achevée avec un franc succès. Ils traversèrent la cour et s’enfoncèrent dans le bois qu’ils traversèrent sans rencontrer de problème. Regagner leur repaire ne fut alors qu’une simple formalité.

Aerouant venait de démontrer l’étendue de ses pouvoirs, les Néhantistes gagnèrent ce jour-là deux mages de valeur dans leurs rangs...

Chapitre 8 - La Porte du désert

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En dix ans, Mineptra n’était plus la même. Le père du prince Metchaf, accablé par la vieillesse, avait abdiqué, passant ainsi le relais à la nouvelle génération. Metchaf balaya l'hégémonie du dieu unique pour installer l’ancienne religion du royaume du désert. Les anciens dieux furent redécouverts et les lois interdisant leurs cultes furent abandonnées. De nouveaux temples furent construits et certaines peuplades qui vivaient dans la clandestinité de part leur préférence religieuse s’établirent dans la cité. Peu à peu Mineptra retrouvait l’ambiance et la splendeur d’un lointain passé.

- Pardon ! Pardon ! Hurlait la petite fille qui portait contre son cœur un papyrus enroulé.

A cette heure-ci la chaleur était insupportable pour les étrangers qui de plus en plus nombreux visitaient le désert d’émeraude. Mais pour les habitants de Mineptra la chaleur n’était plus qu’un détail, ils s’y étaient habitués. La petite fille courrait pieds nus sur le sol ardent sans ressentir la moindre gène. Son objectif se trouvait en dehors des grands remparts protégeant la cité des fréquentes tempêtes de sable. Elle se faufila sur le chemin courant de la route principale vers une ouverture entre deux gros rochers, sous le rempart. De l’autre côté, caché et isolé se trouvait le temple de Ptol’a récemment achevé. Une statue de la déesse gardienne de l’après-vie s’imposait au milieu d’un jardin jurant de part sa luxuriance. Le sommaire système d’irrigation, abreuvant les nombreuses plantes exotiques, permettait un tel prodige. Là, devant l’effigie des hommes et des femmes à genoux pleuraient leurs défunts, demandant à la déesse de prendre soin des êtres qui leur étaient chers dans la mort. La petite fille cessa de courir pour ne pas déranger et marcha jusqu’à l’entrée du temple, une bâtisse à moitié construite dans la roche et dont la partie visible se composait de quatre large murs lisses. Seul le mur de façade avait une ouverture, une porte suffisamment large pour laisser passer une civière lorsqu’une personne décédée était conduite vers sa dernière demeure. En effet, alors que les rites funéraires de Sol’ra préconisaient la crémation, Ptol’a souhaitait que les morts reviennent vers elle par un autre biais. Un peu intimidée la petite fille entra, il faisait frais à l’intérieur malgré la chaleur externe et les torches allumées. La première pièce, rectangulaire, servait de sas en cas de tempête de sable, il y avait d’ailleurs des petits tas de sable dans les coins. Une ouverture semblable à celle de l’entrée donnait sur la pièce principale, un lieu de culte où le prêtre de Ptol’a officiait. Il n’y avait pas ici le moindre son, même le prêtre, qui était là en train de prier devant une autre statue de Ptol’a, ne produisait pas le moindre bruit. Lorsque la gamine entra, le prêtre s’interrompit et leva la tête vers elle. Se relever sembla être pour lui un véritable châtiment, les heures avaient passé depuis le début de ses prières et il ne s’en était pas rendu compte. L’homme se saisit de son bâton surmonté de la tête de chacal, animal gardien de l’après vie et regarda de ses yeux dorés la petite fille qui était intimidée au point de rester figée.

- Approche, tu n’as rien à craindre de moi. Que viens-tu faire ici... Ptana, c’est ton nom n’est-ce pas ? Demanda-t-il en faisant tournicoter le bout de sa longue barbichette. Ravi de te rencontrer, je suis Netjhim, prêtre de Ptol’a.

Encore plus impressionnée elle adjoint à son immobilité un écarquillèrent les yeux. Elle acquiesça timidement tout en tendant son papyrus.

- Je vois, je ne m’offusque pas de ton silence, mais il va me falloir me dire qui t'envoie, dit-il d’une voix calme et incroyablement douce.

- Ha... Hakim.

- Et bien, soit remerciée pour m’avoir apporté cette lettre. Les pleureurs me laissent beaucoup trop de nourriture, regarde si quelque chose te plaît et ensuite retourne voir Hakim pour lui dire que j’ai bien reçu son message.

La petite fille se tourna vers l’endroit où des fruits et autres victuailles attendaient leur heure. Elle choisit un pain de viande et s’en alla très vite. Nethjim déplia le papyrus avec minutie et en lut le contenu. Les nomades avait la chance et le malheur de posséder une écriture incroyablement perfectionnée mais aussi souvent vague. C’est à dire qu’il fallait peu de pictogrammes pour vouloir dire beaucoup de choses, mais qu’en même temps il fallait une part d’imagination et d’interprétation. Cependant des codes existaient pour réduire cette interprétation.

- Pourquoi me demande-t-il cela ? Dit Netjhim comme s’il parlait à quelqu’un.

- Parce que cela le dépasse et nécessite une personne qui a une bonne connaissance des légendes du désert. Dit une voix féminine que seul le prêtre entendait.

- Comme moi... je vois. Qu’est-ce que le Conseil des guildes peut vouloir aux ruines qui parsèment le désert ?

- L’Equinoxe a commencé, elle sera bientôt à son paroxysme, les mortels s’agitent, les morts sont de plus en plus nombreux, dit Ptol’a à son prêtre.

- Les dieux se préparent-ils à s’affronter de nouveau ?

- Non, c’est autre chose dont même nous, dieux, en ignorons l’origine. Cela concerne les mortels.

- Inquiétant et passionnant. Je me prépare au voyage, les morts attendrons mon retour.

- A ton retour il nous faudra traiter d’une autre problème, tout aussi grave.

- A propos de ?

- Nous traiterons de cela plus tard, un problème à la fois, prêtre.

- Je vois, déesse.


Netjhim parti à dos d’alback une sorte de grosse gazelle capable de rester une semaine sans boire la moindre goutte d’eau. Dotée de sabots larges et plats l’alback se déplaçait sans beaucoup d’effort. Il suivit les indications données par le Conseil en se demandant comment cette organisation avait eu vent de l’existence de la ruine qu’on lui demandait de visiter. Était-ce un autre Nomade du désert qui avait fait un rapport ou des espions du Conseil parcourant le désert ? Netjhim avait de nombreuses théories qu’il vérifierait le moment venu. Et ce moment vint lorsqu’il vit un campement là où il devait se rendre. Plusieurs personnes sortirent des deux larges tentes au moment où il arriva. Leurs habits indiquait leurs origines : des serviteurs des Gardiens du temple, et donc par extension, d’Hakim. L’un des serviteurs se pressa d’aider le prêtre à descendre de sa monture avant de l’inviter à entrer dans une tente.

- Soyez le bienvenu...

- Netjhim, prêtre de Ptol’a.

La figure de l’homme fut d’un coup moins accueillante.

- Je vois que vous êtes des Serviteurs des gardiens du temple, de qui dépendez-vous ? Hakim ?

- Hakim oui.

- Je vois, c’est un homme... prévoyant. Parlez-moi de la ruine pour laquelle j’ai voyagé jusqu’ici. Je n’ai hélas guère de temps à accorder à cette histoire, vous comprendrez facilement que mes fonctions me demandent d’être présent au temple de Ptol’a.

- D’accord, dans ce cas ne tardons pas, c’est à peine deux dunes plus loin.

- Je vois... je vous suis.

Le serviteur et Netjhim sortirent de la tente pour partir en direction du soleil qui commençait à décroître à l’horizon. Peu de temps plus tard ils avaient parcouru la distance jusqu’à cette fameuse ruine. En apparence celle-ci n’avait rien de particulier, il s’agissait d’une porte de très grande taille dont il ne restait qu’un battant sur les deux.

- Et bien ? Une simple porte ? On m’a dérangé pour ça ?

- Je comprend votre étonnement mais si cette porte n’a rien d’exceptionnelle en apparence, sachez que c’est le lieu où nous nous trouvons qui est particulier.

- Qu’entendez-vous par là ?

- Je suis un historien royal, j’ai étudié chaque région du désert et leur histoire aussi loin que je pouvais. Sauf que nous sommes dans une des régions les plus dépeuplée et au passé sans faits notables. Donc cette porte est là, mais il n’y avait pas d’habitation autour, pas de palais, rien qui ne justifie qu’elle se trouve ici.

- Je vois... vous avez bien fait de me dire cela, j’ai jugé un peu précipitamment.

A ce moment là un autre serviteur qui fouillait les alentours appela. Il semblait avoir trouvé quelque chose d’intéressant.

- Regardez ! Regardez ! dit le serviteur en montrant un trou qu’il venait de creuser.

Au fond il y avait un objet brillant, l’historien sauta et dégagea la trouvaille.

- Qu’est-ce ? Demanda Netjhim piqué par la curiosité.

- Il y a plusieurs objets... et un squelette. C’est un homme en armure !

- S’il vous plaît, dégagez-le, demanda le prêtre aux deux serviteurs.

Une bonne demi-heure plus tard le squelette était remonté et conduit jusqu’au campement où les hommes du désert seraient plus à l’aise pour l’examiner. Ce guerrier mesurait deux mètres et la ligne de son armure indiquait qu’il devait être très svelte.

- Fais-le parler... souffla la voix de Ptol’a à Netjhim, il n’a pas rejoint l’après-vie.

Netjhim utilisa alors tout son savoir faire et demanda aux serviteurs de quitter la tente, il devait rester seul avec le mort. Après avoir défait son armure, il installa le squelette sur un des lits de camp, puis il entama une prière à Ptol’a. La déesse accorda à son prêtre le droit de contacter l’âme du défunt avant que celle-ci ne s’en saisisse. Il sentait que le guerrier était là, mais la déesse l’avertit, la magie était à l’origine de sa mort.

- Que veux-tu, humain ? résonna la voix du mort.

- Qui es-tu ?

- Je ne peux te le dire suis car je n’en ai pas le droit.

- Qui t’a ôté ce droit ?

- Ceci je peux le dire, se sont des créatures proches de Guem, ceux qui mangent les pierres.

- Qu’est-ce que cette porte ?

- Ceci je peux le dire, c’est une porte de l’Infini, elle a été brisée dans une grande bataille.

- Quand ?

- Bien avant que vous ne fouliez cette terre.

- Où menait cette porte ?

- Je ne peux te le dire suis car je n’en ai pas le droit.

- Je vois.

- Laisse moi partir à présent.

- Une dernière question, y a t-il d’autres personnes comme toi sur les terres de Guem ?

- Oui il y en a d’autres.

- A présent va, quitte ce monde physique et part dans l’après-vie.


La nuit tombait sur le campement, le groupe s’était réuni autour du prêtre pour connaître les suites de cette affaire qui intéressait tout le monde. Netjhim finissait d’écrire un rapport à l’attention d’Hakim et du conseil pour les informer des découvertes faites. Une fois fini, il s’adressa à l’historien royal.

- Dites-moi, que savez-vous sur les origines du désert d’émeraude ?

- Nul ne le sait, il n’existe aucun récit, ni aucun écrit sur les origines du désert, seulement une multitudes de théories parfois farfelues.

- Je crois que cette porte était là bien avant notre civilisation.

- Tout est possible, mais comment en avoir le cœur net ? demanda l’historien.

- Il existe des personnes qui pourraient nous le dire, j’ai fait une recommandation dans ce sens auprès de la guilde et du Conseil.

- Pourvu que l’on ait une réponse rapidement, nous allons continuer les fouilles demain, Netjhim, peut-être y a t il l’autre battant de la porte quelque part et d’autres squelettes gardés intacts sous le sable.

- Je vois. Moi qui pensais rentrer demain à Mineptra, je crois que je vais un peu prolonger mon séjour ici.

Chapitre 9 - Alliance

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La porte de bois de cerisier s’ouvrit lentement, découvrant une dame d’un certain âge à l’allure stricte et aux habits impeccables. Les affres de l'âge l’affligeaient d’une mauvaise vue aussi plissa-t-elle les yeux pour mieux voir le visiteur. La jeune femme qui se présentait ce jour-là n’était pas une inconnue. Son visage s’éclaira lorsqu’elle parvint à l’identifier. Sa voix trembla alors qu’elle se jeta dans les bras de la jeune femme.

- Maîtresse Yu Ling, cria-t-elle alors que s’échappaient des larmes de joie. Vous m’avez manqué !

- Toi aussi Yako, toi aussi, répondit Yu Ling en partageant cette étreinte.

Elle considérait Yako comme une mère d’adoption bien que celle-ci ne soit en réalité que la servante de sa famille. Elle avait trouvé avec elle une épaule bienveillante alors que sa propre mère était trop occupée à aider son père dans son entreprise de commerce. Mais depuis quelques années ses parents, enrichis au-delà de leurs espérances, profitaient d’une retraite ainsi que d’une confortable demeure sur les hauteurs de Meragi.

- Nous attendions votre venue avec tant d’impatience, dix ans d’absence.

- L’heure n’est pas aux reproches, mais aux réjouissances. Il est déjà là ?

- Oui, il est en ce moment même avec vos parents, dans le jardins près du bassin.

- Tout se passe bien ?

- Cela à l’air, c’est un homme délicieux.

- Attention Yako, je pourrais croire que tu veux me le voler, plaisanta Yu Ling.

La vieille servante sourit timidement tout en invitant sa jeune maîtresse à entrer dans la demeure familiale. La décoration, pour une maison Xziarite, était très chargée. Les parents de Yu Ling avaient fait le tour du monde et de leurs voyages avaient ramené des souvenirs, parfois assez encombrants, mais terriblement dépaysants. Elle traversa avec une certaine émotion la grande pièce à vivre où elle se souvint avoir provoqué mille catastrophes. La porte coulissante donnant sur le jardin était grande ouverte, laissant entrer un peu de fraîcheur après une journée de chaleur. Au dehors les éclats de rire de sa mère provoquèrent une désagréable sensation de fin du monde chez Yu Ling. Heureusement il ne se passait nulle moquerie comme elle aurait pu en douter car sa mère riait de bon cœur en réponse aux paroles d’un homme assis en face d’eux. Alors que son père lui restait impassible et sembla sortir des songes lorsqu’il l’aperçut. Il se leva alors pour accueillir sa fille. L’échange fut plutôt cordial entre eux, il n’y avait jamais eu d’effusions de sentiments entre ces deux là. Sa mère s’arrêta de rire et à son tour salua sa fille.

- Et bien quelle heureuse journée, que l’Empereur soit mille fois remercié de nous accorder autant de faveurs.

L’homme se leva à son tour, ses vêtements suivaient la mode Xziarite mais certains détails indiquaient qu’il faisait partie des Combattants de Zil. Yu Ling lui sourit et Kuraying fit de même. Le moment était plus que solennel, il était important pour tous les deux. Alors que les parents s'asseyaient côte à côte sur un banc, dos au bassin, Kuraying s’agenouilla dans l’herbe alors que Yu Ling se positionna quelques pas derrière lui. La mère de Yu Ling comprit immédiatement et en son fort intérieur son cœur se remplissait de joie. Kuraying s’inclina et posa son front contre l’herbe.

- Mon nom est Kuraying maître des ombres de la guilde des Combattants de Zil. Je viens vous demander de façon humble la main de votre fille Yu Ling car mon amour est sincère. Je la protégerai de ma vie, ce serait pour moi un véritable honneur que de faire partie de votre famille. La mère de Yu Ling ne retenait plus sa joie et cela se lisait sur son visage car elle affichait un sourire radieux. Pour ce qui est du père la réaction n’avait pas le même saveur. Afin d’imposer son autorité il se devait de rester impassible et maître de la situation. Il se remémorait le moment où lui-même avait dû affronter le père de sa future épouse. Le mot coutume prenait ici son sens le plus pur.

- Pourquoi t’accorderais-je la main de ma fille ? Tu voudrais me priver d’une partie de moi-même ?

- Je ne veux pas vous priver de votre fille mais au contraire faire partie de votre famille.

- Et toi ma fille, souhaites-tu que cet homme devienne ton époux ?

- Rien ne me ferait plus plaisir, dit Yu Ling.

- Dans ce cas je ne peux que vouloir le bonheur de la chair de ma chair. Kuraying je t’accorde la main de ma fille.


Le Seigneur Impérial Gakyusha avait convoqué la Kotoba sans donner la raison de tout ceci, Yu Ling tenait à annoncer en personne son mariage prochain. Presque tout le monde était là et la maison du chef de la Kotoba était pleine à craquer. Le jardin n’avait d’ailleurs plus sa magnifique couleur verte mais plutôt le rouge des tenues des membres de la guilde serrés les uns contre les autres. Au milieu de cette marée rouge Kuraying se sentait à la fois seul et à la fois parmi les siens. Très vite il fut questionné sur sa présence ici, mais il tint bon et ne donna aucun indice autre que “J’ai été invité par le Seigneur Impérial”.

A présent les lampions illuminaient la demeure et le moment était venu pour Yu Ling et Kuraying de faire leur importante annonce. Gakyusha, surplombant tout le monde demanda l’attention.

- Honorables membres de la Kotoba. Comme vous le voyez aux nombreuses boissons et autres victuailles, ceci n’est pas une réunion de guerre ! Les hommes rirent à la plaisanterie de leur chef.

- Non, le sujet de cette réunion est moins grave, quoi que, quelque part, je plains Kuraying. Place à Yu Ling et Kuraying qui ont quelque chose à vous annoncer.

Ils avaient tous le yeux rivés sur le couple qui s’avançait devant eux. Certains proches de Yu Ling connaissaient son histoire, aussi ceux-là devinèrent aisément le contenu de leur annonce.

- J’ai beau avoir voué ma vie à chasser les créatures sanguinaires et les ennemis de l’Empire, il est venu le temps de penser aussi à moi. J’ai connu Kuraying il y a plus de vingt ans. Nous n’étions guère plus que des enfants à cette époque, mais déjà nous parlions de passer notre vie ensemble. Hélas mes erreurs m’ont éloignée de lui pendant des années. A présent nous nous sommes retrouvés et avons renoué le lien de la confiance. Nous sommes heureux de vous annoncer que nous allons bientôt célébrer notre mariage.

Kuraying pris la main de Yu Ling tout en lui adressant un regard affectueux sous les encouragements et les félicitations des membres de la Kotoba. Le Zil prit la parole à son tour.

- Merci à tous, nous vous convions tous à la cérémonie qui se tiendra dans une semaine au Temple des ancêtres. Ce serait un grand honneur pour nous que de vous avoir pour célébrer notre union.


Une semaine plus tard, c'était l'effervescence au Temple des ancêtres. Celui-ci fut construit quelques temps après la guerre de Sol’ra comme un lieu de paix où toute personne cherchant un refuge pouvait s’y arrêter. Il se trouvait sur la nouvelle route entre la Draconie et l’Empire de Xzia, à peu près à mi-chemin. Depuis quelques jours la Kotoba et les Combattants de Zil avaient littéralement pris d’assaut la forteresse au grand dam des quelques membres des Envoyés de Noz’Dingard aussi invités. L’ambiance était très festive, les ennemis d’autrefois se côtoyaient et riaient ensemble. Ce mariage était important car il scellait une forte alliance entre la Kotoba et les Combattants de Zil, quant aux Envoyés de Noz’Dingard ils profiteraient de l’événement pour renouveler les serments passés.

Mais ce mariage n’était pas du goût de tous. Une personne précise n’appréciait pas que Yu Ling se marie avec un perfide Zil. Asajiro ne digérait pas l’affront qui était fait à sa guilde. Depuis l’annonce faite chez le Seigneur Impérial, l’officier de la Kotoba ruminait son mécontentement, ne comprenant pas que ses amis de la Kotoba se réjouissent. Une alliance avec les Combattants de Zil, impossible selon lui. Il se devait d’agir ! Pour cela il s’était décidé à éliminer Kuraying. Il n’aimait pas cette manière d’agir, mais il ne se permettrait pas une attaque à l’arme blanche. Aussi il choisit le déshonneur par l’utilisation d’un poison. Le plan était parfait, trinquer avec l'intéressé qui ingérerait le poison. Quelques jours plus tard celui-ci décéderait après avoir vomi sang et tripes.

Manque de chance, coïncidence ou espionnage, toute cette histoire vira très vite à la catastrophe.

L’heure était venue. C’était devant plus de deux cent personnes que les deux amoureux échangeaient leurs vœux, se promettant un amour éternel et une protection mutuelle. En coulisse Asajiro s’était faufilé dans la salle de réception où devait être dignement fêté ce mariage. Il s’approcha de la table d’honneur et versa dans le saké offert par l’Empereur en personne un peu d’une poudre verdâtre. Il reboucha ensuite la bouteille et quitta le plus discrètement possible la salle afin que son absence ne soit pas remarquée.

Kuraying et Yu Ling étaient désormais mari et femme. La salle de réception était à présent envahie par trois couleur, le rouge, le violet et dans une moindre mesure, le bleu. Gakyusha, qui à cet instant représentait l’empereur servit une lampée à Kuraying qui comme le voulait la tradition devait boire seul le présent. Le jeune marié s'exécuta devant ses invités alors qu’Asajiro savourait déjà sa victoire. Ce fut le lancement des festivités qui dureraient toute une nuit.

Asajiro ne voulut pas participer, jugeant qu’il avait fait ce qu’il devait, il sortit du temple. Il marcha un instant en réfléchissant à son acte et surtout à ses sentiments. Lui aussi connaissait Yu Ling depuis bien longtemps, lui aussi l’aimait. C’était une raison de plus d’agir comme il l’avait fait. Perdu dans ses pensées il ne vit pas Erevent, un mage des Envoyés de Noz’Dingard approcher et sursauta lorsque celui-ci lui adressa la parole.

- Asajiro de la Kotoba ?

- Oui ?

- C’était une belle cérémonie n’est-ce pas ?

- Très belle.

- J’ai particulièrement apprécié lorsque Yu Ling fit mine d’hésiter à prendre Kuraying pour époux, vous aussi.

- Il est vrai que cela a détendu l’atmosphère.

Erevent plongea son regard dans celui d’Asajiro et son visage exprima la contrariété.

- Je n’aime pas le mensonge et je n’aime pas non plus les tentatives d’assassinat !

Asajiro allait réagir lorsque deux Sorcelames tenant leurs armes apparurent par magie. L’officier de la Kotoba hésita, il n’avait pas d’arme à ce moment précis, il devait rester maître de lui.

- Nous avons préféré attendre que vous soyez seul pour ne pas perturber les festivités. Voyez-vous lorsque l’on côtoie des Zil, on peut s’attendre à de la fourberie, aussi nous avions prévu diverses protections magiques pour que tout se passe au mieux. Nous savons ce que vous avez fait et je puis assurer que Kuraying ne souffrira d’aucun maux puisque le poison a été neutralisé.

- Je ne vois pas ce que vous voulez dire.

- Asajiro, nous vous arrêtons pour tentative de meurtre.


Chapitre 10 - Saccage

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- Toutes les pièces sont sur l'échiquier et le roi noir bouge...


Depuis plusieurs semaines les Néhantistes cachés dans une cité d’Yses travaillaient avec acharnement à monter un plan d’envergure. Leur but : faire perdurer le chaos provoqué par la guerre civile dans la Draconie. A présent la petite ville était sous leur contrôle, les personnes les plus importantes obéissaient aveuglement à Aerouant qui profitait des enseignements d’Edrianne et d’Amidaraxar. A présent le groupe ne prenait plus la peine de se cacher et circulait au grand jour. Un peu à l’écart, sur une placette de terre battue les Néhantistes faisaient le point sur leurs avancées et sur la suite du plan.

- Je suis satisfait de vous, dit Amidaraxar, il est temps de passer à l’étape suivante et cruciale. Azaram où en sont les costumes ?

- Ils sont achevés. Grâce aux descriptions et aux connaissances d’Aerouant les Draconiens ne pourrons pas faire la différence entre nos soldats et ceux d’Arpienne. L’illusion sera parfaite, le Seigneur-Dragon de Kastel Levarak n’y verra que du feu.

- Excellent, dans ce cas vous partirez dès demain, répondit Amidaraxar.

- Vous ? Tu ne nous accompagnes pas Amidaraxar ? Demanda Aerouant sur le ton de l’étonnement et de la déception.

- Non, Edrianne et moi-même partons sur une autre affaire plus importante. Je vous confie la direction de cette opération. Aerouant, tu as bien progressé, tu es désormais un véritable Néhantiste, tu n’éprouves aucune pitié et c’est une valeur pour nous autres car cela permet de donner le meilleur de nous-même pour servir la cause de notre maître.

Aerouant baissa la tête en remerciement des éloges.

Amidaraxar et Edrianne étaient partis depuis quelques heures. Aerouant et Azaram avaient ordonné à leur armée de marionnettes humaines de se mettre en place avant un départ immédiat. L’un et l’autre savouraient déjà leur future victoire et la bataille à venir.

- Il nous reste un peu de temps avant de partir, accepterais-tu de trinquer avec moi ?

Depuis qu’il était devenu un démon, Azaram avait perdu les moments savoureux de sa vie précédente. Cela éveilla chez lui un désir éteint depuis bien des années.

- D’accord, faisons cela, nous pouvons bien nous accorder un moment de détente avant notre départ.

- Bien, j’ai repéré une taverne deux rues plus loin, nous y seront à l’aise.

Les deux hommes marchèrent jusque-là, évoquant la victoire, exultant par avance du désordre que cela allait provoquer et à l’avenir sanglant qu’ils préparaient pour la Draconie. La taverne était déserte, l’intégralité des habitants, donc des clients et de la direction, était sur la grande place, attendant bien sagement les ordres des Néhantistes. Aerouant invita Azaram à s'asseoir à une table et alla jusqu’au comptoir pour prendre une bouteille d’alcool et deux verres. Il posa lentement les deux verres sur la table et commença à verser le liquide à l’odeur sucrée. - Ce verre-là, dit-il en engloutissant le liquide, c’est pour cette journée qui restera à jamais dans ma mémoire.

- Tu exagères Aerouant, il y aura d’autres jours à venir qui seront encore plus exaltants, comme le jour où nous ferons revenir Néhant, dit Azaram en buvant son verre.

Aerouant se resservit un autre verre en fixant Azaram.

- Je ne pense pas, pour moi c’est un grand jour. Ce verre-là, dit-il en le montrant au démon, c’est pour mon père ! Tué par Dimizar.

Azaram fronça les sourcils, quelque chose n’allait pas. Aerouant vida son verre et le reposa avec force sur la table. A ce moment-là les murs, le sol et le plafond brillèrent d’une faible lueur bleue. Une personne apparut à côté d’eux : le Maître-Mage Pilkim. Voyant cela, le Seigneur Démon se leva d’un bond en faisant apparaître sa lame-démon. D’un geste ample Aerouant lança un sort de lumière, comme une colonne de lumière bleutée droit sur Azaram. Ce dernier fut projeté avec fracas contre le mur quelques mètres derrière lui. Incapable de faire le moindre mouvement il tenta de prendre la fuite en ouvrant un portail démoniaque et ainsi se réfugier dans les méandres. Si le portail s’ouvrit correctement, en revanche il fut impossible pour le démon de l’emprunter.

- Impossible de fuir démon, dit Pilkim en s’avançant. On peut entrer dans cet espace, mais on ne peut pas en sortir, tu es fait comme un rat.

- Quoi !? Cria Azaram avec rage. Comment est-ce possible !? Ajouta-t-il en regardant Aerouant.

- Oh ! Tu parles de ma pierre-cœur et du fait qu’Amidaraxar l'a corrompu ? Demanda Aerouant alors que la-dite pierre tournait autour de lui. Et bien, c’est une copie conforme de ma véritable pierre-cœur qui est en ce moment liée à Dragon. Les Lieurs de pierres ont fait un travail admirable !

- Mais tu n’as plus de lien avec Dragon !

- Mmm en fait il l’a toujours, et de ce côté-là c’est moi qui ai fait le travail, expliqua Pilkim, j’ai juste fait en sorte que vous ne le voyez pas.

- Tout cela était planifié, s’écria Azaram comprenant la manœuvre.

- Depuis le début. Les soldats draconiens que j’ai tué ne sont pas morts, c’était une simulation, il en est de même pour les deux chevaliers-sorciers de Dhun qui ont pris de gros risques dans cette opération. Par contre, j’ai réellement été un bon élève dans la magie de Néhant, car je voulais combattre le feu par le feu. Tu vas vite comprendre.

- Tu n’es pas le plus gros des poissons que nous voulons arrêter, nous avons plusieurs cibles, et tu vas nous aider dans notre tâche, ironisa Pilkim.

- Jamais, tuez-moi si cela vous fait plaisir, mais je ne trahirai jamais Néhant !

- Oh, mais bien sur que tu vas les trahir, même si c’est contre ta volonté, n’oublie pas que l’on m’a tout appris ou presque du Néhantisme, je sais faire plier les gens à ma volonté, et les démons n’échappent pas à ce pouvoir !

Pilkim prit le relais d’Aerouant et immobilisa par la magie Azaram dont la colère ne faisait que s’amplifier. L'arrière petit-fils de Dragon utilisa sa fausse pierre-cœur et son savoir pour soumettre le Seigneur Démon à sa volonté. Le combat mental et magique fut difficile, mais Aerouant se préparait depuis des mois à ce moment précis. Affaibli, Azaram ne pu contrer Aerouant et finalement il perdit le combat et se retrouva immobile, dénué de toute pensée de révolte, il n’obéissait plus qu’au Draconien. Pilkim relâcha son étreinte et libéra le démon.

- Tu es prêt mon ami ? Demanda-t-il à Aerouant. Ce combat là va être plus difficile, et n’oublie pas, il s’agit de ne pas tuer notre cible.

- J’ai expérimenté le sort sur le Chevalier-Sorcier de Dhun, je peux le faire sans tuer la victime.

- Espérons sinon tout cela n’aurait servi à rien, tuer un démon ici c’est le renvoyer dans les Méandres et il reviendra un jour ou l’autre.

- Je sais. Par contre avant de commencer, tu es sur de vouloir commencer par ces démons-là ? Fournaise est aussi puissant.

- Fournaise sera le prochain, les tourmenteurs connaissent trop la Draconie pour qu’on les laisse agir. Les habitants sont bien réunis sur la place du village ? Ils ne risquent rien ? S’inquiéta Pilkim.

- A priori non, mais il faudra faire attention lors de l’affrontement, dit Aerouant en faisant apparaître une lance faite entièrement de cristal brut et coupant dans sa main.

Pilkim quant à lui posa sur une des tables de la taverne une petite boite qui se trouvait dans un sac de toile pendant à sa ceinture. Un petit “clic” plus tard, il en tira une large pierre-cœur à la teinte violette pourvue de stries blanchâtre. Pilkim ferma les yeux quelques instants et souffla longuement.

- Vas-y, ordonne lui d’invoquer les Tourmenteurs, dit Pilkim.

- Azaram, je veux que tu invoques sur l’instant les démons connus sous les noms de Cauchemar, Peine et Souffrance ! Demanda Aerouant.

Incapable de résister le Seigneur Démon s'exécuta sur le champ et ré-ouvrit un portail démoniaque, cette fois dans l’optique d’invoquer les tourmenteurs. Le premier à apparaître, pour son plus grand malheur, fut Cauchemar. A peine se matérialisa-t-il devant Azaram qu’Aerouant le prit par le cou et lança une décharge électrique pour le neutraliser, suite à quoi il enchaîna avec un sort qui cristallisa le démon. Dans la foulée Peine apparut par le portail crépitant d’énergie Néhantique. Aerouant s’élança avec l’idée de reproduire la même attaque sur ce démon-ci, sauf qu’il s’arrêta, assailli par la peine provoquée par cette vieille blessure qu’est la disparition de son père plus de dix ans plus tôt. Accablé, il rata son attaque et sans la réactivité de Pilkim, Aerouant se serait retrouvé en fâcheuse posture. Peine fit un bond sur le côté pour ainsi s’éloigner des deux Draconiens, elle vit Cauchemar entièrement couvert de cristal bleu et comprit qu’elle était tombée dans un traquenard. C’est alors que le troisième tourmenteur montra le bout de ses cornes, Souffrance et son aura de douleur était là. Pilkim tira Aerouant vers l’arrière tout en annulant l’effet de Peine, redonnant courage et réactivité à son ami. Les deux démons analysaient la situation : Azaram avait l’air d’un légume et Cauchemar d'une statue. Sans aucune hésitation Peine sauta sur Souffrance et tous les deux s’agglutinèrent instantanément.

- Cela risque d’être un sacré combat, ironisa le Maître-Mage tentant d’immobiliser les deux démons avec des sorts renforcés par la pierre-cœur du Mangepierre des Confins.

La transformation s’acheva en un clin d’œil. Désormais les Draconiens avaient en face d’eux l’un des plus dangereux démon connu à ce jour : Tourment. De façon naturelle le démon fit apparaître d’un claquement de doigts une pierre-cœur Néhantique.

- Hahaha, petits humains, votre magie est sans effet sur m...

- C’est ça...

Le Maître-Mage Pilkim rabattit le caquet du démon en claquant à son tour des doigts. La pierre-cœur Néhantique explosa dans une gerbe de fumée.

- Raté, plaisanta Aerouant en sautant sur Tourment lance en avant.

La violence du combat fut telle que la vieille bâtisse ne résista pas à la force du démon et à la magie des Draconiens. Malgré les assauts et les premières blessures infligés aux Draconiens, ceux-ci se contentèrent de suivre à la lettre leur plan. La rue devint vite un véritable chaos et les maisons aux alentours en firent les frais. Le Maître-Mage Pilkim tissaient des sorts magiques et peu à peu il fit en sorte de ralentir le démon. Pendant ce temps Aerouant utilisait sa magie au contact, il cristallisa vite un bras de son adversaire, puis le deuxième. Durant une heure la cité fut mise à mal par ce combat incroyable mais qui n’avait pas d’autres témoins que ceux qui y participaient.

Tourment, ne pouvait plus faire le moindre geste. Entre Pilkim qui le retenait grâce à des fils magiques dont la puissance était démesurément augmentée par la pierre-cœur du Mangepierre, et le fait qu’il était en partie couvert de cristal c’en était fini pour lui. Aerouant termina là son œuvre et Tourment devint un immense bloc de cristal bleu.

- Objectif un atteint, dit Pilkim en stoppant ses sorts. C’était pas une mince affaire.

- Il fera bien, près de la cheminée, plaisanta Aerouant en rigolant. Bon, ça c’est finalement bien passé. A qui nous attaquons nous ensuite ?

- J’ai promis à Moîra que nous aurons Mortelame. C’est un démon difficile à attraper et qui fait finalement beaucoup de victimes. En attendant il faut continuer à faire croire que tu es un Néhantiste le temps que nos espionnes de charme et de choc nous fassent un rapport sur ce que font Amidaraxar et sa clique. Je vais faire disparaître les traces de notre combat, les Néhantistes ne sauront rien de ce qui s’est passé ici.

- J’espère, sans quoi ma couverture sera bonne pour la poubelle.

- Beau travail en tout cas, et ne t’en fait pas pour nos amis du Compendium, ils finiront par comprendre lorsqu’ils auront achevé leur petite gueguerre. Bref, ton père serait fier de toi.

- Oh mais il l’est... il l’est...

Chapitre 11 - Interception

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- Stop, attendez... quelque chose ne va pas, déclara Théya.

La jeune Equinoxienne arrêta le groupe au beau milieu d’un large chemin de terre et de cailloux. Voilà plusieurs heures qu’ils longeaient l’orée d’une forêt de longs conifères où les biches, les lapins et autres sangliers étaient les seuls habitants. Pourtant l’Equinoxienne traînait cette impression d'oppression, d’être observée sans voir quiconque aux alentours. A présent elle en était persuadée il y avait bien quelqu’un ! Cela ne pouvait venir que de derrière ces arbres car de l’autre côté du chemin s’étendaient de grandes plaines couvertes d’une herbe rase. L’Etranger empoigna son arme et guetta les environs. Kolère totalement soumis aux Equinoxiens se transforma en volk-garou et huma l’air à la recherche d’une odeur inhabituelle. Au début les senteurs de la terre humide et des arbres l’assaillirent, puis vinrent des odeurs plus discrètes, celles d’animaux. Enfin derrière tout cet enchevêtrement olfactif Kolère décela ce qui confirmait les craintes de Théya. C’était une odeur sucrée et forte, celle d’un miel parfumé qu’affectionnaient Sangrépée et Sansvisage. Lui-même y avait goûté à maintes reprises. Il prévint immédiatement ses compagnons de route en montrant une direction.

- Nous sommes grillés ! A l’attaque ! Hurla Farouche en bondissant.

Les Combattants de Zil observaient les Equinoxiens depuis un bon moment déjà, rongeant leur frein en attendant le moment opportun pour agir. Il avait fallu un dispositif ingénieux et ils remerciaient grandement la magie de l’ombre de leurs confrères mages pour les avoir aidés dans cette mission. Ce temps d’observation leur permit d’établir un plan d’attaque, une tactique... de meute ! Aussi une fois découvert ils s’élancèrent avec plus ou moins de rapidité. Farouche, Sombre et Sangrépée furent les plus rapides, leur objectif à elles était la femme Equinoxienne tandis que le Brutus avait pour tâche d’immobiliser et d’écarter Kolère du combat, enfin Nard, Sansvisage et l’Epouvanteur s’occuperaient de l’Equinoxien en armure. La Meute n’avait pas pour renommée la finesse d’action de ses membres et cette attaque-là contribuerait à confirmer cette réputation. Le groupe d’Equinoxien ne put au départ que se placer de façon défensive à trois contre sept la partie était loin d’être gagnée. Farouche pensait que cela serait rapide, violent et facile pour son groupe mû par la vengeance. Ce fut vrai pendant la bonne moitié du combat.

Brutus, un bras autour du cou d’un Kolère suffocant eut suffisamment de matière grise pour comprendre le plan et commença à s’écarter du groupe.

Dans la mêlée l’Equinoxienne se retrouva débordée et flanquée par ses assaillantes. Elle esquiva quelques coups qui l’auraient à coup sûr mise au tapis. D’un geste rapide elle tira une dague et trancha dans le cuir du fouet puis plongea entre Sangrépée et Sombre pour ne plus être encerclée. Tout en se relevant elle lâcha sa dague pour se saisir de sa flûte traversière. Elle souffla à l’intérieur et joua quelques notes. Étrangement l’instrument de musique ne produisit aucun son. Pourtant il y avait bel et bien un effet magique qui se manifesta car apparurent une sorte de gros renard au pelage argenté. Sombre profita de l’immobilité de son adversaire pour plonger une dague entre deux côtes.

- Je l’ai eu ! Cria la jeune femme.

La joie fut de courte durée car Théya décocha une gauche sur le visage de Sombre qui recula de plusieurs mètres. Puis le visage haineux elle retira la dague de son côté.

- Fini de rire... dit-elle avant de reposer sa flûte sur ses lèvres et de jouer quelques notes, cette fois parfaitement audibles.

La lumière changea, devenant rouge sombre, elle se servait de l’Equinoxe pour améliorer ses pouvoirs et ceux de l’Etranger. En parlant de lui, le pauvre avait beaucoup de mal à se défaire des trois Zil qui lui menaient la vie dure. S’il pouvait parer l’imposante épée de Sansvisage, il avait bien plus de difficultés contre l’Epouvanteur et Nard, la nouvelle arrivée dans la Meute. Alors que l’un s’employait à tenter de l’immobiliser, l’autre s'amusait à soigneusement détruire son armure, ce qui eut pour effet de le mettre dans un état de rage. L’Etranger se focalisa sur le plus gros des trois et lui assena de large coups en prenant son épée bien fermement à deux mains. Puis alors que Sansvisage se protégeait, l’Etranger porta alors un coup de côté de toutes ses forces et du plat de la lame. L’Hom’chaï le reçu sur le côté du visage et se retrouva assommé. Cette petite victoire renforça la détermination de l’Etranger et il allait désormais s’en prendre à cette femme qui détruisait son armure lorsqu’il ressentit les effets de l’Equinoxe.

Le pouvoir afflua et les Equinoxiens inversèrent le cours de cette rixe. Les Combattants de Zil se rendirent compte que Théya était beaucoup moins sensible aux coups. La stratégie mise en place fut ébranlée lorsque Sangrépée changea de cible pour venir en aide à son ami Sansvisage. L’Etranger n’arrivait pas à se débarrasser de Nard qui était bien trop rapide pour lui. Il reporta son attention sur l’Epouvanteur et aidé par l’Equinoxe l’empoigna et le projeta sur Nard, mettant un terme à l’affrontement. Ne lui restait plus qu’à aller aider Theya à se débarrasser des trois folles furieuses qu’elle combattait.

Dans ce chaos, aucun des deux partis ne s'aperçût de la présence d’une autre personne. Quelqu’un regardait la scène derrière un arbre, jaugeant les forces, examinant d’un œil critique chaque participant. Son visage avaient de nombreuses similitudes avec ceux de l’Etranger et de Théya. D’ailleurs sa tenue aussi, comme un écho, rappelait celle des Equinoxiens et pour cause lui-même en était un ! Pourtant il était beaucoup moins strict dans sa tenue que les deux autres, sa tunique était trouée à de nombreux endroits et son armure, peut-être complète autrefois ne protégeait plus que ses jambes tout en étant en partie rapiécée. La seule pièce de son équipement véritablement impeccable était une superbe épée qui d’un côté comportant un tranchant et de l’autre de petites lames. Il passa à l’action lorsque la moitié des Combattants de Zil furent neutralisés et que le plus imposant, à savoir Brutus, était trop occupé à maintenir Kolère. Lui aussi profitait de l’Equinoxe et de ses pouvoirs, il comptait bien s’en servir pour parvenir à son but. Tel un lion il se jeta sur l’Etranger dont il déchira le plastron de l’armure avec son arme. Théya resta figée en voyant la scène, elle reconnut cet homme qui venait de se joindre à la mêlée.

- Toi !? Cria-t-elle.

Le nouvel arrivant arracha le masque de l’Etranger avant de lui donner un coup de tête, écrasant son nez. Puis il le projeta sur Nard et l’Epouvanteur qui se relevaient. Les deux Zil ne manquèrent pas l’opportunité pour finir l’Equinoxien et le mettre KO. Farouche remarqua vite que ce nouvel arrivant leur venait en aide malgré son appartenance visible à la même faction que leurs adversaires. Le nouvel arrivant se tourna vers Théya qui allait à nouveau porter à ses lèvres la flûte traversière. Ni une ni deux il planta sa lame dans le renard argenté et assena un coup de pied dans le ventre de l’Equinoxienne qui en eu le souffle coupé. La lumière redevint ce qu’elle était alors que ce guerrier Equinoxien se plaçait derrière Théya pour mieux se saisir d’elle. Farouche arrêta Sombre avant que cette dernière n’attaque à nouveau. Mais le nouvel arrivant n’avait pas l’air décidé à les laisser faire.

- Merci de nous avoir aidé, dit Farouche.

- Je ne vous ai pas aidé dit l’intéressé en reculant, la lame de son épée sous la gorge de l’Equinoxienne.

- Dans ce cas on a un problème, répondit Farouche en regardant si ses compagnons étaient en état. Qui es-tu et d’où viens-tu ?

- Je ne vois pas de problème et je ne cherche pas à en avoir, du moins pas avec vous.

Puis toujours en reculant.

- J’ai un compte à régler avec celle-là, dit-il en montrant Théya. Je vous laisse l’autre en cadeau.

Farouche montra les crocs, elle n’aimait pas qu’on lui vole ses jouets, encore moins lorsque cela avait trait à une affaire importante. Que devait-elle faire ? Tenter le tout pour le tout et combattre ce nouvel Equinoxien, au risque que ce dernier tue Théya ? Ou bien fallait-il se contenter de l’Etranger ? Elle ne voulut pas tenter le coup.

- D’accord, tu peux partir, après tout tu nous a effectivement aidé.

L’Equinoxien et sa prise reculèrent jusqu’à la forêt, puis quelques instants plus tard ils ne furent plus visible. Farouche s’approcha de Sombre, glissa quelques mots à l’oreille de Sombre qui s'éclipsa pour suivre les Equinoxiens.

- Bon et bien tout ça se complique un peu, mais au moins nous avons une prise. Sang’ nous sommes où par rapport au Château de Kaes ?

L’Elfine qui prenait soin de son ami Hom’chaï farfouilla dans son sac pour en sortir une carte grossière dessinée à la va vite. Après un calcul savant elle déclara qu’il fallait à peine quelques jours de marche pour arriver au Conseil des guildes.

- Alors on saucissonne le paquet et on se met en route.

Chapitre 12 -  Réunion des Guildes

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Le visage fermé, Abyssien marchait d’un pas énergique. Durant plusieurs heures il s’était employé à essayer de faire parler un prisonnier capturé quelques jours auparavant par la Meute des Combattants de Zil. Le résultat de l’interrogatoire était loin de ce qu’il espérait et il lui fallait maintenant annoncer aux autres cette contrariante déconfiture. Lorsqu’il ouvrit la porte de la salle de réunion du Conseil, il ne s’attendait certainement pas à voir toute l’assistance rassemblée là, il en fut d’ailleurs étonné. Vérace semblait avoir une discussion mouvementée avec un homme qu’Abyssien ne reconnu pas de suite puisque de dos. Les autres examinaient des parchemins étalés sur l’imposante table monastère, un des rares meubles datant de l’époque pré-Conseil des guildes. Marlok vit entrer son ami et coupa sa discussion d’avec Chantelain pour venir aux nouvelles.

- Abyssien, alors qu’as-tu appris de notre... invité ? Demanda le draconien.

- Qu’est-ce qu’il se passe ici ? Contre interrogea Abyssien.

- A oui effectivement tu n’es pas au courant. Peu après que tu sois parti pour les geôles, Ciramor est arrivé avec des nouvelles fraîches et des rapports en provenance de certaines guildes. Depuis nous nous employons à remettre ensemble les pièces du puzzle les unes avec les autres.

- Je risque de n’apporter que peu d’eau à notre moulin, j’ai en réalité découvert que peu d’informations. Disons que la plus importante des découvertes est le fait qu’il est protégé par une forme de magie. C’est comme une sorte de défense mentale. Ma magie de l’Ombre agit correctement, mais au moment où le prisonnier va pour parler rien ne sort de sa bouche. Il faudrait que tu te penches sur ce cas tu seras peut être capable de déceler une faille dans sa défense. Bref, à part cela, rien de rien, impossible de savoir quoi que ce soit sur lui et les autres de son espèce.

- Ce que tu me dis confirme les craintes que nous avons...

A ce moment là Vérace demanda le silence afin de s’adresser à tous les membres du Conseil des guildes.

- Avant toute chose je tiens à remercier Ciramor pour sa coopération très active dans cette affaire qui devient la priorité absolue du Conseil. Je déclare par là même que nous passons en gestion de crise, ce qui implique qu’aucun d’entre vous ne doit quitter le château et que les représentants des guildes sont convoqués sur l’heure. Je laisse la parole à Ciramor qui intègre temporairement le Conseil pour qu’il vous informe de la situation.

- Merci Conseiller-Doyen. Je vous en prie prenez place, dit-il en montrant la table. Ce que j’ai à vous dire et vous montrer est primordial, aussi je vous demande la plus grande attention. Je révélerai ces informations lors de la réunion des guildes...


Voilà bien des années que le château de Kaes n’avait pas connu autant d’effervescence. L’imposant édifice ne pouvant accueillir tout le monde il fut décidé d’installer les délégations sur les grandes étendues environnantes. Il y avait désormais un immense campement multicolore où battaient au vent les différentes bannières des guildes qu’elles fussent majeures ou non. Les réunions des guildes étaient rarissimes, et à vrai dire il n’y en avait pas eu depuis la fin des tragiques événements de la pierre tombée du ciel et de la guerre contre l’avatar de Sol’ra. Les serviteurs du Conseils courraient dans tous les sens pour que la logistique soit convenable et que les membres des guildes ne manquent de rien. Et alors que dehors se déroulait comme le voulait la tradition, un tournoi inter-guilde, dans la grande salle d’audience les derniers représentants s'installaient. Devant eux tous les sièges des Conseillers étaient occupés à part celui du Conseiller-Doyen Vérace, ce dernier se dirigeant vers le large pupitre de bois massif afin de débuter la séance. Il frappât trois coups sur le sol du bout de son bâton de cérémonie.

- Au nom du Conseil des Guildes je suis ravi de vous accueillir ici et heureux de voir que toutes les guildes ont réussi à être représentées. Je tiens à vous remercier pour votre présence. Vous avez tous été informé de l’affaire qui vous amène ici, je vais céder la place au Conseiller Ciramor qui va faire un point précis sur la situation.

L’héritier d’Eredan au visage tiré et à la barbe fournie fit face à son oratoire. Un bref instant il sentit le poids de sa fonction, être Gardien impliquait beaucoup et il avait toujours douté d’être capable d’accomplir les prouesses qu’on attendait de lui. Il respira un bon coup et se lança.

- Cette histoire commence il y a plus de dix ans, par une découverte. Sangrépée et Sansvisage membres des Combattants de Zil ont trouvé une porte gigantesque dont l’encadrure était faite de racines entremêlées, un style proche de celui des habitations Eltarites. Cette porte s’est entrouverte et en est sorti celui que nous connaissions sous le nom de protecteur Kolodan et qui deviendra Kolère. Puis la porte disparut. Plus tard, alors que le prêtre-roi Ozymandias n’abritait plus la puissance divine de Sol’ra et que moi même je dirigeais les démons et autres Néhantistes contre les forces réduites des Guildes, Dragon est apparu et a capturé l’essence de Néhant. Puis il a fait apparaître une porte de grande taille avant d’attirer son ennemi avec lui de l’autre côté. Puis la porte disparut.

Dans l’Empire de Xzia, la Kotoba recherchait un Karukaï, un esprit puissant nommé Yakoushou. C’est la coalition formée de la Kotoba et des Combattants de Zil qui permit de le retrouver en fâcheuse posture. Une personne qui s’avère être à l’heure actuelle dans une cellule du Conseil était alors entrain de littéralement aspirer la magie de Yakoushou pour permettre à une porte magique au style purement xziarite de s’ouvrir. En est sortie une femme au physique proche de celui que nous nommons l’Étranger. Puis la porte disparut. Alors que je poursuivais cet homme et cette femme jusqu’aux abords de la forêt Eltarite, ceux-ci  on ensuite tenté d’ouvrir la porte par laquelle était arrivé Kolère. Heureusement,alors que j’étais en fâcheuse posture, la Cœur de sève est intervenue, à fait fuir les... envahisseurs et empêchée l’ouverture de la porte.

Selon un rapport en provenance des Nomades du désert une autre porte, cette fois dans uns style local, a été trouvée, enfouie en partie et apparemment en mauvais état. Enfin pour finir cette présentation des faits, les Combattants de Zil ont affronté les envahisseurs, capturant l’Étranger qui est ici même au château de Kaes. Hélas jusqu’à présent nous n’avons pas eu la moindre information de sa part, nous continuerons nos efforts soyez-en certains. Je vais à présent vous laisser poser vos questions. Le premier à réagir fut Zil en personne qui leva le petit panneau portant le symbole de sa guilde. Il trouvait ça ridicule mais il s’était contraint à respecter les règles du Conseil. Et pour sa première apparition ici il ne tenait pas à se faire plus remarquer. Vérace lui laissa la parole.

- J’espère que vous arriverez à faire parler l’Etranger, sans quoi je devrais m’en occuper moi même. Lorsque mes compagnons et moi repartirons, d’ici deux ou trois jours, nous emmènerons le prisonnier pour que justice soit faite suivant nos règles. Sans eux la Meute n’aurait pas quitté le Zircus  et nous aurions résisté à l’invasion des Zombies qui ont mis à mal dix ans de travail.

La question n’en était pas une, cela sonnait plus comme un ultimatum. Vérace annonça noter la demande des Combattants de Zil et à qui sera porté une réponse une fois que le Conseil aura statué. Le Maître-Mage Pilkim fut convié à prendre la parole.

- Il y a beaucoup de questions à te poser Ciramor, mais il y en a quelques unes qui me brûlent les lèvres. Que sont ces portes ? J’ai eu beau faire appel au savoir du compendium, personne n’a été en mesure de m’apporter une réponse. Penses-tu que la disparition de Dragon soit en relation avec l’apparition des ces personnes ? Et enfin penses-tu qu’ils ont une relation avec l’Equinoxe ?

- De très bonnes questions. Nous savons qu’ils viennent de par delà ces portes et il est aisé de faire un raccourci entre leur arrivée et la disparition de Dragon et de Néhant. D’autant que Kolère a utilisé une Pierre-coeur corrompue contre moi. Mais tout cela n’est que théorie il n’y a aucune preuve. Concernant ces portes j’en ai croisé une il y a bien longtemps. Une légende circulait dans les Confins à son propos, il se disait que lorsque cette porte s’ouvrirait cela sonnerait la fin de ce monde. Nous l'appelons Porte de l’Infini. Quant à l’Équinoxe, ce que nous nommons ainsi est un phénomène qui se répète, il trouble notre monde pendant un temps et disparaît ensuite. Il est vrai que celle qui se déroule en ce moment est bien longue comparée aux précédentes. Est-ce que les Envoyés de Noz’Dingard peuvent se charger d’enquêter sur ce phénomène ?

- Merci pour tes réponses. Les envoyés apporterons le soutient nécessaire au Conseils des guildes, dit-il avant de se rasseoir. A ce moment là Sapient Oracle d’Orpiance qui faisait partie de la délégation de la Légion Runique demanda à son tour la parole.

- Merci au Conseil des guildes de nous permettre de nous exprimer, je parle au nom du Cénacle, du centorium Aurius et du Seigneur Runique Eilos. Ciramor, nous autres Tantadiens avons aussi bon nombre de légendes et l’histoire des portes que vous venez de nous raconter fait écho avec une de nos épopées. Je ne vais pas vous la conter en détail puisque celle-ci est plutôt longue, mais il y fait mention de la porte des dieux qui si nous raisonnons logiquement pourrait être une porte de l’Infini. Elle est décrite comme étant de la taille de trois minotaure de haut, à double battants tenant sur deux colonnes couvertes de runes.

- Voilà une information intéressante, savez-vous où elle se trouve ?

- Pas de mémoire, mais des indications nous sont données dans l’épopée qui est gravée sur les murs du temple de la Déesse.

- Dans ce cas est-ce que la Légion runique veut s’occuper de cette porte et la retrouver ? Si elle existe encore, peut être que les envahisseurs se mettrons à sa recherche.

- Nous allons vous accompagner si ça vous dérange pas trop, intervint l’Amiral Al la triste. Le temple de la déesse est un lieu de tension entre Tantad et les îles blanches, y voir débarquer une cohorte de légionnaires pourrait... poser des problèmes à certains. Hors je suis prête à mettre nos petits différents de côté et à les accompagner pour marquer ainsi une... trêve ? Les regards se portèrent sur Aurius et Eilos qui échangeaient leurs opinions sur la question, puis Aurius inclina la tête en signe d’approbation.

- Nous vous laissons vous organiser entre vous, dit Ciramor en regardant tour à tour Al la triste et Aurius. D’autres interventions ?

- Oui, je voudrais dire un mot, dit un des Conseillers. Puis-je ?

Vérace fut surpris par la demande, mais autorisa l’intervention. Le conseiller en question c’était Maître Maen, un homme d’un certain âge et chef de la guilde des Lieurs de pierres. Ciramor se poussa pour lui céder la place au pupitre.

- Chers confrères, chers amis, nous autres Lieurs de pierres arpentons ce monde de long en large et nous sommes au contact des gens, qu’ils soient de basse extraction ou nobles. Les guildes doivent prendre en compte que les populations sont effrayées par cette Equinoxe et qu’il est de notre devoir de les rassurer et d’assumer pleinement les rôle qui sont les nôtres. Occupez le terrain, montrez-vous et cessez immédiatement vos querelles. C’est de notre alliance que dépend l’échec de cet ennemi qui ne s’est toujours pas montré réellement, mais qui est bel et bien là. Aussi pour faire un pas en ce sens, nous autres Lieurs de pierres nous allons vous ouvrir nos voies telluriques pour vous permettre d’aller d’un point à l’autre des terres de Guem !

- C’est très aimable à vous dit Ciramor alors que Maître Maen regagnait sa place, apparemment satisfait de son intervention. Quelqu’un d’autre ?

Ce fut le tour de Fe’y, premier Daïs du nouvel Arbre-Monde de s’exprimer.

- Nous tenons à vous informer que la porte de l’Infini présente dans notre forêt est désormais sous notre contrôle. Nous établissons à l’heure actuelle un plan grâce auquel nous saurons ce qu’il y a derrière la porte. Mais pour cela il nous faut une aide.

- Dites-nous, de quoi avez-vous besoin ? Demanda Ciramor.

- De vous et des Lieurs de pierres.

Maître Maen fronça les yeux, à vrai dire il n'appréciait pas vraiment les créatures de la forêt, mais il venait de discourir sur l’entraide alors il ne pouvait refuser. Il accepta donc d’envoyer plusieurs Lieurs de pierres parmi la Coeur de sève. Ciramor accepta aussi, il connaissait bien les Daïs et leur capacité à comprendre ce monde suivant un autre regard, ce qui l’intéressait grandement...



Chapitre 13 - Incursion

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Le transport tellurique utilisé par les Lieurs de pierres ne pouvait qu’impressionner lorsqu’on l’utilisait pour la première fois. Et pour cause, lorsque la terre s’ouvrait littéralement sous les pieds des utilisateurs du système, comme une bouche avalant goulûment une friandise, cela impressionnait plus que de raison ! Ciramor, Fe’y, Melissandre et Garde-les-totems eurent vraiment l’impression de sauter du haut d’une montagne, avec cette impression de glisser sans pouvoir contrôler la direction par laquelle on part. Le pire étant l’arrivée lorsque les “passagers” sont recrachés sans ménagement. Catalyna, une jeune femme plutôt discrète portant la cape des Lieurs de pierres esquissa un petit sourire lorsque Ciramor failli s'aplatir par terre. 

- Vous auriez pu prévenir ! Regretta l’héritier d’Eredan.

- Je vous croyais plus aguerri messire Ciramor, veuillez m’excusez de ce mauvais tour que je vous ai fait sans vraiment le vouloir. Dit-elle avec un accent très prononcé.

- Excuses acceptées. Je comprends mieux maintenant comment vous faites pour traverser les terres de Guem aussi rapidement. Mais... dites-moi, si je ne suis pas très bon pour me réceptionner, en revanche j’ai une bonne connaissance de la magie. Le passage que nous venons d’emprunter me fait penser aux portails démoniaques que les Néhantistes et les démons utilisent pour se déplacer, vous avez copié leur système n’est-ce pas ? Catalyna sourit et posa sa main sur la joue de Ciramor.

- Vous me plaisez, vous avez du répondant Gardien, j'apprécie ça, vraiment... Bon nous y sommes presque, voici votre forêt amis Eltarites, dit-elle pour changer de conversation.

A part rougir, Ciramor n’eut rien à ajouter de plus, les Eltarites quant à eux se moquaient bien de la façon dont ils avaient voyagé jusque là, l’important étant d’arriver au bon endroit et en un seul morceau. La porte de l’Infini n’était qu’à une demi journée de là, ils y arrivèrent alors que lentement le soleil se couchait derrière les grands arbres au feuillage chamarré. Pour protéger l’endroit Eikytan ordonna la construction d’un campement et détacha une troupe de guerriers pour parer à toute invasion des étrangers. La porte se trouvait donc totalement encerclée par une large palissade faite de racines enchevêtrées. Le groupe fut accueilli par les Hom’chaï, elfines et autres Daïs curieux de voir agir la magie des Lieurs de pierres, du Gardien et celle de leur Arbre-Monde. En dix ans la nouvelle société Eltarite, construite autour du nouvel Arbre-Monde, avait grandement évoluée, elle était florissante et s’ouvrait pour elle un nouvel âge d’or. Kei’zan avait bien des pouvoirs que son illustre parent disparu depuis longtemps ne possédait pas. Parmi ses facultés incroyables, il pouvait former un corps de racine et ainsi interagir avec son peuple. C’est d’ailleurs ce qu’il faisait au moment de l’arrivée du groupe devant la porte, car Kei’zan était là, discutant avec Ourénos l’énorme créature protectrice de la forêt. Tous deux se tournèrent vers le groupe pour l’accueillir. 

- La réunion des guildes a été instructive père, voici Ciramor et Catalyna qui ont accepté de joindre leurs forces aux nôtres, dit Fe’y très enthousiaste. Ciramor salua Ourénos et s’inclina devant Kei’zan.

- Les rumeurs sur vos capacités se confirment Kei’zan, je suis ravi de pouvoir m’adresser à vous en face à face.

Catalyna examina Ourénos et Kei’zan comme on examinait un cadeau que l’on venait de recevoir.

- Quand je vais raconter cette aventure aux autres ils vont être fous de jalousie. Ourénos ! Et l’Arbre-Monde, permettez moi au nom des Lieurs de pierres de vous présenter nos respects, c’est un honneur que de collaborer avec vous sur cette affaire... dont j’ignore pour le moment les tenants et aboutissants.

- Pardonnez-nous, mais nous préférions vous voir pour tout vous révéler, dit Kei’zan. 

- Je suis à votre écoute, répondit Catalyna intriguée, en quoi puis-je vous servir ?

- Regardez cet objet, il s’agit d’un artefact, un objet magique d’un niveau incroyable. Nous ne savons pas qui l’a construite et dans quel but. En attendant d’en savoir plus sur les origines de l’artefact, nous ne pouvons accéder à ce qu’il y a de l’autre côté. Eikytan et moi-même avons passé beaucoup de temps afin d’en percer les mystères, et bien que nous n’en soyons qu’aux prémices, nous savons qu’elle est protégée par les forces élémentaires. C’est là que vous intervenez Lieuse de pierres.

Catalyna avança vers la porte tout en détachant une large bourse de cuir de sa ceinture. Elle en sortit quatre pierres translucides de formes et couleurs différentes. Elle lança les pierres en l’air et celle-ci restèrent en lévitation autour d’elle. Ciramor et les Eltarites laissèrent faire, ne manquant rien du spectacle. Les pierres se mirent à luire et les forces élémentaires se mirent à se révéler les unes après les autres. Catalyna resta figée ainsi une bonne heure avant que les pierres ne reviennent toutes dans sa main, éteintes. Elle fit craquer les os de son cou puis elle expliqua :

- La terre retient la porte sur ce monde, l’air bloque en partie la porte et la garde close, le feu... le feu est la protection de la porte elle détruira quiconque pourrait l’ouvrir sans défaire les verrous élémentaires, et pour cela l’eau se présente ici comme le lien entre tous les éléments. 

- Mais il y a autre chose n’est ce pas Kei’zan ? Vous m’avez demandé à moi de venir, c’est que les éléments ne sont pas le seul souci, dit Ciramor intrigué.

- Je savais que les puissances élémentaires protègent la porte, mais il y a effectivement autre chose, une autre magie, moins connue...

- La magie de Guem ! Cria Catalyna, incroyable, stupéfiant ! Ciramor ouvrit de gros yeux et Kei’zan bien qu'inexpressif dans son attitude n’en resta pas moins surpris. 

- C’est cela, la magie de Guem, la magie la plus pure, la plus brutale et la plus complexe à maîtriser qui soit, révéla le Kei’zan. C’est elle qui est active lorsque la porte s’ouvre.

- Oui, je l’ai ressentie lorsque la femme venue d’ailleurs a commencé à l’ouvrir lors de notre dernière rencontre. Je vois où vous voulez en venir, c’est elle qui permet d’aller d’ici à ce qu’il y a par delà la porte. Quel est votre plan ?

- Je peux défaire la magie des éléments, dit Catalyna, mais cela risque de créer une instabilité, dans ce cas nul ne sait ce qu’il va se passer.

- C’est pour ça que j’ai besoin de votre assistance Gardien, c’est à vous que va incomber la tâche de maintenir la stabilité de la magie de Guem, le temps pour moi d’ouvrir un portail à travers la porte et à travers la magie de Guem.

- Mais que comptez-vous faire ensuite ? Envoyer des gens là bas ? Sans savoir ce qu’il y a ?

- C’est un risque, intervint Melissandre qui était restée en retrait jusque là. Mon groupe est prêt pour l’incursion. Soyez rassuré, nous nous sommes bien préparées et toutes connaissons le potentiel danger qui nous guette mais la magie des chamans Hom’chaï va nous protéger et nous garder invisibles.

- Vous vous rendez compte que nous pouvons perdre à la fois le groupe d’incursion, peut-être détruire la porte, ou pire, créer un portail permanent entre ici et de l’autre côté ? Que se passera-t-il si d’autres étrangers débarquent ? A eux d'eux ils ont mis à mal la Meute des Combattants de Zil.

- Ne rien faire serait pire, j’ai confiance en vous, j’ai confiance en mon groupe et j’ai confiance en mon armée si nous devions être envahis, répondit Key’zan. Ciramor hésita, il n’était pas habituel pour les Eltarites d’agir ainsi, mais l’opportunité était trop belle pour la laisser passer.

- Je vous fais confiance, à tous, j’espère que tout cela ne va pas mal finir... Quand agirons-nous ?

- Quand vous serez prêts, dit Key’zan à l’attention de Catalyna et de Ciramor.

- Laissez-moi la nuit pour me préparer, dit Catalyna, il va me falloir le concours d’autres Lieurs tout de même. Je pense qu’ils pourront être là demain dans la matinée.

- Très bien, cela me laissera le temps, dit Ciramor.

Les préparatifs pour le grand rituel prirent plus de temps que prévu et ce n’est finalement que le surlendemain que tout fut prêt. L’espace autour de la porte était dégagé au maximum et seuls restaient les protagonistes : Ciramor, Catalyna, Kei’zan, ainsi que le groupe d’elfines composé de Melissandre en tant que chef, de sa petite sœur Aleshane et d’Ydiane. Les Lieurs de pierres avaient aidé Catalyna de leur mieux et leur savoir faire faire en matière élémentaire fut mis à rude épreuve. Ses compagnons, au nombre d’une dizaine s’étaient disposés en cercle autour de la porte et autour du groupe. C’est eux qui ouvrirent le bal. Un après l’autre ils invoquèrent des élémentaires aussi grands que la porte qui faisait déjà le double de la taille d’Ourénos. Une fois le dernier invoqué, Catalyna qui était au plus proche de l’artefact leva les bras vers le ciel, alors quatre grosses pierres-coeur gorgées de magie, une pour chaque élément s’élevèrent pour fermer un large cercle au milieu de la porte. Puis l’élémentaire de Feu cracha un rayon de flammes sur la pierre-coeur de son élément, suivi de celui de l’air, de la terre et de l’eau pour leurs éléments respectifs. Catalyna suait à grosses gouttes elle n’était pas habituée à pratiquer de tels rituels, et bien qu’elle fut préparée elle n’en restait pas moins seule face à cette responsabilité. Elle se concentra sur son objectif : aspirer les élémentaires dans chaque pierre-coeur. Une à une les créatures disparurent, totalement absorbées par les pierres. Cette prouesse ne fut possible que grâce au protections lancées sur les pierres par les autres Lieurs de pierres. Ainsi surchargées de magie, elles permirent à Catalyna de faire sauter les verrous élémentaires les un après les autres. Le spectacle était impressionnant car à chaque élément attaqué par la jeune femme la porte réagissait, s’en suivait un effet magique en fonction de l’élément. Elle termina par la terre, l’espace au sol autour de la porte se craquela d’un coup puis désolidarisée la porte commença à léviter lentement. C’était le moment pour Ciramor de passer à son tour à l’action. Le masque sur son visage et la Sagesse d’Eredan entre ses mains, le Gardien se concentra pour percevoir la magie de Guem. Débarrassée des éléments celle-ci était clairement visible et puissante. Il devait entrer en harmonie avec elle, la contrôler et la stabiliser. Il y parvint au bout d’une demi heure, les runes sur les battants s’illuminèrent, signe que la magie était en action.

- Allez-y Kei’zan, c’est stable ! Hurla Ciramor.

Dernière étape, mais pas la moindre, l’Arbre-Monde déversa à son tour sa magie, et cela faillit déconcentrer Ciramor car cette magie là aussi était celle de Guem. Le rayon vert projeté par la créature de racines frappa la porte avec force, mais celle-ci ne bougea pas d’un iota. Le but était simple, faire croire que la porte était ouverte sans qu’elle ne le soit, de façon à ce que cela soit le plus discret possible de l’autre côté. Kei’zan s’y attendait, sa magie se mêla à celle de la porte de façon presque naturelle et durant le laps de temps sa perception de la nature même de la porte fut à sa porté...

- Le passage est ouvert Melissandre, allez-y et soyez... prudente, dit Kei’zan dans les têtes de chacun et de chacune.

Les Hom’chaï déclenchèrent leurs sorts d’invisibilité et Melissandre, Aleshane et Ydiane plongèrent vers l’inconnu... C’est là que les choses ne tournèrent plus rond. Alors que les elfines franchissaient le portail de lumière verte, Ciramor sentit que la magie de Guem était perturbée, comme  dérangée par quelque chose. Et la réaction fut brutale. La porte grésilla, des milliers d’étincelles rougeoyantes apparurent comme si quelque chose attaquait le rituel. Ciramor lutta, tout comme Kei’zan, ils devaient maintenir la porte le temps que les elfines accomplissent leur mission !

- L’EQUINOXE ! Elle perturbe notre magie Kei’zan, hurla Ciramor alors qu’il déversait toute sa puissance pour maintenir le rituel. 

L’Arbre-monde aussi sentait que l’étrange magie de l’Equinoxe perturbait tout. Il craignait que l’instabilité du rituel ne provoque l’explosion de la porte, il coupa immédiatement son incantation pour soulager l’héritier d’Eredan.

- Arrêtez vos sorts ! Demanda Kei’zan à l’attention de Ciramor et des Lieurs de pierres.

Ils ne se firent pas prier et Ciramor relâcha son emprise, puis Catalyna rétablit les différents verrous élémentaires. Tout redevint... normal. De l’autre côté de la porte, les elfines venaient juste d’arriver et aussitôt les problèmes commencèrent. En premier le sortilège d’invisibilité s’estompa.

- Qu’est ce qui se passe, demanda Aleshane à sa sœur.

- Chut, regardez ça !

Face à elles le paysage ne ressemblait en rien à celui des terres de Guem. C’était une plaine désolée à l’herbe pourpre quand herbe il y avait. Au delà de ça de grandes tours tortueuses et aussi hautes que l’Arbre-monde fendaient le ciel. Derrière elle le sortilège de la porte se coupa de façon nette.

- C’était prévu ? demanda Ydiane.

- Pas le moins du monde, chuchota Melissandre. Ne restons pas là, allons voir, nous chercherons ensuite un moyen de rentrer chez nous.

Chapitre 14 - La porte des dieux

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- Terre en vue Amiral ! Terre en vue ! Cria Ti mousse qui se tenait à la vigie.

Al la Triste tira sa longue vue d'un étui de cuir attaché à sa ceinture et la déplia pour mieux voir cette “terre”. Cela faisait déjà une petite matinée que la navire volant n’avait pas croisé d’île flottante et la région était peu fréquentée. Cela n’empêchait pas le gouvernement des Îles Blanches et la République de Tantad de s’affronter pour celle-ci. Et pour cause, les lieux avaient eux aussi subi la terrible malédiction de Néhant et comme le reste de feu-Bramamir il ne restait plus que quelques îles flottantes. Ici l’influence de Maëlstrom était faible, avec pour incidence des îles moins stables et dont une quantité déjà très importante s’était écrasée soit dans le vortex, soit à l'extrême limite de Tantad. Ainsi les Tantadiens, ne souhaitant pas se recevoir de rochers sur leurs habitations ou sur le coin de la figure, avaient fuit. Il n’en fallut pas plus au gouvernement de Bramamir pour s’approprier ce qui était autrefois à Tantad. Depuis les deux puissances étaient en guerre froide. Bramamir avait l’énorme avantage du terrain avec ses navires volants, alors que les Tantadiens ne souhaitaient pas s’aventurer dans une guerre qu’ils pourraient perdre. Non, au lieu de mener une guerre violente peut-être perdue d’avance, la république avait fait un blocus sur les routes commerciales dans le but d’appauvrir les Îles Blanches qui étaient dépendantes de produits venant de Tantad.

Plus récemment le conflit s’était durci. Un groupe de guerriers de la Légion Runique avait mené un raid pour reprendre un lieu sacré pour Tantad : le Temple de la Déesse. L’opération fut couronnée de succès malgré une résistance pirate. Mais ces derniers, à cette époque, avaient fort à faire avec la révolution menée contre le gouvernement de Bramamir... Hors c’était justement vers ce fruit de la discorde que l’Arc-Kadia se dirigeait lentement. A bord l’ambiance avait comme un parfum de rancœur, vieille et tenace, pourrissant facilement les cœurs pirates et venant à bout du stoïcisme des runiques. Les deux groupes ne s’étaient guère adressés l’un à l’autre autrement que par des regards rageurs. Et à ce jeu là les pirates avaient une longueur d’avance. Le Centorium Aurius, quoique bien traité eu égard à son rang, regretta le comportement de l’équipage pirate. Après tout on ne leur demandait pas de s'apprécier, mais de résoudre une situation au nom du Conseil des guildes.

L’Arc-kadia longea l’île du Temple de la Déesse tout en décélérant pour finalement arriver à un affleurement rocheux où le navire pourrait s'arrimer sans difficulté. Puis, une cohorte plus ou moins ordonnée défila jusqu’à l’entrée du temple. Les pirates ne firent que ricaner et se moquer de la Légion alors que ces derniers rappelaient aux pirates l’humiliante défaite infligée ici-même. Sans la présence des deux chefs les groupes en seraient alors venus aux mains pour régler ce vieux contentieux.

- Arrêtez-vous bandes de vieux défroqués et de ratatinés de la caboche, hurla Al la Triste à l’attention de son équipage. Vous pourrez vous mettre sur la figure avec les coincés des fesses lorsque la mission s’ra finie, compris !?

Totalement décomplexée la jeune amirale n’avait pas pris le moindre gant pour avertir ses troupes et encore moins avec la Légion. Mais à vrai dire ses hommes la connaissaient bien et ils savaient, qu’au fond, elle souhaitait aussi en découdre avec la partie adverse. Mais chaque chose en son temps. Pour l’instant l’amirale préférait comprendre toute cette histoire et voir où elle pouvait retirer le maximum de profit avant d’agir de quelque façon que ce soit.

- C’est un lieu sacré Amiral, vos forbans ne peuvent pas entrer.

- Moi je peux ? Demanda-t-elle l’air innocente.

Aurius se retrouva obligé d’accepter, ne pouvant commettre un impair qui pourrait accentuer l’animosité visible.

- Je vous en prie, entrez.

- Si ça ne vous gène pas, j’ai avec moi une personne qui en connaît long sur les légendes, vous n’aurez rien contre le fait qu’elle vienne avec moi, hein ?

- Heu... faites donc.

- Wata’, tu peux venir ma chérie, je vais avoir besoin de tes talents.

La Wata’ en question était tout aussi atypique que ses camarades pirates. Plutôt petite, la peau brune, le visage couvert en partie par une peinture blanche dessinant un crâne, des grands yeux hypnotisant. Cette femme-là impressionnait de par son allure et son charisme fascinant. Les deux femmes suivirent les Runiques jusque dans le cœur du temple. L’intérieur impressionnait par son aspect, à en juger par l’état des colonnes et des meubles, tout semblait neuf, pourtant l’édifice avait au minimum une centaine d’années. La prêtresse en charge du temple prenait un soin particulier à maintenir ici la beauté des lieux. Et celle-ci n'était autre que Lania qui, depuis le retour de la Légion, avait été remerciée par un poste ici. Ce repos et l'éloignement de l'agitation lui convenait parfaitement. Aussi l'arrivée en nombre de la Légion runique et des pirates exaspéra la jeune femme au tempérament bien trempé. Elle les reçut dans la grande salle.

- Bienvenue à vous Centorium, Seigneurs-runiques et Guerriers runiques, laissez ici toute fureur guerrière, vous êtes dans un lieu de paix et d'harmonie. Et vous, gens des îles volantes, je vous prierais de respecter les lieux. Votre message m'informait que vous souhaitiez voir l'épopée d'Osydémak, fondateur du temple. Est-ce bien cela?

- Oui prêtresse, j'espère que vous n'y voyez aucun inconvénient. Nous sommes à la recherche de la porte des Dieux.

- Je vais vous conduire jusqu'aux écritures, mais vous ne pouvez y aller qu'à quatre ou cinq car nous sommes justement en train de restaurer les lieux que le temps a gâté.

- Pas de soucis, nous sommes deux, dit Al la Triste pour éviter de rester sur le bord du chemin. Aurius fit rapidement le tour de ses troupes pour déterminer les meilleurs éléments pour cette affaire. Évidemment Sapient l'Oracle d'Orpiance serait de la partie, puis Aurius choisit, un peu contre toute attente, Sanquinam le Kertasien. Pendant ce temps Al la Triste et Watahata firent le tour du propriétaire.

- Et bien, il sont riches les Tantadiens, regarde-moi ça chef, de l'or, de superbes fruits et... et tout le reste.

- Oui, ils ont des richesses que nous autres n'avons pas vraiment. Foutu blocus, va vraiment falloir régler ça une bonne fois pour toute. Écoute Wata', si tu trouves des informations utiles, et tu comprends bien ce que je veux dire par utile, ne dis rien aux Runiques et attend le bon moment pour m'en parler.

- Ok chef, je comptais pas leur dire quoi que ce soit, ils sont bizarres ces gens avec leurs runes.

- Mouais... tu sais je crois qu'ils disent la même chose de nous. Faut faire gaffe et partir à la pêche aux informations.

- Allons-y ! Dit Lania en faisant signe aux pirates. Par contre... pas d'arme dans cette salle là, je vous prierais de les laisser là, dit-elle en montrant une large malle ouverte.

Les Runiques obéirent bien sagement tandis que les deux femmes pirates grommelèrent leur mécontentement, plus par principe qu'autre chose d'ailleurs.

Lania amena les quatre visiteurs dans une pièce en sous-sol éclairée par plusieurs torches ainsi qu'une ouverture à même la roche. Cette dernière permettait à la lumière du soleil d'améliorer la lisibilité d'un très large mur entièrement couvert de symboles. Hélas, le fait d'avoir cette salle laissée à l'air libre avait fait que l'humidité avait attaqué la roche et les murs, ceux-ci étaient devenus plus friables ce qui abîmait les runes. Deux jeunes hommes étaient occupés à restaurer la pièce, ils ne dirent rien quand ils virent le groupe en se contentant de les laisser là, mais ils eurent tôt fait de pester contre cette intrusion.

- Voici l'épopée d'Osydémak tel qu'il l'a écrit lui-même dans un temps lointain, dit Lania en montrant les runes.

- Si vous nous parliez de lui, demanda Al la Triste.

- C'était après la guerre contre Néhant, alors que Tantad et Bramamir venaient de se désagréger. Le chaos régnait en maître sur la région et Osydémak, un valeureux héros de la Légion Runique n'écouta que son courage pour venir en aide aux gens bloqués sur des îles flottantes qui menaçaient de s'écraser sur la terre ou dans le Maëlstrom. Il raconte comment il convainquit les dieux de lui venir en aide et c'est comment il parvint à secourir des centaines de personnes au péril de sa propre vie. C'est durant cette épopée qu'il découvrit la porte des dieux et il voulut la traverser pour les rejoindre mais jamais il n'en revint.

- Aucune indication sur la situation géographique de cette porte, dit Sapient.

- Nous savons que nombre de légendes sont faussement racontées, indiqua Sanquinam. Pourtant je dois avouer que ce que je lis ici me semble juste, je suis pourtant habitué à démêler le vrai du faux.

- Lisez-nous le passage sur la porte s'il-vous-plaît, demanda Watahata.

- Si vous voulez. Alors...

Sanquinam chercha parmi les différentes runes et s'arrêta au beau milieu. Watahata ne rata rien des gestes du Runique et examina les runes qu'il regardait. Elle comprit que les runes ne se lisaient pas les unes après les autres, comme une écriture classique, mais par groupe de runes, chaque groupe avait alors une signification particulière.

« J'étais fatigué, j'étais seul face à mon destin, alors que je me pensais perdu j'ai vu un point lumineux qui m'éclaira et chassa les ténèbres. Je repris courage et je la vis non loin, entourée de nuages. La porte des dieux m'attendait, je dois sans délais répondre à cette invitation... »

- Le reste est soit effacé soit parle de la porte en elle-même, mais il n'y a pas plus d'indication.

Watahata remarqua quelque chose sur le mur. Les zones friables suivaient une logique et formaient comme un arc de cercle. Comprenant quelque chose, elle se plaça en bas de cet arc de cercle, dos au mur. Elle vit l'ouverture un peu plus haut et le soleil commençant à se montrer au travers. Ce fut pour elle le déclic. Ni une ni deux elle feignit de ne rien comprendre à cette histoire.

- Bon si nous n'avons pas plus d'explications, moi je vois pas.

- Il est vrai que c'est un peu flou et sûrement exagéré, dit Sanquinam.

- J'aimerais rester là dans tous les cas, dit Sapient, je comptais faire une halte ici. Mais je vous suggère de chercher dans la bibliothèque de Dal vous aurez peut-être plus de chance.

- Peut être oui, dit Lania. J'ai aussi essayé de comprendre ces écrits mais pour le moment ma tâche est surtout de faire en sorte qu'ils ne disparaissent pas.

Bien plus tard le groupe runico-pirate se remit en route, à bord de l'Arc-kadia. Les pirates se moquaient de leurs compagnons d'aventure qui n'avaient pas permis la résolution du mystère de cette porte des dieux. Watahata quant à elle examinait les environs au moyen d'une longue-vue, ce qu'elle trouva confirma ce qu'elle pensait. Elle fit signe à l'amirale et lui expliqua alors ses découvertes. Al fut très intéressée et vit l'occasion d'aider sa cause... Enfin la cause des Îles Blanches. Elle demanda à Aurius un peu de son temps pour discuter.

- Oui Amiral ?

- Voilà, je pense qu'il est temps pour nous de trouver avec Tantad un accord concernant le blocus des Îles Blanches. Le gouvernement d'aujourd'hui n'est pas celui d'autrefois et nous pouvons parvenir à trouver un arrangement. Si nous faisons un geste fort vers vous, serez-vous prêt à faire de même pour nous?

- Et bien je ne peux pas parler au nom du Cénacle, Amiral, mais la discussion est ouverte, surtout si vous faite un geste. Mais... quel geste ?

- Vous êtes intéressé par cette porte des dieux n'est-ce-pas, ainsi que par la région, je vous offre les deux. Aurius fronça les sourcils.

- Qu'entendez-vous par là ?

- Nous sommes les maîtres du déplacement aérien, nous avons une méthode pour trouver cette porte.

- Si c'est le cas cela jouera en votre faveur évidement, sans parler de la restitution de la région.

- Affaire conclue alors, dit Al la Triste en faisant signe de la tête à Watahata.

La jeune femme courut jusqu'à Bragan qui tenait la barre.

- Met le cap sur ce gros nuage, Braguette.

- Bragan !

- T'es qu'un foutu pervers, fait ce que je te dis ou cette nuit je te jette un mauvais sort !

Le pauvre Bragan déglutit alors bruyamment et vira de bord, pour suivre la direction donnée. Au bout d'une heure de voyage quelque chose se dessina au dessus du nuage.

- Mais c'est la porte, hallucina Bragan, comment tu as su ça, vipère de fond de bouteille ?

- Et bien c'est mon petit secret !

Chapitre 15 - Contact

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- Tu es certaine de la véracité de cette information Déchirure ?

Derrière son masque, le visage d’Amidaraxar s’était empourpré sous le coup de la colère. La nouvelle qu’on venait de lui annoncer eut l’effet d’un coup de poignard entre les omoplates.

- Oui maître, comme vous me l’avez demandé j’ai surveillé Azaram et Aerouant de façon discrète. Les informations que je vous livre sont fiables, Aerouant nous a trahi et avec l’aide du Maître-Mage Pilkim, Azaram et Tourment ont été capturés.

La rage était tellement forte qu’il fallait qu’elle sorte. Amidaraxar attrapa un des larbins démoniaques qui traînait là et à l’aide de sa magie le réduisit à l’état de cendres brûlantes. Les autres petits démons couinèrent de peur et s’écartèrent pour ne pas subir le même sort que leur congénère.

- Comment... comment !? J’ai moi-même corrompu sa pierre-cœur ! Je sentais le lien, c’est impossible qu’il nous ait trahi ainsi !

- Après l’affrontement contre Tourment les Draconiens ont libéré les esclaves que vous aviez mis tant de temps à soumettre. Ils leur ont expliqués ce qu’il s’était passé, je les ai entendus. Le fait d’avoir toute la population de la ville sous contrôle leur a permis d’avoir le champ libre pour la capture de Tourment et d’Azaram. Ils sont ensuite repartis vers Kastel Levarak.

- Cela bouscule mes plans mais il ne faut pas que je me laisse submerger... il me faut garder le contrôle. C’est un coup dur, mais cela ne me freinera pas, je touche au but.

- Ne peut-on invoquer Tourment ? Demanda Edrianne avec une pointe d’innocence.

- Vous auriez pu, déclara Déchirure, mais les draconiens ont fait en sorte que cela ne soit pas possible avec leur magie du cristal.

- Et Azaram ? Demanda Edrianne.

- Je pourrais faire revenir le Seigneur-Démon qui est en lui, mais je ne peux faire venir son corps. Sachant que la séparation pourrait le tuer, je préfère ne pas tenter le coup, nous avons encore besoin de lui. Pourquoi ai-je l’impression qu’à chaque fois que nous progressons quelque part, nous régressons ailleurs ? Questionna Amidaraxar.

- Nos ennemis nous craignent et ils nous agressent dès qu’ils le peuvent. Ils réagissent à ce que nous faisons, regarde Zejabel et ses zombies, la réaction des Zil ne s’est pas fait attendre.

- Tu as raison, mais ce n’est pas qu’une histoire de réaction, à présent ils nous chassent. Hors nous ne sommes pas des proies. Ils nous ont tendu un piège, à notre tour de leur montrer ce qu’il en coûte de s’en prendre à nous. Edrianne, je veux que tu demandes à Zejabel et sa clique de venir ici le plus rapidement possible.

- Que prévoyez-vous de faire ?

- Je finalise ce que j’ai commencé, à savoir entrer en contact avec Néhant pour trouver un moyen de le faire revenir, si possible sans ce Dragon de malheur. Ensuite nous verrons avec Zejabel comment porter un coup à la gorge de nos ennemis.

Depuis la guerre de Sol’ra la prison de Néhant n’était plus protégée par la puissante magie d’Eredan. A présent à découvert, cette région attirait la convoitise des mages en perdition ainsi que des curieux. Pour parer au moindre problème les Draconiens avaient mis en place une surveillance active pour que personne ne vienne sur place. Mais la situation dans la Draconie s’était dégradée avec la guerre civile et la protection de la prison de Néhant n’était plus aussi importante qu’avant. Les Néhantistes en avaient profité pour reprendre possession des lieux en utilisant leurs esclaves, les gardes Draconiens n’étaient plus que des pantins et permettaient d’entretenir le subterfuge. Malgré cela Amidaraxar et ses démons furent les plus discrets possibles pour ne pas attirer l’attention sur eux. Flottant à peine au dessus du sol, le cristal rouge sombre retenait toujours le corps de l’un des plus grands mages de l’histoire de ce monde. Sur les quatre chaînes retenant le cristal, seule une était intacte, les autres avaient été brisées pour permettre à Néhant de prendre possession d’un corps et de se mouvoir en partie librement. Amidaraxar avait bien sur tout tenté pour venir à bout de cette quatrième chaîne, mais rien n’y avait fait, ni la force, ni la magie n'avaient pu ne serait-ce que la fragiliser. Cependant le cristal en lui-même n’avait plus la même imperméabilité qu’autrefois, les sorts lancés faiblissaient au fur et à mesure du temps passant. Le fidèle lieutenant de Néhant eut pour simple idée de faire un travail de sape sur la magie du cristal en l’agressant de manière continuelle par des sortilèges dont seuls lui et son seigneur et maître avaient connaissance. Ce fut la bonne stratégie, Amidaraxar le savait, il sentait cette vieille magie lentement disparaître, il ne fallait pas s’attaquer à la chaîne mais au cristal !

Le moment tant attendu était enfin arrivé. Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis la révélation par Déchirure de la traîtrise d’Aerouant. Amidaraxar n’avait dormi qu’une paire d’heures pour achever dans les meilleurs délais son rituel. Zejabel, suivi d’une demi-douzaine d’acolytes, arriva tôt dans la matinée. Les deux antagonistes se jaugèrent, l’un dirigeait les Néhantistes depuis la disparition de Néhant, tandis que l’autre suivait désormais une voie qui lui était propre, bien qu’utilisant ses anciens pouvoirs.

- Je te remercie d’être venu Zejabel. Je tenais à te féliciter pour ton coup d’éclat, dit Amidaraxar en enlevant son masque.

- Pourquoi m’as-tu fait chercher ? Que veux-tu ?

- Nous en parlerons très vite, mais pour l’instant j’aimerais mettre à profit ta magie et celle de tes serviteurs.

Zejabel esquissa un pseudo-sourire, la demande de son ancien “ami” lui assurait une forme de reconnaissance. Le nécromancien regarda sa petite troupe et fit signe à deux femmes non-mortes.

- J’ai eu beaucoup de difficultés pour les avoir, mais voici deux pièces de choix, dit-il avec une pointe de fierté.

Les deux femmes avaient des allures différentes. La première était assez grande, brune et portait des vêtements pourpres à l’effigie du Conseil des guildes. La deuxième avait un aspect fantomatique, peau d’albâtre, cheveux blancs et mains couvertes de sang.

- C’est Ishaïa ? Demanda Amidaraxar enthousiaste.

- Je suis bien Ishaïa, ramenée par Zejabel que je sers désormais.

- Et elle ?

- Almaria... ma femme.

En temps normal cette information aurait dégoûté n’importe qui, mais Amidaraxar se moquait bien que cette chose soit la femme de Zejabel ou de qui que ce soit du moment qu’elle lui était utile.

- Bien, avec les autres Néhantistes, nous sommes suffisamment nombreux, déclara Amidaraxar avec satisfaction.

- Pour faire quoi ? Interrogea Zejabel en regardant les environs.

- Pour voir ce qui se trouve encore dans la prison du maître !

- Je ne vois pas vraiment pourquoi faire ça, mais soit, nous allons te donner un coup de main.

Amidaraxar expliqua le rituel qu’il comptait accomplir durant le reste de la journée. Il prit même le risque d’invoquer d’autres démons et de faire venir les Néhantistes infiltrés. Ombreuse ordonnait les troupes alors que Zejabel commandait à ses zombies. La défense en place, il fut temps de commencer le rituel. Pour ce faire, Amidaraxar avait disposé de gros éclats de cristaux de la prison de Néhant en un large cercle autour de cette dernière. Les participants, à l’exception du maître du rituel, se placèrent devant chaque cristal, puis posèrent une main sur celui-ci. Edrianne, Utkin, Ombreuse, Almaria, Ishaïa, Zejabel et Anagramme libéraient peu à peu la magie Néhantique qui se mêlait aux résidus magiques existant dans les éclats. Des flammes sombres apparurent sur les cristaux, petites au départ elles devinrent vives et grandes au fur et à mesure que le flot de magie s’intensifiait. Pendant ce temps-là Amidaraxar tissait des liens entre chaque personne, entre chaque cristal, le tout relié à lui.

- Ce sont nos ennemis qui m'ont inspiré ce rituel, je ne pourrai l'accomplir qu'une fois, gardez votre concentration et liez-vous à vos éclats, ne faites plus qu'un avec eux.

Une fois tous les liens établis, visibles comme des fils rouges et brillants, le lieu du rituel semblait recouvert d’une toile d’araignée. En son centre Amidaraxar, les deux mains posées sur la prison de Néhant. C’était désormais la seconde partie du rituel, pour lui la plus délicate. Il savait le cristal-prison plus perméable à sa magie, mais il lui fallait une quantité de magie considérable pour percer la défense mise en place par Eredan. Il utilisa donc la magie des éclats, gavés par les participants du rituel. Tout ce qu’il espérait c’était qu’il y en eut assez pour parvenir à ses fins. La lutte était difficile mais lentement, avec patience, Amidaraxar parvenait à repousser la magie de Guem. Il ne vit pas le temps s’écouler mais voilà une heure que le rituel courrait, certains des participants commençaient à montrer des signes de fatigue. Mais ça il ne le voyait pas car il était focalisé sur son but. Enfin le corps de Néhant lui fut accessible. De ses mains partirent des fils de magie, des liens, qui s’enroulèrent autour de Néhant. C’est à ce moment-là que le contact s’établit entre le maître et son plus fidèle lieutenant.

- Amidaraxar...

La voix était faible, comme un chuchotement à peine perceptible.

- Vous êtes là, c’est inespéré.

- J’ai peu de temps, le lien est très faible. Écoute-moi. La dernière chaîne retient mon corps mais mon esprit est ailleurs dans un autre monde où je souffre. Prend la magie que contient ce corps, je t’en fais don. Cela te rendra puissant et capable de prodiges.

- Votre corps va mourir ensuite si je fais cela.

- Ne te soucie pas de cela et fais ce que je te dis... je sens déjà le lien faiblir, je...

Hélas le contact se coupa de façon nette. Amidaraxar voyait clairement la magie de Néhant, forte, agressive, corruptrice, celle-ci remontait déjà le long des liens. Le Néhantiste laissa la magie venir jusqu’à lui. La douleur fut insoutenable, il sentait la corruption entrer en lui, comme des aiguilles qui lui perçaient la peau. Il héritait non seulement de la magie, mais aussi des savoirs incroyables de Néhant. Malgré la douleur il aimait cette magie, il la voulait pour lui et il l’aspira... goulûment. Lorsque le drain se termina, lorsque la dernière parcelle de magie quitta Néhant, le corps mourut. Le rituel était fini, les éclats s’étaient désagrégés et les liens coupés. Amidaraxar ne bougeait toujours pas, il récupérait de ce qu’il venait de se produire, mais il ne put se contenir plus. Bien que la quatrième chaîne était toujours active, le cristal-prison, lui, n’était plus qu’un objet inerte. D’un coup il frappa à sa surface avec rage, le cristal se fissura et explosa. La quatrième chaîne s’écrasa sur le sol dans un bruit métallique et le cadavre de Néhant tomba à son tour parmi les débris. Tout le monde avaient les yeux fixés vers Amidaraxar, que s’était-il passé ? L’homme respirait lentement, ses yeux avaient changé, tout comme son aura de flammes sombres. Il fit le tour de l’assistance et s’arrêta devant Zejabel.

- Je pourrais te détruire, là maintenant, et ainsi faire cesser cette rébellion que tu nous voues. Je ne le ferai pas car tu m’as bien aidé. Disons que nous sommes quittes. Je t’offre même le choix, pars avec tes créatures et prie pour que notre route ne se croise pas à nouveau, ou bien reste et tu m'obéiras.

Le choix était cornélien, mais Zejabel percevait ce qu’il avait à gagner dans cette histoire.

- Nous restons, mais tiens-toi le pour dit, les morts sont miens.

- Les morts sont tiens, nécromancien. Puis, se retournant vers les autres Néhantistes, nous nous cachons depuis près de dix ans, fuyant les guildes car nous étions trop faibles. Mais ce temps est révolu.

A ce moment-là la terre trembla et le signe de Néhant apparut, gigantesque sous leurs pieds.

- Je vous conjure, démons, de venir à moi, je vous invoque !

Le signe de Néhant flamboya et un à un les démons apparurent, du simple larbin aux démons immenses comme Hargne ou Fournaise.

- Cette nuit nous allons porter un coup à nos ennemis, nous allons commencer par ceux qui sont moins armés contre nous, l’empire de Xzia ne sera bientôt plus qu’un souvenir... Les démons rugirent, exaltés par le discours d’un nouvel homme fort en qui chacun voyait Néhant. Zejabel profita de la foule pour aller parmi les débris du cristal-prison. Il se pencha alors vers sur le corps de Néhant.

- Quel beau cadavre nous avons là. Si Néhant t’avait choisi autrefois c’est qu’il devait avoir ses raisons. J’ai hâte de savoir lesquelles.

Chapitre 16 - La terre oubliée

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Les Hautes terres de l’Ouest comme son nom l’indiquait à juste titre se trouvaient à l’extrême Ouest dans la fédération des Sept Royaumes. Ce pays de part sa taille plus modeste et son fonctionnement radicalement différent était moins connu que l’Avalonie ou Yses. Ses habitants étaient plutôt discrets et menaient souvent une vie paisible à l’abri des épais murs de la multitude de cités indépendantes disséminées sur le territoire. Au final les Hautes terres de l’Ouest formaient une gigantesque agglomération de ces cités dont la plus importante qui faisait office de capitale se nommait Brisevent. C’est là que nous retrouvons l’un des héros de cette histoire le lieur de pierre Lazar Zackarov. Ce spécialiste en joaillerie n’était pas, du moins pour cette fois, en affaire et ne cherchait pas à vendre ou à acheter quoi que ce soit. Non sa présence à Brisevent n’était pas officielle bien qu’elle concernait quelque part la guilde dont il faisait partie. L’homme au ventre proéminent, à la toque en fourrure marchait dans les rues crasseuses en tapant le sol de sa canne. A n’en pas douter il cherchait quelque chose ou quelqu’un.

- Ah, c’est là, dit-il en regardant la face d’une maison délabrée. Ça va encore mal se passer cette histoire. La porte tenait à peine sur ses gonds et lorsqu’il frappa dessus il s’en dégagea une poussière qui le fit tousser. Une voix grave s’échappa de l’intérieur.

- Qui c’est !?

- Lazar.

Un loquet grinça puis la porte qui n’avait de porte que le nom s'entrebâilla, découvrant un large gaillard à la barbe hirsute. Le regard de ce personnage n’avait rien d’amical et après avoir examiné la ruelle pour s’assurer que Lazar était seul, il l’invita à entrer. Si l’extérieur paraissait misérable, l’intérieur était largement pire. L’odeur affreuse s'accommodait bien avec la vétusté des meubles, et de l’environnement. La crasse couvrait tout du sol au plafond. Lazar grimaça de dégoût et, ne voulant pas s'attarder ici, décida de régler cette affaire au plus vite.

- Tu l’as ? Demanda Lazar avec dédain.

- Peut-être bien. Envoie la monnaie en premier.

Lazar rigola.

- Sérieusement ? Tu me prends pour qui ? Je suis un Lieur de pierres, pas le pécore du coin. T’auras rien à moins que je ne sois satisfait de ma... commande.

L’homme à la barbe hirsute alla dans une autre pièce pour revenir avec une petite sacoche de cuir qu’il tendit à Lazar.

- Voilà ce que tu veux. J’ai passé trois mois pour mettre la main dessus.

- J’espère que tu n’as pas coupé trop de gorges pour ça.

L’homme ne répondit pas. Et à vrai dire Lazar se moquait bien du moyen car seul lui importait de remplir sa mission. Il posa le sac sur la table avant de défaire les nœuds de cuir qui le scellaient. Avec délicatesse il extirpa le contenu, un carnet enroulé dans une écharpe de soie. La couverture du livre n’avait rien de notable et la seule fantaisie était que les pages se présentaient en paysage et non pas en portrait comme on pouvait le voir d’habitude. Lazar passa la main sur la couverture, il sentit alors la magie contenue dans le carnet et fut certain d’avoir trouvé le bon objet.

- Satisfaisant dit-il à son interlocuteur. Combien avions-nous dit, deux cents ?

- Quatre cents, j’ai eu... quelques frais.

- Quatre cents ?? ce n’est pas ce que nous avions convenu, prends tes deux cents et sois déjà content, c’est une sacrée somme dans ce patelin. Visiblement, cela ne suffisait pas à l’homme, il voulait plus et dans un geste rapide il tira une petite dague d’une de ses manches. Il visait la gorge et avec sa rapidité Lazar n’aurait pas le temps d’esquiver. Sauf que le Lieur de pierres n’était pas né de la dernière pluie et les négociations musclées n’avaient rien de nouveau pour lui. Lorsque la pointe de la dague toucha Lazar, la peau de ce dernier se changea en pierre et la lame se brisa, à l’étonnement du coupe-gorge.

- Tu aurais du rester sur notre accord, dit-il en propulsant l’homme dans le décor grâce à un sort d’air. Je considère que ton agression veut dire que tu refuses le paiement, tant pis pour toi.

Lazar rangea rapidement le carnet dans le sac de cuir et s’en alla comme si de rien n’était. Il laissa derrière lui Brisevent pour suivre la carte routière que chaque Lieur de pierre possédait. Il rejoignit alors l’une des très nombreuses bornes sculptées qui lui permettrait de voyager presque instantanément de ce point à un autre des Terres de Guem.

Lorsque la terre recracha Lazar, il avait parcouru des dizaines et des dizaines de lieues. A présent il se trouvait dans des montagnes enneigées, non loin d’une maison attachée à la montagne. Il frappa à la porte après avoir arrangé sa tenue pour être présentable. Maître Maen ouvrit la porte énergiquement et lorsqu’il vit que c’était Lazar il lui fit son plus beau sourire.

- Je l’ai, maître.

- Tu m’en vois ravi, entre donc mon ami, entre donc, viens te réchauffer au coin du feu.

L’intérieur était spacieux et chaleureux, Lazar appréciait cette maison il y venait assez souvent pour de longues discussions avec le dirigeant de sa guilde. Il s’effondra dans un fauteuil suffisamment robuste pour supporter son imposante carrure. Il retira son chapeau et savoura la chaleur des flammes dansantes dans l’âtre.

- Brisevent devrait être renommé en Cachemisère, Maen, c’est déplorable. Cette ville a beau être la plus importante des Hautes terres elle contient sûrement toute la pauvreté des environs.

- Tu te bases sur ce que tu vois, ce n’est pas forcement la réalité.

- Bref, voici ce que tu m’as demandé, l’homme que j’avais missionné nous en a fait cadeau, dit-il en riant fortement. J’espère que tu y trouveras ton bonheur.

Maen attrapa le sac de cuir avec anxiété, il avait cherché ce carnet depuis longtemps. Et ce fut le soulagement lorsqu’il retira l’objet de son étole. Impatient il commença à lire les premières pages. Il était comme un enfant qui venait de recevoir un jouet, il avait hâte d’en tirer les informations essentielles pour la suite.

- C’est bien lui, le journal d’Aëlle, épouse d’Eredan, dont l’existence ne fut jamais révélée.

- Tu oublies les rumeurs, dit Lazar. On leur prêtait une liaison, la Saga d’Eredan en parle je me souviens l’avoir lu.

- Oui mais tout le monde ignore qu’ils étaient liés et... mais...

Maen discutait tout en lisant le carnet, ses yeux s’étaient arrêtés à un passage particulier qui traitait d’un moment clé de la vie d’Aëlle. Il referma le carnet et regarda Lazar.

- Tu n’as pas lu ce carnet n’est-ce pas ?

- Non, je n’ai pas eu le temps, j’ai quitté Brisevent dès que j’ai eu le paquet.

- Parfait, je te prierais de garder pour toi tout ce dont nous venons de discuter, ce carnet n’existe pas, compris ? Dit Maen d’un air sérieux.

- Pas de problème, j’espère juste que tu n’oublieras pas l’aide que je t’ai apporté.

- Tu ne perds pas le nord toi.

- Jamais.

- Je ne t’oublierai pas. A présent j’ai à faire, je te libère tu peux retourner chez toi.

- Voilà une bonne nouvelle ! Répondit Lazar en se relevant. Ce fut un plaisir, maître.


Les jours suivants maître Maen ne quitta pas sa bibliothèque, et pour cause, il était passionné par la vie d’Eredan et depuis qu’il était jeune il récoltait les informations à son sujet. Il ne lui manquait plus qu’une pièce à son puzzle et justement Lazar la lui avait apportée. Ce qu’il découvrit dans le journal d’Aëlle lui apporta les dernières informations manquantes. Le Lieur de pierres parlait tout seul face à ses livres étalés et au carnet dont il prenait des notes.

- C’est tout bonnement incroyable. Je n’en reviens pas, tout est là !

Maen lu un premier passage.

“Nous ne souhaitions pas que nos actes impactent plus les terres de Guem et surtout je souhaitais mettre notre enfant à l’abri des convoitises et du danger. Mais nous ne voulions pas non plus nous éloigner des royaumes qui nous ont vu naître. Eredan et moi avons passé des mois à tenter de trouver l’endroit idéal, mais à l’évidence celui-ci ne se trouve pas sur cette terre. Nous avons eu une idée, créer de toute pièce un endroit où nous pourrions vivre un paix mais qui ne serait pas visible de tous, une terre cachée dans le ciel...”

Puis bien plus loin.

“C’est magnifique, au delà de mes espérances. Eredan a achevé cette terre en un temps incroyablement court. Je ne vais pas tarder à accoucher et je suis soulagée d’être là. D’ici je peux voir la Draconie et l’Empire de Xzia les deux frères ennemis, puis au sud-ouest au loin, les sept royaumes. Et là en bas, loin au dessous de nous les brumes des Confins et la prison de Néhant. Nous allons pouvoir enfin passer à autre chose.”

- Donc si je résume, Eredan et Aëlle ont construit une terre que l’on ne peut voir au dessus de la prison de Néhant ! Astucieux, en agissant ainsi ils surveillaient en permanence leur prisonnier. J’en sais assez pour le moment, avec les autres informations je peux trouver terre... oubliée. En route !

Du haut d’une colline, Maen regardait droit vers le ciel. Face à lui au loin se trouvait la prison de Néhant. Il remarqua cette masse nuageuse très haut dans les airs et cela ne lui sauta pas aux yeux immédiatement mais il y avait quelque chose de bizarre. Il ne tarda pas à comprendre, si cette masse ne bougeait pas d’un poil, les autres nuages eux se mouvaient poussés par les vents. C’était là, bien visible mais caché par de simples nuages. Personne n’aurait pu se douter que se trouvait là la résidence d’Eredan. Le cœur serré il convoqua la puissance élémentaire de l’air afin de s’envoler et lever le mystère. Il traversa les nuages par le haut et fut surpris de ce qu’il y trouva. Une plaine véritablement impressionnante avec un lac, des arbres fruitiers, des vignes et une multitudes d’animaux. L’herbe y était haute par endroit et le lierre recouvrait entièrement une bâtisse au style proche de la Draconie mais beaucoup plus épuré. Maen atterrit non loin de là, son cœur battait la chamade, il était devant l’ancienne demeure d’Eredan ! Sa seule déception fut qu’elle n’était visiblement plus habitée. Il cria à plusieurs reprises pour signaler sa venue mais seul l'écho lui répondit. Il prit donc le risque de s’aventurer à l’intérieur puisque l’endroit était désert. Il ne fallut pas beaucoup d’effort pour entrer, la porte n’était pas fermée, après tout Eredan et Aëlle ne s’attendaient certainement pas à ce que des étrangers les visitent. Le plancher avait résisté aux années et le lierre n’avait pas investi l’intérieur, tout était étrangement en bon état.

- La magie, elle est si forte ici. Tout est ensorcelé ici.

Maître Maen fit le tour du propriétaire et trouva des chambres, plusieurs salons, une cuisine, bref tout ce qu’il y avait dans la plupart des maisons habituelles. C’est à l’étage qu’il trouva ce qui l’intéressait le plus : le bureau d’Eredan. Au moment même où il passa le pas de la porte en forme d’arche, une forme humanoïde translucide apparut devant lui. C’était un homme de grande taille au visage à la fois doux et triste. Il tenait une grand bâton qui donnait l’identité à maître Maen : Eredan.

- Bonjour Maître Maen.

- Eredan ? Demanda-t-il fiévreusement.

- Je ne suis pas Eredan même si je suis façonné à son image. Que venez-vous faire ici ?

- Qu’êtes-vous ?

- Je suis un assistant magique créé par Eredan pour l’aider dans ses recherches. Je peux répondre à vos questions.

- Comment connaissez-vous mon nom ?

- Je peux identifier toute personne entrant ici.

- Suis-je le seul à être venu ici depuis le départ d’Eredan ?

- Oui.

- Où est Aëlle ?

- Dame Aëlle ne m’a pas donné cette information.

- Est-ce qu’il y a une bibliothèque ici ?

- Oui, la bibliothèque d’Eredan est derrière cette porte, dit l’assistant en montrant une direction.

- Est-ce que j’y trouverai des informations à propos des Portes de l’Infini ?

- Oui.

- Où ?

- Emplacement 43-C.

L’assistant disparut aussi simplement qu’il était apparu. Maen s’engouffra par la porte de la bibliothèque qui était entièrement plongée dans l’obscurité. A l’aide d’une pierre lumineuse il avança prudemment entre les rayons gavés de livres, une collection incroyable et inestimable. Les étagères étaient toutes numérotées et il y en avait au total plus d’une cinquantaine ! Il s’arrêta au niveau de l’étagère numéro 43.

- C’est là, voyons voir...

Chaque rayon était ensuite découpé en alcôves contenant un certain nombre de livres. Maen trouva facilement la lettre C et commença à examiner les livres. L’assistant à l’apparence d’Eredan réapparut.

- Avez-vous trouvé messire Maen ?

- Je ne suis pas certain, tout ces livres ont la même couverture, à non, celui-ci me semble particulier.

Effectivement l’un des grimoires arborait une couverture gravée d’une porte close.

- Est-ce le bon livre ?

- Oui.

- Puis-je le prendre ?

- Non, vous devez le consulter ici, aucun livre ne peut sortir de la bibliothèque sans l’accord d’Eredan ou de Dame Aëlle.

- Que se passerait-il si je partais avec ce livre ?

- Il tomberait en poussière et les informations qu’il contient seraient perdues.

- Que se passerait-il si des personnes mal intentionnées venaient s’emparer de ce bâtiment.

- Lorsqu’une personne passe le pas de la porte du bureau d’Eredan elle est automatiquement analysée et ses intentions me seront connues. Il est dans mes attributions de laisser passer ou non cette personne. Si une invasion venait à se produire, je suis autorisé à faire disparaître le domaine et tout ce qu’il contient, envahisseurs compris.

- Je vois, cela ne m’étonne pas qu’il y ait un tel système de défense. Je te remercie assistant, je vais donc consulter ici même cet ouvrage. Suis-je autorisé à m’établir sur ce domaine ?

- Vos actes seront analysés et je suis autorisé à agir dans l’intérêt des possessions d’Eredan.

- Parfait, je ne compte pas révéler l’existence de ce domaine à qui que ce soit. J'ai une dernière question, comment se nomme l'enfant d'Eredan ?

- Je n'ai pas l'autorisation de révéler cette information.

- Je m'en doutais. Bien, je te remercie, tu peux disposer.

L’assistant disparut, encore, laissant Maen face aux révélations.


Mais ceci est une autre histoire...

Chapitre 17 - Erreurs du passé

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Les rires des enfants ricochaient sur les murs d’Aman-ra l’antique cité située sur la côte occidentale du désert d’Emeraude. Ancien bastion de la puissance Solarian elle perdit de sa splendeur lors de la défaite de l’Avatar de Sol’ra et des Solarians. Néanmoins elle restait la deuxième plus grosse ville après Mineptra en raison de son activité portuaire importante avec les lointains royaumes d’au delà du désert. Les maisons toisaient de leur hauteur le sable du désert, captant la lumière du soleil avec avidité. Ses enfants de tous âges se courraient après sur une des nombreuses places de la ville, Zehanie les regardait jouer avec un mélange de sentiments. Elle appréciait cette vitalité, ces rires, cette jeunesse, elle se projetait, il y a plus de dix ans avant que tout ne bascule. Elle se revoyait courant après Soraya sa grande sœur en rigolant aux éclats. Cette sœur partie quelques temps plus tard et qui ne revint jamais. C’était donc le chagrin provoqué par la disparition de Soraya qui venait gâcher ce moment. Heureusement cela passa, elle raccompagna alors les enfants au temple de Naptys où elle aidait une prêtresse à l’enseignement. Lorsque la journée fut enfin terminée, alors que le soleil déclinait sur la mer Zehanie s’aventura en dehors de la ville. Elle aimait marcher le long de l’océan, laissant les vagues lécher ses jambes, les yeux perdus dans l’étendue de ses réflexions. Au bout d’une heure de marche alors que le soleil n’était plus qu’à sa moitié à l’horizon, elle remarqua prés d’une dune plusieurs taches noires de petite taille qui se suivaient les unes les autres. Intriguée par cet étrange cirque, la jeune femme suivit les taches qui en réalité étaient des scarabées en file indienne. Elle remonta la piste jusqu’à un creux entre plusieurs dunes où il se produisit un événement qui marqua un tournant dans sa vie.

Là sur un monticule de scarabées se trouvait une forme lumineuse et féminine, ses cheveux, comme des centaines de rayons de soleil, ondulaient lentement. Zehanie resta en pâmoison devant elle...

- Grande sœur ?

- Je ne suis pas Soraya, mais nous avons cohabité durant un moment.

- Qu’êtes-vous ? Que me voulez-vous ?

- Je suis un Solarian, Zehanie, je te supplie de m’écouter, je suis ici de ma propre initiative... Soraya avait confiance en toi... Aide-moi...

- Solarian... Par quel prodige ? Il n’en reste plus sur la surface de cette terre ! Comment est-ce possible ? Pourquoi prendre l’apparence de ma défunte sœur ?

- Parmi les miens je suis un cas à part, j’ai été touché par la grâce d’un dieu. J’ai su me soustraire au regard de Sol’ra pour venir jusqu’à toi. J’ai pris cette apparence car j’ai en moi les émotions et une partie de ce qu’était ta sœur, j’espère que tu ne t’en offusqueras pas. Le temps m’est néanmoins compté, Zehanie, ma présence ici sera courte alors s’il-te-plaît écoute bien. Je suis l’émissaire de Kehper.

- Kehper, le toutou de Sol’ra ? C’est à cause de lui si ma sœur est morte, qu’est-ce qu’il me veut ? De l’aide !? Répondit Zehanie avec véhémence.

- Tu es la seule à pouvoir l’aider, à pouvoir nous aider ! Ta sœur avait accepté son sort, elle souhaitait servir Kehper et non Sol’ra, elle avait été choisie pour devenir une incarnation comme l’était votre ancêtre lors des antiques guerres. Et comme ta sœur avait quelque chose de spécial, tu peux accomplir des prouesses. Du sang divin coule dans tes veines.

Zehanie regarda ses mains, elle ne ressentait rien de particulier, juste elle, ni plus, ni moins. Cependant l’évocation de ses ancêtres dont elle ignorait tout attira son attention.

- Mon ancêtre ? Que peux-tu me dire à son sujet ?

- Je ne peux pas rester plus, mon absence près de Kehper risque d’être remarquée. Suis les scarabées, ils t’amèneront vers les réponses. Je reviendrai te voir très bientôt...

Puis la forme disparut d’un coup laissant Zehanie pensive quant à cette rencontre ô combien incroyable et spectaculaire. La montagne de scarabées s’affaissa et les insectes partirent à l’unisson dans une même direction. Elle suivit la cohorte, intriguée par tout cela. Autant elle n'appréciait pas les Solarians, autant la perspective d’en savoir plus sur ses origines l’intéressait au plus haut point. La colonne d’insectes s’éloigna lentement, zigzaguant entre les dunes. Finalement, alors que seule la lune apportait un semblant de lumière, sa route se termina lorsqu’elle arriva à un énorme trou dans le sol. Les scarabées s’y jetaient, aussi elle s’y faufila prudemment, en faisant attention à ne pas écraser la moindre carapace. L’ouverture donnait sur un tunnel à peine assez large pour la laisser passer. Elle n’y voyait pas grand chose mais au bout du conduit il y avait une faible lueur. Enfin, elle arriva à une cavité cette fois de grande taille. Le sol grouillait de scarabées de formes, de couleur et de tailles différentes. La lumière diffusée par des émeraudes donnait un aspect surréaliste à cet endroit, Zehanie trouvait ça étrange mais elle se sentait bien ici. Elle remarqua que peu à peu les insectes quittaient la pièce, découvrant alors des éléments jusque-là recouverts. Assis par terre contre un mur il y avait un homme en armure, ou du moins une femme. La mort l’avait emporté depuis des temps immémoriaux, il ne restait à l’intérieur que le squelette dont la main enserrait une large épée. L’armure parée de bijoux en forme de scarabée et au casque rappelant Kehper ne laissait pas de doute sur la nature de cette personne.

- Guerrière de Kehper...

Zehanie frotta l’armure pour enlever le sable qui la couvrait. Au moment où ses doigts effleurèrent la défunte tout changea autour d’elle. Comme si elle entrait dans un rêve, mais éveillé. Elle était au milieu du désert en face de cette femme gardienne de Kehper. On ne voyait pas son visage, mais elle était bien vivante.

- Mon nom est Azela, fille de l’incarnation de Kehper et de Hassiya, ceci est mon testament. Alors que la mort m’emporte lentement j’utilise la parole divine pour que ceci parvienne à mes descendants. J’ai combattu dans cette guerre afin de protéger les peuplades les plus démunies face à la colère de Ra le traître. J’ai vu l’horreur des exactions des prêtres et j’ai vu la mort de mes frères et mes sœurs d’armes. J’étais là lorsque le cœur de mon père a été transpercé par la lance de Nebsen le sphinx de Ra. C’est là que la guerre bascula car Ra, devenu Sol’ra captura Kehper comme il avait capturé Cheksathèt. Sauf que le dieu scarabée, à l’inverse du dieu des savoirs pouvait résister. Il fut donc enchaîné et contraint à l’obéissance. Toi qui est de mon sang ne le juge pas par ses actes car sa volonté est pliée. J’ai tenté l’impossible pour le libérer mais la tâche s’est avérée impossible. Mais rien n’est perdu car tu es là et je t’offre ce que je peux t’offrir. Prends mon arme, prends mon armure et bats-toi, je serai toujours avec toi.

Zehanie aurait aimé lui poser un millier de questions mais la vision s’effaça comme elle était venue. La nuit était passée sans même s’en rendre compte. A présent un dilemme se présentait : ignorer tout ce qui venait de se passer ou en tenir compte et suivre ce nouveau chemin. Elle se pencha sur le squelette pour en détacher l’armure afin de s’en revêtir.

- Elle me va parfaitement, sa légèreté est incroyable, dit-elle en attrapant la lame.

Le sable et la poussière s’en détachèrent, l’épée n’avait pas rouillé et sa lame brillait faiblement. A ce moment-là le Solarian à l’apparence de Soraya apparut devant elle.

- Prends ma main ! Vite !

Elle obéit à l’ordre et attrapa la main tendue.

Elles réapparurent dans un lieu encore plus insolite, derrière un énorme cristal jaune. Le sol était fait d’immenses dalles.

- Où sommes-nous ?

- Là où Kehper est retenu. Regarde discrètement derrière le cristal.

Zehanie s’exécuta et risqua un regard dans la direction donnée. Elle vit le scarabée à la taille démesurée, ses pattes immobilisées par des chaînes de lumière. Non loin de lui deux autres formes humanoïdes, comme celle à l’apparence de Soraya surveillait le dieu captif. Zehanie sentit la rage lui monter, elle serra la poignée de son épée et s’élança...

Chapitre 18 - Odyssée

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Ce jour là, un vent glacial soufflait sur la cité de Dal. S’engouffrant dans les longues rues pavées, il retournait les robes des femmes et mordait la peau de leurs jambes glabres. Était-elle pressée ou poussée par le vent mais Astria, une prêtresse de Pergea, allait à grands pas entre les passants. D’une main elle retenait le capuchon de sa cape tandis que de l’autre elle serrait un rouleau de parchemin. Agrémentant ses zigzags de “Pardon” et autres “Excusez-moi” la jeune femme aux longues tresses surveillait son objectif avec excitation. Les idées fusaient dans sa tête, la nouvelle qu’elle venait de recevoir l’investissait d’une nouvelle et très importante mission. Très loin au nord la Légion Runique accompagnée de l’équipage de l’Amiral Al la Triste avaient découvert la Porte des Dieux. Fait incroyable selon elle, car la découverte faisait assurément partie du folklore Tantadien. Après une longue marche dans les ruelles venteuses, elle finit par se trouver face à un bâtiment de trois étages aux imposantes colonnades. Des hommes et des femmes en sortaient continuellement de jour comme de nuit. C’était la grande bibliothèque, le centre des activités de la ville, d’ailleurs cette dernière c’était développée autour du bâtiment. L’édifice était tentaculaire et rivalisait de part sa taille avec la fameuse Académie de Noz’Dingard, sauf qu’ici les documents ne traitaient pas de magie, mais du reste. On y trouvait des traités politiques, des récits ou encore des lois, de ce fait les gens de la plèbe côtoyaient les personnes plus importantes car tout le monde était susceptible de venir chercher une information ici. Astria connaissait bien les lieux, et pour cause, elle y travaillait depuis l’âge de quinze ans. Son père, un conservateur de la bibliothèque, avait contribué, par le jeu des relations, à garder sa fille non loin de lui. Elle salua au détour des couloirs les personnes qu’elle connaissait bien, et il y en avait beaucoup à saluer. Parée de son sourire le plus aimable elle s’arrêta devant le pupitre d’un homme de bonne constitution au visage sévère.

- Ah... Astria... Que puis-je pour toi ? Dit l’homme d’un ton acerbe.

- Je souhaite accéder aux archives concernant les légendes antiques. J’ai un accès autorisé.

L’homme plongea son regard accusateur dans celui de la jeune prêtresse.

- Ah oui ?

- Oui ! Dit-elle en montrant deux runes sur la main.

L’ironie laissa place à la stupeur, les deux runes étaient celles du Cénacle et de la Légion Runique.

- Quoi, toi tu es missionnée par la Légion... mais où va-t-on ?

- Moi je sais où je vais : consulter les archives, dit-elle en laissant là le bibliothécaire à l’air ahuri.

Astria ne connaissait pas beaucoup cette section ô combien labyrinthique et désordonnée. C’était tôt le matin et il n’y avait pas un chat ici rendant l’endroit un peu triste. Au bout d’un moment elle trouva l’emplacement des documents qu’elle voulait consulter, mais il n’y avait rien.

- Par les cornes d’Azen ! C’est pas possible ! Réfléchis Astria... réfléchis... le bibliothécaire !

La prêtresse se mit alors à courir vers la sortie et retrouva celui qu’elle cherchait en discussion avec une autre personne, un homme vêtu comme un prêtre, le crâne rasé. A sa tenue elle détermina de quel ordre il faisait partie. Elle remarqua les documents dans sa main, précisément ceux qu’elle voulait. En la voyant le bibliothécaire fit un signe discret à son interlocuteur pour l’enjoindre de partir. Ni une ni deux Astria s’élança en criant.

- Et toi, le Kertasien, arrête-toi !!

Mais le fuyard ne stoppa pas sa course, au contraire il se mit à courir. Astria le suivit mais fut gênée par le bibliothécaire qui s’interposa.

- Où vas-tu ainsi ? Tes recherches sont déjà finies ?

Pour seule réponse l’homme reçut un magistral coup de genou dans les parties génitales. Autant vous dire qu’il s’effondra et laissa le champ libre à la jeune femme. Mais celle-ci était gênée par sa robe et sa cape, ce qui la fâcha d’autant plus. Le Kertasien s’éloignait trop rapidement ! Elle hurlait tant et plus afin que quelqu’un intercepte le fuyard, mais personne n’osa s’interposer car celui-ci avait sorti un glaive et menaçait toute personne désireuse de jouer au héros. Enfin, ce dernier sortit de la bibliothèque et fila dans la grande rue. Furieuse, Astria déchira sa robe pour pouvoir mieux se mouvoir. La poursuite continua, sous les yeux inquiets des badauds bravant le froid et le vent. Astria n’en pouvait plus, mais en tant que prêtresse de Pergea, déesse de l’espoir, elle garda sa volonté intacte et récupéra du terrain, toujours en hurlant. Heureux hasard ou Coup de main de Pergea ? Un imposant minotaure aux cornes de métal qui descendait la rue vit la prêtresse appeler au secours et repéra le fuyard. Au moment où ce dernier passait à côté de lui, il reçut une baffe à lui décoller la mâchoire. Les documents s’envolèrent poussés par le vent. Astria sauta sur les parchemins comme si sa vie en dépendait, alors que le minotaure tenait le fuyard par la peau du cou.

- Ça va Astria ?

- Oui... dit-elle essoufflée... Je remercie Pergea de t’avoir mis sur ma route Ixor.

- Je suis toujours là lorsqu’il s’agit de faire régner l’ordre et la justice. Je venais voir comment tu allais, comme quoi...

- J’en peux plus... J’ai l’impression que ma tête va exploser.

- Vous ne devez pas aller plus loin, sinon cela vous coûtera cher, déclara le Kertasien qui reprenait ses esprits. Je vous aurais prévenu, ajouta-t-il avant d’avaler une pilule de cyanure.

Ixor lâcha l’infortuné alors que celui-ci recrachait une écume blanchâtre. En un rien de temps la mort l’emporta.

- L’idiot... râla Ixor. C’est pas comme ça qu’on doit mourir.

- Il nous prive surtout de réponses, je ferai une enquête pour savoir qui il était, mais pour le moment je dois lire et décrypter ça, dit Astria en montrant les parchemins.

Voilà plusieurs jours que l’Arc-kadia faisait la navette entre les terres de Tantad et la porte des Dieux. Depuis qu’Astria avait percé les secrets des runes de la porte le Cénacle avait ordonné à la Légion runique de réunir ses troupes. C’est ce qui venait d’être fait, les derniers arrivants furent justement Ixor et Astria. La prêtresse s’émerveilla de voir cette gigantesque porte et l’île volante sur laquelle elle se trouvait. Elle l’avait imaginé plus petite mais l’importance était telle que la taille importait peu. Aurius et Eilos accueillirent la jeune femme avec beaucoup de respect, sa présence assurait à la Légion de toujours garder espoir.

- Bienvenue Astria. As-tu fait un bon voyage ?

- Je ne suis pas habituée à emprunter des bateaux volants, l’expérience était intéressante.

- J’ai livré le dernier colis, dit Al la Triste. Vous êtes certains de vouloir faire ça ?

- Nous, nous ne renonçons jamais, répondit le centorium avec ironie.

- Mouais, je suis pas vraiment d’humeur à supporter tes blagues Aurius. J’ai fait ma part du marché à toi de respecter la tienne.

- Et je respecterai la mienne, le Cénacle est déjà au courant et traite actuellement ta demande que j’ai appuyé du mieux que je pouvais.

- Parfait, bon courage pour votre expédition, à présent nous regagnons Bramamir.

- Merci et bon courage.

Peu de temps après, l’Arc-kadia n’était plus qu’un point noir à l’horizon, il ne restait plus que la Légion Runique et sa mission. Astria ne tarda pas pour se mettre au travail, aidée des autres prêtres. De mémoire de Tantadien, jamais une cérémonie aussi importante n’avait été pratiquée. La porte des Dieux, comme son nom l’indiquait, avait un rapport avec les divinités priées en Tantad. En vérité, Astria avait découvert un fait important, la porte aurait été fermée par les dieux eux-mêmes et seuls ceux-ci pouvaient la rouvrir. C’est ce que comptait demander les prêtres au cours de cette cérémonie. La préparation dura un jour entier, durant laquelle les prêtres allumèrent des flambeaux, tracèrent des runes sur le sol et prièrent. Le lendemain, dans l’après-midi, Astria demanda à tous d’être prêt car la cérémonie allait commencer. Les prêtres, chacun à leur manière, se mirent à s’adresser à leur dieu pour que celui-ci réponde à leurs prières. De la même façon, les Guerriers Runiques priaient comme s’ils désiraient appuyer la demande des prêtres. C’était un véritable bouillon de ferveur, les runes au sol s’allumèrent les unes après les autres. Puis après une heure, un vent... divin souffla sur l’assistance et le silence se fit. Astria qui gardait l’espoir que son entreprise fonctionne regardait dans tous les sens. Mais les dieux ne se montrèrent pas, non, mais par contre ils se firent entendre. Une voix forte et masculine résonna.

- Vos voix sont parvenues jusqu’à nous, fidèles et vos prières ont été entendues. Cette porte a été scellée alors que le monde était jeune et en danger, nous pouvons l’ouvrir à nouveau sans possibilité de retour si vous vous aventurez au-delà.

- Nous prenons le risque, la meilleur défense c’est l’attaque ! cria Aurius. La mort ne nous fait pas peur car nous sommes la Légion Runique, les meilleurs guerriers que cette terre porte !

- Qu’il en soit ainsi !

Alors les énormes runes présentes sur les deux colonnes de chaque côté s’illuminèrent et la porte s’ouvrit largement. Aurius tira son épée et la leva vers le ciel.

- Légion Runique ! En avant !

Les hommes et les femmes de la Légion suivirent leur chef vers ce monde inconnu qui s’étendait au delà du seuil de la porte.

Lorsque tous furent passés, les doubles battants se refermèrent en silence, à présent clos... pour l’éternité.

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