De Eredan.

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Sommaire

Histoire

Embrasement

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La nature avait enserré le Tombeau des ancêtres d’une végétation épaisse. Elle avait obéi à ceux qui sont nés de la terre et des arbres. La fureur avec laquelle la Cœur de Sève était entrée dans le conflit mettait un terme à la relative quiétude des lieux. Les lianes, qui recouvraient désormais la pierre tombée du ciel, pulsaient comme si du sang affluait par les battements d’un cœur invisible. Le Sphinx frappait avec une rage divine, taillant les racines qui tentaient de le capturer, mais sa fureur était trop forte, autour de lui deux énormes Hom’Chaï s’approchaient dangereusement. Heureusement pour le Gardien du temple, il était épaulé par Kararine. Insaisissable et agile comme une panthère, elle libéra son compagnon nomade. Ce dernier décida de se replier le temps que Ïolmarek trouve une solution à cette forte résistance. Le chef des Nomades du désert avait fort à faire, repoussant avec peine les assauts magiques du Kei’zan et de Parlesprit. La magie des deux Daïs était puissante, mais la foi de Ïolmarek et ses acolytes était un rempart contre lequel leurs adversaires venaient se briser.


Un peu plus loin à l’écart, les restes du campement des Envoyés de Noz’Dingard abritaient une étrange rencontre. Melissandre discutait avec Valentin le chevalier dragon.

- En vous sommeille une force que le Kei’zan a identifié comme étant équivalente à celle de l’Arbre-Monde. Vous devez comprendre que cette pierre n’est pas bonne pour notre terre et qu’elle va la faire pourrir.

Valentin s’était réveillé le matin en sursaut alors que la Cœur de Sève lançait son offensive. Très vite sur le pied de guerre, il avait observé les escarmouches, rendant ainsi compte par ses yeux à Dragon d’une situation assez complexe et explosive. Puis plus tard, la jeune Elfine s’était présentée à lui, pour une raison qui lui échappait encore.

- Nous avons entendu parler de Dragon et de sa sagesse. Je parle au nom du Kei’Zan en demandant de l’aide auprès de votre peuple. Vous devez ressentir les effets de la perversion.

Valentin se gratta la barbe, assez embarrassé. Il n’était pas mage et n’y connaissait pas grand chose au sujet. Il avait été envoyé là le temps que d’autres membres reviennent de mission.

- Je suis l’un des chevaliers de Dragon, tout ce que je sais, il le sait car nous sommes liés.

A ce moment là, Dragon décida de prendre la parole. L’aspect physique de Valentin changea, ses traits devinrent ceux d’un hybride homme/dragon.

- J’ai entendu l’appel de l’Arbre-Monde, Elfine. Le mal est caché aux yeux de tous et occupe mes Envoyés.

Melissandre eut l’air déçue de cette réponse.

- Mais Valentin va vous accompagner et mettre son savoir à votre service. Je vous enverrai d’autres alliés le moment venu.

Puis, Valetin reprit son apparence normale.

- Bien, on dirait bien qu’il va me falloir me mettre sous votre commandement.


Un peu plus tard et avec l’aide fortuite du vieux chevalier dragon, les Nomades étaient en très fâcheuse posture. Il y avait plusieurs blessés dans les rangs des fidèles de Sol’ra. Mais, heureusement pour eux, ils n’étaient pas seuls. Ils combattaient pour un idéal et pour une force supérieure qui dépassait leur condition. La pierre tombée du ciel, bien qu’entourée de lianes, émit un nouveau chant. Le vieux prêtre l’entendait et le comprenait comme s’il s’agissait de paroles célestes.

“Appelle-là, serviteur. Elle seule peut vous tirer de là”.

- Elle ??

Malika, qui était à côté, attrapa la soutane de Ïolmarek.

- Qui ça elle ? Sois plus clair !

Mais le prêtre n’écoutait plus rien. Il sortit alors une lampe à huile et souffla dessus. Une créature bleutée en sortit.

- Oui, mon maître, puis-je réaliser un de vos souhaits ?

- J’utilise mon deuxième vœux, génie. Je souhaite que Djamena soit là immédiatement.

- Qu’il en soit fait selon votre volonté, maître.

Le génie ferma les yeux et une aura dorée apparut autour de lui. Un flash se produisit alors, aveuglant toutes les personnes dans les environs. Lorsque la vue lui revint, se tenait à ses côtés une jeune femme vêtue des habits blancs et bleus des initiés du dieu Sol’ra. La jeune femme avait l’air interloquée par ce qu’il venait de se produire et lançait des regards autour d’elle avec une certaine panique. Puis, jetant un œil inquisiteur sur celui qui avait sauvé son père d’un sort incertain, elle entendit à son tour le chant. La douce voix ne s’adressait qu’à elle.

“Djamena, réveille toi ! Il est temps pour toi de redevenir celle que tu étais autrefois. Tu entends Djamena ?”

La jeune femme ne bougeait pas, mais en elle quelque chose se produisait, un déclic, une libération. Une lance apparut alors dans sa main puis, d’un geste, elle fendit l’air de bas en haut en direction de la pierre. Au bout de quelques secondes, les lianes l’entourant se rompirent, puis, en tombant, se décomposèrent et finirent par devenir du sable. La gemme se mit à luire de plus belle. A son pied, Djamena avait changé. Des ailes avaient poussé et ses cheveux qui flottaient au vent étaient devenus presque blancs. Tous les Nomades savaient qu’un nouveau Solarian venait de faire son apparition, cela signifiait que cette bataille n’était pas perdue.

A présent, le sol autour de la pierre se craquelait, une violente énergie divine s’était mise à l’œuvre. Alhem sentait que Sol’ra les regardait et jugerait leurs actes. Les théurgies de soin furent invoquées, remettant tous les Nomades d’aplomb pour une nouvelle manche. La contre-attaque fut lancée par le Sphinx qui, dans un rugissement, sauta sur Marque-rouge et manqua de peu de le décapiter, sauvé in extremis par Valentin qui avait repoussé le colosse au corps de lion. Djamena s’interposa ensuite.

- Tu vas être jugé, je suis le bras de dieu, et toi un insecte que je vais écraser ! Dit-elle avec colère. A peine eut-elle prononcé ces quelques mots que le ciel commença à s’assombrir. - Seigneur, nos actes à venir ne sont pas dignes de votre regard. Que l’Eclipse voile vos yeux divins et nous accorde la faveur de la lumière noire.

La Griffe, quant à elle, s’était faufilée entre les restes de lianes et d’arbres et allait assener à la jeune nomade un coup magistral lorsqu’elle fut immobilisée. Elle se sentait comme attirée par le sol. Ïolmarek s’avança jusqu’à elle en ricanant. Son aspect avait changé, ses habits et son attitude étaient devenus noirs.

- L’Eclipse, ma belle Eclipse, nous avons une guémélite !

Puis, des deux mains, il attrapa la griffe par le cou et la souleva au-dessus de lui.

- Tes péchés sont nombreux, infidèle ! Ton âme m’appartient pour l’éternité.

Il plaqua sa main droite sur la tête de la guémélite puis, comme s’il avait attrapé quelque chose d’invisible, il tira de toutes ses forces. Une forme fantomatique sortit d’elle. Son âme quittait son corps. Son cœur cessa alors de battre et ses bras cessèrent de s’agiter. Le Kei’zan un peu plus loin assista à la scène sans pouvoir faire quoi que ce soit...


Vers les Confins

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Le Tombeau des Ancêtres était à feu et à sang. La pierre Tombée du Ciel avait embrasé les alentours, détruisant les campements des Envoyés de Noz’Dingard et de la Kotoba. La Coeur de Sève et Valentin le Chevalier-Dragon s’étaient repliés sur le territoire Eltarite. Ils furent très vite rejoints par d’autres qui avaient assisté à la bataille et qui souhaitaient en savoir plus. Les Nomades du désert tenaient désormais le Tombeau des Ancêtres, galvanisés par la pierre et par l’Eclipse qui s’était produite peu de temps après l’apparition de leur nouveau combattant. Ces fanatiques avaient mis en défaite les créatures de la nature.

Le Kei’Zan tenait dans ses bras le corps sans vie de la Griffe, la tristesse et la fatigue se lisaient sur les visages éteints des Eltarites. Pour le coup, et vu l’importance de l’évènement, ce fut l’une des rares fois où autant d’étrangers furent acceptés sur les terres ancestrales habituellement cachées. Il y avait donc des membres de la Kotoba, des Envoyés de Noz’Dingard, des combattants de Zil et même des pirates, très récemment arrivés dans le conflit.


Le vent soufflait dans les arbres, le Kei’Zan posa au sol le corps inerte de sa fille adoptive. S’il avait eu un cœur, celui-ci serait brisé en mille morceaux tellement sa peine était grande. Autour de lui les autres membres de la Coeur de Sève se réunirent et entamèrent le chant rituel des défunts, une mélodie triste et mélancolique. Le Daïs incanta ensuite un antique sort de retour à la terre, des racines sortirent du sol et entourèrent la Griffe. Puis lentement le tout s’enfonça dans le sol.

Durant ce temps, Valentin était en conversation intérieure avec Dragon.

- Mon seigneur, vous avez vu comme moi ce qu’il vient de se passer. Quelle attitude prendre désormais ? Ces nomades semblent être aussi dangereux que les fidèles de Nehant.

- Chevalier, il va falloir agir sans confrontation directe, du moins pour le moment. Il existe une personne qui pourrait apporter une solution. Elle se trouve dans cette forêt mais elle est emprisonnée par les siens.

- Dois-je demander à rencontrer cette personne.

- Oui, il le faut. Quelques uns des Envoyés ne devraient plus tarder à arriver sur place désormais.

- J'obéis.

Une fois le chant fini, Valentin alla à la rencontre du Kei’Zan.

- Je m’excuse de vous déranger dans un moment visiblement pénible. Je dois vous demander un service.

Le Kei’zan hocha la tête et Valentin sentit les paroles du Dais au cœur même de ses pensées.

- Oui envoyé de Dragon ?

- Visiblement quelqu’un de chez vous aurait une solution à apporter quant aux pouvoirs de ces nomades.

- Qui donc ?

- Une personne que vous retiendriez prisonnière.

Le Daïs dont le visage sans bouche était figé secoua la tête.

- La personne que vous évoquez a été punie pour ses actes.

- Je ne remets nullement votre avis en cause, mais serait-il possible de lui parler ?

- Je soupçonne une puissance supérieure de vous avoir soufflé l’existence de cette personne.

- Dragon pense que ce prisonnier est un maillon de la chaîne et que son aide est capitale.

Après une longue hésitation, le Kei’zan accepta de mener le Chevalier-Dragon à celui qui, depuis de très nombreuses années, était emprisonné au cœur de la forêt. Durant deux jours ils parcoururent les sentiers, Valentin fut émerveillé de voir autant de lieux insolites et spectaculaires. Pourtant il avait voyagé durant des années, parcourant le monde de long en large. Enfin ils arrivèrent là où autrefois l’Arbre-Coeur de sa hauteur dominait le monde. Il ne restait plus qu’une souche sans vie, mais c’était surtout le territoire du Kei’zan. Au détour de quelques arbres entourés de buissons larges et dangereux se trouvait le prisonnier.

- Je vais l’autoriser à parler, mais attention à vos paroles, mon frère est vindicatif.

- Votre frère ? S’étonna Valentin. Bien. A-t-il un nom ?

- Aujourd’hui nous le nommons le Grêlé, vous comprendrez pourquoi en le voyant.

Devant eux la végétation s’écarta laissant le passage libre vers un immense bloc d’ambre. A l’intérieur était enfermé un Daïs de grande taille dont le côté gauche était constellée de morceaux de pierres vertes brillantes. Le Kei’zan passa sa main devant le Grêlé, lui donnant le pouvoir de ressentir le monde qui l’entourait. Aussitôt il eut une vague de tristesse. S’informant ainsi des évènements qui venaient de se produire, menant à la mort de la Griffe. La colère monta très vite, trop vite !

- Voilà où tout ça nous mène mon frère !! Le temps des discours est fini, libère moi !!

- Non, tu sais que c’est impossible répondit le Kei’zan la main tendue vers le bloc d’ambre.

Valentin fut surpris de la voix du Grêlé, puissante et claire.

- Et toi guémélite, ne ressens-tu pas la destruction lente de notre monde ? Dit-il en s’adressant au Chevalier-Dragon.

- Je sais que nous avons un adversaire de taille et que vous auriez une solution à nous proposer.

- Avant cela il faut me laisser sortir, je n’en peux plus de rester immobile, paralysé devant ce qu’il se passe alors que des Eltarites perdent plus que leur vie !

- La Griffe savait pertinemment ce qu’elle risquait ! Rétorqua le Kei’zan avec vigueur.

- Oui bien sur, mais toi, tu as laissé son âme disparaître. Alors, lequel de nous deux devrait se trouver dans ce bloc d’ambre, frère ?

- Mais connaissez-vous oui ou non un moyen de contrer ces nomades venus du désert ? Le guémélite dragon percevait l’animosité qu’éprouvaient les deux frères l’un pour l’autre.

- Oui, je le peux. Assura le Grêlé en se calmant.

- Alors dis nous ce qu’il en est mon frère.

- Je te l’ai dit, il va falloir que je sorte de cette prison car il faudra que je mène des gens loin d’ici. Ecoute, Kei’zan, écoute la complainte des Eltarites, ils sentent que le vent tourne et que le danger guette leur foyer.

Le Daïs savait que ce moment arriverait un jour, mais si vraiment le Grêlé tenait la solution il ne devait pas laisser les sentiments parler, mais faire place à la raison. Et puis si jamais le Grêlé redevenait instable il s’arrangerait pour qu’il retourne dans sa prison et qu’il y passe son existence.

- Bien, je te libère. Mais au moindre faux pas, je te renverrais ici.

Puis le Kei’zan frappa de son bâton le sol recouvert de mousse et de feuilles mortes. Une onde d’énergie magique se propagea jusqu’au bloc d’ambre, celui-ci se réduisit jusqu’à ce que le prisonnier puisse enfin bouger. Il s’étira un coup puis avança jusqu’à hauteur de son frère.

- Je tiendrais parole, je vais aider du mieux que je le pourrais.


Pendant ce temps, à l'orée de la forêt une véritable ville de tentes s’était montée, mêlant toutes les guildes. L’Arc-Kadia, navire des pirates s’était posé un peu plus loin dans une clairière. Les échanges d’opinions sur ce qu’il se passait étaient nombreux. Lorsque le Kei’zan, Valentin et le Grêlé firent leur apparition, Un grand cercle se fit autour d’eux. Le Grêlé tourna autour en regardant chacun.

- La guerre est à nos portes. Ceux venus du désert servent un dieu destructeur, ils ne s'arrêteront pas là.

Dans la foule les chuchotements allèrent bon train.

- Ceux qui seront capables de passer outre les animosités que vous ressentez les uns pour les autres seront des atouts incroyables pour le combat à venir. Et il va falloir tenir le temps pour moi et quelques uns d’entre vous de ramener celui qui peut résoudre notre problème majeur, la pierre Tombée du Ciel.

- Et où comptez vous aller, si c’est pas indiscret ? Demanda Malyss un mage de la Kotoba.

- Dans les Confins résonna gravement la voix du Grêlé.

De nouveaux chuchotements parcoururent l’assemblée, le nom “Confins” semblaient provoquer beaucoup d’interrogations, de peur et de curiosité.

- Je connais un passage qui nous mènera là-bas. Je ne vous cache pas que c’est très risqué, mais qu’est-ce que ce risque face au péril qui nous guette ? Des volontaires ? Un membre par guilde me semble être une bonne chose.

Immédiatement Ergue s’avança.

- J’ai toujours rêvé d’y aller...

Ce fut le tour de Malyss puis d’Anryena et enfin, après avoir discuté longuement et vu l’intérêt de trouver quelque chose de précieux, Oeil de Gemme fut la représentante des Pirates. De son côté Dragon offrit son aide. Grâce à Valentin et aux Envoyés de Noz’Dingard présents, un portail fut ouvert entre la forêt et la grande salle de réception du palais Noz’Dingard, ce qui leur évita une longue route car le passage vers les Confins se trouvait de l’autre côté de la Draconie par rapport à eux. Ils débouchèrent dans une vaste salle, entre quatre pylônes de cristal gravés de nombreux entrelacs. Devant eux se tenait Prophète.

- Soyez les bienvenus. La Draconie met à la disposition de cette expédition des vivres ainsi que quelques moyens afin que vous puissiez au mieux accomplir votre tâche. Je ferai en sorte que vous trouviez toujours un endroit où passer la nuit jusqu’à la frontière avec Baranthe.

Le Grêlé inclina la tête.

- Nous vous remercions Prophète.


Une semaine plus tard, le groupe d’aventuriers arrivait à la frontière. Non loin de là, c’étaient les brumes des Confins. Cet endroit particulier était une barrière, derrière se cachait le tombeau de Nehant où ce dernier fut emprisonné voilà 70 ans. Cette brume magique était un lieu de passage entre deux continents, les Confins et celui communément appelé Terres de Guem. Il arrivait parfois que certaines personnes d’un côté ou de l’autre arrivent à passer sur l’autre continent, parfois par mégarde, parfois après de longues recherches.

- Nous voici au bord de la brume des Confins, nous allons nous encorder sans quoi certains pourraient ne jamais ressortir. Leur demanda le Grêlé.

- J’ai entendu parlé de cet endroit. Vous êtes certain de vouloir aller là dedans ? Une puissante magie est à l’œuvre ici, je peux la ressentir. S’inquiéta Malyss.

- C’est cette magie qui permet de passer de l’autre côté. Indiqua le Grêlé une fois que tous furent attachés les uns aux autres.

A la fois poussés par la curiosité et l’angoisse face à l’inconnu, les membres de l’expédition s’engouffrèrent dans l’épaisse brume. Ils n’y voyaient pas plus loin que le bout de leur nez et la confiance fut de mise alors qu’ils avançaient prudemment. Très vite le sol craqua sous leurs pas et des particules de terre calcinée s’ajoutèrent à l’opacité ambiante rendant la respiration difficile et la vision pénible. Une heure passa et autour d’eux, bien qu’ils ne le voyaient pas, le paysage changea pour devenir chaotique. Des cristaux de couleurs multiples dépassaient de partout, rendant dangereux leur lente progression. Leur guide les fit passer par des détours incroyables, mais peu à peu la brume s’estompa et les cendres disparurent. Lorsque tout devint clair autour d’eux ils n’étaient plus en Terres de Guem, mais à l’autre bout du monde dans un endroit incroyable.

- On dirait les Îles Blanches ! Mais c’est gigantesque !! S’exclama Oeil de Gemme.

Tous furent fascinés par la découverte de cette partie du monde. Il y avait là à perte de vue des centaines d’îles détachées de la terre et volant dans le ciel. Après un rapide coup d’œil vers le bas ils ne purent voir la surface de la planète.

- Nous y sommes. Notre voyage ne fait que commencer car notre périple risque de durer. Nous partons à la recherche d’une créature légendaire ayant autrefois existé sur les terres de Guem, le Mangepierre.

Mutinerie

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Extraits du journal d’Al la triste.

[...]Nous avons trouvé un étrange objet sur une île. Le capitaine Hic, à supposer que c’est lui, avait protégé les lieux, heureusement que Bragan connaissait ce sortilège sans quoi nous aurions été le cul dans l’eau.[...]

[...]L’objet était en réalité une foutue balise. Lorsque j’ai approché la sphère de la carte, je me suis aperçue que des symboles et des sillons dans le métal étaient apparus à la surface. Œil de gemme a passé plusieurs heures sur ce problème sans comprendre de quoi il s’agissait. C’est Klémence qui a résolu le problème lorsque je me suis adressée à l’équipage. Encore un truc de pirate, une balle à poudre, un objet dans lequel il faut mettre de la poudre puis allumer en faisant glisser sur un parchemin. Le but étant de partir d’un repère en forme de croix qui se trouve sur la sphère et pousser vers l’avant sur le parchemin, la sphère glisse alors toute seule, dessinant une forme. C’est très difficile à expliquer ainsi. Après avoir fait ça, y’avait sur le parchemin une ligne toute bizarre.[...]

[...]J’ai un mal de crane pas possible, faut dire qu’on a bien fêté notre trouvaille. Superposer la carte du capitaine Hic et le parchemin avec la ligne en prenant pour point de départ l’île où nous avions trouvé la sphère était une excellente idée. En suivant les gros points qui parcourent la ligne et en les faisant correspondre à certains repères géographiques, ça nous a indiqué le prochain lieu où nous rendre.[...]

[...]Alors que nous arrivions sur les lieux où j’espérais trouver la prochaine énigme, nous avons rencontré un obstacle de taille, l’absence de vent. Nous sommes au milieu de nulle part, la barre comme les machines ne répondent plus. Reste plus qu’à espérer que Klémence trouve comment résoudre ça.[...]

[...]Voilà déjà plusieurs jours que l’Arc-Kadia est figé en l’air comme une vieille coquille échouée. Je ne comprends pas ce qu’y s’passe, nous sommes exactement là où indique la carte, me serais-je trompée ? En tout cas, c’est ce que semblent penser certains matelots qui commencent à parler entre eux. J’ai surpris une conversation entre Poukos et Œil de Gemme, il paraîtrait que je ne suis pas un si bon capitaine que ça. Je vais surveiller ça de très près, ça m’étonne de la part de mon second.[...]

[...]Mutinerie ! C’est allé si vite, je doute que tout ceci soit normal. Une partie de l’équipage souhaite que je me rende sous le prétexte de ne pas les avoir protégé et de pas avoir anticipé tout ça. Ces lâches ont capturé Klémence et Bragan qui me sont restés fidèles. Tels que je les connais, ils vont leur faire faire le grand saut. Nom d’une jambe en bois, à quoi ça les avance de faire ça, pensent-ils que le navire va subitement se remettre à bouger parce qu’ils se sont débarrassés de moi ? J’ai vraiment l’impression qu’ils deviennent fous.[...] Plus le temps passe, plus la situation dégénère. Je vais devoir reprendre le navire, pas d’autre choix, il va falloir que je délivre Klémence dans un premier temps et qu’elle réactive ensuite Ekrou. Avec cet atout de taille, il sera facile de reprendre le reste. Ça fait bien longtemps que je n’ai pas eu l’occasion de ressortir mes pistolames, j’aurais préféré que ça soit dans de meilleures conditions, tant pis.[...]

[...]J’ai réussi, Klémence est sauve. Bon Armada va avoir un sacré mal de tête durant quelques temps, mais elle n'avait qu’à me laisser passer. Je savais que cette fille n'était pas nette mais là c’est pire, elle a menacé de se faire exploser et nous avec. Qu’est-ce qui m’a prit de la prendre à bord ?[...]Klémence me dit que les mutins avaient parfois de drôles de comportements.[...]Nous partons réactiver Ekrou, ils vont voir de quel bois j’me chauffe.[...]

[...]Une longue bataille a eu lieu. On a abîmé mon beau navire, j’vais leur faire payer moi tout ce bordel à ces sauvages ! Bon résultat des courses, tous les mutins sont neutralisés sans le moindre mort. Ça a bien castagné, je ne savais pas que Klémence était aussi intelligente. Elle a fabriqué des espèces de gants à la fois magiques et mécaniques. Lorsqu’Ekrou frappait, et bien Klémence faisait exactement le même geste ! Les autres ont été très surpris par cette trouvaille. [...] J’ai interrogé ces sacs à rhum, mais leurs réponses furent très évasives et au final eux même ne savaient pas trop s’qui s’est passé. Après réflexion, la relation entre le point de la prochaine énigme et tout ça était presque évidente, mais je l’avais pas vu. Du coup Bragan m’a confirmé que quelque chose de magique était à l’œuvre... encore.[...]

[...]Il s’est passé encore un truc bizarre, le fantôme du capitaine Hic est apparu sur le pont, plutôt bel homme d’ailleurs. Il m’a fait comprendre que j’étais digne de poursuivre la course à son trésor. De toute façon même sans son accord j’aurais continué.[...] Lorsqu’il a disparu le bateau s'est remis à nouveau à avancer, et à l’endroit où s’trouvait Hic, un livre rouge de p’tite taille fermé par une serrure cuivrée en forme de gueule de démon est apparu. Sur la couverture on pouvait lire le titre : journal du Capitaine Hic.[...] La serrure ne tint pas longtemps, un coup de piston et il a volé en éclat.[...]

[...]J’ai lu le journal du capitaine Hic, on peut dire qu’il en a vécu des aventures incroyables. Je note particulièrement ceci, l’écriture était difficile à déchiffrer : “Mes os sont brisés. Mon navire s’est posé au milieu d’un endroit inimaginable, il y a des bulles de partout. Alors que la mort tend sur moi son manteau de malheur, il est temps pour moi de lancer le sortilège d’héritage. Si tu lis ces lignes, c’est que tu es mon héritier, mais prends garde car....” Hélas ça s’arrête là. Un nouveau point brille sur la carte, nous nous mettons en route, j’ai hâte de voir ce que cela nous réserve.[...]

Le Néhantiste

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Marlok se regardait dans un des nombreux miroirs de la salle d’eau. Cela faisait bien longtemps qu’il ne s’était vu ainsi.

- T’as des cheveux blancs mon vieux. Se dit-il à haute voix. Il est temps de mériter ton retour dans ta patrie.

Aerouant qui était sur le pas de la porte secoua la tête, persuadé que cet homme était devenu fou. Après tout, n’avait-il pas fait partie des Combattants de Zil.

- Marlok, les autres nous attendent depuis un bon moment, t’es prêt ?

Le ton d’Aerouant affichait la couleur, comme sa grand-mère, il ne l’aimait pas et n’hésitait pas à lui faire savoir.

- Fiston, la précipitation n’est jamais bonne conseillère, tout comme la rancœur.

- Ne m’appelle pas comme ça ! Sache bien que malgré ta relative liberté, tu n’en restes pas moins notre prisonnier.

- Tu as raison je ne suis pas le bienvenu, mais si ton oncle m’a libéré c’est que je suis l’un des rares à pouvoir dénouer ce sac de nœuds et résoudre le “problème” Zil.

Les deux hommes allèrent ensuite à la porte nord de Noz’Dingard où les attendaient certains des Envoyés ainsi que le nouveau Prophète, seule était absente Anryéna, peut-être avait-elle des choses à raconter à son père ? Kounok prit la parole.

- Alishk, Aerouant et Pilkim vont partir avec toi jusqu’au tombeau, suite à quoi tu retourneras auprès des Zils. Les autres ne seront pas loin et te porterons assistance si besoin est.

Puis il s’adressa à Zahal.

- Voici une lettre à l’attention d’Angélique qui est à Kastel Drakren. Va lui apporter sans délais Chevalier Dragon.

Zahal attrapa la lettre sans regarder Prophète, encore honteux de ses défaillances. Il salua la troupe et se mit directement en route.

- Le temps de cette mission je réintègre Marlok au sein des Envoyés. Ajouta Prophète.

Certains furent assez étonnés et Aerouant fit la grimace. Mais nul ne dit mot car la parole de Prophète n’avait pas à être contestée.

- L’ombre étend sa main sur le monde, à nous de la mordre jusqu’au sang ! Prenez soin de vous et rappelez-vous des enseignements qui ont été les vôtres. La magie de Nehant est très puissante, elle est sournoise et peut faucher la vie en un clin d’œil.

Alors qu’il parlait, une petite troupe arriva en provenance de la ville. Il s’agissait de Naya et quelques-unes de ses sœurs.

- Prophète, mes Sorcelames et moi accompagnerons tes hommes.

La façon dont Naya venait de s’adresser à Prophète était à la limite de l’irrespect et le ton autoritaire trahissait son état de pensée, elle vengerait celui qui partagea sa vie autrefois. Kounok fixa celle qui fut la compagne de son frère durant de longues années et qui est aussi la mère d’Aerouant. Prophète était à l’écoute de Dragon “Laisse la aller, elle réclame vengeance et veut protéger son fils, elle sera un atout”.

- Soit, soyez les bienvenues dans cette expédition, vous devez déjà en connaître le danger, mais vos yeux brillent de la fureur, vos cœurs battent avec force et vous désirez venger mon frère. Soyez donc les dents de Dragon et mordez, mordez profondément.

Ainsi Naya, commandante des Sorcelames avec Anazra, Eglantyne et Moîra rejoignirent l’expédition.

Le voyage dura quelques jours, Marlok en profita pour expliquer son plan à tout le monde. Pour défaire le lien existant entre les Combattants de Zil et celui soupçonné comme étant Nehantiste, il faudrait que les mages accomplissent un rituel. Ce rituel attirera le malfrat aussi sûrement qu’une mouche sur des déjections. Et c’est à ce moment-là qu’il faudra frapper. Les Sorcelames seront donc les protectrices du rituel le temps pour eux de le finir et de libérer les Zils. Mais en attendant, il fallait que tous restent discrets. Ils montèrent un camp à une distance raisonnable de celui de ceux qu’ils venaient libérer.

Marlok enfila ses vieux habits aux couleurs des Zils.

- Demain au zénith, j’entamerais le rituel le temps pour moi de réunir ceux qui sont sous l’emprise du Nehantiste.

Puis il sortit d’un sac le bras de ce qui fut son golem, qui, après une incantation, devint partie intégrante de son propre bras. Enfin il regarda Aerouant et Pilkim.

- Vous devez connaître le sort de Lien révélé n’est-ce pas ?

- En théorie, répondit Aerouant. Mais je ne l’ai jamais lancé.

- Je sais le faire, dit Pilkim avec une voix timide. Le jeune mage se souvenant encore de sa première rencontre avec Marlok.

- Dans ce cas, lancez-le sur moi, puis durant mon absence il faudra que chacun d’entre vous puisse voir les liens.

- Dans quel but ? Interrogea Moîra poussée par la curiosité.

- Le Lien révélé permet de voir le fil magique qui lie une personne avec sa pierre-cœur, si elle en a une. C’est un sortilège inventé par Eredan lui-même. Lorsque demain nous affronterons ce Nehantiste, cela nous permettra de voir qui est le manipulateur et, le cas échéant, si l’un d’entre nous tombe sous la coupe d’un ennemi. Cela ne devrait pas arriver car nos pierres-cœur sont liées à Dragon, mais sait-on jamais.

Moîra hocha la tête, faisant signe qu’elle avait bien reçu le message.

- Allez, il est temps de s’y mettre.

Marlok sortit d’une bourse deux pierres de même taille et de même aspect, totalement rouge opaque et marbrées de noir. Il en donna une Aerouant et l’autre à Pilkim qui extasia alors.

- Du Jaspe ! C’est très rare, où avez-vous eu ça ?

Le Jaspe était effectivement une pierre aux propriétés magiques indéniables et qui servait dans de nombreux sorts et rituels.

- Ça c’est mon petit secret. Répondit Marlok avec un clin d’œil. Mets-toi en place !

Pilkim eut l’air déçu, mais il tenait fièrement la pierre, ressentant son pouvoir.

Les deux jeunes magiciens se placèrent à droite et à gauche de Marlok et le rituel commença. Ils firent appel à leurs connaissances de la cristalomancie et se concentrèrent sur les pierres de Jaspe qui lévitèrent au-dessus de la cible du sort.

- Que l'invisible devienne visible, crièrent ensemble les ritualistes.

Aussitôt Marlok ressentit l’effet magique, sa vision se voila légèrement d’une teinte rougeâtre. Il cligna des yeux à plusieurs reprises le temps de s’adapter. Il regarda ses compagnons et constata qu’un fil plus ou moins épais qui partait d’eux, allant vers Noz’Dingard.

- Bien, ça fonctionne, vous êtes très doués. Naya, je compte sur vous, demain au zénith.

La dame acquiesça.

- Filez maintenant, le temps est compté.

Le mage ne s’attarda pas plus longtemps et se mit en route pour rejoindre les Combattants de Zil.

Le chapiteau noir et violet était paisible, seule s’échappait une douce musique jouée par Kriss. Devant l’entrée Sansvisage à moitié endormi faisait office de garde. Marlok s’approcha de lui et à une distance raisonnable pour éviter la moindre anicroche il se racla la gorge. L’Hom’chaï sursauta de surprise.

- Qui va là ?? Tonna-t-il de sa grosse voix, tenant fermement sa gigantesque lame à deux mains.

- C’est moi, Marlok!

- Marlok ? Mais tu t’es pas fait capturer toi !

- Si mais j’ai réussi à me libérer.

Visiblement content de le revoir, Sansvisage lâcha son arme et serra dans ses bras le mage qui avait vraiment l’air frêle en comparaison de la masse de muscles.

- Moi aussi je suis content de te voir, allez, allez, repose-moi maintenant.

Se rendant compte de ce qu’il faisait et qu’on pourrait le voir, l’Hom’chaï desserra son étreinte. Puis il appela les autres.

- Regardez qui est de retour !! Cria-t-il vers le chapiteau.

Aussitôt une tête dépassa de l’ouverture, celle de Sangrépée, elle aussi serra le mage dans ses bras, puis tour à tour les membres de la guilde sortirent. Marlok s'aperçut que tous étaient liés au Nehantiste. De fins filaments partaient d’eux vers l’horizon. Enfin Abyssien posa sa main sur l’épaule de Marlok.

- Soit le bienvenu, tu dois avoir plein de choses à nous raconter n’est-ce pas ?

- Demain matin si vous voulez bien, j’ai marché tout aujourd’hui, je suis éreinté.

- Oui, oui, bien sur, je comprends. Tu as ta place parmi nous, entre donc.

Le reste de la soirée fut assez joyeuse au sein des Combattants de Zil. Ils improvisèrent pour le retour d’un des leurs un spectacle où chacun s’exprima librement.

“Ces gens méritent d’être sauvés” se dit-il intérieurement. “Ils peuvent être un atout certain dans le conflit approchant”.

Puis la nuit avançant le sommeil eut raison d’eux.

Le lendemain le soleil s’était caché derrière de sombres nuages, comme un présage avant une bataille à l’issue très incertaine. Marlok expliqua alors comment il s’était fait capturer, jeter en prison puis la longue tractation qu’il avait fait pour pouvoir sortir. Bien sur tout cela était un mensonge, mais personne ne vit la supercherie. Au milieu de la journée la totalité des Zils étaient présents dans le chapiteau. C’était le moment, Marlok se faufila près de la porte et fit le tour du chapiteau en laissant tomber des cristaux bleus par terre. Sangrépée trouva un des cristaux. Marlok se dirigea tout de suite vers elle. Il vit que le lien avec le Nehantiste devenait plus fort. “Il prend le contrôle ! Vite !”. Marlok bondit sur elle et lui arracha la pierre des mains. Sangrépée se mit à rugir. A présent tous les Zils les regardaient, Abyssien s’avança en se demandant ce qu’il se passait. Mais il était trop tard, le rituel venait de débuter. Le mage lança une bulle de protection, plus personne ne pouvait désormais entrer ou sortir du chapiteau. Dehors Alishk, Aerouant et Pilkim avaient suivi les recommandations des Sorcelames concernant une approche discrète. Ils déployèrent tout leur art et appliquèrent à la lettre le plan de Marlok. Ils se placèrent de façon à former un triangle autour du chapiteau, ils invoquèrent la volonté de Dragon. Des cristaux de grandes tailles émergèrent du sol. A l’intérieur du chapiteau, Marlok résistait à Sangrépée qui était devenue une vraie furie. Le lien entre le Nehantiste et elle était fort, sa volonté était désormais annihilée. Les autres ne comprirent que lorsque le dôme apparut. Certains tentèrent de sortir, d’autres de comprendre. Sansvisage, lui, décida d’aider sa fidèle amie et fonça sur le mage. Abyssien de son côté commença à comprendre, il entendait les suppliques des Envoyés à l’extérieur. Le chef des Zil avait toujours été très réceptif à la magie et comprenait instinctivement les sorts qu’il voyait.

- C’est un rituel d’Isolation de Guem !! Sangrépée, Sansvisage arrêtez de suite !!!

Mais aucun des deux n’écouta l’ordre. A son tour c’est le lien de Sanvisage qui se renforça, devenant incontrôlable. Marlok avait à peine eut le temps de lancer un deuxième bouclier protecteur autour de lui. Sansvisage et Sangrépée tambourinaient avec une force surhumaine sur le mur de magie.

- Abyssien ! Cria Marlok. Un Nehantiste vous contrôle ! Il possède vos pierres-cœur !!!

Un souvenir, vague et lointain revint à la surface de ses pensées, le jour de la visite de l’Inconnu. Lui-même n’était pas présent ce jour-là, mais on lui avait raconté cette histoire et jusque-là la relation n’était pas évidente. Tout devenait clair, l’assassinat de Prophète, la trahison de certains membres des Combattants de Zil, le départ de leur chef...

Abyssien se décida à agir, la magie de l’ombre crépita de ses doigts et il jeta deux boules noires vers leurs pieds. Au contact du sol les boules se transformèrent en disques d’ombre puis en cylindres, emprisonnant les infortunés possédés.

Dehors la situation se dégradait très vite. Les mages allaient finir le rituel lorsque le ciel s’obscurcit complètement, comme si la nuit s’était invitée à la fête. Naya dégaina sa rapière, imitée par les autres Sorcelames. Des silhouettes humanoïdes avançaient vers eux, puis elles devinrent plus précises plus nettes. Il s’agissait d’une dizaine de personnes pour la plus part habillées comme de simples voyageurs ou des paysans, armés de fourches, de bâtons ou de dagues.

- C’est tout ce qu’on nous envoie ?? S’exclama Eglantyne. On nous sous-estime !

- Méfiance ma sœur, la perfidie d’un Néhantiste n’est pas à prouver. Lui répondit sa jumelle postée non loin.

Les possédés avancèrent sans écouter les avertissements lancés par les Envoyés de Noz’Dingard, attaquant sans autre forme de procès. Galvanisés par de sombres pouvoirs, les agresseurs étaient d’une force importante, mais pas suffisante pour venir à bout des gardes du corps des mages. Alors qu’Anazra allait assommer l’un des derniers possédés encore debout, une forme se jeta sur elle. Heureusement, la jeune femme fut agrippée par Naya, juste à temps pour éviter les lames qui l’auraient déchirée et probablement tuée. Immédiatement Moira reconnu la forme. Télendar! Le jeune homme avait beaucoup changé, on ne voyait plus son visage, il était plongé dans des ténèbres magiques, de grandes lames dépassaient de ses larges manches.

- TOI !!!! Naya fulmina, elle faisait face à l’assassin de Prophète. Elle laissa éclater sa rage, se jetant en avant des ailes de cristal se déployant dans son dos. Un incroyable combat allait avoir lieu.

A l’intérieur Abyssien aidait à maintenir immobiles les Combattants de Zil sous la coupe de Nehant. C’est alors que Marlok sentit alors une présence familière, étouffante et puissante. Le Néhantiste était là.

- Marlok, mon petit Marlok, j’avais de belles perspectives pour toi, je pensais que tu me rejoindrais sur le chemin de la vérité.

L’Inconnu était là non loin d’eux, le mage n’en crut pas ses yeux, il y avait des dizaines et des dizaines de fils qui le rejoignaient, dont un d’une épaisseur incroyable, un lien privilégié. “Temporisons !” se dit-il.

- Et toi Abyssien, revenu de ta retraite ?

Abyssien percevait la puissance de la personne en face de lui, mais il devait trouver un plan. En réalité le Nehantiste agissait déjà, ressentant la présence d’une pierre-cœur non corrompue, celle d’Abyssien. Les deux parties s’observaient, le Nehantiste fut le premier à agir. La pierre-cœur du chef des Zil sortit d’une des poches de sa veste et fila à vive allure vers l’Inconnu. Celui-ci la captura, la pierre devint noire à grande vitesse. Marlok se lança sur son adversaire transformant sa main de cristal en une lame de cristal bleue. Abyssien se mit à hurler, son esprit attaqué par une puissante volonté, l’écrasant comme une vulgaire mouche sous une botte. Marlok frappa la main du Nehantiste, libérant la pierre-cœur d’Abyssien qui tomba au sol, brisant le sort du Nehantiste. L’Inconnu disparu alors.

A l’extérieur la situation avait évolué, Ombreuse avait rejoint la bataille, rendant plus difficile la défense du rituel. Les Sorcelames mettaient tout leur art en pratique, soutenues par une Naya extrêmement en colère. A présent une armure de cristal la protégeait, arborant un casque en forme de tête de dragon. Là, au milieu des affrontements, le Nehantiste apparut non loin de Télendar. Voyant le nouvel arrivant les Sorcelames se rapprochèrent de leur commandante pour faire front commun. C’étaient elles ou eux, mais elles étaient bien décidées à ne pas reculer, encouragées par la présence de Dragon.

- Naya, c’est cela ? Vous ferez une très jolie convertie. Ironisa l’Inconnu.

- Ravale tes paroles, Nehantiste !!

A ce moment les armes des Sorcelames se mirent à briller d’une lumière blanche et éclatante.

- Nous sommes les gardiennes de la justice, et aujourd’hui justice sera faite !! Hurla-t-elle.

C’est alors que le rituel prit fin. Les cristaux se désagrégèrent et tombèrent en poussière. Pilkim, Aerouant et Alishk tombèrent au sol, leur mission était accompli, les Combattants de Zil étaient désormais libres. Le Nehantiste ravala un juron.

A l’intérieur du dôme, Marlok stoppa le lien qui unissait les Zils au Nehantiste. Il ne restait plus que la dernière partie du plan à mettre en œuvre. Il sortit du chapiteau rapidement, il vit le face à face entre les Sorcelames et le Nehantiste. “Il prépare quelque chose”. A peine eut-il pensé cela qu’une forme apparut à côté d’Eglantyne. La Sorcelame n’eut pas le temps de réagir et s’écroula le dos labouré par les griffes d’une créature à la peau noire. La rixe reprit de plus belle, cette fois chacun luttait pour sa survie. Marlok lança ses derniers cristaux autour d’Eglantyne afin de la protéger. Naya quand à elle fit appel à ses pouvoirs et fit reculer Télendar et Ombreuse. Sa peau luisait d’une couleur bleutée, virevoltant, elle combattait comme une tigresse assenant coup sur coup. Moîra et Anazra qui l’accompagnait firent de même et une chorégraphie mortelle se déroulait sous les yeux de Marlok. De son côté le Nehantiste s’était en partie replié sur lui même, les doigts crispés paumes vers le haut laissant échapper des volutes de magie noire. Une pierre-cœur néhantique apparut devant lui, formant à son tour une protection infranchissable.

- Voyons comment vous vous en sortez sans l’appui de votre cher Dragon !

L’Inconnu libéra toute la puissance accumulée, créant un cercle de magie noire qui toucha tous les présents. Mais l’effet escompté ne se produisit pas. Les liens entre les envoyés et Dragon étaient toujours actifs. Marlok fut tout aussi étonné que le Nehantiste, ce dernier fronça les sourcils.

- Surpris n’est ce pas ??

La voix était celle d’Aerouant, vacillant et affaibli, il s’approcha de Marlok.

- Regarde, dit-il en montrant une pierre bleue sculptée en forme de tête de dragon. Ceci était la pierre de Prophète, mon père !

- Une pierre gardienne ? Demanda Marlok.

- Exactement. Ajouta le jeune homme en concentrant son pouvoir magique vers la pierre.

La pierre bleu s’effrita dans la main du jeune mage et tomba en poussière. L’Inconnu grogna.

- Ce n’est pas grave, maintenant que ta pierre n’est plus, je vais recommencer !

Aerouant ne le laissa pas finir sa phrase, il concentra toutes les forces magiques qui lui restait.

- La cristalomancie est notre spécialité, regarde et apprends !!

Il écarta les bras de manière à faire un T, la magie fusa et percuta de plein fouet la pierre nehantique. Sa noirceur disparu d’un seul coup. Marlok profita de cette opportunité pour à son tour lancer un sort. Ses mains grésillèrent et des éclairs jaillirent. L’Inconnu se protégea, puis répliqua à son tour. Un duel magique s’engagea. Leurs magies s’entrechoquaient avec puissance et autour d’eux le sol se craquela comme s’il ne supportait plus le poids des mages. Marlok alternait entre des sorts offensifs et défensifs, parant ainsi les coups. Aucun des deux ne peut prendre l’avantage sur l’autre. Du moins jusqu’à l’intervention de Naya. Ne voyant pas le coup venir, l’épée de lumière de la Sorcelame s'abattit sur le Nehantiste qui vacilla, il était blessé. Ce dernier mit un genou à terre.

- Rends-toi ! Hurla la commandante en le menaçant. Tes larbins sont en déroute, tu es seul.

L’Inconnu leva la tête vers ses ennemies et ricana.

- Tout cela était prévu, vous avez progressé. Mais je sais aujourd’hui que vous ne ferez pas le poids. Mes larbins comme vous dites sont ma porte de sortie. Adieu !

Puis il disparut, laissant juste quelques traces de sang à l’endroit où il se trouvait.


Festivités

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L’Empereur était toujours souffrant, alité dans sa chambre au palais de Méragi. Le peuple priait pour que leur souverain recouvre rapidement la santé pour les mener à nouveau vers la lumière céleste. Dans les rues, les habitants s’affairaient à préparer au mieux une grande fête, non pas cette fois en l’honneur de l’Empereur, mais à l’occasion du changement d’année, la 106ème depuis la création de l’Empire par Xzia.

Je suis Kaori, en charge d’enseigner nos coutumes aux étrangers tels que vous. Voici quelques-unes d’entre elles que vous devez connaître. Baladons-nous dans les rues de la capitale impériale et observons ce qu’il s’y passe.

Sur la place centrale de la capitale, une troupe de théâtre interprète devant une foule dense et disciplinée une pièce retraçant la gloire de Xzia et la fondation de l’empire qui marqua le début du calendrier impérial. Tout cela est raconté de manière à faire paraître le récit épique et héroïque. Les gens applaudissent et sont émerveillés par un spectacle qui, en temps normal, est hors de leur portée, les troupes étant souvent accaparées par les riches seigneurs qui seuls ont les moyens de se permettre un tel luxe. C’est l’occasion pour la famille impériale de faire un geste pour son peuple, et l’Empereur actuel avait toujours été bon et juste.

Le soir venu, tout Meragi sort dans les rues. Des lampions éclairent la ville et la fête bat son plein. Un peu partout, des petits groupes se réunissent autour de musiciens ou de danseurs. Chacun peut participer, car ce soir-là rien ne les retient et toutes les peines sont mises de côté. Devant le palais impérial a lieu le traditionnel tournoi du nouvel an, où les villageois les plus courageux peuvent prouver leur valeur. Iro, le champion de l’Empereur fut l’attraction en arbitrant lui-même les combats et en autorisant les villageois à l’affronter dans une joute amicale au sabre de bois. Ce fut Goshiun, un porteur d’eau inconnu du public qui, grâce à son agilité au bâton, remporta le titre et devint champion de l’année du Lapin.

Au cœur de la nuit, au nord de la ville se préparait le plus grand évènement de ce nouvel an. Les Xziarites étant en grande majorité très superstitieux, rares furent les absents de la grande parade. A cette occasion le Kamizono, le jardin dédié aux kamis, s’était paré de nombreuses décorations à l’effigie du lapin et il se retrouvait noir de monde. Le jardin était situé au pied de la colline au sommet de laquelle est édifié le plus vieux et important temple de Meragi. La tradition veut qu’il faille emprunter le chemin menant au temple à partir du Kamizono avec l’effigie du Kami protecteur de l’année passée. Une fois en haut, alors que tout l’Empire a les yeux dressés vers lui, il est incendié afin que celui-ci soit libéré de son enveloppe physique et retourne dans le monde céleste. Une fois ce rituel accompli, il faut reprendre le même chemin en sens inverse en emportant l’effigie du kami de la nouvelle année vers l’Empire. Le chemin montant vers le temple passe par plusieurs “torii”, sorte de portes par lesquelles passent les esprits pour rejoindre le monde terrestre.

Il existe beaucoup d’autres coutumes observées par les Xziarites, mais celle des pots de terre reste une singularité de cette civilisation. Durant les deux jours précédents le jour de la nouvelle année, les familles Xziarites réalisent des poteries en terre cuite. Chacun inscrit alors dessus un vœu que l’on souhaite voir réalisé par le Kami protecteur. Puis, ces poteries sont placées dans leur jardin, devant leur porte ou encore devant un temple, sans oublier de mettre de la nourriture à l’intérieur. Les Xziarites doivent alors choisir un met qui convienne au Kami. Par exemple, y mettre de la viande serait une grave offense pour l’Usagi no Kami, l’esprit protecteur de cette nouvelle année. Mais si le met convient et que le kami accepte l’offrande, alors le vœu se réalisera dans l’année. Ainsi, quelques personnes chanceuses bénéficient des faveurs de l’au-delà.

Voilà, j’espère que cette balade vous a intéressé. Il y a beaucoup d’autres merveilles à voir à Meragi, mais souvenez-vous d’une chose, il y a des lieux où vous ne devez pas vous aventurer seuls.


Au delà de cette apparente quiétude et de ce moment de festivités dans l’Empire, les plans eux se fomentaient toujours.

Oogoe Kage avait bien travaillé, préparant depuis des mois un coup qui lui octroierait avec certitude un poste gouvernemental important au sein du clan du Corbeau. Sa victime n’était autre que l’un des proches conseillers de l’Empereur et ministre des finances, Gozou Zhan. La nuit venait de tomber sur Meragi. Le lendemain soir, ce serait la fête dans les rues de la ville. Dans une demeure cossue, le seigneur Gozou, dont l’épouse était en visite dans le nord de l’Empire, s’octroyait du bon temps en compagnie d’une jeune femme peu farouche. Il ne pouvait pas se douter un seul instant que cette femme avait été payée par une autre personne pour passer la nuit avec lui. Une chose est sûre, il se souviendrait le restant de ces jours de ces moments d’égarement. Il était tard désormais. Gozou avait profité au mieux de ce moment de plaisir charnel, buvant à outrance. Ce n’était pas dans ses habitudes d’agir ainsi, mais la garce savait s’y prendre et, l’alcool aidant, le conseiller s’était laissé aller. Couché sous une couverture, il ronflait comme un bienheureux. Il se réveilla en sursaut, nauséeux, il ne vit pas de suite sur quoi il marchait, il alla jusqu’à une flasque contenant de l’eau et s’aspergea le visage. C’est là qu’il sentit une odeur particulière, caractéristique. Il se frotta les yeux et s’approcha d’un lampion.

Du sang ! Il en était recouvert. Son cœur palpita. Puis il sursauta lorsqu’on frappa à la porte avec vigueur.

- Au nom de l’Empereur, ouvrez seigneur Zhan !

Le pauvre homme ne savait plus où il en était. Clopinant, il alla jusqu’à la porte et ouvrit. Il y avait là cinq soldats des forces armées impériales.

- Désolé de vous déranger seigneur Zhan, des cris ont été entendus venant de chez vous.

- Que.. quoi ? Désolé ça doit être une erreur, balbutia-t-il.

Là, à la faveur des lumières de la nuit, le jeune capitaine aperçut les vêtements tachés de sang du seigneur Zhan. Il dégaina sa lame et tint en respect le conseiller.

- Vous autres, allez voir ce qu’il se passe à l’intérieur.

Les soldats allèrent voir et tombèrent sur le corps tranché de la fille de joie. Par terre, du sang à profusion, mais aussi des bouteilles d’alcool vides et, non loin du lit, le katana du seigneur Zhan. Le pauvre homme ne comprit rien, mais on l’emmena passer le reste de la nuit en prison, accusé d’un meurtre qu’il ne se souvenait pas avoir commis.

Dehors, une ombre se faufila jusque dans une ruelle sombre. Là, Oogoe, emmitouflé dans un manteau de plumes noires, attendait.

- Alors, Karasu ? Est-ce fait ? As-tu servi le Corbeau comme il faut ?

- Oui, mon cher frère. Le plan a fonctionné à merveille, ils n’y verront que du feu, tout à l’air si vrai.

- Bien, le capitaine aura sa récompense. Quand à moi il est temps de faire en sorte que personne ne soit disponible pour vérifier quoi que ce soit.

- Dans une semaine, tu seras le nouveau conseiller financier de l’Empereur.

- Une année qui sera placée sous le signe du Corbeau et non du lapin, que les festivités commence ! Ironisa Oogoe.

Traité de paix

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Le calme était revenu sur le campement des combattants de Zil. Le Néhantiste était parti ou avait fuit selon les dires de Marlok. Abasourdis, les membres de la guilde d’Abyssien reprenaient conscience, libérés du joug du mage noir. De même les Envoyés se remettaient de l’affrontement, Eglantyne avait été lourdement touchée par une attaque perfide et Aerouant avait utilisé une grande partie de ses ressources magiques. La bataille était finie, mais ce n’était qu’un premier assaut, l’avenir leur réserverait beaucoup d’autres escarmouches de ce style et Abyssien le savait bien.

Peu avant la nuit le chapiteau noir et violet abritait tout le monde afin de parler de ce qui s’était passé et de ce qui allait arriver.

- Ce Néhantiste ne va pas en rester là Abyssien, tu le sais mieux que quiconque. Marlok posa sa main de cristal sur l'épaule du chef Zil.

Autour des deux mages, les combattants de Zil et les Envoyés s’étaient mêlés les uns aux autres le temps d’un court répit entre leurs guildes.

- Oui, ce qui m’inquiète vraiment, c’est qu’il a encore les pierres-cœur de mes Zils et que, par conséquent, ils peuvent retomber sous sa coupe si votre rituel venait à être brisé.

Les Zils semblaient tous très préoccupés. A peine leur libre arbitre leur était rendu qu’ils risquaient de le perdre à nouveau. Les souvenirs des actes accomplis sous la coupe du Néhantiste tambourinaient dans leur conscience. Sangrépée était dans les bras de Sansvisage, anéantie, elle regardait les deux mages avec une infinie tristesse.

Aerouant, s’étant rétabli, se leva.

- Il existe un rituel qui permet de récupérer les pierres-cœur.

Tout le monde eut l’air surpris par l’intervention du jeune homme. Pourquoi voudrait-il aider ceux qui ont contribué, même sous la contrainte, à la mort de son père ?

- C’est mon père qui l’avait mis au point mais il ne l’avait jamais pratiqué en situation réelle.

Marlok se gratta la barbe en regardant avec surprise le jeune homme.

- Tu penses pouvoir le faire Aerouant ? L’interrogea-t-il.

- Avec l’aide des mages présents, on peut le tenter. J'ai besoin d’un peu de préparation et l’autorisation du Compendium d’utiliser ce sort.

- Je vais t’avoir ça, va te préparer.


Quelques heures plus tard, au cœur de la nuit les Envoyés de Noz’Dingard avaient organisé le rituel et s’apprêtaient à le débuter. Pour l’occasion et vu l’importance des courants magiques à l’œuvre, la cérémonie se déroulerait dehors. Aerouant avait délaissé les bouts d’armure de cristal composant sa tenue habituelle pour être plus à l'aise. Il convia les Combattants de Zil dont la pierre-cœur était entre les mains du Néhantiste à s’installer au milieu d’un grand cercle formé par tous les siens. Marlok avait secondé le fils de Prophète en obtenant l’autorisation d’utiliser cette magie et en sécurisant les lieux. Il pratiqua à nouveau son sort de protection en plaçant des gemmes bleues, cette fois plus grosses, et en activant le bouclier magique que nul ne pouvait franchir. Abyssien encouragea ses amis à faire preuve de bravoure et à faire confiance en la magie des Draconiens. Lui même participerait à cette expérience.

Le rituel commença.

Aerouant fit apparaître un cristal au centre du cercle puis il canalisa la magie que chaque mage participant lui offrit, obtenant ainsi une pierre palpitante de magie. Puis, un par un, Aerouant étira un fil magique pour relier chaque Combattant de Zil présent. Ceci fait, il se plaça en dessous de la pierre et se concentra. Abyssien qui comprenait naturellement la magie, analysait le rituel au fur et à mesure de son déroulement. Selon lui cette grosse gemme servait d’antenne à Aerouant, lui permettant de localiser les pierres-cœur des gens qui y étaient reliés. Puis, Aerouant absorba peu à peu l’essence magique contenu dans la pierre. La magie coulait dans ses veines et une très forte aura se dégageait de lui. Aerouant lutta, il devait garder cette puissance en lui sans qu’elle ne le consume sur place. Marlok se dit que n’importe qui d’autre aurait probablement été désintégré par ce trop plein de magie, mais ce descendant de Dragon possédait les capacités suffisantes pour réaliser ce prodige. A présent Aerouant utilisa ses connaissances en cristalomancie pour convoquer une a une les pierres-cœur. Elles apparurent au fur et à mesure, chacune rejoignant son propriétaire. Aerouant se vidait de toute magie, arrachant les pierres-cœur à la volonté du Néhantiste qui de son côté devait lutter pour garder le contrôle. Mais la magie de Dragon fut la plus puissante et le rituel de Prophète fonctionna à merveille. Aerouant invita Marlok au centre du cercle et créa une autre gemme de cristal plus petite, il y enferma ses dernières parcelles de magie. Peu avant de s’évanouir, il demanda à Marlok de remettre en activité les liens qu’ils avaient brisé avec le rituel précédent. Ce qu’il fit immédiatement. Fatigués les Envoyés demandèrent asile et protection aux combattants de Zil pour le reste de la nuit. Le lendemain, Abyssien remercia les Envoyés de Noz’Dinard de leur aide précieuse et offrit à Aerouant la paix et la promesse d’une entraide entre leurs deux guildes.

Vint le temps pour les Draconiens de rentrer chez eux, leur mission étant accomplie. Marlok quand à lui fut envoyé à Kastel Drakren afin de participer au Bal des courtisans.


Quelques jours plus tard, le bal était fini, Ishaïa était venue poser un ultimatum aux combattants de Zil et Salem était libre. Abyssien était dehors, seul avec le nouvel arrivant.

- J’ai réfléchi aux derniers évènements, je pense que nous avons été trompés par l’un des nôtres et qu'il nous a vendu à un Néhantiste.

- C’EsT poSSIble, oUi. Salem dodelinait de la tête comme une poupée qu'on secouait.

Abyssien se plongea dans ses souvenirs. Une trentaine d’années plus tôt, alors qu’il était jeune, il était l’apprenti d’un magicien dans le petit royaume d’Oryfort au nord-ouest des terres de Guem. Sa faculté à comprendre la magie avait attiré sur lui l'intérêt d’une personne qui s'avéra suivre la voie de Néhant. Tout cela était tentant pour le jeune homme qui à l’époque ne portait pas encore son nom d'artiste. Doucement, on lui avait inculqué la base des préceptes de Néhant et il était en passe de devenir un réel apprenti Néhantiste. Mais il se rendit vite compte que tout cela n’était pas ce qu’il attendait de la magie. Certes, la magie de l’Ombre était celle qu’il voulait pratiquer, mais pas de cette façon. Zil était alors intervenu pour le sortir de ce milieu et avait formé le garçon selon ses préceptes et ce qu'il pensait être la vraie magie de l’Ombre. Pour Zil, la magie de l'Ombre permettait bien des choses, mais elle ne devait pas mener à l'asservissement des autres. Elle servait à voir ce qu'il se passe dans l'ombre. Il devint membre des Combattants de Zil, puis à l'âge de vingt cinq ans il en devint le chef.

- Zil, Je vais devoir le laisser sortir.

- S’iL le faUt oui, Il eSt unE partIE de TOI coMmE moI d’ArtRezIl.

Abyssien s’accroupit alors et regarda son ombre projetée au sol par la lumière du jour.

- Mon vieux compagnon, je t’ai dévoré il y a bien longtemps et aujourd’hui je dois te laisser sortir. Tu dois traquer celui des combattants qui nous a vendu.

Sur ce, le mage de l’ombre commença a vomir une matière noire qui pris vaguement une forme humanoïde. Quand Abyssien eut fini son physique était différent, il avait perdu beaucoup de corpulence. Salem se mit à applaudir signifiant son contentement.

- Tu es notre lien à tous, moi qui ai mangé une partie des ombres des combattants. Emporte-nous là où ce traître se trouve.

Le bonhomme d’ombre inclina la tête puis tourna doucement sur lui-même. Il analysait chaque membre de la guilde, bien sur il y avait les présents mais les combattants sont bien plus nombreux que ça. Enfin il s’arrêta, posa ses mains sur Salem et Abyssien puis ils s’enfoncèrent dans leur propre ombre.

Il réapparurent dans l’ombre d’une personne de dos. Celle-ci discutait visiblement avec quelqu’un mais s'interrompit quand elle sentit les présences. Abyssien reconnut sans trop de mal Masque de fer, et la relation lui parut logique. Il était le seul à être systématiquement absent des réunions, parcourant le monde dans un but diplomatique et de relation sociale avec les autres guildes.

- Toi !!! Dit Abyssien avec une intonation de colère.

- Maître Abyssien quelle surprise ! Je peux faire quelque chose pour vous ?

Salem s’avança en claudiquant. Avec rapidité il coupa le tissu au niveau du grelot qui pendait dans son dos, l’objet tomba au sol sans le moindre bruit.

- Tu N’Es PlUs un dE meS cOmbaTTants ! Tu as TRahi La cOnfIancE de ton cHEF !!!

Lorsqu'un nouveau Combattant de Zil était recruté, le chef de guilde lui confiait alors un grelot. Celui-ci représentait l'engagement à toujours servir la guilde.

Surpris le diplomate recula, son expression restait cachée derrière son masque de métal.

- Dans ce cas si je ne suis plus obligé de me cacher !

En un clin d’œil Masque de fer disparut, de la même manière que le fit le Néhantiste lors de son affrontement avec Marlok.

- Nous le retrouverons, j’ai dévoré son ombre. Affirma Abyssien avec fermeté.

- NEhanT EtenD sOn OmbRe Mon amI !

Régence

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La vieille servante courrait dans les couloirs étroits du palais impérial en tenant d’une main le bas de son kimono. Il ne fallait pas qu’elle tombe. Essoufflée, elle arriva près d’une porte et tomba à genoux devant. Elle s’inclina comme le voulait la tradition.

- Eiji-sama ! Vous êtes demandé d’urgence !

De l’autre côté de la porte, le ton affolé de la servante alerta Eiji Kakiji qui eut vite fait de s’inquiéter. Assis derrière une table basse, le médecin lâcha ses pinceaux et se leva tant bien que mal. Il n’était plus aussi souple que dans sa jeunesse mais le poids des ans ne l’avait pas encore totalement écrasé. Il trotta jusqu’à la porte et l’ouvrit d’un geste sec.

- Que se passe-t-il ?

La femme leva la tête, des larmes roulaient sur son visage tiraillé par la fatigue.

- C’est l’Empereur ! Il... Il...

Elle s’écroula. Eiji regarda de part et d’autre du couloir puis avec vigueur attrapa la vieille dame par le bras.

- Cesse de pleurer ! Allons-y vite.

Eiji Kakaji était depuis toujours le médecin attitré de l’Empereur. Il l’avait fait naître du ventre de l'Impératrice Saisho et avait pris soin de lui jusque là. Puis, lorsque sa maladie arriva, il fut très vite évincé devant son incapacité à le soigner. Mais il n’en restait pas moins le seul habilité à établir des diagnostics officiels.

Peu de temps s’écoula jusqu’à leur arrivée devant la chambre impériale. Elle était gardée par deux officiers comme le voulait la tradition en cas d'alitement de l’Empereur. Heureux hasard ou manigance, Asajiro était justement en poste à ce moment. Il s’inclina devant le respectable personnage et lui ouvrit la porte :

- Vous êtes attendu, ajouta-t-il en jetant un œil à l’intérieur.

Iro le champion de l’Empereur était agenouillé devant le lit impérial. Voyant la personne qui venait d’entrer, il se leva avec l’espoir qu’une réponse allait enfin être donnée. Autour de l’Empereur, plusieurs médecins chuchotaient entre eux, dénigrant leur estimé collègue. Eiji s’avança jusqu’à l’Empereur, ce dernier semblait paisible, les yeux clos. Il entreprit alors de l’examiner. Il fut très vite soulagé, il n’avait pas encore rejoint ses ancêtres, mais hélas il était tombé dans un profond sommeil. Son pouls était régulier mais faible. Après plusieurs tentative pour réveiller l’Empereur, le vieil homme secoua la tête de façon négative en regardant Iro.

- Tout le monde dehors !! gronda Iro d’habitude si calme. Laissez-nous !!

Devant la fureur du fils du seigneur impérial, les personnes présentes quittèrent la pièce, seul Eiji resta. Iro alla fermer la porte et glissa quelques mots à Asajiro.

- Ne laisse entrer personne.

- J’en réponds sur ma vie.

Asajiro se plaça devant l’entrée de la chambre, sa lance en travers pour signifier l’interdiction d’accès.

- Kakiji-sama, l’Empereur va-t-il mourir ?

- Je ne l’espère pas, mais son état est critique. Son corps est encore animé par la flamme de la vie, mais son esprit semble ne plus être là.

- Alors ça y est, c’est la fin de son règne ?

- Pas tant qu’il respire encore. Mais lorsqu’une situation comme celle-ci apparaît, les lois sont très claires.

- Je sais, une régence doit être mise en place. Et vu la situation actuelle, je ne suis pas certain que ça profite à l’empire. Il faut que je mette de l’ordre dans tout ça. Je vais faire en sorte que vous restiez au chevet de l’Empereur et que les membres de la Kotoba soient au relais des gardes.

- Sage décision, Champion.

Iro quitta la chambre en donnant ses ordres à Asajiro, puis d’un pas précipité, il rentra chez lui. La demeure familiale n’était pas très loin du palais impérial. C’était une maison de bonne taille, au milieu d’un jardin parfaitement entretenu, seule Ayako, la plus jeune des enfants vivait là avec leur grand-père, Henshin qui l’élevait en l’absence quasi-permanente de Gakyusha. La jeune femme était justement entrain d’apprendre une leçon de magie de l’eau au bord du bassin, Henshin lui prodiguait des conseils afin qu’elle maîtrise ses facultés. Le vieil homme vit Iro débarquer la mine grave.

- Ayako, continue sans moi et pense que l’eau est aussi une matière vivante.

Il retrouva Iro dans le bureau de son père, sortant du matériel d’écriture.

- Tu as l’air mécontent Iro, peut-être puis-je t’aider ?

- Merci Jii-san, mais je dois prévenir mon père et faire venir la Kotoba. Il se passe des évènements graves.

- Graves ? Quels sont-ils ?

Le jeune duelliste considérait l’Empereur comme un oncle bienveillant, le voir dans cet état et penser à cette régence le blessait.

- Les choses vont changer, l’Empereur n’est plus à même d’assurer la gestion et une régence va se mettre en place, profitant à des personnes qui ne devraient pas avoir le pouvoir.

- Je vois.

Le vieil homme laissa le champion à ses affaires. Ce dernier commença à écrire sa lettre lorsqu’il entendit son grand-père l'appeler dans le salon. Interloqué par cet appel il alla voir ce qu’il lui voulait. Là, Henshin était à genoux au centre de la pièce, un détail frappa Iro, son grand-père portait un Magatama de jade, un pendentif en forme de larme. Devant lui au sol un rouleau de parchemin frappé du sceau impérial.

- Je suis un Shi-ze de l’Empereur en personne. On m’a confié ce rôle afin que te soit remis le moment venu un message de sa part ainsi que cet édit impérial.

Le jeune homme s’installa en face de son grand-père, il était à la fois surpris et curieux de connaître le message.

- Iro, tu es une personne en qui l’Empereur a placé sa confiance. Ce parchemin symbolise pour toi l’espoir de ne pas voir l’empire entre de mauvaises mains. Méfie-toi de ceux qui se sont hissés trop haut. Aujourd’hui la Kotoba représente plus que jamais un idéal et le moyen d’agir au nom de l’Empereur. N’oublie pas une chose, la Kotoba obéit à l’Empereur et à lui seul, un régent n’a pas la main mise sur elle. Soit fort, ne flanche jamais tu es l’avenir de l’Empire.

Henshin prit le rouleau de parchemin et le donna à Iro qui l’accepta avec honneur.

- Ce parchemin doit être lu devant le conseil impérial. Hâte toi maintenant, il ne devrait plus tarder à se réunir. Iro, revigoré par le message de l’Empereur s’en retourna immédiatement au palais. Il salua sa sœur qui avait vraiment grandi ces derniers temps, sans parler de ses aptitudes magiques qui se développaient à grande vitesse. Elle mériterait sûrement un jour une place au sein de la Kotoba.


La grande salle du conseil avait rarement vu autant de monde depuis des années. Tous les ministres et conseillers impériaux étaient là, assis en cercle sur leur coussin soyeux et confortable. Voilà déjà plusieurs heures que des discussions animées courraient à propos de l’Empereur et de la politique à suivre. Daijin et Oogoe observaient leurs adversaires, l’heure de la lutte de pouvoir avait débuté.

Le Corbeau savait déjà qui allait remporter cette joute et son silence rendait nerveux quelques fidèles de l’Empereur. Oogoe se leva et se plaça au centre de la pièce avec toute sa nonchalance habituelle.

- Les lois sont précises à ce sujet honorables serviteurs de l’Empereur. Lorsque l’Augure Céleste ne peut pas assumer son rôle et qu’il n’a pas de descendance, un régent doit être nommé par l’ensemble des personnes habilitées à le faire. Bien que j’ai beaucoup de respect pour vous Seigneur Akizuki je pense que Daijin-sama est la personne la mieux placée à l’heure actuelle pour régir l’empire.

Aussitôt ce fut le cohue. Les partisans du premier ministre Akizuki, se levèrent pour protester. Oogoe retourna à sa place, visiblement content de la tournure des choses, il aimait instiller le doute et la confusion chez ses adversaires. Ce fut ensuite le tour de Daijin de parler, le Corbeau connaissait bien son adversaire, il savait aussi que la balance était désormais en sa faveur. Il se leva, aidé par Karasu.

- Allons, allons, un peu de calme voulez-vous, n’oubliez pas que l’Empereur dans son sommeil nous voit et nous juge. Akizuki-dono, il vous appartient de prendre la décision qui s’impose.

Le premier ministre baissa la tête, honteux de ne pas avoir vu le coup venir.

- Un régent doit être nommé.

A ce moment-là Iro arriva dans la salle avec fracas, le pas décidé. Les partisans du Corbeau protestèrent à cette intrusion du champion de l’Empereur. Mais Iro ne se démonta pas et devant le regard menaçant du duelliste les protestations cessèrent.

- Champion. Qu’est ce qui vous amène dans la cour des politiques ? Lança Oogoe.

- Ceci ! Dit-il en tendant le rouleau à Akizuki. Je pense qu’il vous appartient de le lire au conseil impérial.

Le ministre accepta le rouleau et le décacheta. Il authentifia l’objet comme étant officiellement écrit de la main de l’Empereur. Il se leva donc pour le lire à haute voix.

- Ceci sont les volontés de l’Empereur dit-il la voix tremblante.

“Alors que nous ne sommes plus qu’un dieu retenu par son enveloppe terrestre, il est de notre devoir de songer au maintien de l’unité de ce que nos ancêtres nous ont légués. Alors que nous n’avons pas de descendant et comme le veulent les lois établies devra être nommé un régent, le temps qu’un nouvel Empereur se présente. Nous décidons que si un régent devait être nommé il sera alors choisi parmi l’ordre Tsoutaï. Eux seuls ont le recul nécessaire pour remettre de l’ordre dans le chaos que laisse notre absence et ainsi rétablir l’équilibre.

Ainsi est la volonté de l’Empereur.”

La cacophonie fut à nouveau de mise, beaucoup trouvaient cela injuste, que cela soit dans le camps de Daijin ou dans celui d’Akizuki. Le Corbeau chuchota quelque chose à l’oreille d’Oogoe.

- S’il vous plaît un peu de tenue ! Cria le premier ministre. La volonté de l’Empereur doit être respectée. En ma qualité de premier ministre je demande solennellement au Champion de l’Empereur d’être le garant de celle-ci.

- J’accepte, quiconque ira à son encontre devra passer par ma lame. Répondit Iro.

Oogoe se leva à nouveau.

- Le Clan du Corbeau se propose de chercher le meilleur candidat possible à cette régence.

Akizuki n’était pas dupe, il y avait probablement une entourloupe sous le couvert de cette phrase, mais le Corbeau était désormais puissant et lui refuser cela aurait été perçu comme une insulte et un grave affront. Et puis après tout, les Tsoutaï n’étaient ils pas des sages ??

- Soit ! J’assurerai la transition le temps pour le Corbeau de trouver ce régent.

Akizuki ne se doutait pas que Daijin savait précisément qui il allait nommer. La réunion du conseil fut ajournée.


Dans la demeure du clan du Corbeau, Daijin discutait avec Karasu et Oogoe.

- Il est une histoire dont vous avez peut être entendu parler. C’était il y a bien longtemps, un Corbeau a eu une destinée particulière, il a été choisi par des Cherchefailles et reconnu comme un Tsoutaï. A l’époque et devant cet état de fait, il m’avait demandé le droit de ne plus faire partie du Clan afin de suivre la voie choisie. Et j’ai accepté avec une petite condition, si un jour nous avions besoin de lui, il devrait répondre à notre appel.

- Bien seigneur, mais cette personne est-elle capable d’assumer la régence de l’empire ? Interrogea Oogoe.

- Il l’est. Je vais préparer la demande officielle du conseil impérial pour sa nomination. Je vous envoie tous les deux apporter cette nouvelle à qui de droit.

- Seigneur Daijin, où nous envoyez-nous ?

- Au temple de Yafujima.

Ni l’un ni l’autre ne connaissait ce lieu, mais ils ne tarderaient pas à combler ce manque car le lendemain ils se mirent en route, portant le précieux message. Ils avaient désormais un nom, qui ne leur était cette fois-ci pas inconnu. Cet homme là avait fait parler de lui il y a quelques temps. Karasu était assez en colère, il profita du trajet pour pester contre l’Empereur qui n’eut pas le courage de faire de Daijin le régent, il tempêta contre ce maudit Tsoutaï qui n’y connaissait rien à la politique ni à ce qu’était la vie à Meragi. Ils arrivèrent au temple à la nuit tombante et ils furent reçus peu de temps après par son dirigeant, qui s’avérait aussi être le futur régent. La rencontre se déroula dans un des petits salons prévus pour recevoir les gens de passage. Toran se demandait ce que lui voulait deux membres du Corbeau qui venaient spécialement pour le voir.

- Merci de nous recevoir Toran-sama. Commença Oogoe.

- Ne me remerciez pas, la porte de ce temple est ouverte à ceux qui ont besoin de paix et de sérénité.

- Cela tombe bien que vous parliez de paix car c’est de cela que notre affaire traite.

Le jeune magistrat posa devant lui sur la petite table de bois la lettre du conseil impérial.

- Ceci est pour vous. Avant que vous ne la lisiez et donnez votre avis, car il est vrai que vous pouvez refuser, Daijin se permet de vous rappeler qui vous êtes réellement.

Toran plissa les yeux et ses tatouages commencèrent à bouger.

- Merci Oogoe de me renvoyer à ma condition, je sais très bien qui je suis et où est ma place, je vous suggère de réfléchir à la vôtre.

Le jeune Corbeau afficha un visage figé dans un sourire sarcastique, il avait touché sa cible. Dehors, Aku qui était désormais l’apprenti de Toran espionnait la scène et malgré sa discrétion il n’échappa pas à la vigilance de Karasu. Ce dernier se leva et s’inclina devant le vieux Tsoutaï avant de sortir donner un exemple de politesse à ce jeune effronté.

Après deux ou trois lectures Toran dut s’y résigner. Il était nommé pour devenir régent de l’Empire de Xzia, lui un homme qui avait passé quelques années à parcourir le monde, cherchant à perfectionner son art.

- Je comprends vos sentiments Toran-sama, vous seul pouvez convenir.

- Il y a d’autres Tsoutaï, des gens bien plus sages que moi.

- Oui, mais ils ne sont pas du clan du Corbeau. Il serait fâcheux que vous refusiez cette faveur à Daijin-sama surtout en cette période où l’empire est fragilisé, il ne faudrait pas grand chose pour que tout cela s’écroule.

- Je reconnais bien là les paroles de ceux qui m’ont vu naître. J’accepte le rôle que me confie le conseil impérial. Quand dois-je partir pour Méragi ?

- Le plus vite possible.


Dehors Karasu bousculait Aku.

- On joue les espions sans en avoir les moyens ?? Cracha Karasu.

- Je voulais juste m’assurer qu’il n’arrive rien à mon maître, répliqua le jeune Tsoutaï avec nervosité.

- Je vais te faire passer l’envie d’espionner !

Karasu bouscula violemment Aku qui tomba les fesses par terre. Autour de lui et malgré l’heure tardive quelques autres Tsoutaï assistaient à la scène. Leur philosophie n’étant pas de répondre à la violence par la violence, ils demandèrent poliment au membre du clan du Corbeau de cesser ses agissements. Karasu fit la sourde oreille, il fallait qu’il passe ses nerfs sur quelqu’un, ce n’était pourtant pas dans ses habitudes d’agir ainsi. Aku ne pouvait pas répliquer, Toran lui avait formellement interdit d’user de violence dans son état de fragilité. Il devrait plus tard apprendre avec Akujin, son Cherchefaille, à maîtriser les arcanes de guerre Tsoutaï. La jeune Hime justement présente à ce moment ne voyait pas cette agression de la même manière que les autres. Elle s’interposa.

- Corbeau ! Si tu cherches quelqu’un pour te battre affronte moi.

Son Cherchefaille, un majestueux héron, apparut alors à son côté, claquant son bec devant le visage de Karasu. Ce dernier stoppa là, cela ne valait pas la peine de continuer et son acte avait déjà agacé les Tsoutaï.

- Une autre fois peut-être je serais ravi de me mesurer à une combattante comme toi. Mais j’ai mieux à faire.

A ce moment là Toran et Oogoe arrivèrent dans la cour, mettant un point final à l’opposition.

- Hime réunit donc notre communauté veux-tu, j’ai quelque chose à annoncer. Demanda Toran.

Quelques minutes plus tard, tous les Tsoutaï du temple étaient dans la cour, s’interrogeant sur la déclaration future de leur maître. Toran, en hauteur par rapport aux autres réclama le silence.

- L’Empire est à un tournant de son histoire. L’Empereur est dans un sommeil sans fin et un régent a été nommé. Il s’avère que l’on m’a choisi, l’empereur a pensé qu’un Tsoutaï serait à même de mettre un terme à la division interne. J’ai donc humblement accepté cette fonction.

Chacun y alla de son commentaire sur la question, beaucoup pensaient que l’Empereur avait fait un choix judicieux et juste quoi que surprenant.

- A peine de retour parmi vous, je vais devoir repartir pour Meragi. Je confie la direction du temple au vénérable Zaoryu. A présent je vous laisse, je partirai à l’aube demain matin.

Dans l’assistance, Hime et Aku s’inquiétaient pour leur devenir. Mais Toran alla les voir et leur expliqua qu’ils devaient venir tous les deux à Meragi avec lui, il continuerait leur formation au temple de Komakai, plus petit et modeste que Yafujima.


Toran n’était plus habitué au luxe. Bien sûr, il avait vu le jour dans une famille riche mais il s’en était éloigné rapidement. Cette chambre faisait à elle seule une maison d’un éleveur de buffle. Autour de lui plusieurs servantes s’affairaient. Il allait être officiellement nommé devant le conseil comme régent de l’empire et il fallait donc qu’il soit présentable. Il tenait néanmoins à ce que sa tenue de régent ne soit pas dénuée du côté pratique que lui offrait ses habits de Tsoutaï. L’Empire avait besoin de lui et la situation était délicate. D’un côté il fallait qu’il maintienne la cohésion, gère les conflits politiques et en plus jongler avec les désirs de pouvoir du Corbeau. Il avait toujours lutté pour garder au fond de son cœur ses origines de ce clan.

Une fois prêt, il fut conduit à la salle des conseillers et ministres où tous s’inclinèrent, ce qui gêna le vieux Tsoutaï.

- En ce jour où vous faites de moi le régent, gardez ceci en tête, l’Empereur n’est pas mort, il reviendra.

Oui, l’Empereur reviendrait, en son fort intérieur, Toran le savait, car il mettrait tout en ordre pour faire la lumière sur ce mal inexplicable qui avait frappé.

Que réservait l’avenir à Toran et à l’Empire de Xzia ??

La quête du Roi Tonnerre

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Le roi est mort !!! Vive le roi !! Le roi est mort ! Vive le roi !

La foule au pied du château de Carleon scandaient le message d’adieu comme le voulait la coutume. Mais cette fois-ci la tradition ne serait pas respectée. Gaumatta, roi d’Yses venait de passer à trépas sans que son héritage puisse être transmis. Cela signifiait, selon les traditions des sept royaumes, qu’un grand tournoi allait être organisé pour la conquête des terres d’Yses. Et cela, l’un des Protecteurs du royaume s’y refusait. Sevylath assit au bord d’une fontaine regardait les badauds aller et venir de la place principale. Il mesurait toute l’importance de ce décès et les conséquences dramatiques que cela aurait sur l’avenir. Les vautours viendraient dévorer les restes et s'entre-tuer pour ce territoire, probablement au détriment de la population. Il fallait agir, et vite. Sans plus attendre il quitta sa rêverie et se dirigea vers la bibliothèque, ou du moins ce qui y ressemblait. Gaumatta était un roi savant et grâce à lui les plus grosses cités s’étaient dotées de bibliothèques qui en réalité étaient des lieux où l’on entreposait parchemins, peaux écrites et autres livres. Dans ce capharnaüm le héros d’Yses pensait trouver une loi ou une coutume qui puisse contre-carrer cette règle du grand tournoi. Après deux jours de fouilles intensives il ne trouva rien vis-à-vis des lois. Néanmoins quelque chose attisa sa curiosité. Au fond de la grande salle, derrière une pile d’objets divers se trouvait une tapisserie d’environ une taille d’homme. Sur celle-ci était peint une scène représentant le premier roi d’Yses qui était surnommé à juste titre, le Roi Tonnerre. D’après les histoires à son sujet, ce roi disparut un beau jour, en laissant son trône à son ami Argal dont Gaumatta était le descendant. Il se souvint alors de cette immense stèle gravée en bordure de la ville. Son instinct le poussa à aller la voir.

A nouveau perdu dans ses pensées, il ne vit pas passer le temps du trajet jusqu’à la pierre. Il existait une sorte de culte envers cet emblématique personnage. Lui-même croyait avec ferveur à l’existence de forces divines qui pour lui régissaient la vie des habitants des terres de Guem. Mais il ne s’était jamais intéressé à ce culte là, c’était donc pour lui l’occasion de le découvrir. Il ne se rappelait pas que cette pierre était aussi grande, elle faisait bien la taille d’une des tours du château d’Yses. Au pied de celle-ci des flammes dansaient au gré du vent dans un brasero de pierre. Il n’y avait personne, ce qui à la vue des évènements ne le surprenait pas outre mesure. Gravé sur la pierre, majestueux et immense, le Roi Tonnerre toisait la ville de son regard figé. Sevylath l’avait déjà regardé, mais il ne s’était jamais attardé sur les détails ni sur le cartouche tout en bas. Les caractères présents n’étaient pas ceux de la langue parlée en Yses actuellement. Mais pour autant ces symboles ne lui étaient pas inconnus. Il détacha le livre pendant à sa ceinture et examina la surface de la couverture de cuir. Il y avait là deux glyphes, pas identiques, mais semblables à ceux du cartouche. Ce livre était un héritage de sa famille et on lui accordait des pouvoirs importants bien qu’aucun de ses parents n’aient réussi à en percer ses secrets. Quelqu’un arriva à ce moment-là, le sortant de ses réflexions.

- Oh ! Je suis vraiment désolée de vous déranger.

C’était une jeune fille vêtue d’une simple robe blanche, elle portait des bijoux ressemblant à ceux du Roi Tonnerre. Sevylath reconnut là une prêtresse.

- Ne soyez pas désolée, c’est moi qui perturbe ces lieux. Je pense que vous pouvez m’aider. Sevylath lui tendit son livre. Vous voyez ces symboles, ils sont de la même langue que celle-là, dit-il en montrant les inscriptions sur la stèle.

La jeune femme aux cheveux teints en blanc regarda le livre et passa les doigts sur les reliefs. Son visage s’éclaira d’un sourire radieux.

- C’est la même langue, elle était parlée par le Roi Tonnerre et sa famille lorsque celui-ci régnait. Où l’avez vous eu ?

Sevylath hésita un instant, mais devant l’aide que pourrait lui fournir cette femme, il se lança.

- Ce livre est dans ma famille depuis toujours.

La prêtresse mit un moment à faire la relation. “Se pourrait-il que ???”

- Puis-je ouvrir ce livre seigneur Sevylath ?

- Vous savez qui je suis ? Interrogea-t-il avec intérêt.

- Il est difficile de ne pas reconnaître un protecteur d’Yses quand on en voit un. Puis-je ?

- A une condition, savez-vous ce que veulent dire ces symboles, dit-il en pointant du doigt la stèle.

- Il est écrit : “Brandit ma lance et je frapperai. Pare-toi de ma couronne et je serai à tes côtés. Porte mon armure et je te protégerai”. Nous ne savons pas réellement qui a écrit cela ni si ce sont les paroles du Roi Tonnerre, mais beaucoup d’entre nous pensent qu’il existerait un héritage.

- Merci pour ces précisions. Cette affaire me tient à cœur. Sevylath donna le livre à la prêtresse. Il serait judicieux d’aller l’examiner dans un endroit où nous serions mieux installés non ?

- Vous avez raison, je manque à mes devoirs, je vous en prie, accompagnez-moi à la salle d’étude du temple des dieux.

Il existait à Yses trois temples des dieux, des lieux de culte ouverts à ceux qui souhaitaient prier ou pratiquer leur croyance. Ils avaient pour particularité de ne pas être affiliés à une divinité, mais à toutes. Le protecteur et la jeune femme qui se nommait Dandranne allèrent donc à quelques rues de là dans une grande bâtisse de pierres grises en partie recouverte par la mousse. La salle d’étude n’en avait que le nom, c’était surtout un lieu de réunion pour quelques fidèles. Ceux présents à ce moment discutaient de l’évènement majeur de la journée, la disparition de leur roi, et ils ne firent pas attention à la présence du protecteur et encore moins à son occupation. Dandranne s’installa à une table de bois et entreprit d’ouvrir le livre. Hélas, la sangle ne voulut pas bouger d’un poil ! Sevylath s’en étonna car il avait toujours réussi à l’ouvrir et lorsqu’il essaya, ça fonctionna correctement. Au moment où Dandranne repris le vieux grimoire pour le lire, celui-ci se referma d’un coup et des petits éclairs parcoururent la couverture avant de disparaître.

- Et bien, en voilà une étrangeté ! S’étonna la prêtresse.

- Il faut dire que jusqu’à présent, à part mes parents, nul autre que moi ne l’avait touché. Il va falloir que je le tienne pour que vous puissiez le lire.

La technique sembla bonne car le livre resta ouvert et elle put lire, ou plutôt tenter de lire.

- Je connais mal cette langue, j’en ai appris les rudiments mais je n’ai jamais pratiqué sur des textes comme ceux-ci. On dirait des prières à un dieu. Si je traduis bien il s’agirait de Kurun.

Dandranne demanda à Sevylath de tourner les pages pour aller vers la fin. L’écriture changea, elle passa à des symboles plus rapidement écrits. Après avoir lu la première page elle se dandina sur place.

- C’est lui ! C’est le Roi Tonnerre ! Tournez-les pages ! Stop ! Là ! Attendez !

Elle relut plusieurs fois une page, puis elle leva le nez et regarda le protecteur avec une certaine joie.

- Connaissez-vous l’origine de votre famille seigneur Sevylath ??

- C’est une question en rapport avec votre lecture ?

- Oui, et à mon avis vous ne savez pas que le Roi Tonnerre a eu un enfant, un garçon nommé Korvent, ça vous dit quelque chose.

- Korvent ? Sevylath plongea dans ses souvenirs, ce nom ne lui était pas étranger. Effectivement, Korvent était un nom déjà évoqué par le passé. Oui, je crois que mon grand-père lorsque j’étais enfant me parla d’un Korvent, il fut un grand chef de guerre je crois bien.

- Et il est aussi un de vos ancêtres ! Vous vous rendez compte ! Vous descendez du Roi Tonnerre !

- Je veux bien vous croire mais comment en êtes-vous si certaine ?

- C’est écrit ! Là ! Dandranne était dans un état proche de l’euphorie, trouver le descendant de celui qu’elle vénérait, c’était un véritable miracle.

- Très bien, mais qu’est ce que ça dit ?

- Oh, oui, pardon. Il est dit, pour résumer que seuls ses héritiers peuvent ouvrir ce livre, c’est aussi simple que ça.

Sevylath ne montra pas de joie particulière à cette annonce, il voyait au-delà de ça. Le destin l’avait mis sur la route de cette prêtresse et des révélations étaient faites, jusqu’où ça allait le mener ?

- Il y a aussi des choses que je comprends moins. Il parle d’une quête qu’il doit mener à bien et qui le mènerait vers une sorte de renaissance. Il indique qu’il compte suivre une route pour se rendre dans les confins. Il indique son parcours en expliquant que son voyage n’était pas sans retour et que la mort même ne l’emporterait pas.

- Vous croyez cela possible vous qu’une personne qui vivait il y a très longtemps puisse revenir ? Interrogea Sevylath en ayant une idée derrière la tête.

- Tout est possible dans ce monde. Si le Roi Tonnerre peut revenir, devons-nous passer à côté de ça ?

- Non, vous avez raison, un roi est mort aujourd’hui, un autre roi pourrait reprendre les rênes d’Yses. Le protecteur se leva. La quête du Roi Tonnerre commence.

- Je vais prier pour la réussite de cette entreprise. Mais avant cela je vais vous transcrire les écrits de votre ancêtre.

Dandranne se leva à son tour.

- Tout cela est incroyablement passionnant. Les autres fidèles ne vont pas en croire leurs oreilles lorsqu’ils vont entendre cette histoire.

Deux jours plus tard, la traduction était finie, Sevylath et Dandranne n’avaient pas beaucoup dormi, les enjeux étaient trop importants pour perdre du temps. L’essentiel était là et il fallait commencer par s’aventurer dans les brumes des confins en suivant un chemin précis. Après un repos mérité le protecteur se mettrait en route pour l’inconnu, avec le fol espoir que la légende du Roi Tonnerre n’en soit pas une.


Le vague à l’âme, songeant qu’il laissait Yses en proie à une crise importante de son histoire, le protecteur se mit en route. Le voyage jusqu’à la brume des confins passait par Baranthe où il apprit que les autorités s’inquiétaient beaucoup de la situation du royaume voisin. Mais il ne s’attarda pas plus et continua sa route qui le mena une semaine plus tard en vue des brumes, lourdes et noires. C’était comme si les nuages prenaient tout l’espace entre le sol et le ciel. Tout cela ne l’inspirait pas vraiment, après tout, derrière, était enfermée la pire menace de cette terre. Tout ceux qui avaient cherché la prison d’Obsidienne n’étaient jamais réapparu, alimentant ainsi les légendes au sujet des pouvoirs ténébreux de Nehant. Il n’aimait pas cet endroit, il y avait là trop de malheurs et de souffrances. Il y a environ 70 ans eu lieu un terrible affrontement, beaucoup de héros de la guerre tombèrent contre Nehant. Tenant fermement son marteau sanctifié, il avança suivant les indications de Dandranne. Il crut étouffer, le surnaturel présent rendait l’air incroyablement suffocant. Sevylath prit ça comme une épreuve et ne se laissa pas abattre par si peu. N’y voyant pas grand chose il progressait très lentement. Au bout de quelques heures il arrivait enfin vers la dernière indication : Trois pas à gauche d’une pierre gravée d’un symbole de spirale. Il trouva bien la pierre et fit trois pas à gauche de celle-ci. Hélas pour le protecteur, cette pierre était en réalité un bout d’une petite stèle qui depuis l’époque du Roi Tonnerre avait subi la corrosion. Le haut, là où le symbole se trouvait était tombé à côté. Cela eut une conséquence fort fâcheuse que le protecteur n’apprendrait que bien plus tard.

Sevylath sortit de la brume et respira un grand coup. Une bouffée d’air salvatrice et un vent vif lui redonnèrent de la vigueur. Son nouvel environnement était incroyable et époustouflant. A perte de vue des îles de terres et de cristaux aux multiples couleurs flottaient dans les airs. Certaines d’entre elles bougeaient comme du bois sur l’eau, se frôlant les unes aux autres.

“Comment aller d’une île à une autre” s’interrogea le protecteur. Il examina la situation et surtout où il était arrivé. Visiblement l’île sur laquelle il se trouvait était grande, et si son ancêtre était arrivé là il devait bien avoir laissé des indices quelque part. “Commençons par là”. Le paysage différait d'Yses. Là où chez lui il y avait de la verdure et des forêts à perte de vue, ici d’immenses cristaux remplaçaient les arbres. Mais ce qui l'interpelait le plus c'étaient les brûlures apparentes sur certains rochers et cristaux, ainsi que de grandes éraflures labourant le sol. Il n’y avait pas le moindre bruit, pas le moindre animal gazouillant, même le son de ses pas semblait atténué. Il marcha de longues heures avec la vague impression de ne pas être seul ici. Les lieux étaient beaucoup plus vastes qu’il ne le pensait et la végétation devenait plus dense. Puis au détour d’un chemin, son regard fut attiré par une sorte de vieux totem, il représentait une créature déformée et répugnante. Il ne s’attarda guère sur cette représentation mais ça le conforta dans sa vigilance. Quelque chose n’allait pas, la magie était à l’œuvre ici. Effectivement, d’un seul coup, des lianes en provenance des arbres et des racines venant du sol l’attrapèrent et en quelques instants il fut incapable de bouger.

- Quel est ce maléfice !? S’exclama-t-il à haute voix.

Une créature s’avança vers lui, il n’en avait jamais vu de telle, de grande cornes, des yeux blancs, pas de bouche. Elle boitait et son côté gauche était protégé par des plaques de cuir liées entre elles. Derrière elle il y avait d’autres personnes, dont une était clairement habillée comme un habitant de la Draconie, il reconnut le blason et le code couleur de la jeune femme.

- Désolé de vous infliger ceci. Mais depuis que nous sommes arrivés dans les Confins les problèmes se succèdent. Dit la jeune femme en examinant le marteau du protecteur.

- Je suis Sevylath ! Protecteur d’Yses, détachez moi draconienne !

- Sevylath ? Anryéna regarda les autres avec une pointe de surprise. Vous avez disparu il y a vingt ans.

- Sornettes, je viens d’arriver ici et j’ai quitté les sept royaumes il y a quelques jours. Écoutez, je ne vous veux aucun mal, détachez moi et discutons.

Le Daïs interrompit son sort et le protecteur fut libéré de ses liens. Il récupéra son marteau, restant méfiant à l’égard de ces personnes.

- Je me suis présenté, il serait de bon aloi que vous fassiez de même.

- Il est vrai, à croire que ces Confins déteignent sur nous. Je suis Anryéna, fille de Dragon. Voici Oeil de Gemme de l’équipage d’Al la Triste et le Grêlé du peuple Eltari...

- Il peut certainement nous aider à briser le bouclier, coupa Oeil de Gemme.

Anryéna supportait de moins en moins la compagnie de la pirate, elle était rustre et sans gène, très loin du comportement des dames de la Draconie. Sevylath connaissait le nom d’Anryéna, rajoutant à sa confusion car si vingt ans s’étaient écoulés elle ne devrait pas ressembler à une jeune femme qui tout au plus avait la trentaine d’années. Évidement il ne savait pas que pour elle le temps n’avait que très peu d’emprise. Il assista à un débat entre les trois personnes, qui finalement invitèrent Sevylath à les accompagner.

- Que se passe-t-il ? Je serais ravi de vous aider, mais vous ne me dites pas grand chose.

- Pas très loin d’ici, nous avons trouvé une sorte de temple assez vieux. Mais il est protégé et nous n’arrivons pas à y rentrer, expliqua le Grêlé.

- Et pourquoi voulez-vous y entrer ? S’il est protégé c’est pour une bonne raison.

- Parce que nous sommes à la recherche de quelqu’un et il se peut qu’à l’intérieur du temple, il y ait soit cette personne soit un indice sur comment la trouver.

- Je cherche moi aussi une personne, je vais vous aider si je le peux.


La troupe rejoignit Malyss et Ergue qui attendaient devant le temple, une vieille bâtisse à l’architecture mêlant cristaux et pierre. Le tout avait blanchi à l’exposition du soleil et une petite partie du toit s’était effondrée. De leur point d’observation, les voyageurs se demandèrent s’il n’allait pas s’écrouler une fois qu’ils y seraient rentrés. En contre-bas et tout autour de la colline où trônait l’édifice se trouvaient des colonnes gravées de symboles. Et bien qu’on ne le voyait pas, entre chaque pylône, un mur invisible empêchait quiconque de passer.

- Notre magie n’a pas réussi à briser les colonnes et la force physique n’a rien fait de mieux. Pourtant nos pouvoirs sont grands, se vanta le mage du clan du corbeau.

Sevylath voyait les choses autrement. Ce n’était pas de la magie qui était à l’œuvre et c’est pour cette raison que leur magie restait inefficace. Les symboles n’étaient rien d’autre que des écritures théurgiques, la “magie” des dieux. Pour lui tout cela était clair, quelqu’un ne voulait pas qu’on entre ici, et seul un ou plusieurs prêtres auraient réussi ce tour de force. Sevylath se tourna vers le groupe et parla assez fort pour que cesse les discussions inutiles.

- Votre échec est normal. Ceci n’a rien de magique, c’est une barrière de foi. Je peux l’annuler, mais sommes-nous certains que rien de néfaste ne va se produire ?

- Nous ne pouvons prédire ce qu’il va se passer, mais je crois que si on est là, c’est pas pour rien. Il faut y aller ! Oeil de Gemme invita tout le monde à foncer tête baissée, façon pirate.

Anryéna fit la moue, tout ce qui touchait à la théurgie ne lui plaisait pas. Le Grêlé était indécis, mais le mangepierre était peut être là, à portée. Ergue s’en moquait, mais il ne refusait jamais un peu d’action. Malyss se rangea à l’avis de la pirate, il fallait mettre ce secret à jour dans tous les cas. La décision fut prise et Sevylath se mit au travail.

Chaque pilier présentait une épreuve de foi, une question à laquelle le lecteur devait au fond de son cœur répondre avec justesse. Il choisit la question qui lui parut la plus intéressante à ses yeux et dont la réponse était son leitmotiv en tant que croyant. La question pouvait se résumer à ceci : “Jusqu’où peux te mener ta foi”. Il n’hésita pas, c’était limpide pour lui : le sacrifice, il était prêt à cela par abnégation et ferveur pour les principes de foi qu’il suivait. Visiblement la réponse était juste car le pilier s’effrita puis s’écroula. La barrière de foi était tombée.

- Vous êtes digne de la réputation qu’on vous prête, protecteur d’Yses, félicita Anryéna.

Le groupe entreprit l'ascension de la colline recouverte de vieux rochers. Leur progression fut rythmée par la découverte de multiples squelettes humanoïdes dont la présence était cachée par ces rochers.

- C’est pas très encourageant, chuchota Ergue pour lui-même.

- Regardez ça ! Cria Oeil de gemme. Quelle merveille !

La jeune femme arracha d’un cadavre une lance entièrement faite de cristal.

- C’est léger comme une plume, ajouta-t-elle.

Au premier coup d’œil Sevylath reconnu la facture de l’objet et se précipita.

- Puis-je ? Dit-il avec autorité.

Pour un pirate, un objet trouvé appartient à celui qui en fait la découverte, mais vu son entourage elle ne chercha pas les ennuis et donna la lance. Aucun doute, il s’agissait d’un objet fabriqué à Yses, et vu le style ça datait, il en avait vu quelques unes comme celle-là chez certaines familles nobles. Il était sur la bonne piste.

- Je suis sur la bonne voie. Avançons !

Ils arrivèrent à l’entrée du temple et ils purent voir que de nouveaux symboles théurgiques jonchaient l’immense porte et faisaient tout le tour du temple.

- Un sceau divin, regretta Sevylath. Poussez-vous, il doit être brisé par la foi.

Tous s’écartèrent à bonne distance. Sevylath recula de quelques pas, tenant son marteau fermement et marmonna quelques prières. Puis il s’élança et fit tournoyer son marteau de façon à briser la ligne des écritures. Il ne s’attendait pas à cela mais la violence du coup fit littéralement exploser la porte. Chacun alla jeter un œil à travers l'encadrement et ce qu’ils y virent ne présageait rien de bon. A l’intérieur, il y avait une bonne dizaine de créatures ressemblant à des humains, mais qui se comportaient en sauvage. Leur peau était bleue sale et leur attitude très agressive. Le temple en lui-même était une immense salle et au milieu de celle-ci une personne flottait dans les airs, enfermée dans une sorte de colonne composée d’une multitude d’arcs électriques qui partaient du sol. Alors qu'Ergue et Oeil de gemme reculait devant la charge des créatures, Sevylath qui savait très bien qui était cet étrange personnage sauta à l’intérieur sans la moindre peur.

“Est-ce le Mangepierre ?” se demanda le Grêlé. Il emboita le pas au protecteur et entra à son tour. Ne pouvant s’abandonner les uns les autres, chaque membre du groupe rejoignit les autres. Sevylath avait commencé à écraser des crânes à coup de marteau, mais les créatures étaient nombreuses et très fortes aussi, le Grêlé fut vite submergé par quelques unes d’entre elles et il ne dut son salut qu’à la dextérité d'Ergue qui le tira vers l’arrière. Malyss fit parler le feu tandis qu’Anryéna déployait la magie draconique. Tout se déroulait correctement, leurs stratégies complémentaires allaient vite faire triompher le groupe. Hélas, une erreur involontaire mit tout à mal. Anryéna, acculée dans un coin du temple, fit appel à d’autres pouvoirs, ceux de la foudre. De ses mains jaillirent des éclairs qui frappèrent violemment ses assaillants. Plusieurs faits inattendus se produisirent : les éclairs se propagèrent sur la grande majorité des créatures et à chaque fois que l’une d’elle était touchée l’éclair ne leur provoquait pas de douleur, au contraire la magie semblait les renforcer. Telle une marée elles reprirent le dessus sur le groupe, blessant certain de ses membres. Sevylath n’avait plus le choix, il fit appel à sa foi. Son marteau brilla intensément et il pensa à chacun de ses compagnons. Puis avec fureur, il abattit les créatures une par une. A chaque coup porté, les blessures de ses camarades se refermaient. Impressionné par la théurgie du protecteur, la bataille reprit de plus belle. Anryéna, qui avait compris son erreur, cessa l’utilisation de la foudre et préféra la défense à l’attaque. Sevylath, galvanisé, se tailla un chemin jusqu’à la personne dans la colonne d’éclairs. Mais là s’interposa une créature plus grande que les autres et qui semblait plus futée. Elle portait une couronne de cristal. Visiblement la créature cherchait le duel avec le protecteur. Mais ce dernier poussé par un accès d’orgueil se mit à rire et posa son marteau au sol.

- Je sais ce que vous êtes, je reconnais cette pierre dans votre gorge.

Derrière lui les autres voyageurs se demandait ce que faisait Sevylath.

- Je vous répudie guémélites ! Rejoignez votre créateur ! Cria-t-il.

Il leva les mains en l’air et une vive lumière blanche jaillit de celles-ci. Oeil de gemme sur le palier du temple et qui tirait avec ses étranges armes sauta à plat ventre en dehors du temple en voyant ce que l’homme de foi faisait. Les créatures hurlèrent de douleur et tombèrent comme des mouches, mortes. Hélas Sevylath n’avait pas fait attention à Anryéna qui était non loin de là et qui subit aussi les effets de l’exorcisme et s’écroula inconsciente.

La bataille était finie, les créatures étaient toutes mortes y compris leur chef. Sevylath récupéra la couronne de cristal. Les autres étaient essoufflés, le combat n’avait pas duré très longtemps, mais il avait été intense et très fatigant. Le Grêlé s’occupa d’Anryéna pendant que Malyss s’interrogeait sur cette prison d’éclairs. Ergue tenta d’y passer la main et ce n’était pas très malin de sa part car ce fut très douloureux.

Après un soin apporté par le protecteur, Anryéna reprit conscience et pesta contre cet acte certes efficace mais inconsidéré de sa part. La fille de Dragon s’intéressa alors au prisonnier et à sa geôle.

- Est-ce le Mangepierre ? Demanda-t-elle au Grêlé.

Ce dernier allait répondre mais Sevylath s’interposa.

- Je ne sais pas ce qu’est un Mangepierre, mais cette personne est celle que je cherche et n’est ni plus ni moins que le Roi Tonnerre.

Tous échangèrent des regards interrogateurs, ils ne connaissaient pas de Roi Tonnerre, mais ils étaient prêt à croire leur illustre compagnon.

- La question est, comment le sortir de là, dit Malyss.

- Ce n’est pas théurgique ? Demanda Ergue. La réponse fut négative.

- Dans ce cas, c’est magique et dans ce cas, je peux faire quelque chose. Intercéda Anryéna qui était bien décidée à corriger son erreur.

Les sorts de foudre étaient nombreux et très variés. Bien que ses études à l’académie de Noz’Dinagrd remontaient à une époque lointaine, elle n’avait pas oublié les principes appris. Elle contourna la prison et se focalisa sur la magie. Elle perçut en premier lieu les éclairs, violents, protecteurs et dangereux. Puis derrière cela la personne en elle-même, elle avait un sort actif sur elle, un autre sort de foudre mais qui n’avait pas le même objectif.

- Une stase ! Cria-t-elle. Je crois savoir comment faire. Sevylath s’il vous plait venez à côté de moi.

Le protecteur approcha en se demandant ce que prévoyait la draconienne.

- Vous rattraperez la personne lorsque les sorts seront brisés et accessoirement moi aussi si je dois tomber inconsciente, ce qui peut arriver. Vous êtes un croyant et connaissez des théurgies de soin. Je vous conseille d’en lancer une sur vous au cas ou. Je vais combattre la foudre par la foudre.

A ces paroles les autres s’écartèrent rapidement pour ne pas risquer d’être blessés.

Anryéna se concentra de longue minutes avant de déchainer la foudre sur la prison. Elle lâcha tout son pouvoir. La prison se surchargeant de magie éclata d’un coup, libérant le Roi Tonnerre. In extremis, Sevylath, protégé par sa foi réceptionna son ancêtre. Puis se retourna vivement pour voir l’état de la magicienne. Celle-ci vacilla, vidée de toute magie. Le protecteur attrapa Anryéna avant qu’elle ne tombe. Aussitôt le corps de la magicienne se mit à briller d’une aura bleue très brillante qui se propagea sur Sevylath et le Roi Tonnerre. Puis l’aura s’estompa en même temps que les trois personnes qui devinrent transparentes. Enfin elles disparurent devant les mines ébahies de leurs compagnons.


Ils réapparurent tous trois dans la salle du trône en Noz’Dingard devant Kounok qui s’était levé, Chimère à la main.

- Mère ?? Cria-t-il.

La Bataille de la Pierre - Chapitre 1

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Salle du trône du palais de Noz’Dingard.

Kounok avait vu apparaître soudainement plusieurs personnes au beau milieu de la grande salle. Pensant à une attaque le Prophète, empoignant Chimère, la tira hors de son nouveau fourreau et sauta au pied du trône avec dextérité. Valentin, alors présent pour rendre compte à son supérieur tira lui aussi son arme et se mit en garde à l'encontre du petit groupe. Les nouveaux arrivants n’avaient pas l’air agressifs, bien au contraire. Seul l’un d’eux était en état, les deux autres étaient inconscients.

- Paix draconiens ! Paix ! S’exprima Sevylath en déposant ses fardeaux au sol avec attention. Je suis Sevylath, protecteur d’Yses, ajouta-t-il en regardant autour de lui. Je ne suis pas votre ennemi, dit-il en posant son marteau d’un geste lent.

Kounok ne comprenait pas grand chose à tout cela, mais il reconnut sa mère allongée par terre.

- Que lui avez-vous fait ?? Accusa-t-il en élevant la voix.

- Moi rien, cette dame vient de sauver le Roi Tonnerre et tout à coup nous avons disparu dans une gerbe de lumière bleutée et nous sommes apparus ici.

- Il va falloir être plus précis que ça.

Kounok posa Chimère au sol et prit Anryéna dans ses bras. Elle était inconsciente, vidée de ses pouvoirs magiques. Dans ce genre de cas, il n’avait pas d’autre solution que de l’amener à Dragon.

- Valentin, voit donc avec nos invités surprises comment ils se sont retrouvés là. Installe-les confortablement.

- Bien Prophète, ça sera fait, répondit le Chevalier Dragon.

- Vous faites de nous des prisonniers ?

- Non, si c’était le cas j’aurais employé ce terme, mais quand quelqu’un apparaît soudainement dans une place forte Noz’Dingarde portant ma mère inconsciente, je suis en droit d’en savoir plus !

Racontez donc votre histoire à Valentin.

Kounok sortit par une des portes de la salle qui donnait dans une cour bien particulière. Elle était directement au pied de l’imposante gemme bleue de Dragon. Il y avait là un jardin où des roses bleues poussaient au rythme de la nature. Au milieu des rosiers une fontaine représentait un Dragon majestueux. Kounok traversa rapidement la cour, inquiet pour sa mère qui dans ses souvenirs n’avait jamais été dans cet état là. Lorsqu’il arriva au pied de la pierre, une forme humaine se matérialisa devant lui. C’était un homme de grande taille qui quelque part ressemblait à Kounok et feu son frère. Plusieurs cornes de cristal sortaient de son crâne et ses cheveux longs flottaient au gré du vent. Son apparence était presque fantomatique comme un spectre bleu transparent. Kounok eut l’air surpris puis se reprit et inclina la tête en signe de respect.

- Bonjour Prophète, commença l’apparition.

- Seigneur Dragon, je voulais vous voir justement.

- C’est pour cela que je suis là. Tu es encore jeune et tu oublies souvent que nous sommes liés, encore plus que n’importe quels autres habitants de la Draconie. Tu es inquiet pour ta mère, mais n’aie aucune inquiétude elle va bien.

- Qu’a-t-elle ? Demanda Kounok avec une pointe d’anxiété dans la voix.

- Elle est épuisée. Elle a utilisé quasiment toute sa magie.

- C’est pour cela qu’elle est revenue ici, c’est cela ?

- Je tiens à ma fille, mon unique enfant. Je ne permettrais pas qu’il lui arrive malheur, alors je la protège du mieux que je peux. Elle porte une de mes écailles enchantées afin que si ce genre de problème arrivait, qu’une situation la rendait vulnérable, elle revienne ici.

- Je comprends. Et maintenant ?

- Il lui faut du repos, dit Dragon en s’approchant d’eux.

Il prit la jeune femme dans ses bras et sourit à Prophète avant de disparaître.


Anryéna se réveilla. Son cœur battait fort dans sa poitrine. Toutes ses forces lui étaient revenues et le pouvoir du sang de Dragon se rappelait à elle. Autour d’elle tout était bleu, reconnaissant le lieu elle se redressa pour s'asseoir au bord du lit à baldaquin. Elle connaissait bien cet endroit pour y avoir passé son enfance. Etant dans le domaine de son père, tout ce qu’elle voyait émanait de lui. Et justement alors qu’elle pensait à son père, il apparut.

- Tes forces te sont revenues ma fille.

- Père, je suis contente de te voir. Mais pourquoi m’avoir ramenée, j’avais encore beaucoup à découvrir dans ces Confins.

- Ton retour est le résultat de tes actes. Tu t’es mise en danger en te vidant de ta magie. Rappelle-toi de ce que je t’ai dit il y a bien longtemps. Les guémélites peuvent mourir sans magie.

- C’était la seule solution, j’ai senti que la personne que nous avons trouvée dans les Confins pouvait nous aider et devenir une alliée, répliqua Anryéna.

- Le Roi Tonnerre peut être un atout dans cette guerre. Mais en attendant qu’il joue son rôle, tu dois, toi, jouer le tien.

Dragon posa sa main sur la joue de sa fille, assailli par de très vieux souvenirs. Anryéna posa alors sa main sur la sienne. Les moments de complicité entre le père et la fille étaient rares, suffisamment pour que tous deux saisissent cet acte d’amour.

- Qu’y a-t-il père ? Quel rôle veux-tu que je joue ?

Dragon enleva sa main et prit un air sérieux et grave.

- Kounok n’a pas la même place dans ce monde que celle de son frère. Depuis la disparition de ce dernier le Compendium est en proie à une lutte intestine que je ne tolère plus. J’ai promis il y a longtemps de ne pas interférer dans les affaires de cet ordre, mais hélas personne n’est capable de reprendre les rênes. La place te revient.

Anryéna sembla étonnée, elle connaissait bien les mages du Compendium et en voyait bien quelques uns ayant les reins assez solides pour cette tâche.

- Et Marzhin ? Il est suffisamment puissant et sage, il ferait un très bon archimage.

- Il est vrai qu’il est doué, mais sa place est auprès des apprentis de l’académie.

- Il y a quelque chose que tu ne me dis pas, répondit Anryéna avec conviction.

- La guerre a débuté et tu vas devoir affronter des adversaires aux pouvoirs jusque là peu connus. Il faut que tu diriges le Compendium pour redonner foi en la magie aux mages de la Draconie et devenir le symbole de Guem. Et mon cœur se déchire à te savoir bientôt contre l’ennemi, notre famille a déjà souffert s’il t’arrivait quoi que ce soit...

Anryéna coupa court.

- J’assumerai ce rôle, avec Dragon à mes côtés que peut-il m’arriver ?

- Dans ce cas, ceci te revient.

Apparu dans les mains de sa fille un sceptre de grande taille au bout duquel un dragon de cristal s’enroulait. Il avait été porté par bien des mages de la Draconie, elle fut d’ailleurs la première à en être digne. Anryéna se concentra et se retrouva alors au pied de l’académie de magie de Noz’Dingard.


Anryéna avait contribué à construire l’académie de magie de Noz’Dingard, un lieu d’échange et d’apprentissage pour toutes les personnes ayant une sensibilité envers les arcanes magiques. Le château avait été construit sur une des gemmes satellite à la pierre-cœur de Dragon, surplombant la grande cité. Il y avait là, au bas mot environ cinq cent étudiants venant de la Draconie mais aussi de terres lointaines car les coutumes et les pratiques magiques étrangères contribuaient à l’amélioration des connaissances générales. Anryéna était devant la grande arche, artefact magique qu’il fallait franchir pour entrer dans l’académie. C’était la fin de l’après-midi et beaucoup d’apprentis quittaient les cours pour retourner à leur dortoir, s'apprêtant à passer encore quelques moments à étudier. Les plus jeunes d’entre eux passèrent sans reconnaître la dame, mais quelques élèves furent attirés par le sceptre draconique. Elle laissa les étudiants à leurs théories à son sujet et elle passa l’arche et se retrouva dans le hall d’entrée de l’académie. Majestueux et immense le hall était le carrefour central de la bâtisse et il n’était pas rare d’y passer plusieurs fois par jour. Depuis son départ de l’académie et du Compendium rien n’avait bougé, toujours les mêmes remarquables tapisseries et les grandioses vitraux de verre bleu. La lumière y était douce et enchanteresse. Les pas de la fille de Dragon la menèrent à l’endroit voulu par un automatisme étonnant. Elle avait traversé les couloirs, monté les nombreux escaliers et traversé de nombreux portails magiques avant d’arriver à la salle du conseil du Compendium. Là Dragon avait convoqué les plus hautes sommités et instances dirigeantes de l’académie. Ils étaient installés dans un amphithéâtre de bois, le visage de certains hauts mages exprimaient la contrariété, d’autres au contraire avaient l’air ravi de la nomination de la fille de Dragon comme nouvelle dirigeante du Compendium et par extension de l’académie de magie. Le Compendium était une organisation ayant pour but la gestion de tout ce qui est magique, que ce soit dans la recherche ou l’apprentissage. L’académie était devenue avec le temps le quartier général de cette organisation. Anryéna se plaça face à l’assistance et frappa trois fois le sol du bout de son sceptre.

- Hauts-mages et Maîtres-mages d’affreuses rumeurs sont parvenues à mes oreilles. L'indiscipline agiterait les rangs du Compendium. Tout ceci ne peut que profiter à nos ennemis et perturber l’enseignement de nos apprentis qui ont besoin de nous et de notre intégrité. Que cessent les querelles car en ce jour je me présente devant vous, forte du titre d’archimage du Compendium. Les mages se levèrent et applaudirent leur nouveau chef avec plus ou moins de conviction. Les choses étaient claires, le chaos ne prendrait pas quartier ici. Anryéna fit cesser le brouhaha car elle avait encore des choses à dire.

- Maître-Mage Marzhin, levez-vous.

Un homme d’une trentaine d’année se leva, il portait la livrée des enseignants de l’académie et aussi plusieurs insignes indiquant des prouesses magiques effectuées ainsi que l’invention de plusieurs nouveaux sortilèges.

- Je vous nomme directeur adjoint de l’académie de magie de Noz’Dingard.

C’était une fonction très importante car en l’absence du dirigeant du Compendium il prenait la direction de l’illustre établissement. A nouveau les applaudissements retentirent alors que le Maître-mage s’inclinait, acceptant la lourde tâche. Après quelques consignes, chacun retourna à ses petites affaires, seuls restèrent Anryéna et Marzhin qui souhaitait discuter à propos de certains points.

- Je vous remercie pour la confiance que vous m’accordez dame Anryéna.

- Vous êtes une personne d’une incroyable valeur pour la Draconie, vous êtes un exemple pour nos étudiants.

- Ce que vous me dites me touche. Je ferais de mon mieux.

- J’ai d’ailleurs un cas d’études pour vos apprentis de plus haut niveau.

Le Maître-mage se montra très intéressé.

- Il nous faut connaître nos ennemis et nous adapter à leurs facultés. Je sais que vous êtes le mieux placé pour trouver une solution. Que savez-vous à propos de la Théurgie ?

Marzhin ne s’attendait pas à se qu’on lui parle de ça, mais il avait étudié la Théurgie et effectivement il était bien placé pour en parler.

- Si ces ennemis sont effectivement des prêtres et autres fervents, nous avons des soucis à nous faire. Ce que je vous propose et de venir assister demain matin à un cour sur la Théurgie et je vous laisserai voir avec mes élèves ce que vous souhaitez mettre en pratique. Mais dites moi pourquoi voir ceci avec des étudiants qui n’ont pas encore le titre de mage et pas avec les Hauts mages ?

Certains sont bien placés pour parler de ça.

- Mais je parle en ce moment avec vous et je vous estime qualifié. Je souhaite avoir un regard neuf sur cette pratique et l’imagination de jeunes personnes.

- Dans ce cas dame Anryéna ça sera un véritable honneur pour mes élèves.

- Bien, dans ce cas à demain.

Mais avant que la mage ne parte Marzhin lui demanda une dernière chose.

- Dites-moi, avez-vous des nouvelles de mon fils ?

- Pilkim est un jeune homme qui sur le terrain apprend beaucoup, les Envoyés de NozDingard sont ravis de l’avoir avec eux. Rassurez-vous, il ne sera pas confronté au danger. Et puis si c’était le cas, il tient de son père et ses facultés magiques sont impressionnantes pour son âge. Je lui prédis un grand avenir.

Le Maître-mage sembla satisfait de savoir son fils en sécurité.


Le lendemain les élèves de Marzhin, tous en passe de devenir des mages eurent la joie de voir leur cours se passer dans une salle en principe réservée aux chercheurs en magie du Compendium. Un endroit protégé par de très puissants sorts et qui, en principe, ne risquait pas de s’écrouler suite à une erreur magique. A peine installés ils eurent l’agréable surprise de voir leur nouvelle directrice et quelques autres personnes arriver avec leur professeur. Ce dernier était suivi d’un petit golem qui transportait un coffre fermé par une serrure. Les étudiants se levèrent pour saluer l’arrivée de la petite troupe. Alishk et Aerouant, fraîchement nommés comme membres du Compendium avaient été invités non pas par politesse, mais pour comprendre et donner un coup de main. Marzhin s’avança sur l’estrade.

- Asseyez-vous je vous prie.

Les élèves retrouvèrent leur siège et étaient pendus aux lèvres du professeur.

- Comme vous pouvez le voir, l’archimage Anryéna nous fait l’insigne honneur d’être présente pour ce cours et elle est accompagnée par deux mages du Compendium qui il n’y a pas si longtemps étaient à vos places.

Le Maître-mage se dirigea vers le golem qui portait toujours le coffre et commença à déverrouiller ce dernier.

- Qui peut me dire ce qu’est la Théurgie ?

Plusieurs mains se levèrent instantanément.

- Je vous écoute Armand.

Un jeune homme au cheveux noirs ébouriffés sauta sur ses deux pieds et se racla la gorge.

- La Théurgie est une forme de magie particulière. Elle est pratiquée par les prêtre et les gens de foi qui invoquent des pouvoirs surnaturels par la volonté de divinités.

Le garçon s’arrêta là.

- C’est une courte mais juste définition, et connaissez-vous la différence entre la magie traditionnelle, c’est-à-dire celle que nous pratiquons tous ici, et la Théurgie ?

La réponse fut immédiate.

- La magie est un pouvoir enfermé à l’intérieur de nous et auquel nous pouvons faire appel en connaissant les bonnes formules, gestes et incantations alors que la Théurgie est un pouvoir accordé par une entité supérieure. Il faut donc connaître des prières et cérémonies afin que la divinité consente à répondre à l’appel.

- Excellent ! Ajouta Marzhin en se tournant vers l’assistance. Je vous félicite. Donc, la magie est très différente de la Théurgie dans un sens, mais dans les deux cas il faut un lien avec quelque chose que cela soit en nous ou en dehors. Nous ne sommes pas tous capable de faire appel à la magie ou à la théurgie pour bien des raisons. Dans ce cas un autre problème se présente face à nous. Marzhin prit dans le coffre une grosse gemme bleue luisante.

- Ceci est une pierre de Dragon, certains d’entre vous ont peut-être entendu parler d’une telle gemme ?

Une élève aux cheveux blonds très longs leva la main.

- Oui Lenya ?

- Une pierre de Dragon est un morceau de la pierre-cœur de Dragon offerte par notre seigneur afin que nous puissions utiliser sa puissance magique.

- C’est cela, répondit le professeur en posant la pierre sur le bureau. Donc nous pouvons nous servir d’un pouvoir qui n’est pas... magique, mais si on suit la logique d’Armand nous serions alors des Théurges lorsque nous utilisons ce pouvoir externe.

Un élève l’interrompit.

- Mais vous oubliez l’entité supérieure ?

- Vraiment ?? Dragon n’est-il pas une entité supérieure ?

- Mais nous ne le vénérons pas, ajouta un autre étudiant.

- Il est vrai que nous pouvons utiliser les pierres de Dragon sans avoir à diriger nos prières vers Dragon.

Anryéna était satisfaite, les réponses données étaient justes et sans aucune hésitation.

- Ce cours va être particulier, vous me connaissez depuis quelques années, plus pour certains, et vous savez que j’aime créer des sorts. Je vous propose donc aujourd’hui, que nous nous penchions sur un problème et qu’à partir de nos théories nous soyons en mesure de donner à notre archimage une description d’un rituel utilisable sans modification et applicable sur le terrain. Est-ce que vous êtes partants ?

Les visages s’illuminèrent et des hochements de tête indiquaient à Marzhin que oui le sujet les intéressait.

- Jusqu’à ces derniers temps, la théurgie n’a jamais représenté une grosse activité en terres de Guem. Si vous vous tenez un peu au courant des évènements qui secouent notre monde, vous savez que des gens du désert et qui possèdent de grands pouvoirs théurgiques se dressent contre nous. Hors notre magie n’est pas prévue pour faire face à la théurgie et au contraire il semblerait que nos facultés soient plus faibles que les leurs. La problématique est donc la suivante : comment la magie pourrait-elle combattre efficacement la théurgie ?

A partir de là les élèves travaillèrent sur plusieurs théories. Certaines furent écartées rapidement alors que d’autres furent retenues et développées. La journée passa à vive allure, Anryéna et ses compagnons laissèrent les élèves et leur maître à la conception de ce qui allait devenir un rituel de niveau supérieur. La nuit tomba sur la Draconie mais les apprentis mages ne s’en préoccupèrent pas, ils étaient pris par une passion de création dévorante et ce n’est que très tard que le Maître-mage, satisfait du résultat, stoppa là la séance de travail. Après une journée de repos, tout le monde, élèves, maître et archimage furent conviés à une démonstration du résultat. Pour l’occasion Marzhin avait demandé la présence d’une personne ayant l’oreille d’un dieu pour se prêter à l’expérience qui serait sans douleur évidement. Dans Noz’Dingard les lieux de cultes étaient très rares, mais une personne accepta d’aider les mages de l’académie. Les élèves présentèrent leur rituel en le réalisant eux même. Le “cobaye” s’installa au milieu de la grande salle pour l’occasion débarrassée de tout objet. Puis un groupe de trois élèves commença les incantations pendant que Marzhin expliquait le principe à Anryéna, Alishk et Aerouant.

- Nous sommes partis des recherches de votre fils et de celles de Marlok concernant les liens magiques. Les élèves sont partis du principe qu’entre un prêtre et sa divinité il y avait un lien plus ou moins fort comme un mage a un lien avec sa pierre-cœur lorsqu’il en a une. De plus nous avons étudié les rapports du récent combat contre le nehantiste. De cela les élèves on fait une transposition, pour que les théurgies deviennent inefficaces il faut que la divinité ne soit plus capable d’entendre les suppliques et donc d’isoler les prêtres.

L’archimage regardait la démonstration avec ses yeux de magicienne, décryptant chaque geste, chaque attitude et chaque effet magique produits par les élèves. L’idée était bonne, mais si cela fonctionnait, il y avait un point qu’il fallait soulever. Comme dans la plupart des rituels il y avait un maître de rituel et des acolytes. Ces derniers concentrèrent leur puissance magique et grâce à l’incantation de sort de transfert ils octroyèrent plus de puissance au maître de rituel. Après quelques minutes le meneur sortit une pierre du Dragon et lança un sort en y déversant sa magie. Cela eut pour effet de créer une sphère de bonne taille qui engloba presque toute la salle. Le rituel en lui même était fini, mais pour que le sort soit maintenu, le maître de rituel devait maintenir le flux magique. Marzhin passa la sphère et alla jusqu’au “cobaye”.

- Comment vous sentez-vous ?

- Etrange, j’ai l’impression d’être à nouveau seul. La sensation est bizarre.

- Vous permettez ? Le maître-mage sortit un éclat de cristal, remonta sa manche et s’entailla l’avant bras. Allez-y, faites appel à la théurgie et soignez cette estafilade.

Le prêtre se concentra et pria son dieu comme il le faisait en temps normal. Mais il n’y eut aucune réponse, le test fut concluant. Le maître de rituel était à bout de force, Marzhin lui fit signe de la tête pour stopper le maintien du rituel. Le pauvre étudiant n’en pouvait plus, il était exténué.

Anryéna était satisfaite et Aerouant ravi du résultat et de la façon dont les travaux d’illustres mages avaient servi. Alishk alla aider les étudiants et les félicita pour leur réussite. Quand au prêtre, ravi de pouvoir à nouveau utiliser la théurgie il soigna l’entaille du maître-mage. Marzhin expliqua ensuite le déroulement exact du rituel ainsi que chaque étape. L’archimage en profita pour poser ses questions.

- Si je comprends bien il va falloir maintenir le rituel et donc sa durée dépend uniquement du maître de rituel ?

- Oui, mais nous avons prévu que votre puissance, cumulée avec celle d’Alishk et Aerouant sera suffisante pour assurer une longueur correcte à ce rituel. Par contre je dois vous mettre en garde, le rituel de la pierre empêche les personnes de pratiquer la théurgie, mais elles seront toujours capables de sortir de la bulle et de bouger librement.

- Nous avons des alliés qui assumeront l’attaque au corps à corps.

Anryéna regardait son sceptre avec nostalgie.

- Nous avons déjà la pierre de Dragon, reste donc à pratiquer tout ça sur place. Vous remercierez vos étudiants, vous pouvez être fiers d’eux c’est du bon travail. Vous me confirmez que j’ai bien fait de vous nommer à votre nouveau poste. D’ailleurs je vous confie l’académie puisque vous l’aurez compris,je vais moi-même diriger le rituel de la pierre.

- Je vous souhaite bonne chance dans ce combat dame Anryéna.

Les mages du Compendium passèrent la journée à prendre en main le rituel de façon à se préparer au mieux et le lendemain il était temps de partir rejoindre leurs alliés. Un portail menant à la forêt des Eltarites fut créé par Dragon afin de ne plus perdre de temps car ce dernier était précieux. Anryéna, Alishk, Aerouant et Kounok franchirent donc le portail et se retrouvèrent instantanément à des jours de voyages de là.


L’orée de la forêt était calme, la brume matinale donnait un caractère mystérieux et inquiétant. Le portail apparut à la frontière avec le Tombeau des ancêtres et les Envoyés de Noz’Dingard en sortirent. Il ne fallut pas longtemps pour que certains membres de la Cœur de Sève viennent à leur rencontre pour les accueillir. Après un échange d’informations les Envoyés apprirent que les Pirates étaient partis à la recherche de quelque chose d’important pour eux et que la “corruption” des terres du Tombeau des ancêtres progressait lentement, mais sûrement. Dans l’autre sens le rituel de la pierre fut présenté aux Kotoba et Cœur de Sève, les deux principales guildes qui étaient restées pour affronter l’ennemi. Les troupes se mirent en marchent galvanisées par l’espoir d’une résolution rapide du conflits de la pierre Tombée du ciel. De leur côté, les nomades du désert avaient monté un campement et attendaient patiemment un signe de leur divinité. La quiétude des lieux fut perturbée par Kararine qui surveillait les environs et vit la petite armée arriver sur eux. Ce fut le branle-bas de combat et en peu de temps les nomades furent en ordre de bataille, prêt à en découdre avec les opposants. La stratégie d’attaque en bataille rangée était la spécialité de la Kotoba. Gakyusha avait vite établi un plan en prenant en compte les spécificités de chacun. Les guerriers seraient le fer de lance, tandis que ceux doués de discrétion contourneraient l’ennemi afin d’abattre les prêtre qui seraient probablement en retrait. Enfin les mages resteraient à distance et protégeraient le Compendium le temps du rituel. Le Seigneur Impérial n’attendit pas plus longtemps et ordonna l’assaut. Anryéna, Alishk et Aerouant commencèrent le rituel. Les deux hommes avaient prévu un petit plus en utilisant juste avant le débutdu rituel des cristaux dans lesquels étaient enfermés de la magie, les rendant temporairement plus fort. La première phase du rituel se passa bien, Aerouant et Alishk incantaient, puis leur puissance se transféra à Anryéna qui ne s’attendait pas à en recevoir autant. Mais les sorts de préparation inventés par les apprentis de Marzhin faisaient merveille. Elle brandit alors son sceptre en le prenant à deux mains et canalisa toute la magie qui était en elle et la fit passer par le sceptre. Un bulle de magie apparut, puis grandit à une vitesse incroyable. Elle engloba très vite le champs de bataille et la pierre Tombée du ciel. Ïolmarek et ses prêtres furent surpris de cette bulle et comprirent de quoi il s’agissait lorsqu’ils ne furent plus en mesure de soigner les gardiens du temple. Coupés de leur dieu, les fidèles de Sol’ra furent vite submergés et le talent des combattants du désert ne fut pas à la hauteur face au nombre des adversaires...

La Bataille de la Pierre - Chapitre 2

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Le soleil brillait intensément dans le ciel sans nuage du désert d’émeraude. La chaleur y était insoutenable à cette heure-ci de la journée, les habitants préféraient parcourir les ruelles plus fraîches de la cité de P’tra. Elle fut autrefois fleurissante et le centre d’un royaume aujourd’hui disparu. Cette cité creusée et sculptée dans la terre rouge des montagnes du Ponant n’était désormais plus que l’ombre d’elle-même. Il ne restait là qu’une petite dizaine de familles vivants de la création de bijoux à base d’émeraude. Mais c’était aussi le territoire d’un dieu vénéré uniquement dans cette partie du monde et en relation directe avec les insectes grouillants dans la région : Kehper, le dieu scarabée. Son temple était un magnifique édifice troglodytique baigné par la lumière qui passait par la multitude d’ouvertures en façade. L’entrée débouchait sur une immense salle au plafond incroyablement haut. Au milieu de la pièce la représentation humanisée de Kehper, un homme dont la tête était un scarabée aux reflets bleuâtres observaient, figé pour l’éternité. Partout dans les murs, il y avait de petits trous d’où les scarabées sacrés allaient et venaient. Soraya avait été désignée par Kehper pour devenir sa nouvelle servante et la jeune femme, qui n’était pourtant pas attirée par le scarabée, fut honorée de servir un dieu. Hélas, elle se résigna à voir son peuple partir à la faveur d’autres contrées moins rudes. Ce jour-là elle priait pour que Kehper lui vienne en aide.

- Qu’avons-nous fait de mal ? Avons-nous provoqué votre courroux ? Notre rivière s’assèche et notre peuple a faim. Qu’elle est la signification de tout ceci ? Est-ce une épreuve, ô combien cruelle, à laquelle votre volonté divine nous soumet ?

La jeune femme ne s’attendait pas à une réponse, Kehper ne lui avait jamais répondu autrement que par des signes et cette faculté à pouvoir contrôler les scarabées. Il semblerait cette fois-ci que ses prières furent entendues mais peut-être pas comme elle l’espérait.

- Ton peuple n’a rien fait qui puisse fâcher les dieux, prêtresse.

Sur le pas de l’entrée se trouvait un homme de grande taille. La lumière arrivant par derrière donnait à son arrivée un cachet singulier. Il s’avança vers la prêtresse d’un pas sûr, découvrant alors son aspect. Habillé d’un pagne et d’ornements représentant le soleil sa peau était très foncée comme brûlée. Contrastant avec cela, ses cheveux tombant étaient couleur blanc cassé. Enfin, et pour ajouter au caractère incroyable de son allure, de grandes ailes battaient très lentement dans son dos. Soraya n’avait jamais rien vu de tel avant cela, mais le caractère divin ne faisait aucun doute. Elle se releva et alla à la rencontre du visiteur.

- Dans ce cas, dites-moi à quoi nous devons toute cette misère si ce n’est parce que les dieux ne regardent plus vers nous ?

- Dieu regarde vers toi et tes actes conditionnent l’avenir de ton peuple. Sais-tu ce que je suis ?

Soraya fit non de la tête. Une lance nimbée de lumière apparue dans la main de l’homme.

- Je suis Tsheptès, messager de Sol’ra dieu des dieux.

Impressionnée et certaine qu’on ne lui mentait pas, la prêtresse se mit genoux à terre pour prouver sa soumission.

- Êtes-vous venu m’annoncer la fin de P’tra ?

- Non je ne suis pas là pour ça. Je viens te donner la volonté de Kehper, serviteur de Sol’ra. Si tu veux sauver ton peuple, écoute la voix et obéis.

- Je suis à votre service.

- Tu vas devoir trouver Kehpsoun le berceau de Kehper et récupérer le vase canope de son incarnation.

Soraya se repassa plusieurs fois la phrase pour bien comprendre l’implication des actes qu’on lui demandait. Kehpsoun était un temple, le premier dédié au dieu scarabée. Quand au vase canope, les textes sacrés écrits dans la roche friable au fond du temple de P’tra racontaient les faits suivants.

Fut un temps où la guerre des dieux eut lieu et où des choix furent offerts aux êtres divins : capituler ou mourir. Kehper vit là l’opportunité d’établir enfin un panthéon stable avec un dieu capable de faire respecter l’ordre dans les rangs. Mais beaucoup d’autres dieux et déesses ne virent pas ça ainsi, la guerre éclata contre les fidèles de Sol’ra. Les dieux décidèrent de prendre forme humaine. Nombreuses furent les batailles et beaucoup d’avatars furent vaincus. L’avatar de Kehper aurait péri en affrontant Ayepth figure du mal et époux de Ptol’a. Son corps fut ramené à Kehpsoun. C'est alors que Sol’ra le rappela à lui. Sa dépouille fut embaumée et enfermée dans un tombeau. Un vase canope contenant une part de sa puissance divine serait enfermé dans le temple. Il était dit qu’Ayepth emprisonna vivant les prêtres de Kehper dans Kehpsoun en recouvrant l’endroit de sable pour l’éternité.

- Personne n’a jamais trouvé Kehpsoun et...

- Vous doutez trop de vous, vous avez tout à votre portée, regardez, observez et surtout ayez la foi !

La jeune femme regarda à droite, puis à gauche en pensant que tout se révélerait à elle, mais rien ne se passa. Elle serait ravie de pouvoir retrouver le vase canope de celui qu’elle vénérait, mais la tache semblait insurmontable.

- N’oubliez pas qui vous êtes, Soraya, n’oubliez pas !

Tsheptès laissa la jeune femme à sa mission divine, un autre destin attendait le Solarian, un destin ô combien incroyable...

Soraya perturbée par cette visite, entreprit une fouille du temple en bonne et due forme. Tout était vieux et il était difficile pour elle de trouver des personnes pour entretenir le temple. Il y avait moins de fidèles, moins d’argent et surtout moins de personnes qualifiées. Il y avait plus d’activité lorsqu’elle était toute petite et surtout plus de prêtres. Son initiateur était mort cinq ans auparavant la laissant seule et devenir la dernière servante de Kehper. Le temple était un ensemble de galeries donnant sur de petites salles de prières ou des lieux de vie pour la plupart inoccupés. Elle fit le tour, regrettant l’état de délabrement de cette œuvre architecturale. Elle s’arrêta à l’ancien lieu de prière, une pièce qui fut abandonnée au profit de la grande salle de prière et qui servit lorsque le temple fut fondé il y a bien longtemps. Étrangement tout était encore à peu prêt en l’état, que ça soit les peintures ou les murs. La décoration avait été faite en fonction des habitations des scarabées. Ce qui marqua Soraya c’était le nombre impressionnant d’insectes présents. Il y avait des scarabées de toutes les couleurs et de toutes les tailles. Ils grouillaient sur l’autel éclairé par une ouverture dans un des murs. A son approche ils s’arrêtèrent comme s’ils observaient les actes de la prêtresse. Elle scruta l’autel et trouva au milieu une idole de scarabée en relief. Elle était déjà venue ici, mais n’avait pas souvenir d’une quelconque sculpture à cet endroit précis. Les petites bêtes s’écartèrent de l’idole au moment où elle tendit la main pour passer le bout de ses doigts sur la surface de l’objet en partie couvert de sable. Elle souffla pour chasser le sable et remarqua les scarabées tout autour qui semblaient attendre quelque chose. L’idole craqua, sa surface se fendit comme une coquille d’œuf. Il arrivait que certains scarabées sacrés passent beaucoup de temps endormis dans les murs du temple et celui qui était là s’éveillait d’un long sommeil. Bien plus gros que ses congénères, la chitine de ce scarabée était verte aux reflets arc-en-ciel. Soraya plaça la main devant lui et il y grimpa tant bien que mal.

- Et bien, ne serais-tu pas un Kehperis ?

Le scarabée sortit ses ailes et voleta, au départ doucement puis plus rapidement et finit par revenir devant le visage de la jeune femme.

- Kehperis ak-toun ik.

Soraya comprit les paroles du scarabée, la langue de Kehper. Mis a part quelques anciens de P’tra et elle, plus personne ne la parlait. Ces mots confirmaient le statut de la créature. Les Kehperis accompagnaient le dieu scarabée du temps où celui-ci foulait le sable chaud du désert d’émeraude. Soraya ne croyait pas vraiment au hasard, tout arrivait dans un but précis. L’apparition de Tsheptès, la mission donnée puis le Kehperis, jusqu’à la prochaine étape. Elle savait très bien ce qu’impliquait cette découverte, le lien entre Kehper et ses insectes était puissant, elle allait pouvoir retrouver Kehpsoun.

- Kehperis, il est important de retrouver le vase canope de Kehper, tu dois bien encore ressentir son énergie ?

Le scarabée stagna quelques instants puis tourna dans la pièce avant de s’arrêter devant le couloir.

- Kheks ! Ce qui voulait dire “suis-moi”.

La prêtresse eut à peine le temps de récupérer quelques affaires et de quoi tenir un court voyage que le Kehperis s’éloignait du temple suivi par un bon nombre d’autres scarabées.

Le sable brûlant n’arrêta pas Soraya malgré la fatigue des deux jours de marche passés. Sa détermination et sa foi furent le moteur de cette traversée vers l’ouest. Elle traversa une région où des roses des sables d’émeraudes coupantes s’étaient formées au gré des années. Ses pieds souffrirent d’entailles et elle prit de temps à autres du repos afin de faire appel à la générosité de son dieu. Au troisième jour l’air devint plus frais, l’océan n’était plus très loin. Le soir même, le Kehperis stoppa son vol, se posa sur une butte et commença à s’enfouir, suivi par ses semblables. En peu de temps, ils dégagèrent une porte de roche gravée de symboles antiques.

- L’entrée de Kehpsoun ! S’exclama-t-elle. Merci à toi Kehperis.

Soraya poussa la porte qui, à son grand étonnement, s’ouvrit sans aucun problème. Elle fit un pas en arrière, il se dégageait de ce lieu comme une présence funeste. Elle ne se découragea pas et après avoir allumé une torche, elle entra à l’intérieur. A chaque pas, elle entendait des petits craquements et éclairant vers le sol, elle vit par centaines des restes de scarabées morts dont les carapaces se brisaient sous ses pas. Elle longea un grand couloir avant de voir les premiers cadavres de prêtres de Kehper. Tout cela l’attrista et elle comprit pourquoi elle avait ressenti tant d‘émotions à l’ouverture de la porte. Ils avaient suivi leur maître dans une mort que l’on ne pouvait pas même souhaiter à son pire ennemi. Elle progressa lentement regardant avec curiosité l’architecture incroyable qui s’offrait à elle. Des siècles d’histoire de son culte étaient gravés là sur de la pierre blanche à la surface extrêmement lisse. Mais cette sensation de mal-être augmentait au fur et à mesure de son exploration. Quelque chose l’ennuyait et elle comprit qu’une sombre force était présente ici. Ses petits compagnons ne la quittaient plus, ils émettaient depuis leur arrivée ici un bruit sourd de carapaces qui s’entrechoquent entre elles. D’un coup, ces derniers se regroupèrent devant la prêtresse pour former un mur. Ce fut de justesse car un javelot se ficha dedans, tuant quelques scarabées. La lumière irrégulière de la torche lui permit de discerner une créature se dirigeant vers elle. Un homme, dont les vêtements déchirés étaient ceux d’un grand prêtre de Kehper, avança vers elle à pas hésitants. Son aspect monstrueux la choqua. Sa peau était sèche sur ses os et sa tête était celle d’un serpent.

- Une malédiction d’Ayepth ! C’est immonde !

Les scarabées tournoyaient autour de Soraya pour la protéger au mieux. La réaction de cette dernière fut rapide et expéditive. Très en colère par le sort qu’avait subit le prêtre, Soraya fit parler la théurgie. Le combat fit rage, chaque coup porté, que ce soit par la théurgie ou par l’intervention des scarabées, obligeait la créature à reculer et sa lenteur jouait en sa défaveur. La vieille épée rouillée frôla à chaque fois la jeune femme sans jamais parvenir à la blesser. La tête de serpent hurlait des insanités et des promesses d’une agonie éternelle et d’une mort lente. Mais à contrario de la créature, Soraya avait avec elle la volonté et l’appui d’un dieu ce qui la rendait forte et puissante. De son côté, la créature n’était plus vivante depuis longtemps, elle ne ressentait plus la peine, la colère ou la souffrance, seule comptait sa sinistre mission : tuer tout intrus. La fatigue des derniers jours se rappela à la jeune femme qui soufflait, son cœur battait à grande vitesse et l’adversaire gagna du terrain. Devant le danger, le Kehperis abandonna temporairement le combat pour partir à la recherche du vase canope tant désiré. Attiré comme un aimant, il ne mit pas longtemps avant de trouver l’emplacement de l’objet. Il gratta le sable, se faufila entre les pierres et accéda enfin au vase qu’il percuta de toutes ses forces dans le but de le renverser. Le vase canope roula en tournant sur lui même et tomba sur le côté, brisant le couvercle de terre cuite. Une myriade de petits scarabées verts en sortirent et ravagèrent tout sur leur passage. Le Kehperis suivit le mouvement qui visiblement le ramenait sur les lieux de l’affrontement. Les petits scarabées submergèrent la créature qui fut rongée en peu de temps et retourna à l’état de squelette. Soraya tomba à genou, se prosternant devant l’apparition des scarabées, reconnaissant la présence de Kehper.

- Ma vie vous appartient seigneur.

Le Kehperis se posa devant elle et par son intermédiaire le dieu scarabée s’adressa à elle.

- Ta vie est précieuse prêtresse. Je te remercie de l’aide que tu m’as apportée. Tu es celle par qui tout va recommencer, ce temple est désormais le tien et P’tra va redevenir celle qu’elle a été. Mais avant ça il va falloir mener une nouvelle bataille.

- Je ferai selon votre désir.

- Je dois me ressourcer et en attendant tu dois faire un long voyage vers des contrées sans sable. Ce Kehperis va t’accompagner et lorsque tu auras rejoint les tiens je te rejoindrai à mon tour. As-tu compris Soraya ?

- Oui seigneur.

- Alors mets toi en route. La faim, la soif et la fatigue te seront inconnues, tu marcheras jour et nuit, rien ne pourra te barrer la route, telle est ma volonté.

La jeune femme se leva et sans attendre elle quitta les lieux, suivie de ses compagnons scarabées.

Plusieurs jours avaient passé. Soraya entendait le chant de la pierre, la voix lui demandait de venir, de l’aider contre les infidèles. Elle passa la frontière du tombeau des ancêtres et enfin la pierre fut en vue. Elle ressentait toute cette énergie divine qui s’étendait depuis la pierre, purifiant ces contrées. Elle contourna la pierre et arriva alors que les nomades étaient en difficulté. Une immense bulle magique englobait la pierre, le Kehperis lui demanda de ne pas y aller. Il était temps d’appeler Kehper.

La prêtresse attrapa le scarabée sacré et parla dans la langue de ses ancêtres. elle implorait Kehper de venir ici en ce temps et en ce lieu pour rétablir la justice et combattre ceux qui voulaient les tuer. Elle reposa le scarabée au sol et continua son invocation. Certains Nomades qui s’étaient repliés arrivèrent à ce moment-là au niveau de la prêtresse. Ils étaient poursuivis par quelques-uns de leurs adversaires. Comprenant ce que réalisait la jeune femme, ses compatriotes firent face à leurs agresseurs afin de la protéger au mieux. Lodir écarta une lance d’ambre de son cimeterre à deux mains tandis que le Sphinx, déterminé à jouer son rôle, ne céda pas une once de terrain. Les gardiens du temple souffraient de nombreuses blessures mais ils se défendaient bec et ongles, cette pierre était à eux et à nul autre. Dépassé par le nombre, le Sphinx s’écroula dans son propre sang, sa mission était achevée car Kehper apparut.

Un scarabée plus gros qu’une maison surgit dans une tempête de sable chaud. Soraya était en transe debout sur son dos. D’un coup de tête, l’incarnation de ce dieu mineur balaya les deux Hom’chaï comme si de rien n’était. Puis le rituel de la pierre cessa, laissant les nomades au sol et l’espoir à la coalition des guildes d’une victoire définitive. Mais dans cette partie d’échecs, Solar semblait avoir un coup d’avance. Kehper accorda à la prêtresse le droit de puiser dans son énergie divine. Soraya se concentra, visualisant chaque nomade du désert. Une lumière s’échappa d’elle et frappa tous les fidèles de Sol’ra, guérissant instantanément leurs blessures. Anryéna et les autres membres du Compendium étaient épuisés, le rituel leur avait coûté beaucoup de magie. Tout avait bien fonctionné, les nomades étaient défaits.

Mais voilà qu'une invitée de dernière minute venait de tout mettre à plat et il était impossible pour Anryéna de relancer le rituel, pas en l’état du moins. Les Nomades se ressaisirent vite et contre-attaquèrent avec célérité, prenant de court la coalition. Les membres de la Cœur de sève reculèrent à la vue du scarabée symbole chez eux de la mort. Gakyusha ne put tenir ses troupes et ce fut en partie la débâcle. La Kotoba resserra les rangs, épaulée par les envoyés de Noz’Dingard encore en état de combattre. Leur stratégie consistait désormais à éviter les pertes et à se mettre à l'abri. Au bout d’une heure de bataille la coalition était repoussée le plus loin possible de la pierre, pour eux la bataille de la Pierre était perdue.

Chronique de la Kotoba : Jian Qiao et Sen’Ryaku

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L’issue de la bataille de la pierre ne fut pas en faveur de la coalition des guildes. Les Nomades en présence temporaire d’une incarnation divine s’avérèrent redoutables. Chaque guilde se replia alors vers sa patrie respective afin d’établir une analyse de cette défaite et de réfléchir plus en avant sur leurs prochaines actions. Pour une raison qui leur était inconnue les Nomades ne poursuivirent pas les fuyards mais restèrent à la pierre Tombée du ciel. La Kotoba quand à elle se retrouva à Okïa, la petite cité à la frontière du Tombeau des ancêtres et de l’empire de Xzia. Gakyusha, blessé au cour de la bataille, se reposait chez le seigneur Ayao. Le reste des membres de la Kotoba l’accompagnant furent accueillis gracieusement à l’auberge de la Kirin dort.

Pour le coup il y avait beaucoup d’animation. Des habitants poussés par la curiosité s’entassaient dans l’entrée afin d’écouter les conversations à propos des derniers évènements. Xin s’était installé à l'écart des autres au fond de la pièce principale. Amaya, Tsuro, Masamune et Sen’Ryaku devisaient sur la bataille passée. Amaya toujours très insouciante voulait retourner “botter les fesses” des Nomades tandis que Masamune et Tsuro s’accordaient sur un examen minutieux du déroulement de la bataille afin d’établir une stratégie adéquate. Sen’Ryaku écoutaient les arguments des uns et des autres en se faisant sa propre idée. Elle avait des doutes quant à l’avenir de cette guerre. les Nomades étaient capables d’invoquer des êtres supérieurs, l’équivalent de Kamis selon sa culture. Et que pouvait-elle faire, elle simple mortelle, contre des dieux ?? Elle partagea avec les autres son inquiétude jetant un froid dans une ambiance déjà morose.

- Ça ne te ressemble pas d'avoir des doutes, chère cousine !

La voix fut suffisamment forte pour que tout le monde l’entende. Ecartant les curieux, une jeune femme habillée de vêtements amples blanc et rouge entra dans l’auberge. Son lien de parenté avec Sen’Ryauku était évident.

- Et bien !? On ne me dit pas bonjour ?

Sen’Ryaku sauta dans les bras de sa cousine. Il faut bien l’avouer elle était véritablement surprise de la voir ici.

- Jian ! Que fais-tu ici ? Tu es bien loin de chez mon oncle.

La mine de Jian Qiao s’assombrit d’un coup.

- Je te raconterai tout, mais pour l’heure, dit-elle en regardant tour à tour Tsuro et Masamune, je viens me présenter auSeigneur Impérial car je suis nouvellement membre de la Kotoba !

Sen’Ryaku explosa de joie et les deux jeunes femmes exultèrent sans retenue.

- Le Seigneur Impérial est indisponible pour le moment mais je suis son second vous vous présenterez à moi, coupa Tsuro.

Un “Hum Hum” rauque vint perturber les échanges de civilités. Derrière Jian Qiao sur le pas de la porte se tenait un homme vêtu comme un magistrat, présentant le mon de l’empereur, le magatama. L’espace d’un instant Jian Quiao l’avait totalement oublié pourtant cette personne était importante aux yeux du Régent impérial.

- Oh, euh, oui ! Lui c’est le chroniqueur impérial Sima Qian.

A ce nom Tsuro, Masamune et Xïn qui se leva pour l’occasion s’inclinèrent respectueusement.

- Je vois qu’il reste encore quelques personnes qui se rappellent le respect que l’on doit témoigner à un chroniqueur impérial, dit-il en foudroyant du regard Jian Qiao et sa cousine. Le Seigneur Impérial entendra parler de ce manque flagrant de discipline dans les rangs de la Kotoba.

- Honorable Sima Qian, que nous vaut l’honneur de votre venue ? Demanda Tsuro.

- Le Régent impérial souhaite que l’histoire des membres de la Kotoba soit connue du peuple afin de redonner l’espoir et l’envie de dépassement. Je vais donc m’entretenir avec vous pour récolter votre vécu.

Les membres de la Kotoba furent un peu désorientés par cette nouvelle. Les deux cousines s’avancèrent de concert, se portant volontaire pour ouvrir les hostilités. Un peu dépité, Sima Qian accepta.

- Bien, au moins ce sera fait et plus à faire...

Le tenancier de l’établissement réquisitionna un espace afin que le chroniqueur puisse s’installer et souffler quelques temps avant de recevoir Jian Qiao et Sen’Ryaku. Les deux femmes s’agenouillèrent devant le vieil homme et attendirent patiemment et comme le voulait la tradition que celui-ci s’adresse à elles.

- Je vous trouve bien calme d’un coup et respectueuses des règles de bienséance. Je suppose que vous avez été sermonnées par qui de droit. Vous êtes de la même famille d’après les longues histoires que m’a racontées Jian Qiao durant notre voyage jusqu’ici.

L’homme avait l’air assez exaspéré en disant cela.

- Alors je vous écoute.

Jiain Qiao se racla la gorge.

- Nous sommes nées dans le village de Ciam-oi où notre famille vit depuis toujours. Toutes les deux nous avons vu le jour la même nuit, une nuit de pleine lune. Nos pères sont frères et eux aussi sont nés le même jour et leurs pères étaient également frères. C’est donc en nous rappelant l’extraordinaire destin qu’est le notre que nous avons grandi ensemble. Très vite nous avons montré des facultés particulières dans les arts martiaux et le maniement des armes.

A côté d’elle, Sen’Ryaku commenta les paroles de sa cousine par des expressions de visage, allant du sourire au rire discret en passant par un plissement des yeux interrogateur. Sima Qian notait tout mais en écrivant de véritables phrases romancées.

- Continuez, racontez moi vos actes héroïques.

Les deux cousines cherchaient une histoire à raconter puis Jian Qiao se souvint d’un moment particulier.

- Peut être l’attaque des bandits des Monts du Chien Mort ?? S’exclama Jian Qiao à sa cousine.

- Oui oui ! Tu la racontes tellement bien cette histoire-là.

La jeune femme sauta sur ses deux pieds afin de mimer et appuyer l’histoire.

- C’était un jour d’été, ce fameux été où la rivière de notre village ne coulait presque plus à cause de la chaleur. Nos anciens n’avaient jamais vécu une telle période de sécheresse. Les cultures et les élevages souffraient et la famine guettait les plus faibles d’entre nous. Beaucoup d'hommes du village étaient partis à la recherche d’eau et de nourriture, laissant les anciens, les femmes et les enfants. Ce jour-là, les bandits des Monts du Chien Mort décidèrent de venir nous piller... Grave erreur !!!

Ils étaient une trentaine, ces foutus cancrelats, et armés jusqu’aux dents ! Ils ne savaient pas que nous étions là ma cousine et moi. On les avait prévenu : repartez ou périssez. Ils ont ri, se sont moqués et ont péri...

Jian Qiao mima une scène de combat en prenant des poses d’art martial, se battant contre des brigands imaginaires. Bruitant chaque brisure d’os, esquivant chaque coup. Sen’Ryauku se leva et fit de même.

- Nous avions mis à terre ces scélérats lorsque l’ignoble Thang-ye dont la réputation dans la région faisait de lui le pire être existant sur terre, ramena sa figure brûlée. On prétendait qu’il pouvait tuer un homme d’un seul coup de poing et que son souffle était celui d’un dragon.

Sen’ryaku mimait alors un horrible bonhomme et sauta sur Jian Qiao. Un combat rapide entre les deux jeunes femmes eut lieu, puis Sen’Ryaku feignit la défaite en tombant au sol.

- Il n’était pas de taille face à nous ! C’est ainsi que les terribles brigands des Monts du Chien Mort furent arrêtés...

Les deux filles applaudirent en se souriant l’une l’autre.

- Bien bien, passionnant. Quoi d’autre ? Demanda le chroniqueur impérial.

Cette fois-ci c’est Sen’Ryaku qui prit la parole.

- Il y a bien l'incendie de la forêt bonzaï. Vous en avez entendu parlé n’est-ce pas ?

Sima Qian secoua la tête négativement tandis que Jian Qiao avaient les yeux pétillants d'excitation.

- Oui quel moment incroyable ! Ma cousine et moi avions décidé qu’il était temps de vivre notre propre vie, nous désirions alors nous rendre à Meragi pour y trouver fortune et gloire. Nous avions marché plusieurs jour lorsque le ciel se voila de fumée noire. Poussées par la curiosité nous sommes allées voir de quoi il s’agissait. Et c’était la forêt millénaire des bonzaï de Mishima qui brûlait ! Vous imaginez le truc ? Ce lieu mystique abritait des arbres rares et des animaux uniques ! Non loin de là, il y avait un village au bord d’une rivière. Les habitants étaient affolés de voir le désastre. Mais nous avons pris les choses en main. Jian Qiao assura le commandement au plus proche du feu et j'organisais un grand relais afin d’éteindre cette force de la nature. Et nous y sommes arrivés !

Sen’Ryaku s’approcha de Jian Qiao et de Sima Qian et chuchota.

- Mais ce n’était pas fini... Le feu n’était pas apparu tout seul, il avait été provoqué et pas par n’importe qui. Huo avait rompu sa prison mystique et était revenu provoquer le plus de dégâts possibles.

Jian Qiao prit le relais de sa cousine.

- Il cherchait les problèmes, il les a trouvés. Grâce à nos esprits de stratèges nous avons attiré Huo vers la rivière où nous l’y avons jeté pour le détruire. Bon nous en sommes sorties avec de nombreuses brûlures, dit-elle en montrant ses avant bras couverts de vieilles cicatrices. Sen’Ryaku fit de même pour prouver leur “bonne foi”.

Le chroniqueur impérial restait silencieux, son pinceau arpentait la feuille avec souplesse et délicatesse. Il n’avait pas levé les yeux, concentré sur la rédaction de cette première chronique. Il ne doutait pas une seconde que tout ce que racontaient les jeunes femmes était enjolivé mais il se devait de propager de tels récits héroïques. Elles se rassirent, attendant qu’on leur demande autre chose. Sima Qian posa ses petites lunettes sur le plateau de bois où il écrivait et pris un air amusé.

- Vos histoires sont charmantes, pleines de vie et incroyables. Mais qu’en est-il de l’affaire Azawa ??

A l’énoncé de la question les cousines firent les gros yeux, Azawa était certainement la pire humiliation possible à leurs yeux.

- Si on pouvait ne pas en parler, ça serait bien lança Jian Qiao très gênée et visiblement timide.

- Pourquoi n’en parlerions nous pas ? Après tout cette mission fut une réussite.

- Mais la situation n’était pas à notre avantage, ne faut-il pas que le peuple garde une bonne image des membres de la Kotoba ?

Sen’Ryaku ne disait plus rien. Elle se rappelait très bien cette mission où sa cousine et elle furent envoyées pour soutirer des informations auprès d’un seigneur. A cette occasion elles furent obligées de s’habiller “en fille” avec le maquillage, la coiffure et le kimono tel que la tradition l’exigeait. Leur couverture fut découverte au moment où elles obtenaient les informations et un affrontement se déroula dans les jardins de la demeure du seigneur Azawa, devant un parterre d’invités dont le seigneur Gakyusha, supervisant la mission. Sen’Ryaku et Jian Qiao eurent beaucoup de mal à se battre dans leur accoutrement et finirent par se retrouver en petite tenue, devant tout le monde...

- Vous avez raison passons sur cette histoire, j’ai déjà mon compte avec vous deux. Vous pouvez me laisser à présent, je vais finir votre récit.

Les cousines ne se firent pas prier, contentes de ne pas avoir à raconter cette histoire en détail.

- Tu crois qu’il a compris qu’on lui a raconté n’importe quoi, s’inquiéta Jian Qiao.

- A mon avis il en a entendu d’autres des histoires cousues de fils blancs.

- Mouais, en tout cas, c’était bien marrant...

Sur les traces du Mangepierre

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Anryéna, Sevylath et le Roi Tonnerre avaient soudainement disparu devant les yeux ébahis du Grêlé et de ses compagnons. Cela fut si soudain qu’ils mirent quelques temps avant de reprendre leurs esprits. Ergue examina le sol et sa structure pour voir si rien n’était “anormal”.

- Pouah ! Voilà pourquoi j’aime pas la magie ! C’est trop instable ! Nous voilà bien maintenant. Ergue avait l’air assez énervé par la situation. Il aurait aimé savoir qui était exactement ce personnage et avoir une récompense à la hauteur de la bataille terminée.

- Ergue, si cela s’est passé ainsi c’est que cela devait. Nous faisons fausse route ici, il est temps de continuer, ordonna le Grêlé après un rapide tour du temple.

Oeil de gemme ne se fit pas prier et fut la première à décamper de ce temple qu'elle estimait d’après elle dans la catégorie “ne pas remettre les pieds là dedans”. C’était le premier coup au moral que venait de subir le groupe. Jusque là enjoués par leur mission le doute s’installa. Quelques jours après la disparition d’Anryéna le doute s'insinua. Ils parcouraient les Confins sans aucune idée de la bonne direction n'ayant aucune idée de ce à quoi ressemblait ce fameux Mangepierre qu’ils cherchaient en vain. Un beau jour Malyss ne tint plus et craqua.

- En fait, Grêlé, tu ne sais rien du tout et tu nous promènes pour éviter de retourner dans ta prison ! Tu t’es servi de nous !

Le Daïs pencha la tête, contrarié par la remise en cause du bien fondé de leur “quête” et de son honnêteté.

- Corbeau, tu as la mémoire un peu courte, sais-tu que les terres de Guem sont en danger ? Les forêts ancestrales des Eltarites sont menacées et notre seul espoir est de trouver le Mangepierre, rétorqua le Grêlé.

La tension monta rapidement. Ergue et Oeil de gemme n’étant pas particulièrement diplomates la situation devint vite critique. C’est un voyageur, comme eux, qui interrompit les hostilités. Un jeune homme approcha suivant le même chemin que le groupe. Son accoutrement ne rappelait rien de connu. Lorsqu’il vit la petite troupe il s’arrêta sur le bord du chemin pas très loin d'eux et s’installa pour se restaurer sans faire attention aux autres. Le Grêlé sortit du groupe et alla rencontrer le jeune homme qui l'accueillit d’un sourire franc.

- Désolé de vous déranger, mais nous sommes, il faut bien l’avouer, perdus.

- Bonsoir Daïs, j’ai entendu votre dispute.

- Vous savez ce que je suis ?

- Il y a des gens de votre race dans les Confins. Mais vous ne connaissez pas assez cette partie du monde. Comment le pourriez-vous puisque vous êtes perdus ?

Le garçon farfouilla dans son sac et sortit un parchemin assez épais. Il le déplia avec précaution et découvrit une carte grossièrement dessinée.

- Nous sommes ici, dit-il en pointant du doigt une partie de la carte. Il y a plusieurs chemins qui mènent à différentes petites cités. La plus proche de nous est à quelques jours de marche d’ici. Peut-être devriez-vous commencer par là ? Tenez, prenez-la je vous en fais cadeau.

Le Grêlé retourna auprès des autres aventuriers et leur fit part de la découverte de cette carte.

- Allons-y ! Lança Oeil de gemme ravie qu’il y ait une cité non loin.

- Non ! Allons dans une autre direction. Plus il y a de gens au courant de notre présence ici, plus nous risquons les ennuis, ajouta Malyss énervé.

- Autant il nous baratine, on le connaît pas lui, dit Ergue l’air suspicieux.

Le Zil attrapa la carte et essaya de déchiffrer les symboles inscrits dessus, sans succès. Tout cela relança le débat et les disputes reprirent de plus belle devant le regard incrédule du jeune homme. Au final aucune décision ne fut prise pour ce soir et le campement fut monté dans une ambiance morose et électrique. Le Grêlé invita le voyageur à se joindre à eux, après tout il était seul autant qu'il profite de leur compagnie aussi peu agréable soit-elle à ce moment. Ce fut l’occasion pour le groupe de tenter d'en apprendre plus sur les Confins.

- Merci de m’accueillir parmi vous, c’est toujours plus agréable de partager ses soirées. Il est rare de croiser d’autres personnes sur les routes.

Le jeune homme jeta dans le feu une poignée d’étranges noix avant de reprendre.

- Les habitants des terres de Guem n’ont aucune idée de ce que sont les Confins, ni où ils se situent. Mais peut être que cela ne vous intéresse pas, je ne vais pas vous encombrer de mes récits.

Après avoir fait un petit signe de la main, les noix qui chauffaient dans le feu s’élevèrent dans les airs pour atterrir devant le garçon. Il les décortiqua avec difficulté car brulantes puis avala leur contenu. Tels des enfants, Ergue et Oeil de gemme demandèrent au jeune homme s’il n’en avait pas d’autres de ces noix. Il leur en donna quelques unes avant de s’enrouler dans une couverture.

- Quel est vôtre nom ? Demanda le Grêlé.

- Ciramor, répondit-il en baillant. Bonne nuit “Grêlé”.

- Attendez ! Vous deviez nous parler des Confins, coupa Malyss.

- Une autre fois, je suis fatigué. Prenez votre mal en patience.

Le Corbeau rouspéta quelques instants et alla faire un tour, cette journée n’était décidément pas la sienne. Dérouté et mécontent, Malyss échafauda vite un plan, on ne parle pas ainsi à un membre du clan du Corbeau. Ergue lui aussi suspicieux rejoignit le mage pour discuter de cette rencontre.

- Tu crois qu’il nous cache quelque chose, hein Malyss ?

- C’est certain. Cet endroit me rend nerveux et je pense que ce garçon n’est pas qu’un simple voyageur. En tout cas il à l’air de savoir des choses, est-ce qu’il n’indique pas une fausse route ?

- Tu dis n’importe quoi ! Oeil de gemme interrompit la discussion. Vous n’avez rien d’autre à faire que de faire les commères ? C’est qu’un voyageur, demain il nous en dira plus mais en attendant dormons, notre quête est loin d’être achevée.

Malyss et Ergue ne dirent rien de plus, mais la dissension au sein du groupe augmentait un peu plus à chaque instant.

Le lendemain, le soleil perçait les nuages et ses rayons frappaient les cristaux disséminés sur la multitude d’îlots des Confins. Alors que Malyss, Ergue et Oeil de gemme dormaient encore, le Grêlé profitait d’un moment de répit pour discuter avec leur compagnon de fortune. S’étant levé très tôt, le Daïs utilisa ses dons magiques pour deviner la nature de Ciramor. Et le résultat fut très surprenant, il détecta chez lui une magie très puissante.

- Vous saviez que nous étions là n’est-ce pas ?

- A vrai dire, oui, j’ai ressenti votre présence depuis votre arrivée dans les Confins.

- Alors qui êtes-vous ? Devons-nous craindre quelque chose de vous ?

Le jeune homme rigola.

- Non non, je voyage réellement et j’espérais trouver d’autres personnes pour éviter d’être seul en ces contrées.

“Il ne dit pas tout” pensa-t-il, “Si la parole ne suffit pas à délier les langues, je vais passer à l’action”. Avec rapidité il dégaina sa dague et se mit en garde. Ciramor se leva et se déplaça lentement levant les mains en signe de paix.

- Je vous promets que je ne vous veux aucun mal ! Si je cherchais à vous nuire, vous seriez mort dans la nuit.

- Vous ne cherchez peut-être pas à nous tuer, mais vous voulez quelque chose de plus.

Ciramor se plaça de manière à avoir le soleil dans le dos, le Grêlé fut ébloui et la magie de son opposant se mit à l’œuvre. Les vêtements de Ciramor changèrent, un masque apparut sur son visage. Il incanta alors un sort qui paralysa immédiatement son adversaire avant que celui-ci ait eu le temps de réagir.

- A présent que vous ne pouvez plus blesser personne, sachez que je...

Mais il fut interrompu par Malyss qui l’agressa sans se faire prier. Un face à face s’engagea. Ciramor tenta de faire comprendre au Corbeau que ce n’était que pour se protéger mais ça n’arrêta pas le Corbeau qui fit appel à toute sa magie. Le duel ne dura pas très longtemps, Malyss lâcha sa frustration et sa colère. Mais Ciramor s’avéra redoutable, sa magie n’était pas la même que celle pratiquée sur les terres de Guem. Son apparence redevint celle du jeune garçon, le masque s’estompa. Il planta alors son bâton dans la terre, puis d’un geste souple il ouvrit un livre qui apparut de nulle part. Malyss en profita pour abattre ses dernières cartes et lança les sortilèges les plus noirs des arts Corbeau. Hélas le bâton protégeait le garçon et rien ne perça. Enfin, après avoir lu quelques lignes, le voyageur clappa son livre mettant fin au duel, car à cet instant Malyss n’eut plus l’envie d’affronter Ciramor. Toute colère et confusion s’étaient envolées de son esprit. Les mouvements du Grêlé furent à nouveau libre, mais lui aussi n’avait plus la volonté de s’en prendre à Ciramor. Ce dernier récupéra son bâton en émettant un soupir d’exaspération.

- Je vais vous donner des réponses. Mais avant cela, sachez que pour trouver le Mangepierre il va falloir être solidaires et former une véritable équipe, sans quoi vous n’y arriverez pas. Asseyons-nous pour en parler, j’ai encore quelques coques de Zyx, vous aviez l’air de les apprécier.

Après s’être installé autour du feu, Ciramor lança quelques noix dans les braises et commença son histoire.

- Autrefois, cette partie du monde ressemblait beaucoup à l’endroit d’où vous venez. Mais des hommes au nom d’une divinité inconnue attaquèrent et une guerre éclata. Au court de celle-ci les terres s'effritèrent, formant d’immenses crevasses, failles et autres fissures. Les Confins ne doivent leur salut qu’à une seule personne. Vous la connaissez certainement, il a aussi contribué à la sauvegarde des terres de Guem, je parle d’Eredan.

Les quatre voyageurs des terres de Guem étaient pendus aux lèvres de Ciramor. Il ne décrivait pas grand chose, mais si tout était vrai alors Eredan n’aurait pas encore dévoilé tout ses secrets.

- Je vois vos airs interrogateurs, que savez-vous d’Eredan ?

- Je sais juste que c’est grâce à lui que Nehant a été vaincu, mais que suite à cela il a disparu sans que nul ne sache où il est parti, expliqua Ergue en décortiquant une noix.

- Et pour cause, dans la foulée il a répondu à un appel au secours des habitants de ses terres. Ils n’arrivaient pas à repousser les envahisseurs. Même Eredan eut du mal à résister seul face à cette menace, il créa alors une créature capable de comprendre et résister à la magie des envahisseurs, vous le nommez Mangepierre mais en ce temps là il portait un autre nom. Lors d’une ultime bataille les terres tremblèrent et explosèrent en des milliers d’îlots qui se mirent à flotter dans les airs. Eredan, le Mangepierre et les peuples de ce qui devint les Confins avaient gagné, mais à quel prix ? Frappé par une étrange affliction, Eredan mourrait à petit feu, il entreprit de léguer son savoir et la garde du Mangepierre à certaines personnes qu’il aurait choisies.

- Vous êtes une de ces personnes n’est ce pas ? Affirma le Grêlé.

- Mon maître, aujourd’hui disparu était l’un des disciples d’Eredan.

- Et justement, qu’est devenu Eredan ? Demanda Malyss.

- Nous supposons qu’il est mort, mais nous n’en sommes pas certains car bien que terriblement souffrant il a tenu à repartir. Quand à savoir où il est parti, personne ne le sait.

- C’est une histoire incroyable ! Ça vaut bien la légende du Titan, v’là un truc que je vais pouvoir raconter à l’équipage.

- Maintenant que vous en savez plus, à vous de me donner les informations qui me manquent. Pourquoi cherchez-vous le Mangepierre ?

- Chez nous le Mangepierre est une légende, cette créature serait capable de manger les cristaux magiques les plus puissants. Hors un météore s’est écrasé en terres de Guem et depuis des gens venus du désert aux pouvoirs inconnus nous ont attaqué et défendent cette pierre tombée du ciel. En écoutant votre récit j’ai bien peur que l’histoire ne se répète.

- Intéressant, mais dans mon histoire il n’y avait pas de météore.

Ciramor regardait les flammes, les yeux dans le vague. Plusieurs sentiments s'entremêlaient.

- Je vais vous aider à trouver le Mangepierre, mais je dois vous prévenir, il faudra que vous soyez soudés dans les épreuves qui vont se présenter à vous. Eredan n’a pas laissé le Mangepierre à la portée de n’importe qui. Votre engagement sera testé, la question est alors : vous pensez-vous à la hauteur de cette tâche ?


Résurgence

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Chapitre 1 - Dimizar

Cette histoire débute bien avant la chute de la pierre à l’autre bout des terres de Guem, aux pieds des monts noirs prêts de Tantad. L’homme marchait d’un pas vacillant, ses larmes frappaient aussi lourdement le sol que la peine qui envahissait son cœur meurtri. Il ne savait plus où il allait et à plusieurs reprises il faillit tomber. Mais rien n’aurait pu le faire lâcher le corps inerte qu’il portait. Le chagrin prenait le dessus sur toutes les autres émotions et sur sa raison. Il marcha de longues heures, perdu dans des lieux où personne n’osait s’aventurer. Au cœur de la nuit presque à bout de force il se retrouva devant une crique entourée de lucioles voletantes. Il posa précieusement la femme à laquelle il était cramponné. A présent les larmes avaient cessé mais son visage était déformé par de terribles sanglots. De sa main couverte d’éraflures il caressa le visage et embrassa les paupières de la femme pour lui dire adieu.

- Pourras-tu là où tu vas pardonner ma faiblesse et mon impuissance à trouver de quoi tu souffrais ? Tu resteras à jamais au fond de mon cœur.

Il attrapa ensuite une pierre et la posa près de sa femme, puis une deuxième et ainsi de suite jusqu’à ce qu’une tombe fut enfin achevée. La nuit était avancée et la fatigue morale et physique emporta l’homme. Il s’endormit, brisé à jamais.

- Dimizaaaar... Dimizaaar... Ce n’est pas ta faute, tu n’y es pour rien !! Ce sont les rebouteux qui n’ont rien fait !

Dans le rêve de l’homme il revivait en boucle les pires instants de sa courte vie. Le moment où par manque d’argent on ne l’aida pas et pour des raisons politiques sa famille se retrouva au ban de sa communauté. Le visage de sa femme au début joyeuse et pleine de vie, puis se fanant alors que la maladie l’emportait passait en boucle dans son esprit déchiré. Il se réveilla en sueur. Réalisant que tout cela était bien réel il se remit à pleurer.

- Soit fort Dimizar, il est temps pour toi de te tourner vers l’avenir.

D’où venait cette voix ? Il n’y avait personne à part lui et la tombe de sa femme. Ankylosé il se leva tant bien que mal et examina les alentours avec suspicion. Il tomba sur une entrée en partie cachée par des broussailles et qui donnait sur un passage dans la roche. En temps normal il ne se serait pas aventuré dans un endroit de nuit au milieu de nulle part. Mais qu’avait-il à perdre de plus à par sa propre vie qui pour lui n’avait plus de sens ? Cette grotte fut probablement taillée de la main de l’homme car il y avait à plusieurs reprises des escaliers qui grimpait au travers de la montagne. L’homme n’y voyait pas grand chose, mais qu’importe, dans un état second il trouva son chemin dans ce dédale de couloirs sombres et humides. Combien de temps était passé ? Il n’en savait rien et s’en moquait car de toute façon il ne retournerait jamais dans cette cité qui l’avait rejeté. Une faible lumière lui indiqua la sortie qui débouchait sur un endroit qui le surprit. Rêvait-il encore ? Devant lui se dressait un immense manoir construit de pierres grises très sombres. L’édifice dominait ce qui devait être un jardin grandiose mais aujourd’hui en friche. Et partout de sombres cristaux éclairaient d’une faible lueur. Le plus marquant était le paysage enclavé autour du manoir. Étrangement il se sentit bien ici, comme si ce manoir l’attendait.

- Entre donc, tu es chez toi, lui chuchota à nouveau cette voix, comme un écho résonnant dans sa tête.

L’intérieur était délabré. Les meubles étaient recouverts d’une fine poussière noire et des générations d’araignées avaient contribué à la création d’une gigantesque toile parcourant le bâtiment. Les petites créatures fuirent l’homme qui venait perturber leur insouciante vie. Les escaliers grincèrent, menaçant de céder à chaque pas. Le style y était très différent de ce qu’il connaissait, tout y était torturé, démesuré, noir. L’homme arriva dans un bureau qui fut autrefois dévasté. Des feuilles de parchemins se mêlaient à la poussière. La personne qui vivait là devait être quelqu’un d’extrêmement cultivé à en juger par les titres des livres jonchant le sol : Cristalomancie ancienne, Pyrocratie - l’ère de la Reine-Rubis et autres grimoires.

- Le bureau, Dimizar, le bureau !

Relativement intact, le meuble était couvert d’entailles, comme des griffures. Les tiroirs étaient dispersés à travers la pièce. Ses doigts parcoururent le dessous du plateau et s'arrêtèrent sur un loquet qu’il activa d’un coup sec. Un pan de la bibliothèque au fond de la pièce pivota dans un bruit sourd, s’ouvrant sur un escalier en colimaçon. Interminable le passage finit par déboucher sur une grande pièce taillée dans la roche, éclairée par d’étranges cristaux sphériques. Des gemmes noires polies sortaient d’un peu partout, sur le sol des symboles de grande taille étaient gravés. Au milieu de ceux-ci se trouvait une personne, ou plutôt un cadavre à l’état de squelette. Allongé en position foetale, le squelette serrait quelque chose dans ses mains. Poussé pas la curiosité l’homme s’approcha et vit l’objet, une pierre noire sur laquelle était gravé un symbole particulier qui se répétait un peu partout dans le manoir et dans cette caverne.

- Cette pierre est tienne Dimizar, prends là !

Encore cette voix, mais cette fois-ci l’homme avait l’impression qu’elle venait d’un endroit proche. Il écouta et se saisit la pierre. Immédiatement l’homme se sentit envahi par quelque chose, une puissance importante, primaire, ravageuse et furieuse. L’amour, la compassion, les remords... Tous ces sentiments disparurent comme balayés. Après avoir repris ses esprits il comprit qu’il ne serait plus jamais le même, mais ça ne le dérangeait pas, au contraire, le souvenir de ses malheurs était trop présent. Il regarda la pièce, ses yeux s’arrêtèrent sur un pupitre où reposait un livre fermé. Il s’en approcha. La couverture était recouverte par une épaisse couche de poussière qu’il écarta d’un geste de la main. Sur la page de garde,une écriture fine et résolument gothique. “Journal de Zejabel” y était inscrit.

- Zejabel, ce nom ne m’est pas inconnu. Dit-il à haute voix alors qu’il commençait à tourner les pages pour lire le contenu.


Chapitre 2 - Zejabel et le miroir.

Quelques jours plus tard. Dimizar avait lu entièrement le journal. Il contenait toute la vie de Zejabel, comment il avait rencontré et suivi Néhant, ses recherches en matière de magie et des indications sur l’histoire des terres de Guem à son époque. Le dernier chapitre du journal passionna Dimizar. Le lieutenant de Nehant racontait les derniers évènements qui amenèrent à la fin de la guerre noire.

“Nous étions si proches. La victoire était notre et Nehant allait devenir le maître des terres de Guem. Que s’est il passé, comment la situation a-t-elle pu en arriver là ?? Un à un, nous, lieutenants de Néhant sommes tombés. Nous qui avions mené les légions sur les cités des plus puissantes civilisations. Puis ce Prophète de malheur a propagé la parole de Dragon et alors peu à peu les chiens ont mordu leurs maîtres et se sont débattus. Ils se sont organisés et ont découvert Eredan puis à cause de lui nous avons perdu sur tous les fronts. Amidaraxar, le plus puissant d’entre nous a été enfermé, Xorzar et le Fleau des âmes ont été renvoyés dans les Lîmbes.”

Puis plus tard.

“Je ne ressens plus les pouvoirs de Néhant, il ne me parle plus et semble avoir totalement disparu. Je me suis replié au Manoir, l’un des seuls endroits encore à l'abri de ce maudit Prophète. Je sais qu’il me cherche et il ne tardera pas si je ne trouve pas une solution pour disparaître.”

Enfin, Dimizar trouva à la fin du livre une lettre composée de plusieurs feuillets.

“Tu es celui par qui tout recommence. Si tu lis cette lettre c’est que tu n’as pas été détruit par le sort qui protégeait mon journal. Par conséquent tu as aussi ma pierre-coeur, enfin, ta pierre-coeur. J’ai passé des jours et des nuits afin que Prophète ne me trouve pas. La solution m’est venue par le biais de Nehant et de ce qu’il est devenu. Car ils ont emprisonné sont être au sein d’une gemme et l’ont ensuite scellée. J’ai suivi le chemin tracé et j’ai trouvé comment enfermer mon âme, mon savoir et ma magie dans une pierre. Tu es moi et je suis toi. Aujourd’hui alors que tu lis ces lignes tu dois ressentir l’effet de ce rituel et les changements sont nombreux. Reste à voir si tu vas supporter ma puissance et si tu ne vas pas être consumé. Il est temps de faire la vengeance, il est temps de reformer les rangs et de marcher à nouveaux sur les ennemis de Néhant. A présent pour moi il est temps de laisser cette enveloppe charnelle pour un moment de repos. Tu trouveras avec cette lettre l’emplacement du miroir de Néhant que j’ai caché au yeux de tous dans ce manoir. Il y a aussi mon testament magique qui te permettra de devenir mon héritier.

Zejabel”

Dimizar était troublé par cette lettre. Bien sur il avait senti les changements qui se produisaient chez lui. Il se découvrait des pouvoirs et des savoirs qu’il ne connaissait pas avant et sa manière de réfléchir n’était plus la même. Mais tout ça ne le gênait pas, au contraire, il voyait là un moyen de prendre sa revanche sur ceux qui l’avaient rabroué, menant sa femme à la mort. Il examina les autres feuilles qui s'avéraient être des clés magiques. Instinctivement il récita les incantations magiques, libérant ce qui était jusque là emprisonné. C’était comme si le manoir se réveillait peu à peu, comme s’il avait une conscience.

- Viens à moi maintenant Dimizar.

Encore et toujours la même voix, elle venait de la pièce où se trouvait le squelette. Il s’y rendit rapidement et découvrit qu’un morceau de mur s’était écroulé, laissant apparaître un miroir de grande taille, orné d’un cadre sculpté. Dimizar s’en approcha et sourit sans savoir réellement pourquoi. Il y vit le reflet d’un homme changé et marqué par cette vie passée. Sa barbe avait poussée et il décida qu’il fallait aussi changer de visage. Puis le reflet changea peu à peu pour laisser la place à une apparence plus hideuse, mais c’était toujours lui, les mêmes vêtements, la même taille. Mais le visage était celui d’un démon, il passa la main sur sa joue pour se rassurer, rien n’avait changé. Cette image n’était pas la sienne.

- Vous êtes Néhant n’est-ce pas ?

- Si c’est le nom que tu veux me donner alors je serais Néhant.

Dimizar s’inclina en respect.

- Je suis votre dévoué serviteur, ordonnez et j’obéirai.

- Bien bien bien, nous allons commencer par faire de toi un véritable Néhantiste.

Chapitre 3 - Prophète

Plusieurs mois passèrent et Dimizar monta en puissance. Il avait eu sa vengeance. Expérimentant ses pouvoirs de corrupteur il alla jusqu’à son ancien village et n’en repartit que lorsque tous ses habitants furent sous sa coupe. Désormais esclave de la volonté de Dimizar, ils devinrent les nouveaux domestiques du manoir de Zejabel. Ils s’activèrent à lui redonner un coup de neuf. Pendant ce temps le nouveau maître des lieux passait son temps à réfléchir quant à la manière de cacher le manoir aux yeux de Prophète. Car après une courte enquête il s'avéra qu’il était toujours en vie et qu’il représentait une menace importante pour Dimizar et ses sbires.

Très loin de là, Prophète scrutait un cristal avec beaucoup de minutie. A côté de lui un livre flottait dans les airs. Le chef des Envoyés de Noz’Dingard tournait de temps en temps les pages avec lenteur. Voilà quelques temps le cristal d’Osmose que Prophète avait créé peu après la guerre contre Néhant détecta une drôle de perturbation magique. Intrigué le fils d’Anryéna passa tout son temps libre à connaître la cause de tout ça. Plus les jours passaient, plus la perturbation s’intensifiait, l’inquiétant de plus en plus. Enfin, des nouvelles lui parvinrent. Un village aurait totalement été déserté par ses habitants. Ceux-ci auraient disparu sans laisser la moindre trace. Le seigneur des terres où cet évènement avait eu lieu ne trouvait aucune explication à tout cela. Pourtant Prophète avait déjà vécu cela, il y a bien longtemps. Les souvenirs n’étaient pas si lointains pour une personne qui avait, comme lui, une vie plus longue que les autres. Des disparitions de populations, c’était là une probable marque d’un serviteur de Néhant. Mais rien n’était si certain, il fallait voir ça sur place.

Dimizar savait que ce qu’il avait fait attirerait irrémédiablement les regards vers cette partie du monde. Mais il comptait bien appliquer un principe simple : ne cherche-t-on pas ses binocles lorsqu’elles sont sur son nez ? Il anticipa le fait que ses ennemis, et parmi eux il espérait bien Prophète, seraient attirés dans cette partie du monde. C’est alors qu’il finaliserait l'occultation du manoir, le rendant invisible aux yeux des non initiés. Hors Prophète entreprit le voyage, ne se doutant pas une seconde qu’il serait si proche de ce qu’il a tant cherché. Il passa deux jours à fouiller, examiner, analyser les rues, maisons et autres signes magiques. Mais il n’y avait rien, pas la moindre trace, et cela l’inquiéta encore plus car il aurait dû trouver quelque chose, ne serait-ce que des émanations magiques. Mais dans ce cas c’était... le néant. Un Néhantiste était passé par là, c’était la seule certitude qu’il eut à ce moment précis.

Ses affaires à Noz’Dingard le rappelèrent en la capitale de la Draconie. Il surveillerait précisément les activités magiques suspectes.

Hélas pour Prophète, le destin voulut tout autre chose, car la pierre allait tomber du ciel et Dimizar achevait la protection du manoir.

Chapitre 4 - Le plan

- Dimizar... Dimizar.

La voix s’éleva dans le manoir.

- Ça a commencé.

Le Néhantiste descendit les escaliers avec la certitude que désormais des changements allaient bouleverser le monde. Arrivé dans la caverne le miroir irradiait d’une lumière rouge sombre signe de l’activité de Néhant. Dimizar se posta devant son reflet déformé.

- Les étoiles ont annoncé le changement. Une pierre arrive, elle tombera dans un lieu où toutes les forces vont se réunir et s’affronter.

Dimizar perçu l’opportunité de la chose.

- La pierre ne nous intéresse pas, mais c’est une diversion idéale pour mettre en place un plan d’attaque. Tu dois t’occuper avant tout de trouver le moyen d’éliminer celui qui peut nous barrer la route, Prophète. Pour ça, sers-toi des Combattants de Zil, ils ont parmi eux des gens qui servent la cause.

- Bien, je vais réfléchir à la chose et entrer en contact avec ces gens.

Le miroir redevint inerte, reflétant un Dimizar en pleine réflexion. Un plan avait déjà germé et les perspectives étaient très réjouissantes. Il était temps pour lui de quitter le manoir de Zejabel et de parcourir les routes. Mais avant cela, il avait encore quelque chose à faire : appeler les troupes.

Le premier à revenir sur les terres de Guem fut Mâche l’âme. Parmi les affaires laissées par Zejabel il y avait énormément d’objets qui au départ ne l’inspirèrent que très peu. Mais en lisant certains grimoires il apprit la nature exacte des créatures qui autrefois composaient l’armée de Néhant : les démons. Grâce à l’une des pierres contenues dans un coffret, le néhantiste était en mesure de faire revenir ce démon. Il ne se priva pas d’essayer. Les esclaves finissaient d’allumer les très nombreuses bougies disposées sur le sol de la caverne lorsque Dimizar les chassa avec véhémence. Il posa sur le pupitre où il avait trouvé le journal un livre écrit dans une langue qu’il comprenait sans jamais l’avoir apprise. Il relut rapidement le passage concerné afin d’être sûr de ce qu’il allait dire, puis il plaça la pierre au centre de l’immense symbole de Néhant gravé par terre.

- Toi dans les entrailles de la terre, caché des yeux mortels entends la supplique du serviteur de Néhant.

La pierre s’illumina, fusant de magie.

- Toi le poing, toi la souffrance, toi le fléau.

La pierre se mit à léviter à une hauteur d’homme.

- Toi qui hurle dans cette prison entends ma voix. Toi le dévoreur d’âmes je t’invoque. Perce les barrières qui se dressent devant ta route.

L’énergie magique autour de la pierre s’intensifia et commença à prendre une vague forme humanoïde.

- Toi Mâche l’âme prends corps et foule à nouveau les champs de bataille.

A présent la forme se solidifiait. Le démon de grande taille arborait d’immenses cornes de cristal noirci, sa peau laissait voir l’intérieur de son corps qui était comme une sorte de lave en fusion.

- Est-ce toi Jezabel qui m’appelle ?

Dimizar s’approcha sans la moindre peur.

- Pas exactement, mais considère-moi comme son héritier.

- Je ne sers que Zejabel, freluquet !!

- Ah ? Je suppose que je dois montrer que ce que j’affirme est vrai, répliqua Dimizar avec un calme étonnant pour une personne en présence d’un démon.

Le néhantiste ressentait la pierre clairement visible au centre du ventre de Mâche l’âme. Un lien partait de celle-ci et allait vers la pierre-cœur de Dimizar. Le lien était très faible, trop pour que le démon puisse le ressentir. Il fallait donc le réactiver, ce qui pour lui était chose aisée. Il sortit sa pierre et se concentra sur le lien. Le démon hurla lorsqu’il comprit qu’il ne plaisantait pas. Tout cela se déroula rapidement, le démon n’eut pas le temps de réagir : il était désormais lié.

- Bien, maintenant que tout malentendu est dissipé entre nous, je vais pouvoir passer au suivant.

Quelques jours plus tard, à la prison de la grande cité d’Archopolis la plus à l’est des cités de Tantad, Dimizar se présenta devant une épaisse porte de bois derrière laquelle une créature attendait d’être proprement et simplement exécutée pour les nombreux méfaits accomplis. Le néhantiste n’eut pas de mal à modeler les esprits faibles croisés sur le chemin. Le geôlier désormais pantin ouvrit la porte grâce à son trousseau de clés.

- Donnez-moi les clés et faites le planton devant la porte, si quelqu’un d’autre que moi vous demande quoi que ce soit, vous trouverez une excuse valable.

Parlant plus fort.

- Je vais rentrer pour te parler. Je ne te veux aucun mal, si tu tentes quoi que ce soit ça sera à tes dépends.

Sur ce il entrebâilla la porte et se faufila à l'intérieur. La créature n’était en fait qu’une femme, mais par son aspect il parut clair qu’elle serait chassée toute sa vie. Ses yeux d’or brillaient dans l’obscurité, sa peau était noire comme les ténèbres et ses doigts s’achevaient par de courtes griffes. Elle regarda Dimizar les larmes aux yeux et les mains tremblantes.

- Pitié... j’ai rien fait monsieur... Je n’ai pas fait exprès, je vous promets.

Dimizar éclata de rire.

- Tu es une bonne comédienne, mais je sais pertinemment ce que tu es, tes sentiments, ta personnalité. J’ai besoin d’une personne comme toi. Je te promets que tes talents seront très utiles et que tu ne le regretteras pas.

La jeune femme cessa ses gémissements, changeant totalement son attitude.

- Du moment que je sors d’ici, s’il faut tuer, voler ou faire du tort à quelqu’un, je suis preneuse.

- Très bien. Comment t’appelles-tu ?

- Je suis Anagramme.

- Un faux nom je suppose.

- Évidemment, vous croyez quoi ?

- Parfait, vraiment parfait. Partons, nous avons à faire.

Le jour suivant, non loin d’Archopolis dans une clairière d’une forêt ayant subi les affres de multiples incendies, Dimizar et Anagramme rencontraient ceux qui seraient la chute de Prophète. Ils se rencontrèrent près d’une roulotte peinte de violet et de noir. Deux demoiselles aux habits excentriques et à la peau noire discutaient avec un homme portant un masque de métal. A l’approche de Dimizar et d’Anagramme ceux-ci cessèrent de bavarder et observèrent avec anxiété les arrivants.

- Vous n’avez pas éveillé les soupçons ? Vous avez vérifié que vous n’avez pas été suivi, commença Dimizar sans même les saluer.

Masque de fer s’inclina pour signifier son respect.

- Maître, merci à vous de nous accorder de l'intérêt. Soyez rassuré personne ne sait que nous sommes ici, nous pouvons parler sans crainte.

- Parfait. J’ai entendu parler de vos talents d’orateur Masque de fer, je vais avoir besoin de vous pour une mission très très particulière. Mais nous en reparlerons plus tard.

- M’enseignerez-vous ce que vous savez ?

- J’y consens, mais prouvez d’abord que vous pouvez être digne de cet honneur, rétorqua Dimizar avec une certaine pointe d’irritation.

Anagramme dévisageait les deux jeunes femmes, leur ressemblance était très troublante. Sélène et Silène étaient ravies de la rencontrer et il faut savoir qu'elles jalousaient Anagramme. Car bien que toutes les trois soient physiquement proches il y avait une grosse différence entre elles. Les sœurs des Combattants de Zil étaient guémélites de l’ombre et Anagramme guémélite de Néhant, en soi c’était très proche, mais la différence était très importante pour les sœurs.

- Quand à vous deux mes damoiselles, j’ai une importante mission à vous donner. J’aimerais que vous réunissiez le maximum de Combattants de Zil de façon discrète. Lorsque ça sera fait il faudra me prévenir, je me rendrais alors auprès de vous. Faites cela et vous serez récompensées à la juste valeur de votre tâche. Je pense savoir ce que vous désirez et je peux d’ores et déjà vous dire que c’est possible.

Les deux jeunes femmes furent très heureuses et piaffèrent de joie.

- J’espère que vous avez conscience que ce qu’il va se passer est très important pour moi et celui que je sers. L’échec ne sera pas permis, ni pour vous, ni pour moi, que ça soit bien clair pour tout le monde. L’avenir nous réserve deux destins : la mort ou la victoire. A présent je dois parler seul à seul avec Masque de fer, laissez-nous donc, dit-il à Silène, Sélène et Anagramme qui en profitèrent pour aller parler toutes les trois plus loin.

Resté seul avec Dimizar, Masque de fer ôta ce qui lui cachait le visage.

- Je comprends pourquoi vous le portez. Un jour vous n’aurez plus à vous cacher pour cela, mais en attendant nous avons tous les deux beaucoup de travail. Nos ennemis sont nombreux et je ne peux pas m’occuper de tous, il va falloir agir un peu partout.

- Que voulez-vous que je fasse exactement ?

- En premier lieu je veux être mis au courant de tout ce qu’il se passe au niveau politique à l’heure actuelle. Je veux savoir ce que l’Empereur mange ou de quoi il discute avec ses conseillers, je veux connaître les projets des draconiens.

- Cela sera chose faite.

Masque de fer hésita puis repris.

- Êtes-vous en train de monter une armée qui écrasera ces cancrelats ?

- Les choses suivent leur cours mais je préfère pour le moment faire profil bas et placer les pions où il faut. Mais nos rangs vont rapidement grossir, surtout parmi ceux qui ne se doutent de rien. Donne-moi ta pierre-cœur.

Masque de fer la lui présenta avec inquiétude.

- Ne t’en fais pas, j’ai besoin que tu aies toute ta volonté. Je marque ta pierre, elle nous liera à un certain niveau. Je saurais où tu es et nous pourrons nous parler l’un l’autre. Si jamais il devait arriver quelque chose à l’un de nous, le lien disparaîtra.

La main de Dimizar tenant la pierre de Masque de Fer s’illumina et prit ensuite une teinte plus foncée. Le jeune néhantiste ne perdit pas une miette de cette manipulation magique.

- A présent, il est temps de mettre le plan en route.

Chapitre 5 - La mort d’Ishaïa

Le Conseiller Vérace n’en pouvait plus. La séance du jour avait été très animée et compliquée. Les évènements intenses des derniers mois donnaient beaucoup de travail au Conseil. Heureusement le château de Kaes était entouré de jardins somptueux et surtout reposants. Le Conseiller respira un bon bol d’air en se baladant au travers des labyrinthes de fleurs et de buissons taillés. La pression redescendait doucement, il remettait de l’ordre dans ses idées lorsqu’il buta sur quelque chose, ou plutôt quelqu’un.

- Qu’est ce que ?

Le corps inerte étendu au sol, il le reconnu immédiatement : la Conseillère Ishaïa.

- Mince !!

Il se pencha rapidement pour prendre le pouls de la jeune femme. Il tâta le poignet, puis la gorge. Rien si ce n’est du sang, partout sur et autour d’elle.

- A la garde !!!! A la garde !!! Hurla-t-il.

Son cœur se serra, ses mains tremblaient... La Conseillère Ishaïa n’était plus.


Deux mois avant, Masque de Fer se trouvait à l’orphelinat de l’Enfant perdu, un des rares établissements à recueillir les enfants abandonnés et autres orphelins. On l’avait informé qu’il se passait là-bas de drôles de choses et la direction de l’établissement avait demandé de l’aide au Conseil car cela le concernait directement. Dimizar et lui avaient donc fait en sorte que soit rapidement étouffée l’affaire car tous deux avaient ressenti l’intervention d’une forte magie noire. Il prévint donc l’orphelinat qu’une personne envoyée par le Conseil allait bientôt venir.

En soi l’orphelinat était tout à fait banal, un hameau de cinq bâtiments assez vieux et abrités derrière des remparts s'effritant. Masque de Fer fut reçu comme s’il était le sauveur et à la vue de leurs visages l’affaire était grave.

- Messire, merci pour votre assistance !

La dame aux traits tirés ne devait pas avoir dormi de plusieurs jours.

- Ne me remerciez pas, le Conseil est toujours à votre écoute, nous finançons en partie le fonctionnement de votre établissement nous prenons donc soin de ce qu’il s’y passe.

- Merci, ô merci, vraiment.

- Alors, que ce passe-t-il ici ?

- Des enfants ont disparu...

Masque de Fer coupa.

- Mais c’est affreux ! Dit-il avec un ton feint mais très réaliste d’inquiétude.

- Ce n’est pas tout, notre cuisinier aussi n’est plus là et nous avons retrouvé de drôles de symboles dans sa chambre.

La discussion continua jusqu’à la-dite chambre qui était sans dessus dessous. Par terre un symbole en forme de spirale entourée de traits avait été dessiné avec un morceau de charbon. “C’est bien ça” pensa Masque de Fer.

- Regardez, cette marque magique a fait disparaître notre cuisinier !!

“Il faut que je me débarrasse d’elle”.

- S’il vous plaît, à présent je vais officier, il me faut un accès à toutes les pièces et la coopération de tous. Je pense que vos gens doivent avoir besoin de votre soutien.

- Bien sûr, je m’occupe de tout ça.

“C’est ça, bouge”. Une fois Masque de Fer seul il examina mieux la marque de Néhant. Une légère magie en émanait encore. “Ca commence à disparaître !” Ni une ni deux il utilisa un sort de Magie révélée, un sort de Néhant qui lui permettait de voir les liens magiques entre un incantateur et son sort. Ainsi il retrouverait le coupable rapidement. Le fil était mince mais un Néhantiste était spécialisé dans ce genre de magie. Masque de Fer suivit la trace et se retrouva plus tard dans les caves de la bâtisse principale. Derrière un tas de caisses vides, le cuisinier gisait au sol, sans vie. “Je comprends pourquoi le lien s'amenuisait si vite”. En se penchant sur le corps il repéra un autre lien qui disparaissait. “Vite !!” Il repartit dans l’autre sens en marchant rapidement pour ne pas attirer l’attention. Il traversa la grande cour et pénétra dans l’aile réservée au personnel de l’établissement. Il s’en fallut de peu pour que Masque de Fer ne perde le lien. Il entra dans une chambre se passant de politesse. Il n’y avait personne dans cette pièce exiguë. Il y avait une forte odeur de parchemin brûlé et comme un parfum de magie noire. Il ferma la porte sans la faire claquer et entreprit une fouille des affaires qui s’y trouvaient. Il y avait de simples robes noires, quelques livres et des correspondances que Masque de Fer se permit de lire.

“Ma chère apprentie... blablablabla... signé Conseillère Edrianne”. Il relut les lettres et situa mieux la personne à qui il avait à faire. Visiblement cette femme était envoyée là pour contrôler les finances de l’orphelinat et seconder la directrice dans ses fonctions. Il tomba aussi sur des cendres entassées dans une petite urne. Il frotta l’intérieur de l’objet et y découvrit plusieurs symboles de Néhant gravés de façon discrète. “Du gros poisson”. Il remit tout en place et décida de passer à l’action le soir même. En attendant il fallait faire passer la mort du cuisinier pour un accident, puis retrouver les enfants. Resterait à expliquer la marque de Néhant dans la chambre du défunt. Mais pour ça aussi il avait un plan. Le soir tomba rapidement et les choses avaient avancé dans le bon sens. Le cuisinier avait été retrouvé et avait péri dans un tragique accident de caisses instables. Au repas, Masque de Fer passa au crible toutes les personnes présentes et fut étonné de voir qui était la jeune apprentie de la Conseillère Edrianne, une frêle jeune femme très timide. “Elle cache bien son jeu”. Entre temps il avait contacté Dimizar pour le tenir au courant, ce dernier lui avait expressément demandé de ramener la “coupable” au manoir de Zejabel. Ce qu’il ferait le lendemain.

Les petits orphelins dormaient avec la conviction d’être en sécurité en présence d’un membre et d’un enquêteur du Conseil, s’ils connaissaient la vérité, ils seraient en train de fuir à l’heure qu’il est. Masque de Fer se présenta donc à la porte de la “coupable” et toqua.

- Oui ? Répondit une voix très faible. Entrez.

Le Néhantiste entra, puis une fois à l’intérieur il plongea ses yeux dans ceux de la jeune femme. Tous deux ne bougeaient plus comme paralysés par un examen magique mutuel. Masque de Fer tomba face à une âme noire, brûlante d’un feu destructeur. Il ne put tenir plus longtemps, il y avait trop de souffrance en elle. Il sut à qui il avait à faire.

- Vous... Toi... Tu es un...

- Chut !! Interrompit-elle. Tais-toi !

Son attitude n’était pas celle d’une frêle damoiselle, d’ailleurs son physique changea rapidement pour laisser apparaître des formes plus généreuses et un visage à la beauté redoutable.

- Un Néhantiste ! C’est bien ma veine, on peut plus faire des affaires sans se faire déranger ??

- Tu devrais plutôt me remercier, si mon maître et moi n’étions pas intervenus tu serais dans de sales draps. Mais j’y pense, comment t’es-tu retrouvée ici ?

- Je m’en fiche un peu de ton maître, dégage sans plus attendre.

- Ah bon tu crois que je vais te laisser continuer ici ? Tu te goures. Dis moi où sont les gosses, j’espère que tu ne leur as rien fait.

- Oh non, ils sont tellement détestables, ils ne pensent qu’à eux, un vrai délice.

- Tu l’as dit toi même je sers celui que tu sers, il me serait facile de te soumettre ! Dit-il en montant la voix.

La jeune femme se mit à respirer rapidement serrant les poings.

- Très bien, je te suis, dit-elle la mâchoire crispée.

Le lendemain tout revint dans l’ordre. Les enfants furent retrouvés et “lavés” de tout souvenir néfaste. Officiellement un jeu les éloigna de l’orphelinat sans qu’ils ne réussissent à retrouver le chemin du retour. Quand à la jeune apprentie, elle prétexta le départ de Masque de Fer et la fin de sa mission pour repartir. Sans perdre de temps les deux serviteurs de Néhant se rendirent au Manoir où Dimizar attendait à la fois curieux et impatient quand à cette magnifique trouvaille. La jeune femme qui se faisait appeler Haine fut un sujet d’étude passionnant pour les deux néhantistes. La démone avait profité d’un pacte passé par une jeune femme qui n’arrivait pas à s’intégrer dans la société pour s’incarner en elle, car les contrats sont ce qu’ils sont, toujours en défaveur de celui qui les signe. Haine avait répondu favorablement et avait obtenu à la jeune femme un poste plutôt bien placé comme apprentie d’un Conseiller. La contrepartie fut au départ des trous de mémoire, puis de sérieuses absences pour finir sur une disparition de la jeune femme au profit de la démone. Dimizar reconnut que c’était très bien joué de sa part et que rares étaient les démons sortant d’eux-même de la prison dans laquelle ils sont.

Quelques jours plus tard Dimizar monta un nouveau plan qui ébranlerait le monde et permettrait aux néhantistes de prendre doucement, mais sûrement le contrôle d’un organisme au moins aussi important que les nations : le Conseil des guildes. Le néhantiste convia Masque de Fer et leur nouvelle recrue à une petite réunion “de travail”. La pièce avait été aménagée depuis qu’il l’avait redécouverte il y a quelques temps et désormais c’était devenu un immense chaos mêlant laboratoire et bibliothèque. Haine et Masque de Fer trouvèrent Dimizar devant le grand miroir.

- Bien seigneur, cela sera fait selon vos désirs. Avez-vous d’autres recommandations quant à ce plan ?

Il marqua une pose comme s’il écoutait quelque chose et reprit la discussion.

- Je dirais une semaine environ. Pour la suite je pense qu’ils éliront rapidement un remplaçant, mais d’ici là quelques membres seront sous mon contrôle.

Dimizar se retourna face à Masque de Fer et Haine avec un sourire qui ne trahissait pas sa joie.

- Nous allons frapper, frapper fort ! Le Conseil régit la vie des guildes, ces mêmes guildes qui ont mené à l’emprisonnement de Néhant. Il faut prendre le contrôle du Conseil et pour ça vous êtes les deux personnes qui seront les architectes de sa déchéance. Masque de Fer, toi qui a observé les diplomates lors du bal donné en Kastel Draken tu m’as bien dit avoir repéré une personne exprimant une jalousie pour la Conseillère Ishaïa ?

- Oui maître, il s’agit d’Angélique, elle aime Marlok de tout son être et déteste la Conseillère Ishaïa.

- La haine... je la ferais ressurgir, elle prendra le contrôle de son être, dit Haine avec impatience.

- Vous avez compris mon plan, mais je vais vous dire comment cela va se passer. Avant, toi, Masque de Fer, tu vas devenir le confident d’Angélique et la pousser à détester encore plus Ishaïa, qu’elle ait une confiance absolue envers toi. Que tout cela se passe en dehors de la Draconie pour échapper à la surveillance de Dragon. Une fois qu’elle sera prête, nous lui présenterons une de tes fidèles amies, une enchanteresse qui peut faire revenir l’amour. Persuadée qu’Ishaïa n’aime pas Marlok et que ce dernier est aveuglé par un mauvais sort elle signera un contrat avec cette amie.

Haine se réjouissait d’avance, elle comprenait le cheminement de Dimizar.

- Je te dicterai le contrat Haine. Une fois signé il te permettra de prendre l’apparence exacte d’Angélique, personne ne sera capable de voir la différence entre l’originale et toi.

- Mais maître, pourquoi ne pas laisser Angélique tuer Ishaïa ?

- Bonne question. Ishaïa est protégée par des sortilèges qu’Angélique ne sera pas capable de détourner. Or je peux agir sur les démons, je peux faire en sorte que face à Haine, la Conseillère ne soit qu’une petite fille sans défense !

Dimizar se retourna vers le miroir.

- Une fois Ishaïa hors d’état de nuire la voie sera ouverte pour la place d’un nouveau Conseiller, nous allons faire élire une apprentie qui a toujours bien fait son travail et qui a permis la résolution de plusieurs affaires dans un orphelinat. Le vote passera car d’ici là certains membres du Conseil se sentiront obligés. Voilà, il faudra voir tout cela en détails mais les grandes lignes sont là.

Le plan néhantiste s’était déroulé sans aucune anicroche. Angélique et Ishaïa marchaient côte à côte dans les jardins du château du Conseil. Elles avaient discuté de tout et de rien après un échange de politesses.

- Alors ma petite Angélique, quel est donc cette affaire si urgente et si secrète ? J’ose espérer que vous ne m’en voulez plus de ce rapprochement avec votre ami Marlok.

- Non non rassurez-vous, ce dont je veux vous entretenir est de la plus grande importance, je dirais même que c’est capital. Vous êtes la plus à même de résoudre le problème.

- Ma foi, si je peux rendre service dites toujours.

A présent elles étaient à l’endroit souhaité, suffisamment éloigné pour échapper aux regards et où personne ne l’entendrait crier si jamais cela devait se produire. Tout se passa très vite. La fausse Angélique avait caché derrière un éventail une fine dague ensorcelée par les soins de Dimizar. Les deux femmes étaient face à face lorsque Haine fit appel à ses pouvoirs. La dague fila vite et passa entre deux côtes de la Conseillère, au niveau du cœur. Angélique retira la lame et Ishaïa s’écroula, tombant à genoux devant son assassin.

- Avec les compliments de Dimizar.

Ishaïa tenta de prononcer quelques mots alors que celle qu’elle prenait pour Angélique se retournait pour quitter les lieux. Haine mit l’index sur sa bouche.

- Chuuuttt, c’est fini.

La démone lâcha alors un morceau d’étoffe bleue qu’attrapa la Conseillère avant de sombrer vers la mort.


Ainsi périt la Conseillère Ishaïa.


Dernier espoir

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Une secousse ébranla le village. Au loin un pic de glace céda et s’écroula comme un château de carte. Ce n’était pas le premier, il y en avait de plus en plus souvent. Le glacier d'Améthyste mourrait peu à peu. Dans le plus important village des elfes de glace, habitants de cette partie du monde, l’heure était grave et tous s’étaient réunis sur la place centrale. Les femmes pleuraient et les hommes inquiets questionnaient leur prophétesse, une certaine Yilith.

- Qu’allons nous devenir harangua un homme, visiblement un des chasseurs.

- Oui prophétesse ! La glace fond ou se brise, que restera-t-il de notre village et du glacier ? S’exclama un elfe d’une tête plus grand que les autres.

A ce moment-là une autre secousse se fit sentir et la sculpture sacrée” du village se fendit. Cette dernière représentait une créature à l’aspect torturé attachée par une chaîne faite d’améthystes collées les unes aux autres.

Yilith se sentit mal et les autres membres de la communauté crièrent de désespoir.

- Je... Je dois aller voir Nibelle.

- Tu es certaine? Nibelle nous a bien dit qu’il ne fallait jamais aller la voir.

- Ma vérité m’amène au Crépuscule, je dois être certaine de cela.

L’assistance resta médusée par l’affirmation d’Yilith. Le Crépuscule annonçait la fin du glacier d’Améthyste et de leur existence, l’inquiétude déjà grande les submergea. Yilith cessa de leur répondre et s’en alla rapidement, car désormais le temps était compté. Yilith marcha durant deux jours sans s’arrêter, mue par une volonté de fer. Elle faillit périr une bonne dizaine de fois, le glacier était de plus en plus instable. Puis une tempête de neige tomba sur elle comme un chat sur une souris. Heureusement elle ne ressentait de gène que pour les flocons dans ses yeux et le vent qui la ralentissait. Imperturbable elle progressa jusque là où vivait Nibelle, la vieille elfe de glace. Cette dernière lui avait tout appris de l’art de la divination et de la communion spirituelle. Après bien des années elle avait disparu en laissant une lettre à l’attention d’Yilith. Le message ne comportait que quelques mots : “Il est temps pour moi de laisser la place à mon apprentie, je pars à la Faille de l’âme. Je vous interdis de vous approcher de ce lieu maudit.” Tout le monde respecta sa volonté, jusqu’à aujourd’hui.

Enfin elle arriva sur place et elle ne reconnut quasiment pas le lieu qu’elle avait déjà vu il y a bien des années. La Faille s’était transformée en véritable gouffre béant, comme une blessure géante. La prophétesse fit appel à ses pouvoir pour déterminer le meilleur chemin pour descendre, car elle sentait une puissance divine à l'œuvre, une présence familière. Nibelle était là quelque part en bas, peut-être en danger. A cet endroit la glace était dure et se mêlait avec les cristaux d'améthyste, elle ne manqua pas de subir des coupures assez importantes mais qui ne représentaient heureusement aucun danger pour Yilith et ses pouvoirs de soin. Lorsqu’elle finit par arriver au fond de la Faille elle vit un passage qui lui sembla creusé dans la glace. Une autre secousse la décida à se rendre à l’intérieur car autour d’elle des morceaux tombaient, manquant de l’écraser.

Elle alluma une lampe à huile et avança prudemment. Le chemin déboucha sur un escalier taillé dans la glace et de là elle pouvait entendre une personne parler. Yilith sembla reconnaître la voix de celle qu’elle cherchait. Sans hésiter elle s’élança dans l’escalier, enjambant les marches deux à deux pour finalement arriver dans une pièce en forme d’une demie sphère. Là, une vieille elfe des glaces priait à genoux devant une immense porte noire. De sa surface dépassaient six gemmes aux formes et aux couleurs variées. L’une d’entre elles, qui devait être rouge avait cessé de briller et s’était fendue de long en large. Yilith n’était jamais venue jusqu’ici. Elle avança prudemment jusqu’à sa congénère.

- Ne t’approche pas plus mon enfant, assieds-toi, nous devons parler.

La vieille elfe n’avait pas bougé et ses lèvres étaient restées scellées. Elle communiquait mentalement.

- Que se passe-t-il Nibelle ? Pourquoi est-ce que la glace disparaît ? Dit-elle avec rapidité.

- L’impensable, Yilith, il se passe l’impensable. Je n’aurai pas toutes les réponses à tes questions, mais je vais t’éclairer sur cet endroit. Il y a un peu plus d’une vie d’elfe, le monde fut frappé par de sombres évènements, une guerre totale contre Néhant et ses sbires. Ils ravagèrent des régions entières avant qu’ils ne soient stoppés par Eredan et ses Héros. Derrière cette porte est enfermé Amidaraxar le plus puissant des lieutenants de Néhant. Il sommeille ici sous ma surveillance depuis bien longtemps.

- Je connaissais cette histoire de Néhant, mais j’ignorais ce qu’il y avait au plus profond des entrailles du glacier.

- Hélas, jusque-là je drainais les puissances des améthystes et de l’énergie contenue dans les glaces. Mais l’étrange phénomène fait fondre les glaces et je perds peu à peu ma capacité à maintenir cette prison. Amidaraxar se réveille peu à peu, j’ai déjà perdu l’une des pierres qui verrouille cette porte.

- Qu’est ce que je peux faire ? Je peux t’aider à canaliser l’énergie ?

- Je draine déjà ce que je peux. Je crois qu’il va falloir se résoudre à trouver une aide extérieure. Va voir les autres peuples et demande de l’aide, explique leur la situation. Fais vite ! Ne perds pas un instant !

- Je vais t’envoyer les Kyrjas elle t’aideront dans ton fardeau.

Yillith écouta la vieille Nibelle, après une courte escale par son village et avoir expliqué la situation, elle rassembla quelques affaires et se mit en route. Elle n’avait jamais franchi les dents de verre qui servait de frontière entre le glacier, territoire des elfes de glaces, et les grandes étendues de terres froides et désertiques où vivaient quelques humains nomades. Quelle ne fut pas sa surprise en arrivant à cette fameuse frontière. La glace avait fondu et de gros icebergs flottaient entre la terre et le glacier. Les dents de verre, qui étaient en réalité de gigantesques cristaux de quartz dépassaient désormais de l’eau. Elle savait que non loin de là vivait une des nombreuses tribus, elle y alla donc en songeant à cette terrible catastrophe, il fallait faire vite. Mais le village était en pleine effervescence. Le chef qui accueillit Yilith lui expliqua que la région était devenue trop dangereuse, plusieurs des siens étaient morts à la chasse. Alors ils allaient rejoindre un autre village à une journée de marche de là. La prophétesse leur adressa une bénédiction pour que leurs pas soient sûrs et elle se vit offrir une embarcation afin qu’elle puisse accomplir sa tâche. La voilà partie vers le continent à la recherche d’une aide providentielle. Malheureusement pour elle la plupart des peuples qu’elle croisa ne semblaient pas disposer des connaissances suffisantes pour lui répondre. Elle traversa l’Empire de Xzia et son instinct la poussa vers le temple de Yafujima. Elle y fut accueillie par un moine du nom de Toran qui lui donna une piste concernant son histoire.

- Il y a quelques mois une étoile est tombée du ciel a quelques jours d’ici. Depuis le monde est devenu fou. Des guildes s’affrontent pour l’obtenir et de vieilles rancœurs refont surface. Cette pierre semble avoir des pouvoirs qui nous sont inconnus. Peut être que c’est elle qui agit insidieusement ?

- Les renseignements que vous me donnez là sont précieux, je vais aller voir cette pierre et me rendre compte par moi-même.

- Je vous souhaite bonne chance, que les Kamis vous gardent.

- Je ne sais pas ce que sont les Kamis, mais je vous remercie. Dit-elle en s’éloignant.

Elle suivit les indications de Toran et traversa les quelques lieux qui la séparait d’Okia, puis du Tombeau des ancêtres. Elle ressentait depuis quelques lieues la présence de quelque chose ou de quelqu’un, elle entendait comme des paroles ou plutôt des chuchotements comme un doux chant. Plus elle avançait, plus le chant devint clair. Elle vit la pierre tombée du ciel, immense, majestueuse. Plusieurs campements étaient parsemés autour d’elle et il y avait une certaine agitation des occupants. Elle s’approcha de plus en plus, croisant le chemin de gens qui devant ce physique si incroyable s’arrêtèrent. Dans l'insouciance la plus totale, attirée comme une mouche par du miel elle franchit la barrière que nul n’avait encore réussi à franchir et qui entourait la pierre et posa sa main dessus.

Elle sentit son âme s’échapper de son corps et “entrer” dans la pierre. Elle flottait dans un espace sans sol ni ciel, tout était très lumineux. Une forme se matérialisa devant elle, c’était un elfe de glace comme elle à ceci près que ses cheveux étaient blancs, tout comme ses yeux.

- J’ai pris cette apparence pour que vous n’ayez pas peur de moi.

- Je n’avais pas peur. Qu’est-ce que vous êtes ?

- Je suis le Fléau de Guem, envoyé afin de réduire ce monde en poussière.

- Est-ce à cause de vous que le glacier d’Améthyste disparait.

- Peut-être bien, mais cela n’a aucune importance.

- Cela a de l’importance pour moi ! Mon peuple souffre à cause de ça.

- La souffrance ne durera pas, elle laissera la place à votre non existence.

- Et vous croyez qu’on vous laissera faire ?

- Et vous croyez avoir les moyens de résister ? Vous n’êtes rien ! Ceux que j’attendais sont enfin là, bientôt je sortirai de là et je ravagerai ce monde, il ne restera rien.

- Laissez-moi sortir d’ici !

- Je ne peux pas vous laisser partir, vous serez ma première victime.

La lumière s’intensifia puis Yilith ressentit une forte agression, quelque chose d'incroyablement puissant tentait de la détruire. Une lutte débuta, c’était comme si on la brûlait de l’intérieur. Mais malgré cela, la prophétesse résistait du mieux qu’elle le pouvait. Elle se rappela les enseignements de Nibelle et se concentra pour pouvoir s’échapper de ce lieu. Elle se sentit comme expulsée du lieu et elle eut juste le temps d’entendre quelques mots.

- Nooooon tu n'échapperas pas à mon courroux, je te …

Et là elle ouvrit les yeux, haletante et couverte de sueur. Elle recula, puis vacilla et enfin tomba à genou, suffocante.

Le monde courrait un grave danger. Si personne n’était en mesure de stopper le Fléau de Guem, cela signifiait la fin...

Le trésor du Titan

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L’Arc-Kadia avait stoppé sa course au-dessus de l’océan au sud des terres de Guem. Al la Triste tenait fébrilement entre ses mains un porte-parchemin avec l'effigie d'un poulpe. Avec une rare délicatesse elle déroula le parchemin contenu à l’intérieur et parut satisfaite. Les pirates présents autour d'elle avaient les yeux qui brillaient, imaginant déjà l'étendue du trésor de Hic. Bragan récupéra précieusement le dernier morceau de l’invocation d’Artaban. A peine l’eut-il approché des trois autres parties qu’elles se collèrent les unes aux autres pour devenir un seul et même objet.

- Nous y sommes ! Annonça Bragan. Je reconnais pas mal de symboles utilisés il y a longtemps par nous autres pirates. Va me falloir de l’aide, Mylad ! Ardranis !

Les deux jeunes femmes sortirent de la foule et jetèrent un œil sur l’invocation. Après concertation il fut possible de la réaliser sur-le-champ. Al la Triste ordonna donc l’exécution de la chose. Craignant un dérapage potentiel, la plupart du reste de l’équipage, et l'extrême courage le caractérisant, se planqua à l'abri d’éventuels effets magiques. Les mages sous la surveillance d’Al la Triste entamèrent l’invocation à grand coup d’effets visuels n’ayant d’autre utilité que d’en mettre plein la vue à l’assistance. Cela dura à peine quelques minutes qui parurent interminables pour le capitaine de l’Arc-Kadia, le parchemin se consuma lentement. Les cendres s’envolèrent portées par le vent. Chacun guetta les environs pour voir ce qu’il se passait, ce fut le silence total, seuls les moteurs du navires produisaient un léger bruit de fond. Puis le bateau trembla légèrement. Les pirates regardèrent par dessus le bastingage et reculèrent d’un coup lorsque une tour, puis des maisons apparurent à leur niveau. L’Arc-Kadia tombait-il ? Non, c’était bien une petite cité qui venait d'apparaître. Mais le plus intéressant se situait dessous car la cité était sur la tête d’une créature gigantesque faite de terre, de roche et lave.

- Artaban, murmura Al la Triste.

La jeune femme hurla quelques ordres et regagna la barre afin de placer le navire au niveau de la tête du géant. Ce dernier fixa le navire qui pour lui était minuscule. Sa bouche cachée par d’énormes racines bougea lentement, libérant une voix rocailleuse.

- Qui m’appelle ? Dit-il avec lenteur.

Al la Triste posta le navire au plus près des yeux d’Artaban.

- Je suis Al la Triste, c’est moi qui t’ai appelé !

- Que veux-tu Al la Triste ?

- Je cherche le trésor du capitaine Hic, peux-tu nous mener à lui ?

Le géant tourna vers la droite, puis vers la gauche et s’arrêta dans une direction.

- Suis-moi Al la triste !

Le géant se mit en marche, provoquant à chaque pas une secousse sur la terre ferme. Mine de rien, grâce à son gigantisme Artaban progressait vite. Il traversa un bras de mer et se retrouva au milieu de plusieurs îles assez éloignées du continent. La chaleur y était étouffante. Artaban s’arrêta à la limite de l’une d’elles sur laquelle étaient échoués des dizaines et des dizaines de navires. Le géant pointa du doigt la plus grosse des îles de l’archipel.

- Si tu veux le Titan il te faudra te battre, Al la Triste.

“Le Titan avait donc fini sa course ici, au milieu des mers ? Qu’est-ce qui va encore nous tomber dessus ?” Se demanda t-elle.

- Merci à toi Artaban !

Pour réponse, le géant sembla s’enfoncer dans l’eau et en fin de compte seul resta à la surface la cité déserte. L’Arc-Kadia se faufila entre les différentes îles et accéda au centre de l’archipel. Là assis sur une plage de galets il y avait un autre géant, encore plus particulier qu’Artaban. Les pirates se penchèrent pour mieux le voir. Ardranis, la jeune Elfine et ancienne prisonnière de l’équipage n’en croyait pas ses yeux. Elle avait parcouru le monde et elle avait entendu bien des histoire sur ce géant. Elle courut jusqu’au capitaine.

- C’est le géant d’écume capitaine !! Une créature légendaire, quelle chance d’en voir un !

- Non, pas une chance.

Ardranis ne comprit pas la réponse, Al resta silencieuse, scrutant le géant avec attention.

- C’est bien c’que j’pensais ! Regarde, ce truc a plusieurs bateaux incrustés en lui. Le plus gros, là , au milieu, c’est l’Titan !

Effectivement, ceux des plus anciens qui connaissaient la description du Titan le pointaient du doigt. Pour eux cela signifiait qu’ils touchaient au but et que le trésor était à portée de main. Mais avant cela il fallait que l’équipage mérite sa paye car il y avait tout de même un obstacle de taille : le géant d’écume !

Al la Triste s’approcha de lui pour mieux voir, elle espérait aussi que le géant ne réagirait pas à leur présence ce qui simplifierait les choses. Hélas celui-ci leva la tête et voulut écarter le navire comme on écarte une mouche trop curieuse. Le capitaine barra rapidement épargnant à son bateau des problèmes d’intégrité.

- Branle-bas de combat tire-au-flanc ! Canardez-moi ça et faites gaffe au Titan !

Al la Triste sentait l’adrénaline parcourir son corps, il y avait longtemps qu’elle et son équipage n’avaient pas eu un adversaire tel que celui-là et manque de chance son second n’était pas là pour voir ça.

- Bragan !!!

- Quoi !! Hurla le mage qui se tenait au bastingage.

- Vois ce que tu peux faire en magie ! Je sais pas si on va pouvoir le détruire.

Les boulets volèrent et s’écrasèrent contre le géant qui vacilla mais reprit son équilibre. Voyant qu’on l’agressait il se leva pour mieux se défendre contre son agresseur. Le géant n’était pas très rapide, mais sa taille et sa force lui permettaient bien des choses. Il plongea sa main dans les galets et les lança sur l’Arc-Kadia. En temps normal ce n’est pas une poignée de cailloux qui pouvaient poser problème à ce navire qui en avait vu d’autres. Mais là, projetés avec une telle force les galets devinrent des projectiles dévastateurs. Le navire reçu de plein fouet cette attaque et toute la coque avant fut criblée et la figure de proue explosa en milliers de petits bouts. Le géant allait à nouveau répéter l’opération, mais Al la Triste anticipa et contourna le géant dans le tonnerre des canons crachant leur mitraille et les boulets avec toute la rage de l’ingéniosité de Klémence. La jeune pirate avait savamment amélioré ces derniers pour qu’ils soient plus destructeurs. Des morceaux d’écume chutèrent dans l’eau, la fureur du géant s’exacerba. Cette fois-ci ce n’était pas des galets, mais des rochers qui fusèrent sans jamais arriver à toucher le navire. Et heureusement car le moindre rocher aurait pu provoquer de graves avaries. Al la Triste ne lâcha rien et pilotait comme son père lui avait appris : à l’instinct.

Peu à peu les canons cessèrent leur cacophonie. Sur le pont les pirates étaient hors d’haleine. Certains étaient blessés à cause des galets ou simplement parce qu’ils ne s’étaient pas harnachés comme il le fallait. Bragan avait réfléchi au moyen d’immobiliser le géant et avait une solution qu’il exposa au capitaine.

- Faut le faire tomber en arrière avec le harpon en lui saucissonnant les jambes, le temps pour nous de lancer un sort d’immobilisation. Le sort va pas durer longtemps, faudra faire vite, expliqua-t-il.

- C’est parti ! Poukoooooos ! Harponne le géant !

Poukos qui avait parfaitement entendu l’ordre courut jusqu’à la proue et vérifia que le harpon tenait encore malgré la casse. Par chance il était intact. Il fit signe au capitaine qu’il était prêt. Al la Triste fit plonger l’Arc-Kadia dans un craquement de bois et de métal, la manœuvre n’était pas habituelle et demandait beaucoup d’efforts au navire. Poukos tira ! L'embout se ficha profondément dans du corail de la jambe du géant. L’Arc-Kadia fit un premier tour, puis un deuxième, il n’y avait plus à bord un morceau de corde. Armada avait compris la tactique et sur les ordres du capitaine elle alla chercher son nouveau joujou, tout juste fini, le Canon “Fin des Cieux”. Cet énorme conglomérat de tuyaux fuyait de vapeur et émettait des bruits assez peu rassurants. Armada visa le bas l’abdomen du géant et appuya sur la gâchette. Le machin siffla, cliqueta, puis le projectile en sortit dans un “Boum” assourdissant. tout se passa vite, le projectile s’éclata sur le ventre du géant et une multitude d’explosion eut lieu. Le géant ne put résister à la force de "Fin des Cieux" et se retrouva les fesses dans l’eau. Sonné le golem ne bougeait plus. Al la Triste stabilisa l’Arc-Kadia pour passer le relais à Bragan et les autres mages pirates. La glace recouvrit peu à peu le géant, l’immobilisant définitivement.

- C’est bon il bougera plus là, assura Bragan, mais je vais rester là pour maintenir le sort.

- Excellent ! Briscar, à toi l’barre. Approche-nous de cette chose, allons donc fouiller ce fameux Titan !

A bord c’était l'effusion de joie, les chapeaux volèrent.

- Ardranis t’viens avec moi.

Le Titan était en piteux état. Le bois vermoulu craquait à chaque pas d’Al la Triste. Ardranis n’était pas très rassurée le bateau pouvait s’écrouler à n’importe quel moment. Mais ça ne perturbait pas le capitaine qui admirait ce qu’il restait de cet illustre navire qui autrefois fut un valeureux opposant de l’Arc-Kadia. Les deux femmes arpentèrent les couloirs parfois difficiles à franchir et finirent leur parcours dans ce qui devait être la chambre du capitaine Hic. Il y avait un tas de choses cassées parmi lesquelles se cachait un vieux coffre recouvert de rouille. Alors qu’Al la Triste allait poser la main dessus Ardranis intervint.

- Non ! Y a de la magie qui émane de ce coffre.

L’Elfine chercha d’autres traces de magie et trouva dans un tas de métal rouillé une clé qui semblait correspondre. Elle confia sa trouvaille à son capitaine qui entra la clé dans la serrure. Sans aucun problème la clé tourna dans la serrure et après plusieurs claquements le coffre s’entrouvrit légèrement laissant entrevoir un mince fil de lumière. Le cœur d’Al se serra, enfin après tant de temps elle l’avait trouvé. Un bruit sourd se fit entendre, s’amplifiant très vite. Ardranis eut à peine le temps de voir la chose qui lui assena un coup magistral qui la fit voler à travers la pièce, s’écrasant dans des décombres. Le machin qui faisait face à Al la Triste ressemblait vaguement à une créature mécanique humanoïde à laquelle il manquait pas mal de pièces dont le bras droit. Le tout était très grossier mais suffisamment inquiétant pour représenter une menace sérieuse. Bien que fortement rouillée la créature mécanique agissait avec rapidité. Ce fut alors métal contre métal, Al la Triste attrapa le bras de son opposant avec sa main mécanique et le projeta contre un mur. Elle dégaina son pistolame et tira dans ce qui ressemblait vaguement à une tête. *Ping !* La balle ricocha et vint se ficher dans un des murs de bois du Titan. L’adversaire cliquetait de plus belle, le coup porté par Al la Triste avait cassé quelques rouages. Le capitaine para les coups et assenait des coups de poing avec rage.

- Mais t’vas crever raclure de fond de cale !!

La créature mécanique tenait bon, elle avait été construite pour résister et accomplir sa mission jusqu’à temps qu’elle soit désactivée. Ardranis avait rapidement récupéré, elle n’était que légèrement sonnée, s’en sortant avec une blessure à la jambe. La jeune Elfine ne s’avouait pas vaincue facilement. Elle analysa rapidement la situation. Al la Triste maintenait un statu quo avec la créature, mais elle s’épuiserait plus rapidement que la créature mécanique. Elle dégaina son sabre et incanta une attaque magique qui frappa la créature. Profitant de l’opportunité Ardranis enfonça la lame de son épée entre les rouages, provoquant alors une surchauffe. La créature vibra, tremblant comme un innocent rencontrant un pirate. Al la Triste repoussa la créature jusqu’à une des parois, attrapa sa tête et l’arracha alors qu’elle plaçait son pied sur la poitrine de la créature. Le pseudo crâne se détacha facilement et roula ensuite sur le sol. La mécanique s’arrêta et s’immobilisa.

- Bien joué ma p'tite ! Ca c’est d’la bagarre !

Ardranis répondit par un sourire gênée, elle avait toujours été intimidée par cette grande humaine. Le capitaine retourna au sujet principal de sa venue ici : le trésor de Hic. Cette fois rien ne l’empêcha d’ouvrir le coffre. Il était rempli de pièces, de cristaux, de bijoux et autres objets de valeur exceptionnelle ! Mais Al ne se focalisa que sur une seule chose. Au-dessus et bien visible se trouvait un collier dont le médaillon était un petit disque enchâssé d’une pierre bleutée dont émanait une faible lumière. Elle l’attrapa d’une main tremblante et caressa la pierre de sa main de chair. Elle se retourna, plaça le collier dans la poche de sa redingote et repartit vers l’Arc-Kadia.

- Sers-toi Ardranis puis occupe-toi de faire rapatrier le coffre à bord et que Klémence récupère les restes de l’automate. Je sais ce qu’il y a dans le coffre, je sais donc quelle doit être ma part.

Etrangement Al n’avait pas parlé avec son accent habituel.

- Vous allez où ?

- Je retourne à bord, qu’on me dérange pas.

Al la Triste claqua la porte de ses appartements. Elle souffrait de courbatures et la jointure entre son bras mécanique et son corps la faisait souffrir. Elle sortit d’un placard une bouteille d’alcool, celle des grandes occasions. Elle remplit sa choppe et s'affala à table. Le regard dans le vide elle sortit le collier de sa poche pour l’admirer. Elle leva sa chope.

- Père ! Je t’ai retrouvé.

Elle ingurgita la quasi totalité du breuvage, lorsqu’elle eut fini des larmes coulaient abondamment sur son visage. Perdue dans ses souvenirs elle songeait à son père et à sa disparition il y a bien longtemps. Sa rêverie s’acheva lorsque quelqu’un vint tambouriner à sa porte.

- Capitaine ! Capitaine, venez vite !

Elle sécha ses larmes et se leva péniblement. Derrière la porte P'tit mousse avait l’air paniqué.

- Qu’est ce que t’as ?

- On a quelque chose à vous montrer.

Al dévisagea P'tit mousse alors qu’elle le dépassait dans l’étroit couloir. Sur le pont tout l’équipage fixait l’horizon avec inquiétude. L’Arc-Kadia qui avait pris de l’altitude pour échapper au géant d’écume tanguait au rythme des bourrasques de vent. Briscar s’approcha d’Al et lui tendit une longue vue.

- Regardez par là-bas capitaine, dit-il en indiquant une direction.

Grâce à la longue vue améliorée par Klémence elle fut en mesure de voir avec netteté ce qui arrivait vers eux à grande allure. Un énorme navire volant aux voiles noires s’approchait de leur position. Elle l'examina consciencieusement, elle ne reconnut pas ces voiles ni le pavillon noir avec une spirale rougeâtre, mais comprit de qui il s’agissait lorsque le pavillon d’une main squelettique tenant un sabre fut hissé en haut du grand mat.

- Alors capitaine ?

- Alors nous avons de très sérieux problèmes, c’est la Dame noire du capitaine Palpegueuse. Vu sa vitesse, il vient pas nous saluer et on ne pourra pas le semer.

Al la Triste tendit la longue vue à Briscar.

- Tu vas devoir m'seconder mon vieux.

Le visage du pirate se crispa.

- Ne t’en fais pas dit-elle en montrant le collier au vieil homme. Mon père nous accompagne.

Briscar sourit et regarda le reste de l’équipage.

- Branle-bas de combat ! Chacun à son poste ! Klémence prépare Ekrou ! Armada remets les canons en fonction ! Sortez la grand voile !!!!


Noirs destins

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Chapitre 1 - Les éclats de Néhant

Dimizar était planté devant le miroir depuis plusieurs minutes et discutait avec celui qu’il nommait Néhant. Les plans étaient en route et jusque là tout se passait à merveille. Ishaïa n’était plus, créant une diversion durable aux néhantistes. A présent il leur fallait passer à l’étape suivante.

- Dimizar, par-delà les brumes des Confins, le Tombeau s’effrite. La magie faiblit et les démons peuvent à nouveaux sentir le lien.

- Cela veut-il dire qu’il faille que je vienne jusqu’à vous maintenant ?

- Non pas encore. Dis à Mâche l’âme d’aller jusque là-bas, un cadeau qui va changer à jamais le destin de nombreuses personnes attend.

Dimizar hésita, Mâche l’âme à présent soumis à sa volonté était un exécuteur parfait s’en séparer pouvait rendre vulnérable le manoir de Zejabel et surtout il pouvait être vu durant le voyage. Mais il ne pouvait se résoudre à désobéir.

- Très bien il partira dès que possible.

Sur ce, le miroir ne refléta plus que l’apparence normale du néhantiste. Non loin de là Masque de fer avait assisté à la scène avec suspicion, qu’il expliqua ensuite à son maître.

- Dites-moi, pourquoi je ne vois ni n’entend Néhant ?

- Bonne question apprenti néhantiste, peut-être parce que par moment tu doutes de moi ou tout simplement parce que ce miroir m’est lié ? Ironisa Dimizar en quittant le laboratoire.

Mâche l’âme était dans le jardin ou tout du moins ce qui devait ressembler à un jardin et s’amusait à terroriser les serviteurs esclaves du Manoir. Il sentit l'arrivée de son maître et s’arrêta à son approche.

- J’ai besoin de ces gens ! Tu m’en as déjà tué deux, un de plus et je vais me fâcher.

Le démon eut presque l’air triste.

- Tu vas quitter le manoir dès aujourd’hui, je t'envoie par-delà les brumes des Confins auprès de la prison du Maître. Il te dira ensuite quoi faire. Le portail démoniaque sera prêt ce soir.

Mâche l’âme connaissait la signification du portail démoniaque, il risquait son existence en passant par là car durant son transfert il pouvait croiser la route d’un autre démon qui pouvait s’avérer plus fort que lui. Mâche l’âme ne répondit pas.

- Ne serait-ce pas de la peur que je vois ?? Demanda Dimizar amusé. On a peur du gros méchant portail ? Hahaha, les démons m’étonneront tous les jours.

Mâche l’âme se reprit et gronda pour signifier son mécontentement.

- Oui tu as raison, un peu de sérieux. Prépare-toi, j’aurai fini à la tombée de la nuit.

Le soir venu tous les néhantistes présents au manoir s’étaient rassemblés pour voir le portail démoniaque. Celui-ci venait à peine de s’ouvrir formant un vortex noir tournoyant lentement. Il en émanait une puissante énergie néhantique. Mâche l’âme s’avança à reculons visiblement peu enthousiaste par la perspective de traverser cette chose. Hélas pour lui il ne pouvait désobéir sans craindre une réprimande guère différente. Il s’engouffra donc dans le portail, disparaissant aussitôt dans les Méandres.

Mâche l’âme eut l’impression d’être découpé par des centaines de lames, la souffrance même pour un démon était insoutenable. Il criait mais nul son ne sortait de sa gorge et à vrai dire il n’avait pas de gorge car il n’avait plus de corps. Il se sentait aspiré vers un lieu sans pouvoir choisir lui même le chemin à suivre. Il avait déjà oublié les Méandres où lui et ses congénères étaient enfermés depuis des années attendant le moment de la libération. Pour lui se fut une épreuve qui dura une éternité, le calvaire prit fin quand il chuta lourdement à plat ventre sur le sol. Ils se retourna, son corps le faisait souffrir bien qu’aucune blessure n’était apparente. Les douleurs passèrent vite et le démon se releva, regardant où il était arrivé. Ce paysage ressemblait étrangement aux Méandres à ceci prêt le ciel constellé d’étoiles. La terre sèche était fissurée et des blocs s’étaient soulevés. Devant lui majestueuse et tortueuse l’énorme pierre noire dans laquelle Néhant était enfermé depuis la fin de la dernière guerre. Celle-ci lévitait à quelques pas au dessus du sol, elle était retenue par de grosses chaînes plantées au sol par d’autres cristaux, plus petits et de couleurs différentes. Le démon s’approcha, comme attiré par la pierre. Une personne s’approcha de lui, un humain à l’apparence décharnée, claudiquant. Il serrait dans ses bras quelque chose d’emballé dans un linge noir troué. L’humain s’arrêta à la hauteur du démon et lui tendit l’objet.

- Prends, Démon, ceci est le recueil interdit permettant d'appeler Fournaise.

Bien que la bouche et la mâchoire de l’homme gigotaient, il semblait que la voix ne provenait pas de lui, elle résonnait autour de lui. Mâche l’âme sut alors que c’était Néhant qui s’adressait à lui. En signe de soumission il se mit à genoux et accepta le présent.

- Maître vous voilà de retour, libérez-moi de mon lien avec Dimizar je vous en prie.

- NON... je ne suis pas encore prêt, ma prison est encore trop puissante. J’ai encore besoin de ce serviteur tu devras lui être fidèle. Je ne vais pas pouvoir tenir ce corps longtemps j’ai autre chose à te dire. La pierre dans laquelle je suis enfermé s’effrite, libérant des morceaux de cristaux. Prends tout ce que tu pourras et confie-les à Dimizar en lui indiquant qu’ils sont des éclats de ma pierre, il saura quoi en faire.

Sur ce, l’homme s’écroula au sol mourant de soif et de faim. Mâche l’âme ne se priva pas d’un moment de cruauté et brisa la nuque de l’infortuné avant de se mettre à la récolte des éclats. Il en ramassa une bonne dizaine avant de faire le chemin inverse. A nouveau l’impression d’être percé de part en part et de flotter sans le moindre contrôle de la destination. Cette fois Mâche l’âme ressentit la présence d’autres démons. Avaient-ils perçu sa présence ou étaient-ils attirés par le recueil ? Aucun ne put se frayer un passage jusqu’à lui et il échappa à d’autres tourments. Le vortex se referma éparpillant tout ce que le démon portait. Se rappelant les avertissements il se reprit rapidement et s’interposa au milieu des cristaux.

- Ne touchez à rien ! S’exclama-t-il.

Dimizar fixa le recueil interdit avec grand intérêt. Il le reconnut pour en avoir vu une gravure dans un des nombreux grimoires de feu Zejabel.

- Explique-toi Mâche l’âme, qu’est ce que tu nous a ramené, dit-il en ramassant le recueil.

Le démon rassembla les éclats et les posa sur une table en prenant soin de ne pas laisser le moindre petit bout au sol.

- J’ai rencontré le Maître, il nous confie le recueil ainsi que ces cristaux. Il m’a dit de dire que ce sont des éclats de sa prison.

- Quoi tu as vu Néhant !? Demanda Masque de fer emballé par cette perspective.

- Pas étonnant, nous sommes des démons rajouta Ardrakar. Beaucoup d’entre nous l’avons déjà vu à l’époque de son règne.

- Ça suffit ! Coupa Dimizar. Des éclats de la prison ? Des éclats de Néhant ? Voilà qui change la donne. Masque, Ardrakar, allez donc me capturer un guerrier de Tantad, j’ai une expérience à mener. A présent, disposez j’ai à faire.

Chapitre 2 - Expériences

Quelques jours et un prisonnier plus tard il était temps pour Dimizar de faire ses premières expériences avec ces éclats de Néhant. Le guerrier de Tantad se transforma après qu’on lui eut greffé une des pierres démoniaques. Dimizar s’inspira des travaux de Marlok pour construire ce nouveau démon et le résultat fut à la hauteur de ses attentes puisque naquit ainsi Carkasse une créature de plus dans les rangs des troupes de Néhant. Mais Dimizar ne s’arrêta pas là et si ce premier test s’avouait concluant il souhaita passer à une autre expérience. Il était tombé par hasard sur un livre parlant de la Théurgie et des envoyés des dieux. Il convoqua Mâche l’âme et Ardrakar.

- Nous allons faire un petit voyage mes amis. Nous partons dans le lointain désert.

- Qu’allons nous faire  ? interrogea Ardrakar.

- Mes espions m’ont informé que des gens du désert sont arrivés à la pierre tombée du ciel. Leurs pouvoirs sont très différents de ce que je connais. J’aimerais voir ce que donnerait un éclat sur ce genre de personne.

- Un peu d’action ! S’exclama Mâche l’âme. Et cette fois pas de portail démoniaque !

Un sourire sadique apparut sur le visage de Dimizar.

- Tu te trompes, tu vas partir en éclaireur pour rejoindre un groupe de rebelles. Le désert d’émeraude est grand, autant chercher une aiguille dans une meule de foin. Cependant eux le connaissent bien et ils sont capables de trouver ce que nous cherchons.

Bien que le visage du démon était figé à jamais à cause de son visage immuable on pouvait sentir un désarroi immense émaner de lui.

- Je préférais presque les Méandres, siffla le démon.

- Ca peut s’arranger si tu préfères retourner dans ta prison, je suis sur que tes petits camarades te réserverons un très bon accueil.

- Très bien, inutile de me menacer. Il sera fait selon vos ordres.

- Bien laisse nous j’ai encore quelques mots à dire à Ardrakar.

Mâche l’âme quitta le bureau de son maître en marmonnant des insultes bien senties.

- Ne risquez vous pas d’avoir des problème avec ce démon seigneur ?

- Tu n’es pas totalement un démon et tu ne les connais pas assez encore, mais il est dans leur nature de toujours agir ainsi lorsqu’on leur donne un ordre, c’est très théâtral et c’est une façon pour un démon de sauver les apparences.

- Effectivement ça m’échappe totalement ce genre de chose. Que puis-je faire pour toi Dimizar ?

- Nous allons affronter un force importante, j’aimerais que tu fasses appel à Chimère noire. Nous ne sommes pas liés tous les deux, tu es venue de ton propre chef.

Ardrakar eut l’air satisfaite.

- Avec plaisir, je peux la faire venir quand je le désire, c’est là le cadeau que m’a fait Néhant.

- Alors préparons-nous.

Le voyage se fit à pied, puis en bateau jusqu’à la côte de Turquoise. Sur la plage les rebelles avaient monté un camp de tentes typiques de cette peuplade. Du départ du manoir jusque-là il s’était écoulé deux semaines ce qui permit à Mâche l’âme d’accomplir sa tâche. Les hommes du désert vinrent à la rencontre du néhantiste. Pour une fois il n’aurait pas à les soumettre à sa volonté, leur haine envers l’autorité et la vue d’une bonne somme d’argent lui assurait une bonne fidélité de leur part. Leur chef un homme de grande stature au regard vert accueillit les arrivants avec chaleur et les invita à prendre place autour d’un thé.

- Soyez les bienvenus mes amis, nous avons trouvé un de ces chiens priant le dieu soleil. J’ai des hommes qui le suivent en toute discrétion.

Un jeune servant servit le thé à la menthe bouillant.

- Vous savez, nous serions pas contre un peu d’aide afin de reprendre nos anciennes cités.

- Chaque chose en son temps, répondit Dimizar en acceptant le thé. Mais nous y penserons le moment venu.

Le silence se fit le temps de la dégustation. Dehors Mâche l’âme surveillait les environs, comme beaucoup des siens il ne craignait pas la chaleur qui en cette journée était particulièrement torride. Seules les ombres des cristaux d’émeraude apportaient un semblant de fraicheur. Le démon caressa la surface de l’un d’eux entraînant une légère modification de sa couleur.

- Trop de lumière ici.

Dimizar discuta de diverses choses et apprit entre autres que la plupart des membres de la guilde connue sous le nom de Nomades du désert avait quitté le royaume pour se rendre à la pierre tombée du ciel. Cela représentait beaucoup pour les rebelles car sans l’appui de cette guilde l’armée de Mineptra s’en trouvait moins impressionnante. Une nouvelle opportunité pour les néhantistes ? Pas pour le moment car Dimizar avait d’autres choses en tête à l’heure actuelle.

Le soir arriva, sonnant le début de la traque pour la petite troupe. La nuit, le désert reprenait vie. Les créatures sortaient de leur tanière et les plantes déployaient leurs feuilles pour capturer toute l’humidité possible. C’était le meilleur moment pour les déplacements dans le désert. Ils progressèrent rapidement jusqu’à un semblant de route.

- C’est la route qui mène à la porte du désert. Celui qui nous intéresse devrait arriver au levé du soleil. Nous pensons qu’il part rejoindre les siens, raconta un éclaireur. Cachons-nous.

- Ecoutez-moi, le but n’est pas de le tuer, je le veux en vie et entier. Ordonna Dimizar.

Et effectivement, alors que le soleil dépassait légèrement à l’horizon, un homme marchait vers eux. Il ne portait pas grand chose à part un pagne et des ornements. Il marchait en ne regardant que devant lui comme si sa conscience était ailleurs. Au moment où il passa devant eux, Mâche l’âme bondit à sa rencontre, rugissant de toute la frustration ressentie ces dernières semaines. Tsheptès ne se fit pas surprendre et esquiva la créature sans gros effort. Ardrakar s’élança à son tour, Chimère noire apparut par magie dans ses mains et asséna un coup magistral à son ennemi du plat de son épée. Celui-ci valdingua plus loin.

- Infidèles ! Hurla-t-il en se relevant, je vais vous détruire !!

Une aura flamboyante jaune apparut autour de lui et un rayon partit de ses mains en direction d’Ardrakar qui ne put l’éviter. L’ancienne chevalier dragon hurla de douleur mais ce ne fut pas suffisant pour la neutraliser. De son côté Dimizar en haut de la dune incanta de sombres sortilèges, hélas pour lui cette créature n’avait pas de pierre-coeur et semblait échapper à sa volonté. Il sentit qu’à l’intérieur de ce corps ce n’était pas l’esprit d’un humain, mais autre chose. Mais il avait bien d’autres tours dans son sac. Le combat s'accéléra et leur adversaire fut plus puissant que supposé. Il émanait de lui un réel pouvoir de destruction. Ardrakar était blessée, Mâche l’âme n’arrivait pas à toucher son adversaire. Enfin Dimizar cessa son incantation et le sort fusa, une lueur noire entoura Tsheptès et étouffa littéralement l’aura jaune, l’immobilisant totalement.

- Tu as un lien invisible n’est-ce pas créature du soleil ?

Ardrakar frappa sa tête du plat de son épée, il tomba alors inconscient.

- Attachez-lui les mains et emportez-le, nous repartons immédiatement.

Retour au manoir. Tsheptès était enchaîné par des lanières brûlantes qui perçaient le sol de la caverne. Il ne pouvait plus faire appel à Sol’ra car ici il ne ressentait plus sa présence. Pour la première fois de son existence il ressentait la peur, il ne comprenait pas ce que lui voulaient ces infidèles. Pourquoi ne l’avait-il pas tué ? Pourquoi le garder prisonnier ?

La réponse ne se fit pas attendre. Seul, Dimizar se présenta devant lui avec dans une main un des éclats de Néhant.

- A présent, Solarian, il est l’heure pour toi de comprendre que ta ferveur ne te sauvera pas de la volonté de mon maître.

Les yeux du néhantiste devinrent rouges en même temps qu’une aura rouge se propagea autour de l’éclat. Tsheptès tenta de se libérer de ses liens mais rien n’y fit, au contraire ceux-ci se resserrèrent et le tirèrent vers l’arrière. Dimizar, d’un geste violent enfonça profondément l’éclat dans la poitrine du prisonnier. La douleur qu’il ressentit n’était pas seulement physique, c’est l’essence même de sa nature qui était attaquée. C’était comme si un venin se répandait en lui, sa volonté vacilla, il se sentit devenir quelqu’un d’autre...

Ses liens disparurent alors qu’il se tordait de douleur. L’éclat s’incrusta profondément, il ne resta plus que l’autre extrémité visible au milieu de son plexus.

- Mais.. Que… m’avez-vous... fait ?

- Je t’ai offert une nouvelle vie. Je t’ai offert une pierre-coeur qui va faire de toi autre chose.

A présent l’énergie magique de Néhant se répandait partout en lui modifiant sa nature de Solarian, il se transformait intérieurement.

- Qui es-tu ? Demanda Dimizar.

- Je... Tsheptès ! répondit-il.

La réponse ne fut pas satisfaisante, il reposa la question en insistant plus.

- Qui es-tu !?

- Tsept... ès...

Dimizar l’attrapa par la gorge et le fixa dans les yeux.

- QUI ES-TU !??

- Je... Je suis le... Déchu.

Dimizar relâcha l’infortuné et le laissa finir sa transformation.


Chamanisme

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Ydiane zigzaguait entre les arbustes chétifs jetant de temps à autre un coup d’œil derrière elle, vérifiant de ne pas être suivie par un quelconque envahisseur nomade. Voilà plusieurs jours que la jeune femme surveillait l’activité des gens venus du désert et de la progression de la “pourriture”. Le Kei’zan avait fait en sorte que tous les membres de la Cœur de sève ainsi que leurs alliés d’autres guildes puissent voir l’invisible. Ce matin un évènement important l’alerta. Le sol se craquelait de partout autour de la pierre et des morceaux commencaient à s’élever doucement. Elle perçut là un danger imminent et se mit à courir en direction de la forêt Eltarite.

Elle arriva le soir même, exténuée et fatiguée. Marque-rouge qui gardait le campement alla à sa rencontre, regardant si nul ennemi ne s’approchait.Elle tomba à genou.

- Respire, t’es arrivée Ydiane. Pourquoi courrais-tu ainsi.

- C’est, c’est incroyable. Dit-elle haletante. La terre autour de la pierre tombée du ciel, elle se désagrège !

Parlesprit s’inclina au dessus d’elle en inclinant la tête.

- Puis-je voir ce que tu as vu je te prie.

- Oui, oui.

Le Daïs concentra sa magie et perça la barrière psychique d’Ydiane, capturant ses souvenirs il vit à son tour les désastres provoqués par les Nomades. Il partagea mentalement cette information avec les autres Daïs présents dans la forêt Eltarite. Le Kei-Zan qui n’était pas dans le camp avec les autres répondit de suite.

- Mon frère, ceci est un atteinte à Guem, nous ne pouvons plus rester inactif face à cela. Que la Cœur de Sève rejoigne la clairière des esprits, je vous y retrouverai, le temps de prévenir les chefs de clan.

- Très bien, nous nous mettons en route.

Parlesprit laissa Ydiane se reposer, le temps pour lui d’expliquer la situation à ceux de leurs alliés qui étaient restés ici.

- Je me dois de vous avertir que la situation se dégrade rapidement. Les Nomades s’attaquent à présent à la terre en elle-même. La Cœur de Sève doit se réunir d’urgence au plus profond de la forêt. Hélas nul étranger ne peut fouler ce lieu. Je vous engage à chercher des solutions de votre côté.

- Je vais rester ici pour vous attendre et attendre les nouvelles des Envoyés de Noz’Dingard, dit Alishk qui n’avait rien raté de la discussion.

- Merci Draconien.

- Revenez-nous avec de bonnes nouvelles, c’est tout ce qui importe, commenta Sangrépée qui décidément se plaisait bien ici.

Parlesprit se tourna vers les siens.

- A présent Cœur de Sève en route.

En quelques minutes le campement se vida des Eltarites et autres bêtes composant cette guilde.

De son côté, le Kei’zan concentrait ses efforts à analyser la situation le plus précisément possible. Hélas après plusieurs jours de recherches et de réflexions il s’avouait incapable de comprendre comment contrer ces Nomades. Il y avait bien ce rituel créé par les Draconiens qui donnait quelques pistes. Il comprit par exemple que leurs pouvoirs leurs étaient accordés par leurs dieux et que créer une barrière entre les deux parties était une solution envisageable mais extrêmement coûteuse en magie. Il se rappela alors des croyances ancestrales de son peuple. Alors que l’Arbre-monde était majestueux et fort, les Hom’chaï et les Elfines seraient venus d’un lieu très lointain, si lointain qu’il est supposé être ailleurs que sur Guem. Le raisonnement qu’il eut ne fut motivé que par un pessimisme important vu les derniers évènements et son instinct. Le Grêlé était parti depuis plusieurs semaines et il n’avait plus aucune nouvelle de lui indiquant un échec probable de l’expédition des Confins. Cet état d’esprit ne lui était pas venu depuis l’explosion de l’Arbre-Monde. Et si en fin de compte tout cela n’était que le signe que le temps de leur présence sur les terres de Guem était fini ? Le Kei’zan tenait fermement la gemme verte, graine de celui qui l’enfanta, à l’intérieur une petite racine y était figée.

“Je ne peux pas te redonner vie sur cette terre qui risque de mourir,” pensa-t-il.

Il lui fallait en savoir plus sur l’histoire des Hom’chaï et des Elfines il entreprit de gagner la clairière des esprits, lieu où vivait la tribu des gardiens des totems. Celle-ci avait une particularité importante, elle était composée en grande majorité d’Hom’Chaï non pas par choix mais simplement car elle rassemblait les valeureux chamans, Hom’chaï capables de parler aux esprits.

A peine arrivait-il dans la clairière, qui depuis le temps était devenu un village florissant au milieu de la forêt, qu’il fut aussitôt accueillit par celui qu’il était venu voir, Parleroche.

- Entre Kei’zan, laisse de côté tes doutes et tes craintes et ouvre ton esprit. Dit-il en le conviant à passer l’entrée du village où deux totems de part et d’autre de la route indiquaient aux voyageurs que la route finissait là.

Il y avait dans ce village des odeurs de plantes aux senteurs incroyables. Le Daïs fut impressionné quand à la présence importante de magie ambiante, ici il se sentait en paix. Parleroche ne prononça pas un mot jusqu’à ce qu’ils aient parcouru tout le village et se retrouva sur une colline surplombant les lieux. L’Hom’chaï s’affala dans l’herbe grasse et paisible.

- Voilà longtemps que nous ne nous sommes pas vu Kei’zan.

- C’est vrai, mais le temps est venu pour moi de décider ce que va être l’avenir des Eltarites. Que peux-tu me dire de l’origine des Hom’chaï et des Elfine ?

Parleroche sortit un bol de pierre d’un sac en peau et y versa quelque plantes avant de créer quelques flammes pour les brûler.

- Ce que je vais te raconter est ce que nous nous transmettons entre gardiens des esprits depuis toujours. Je ne prétends pas que cela soit la vérité car il est probable qu’au long des âges, la vérité soit devenue légende. Nul à part les nôtres ne connaissent cette histoire car elle reste pour nous synonyme de honte et d’un passé désormais trop lointain.

La fumée s'échappant du bol s’enroula et prit l’apparence d’un serpent, tournant autour des deux Eltarites.

- Il y eu jadis une civilisation qui domina les terres de Guem. C’était bien avant l’apparition des hommes, bien avant la grande Érosion. Ce peuple farouche et cruel asservit les autres avec facilité, détruisant de fabuleuses cités, annihilant des civilisations entières. On les appelaient Eltarites, ce qui donna le nom de notre civilisation regroupant Hom’chaï, Elfine et Daïs. Nul ne sait vraiment à quoi ressemblaient ces créatures. Il ne restait plus qu’un obstacle à leur suprématie, les Daïs.

La fumée s’entortilla de plus en plus et prit alors une apparence en fonction de se que racontait Parleroche.

- Ces Eltarites entreprirent la conquête de la forêt et une guerre sauvage éclata entre les deux peuples. Cela scella le sort de cette civilisation. L’Arbre-Monde de sa toute puissance les a alors punit. Il les sépara en deux créatures distinctes, les Hom’chaï et les Elfines. Tout changea. Désormais ces créatures vivraient dans la forêt, oubliant peu à peu leur passé de conquérant. Il y a beaucoup de manque dans cette histoire, mais de là découle ce que nous sommes. Chaque Hom’chaï à quelque part un ou une Elfine qui le complètent, souvenir de ce que nous étions. Nous sommes sûrs que nous pourrons un jour retrouver notre unité et que pour cela il faut tirer les enseignements du passé. Mais tout cela n’est qu’une légende.

Le Kei’zan n’avait jamais entendu parler de cette histoire et en fut très étonné, lui qui dirigeait les Eltarites depuis bien longtemps.

- Je comprend mieux certains faits, les autres Daïs m’ont-ils caché cette histoire délibérément ?

- Non Kei’zan, pour éviter tout problème quand à notre intégration, l’Arbre-Monde a fait en sorte que les Daïs oublient le passé pour se focaliser sur l’avenir.

- Si l’Arbre-Monde a fait cela pourquoi m’en parles-tu aujourd’hui, risquant le réveil de ce souvenir ?

- Parce que c’est le moment.

- Et ces Eltarites là, venaient-ils d’ailleurs ?

- Je ne sais pas, mais il doit rester quelques part dans les terres de Guem des restes de ce que nous étions et notre passé.

- J’espérais une autre réponse, de ce que j’avais entendu les Hom’chaï seraient venus d’un autre lieu que les terres de Guem.

- Hélas Kei’zan je n’ai que ces réponses à te donner, dit Parleroche en retournant le bol pour étouffer le feu.

- Dans ce cas nous sommes perdus, les envahisseurs venus du désert vont briser les terres de Guem et pour nous ce sera la fin...

A ce moment là Parlesprit s’adressa à lui et lui conta les derniers évènements. Pour le Kei’zan il ne restait plus qu’une chose à faire en tirant les leçons du récit de Parleroche.

- Mon frère, ceci est un atteinte à Guem, nous ne pouvons plus rester inactif face à cela. Que la Cœur de Sève rejoigne la clairière des esprits, je vous y retrouverais, le temps de prévenir les chefs de clan.

- Que comptes-tu faire Kei’zan ? - Des bouleversements ont déjà lieu. Autrefois l’Arbre-Monde a arrêté l’inarrêtable, à nous de nous montrer digne de son héritage. Pour vous Hom’chaï et Elfine, il est temps de lutter pour atteindre ce que vous cherchez : l’unité. Je ne dis pas que ça sera facile ni que ça sera rapide, bien au contraire, mais nous sommes au tournant d’un aube nouvelle pour les terres de Guem.

Parleroche eut l’air satisfait de la réponse.

- Je vais écouter les esprits et délier leurs langues.

Alors que le Kei’zan convoquait un à un les différents chefs des tribus Eltarites, Parleroche lui se rendait sur le lieu qu’il préférait. A l’écart de la clairière des esprits se trouvait un lieu mystique hors du temps où seuls les chamans avaient l’autorisation de se rendre. Sous le ciel étoilé d’une nuit sans nuage, plusieurs totems gravés de symboles tribaux brillaient doucement signe de la présence d’esprits. L’Hom’chaï posa la main sur le premier d’entre eux.

- Piar, oiseau esprit du totem qui voit tout, entend mes paroles.

A ce moment là, les lumières s’intensifièrent et apparut perché au sommet du totem une oiseau bleu-nuit. Parleroche alla faire de même au totem juste à côté.

- Akem, félin esprit du totem guerrier, entend mes mes paroles.

De même le totem s'illumina et apparut un félin à dent de sabre, lui aussi de couleur bleu-nuit. Il termina par le troisième totem.

- Ghalagi, lézard esprit du totem mystique, entend mes paroles.

Alors un lézard à la peau bleu apparut à son tour sur le haut de l’antique sculpture.

- Nous entendons tes paroles chaman. Mais avant de continuer sache que le monde des esprits est perturbé nous subissons ce que subit les terres de Guem, expliqua Ghalagi avec une voix triste.

- Dans ce cas vous serez d’accord pour intervenir sur le destin de notre monde.

- Nous n’aurions pas répondu si c’était pas le cas ! Rugit Akem.

- Et toi Akem, que vois-tu dans notre avenir, retrouverons nous l’unité ? Les envahisseurs remporteront-ils la guerre ? Interrogea Parleroche avec inquiétude.

- L’avenir n’est pas figé il est dans un mouvement perpétuel, une chose est certaine les bouleversements vont avoir lieu, annonça Piar.

- Une guerre est inévitable, mais nous seront prêts, vous serez prêts !! Hurla Akem.

- Le Kei’zan est l’une des clés de l’histoire Parleroche. Il devra faire un choix important pour son peuple. Transmet-lui ce message, rien n’est perdu, tout peu recommencer. Dis-le lui.

A ce moment les esprits s'effacèrent par magie, regagnant leur monde invisible. Parleroche était troublé. Qu’allait-il se passer sur les terres de Guem pour que les esprits d’habitude si énigmatiques et détachés répondent ainsi ?

Parleroche s’en retourna au village et alla transmettre immédiatement le message des esprits à son destinataire. Le Kei’zan ne put s’empêcher de pense à la graine de l’Arbre-Monde, il avait tout essayé pour la faire germer mais rien n’y avait fait.

“Que faire ?” se demanda-t-il.

A travers le désert

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Mouktar avait passé plusieurs jours à voyager dans le désert. Le message qu’il apportait était d’une importance capitale et il ne s’était arrêté que pour se reposer quelques heures lorsque nécessaire. Enfin il passa les deux gardes de sable de la grande porte de Mineptha capitale du royaume des sables. S’excusant auprès de la population il poussa sa monture jusqu’au palais royal. Ce dernier était le cœur de la cité. Les immenses statues des rois passés regardaient, figées pour l’éternité, le peuple qui était leur autrefois. Mouktar tomba à genoux devant un garde, soufflant comme un bœuf.

- J’apporte... un message très important en provenance d’Aksenoun. S’il vous plait dites au fils du Soleil que son serviteur qui entend et voit pour lui est là, dit-il au rythme des fortes respirations.

Le garde examina le badaud avec dédain.

- Qu’est-ce qui te fait penser que le dieu du désert voudra bien te recevoir ? Allez, dégage et qu’on te revoit plus.

Mouktar se releva et plongea ses yeux dans ceux du garde.

- Sais-tu ce qu’il en coute à ceux qui se dressent devant le scorpion blanc de Selik ?

Le nom parut provoquer une prise de conscience. Le garde observa mieux son interlocuteur et remarqua le morceau de tatouage qui dépassait de son bras, deux pinces d’un scorpion blanc, la marque des espions du roi. Immédiatement le garde attrapa Mouktar par le bras et le fit avancer par la porte du palais.

- Excusez-moi, il est très rare de voir des gens comme vous. Je vous conduis à la salle d’audience du dieu du désert.

- Ne vous inquiétez pas cette histoire restera entre nous.

Un peu plus tard Mouktar se rassasiait un peu avec quelques dattes et son outre d’eau lorsque les portes de la salle s’ouvrirent avec fracas.Apparut un homme jeune à la beauté ravageuse. Chacun de ses bijoux était une œuvre d’art et n’était pas porté au hasard, formant une harmonie avec le reste de son physique. Mouktar reconnut immédiatement le prince Metchaf, héritier de la couronne du royaume des sables. Il posa ce qu’il tenait et s'aplatit au sol comme le demandait le protocole en présence d’une personne aussi illustre. Le prince alla jusqu’aux trônes où il s’assit à la place de son père.

- Je t’écoute fidèle de Selik, tu viens d’Aksenoun n’est-ce pas ?

Relevant la tête mais restant à genoux Mouktar prit la parole.

- Je viens bien d’Aksenoun. J’apporte de bien mauvaises nouvelles fils du dieu du désert.

Le prince eut l’air anxieux, il y avait à Aksenoun celle qui faisait battre son cœur et qui plus tard deviendrait la reine du désert. Mouktar reprit.

- Les rebelles ont investi la ville d’Aksenoun et ont noué des contacts avec des politiciens importants. Il apparaît que le jugement de l’Aïf Salah Mehdir n’est plus aussi dévoué à sa majesté. Les rebelles, profitant du départ des Nomades pour des terres lointaines, se sont renforcés. Leurs rangs se voient gonflés de nouveaux partisans et de nouveaux alliés sont apparus.

- Je sais les informations des fidèles de Selik fiables, mais as-tu des preuves de ce que tu avances ?

Mouktar attrapa sa besace et en sortit des vêtements ensanglantés.

- J’ai intercepté un messager rebelle partant d’Aksenoun et qui comptait se rendre à Sefka pour négocier des conditions de rébellion de la ville.

- Le fou ! Coupa le prince.

- Voyez par vous même.

Mouktar renversa sur le sol divers objets d’or et en apporta un au pied du trône avant de s’en éloigner. Le Prince se pencha et au moment où il reconnut l’objet il explosa.

- QUOI ! Comment se permet-il d’offrir des bijoux offert par mon père à ces chiens !!?? Que fait le prêtre de Sol’ra d’Aksenoun est-il incapable de voir cela ??

- Je crains, prince, qu’il ne soit enfermé dans son temple de peur d’un assassinat.

Le prince s’approcha de Mouktar.

- Tu as bien servi tes maîtres, je te laisse les autres objets pour les scorpions blancs de Selik. A présent j’ai à parler avec mon père.

Le voyageur ne se fit pas prier pour repartir vite emportant son butin.

Metchaf ne tarda pas à rapporter ces nouvelles à son père. Il retrouva le roi du désert dans les jardins du palais. Il y faisait humide et bon, les palmiers apportaient de l’ombre et le bassin d’eau était recouvert de plantes d’eau. Le roi du désert était installé sur un banc, caressant l’un de ses nombreux chats au pelage incroyable.

- Tes pas sont bien pressés, fils ?

- Ils le sont père. Un scorpion blanc de Selik vient d’arriver. Aksenoun est en proie à la rébellion et à la remise en cause de votre autorité.

- Un scorpion blanc ? Aksenoun se rebelle ? Je vois. Alors fils que vas-tu faire pour sauver cette situation qui semble préoccupante ?

Metchaf comprit à cet instant que son père le mettait à l’épreuve. Le temps de venir jusqu’aux jardins il avait eu le temps d'échafauder quelques plans.

- Il est important d’être ferme, mais l’absence des Nomades est un frein à notre puissance. De même, envoyer l’armée risquerait de provoquer des pertes inutiles. Je crois l’Aïf d’Aksenoun influençable je crois que sa foi en Sol’ra et donc en vous père n’est plus assez forte.

- Et que comptes-tu faire pour renforcer sa foi ?

- Il va me falloir Shrikan ! Répondit fermement le prince.

- Shrikan ? Cela fait longtemps que nous n’avons pas fait appel à lui.

- Oui père, mais il va me servir de faire-valoir pour montrer à tous ceux qui doutent en vous qu’il n’y a que deux issues pour eux : la mort ou la fidélité.

- Ainsi en as-tu décidé. Prends garde à toi, bien que Shrikan soit un moyen d’arriver à tes fins, les rebelles ne l’entendrons pas ainsi, je ne tiens pas à te perdre.

- Mais père Sol’ra guide mes pas et ma main, il ne peut rien m’arriver !

Le roi du désert posa sa main sur l’épaule de son fils.

- Va et fait honneur à ton rang et à ton sang.

Le lendemain, le prince Metchaf alla au temple de Sol’ra de Minepthra où il fut reçu “en grandes pompes” par les prêtres. Celui qui assurait le commandement en lieu et place de Ïolmarek invita le prince à la prière matinale. Ce dernier accepta bien volontiers, montrant ainsi que la famille royale était toujours impliquée dans la vie religieuse du désert.

Une fois fini le prince demanda à Okthan de le suivre dans un endroit plus isolé.

- Prince, puis-je vous être utile en quoi que ce soit ? Demanda le prêtre.

- Par ordre du fils de Sol’ra, roi du désert, Shrikan doit m'être remis en l’instant.

- Shri.. Shrikan ?? Seigneur, il y a une punition de dictée par le fils de Sol’ra ?

- Oui, amène-moi jusqu’à lui.

Le prêtre ne posa pas d’autres questions car il n’avait pas le droit de discuter les ordres de la famille royale. Il se contenta donc de conduire le prince où il voulait. Il s’enfoncèrent là où la lumière du jour n’éclairait plus et seules les flammes de quelques torches indiquaient le chemin à suivre. Cette partie du temple était réservée aux secrets et à ce que les prêtres ne souhaitaient pas voir à la portée de tous. Okthan marcha lentement pour ne pas perdre le Prince dans ce dédale, il s’arrêta devant un porche. De l’autre côté il n’y avait que les ténèbres. Metchaf ressentait comme un malaise indicible.

- Pour éviter le moindre problème nous l’avons enfermé loin des rayons de Sol’ra, argumenta le prêtre.

- Bien, mais faites vite, je ne tiens pas à rester ici.

Okthan avança dans la noirceur et alluma une à une les torches d’une petite salle. Au milieu de celle-ci, posée sur une stèle se trouvait une jarre blanche peinte d’un symbole de Sol’ra, un soleil d’or stylisé.

- Voilà Shrikan, prince.

Metchaf tourna autour de la jarre l’air circonspect.

- Alors c’est ça Shrikan ? Il ne m’a pas l’air aussi dangereux que sa réputation le prétend.

- Les apparences sont trompeuses mon prince, et ce n’est pas l’extérieur qu’il faut juger, mais l’intérieur. Je vais vous montrer. SHRIKAN ! Réveille-toi et viens rendre hommage au fils du roi du désert !

La jarre se mit alors à vibrer, une fumée ocre s’en échappa lentement en tourbillonnant. L’ensemble prit la forme d’un génie, une créature dont parle les légendes.

- Un djinn ! S’exclama le prince.

- Djinn ?? Où vois-tu un djinn jeune prince ? Je suis Shrikan et comme toi je suis un Solarian !

- Ah ? Je suis un Solarian ?? Interrogea Metchaf avec étonnement.

- Ceci est une longue histoire mon prince, répondit Okthan.

- Oui prêtre raconte-lui comment j’ai été enfermé dans cette jarre ! Comment moi créature de Sol’ra on m’a sorti du corps de mon élu ! Dit-il avec colère.

- Tu auras tout le temps de me raconter ça durant le voyage jusqu’à Aksenoun, Shrikan, mais sache que ton histoire m’intéresse, ainsi que tout ce qui touche aux Solarians.

- Shrikan, je t’ordonne de retourner dans ta jarre ! s’exclama Okthan.

Immédiatement et dans un processus inverse, Shrikan se retrouva de nouveau dans sa prison.

- Il vous écoutera car il ne peut en être autrement. Il est important de garder à l’esprit qu’il doit être retenu par cette ancre physique, même s’il vous supplie, ne lui accordez pas sa liberté.

Le prince n’écouta que d’une oreille les recommandations, il s’empara de la jarre et quitta le temple sans délais.

La traversée du désert fut l’occasion pour les deux compagnons d’en apprendre plus l’un sur l’autre. Le prince prit connaissance de l’histoire, plutôt tragique de Shrikan. Il fut durant les guerres de religions un guerrier divin se battant pour la suprématie de la déité. Hélas au cours d’une bataille il s’est retrouvé face à l’incarnation d’Hadjib, le dieu des créatures terrestres. Ce dernier sépara le corps de celui qu’avait choisi Shrikan, de sa forme originelle telle qu’il est aujourd’hui. L’incarnation l’emprisonna dans une jarre, le condamnant à la servitude. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais Shrikan, sous les ordres de l'incarnation dut combattre les partisans de Sol’ra et ce jusqu’à la défaite des polythéistes.

- Et pourquoi ne faut-il pas te libérer ? Demanda le prince à la faveur du campement d’un soir.

- Si on me libérait je risquerais de ne plus me contrôler. Nous avons besoin d’un corps pour nous retenir. La jarre me retient, du moins pour le moment.

- Tu dis aussi que je suis un Solarian, pourtant je ne ressens rien par rapport à l’habitude.

- Cela viendra en temps voulu, nous pouvons mettre longtemps avant de nous manifester. Mais sache que tu es bien une part de Sol’ra.

Le lendemain matin le prince fut réveillé par Shrikan.

- Réveille-toi, nous avons de la visite. Ils sont pleins de mauvaises intentions à notre égard. Dit-il en montrant une direction.

Le prince attrapa ses armes et se mit en garde. Trois hommes armés apparurent alors en haut d’une dune. Leurs visages étaient cachés par un turban. Ils n’avaient pas l’air de brigands car leurs tenues étaient faites d’étoffes de qualité.

- C’est ainsi que l’on m’accueille... Je vois que la nouvelle de ma venue à Aksenoun s’est vite répandue.

Les agresseurs ne répondirent pas, se contentant d’engager le combat avec le prince. Hélas pour eux Metchaf avait suivi les meilleurs enseignements en matière de maniement des armes. Appuyé par Shrikan, les infortunés ne firent pas le poids. Deux d’entre eux tombèrent vite sous les coups du prince et de son allié. Le dernier voyant la situation tourner à son désavantage, lâcha son arme et tomba à genoux, priant le prince de faire appel à sa pitié.

- Pitié ? Pourtant tu es venu me tuer, chien de rebelle !!

Le prince eut alors une idée.

- Enlève tes vêtements ! Dit-il en plaçant sa lame sous la gorge de l'homme.

Tremblant de peur l’homme du désert se défit de ses habits et se retrouva désormais la peau nue sous le soleil brûlant.

- Qui t'envoie ?

- C’est l’Aïf d’Aksenoun ! répondit-il sans hésitation.

- Tu mens ! Coupa le génie.

Shrikan prit la tête entre ses mains et ferma les yeux.

- Je vois un homme habillé de noir des pieds à la tête, il est grand et ses yeux sont verts comme les cristaux qui parsèment le désert. Il a l’air d’être leur chef.

- Bien nous avons une cible. Partons ! Quand à toi, chien, tu vas brûler sous les rayons de Sol’ra, peut être survivras-tu.


Aksenoun n’était pas très loin. Le prince et Shrikan arrivèrent à la fin de la journée en vue de l’imposante cité. Metchaf s’habilla avec les vêtements pris sur l’homme du désert et passa un peu plus tard l’entrée de la ville. Aksenoun était vraiment l’un des joyaux du désert. A l’inverse de Minepthra elle n’était pas constituée de maisonnettes éparpillées autour d’un palais, mais d’un conglomérat de bâtisses agglutinées autour du palais de l’Aïf.

- Reste plus qu’à trouver ce meneur.

Les rues d’Aksenoun étaient occupées par des étalages des marchands, vendant mille merveilles venant des quatre coins du désert et de plus loin. Il y avait beaucoup de monde à ce moment-là de la journée car la fraîcheur arrivait doucement au fur et à mesure que la nuit tombait. Le prince observait les gens tout en évitant les gardes de la ville susceptibles de lui amener des problèmes.

Après avoir fait un premier tour de la ville un homme l’accosta.

- Te voilà ! Qu’est-ce tu fait ? On t’attend et toi tu prends du bon temps ?? Alors vous l’avez eu ??

Le prince rentra dans le jeu immédiatement et se glissa dans la peau de son agresseur.

- Oui, oui, on l’a eu, amène-moi à lui je vous raconterai.

L’homme regarda autour de lui et fit signe au prince de le suivre. Ils allèrent alors dans le palais même de l’Aïf. les rebelles avaient poussés le vice jusqu’à s’être installé dans l'emblème même de l’autorité et ça le prince ne pouvait laisser cela impuni. Le quartier général des rebelles se trouvait dans les geôles, vidées pour l’occasion. Il y avait là plusieurs dizaines d’hommes armés dont leur chef, homme de grande taille aux yeux verts remettaient en place quelques récalcitrants. L’homme qui accompagnait Metchaf bouscula ceux qui se trouvaient sur son passage et se fraya un chemin jusqu’au chef.

- Voici l’un de ceux envoyé tuer le prince.

- Ah ! Alors ? Raconte, l’avez-vous égorgé et laissé son corps en proie au vautour ?

- Oui seigneur, nous l’avons trouvé, puis tué, mais il a eu raison des deux autres.

- Mort pour la cause ! Mais c’est parfait.

L’homme en noir s’avança jusqu’à une des cellules.

- Tu vois ma chère, ton beau prince n’est plus, ton père est sous ma coupe, le roi du désert ne pourra longtemps faire la sourde oreille à nos revendications.

“Je comprend mieux, cet homme retient la fille de l’Aïf, je dois agir” pensa le prince. Il profita alors que le chef de la rébellion soit de dos pour frapper. “Décapite la tête et le reste suivra”. Avec rapidité il dégaina une lame, attrapa par derrière la tête du chef et sectionna d’un coup sec sa gorge. Le sang coula abondamment alors que l’homme en noir tombait à quatre pattes en tenant sa blessure. L’assemblée était abasourdie, mais par sûreté Shrikan apparut pour s’interposer. Certains prirent la fuite devant la mort du chef, d’autres décidèrent qu’il fallait intervenir et se venger de cet affront fait à la rébellion. Le combat s’engagea à dix contre deux. Les coups s’échangèrent, les lames s’entrechoquèrent. Shrikan garda un œil sur le prince, soignant les blessures de ce dernier au fur et à mesure. D’autres hommes arrivèrent, cette fois il s’agissait de gardes du palais, probablement corrompu par l’esprit de rébellion. Si bien qu’en fin de compte les deux Solarians furent vite surpassés en force. Metchaf sentait au fond de lui de la colère et une puissance nouvelle. Autour de lui des flammes de lumière apparurent, brûlant les vêtement de l'impie. Des ailes apparurent dans son dos. Ses kopechs, épées à la lame arquée fendirent plusieurs individus. A présent il ne restait que les gardes, nombreux et mieux armés. Metchaf qui n’était plus vraiment le même sentait que la situation pouvait leur être fatale et fit ce qu’il ne fallait pas faire mais qui était la seule issue valable.

- Shrikan, au nom de Sol’ra je te libère !

Aussitôt les chaînes qui liaient le djinn à sa jarre tombèrent au sol. Son aspect changea pour devenir proche de celle d’un homme.

- Enfin !! Larves je vais vous réduire en cendres !

Il fit alors pleuvoir la colère de Sol’ra sur ses ennemis, des traits lumineux partirent dans tous les sens, si bien qu’à la fin aucun d’entre eux ne resta en vie lorsque la bataille prit fin. Les sanglots d’une femme étaient désormais les seuls bruits perturbant les lieux. Metchaf blessé reprit son apparence “normale”, quand à Shrikan il marqua une pause avant de taper dans un corps avec rage.

- Infidèles, vous serez détruits rejetons de Guem ! Rien ne me retiendra désormais !

Metchaf chancelant s’approcha de son nouvel ami après avoir ramassé les bracelets-chaînes. Sans crier gare il les referma sur les poignée du djinn.

- Que... pourquoi me faire ça ?

- Soigne-moi et retourne dans ta jarre.

Shrikan reprit son aspect de génie et exécuta l’ordre de son “maître”, puis le prince alla délivrer celle qui était pour lui sa future reine.


Cette histoire fit vite le tour du désert et partout on raconta la légende du Prince, du Djinn, de la fille de l’Aïf avec un message fort : celui qui s’écarte du droit chemin sera châtié par la mort.

A l’horizon d’une aube nouvelle

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Chapitre 1 - Initiation

La roulotte aux couleurs chamarrées s’arrêta devant le chapiteau noir et violet des combattants de Zil. Elle était conduite par une jeune femme rousse vêtue d’une grande veste à queue de pie. Après un rapide coup d’œil pour voir si personne n’était sur son chemin elle sauta avec agilité et par réflexe elle tendit les bras vers le ciel comme si elle était dans un spectacle face à un public.

- OH EH !! Les Zil !!!

La tête de Kriss dépassa entre les deux morceaux de l’épais tissu de la porte.

- Tiens, une revenante ! Dit-il en souriant. Entre donc !

Il tira la jeune femme par le bras et la poussa à l’intérieur. Les autres combattants de Zil accueillirent la jeune femme avec beaucoup de joie et pour cause elle était l’une des leurs. Abyssien écarta la petite troupe pour avoir le champ libre. Il s’approcha, la mine grave, de l’arrivante, cette dernière se demandant alors ce qu’il se passait. Puis par surprise le chef la serra dans ses bras.

- Je suis très content que tu sois de retour, dit-il non sans verser une larme.

- Gnemenieu... T’fais mal !

- Oh, pardon.

Abyssien lâcha la jeune femme.

- Alors Farouche ton année initiatique a-t-elle porté ses fruits ?

- Oui monsieur, j’ai beaucoup appris. J’ai ramené ce que vous avez demandé. C’est dans la roulotte. Vous me direz ce que vous voulez en faire ?

- Excellent ! Oui ça te concerne de toute façon. Répliqua Abyssien en sortant du chapiteau.

Farouche se retrouva de nouveau noyée dans la masse des Combattants de Zil qui la félicitait et lui souhaitait la bienvenue. Ce fut aussi l’occasion pour elle d’être présentée aux nouveaux combattants comme Kolère ou Sombre. Salem fut ravie de voir la fameuse petite protégée d’Abyssien.

- Il T’A BIen cAché le COquIN !

- Tu as bien grandie observa Sangrépée, t’es vraiment mignonne,Abyssien est fou de t’avoir laissée seule sur les routes.

- J’étais pas vraiment seule, puis j’ai vécu quelque temps dans la Maison. Quel endroit terrifiant !

La maison dont parlait Farouche était l’ancienne demeure d’Artrezil. Le mage laissa à Zil cet héritage, mais qui n'intéressa pas le guémélite de l’ombre outre le fait que la maison pouvait servir d'entrepôt. La réputation des lieux n’encourageait personne à venir la visiter car on la disait hantée, ce qui était loin d’être faux. L’esprit d’Artrezil errerait encore dans sa maison.

- Qu’est-ce que t’es allée faire là-bas ? Demanda l’Elfine.

- Elle est allée chercher ceci ! Répondit Abyssien afin que tout le monde l’entende.

Le chef se plaça au centre de la piste. Soriek qui l’accompagnait posa une grosse cage recouverte d’un tissu à côté de lui.

- Votre attention à toutes et à tous ! Mettez vous en cercle autour de moi !

Ecoutant leur chef les Zil se mirent en cercle le long de la piste.

- Ce à quoi vous allez assister n’est pas courant. Ceci est une initiation, une étape pour nous. Mes amis, aujourd’hui nous sommes à l’horizon d’une aube nouvelle. Farouche ! Approche ma petite, n’aie pas peur.

Farouche, surprise s’avança prudemment d’Abyssien. Le mage Zil plongea ses yeux dans les siens.

- Tu étais toute petite lorsque nous t’avons adoptée. Aujourd’hui tu es une jeune fille brillante, pleine de fougue et surtout tu es une Combattante de Zil. Es-tu prête à prendre la place qui te revient ?

Après avoir regardé la cage qui tremblait à n’en plus pouvoir et un petit moment d’hésitation elle hocha positivement la tête. Abyssien tira d’un coup sec le tissu violet qui recouvrait l’immense cage. A l’intérieur il y avait une étrange bête, sorte de gros loup, ou, vu la carrure, plutôt un Volk. Mais cet animal là n’était pas fait de chair et d’os mais d’ombre.

- Voici l’esprit de la meute. Il est toute la sauvagerie qui nous caractérise, il est aussi hargneux que futé. Tu vas devoir te battre et mettre en pratique les enseignements que tu as reçus par le passé.

L’assemblée silencieuse attendait la suite. Des rites comme celui-ci il y en avait eu beaucoup avant que Télendar ne prenne la place d’Abyssien. Puis ils avaient été abandonnés. Parmi eux seuls les plus anciens comme Kriss, la clique de Ergue ou encore Sangrépée et Sanvisage avaient eu l’honneur d’en voir. Farouche qui savait pertinemment ce qu’il y avait à l’intérieur de la cage respirait rapidement. Elle allait affronter cette chose. “Courage ma vieille” se dit-elle, “Pense à l’ombre et ce que tu sais faire avec !”.

- Es-tu prête ?? Tu n’as pas le droit à l’échec !

Sans attendre Abyssien ouvrit la cage et la bête s’élança sur la piste avec allure et puissance.

- Tout doux... lààààà... làààà.

Farouche s’approchait de la bête à pas de velours tentant de l’amadouer. La bête tournait en rond pour tenter de s’échapper maisen dehors de la piste les autres Zil lui bloquaient le passage. Hélas pour elle il n’y avait pas la moindre ombre pour s’y cacher.

- Et bien, il est beau l’esprit de la meute Zil s’exclama Kolère, on dirait un chiot qui chercherait sa môman, hahaha !

Mais la bête maligne et intelligente tenta de sauter sur Kolère, tous crocs dehors. Sa gueule claqua à quelques cheveux de la figure de l’ancien protecteur d’Yses. Elle en fut retenue que par Farouche qui la tenait fermement par la queue. La bête se retourna pour la mordre, mais la jeune femme fut rapide, elle l’enserra de façon à ce que la tête de la chose ne puisse plus rien mordre. L’ombre essaya de s’extraire et ses pattes devinrent des bras et ses mains la poussaient, mais sans succès. Puis Farouche inversa les rôles et croqua dans l’ombre au niveau de la tête. Elle tira alors très fort sur la matière en espérant la casser, mais la créature se déforma et s’étira sans rompre. Voyant que cela ne donnait rien elle entreprit alors de la mâchouiller. Abyssien connaissait bien ce sort car il en était l’auteur. Lui aussi, il en avait avalé des ombres. Petit à petit Farouche, la bouche et la mâchoire déformées engloutit l’esprit de la meute et il ne resta plus rien d’elle en peu de temps. L’assemblée se mit à applaudir leur compagnon Zil.

A l’intérieur de Farouche les présentations et les changements avaient lieu.

- Bravo, tu m’as bien eu, je me suis fait avoir comme une bleusaille. Bon alors voilà la situation, désormais je suis une partie de toi et toi une partie de moi. Tu vas très vite voir ce que tu es capable de faire.

- Tu es réellement l’esprit de la meute Zil ?

- Disons que je suis une création d’Abyssien, je suis une part de leur sauvagerie et de leur bestialité, ça aussi tu verras, je m’emporte vite. Je suis la bête à l’intérieur de toi.

Les Combattants de Zil assistaient désormais à un changement dans la posture et dans l’apparence de Farouche. Elle retroussa ses lèvres en grognant comme si elle était un animal. Elle reprit alors ses esprits, elle se sentait vraiment différente à présent qu’elle avait avalé l’esprit de la meute. D’un geste rapide elle s’ébouriffa les cheveux puis elle déboutonna sa veste.

- Et maintenant Abyssien qu’est -ce qu’on fait ?? Cria-t-elle sans pouvoir contrôler le ton très agressif.

Le chef Zil secoua la tête “faut que jeunesse se fasse” pensa-t-il.

- Et petite calme-toi ! Interrompit Kolère.

Mais la “petite” ne se laissa pas parler ainsi et bondit sur le Volk-garou.

- Grrrr tu sais à qui tu parles ?? Hurla-t-elle. Je suis ton maître sac à puces !

Malgré sa taille bien inférieure à celle de l’ancien protecteur elle n’en restait pas moins impressionnante par la sauvagerie de ses gestes. Sansvisage et Soriek durent intervenir pour séparer les deux combattants de Zil. Abyssien fit taire l’assemblée.

- A présent mes chers camarades il est temps pour nous d’agir ! Même si la conseillère Ishaïa n’est plus, la sentence du Conseil des guildes est toujours d’actualité. Si nos dernières actions font remonter notre cote, notre sort n’est pas encore réglé. J’ai travaillé avec certains d’entre-vous à pister les traitres Télendar et Masque de fer. Nous avons réussi à localiser ce dernier. A présent c’est à la Meute de faire ses preuves. Il faut à tout prix capturer Masque de fer !

Tous les combattants hurlèrent de joie, la perspective du passage à l’action et surtout la vision de la vengeance gonflaient les volontés des membres de la guilde.

Chapitre 2 - Traque

Dehors alors que la nuit tombait la Meute s’était réunie autour d’Abyssien. Sansvisage, Sangrépée, Sombre, Kolère et Farouche s’étaient réunis autour d’un feu de joie.

- Farouche prend le commandement de la Meute, vous devrez l’écouter et donner votre vie pour elle, c’est compris ?

Même si pour Kolère, le plus autoritaire et orgueilleux de la meute, c’était lui de par son passé et ses pouvoirs qui devait assumer le rôle, il acquiesça comme les autres.

- Voici ce que je sais. Masque de fer est arrivé dans la petite cité d’Egmyos dans le sud de Tantad. En longeant les montagnes vous devriez y être dans trois ou quatre jours. Masque de fer devrait y être arrivé depuis un jour lorsque vous débarquerez. Nous lui avons monté un piège grossier, mais il mordra à l’appât, les Néhantistes sont si orgueilleux que ça les rend parfois stupides. Nous l’avons invité à une rencontre avec le seigneur de la ville qui soit-disant aimerait lui proposer des choses, mais je vous passe les détails. Nous avons une caisse contenant des affaires qu’il a porté, je pense qu’avec ceci Kolère et Farouche n’auront pas de mal à retrouver notre proie.

Devant la perspective Sansvisage et Sangrépée mimèrent une arrestation musclée faisant rire leurs camarades.

- Nous rirons encore plus lorsque nous l’auront attrapé. Faites-vous discrets, surtout en ville, vous ne passerez pas inaperçus. Tantad est un empire strict quand aux balades nocturnes et aux déplacements de petites troupes. Le mieux est de partir demain matin. Je vous laisse réfléchir à tout ça. Bonne nuit et bonne traque mes amis.

Abyssien retourna dans le chapiteau où Salem et Kriss étaient visiblement en grande discussion.

- Tu crois qu’il vont y arriver ? Demanda le musicien en se tournant vers Abyssien.

- Je crois qu’ils ont compris l’importance de leur mission. Si les Combattants de Zil venaient à disparaitre où iraient-ils ? Il n’ont pas le droit à l’échec et le savent. Après je ne dis pas qu’ils vont faire ça dans la dentelle, ça serait étonnant.

- DiS Moi, Tu SERais pAs en trAIN dE PrepArER Un FUTUr SuccEssEUR tOI ?? Demanda Salem.

- Toujours perspicace mon cher Zil. Oui, lorsqu’il y a un an j’ai appris la trahison de Télendar j’ai entrepris de former la relève. Farouche me remplacera lorsqu’elle sera prête. Mais nous n’y sommes pas encore. Du côté d’Egmyos tout est prêt ?

- OuI, IL n’Y veRRa quE du FEU !!

- Bien, à présent, attendons !

Le lendemain matin après une nuit assez mouvementée la Meute quitta le campement Zil. Farouche entre les disputes avec Kolère avait fait le tour de ses troupes et connaissait à présent ce que chacun était capable de faire. Séparés en plusieurs groupes les Zil progressèrent sur la route vers le nord. ils ne tardèrent pas à sortir du tombeau des ancêtres et longèrent les terres bordant l’empire de Xzia. Au troisième jour ils avaient passé la frontière de Tantad et malgré les contrôles ils arrivèrent à Egmyos ce soir-là. Pour eux il fallait agir tout de suite sans quoi leur présence pouvait être décelée et provoquer la fuite de leur proie.

Ce soir-là la lune était haute et pleine dans le ciel.

- Abyssien avait tout prévu dit Kolère alors que celui-ci sentait le pouvoir du Volk remonter en lui.

Sombre s’élança à la faveur de la nuit afin de faire des repérages pendant que le quatuor restant s’était installé dans une ruelle sombre. Sansvisage posa le coffret contenant les effets de Masque de fer. Farouche en sortit une longue étoffe de soie et se mit à la sentir pour s'imprégner de l’odeur. Elle fut imitée par Kolère dont le visage et la corpulence se modifiait doucement.

- C’est douloureux ? Lui demanda-telle.

- J’ai l’impression que des lames me transpercent, mais j’ai appris à vivre avec cette malédiction.

Les deux Zil se mirent à renifler l’air en marchant.

- Je l’ai ! S’exclama Kolère dont la transformation était à présent complète.

- Alors c’est parti. Sansvisage, Sangrépée, mettez-vous devant nous et vérifiez que nous ne croisons personne.

Farouche examina les toits et vit Sombre lui faire signe qu’elle les suivait d’en haut. La cité n’était pas très grande mais il y avait un véritable dédale de petites ruelles. La troupe tourna dans ce labyrinthe en suivant la piste de l’odeur de Masque de fer. Sansvisage, Sangrépée et Sombre furent d’une très grande utilité en permettant de prévenir plusieurs rencontres d’hommes armés. Ce petit jeu d’esquive dura une bonne heure jusqu’à ce que Kolère et Farouche déterminèrent le lieu où l’odeur de Masque de fer était la plus puissante.

- Il dort chez l’habitant on dirait, chuchota Sangrépée.

Sombre attira l’attention du groupe. L’ex-traquemage indiqua une fenêtre au premier étage. Farouche lui fit signe de descendre pour en parler.

- Il y a un homme masqué qui dort au premier, semble pas y avoir d’autres gens avec lui.

- Bien bien, tu penses qu’on peut y accéder par le toit, là ? Dit-elle en montrant l’endroit d’où venait Sombre.

- Oui, enfin Sangrépée, toi et moi on pourra y accéder sans souci, pour nos mâles ça s’avère plus difficile.

- Pas de souci on va vous attendre ici, répondit le Volk-garou.

- Bien voilà ce qu’on va faire, on rentre discrètement par en haut, on récupère le bonhomme on vous l’envoie et pour pas attirer l’attention on se disperse. On se donne alors rendez-vous en dehors de la ville et on quitte Tantad au plus vite, ordonna Farouche.

- C’est risqué, s’il se réveille il va falloir l'assommer, comment on assomme un gars avec un casque ? Demanda Kolère.

- T’en fait pas, j’ai des joujoux qui l'empêcheront de se réveiller, indiqua Sombre fièrement.

- On y va maintenant !

Les filles de la Meute s’élancèrent à l’assaut du mur et en peu de temps elles étaient en haut. Sombre lança un grappin de l’autre côté puis une fois que la corde fut bien attachée, elle fit la funambule et se retrouva sur le rebord de la fenêtre. D’un geste assuré elle sesaisit d’une dague et ouvrit la fenêtre sans la moindre difficulté. Le passage libre, Farouche et Sangrépée rejoignirent leur camarade et entrèrent dans la pièce sans faire le moindre bruit.

L’intérieur n’était pas riche, peu de décoration et un style épuré. Dans le lit simple qui occupait presque tout l’espace, un homme masqué dormait en ronflant comme un bienheureux. Sombre sortit une petite fiole d’où s’échappait une fumée verdâtre. Elle versa le contenu par l’un des orifices du masque. Pendant ce temps Sangrépée écoutait à la porte pour voir si il y avait de l’activité dans la maison. Il ne semblait pas que leur visite soit connue des habitants de cette maison. Farouche s'empara de Masque de fer et le saucissonna des pieds à la tête. Une fois cela fait Sombre fit signe à Kolère et Sansvisage d’approcher pour réceptionner le paquet.

Tous les deux reçurent donc l’homme tant recherché et filèrent de là sans demander leur reste, laissant leurs compagnes faire de même. Kolère avait plus ou moins repéré les rues déjà empruntées. Hélas Sombre n’était pas là pour voir arriver les patrouilles de gardes et fatalement ils tombèrent sur l’une d’elle alors qu’ils étaient presque sortis. Avec sa finesse habituelle Sansvisage bouscula les gardes de manière à les faire tomber sans pour autant les blesser. Les deux hommes se retrouvèrent les fesses au sol sans trop savoir ce qu’il se passait. Les miliciens qui n’étaient que des conscrits, simples citoyens réquisitionnés, ne poursuivirent pas les deux gros costaux qui s’éloignaient déjà. ils se contentèrent de prévenir leurs supérieurs.

Sombre, Sangrépée et Farouche se débrouillèrent bien et retrouvèrent les deux fugitifs et leur bagage sur la route un peu plus loin. Il exécutèrent le plan de leur chef. La nuit fuit courte pour eux mais l’objectif était atteint, ils avaient Masque de fer et ils avaient quitté Tantad. Il ne restait plus qu’à le livrer !


Chapitre 3 - La puissante guilde

L’ambiance était électrique dans le chapiteau Zil. La chaleur n’aidait pas et la tension montait comme un jour de spectacle avec de nouveaux numéros. Personne n’aurait manqué le jugement de ce traître de Masque de fer. Le moment était venu de régler cette histoire de famille. Pour l’occasion une estrade avait été construite ainsi qu’une tribune. L’accusé était assis et solidement attaché sur une chaise, la tête chancelante. Abyssien le secoua de manière à le réveiller mais rien n’y fit.

- Tu m’entends Masque de fer ?

Devant le peu de réaction suscité le chef utilisa ses pouvoirs de mage pour déverrouiller le masque. Les deux morceaux de métal tombèrent au sol avec fracas. Tous les combattants avaient les yeux rivés sur Masque de fer.

- Télendar ??? Cria Sangrépée. C’est bien toi ??

Aussitôt se fut la cohue dans l’assemblée, les commentaires parlant de “supercherie”, “manipulation”, “incompréhension” allèrent bon train.

- Ça suffit !! Cria Abyssien énervé par l’indiscipline de sa troupe. On va tirer ça au clair, rasseyez-vous !

Le brouhaha cessa petit à petit. Abyssien examina alors Télendar. Le visage du garçon était abîmé par de multiples crevasses et ses cheveux étaient collés sur son front en sueur. Ses yeux étaient injectés de sang et ses pupilles dilatées. Il y avait comme une vague émanation magique et Néhantique.

- Il a pas l’air bien en point. KRISS ! Tu peux venir voir ça ?

Le musicien s’approcha et après avoir observé les symptômes fut catégorique.

- Il est mourant, c’est pour ça à mon avis qu’on nous l’a livré.

- Je sens les méfaits des néhantistes, son corps est rongé par la magie sombre. Mais je ne peux rien faire pour lui.

- Oui mais moi je peux, répondit Kriss. C’est dans mes pouvoirs de guérir les gens de ce genre de chose. Mais ça va me prendre du temps.

- Bien, fais au mieux, si tu arrives à le sortir d’affaire nous seront en mesure de réhabiliter la guilde. expliqua Abyssien en ramassant les deux parties du masque de fer. Chers combattants, nous reportons la réunion de guilde. Ne quittez pas les lieux tant que la situation n’est pas fixée.

Kriss aidé par quelques Zil amena Télendar dans un endroit plus isolé. Le prêtre se mit alors au travail afin de dénicher et annihiler le mal dont il souffrait. Ce fut terrible pour lui car il s’opposait à une volonté forte et à une noirceur destructrice. Avec patience il isolachaque source de souffrance et referma chaque plaie ce qui pour l’ancien chef des Zil se fit dans d’infinies douleurs. Cela dura plusieurs heures avant que Télendar ne soit définitivement soigné.

Durant ce temps, Abyssien s’était enfermé dans son bureau avec la ferme intention de tirer cette affaire au clair. Il jeta sur le fauteuil les deux parties du masque. Il vit alors qu’à l’intérieur se trouvait un parchemin collé sur le métal. Il le décolla sans trop de difficulté, il y avait assurément de la magie là-dedans. Des lettres, puis des mots apparurent à sa surface.

“Cher Abyssien, Vous me voyez désolé de ne pouvoir honorer notre rendez-vous. Je suis certain que le présent que je vous fait comblera cette absence, même si ce cadeau a une durée très limitée. Il est dommage que vous ne soyez pas plus ouvert à nos pratiques vous qui en êtes si proche. Sachez que ma main vous est tendue et que j’aurai plaisir à vous initier à la véritable magie. A notre prochaine non rencontre, Je vous salue bien bas, Masque de fer.”

- Tu crois avoir gagné la bataille alors que tu as perdu la guerre. Tuvas voir ce qu’est la véritable magie.

Abyssien attrapa le masque et le posa sur son visage. Il sentait l’ombre sur sa peau et se fit un malin plaisir à l’avaler. Cette ombre se mêla à la créature qui vivait en lui. Ainsi il en apprit plus sur ce qu’il s’était passé. Il vit Masque de fer changer de masque, coller le parchemin à l’intérieur dans l’ancien et le refermer sur le visage de Télendar allongé sur le sol. Autour d’eux c’était comme une sorte de laboratoire dans une caverne. Une créature à l’aspect démoniaque s’empara de Télendar alors qu’un autre homme s’approchait de lui. Abyssien reconnu le Néhantiste qui avait manipulé les Combattants de Zil.

- Ta pierre est morte et toi tu ne vas pas tarder à rejoindre tes ancêtres. Tu as bien travaillé mais nous n’avons plus besoin de tes services. Adieu.

Le démon traversa une grande maison jusqu’à l’extérieur. Abyssien remarqua le paysage particulier et caractéristique des montagnes du nord ouest de Tantad. Il avait déjà entendu parler d’un tel lieu. Télendar termina sa course dans une carriole sous une bâche. Les images s’arrêtèrent.

- Le manoir de Zejabel ! ils se cachent là, une information capitale.

Le chef des Zil s’installa dans sa chaise et écrivit plusieurs lettres à l’attention de ses alliés dont Marlok.

- Nous allons faire pencher la balance en notre faveur.

Farouche se présenta sur le pas de la porte.

- Kriss a réussi à sauver Télendar, on fait quoi ? Demanda-t-elle.

- On démonte le chapiteau, on range tout et on part.

- On va où ? Nous allons voir le Conseil des Guildes.

Effectivement plusieurs jours plus tard, la guilde quasi complète posa ses bagages au pieds du château de Kaes qui abritait depuis longtemps déjà le Conseil des Guildes. Devant l’importante délégation, le Conseil bouscula son emploi du temps pour accueillir Abyssien lors d’une session extraordinaire. La grande salle de réunion était une pièce circulaire où une dizaine de sièges étaient disposés en arc de cercle. Il manquait deux conseillers, partis visiter des guildes et régler quelques affaires. Le conseiller Vérace invita Abyssien à venir s’exprimer.

- Chers conseillères, chers conseillers. Il est temps pour les Combattants de Zil de vous prouver notre valeur. Feu la conseillère Ishaïa, sur ordre du Conseil nous avait délivré un ultimatum pour redresser la balance de nos actes.

Abyssien fit signe à Sansvisage qui s’approcha avec une personne ligotée.

- Nous, Combattants de Zil, avons l’honneur de remettre au Conseil l’assassin de Prophète : le dénommé Télendar.

D’un peu plus loin Salem observait les réactions des conseillers. Tous parurent satisfaits, tous sauf une conseillère qui plissa les yeux et fit une grimace de mécontentement. Voyant qu’on la regardait elle se ressaisit et parut impassible. Sansvisage avança jusqu’au centre de l’hémicycle avec son prisonnier. Télendar allait beaucoup mieux, il se savait en fâcheuse posture, mais les faits étaient là, il avait tué une personne, il devait payer pour son crime.

- Mais ce n’est pas tout, nous sommes en mesure de vous fournir une information cruciale sur l’endroit où se situerait le repère de néhantistes avérés.

- Nous vous écoutons Abyssien. Répondit Verace.

- Ils sont au manoir de Zejabel quelque part vers Tantad.

Le conseiller se leva et regarda ses consœurs et confrères qui opinaient du chef.

- Nous avons pris note de votre information, bien sur il nous faudra plus de détails mais nous règlerons ça après. En attendant que Télendar soit remis aux Envoyés de Noz’Dingard.

Un garde vint chercher l’ancien chef Zil.

- Quand à vous Combattant de Zil, vous conservez votre statut officiel de guilde.

Les histoires de pirates finissent mal... en général

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Chapitre 1 - La Dame Noire et la Dame pirate

La Dame Noire, navire volant du capitaine Palpegueuse fonçait à vive allure vers l’Arc-Kadia. A bord de ce dernier c’était l’effervescence, chacun s'attelait à tenir son poste du mieux qu’il pouvait. Briscar criait ses ordres en s’époumonant.

- Allez tas de raclures de cale ! Préparez les canons et faites cracher la poudre ! Hissez nos couleurs !!

Le pavillon à la tête de mort, au sabre d’abordage et à la clé de mécaniste croisés sur fond noir flotta donc en haut du mât. De son côté la Dame Noire arborait le pavillon rouge au symbole de Néhant, signifiant par là : pas de quartier !

Al barra d’un coup et le navire pivota sur le côté. Pour elle la DameNoire ne pouvait l’éviter il fallait donc que les deux bateaux s’entrechoquent là où l’Arc-Kadia souffrirait le moins. Elle se plaça donc de façon à présenter l’avant droit du navire à la Dame Noire. Le choc fut terrible mais la réaction de Briscar fut immédiate.

- FEUUUUUU !!

Les canons explosèrent et les boulets fusèrent brisant la coque de la Dame noire. Le bois éclata de tout les côtés et les deux bateaux grincèrent de partout, menaçant de s’écrouler comme des châteaux de cartes. Mais aucun des deux ne se rendit à l’autre. L’équipage de la dame noire envoya des grappins et l’assaut fut donné. Des pirates affrontaient des pirates mais l’équipage de la Dame Noire était bien plus nombreux que celui de l’Arc-Kadia et très vite les hommes d’Al la triste se retrouvèrent submergés. Al la triste enfonça sa lame dans plusieurs corps d’ennemis avant d’arriver sur le pont et se mêler aux autres. Voyant leur capitaine à l’œuvre le courage revint. Klémence libéra Ekrou qui écrabouilla plusieurs adversaires à lui seul. Les mages utilisèrent toute leur magie pour griller les moteurs de la Dame Noire pendant que Ti mousse coupait les cordes des grappins afin que plus personnes ne puisse venir ou partir du bateau. Poukos fit passer par dessus bord plusieurs pirates et Trèfle fit parler ses marteaux. Il semblait que leur victoire ne faisait plus aucun doute. Mais les choses tournèrent vite à leur désavantage lorsque plusieurs créatures ailées et monstrueuses plongèrent dans la bagarre, blessant indifféremment des membres des deux équipages. A bord de la Dame Noire, Palpegueuse à présent sous la coupe néhantiste et mage de son état lançait de sombres éclairs en direction de l’Arc-Kadia. Le navire flanchait et alors que tout le monde se mettait à l’abri des deux oiseaux de malheur, la Dame Noire se désolidarisa de sa proie. Lentement la coquille trouée s’éloigna recevant les éclairs noirs de plein fouet, Palpegueuse visait les moteurs qui, s’ils explosaient, indiqueraient la fin pour le célèbre équipage d’Al la triste !

Le premier moteur s’arrêta et le navire se mit à tournoyer sur lui-même. Désormais en plus d’être caché l’équipage devait se tenir à ce qu’il pouvait pour éviter de ce faire éjecter par dessus le bastingage. Al n’avait plus le choix, il lui fallait sauver le navire et ses hommes. Elle s’engouffra donc par les escaliers en direction de la salle des moteurs. L’ensemble était dans un sale état, la foudre s’échappait des accus dans un grésillement insoutenable. La jeune femme s’avança avec difficulté jusqu’à une console circulaire au centre de laquelle se trouvait un renfoncement circulaire lui aussi. Al décrocha le médaillon de son père et sans hésiter le plaça au centre de la console.

- Sitôt trouvé, sitôt utilisé...

Le pupitre en métal sur lequel était fixé la console s’enfonça dans le sol activant ainsi une machinerie unique de métal et de magie. Il yeut alors un grand éclair aveuglant. L’espace et le temps semblèrent se déformer, s’étirer et se rétrécir. Toutes les personnes à bord sauf Ekrou s'évanouirent...

Al la triste fut réveillée par la vapeur qui sortait d’un tuyau en sifflant. Elle se releva et s'aperçut qu’elle tenait le médaillon de son père. Ce dernier avait perdu toute l’énergie magique qu’il contenait. Le navire était incliné sur le côté, sachant que les moteurs étaient hors service elle se doutait qu’il était à terre. Al remonta sur le pont où ses hommes s’aidaient les uns les autres où s’affairaient à attacher les pirates de la Dame Noire, qui du coup devenaient leurs prisonniers. Effectivement l’Arc-Kadia n’était plus dans les cieux mais posé sur la terre ferme sur une île volante et pas n’importe où : l’île des égarés, capitale de la piraterie.

Ils étaient revenus dans les îles blanches sains et saufs, seul l’Arc-kadia avait souffert.

Chapitre 2 - Le passé ressurgit

Plusieurs jours avaient passés. Klémence et Trèfle étaient plongées dans les rouages depuis leur arrivée sur l’île. Les pauvres filles étaient exténuées et véritablement tristes par le bilan qu’elles allaient présenter à leur capitaine.

- Alors, annoncez-moi de bonnes nouvelles, dit Al la triste en examinant la machinerie à l’arrêt.

Klémence et Trèfle furent gênées.

- Pas vraiment, le “Vafeur” droit a fondu et l’accu principal a pris une surtension. Ça a pété de partout, certains rouages sont cassés et le graviteur est entièrement vide. Visiblement c’est la chose que vous avez activé qui a provoqué la plupart des avaries, expliqua Trèfle à son capitaine qui n’y comprenait rien.

- Et ça veut dire que l’rafiot est pourri ??

- Non non ! On peut remettre en état la plupart des choses, l’Arc-Kadia est une superbe bête, mais nous ne l’avons pas fabriqué. Je pense pas qu’on arrive à remettre en ordre le truc que vous avez activé .

- Par les cornes du serpent d’brume. Y a pas d’solution ?

- Y en aurait bien une mais il faudrait qu’on retrouve ceux qui ont conçu l’Arc-Kadia, répondit Trèfle.

Al la triste enleva son tri-corne et se gratta la tignasse, ceci étant le signe d’une réflexion intense de sa part.

- Vous arriverez à m’le faire voler ?

- Deux semaines de réparations, mais faudra ensuite prier pour que ça tienne, affirma Klémence. Par contre je vais avoir besoin du golem qu’on a trouvé sur le Titan.

- Il est à toi. Perdez pas d’temps et mettez-vous au travail, ordonna Al en se recoiffant de son chapeau. Nous trouv'rons ce qu’il faut trouver.

Alors que Klémence laissait exploser sa joie, le capitaine quitta la salle des machines en hurlant “BRISCAR ! BRISCAAAARRR!!”. Le vieux pirate alla donc à la rencontre du capitaine.

- Ah t’voilà. Bon alors, fais jeter dans le vortex tous les morts après avoir récupéré leurs effets. Fais débarquer les grouillots encore vivants et fais-les travailler pour remettre droit le navire et qu’ils mettent des cales. Une fois ça fait vends-les sur le marché des égarés. Nous allons rester coincés ici plusieurs semaines, vu les lieux faut êt’ prudents, fais faire des tours de garde et soudoie les placeurs pour qu’on nous laisse tranquille.

Après un effort de mémorisation, Briscar inclina la tête pour dire qu’il avait bien assimilé les ordres.

- Allez, va, et prends les quartiers d'Oeil de gemme en attendant son retour, j’suis sûre qu’elle serait pas contre. Dit Al avec un clin d’oeil.

Quelques jours plus tard, le navire était à nouveau droit. Les appartements d’Al la triste étaient sans dessus dessous, les livres et autres instruments de navigations étaient tombés sur le parquet. Elle entreprit de remettre tout en ordre. Alors qu’elle était en train de remettre en place les livres elle s'aperçut que sur le fond de la bibliothèque les silhouettes des livres avait été dessinées. Elle replaça donc les livres pour les faire correspondre à chaque silhouette. Ce fut un casse-tête car plusieurs livres avaient la même forme, elle “s’amusa” donc à déplacer les livres semblables un à un. Enfin un clic se fit entendre au niveau du lit. Al la triste se jeta à quatre pattes et observa le dessous du meuble. Une latte du planchers’était décalée laissant une ouverture assez large. Le capitaine y engouffra sa main gauche et en retira un objet enveloppé dans un carré de tissu noir, ou plutôt gris vu la poussière qui le recouvrait. Fébrilement elle défit le nœud, le tissu se désagrégeant car visiblement vieux. Elle découvrit un carnet à la couverture de cuir souple et aux pages jaunies. Al avait déjà vu ce carnet il y a très très longtemps, entre les mains de son père.

- Te voilà, et dire que j’ai cherché partout et que t’étais là sous mes yeux. Dit-elle en inspectant la première page.

“Journal du Géant au regard triste” puis plus bas “Pour Alexandra”. “Ma fille, au moment où tu auras ce livre je ne serais probablement plus et je m’en serais retourné à Guem. J’ai réuni ici toutes les informations nécessaires, tout ce que tu dois savoir sur moi, ce que j’ai fait et l’Arc-kadia. Je vais d’ailleurs commencer par la base et te parler de moi.” Le premier quart du journal fut consacré à la jeunesse du Géant triste. Il avait grandi dans ce qui restait de Bramamir, ses parents furent parmi les premiers à devenir des pirates alors que le monde se relevait doucement de la guerre contre Nehant. Puis à son tour il embrassa la carrière de pirate et découvrit d’étranges secrets magiques qui lui servirent de base à la réalisation de son navire, l’Arc-kadia. Le deuxième quart du livre expliquait la création du navire et la formation du premier équipage. Ce qu’elle apprit était vraiment incroyable. Elle s’arrêta longuement sur la description des pirates, tout y était répertorié : nom, grade, fonction à bord, ainsi que diverses annotations. Elle y trouva plusieurs noms utiles. Par exemple Hic fut le second du Géant triste avant de devenir à son tour capitaine à bord du Titan et que bien qu’ils aient eu des différents ils furent amis. Il y avait cette histoire de rébellion de Crochet, un jeune gars qui voulait devenir capitaine et qui fut abandonné sur une île blanche isolée dont la position était notée sur un plan joint. De même il y avait plusieurs indications techniques à propos de l’Arc-kadia, mais elle n’avait jamais été attirée par tout ça. Elle alla trouver Trèfle dans la salle des machines. Elle avait monté là une forge de fortune pour refaire les parties mécaniques au mieux tandis que Klémence s’affairait à remonter l’ensemble.

- Regard’ça, demanda Al la triste, c’est des plans du bateau.

Trèfle y jeta un œil curieux, mais sa spécialité étant la ferronnerie elle n’y comprenait pas grand chose.

- Faut que vous demandiez à Klémence elle sera plus à même de déchiffrer ce charabia.

- Où qu’elle est ?? Hurla le capitaine alors que Trèfle se remit à frapper violemment sur un morceau de métal ardent.

- Elle est dans l’atelier !

- Pourquoi elle est pas là à réparer c’qui doit l’être ?

- Elle finit son nouveau jouet, parait que c’est important.

L’atelier était une petite pièce réservée à Klémence et où elle passait du temps à bricoler tout et n’importe quoi. Al la triste rentra dans l’atelier manquant de peu de se prendre les pieds dans diverses choses éparpillées par terre. Il s’échappait des lieux une forte odeur d’huile.

- Gamine !

La-dite gamine était en train de donner un ordre à Ekrou de tirer une chaîne qui passait par une poulie attachée au plafond et qui soutenait un automate entièrement réparé.

- Déjà s’écria Al, t’as fait vite dit donc.

- J’étais très inspiré, faut dire que ce bidule est une vrai merveille, des comme lui on en fait pas.

- Bon t’m’expliques pourquoi t’es pas en train de réparer le nécessaire ?

- Et bien Hic-kar va m’aider, il est plus agile et petit qu’Ekrou, il sera utile pour réparer, j’ai donc perdu du temps à le remettre sur pied, mais d’un autre côté on va beaucoup y gagner.

- D’accord, alors active-le et ensuite mets ton nez la d’dans, dit-elle en agita le journal de son père.

Klémence ne se fit pas attendre et brancha une sorte de câble sortant du dos d’Ekrou vers le dos d’Hic-kar. L’automate tressauta puis s’activa, l’énergie circula dans divers câbles. Klémence fit quelques réglages avec un outil et ordonna à Ekrou de lâcher la chaîne à présent qu’Hic-kar était debout.

- Il doit accumuler les nouvelles données, ça va prendre du temps, voyons ce livre Capitaine.

Al al triste lui tendit le journal ouvert sur les bonnes pages. Pour la jeune mécaniste, ce fut comme si elle avait trouvé un trésor inestimable. Elle se mit à sautiller et criant des “c’est incroyable, c’est incroyable !” à tout va.

- Oui mais quoi ? Coupa Al.

- C’est les plans du navire, mais pas seulement, j’y vois là aussi un tas de trucs qu’on pouvait pas deviner et surtout comment faire pour activer la console ! Mais... par contre, les indications sont en langage codé, dit-elle en montrant les écritures.

- Ah, c’est fâcheux. Bon écoute gamine, répare-moi mon navire et on va te trouver quelqu’un qui saura te déchiffrer ça.

Chapitre 3 - De nouvelles quêtes pour l’équipage

Grâce à Hic-kar, les réparations de fortune et principales étaient finies. Pour éviter tout problème, l’équipage fut débarqué, au cas où une explosion se produirait. Klémence et Trèfle branchèrent les moteurs sur l’accu rechargé magiquement par Bragan et Mylad Les “Vafeurs” vrombirent doucement. Tout semblait être en état de marche, mais la puissance était très réduite.

- Ça va tenir, mais on va pas aller bien loin, affirma Klémence un peu déçue.

- Surtout si on recroise la Dame Noire, là c’est la défaite assurée. Bon allons prévenir les autres qu’on peut y aller, conclut Trèfle.

Une fois l’équipage de nouveau à bord, Al la triste reprit la barre et éloigna doucement l’Arc-kadia de l’île des égarés. Briscar s’approcha d’elle.

- Où va-t-on capitaine ?

- Nous allons sur une île particulière où il y a bien longtemps a été jeté un mutin du nom de Crochet.

- Crochet ? Pourquoi voulez vous aller voir ce traître ? Je l’ai connu autrefois jusqu’à ce que votre père le bannisse de l’équipage. Vous étiez toute petite, c’était y a quoi... vingt ans bientôt !

- C’est l’seul parmi ceux qui ont contribué à la création de l’Arc-kadia et à avoir fait partie de l’équipage originel à être localisé. Il faut qu’on arrive à traduire le code du journal d’mon père, Crochet peut nous aider.

- Faisons attention, si cette fripouille est en vie il doit encore porter rancune à votre père.

- On verra bien.

Le navire zigzagua entre les îles et s’éloigna vers le soleil couchant. Comme les moteurs n’étaient plus aussi en “forme” qu’avant, Al la triste fit plusieurs pauses avant que la nuit ne soit tombée et posa son navire sur une île en périphérie. Elle en profita pour réunirl’équipage sur le pont et faire un point sur la situation.

- Frères et sœurs pirates ! Nous avons trouvé le trésor de Hic ! Nous avons survécus à l’attaque de Palpegueuse et nous sommes de nouveau sur les voies aériennes. Nous allons tout faire pour réparer au mieux le navire et désormais nous en avons les moyens. Mais surtout nous allons retrouver la Dame Noire et montrer qui sont les véritables pirates !

Elle dégaina son sabre et le leva vers le ciel, imitée par le reste de l’équipage. La nuit fut longue pour Al qui traça sur une carte la route de navigation qu’il fallait emprunter pour aller sur l’île de Crochet. L’affaire aurait été plus simple avec le bateau en meilleur état et plus maniable. Les réparations faites empêchaient certaines manœuvres délicates.

Le lendemain vers midi l’Arc-kadia arriva dans une zone particulière de l’ancien royaume de Bramamir. Au sud ouest des îles blanches à la limite entre le vortex et la mer il y avait la région connue sous le nom de Poussière de larmes. Il y avait là des centaines d’îlots de différentes tailles et de différentes formes. Ainsi vu de loin on dirait vraiment de la poussière et des larmes en raison des cristaux de quartz translucide disséminés sur les îles.

C’était sur l’une d’elle que Crochet avait été abandonné à son sort il y bien longtemps. Al la triste fit replier les voiles et engagea l’Arc-kadia au travers la nuée d’îles. Aussitôt la lumière devint plus faible et la vue incroyable. Des îles à perte de vue et surtout au plus bas de vieilles épaves de navires n’ayant pas survécu à l’aventure. Al tenait fermement la carte tracée ainsi qu’un instrument de navigation. Briscar qui était le meilleur barreur de l’équipage était aux commandes.

- 5 à tribord chuchota le capitaine.

- 5 à tribord répéta Briscar en faisant tourner la barre dans le sens indiqué.

Tout le reste de l’équipage était étalé le long du navire, surveillant que l’Arc-kadia ne croise pas sur sa route une île ce qui impacterait fortement sur leur avenir. Le temps parut long car la progression était très lente pour ne pas risquer quoi que ce soit. Le chemin à travers les îles étaient très dangereux et assez particulier, nul navire n’aurait pu arriver jusqu’à cette fameuse île de Crochet sans avoir eu de plan.

Enfin l’équipage arriva sur le lieu-dit. L’île était d’une taille confortable pour un homme seul, une réserve d’eau naturelle, la surface quasiment entièrement recouverte d’une épaisse forêt.

- Bien, j’vais y aller... seule. Atterris sur l’île, faut pas user les “vafeurs".

- Sûre ? Coupa Briscar soucieux.

- Certaine.

- Mouai bien, soyez prudente quand même, faudrait pas qui vous arrive quelque chose.

- Moi ? Mais j’suis toujours prudente ! Dit-elle en se marrant et se dirigeant vers la terre “ferme”.

Al la triste s’aventura donc sur l’île, coupant les plantes à grands coups de sabre. Après avoir parcouru une bonne moitié de l’île elle sentit comme une vague odeur de crustacé grillé. Elle avança donc en suivant son odorat et tomba sur une maison construite de restes de bateaux échoués au bord du petit lac. Là un homme faisait cuire un gros crabe au bout d’un bâton. Sa barbe était très longue tout comme ses cheveux. Ses vêtements qui devaient être somptueux n’étaient plus que de vieilles défroques. De plus cette personne n’avait plus son bras et sa jambe du côté gauche. A l’approche d’Al la triste il leva quelques instants les yeux sur elle puis s’empara de son crabe et lui arracha une patte avant d’en aspirer le contenu.

- Bonjour Crochet.

L’homme fit les gros yeux la bouche pleine et regarda de droite à gauche sans faire attention au capitaine. Puis il reporta l’attention sur son crabe qu’il entreprit de briser avec une pierre, ce qui s’avérait difficile avec une seule main.

- Crochet ! Hurla-t-elle.

L’homme fut surpris et examina la nouvelle venue avec plus d’attention.

- Barre-toi, tu vois pas que j’mange !?

- Je suis le cap’taine Al la triste, fille du Géant au regard triste ! Dit-elle avec conviction.

Crochet l’achat son crabe et se mit à trembler.

- Qu’est ce que t’veux fillette ?

- Ça, ça va dépendre de toi vieux grigou.

- D’moi ? Qu’est ce que tu veux à c’vieux Crochet que ton pÔpa a abandonné ici ?

- J’ai besoin que tu m’aides à retaper l’Arc-kadia.

- Hahaha ! Tes mécanos son qu’des pisse-vinaigre ! Le rafiot est en rade et t’sais pas comment l’remettre en état c’est ça ?

Al la triste plissa les yeux pour montrer qu’elle n’était pas touchée par les provocations de Crochet.

- Bien je vois que tu veux rester là jusqu’à la fin d’tes jours. Adieu.

- Ah nan, attend, t’emballe pas. Ok je t’aide, par contre je veux qu’on me refasse une jambe et un bras.

- Accepté.

- Et puis j’veux aussi...

- T’auras rien de plus, on te sort d’ici on t’requinque et toi tu nous aides. Pas plus. Coupa Al avec détermination.

Crochet se gratta la tête, probablement recouverte d’insectes nuisibles, puis cracha dans son unique main et la tendit à Al. La jeune femme accepta la poignée de main. Crochet se leva, prit sa béquilleet fit signe à Al la triste de lui indiquer la route. Il n’emporta rien d’autre...

Plusieurs jours avaient passé et Al respecta sa parole. Kleménce et Trèfle utilisèrent leur savoir-faire pour bricoler de nouveaux membres. Pendant ce temps, Crochet qui n’avait plus vu personne depuis des lustres profita du luxe du bord et fit connaissance de l’équipage. Lorsque le capitaine jugea Crochet en meilleur état elle lui rappela ses engagements. Elle le convoqua dans ses appartements.

- Et bien rien n’a changé dans cette piaule.

- Concentre-toi Crochet, au lieu de convoiter ce que tu n’auras jamais.

- Hum, bon alors soyons sérieux d’coup.

- Bien, regarde ceci et dis-moi ce que tu sais.

Al la triste lui montra le journal de son père à l’endroit où il y avait du code pirate. Crochet examina le plan avec minutie.

- Désolé, mais j’peux pas traduire ça.

- Dans c’cas je te ramène où tu étais.

- Mais je connais la personne qui connait.

- Qui ça ?

- Le Prêcheur pirate !

- Ca me dit rien, mais étonnement il manque une feuille dans le journal de mon père.

- Normal il voulait changer de vie, c’est c’qu’il m’a dit avant qu’on m’jette. Mais je sais d’où il vient, qui il a connu et tout et tout.

- Et bien voilà quand tu veux, je te charge de m’retrouver ce prêcheur. Et on a pas dix ans !!


Un monde au bord du gouffre

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Chapitre 1 - Ombreuse

Autour des sœurs les flammes rouges et brûlantes s’agitaient au gré du vent irrégulier. Tout autour d’elles c’était le chaos. La terre s’arrachait du sol et il faisait aussi noir qu’une nuit sans lune, pourtant c’était le jour. Les deux filles avançaient avec précautions, mais rien ne pouvaient les atteindre et nulle peur n’étreignait leur cœur de guémélites de l’Ombre. Elles se sentaient attirées par quelque chose. Plus loin il y avait une colline faite de terre noire et brûlante, dessus un trône de cristal rouge sang recouvert de symboles noirs en forme de spirale, marque de Néhant. Les deux sœurs arrivaient au niveau du trône. Dessus un homme de grande taille emmitouflé dans une grande pièce de tissu percée et brûlée un peu partout. On ne pouvait voir son visage caché par une capuche. Elles savaient très bien qui était en face, elles souhaitaient ce moment depuis bien longtemps.

- Maître, dire-t-elle de concert.

Aussitôt et sans le moindre contrôle de leur part elle se mêlèrent l’une à l’autre pour devenir Ombreuse.

- Tu es mieux ainsi, tu es presque... parfaite. Approche.

La créature d’ombre approcha son visage de celui de cet homme qui leur parlait. Il souleva sa main avec difficulté et caressa du dos de ses doigts la joue de la jeune femme.

- Oui tu es presque parfaite, il ne te manque pas grand chose. Le moment venu tu siégeras à mes côtés. Le nécessaire sera fait.

Tout le décor s'effrita autour d’elle. Le trône et le mystérieux personnage disparurent, puis le ciel et enfin le sol. Elle eut la sensation de tomber dans le vide. Ombreuse se sépara en Silène et Sélène. La chute dura peu de temps car les deux sœurs se réveillèrent en sueur. Elles étaient toute deux dans des chambres séparées dans le manoir de Zejabel. Elles tombèrent l’une en face de l’autre au moment où chacune décida d’aller en parler à l’autre.

- Toi aussi ...

- Tu as fait ce rêve...

- Etrange...

- Et pénétrant...

Les deux jeunes femmes n’en revenait pas. Il y avait bien de la magie la-dessous, il était très très rare que deux personnes furent-elles frères ou sœurs rêvent de la même chose. Elles décidèrent d’aller en parler à celui qui serait le plus à même de leur répondre. Dimizar faisait en sorte de ne jamais dormir grâce à de sombres sortilèges, à chaque fois qu’il fermait les yeux il ne pouvait s’empêcher de revoir le visage mort de celle qui partagea sa vie. Ne plus dormir lui offrait aussi la possibilité de ne pas perdre de temps et de tisser sa toile de conspiration. Silène et Sélène racontèrent leur étrange rêve étonnant le néhantiste par la signification de celui-ci.

- Il est temps de payer ta dette Dimizar, lui dit une voix venue du fond de la caverne.

- Oui il est temps, répondit-il devant les deux sœurs qui ne comprirent pas cette phrase.

- Temps de quoi Dimizar ? Demanda Silène.

- Et bien de devenir plus proche de Néhant mes damoiselles !

Silène et Sélène se regardèrent l’une l’autre avec un sourire radieux.

- Ne soyez pas trop contentes, ça sera extrêmement douloureux, dit-il en les chassant de son laboratoire. Je vais mettre en place ce qu’il faut, préparez-vous pour un long voyage, peut-être sans retour.

Les sœurs passèrent la journée à imaginer quel pourrait être le moyen de se rapprocher de Néhant et essayèrent d’extrapoler sur leur avenir. Alors qu’elles préparaient le peu d’affaires qu’elles avaient, Ardrakar fit irruption dans la chambre de Sélène peu après avoir cherché sa sœur.

- Ainsi Néhant a décider de vous accorder sa marque et de vous changer. J’en suis ravie, sachez que je suis passée par là autrefois.

- C’est vrai ? Comment ça c’est passé ?

- Mal. Mais c’était principalement parce que j’étais lié à Dragon. Il a lutté pour me garder et ça a été la pire des souffrances. Le lien avec Dragon coupé, j’ai alors reçu une nouvelle pierre-cœur, une infime partie de Néhant, dit-elle en montrant la pierre implantée dans la paume de sa main gauche. Émerveillées, les sœurs allaient poser un nombre incommensurable de questions mais Ardrakar coupa court.

- Je vous souhaite bonne chance, Dimizar m’a parlé de votre rêve, j’espère qu’il se réalisera, je serais prête à tout pour redevenir la dame de Néhant, dit-elle en quittant la chambre.

Les sœurs n’en revinrent pas de cette découverte à propos d’Ardrakar, cela les conforta encore plus dans leur idée. Elles furent donc promptes à la préparation et attendirent Dimizar à l’entrée, passant le temps en regardant Mâche l’âme s'entraîner de façon plutôt sauvage avec Carkasse. Enfin Dimizar accompagné de Masque de fer arriva à l’entrée. La petite troupe quitta le manoir rapidement pour se mettre en route à travers des chemins de montagne. Ils traversèrent ainsi durant plusieurs jours la chaîne principale des terres de Guem. En fin de compte ils finirent par arriver dans le sud de Tantad dans une région assez inhospitalière. Au loin les volcans de Tantad fumaient comme à leur habitude, rappelant ainsi leur existence.

- Nous voilà presque arrivés, il est là pas très loin, rassura Dimizar alors que ses compagnons commençaient à en avoir marre du voyage. Nous allons attendre la nuit et nous allons l'appeler.

- Appeler qui ? demanda Sélène.

- Le Grand Dévoreur, répondit Masque de fer qui pour le voyage portait un simple masque au lieu de son masque intégral.

- C’est quoi ? Ou qui ?

- C’est le début de la fin et pour vous deux la porte d’entrée vers autre chose.

Le groupe progressa pour atteindre la plaine désertique, nul arbre, nulle plante, juste de la terre argileuse, des rochers et des cristaux transparents pour la plupart brisés. Dimizar sembla suivre une piste invisible et s’arrêta lorsqu’il arriva au bout de celle-ci.

- Nous y voici, c’est là.

Sélène et Silène regardèrent partout mais ne voyaient rien.

- Il est où le Grand Dévoreur ?

- Là où on ne le voit pas, dans les profondeurs de la terre, dit Dimizar en montrant le sol. C’est ici que Néhant ouvrit les portes des méandres et répandit les démons. A présent le Grand Dévoreur garde l’entrée, patiemment jusqu’au retour du maître.

Dimizar sortit un petit coffret de son sac, le posa délicatement à terre et l’ouvrit avec une précaution infinie. Il en extirpa deux éclats de Néhant et en confia un à Masque de fer.

- A présent devenez Ombreuse, ordonna Dimizar.

Les sœurs s’exécutèrent et devinrent la créature de l’ombre à quatre bras.

- Bien, Masque de fer, commençons.

Les deux mages dessinèrent sur le sol des spirales reliées entre elles de façon à ce que les traits soient continus. Ainsi ils formèrent un cercle assez grand pour eux. Il se placèrent au centre du cercle. Masque de fer aspira toute la magie néhantique contenue dans son éclat et la moitié du cercle qu’il avait dessiné s’illumina en rouge. Les spirales creusèrent la terres comme si de la lave circulait à la place des traits dessinés. Dimizar fit de même.

- Gardien des méandres, Grand Dévoreur, les serviteurs de Néhant t'appellent, écoute nos voix.

Ils répétèrent un bon nombre de fois cette phrase et au fur et à mesure qu’ils la prononçait les spirales s’intensifiaient et grossissaient en taille. Puis la terre trembla. Des cristaux de quartz éclatèrent et des rochers roulèrent des collines aux alentours.

- Il est là, cria Dimizar. Ombreuse, rentre dans le cercle.

La créature de l’Ombre franchit les spirales au moment où le sol devant eux se soulevait. Une colline se forma, puis une montagne. Celle-ci se creusa pour former une sorte de bouche fumante dont la gorge était illuminée de couleur rouge.

- J’ai entendu l’appel et je suis venu fidèle du maître, dit une voix semblant émaner de cette chose.

Dimizar et Masque de fer attrapèrent Ombreuse de part et d’autre et la lancèrent en devant eux en dehors du cercle.

- Cette créature doit te voir, dévore là !! Hurla Dimizar.

Ombreuse surprise crut que pour elle c’était la fin. La bouche aspira tout autour d’elle y compris la créature de l’ombre qui hurlait de terreur. Une fois qu’elle l’eut avalé, le Grand Dévoreur s’adressa aux Néhantistes.

- Elle vous sera rendue en temps voulu. Nous nous verrons bientôt, je sens que le Maître arrive et je serai à nouveau suffisamment puissant pour vomir les légions.

La bouche se referma, la montagne s’enfonça dans le sol et disparue.

- Que faisons-nous Dimizar ?

- Nous retournons au manoir finir le plan, elle reviendra en temps voulu.

Ombreuse tombait, sa chute l’attirait inexorablement vers un lieu où nul ne souhaitait mettre les pieds. L'atterrissage fut douloureux, elle tomba face contre terre, ou plutôt face contre cendres. La poussière s’infiltra par sa gorge et son nez, l’étouffant. Elle se releva tant bien que mal, cherchant un appui de ses quatre mains. Après avoir chasséla cendre et repris ses esprits Ombreuse admira le décors incroyable qui l’entourait. Partout dans le sol d’une sorte de grande caverne de pierre noire, des bassins se remplissaient d’une matière visqueuse, on aurait dit comme de la lave, mais c’était noir comme les ténèbres.

- Soit la bienvenue Ombreuse. Je suis le Grand Dévoreur, viens jusqu’à moi.

La voix venait de l’autre côté de la caverne. Elle obéit donc et se faufila entre les bassins, elle remarqua que par endroit de la matière s’écoulait comme animée par une volonté propre. De l’autre côté il n’y avait un autel taillé dans du cristal noir. Elle l’examina mais n’y vit que son reflet.

- Es-tu prête pour le sacrifice Ombreuse ?

- De quoi parlez-vous ? Montrez-vous !

Apparut d’un coup sur l’autel une petite créature humanoïde pas plus grande qu’une dague. Son aspect était effroyable, on aurait dit un modèle réduit de Mâche l’âme, à ceci près que son visage se rapprochait plus de celui d’un humain.

“C’est ça le Grand Dévoreur ?” S’interrogea Ombreuse.

- Oui c’est “ça” ! Gare à tes pensées ici elles sont miennes ! Je pourrais très bien décider de vous enfermer ici pour toujours.

- Bien dans ce cas vous savez déjà que je vais vous demander comment devenir plus proche de Néhant...

- Et je vais vous répondre qu’il faudra faire un sacrifice.

- Mais quoi comme sacrifice ?

Le Grand Dévoreur afficha une dentition fortement pointue alors qu’il souriait.

- Arrachez cette vilaine pierre-cœur là au milieu de votre poitrine !

Ombreuse savait pertinemment, pour avoir déjà tenté que c’était une opération non pas dangereuse, mais mortelle. elle avait entendu l’histoire de personnes qui avaient arraché leur pierre-cœur, ils étaient mort peu de temps après l’opération.

- Un guémélite ne peut survivre sans sa pierre-cœur, dit-elle persuadée de ce qu’elle avançait.

- C’est possible, oui, bien sur vous risquez de mourir. Bien, je suppose que je dois vous laisser retourner auprès de Dimizar.

- Quoi ? C’est tout ? Je suis choisie par Néhant !! Tu feras selon sa volonté où crois bien que tu perdras la tête !

- C’est possible, oui, le seigneur dispose de mon existence, s’il n’est pas satisfait il pourra me détruire. Arrachez cette pierre !!

Ombreuse avait le doute, est-ce qu’il fallait mourir pour Néhant ? Silène et Sélène dont les consciences étaient mêlées avaient-elles le choix ? Après une intense réflexion elle attrapa une dague qui pendait à sa ceinture. D’une geste rapide elle planta la dague dans sa poitrine le long de sa pierre-cœur et fit levier pour la sortir d’un coup sec. La douleur fit le tour de son corps comme si on lui arrachait les bras ou qu’on la dépeçait vivante. Elle arriva avec beaucoup de difficulté à arracher la pierre-cœur qu’elle tendit au Grand Dévoreur. Le sang s’échappait à grands flots de la blessure elle sentait ses forces la quitter. La petite créature accepta la pierre-cœur et la mangea aussitôt. Ombreuse chavira, sa vie lui échappait, elle tomba parterre, inconsciente.

- Sacrifice accepté dit alors le Grand Dévoreur.

Ce dernier sauta par terre, alla chercher un peu de matière de ténèbres dans un des bassins. Au contact du démon la matière se transforma en un morceau de cristal noir.

- Tu vivras Ombreuse dame de Néhant, cria-t-il au moment où il plaçait la pierre dans la blessure sanglante.

La peau se régénéra autour de la pierre et un changement profond se produisit en elle. Son aspect changea. Ses cheveux devinrent blancs et son corps se rapprocha plus de la femme-serpent. Les ombres mouvantes formant sa queue disparurent et sa peau devint lisse jusqu’à l’extrémité de sa queue. Elle mit quelques temps avant de refaire surface. La première chose qu’elle vit était cette nouvelle pierre émettant une faible lueur rouge. Elle l'effleura de l’une de ses mains et du coup elle put se rendre compte quelle était encore sous forme d’Ombreuse. Silène et Sélène n’auraient pu maintenir cette forme en cas d’inconscience.

- Que que m’as-tu fait ?

La voix d’Ombreuse avait changé, elle était plus sifflante et captivante.

- Tu es telle que le Maître le désirait et telle que vous le désiriez aussi. D’ici peu Sélène et Silène n’existeront plus, il ne restera qu’Ombreuse.

Ombreuse écoutait à moitié le Grand Dévoreur. Elle ressentait quelque chose de différent en elle, outre les changements physiques elle sentait un pouvoir plus important, plus fort, plus puissant et un lien fort avec Néhant. Elle se mit à rire, au début doucement, puis de plus en plus fort, Ombreuse était devenue une guémélite de Néhant.

Chapitre 2 - Main mise

Dimizar et Masque de fer étaient rentrés au manoir depuis plusieurs jours et le moins que l’on pouvait dire c’était qu’ils ne ménageaient pas leurs efforts. Voilà plusieurs semaines que les pions étaient en place, et même le récent revirement de situation vis-à-vis des Combattants de Zil n'empêcherait plus le lancement de la machination. Mâche l’âme déboula dans le laboratoire en tenant une patte d’un volatile sur laquelle il y avait un message enroulé.

- Qu’est ce qui c’est passé ? Me dit pas que t’as mangé l’oiseau, interrogea Dimizar en craignant la réponse.

Le démon, qui avait agit par réflexe alors que le pigeon s’était posé non loin de lui, ne répondit pas, se contentant de donner la patte de l’oiseau au néhantiste. Il quitta la pièce assez rapidement pour ne pas avoir à se justifier.

- J’aurais mieux fait de ne pas t’invoquer, cria Dimizar qui s’étonnait toujours de la stupidité de ce démon.

Il déroula le petit parchemin tacheté de sang et se mit à lire la missive.

“Tout est prêt, la demande est prise en compte, vous allez être convoqué pour le débat. H.”

- Très bonnes nouvelles on dirait, lui dit la voix du miroir.

- Excellentes, la prochaine étape sera bientôt franchie.

- Biiiieeen, très biiienn. Mais attention à nos ennemis, ils sont encore nombreux. Ce Marlok devient un véritable problème.

- Marlok et ses amis, oui ils sont un problème, mais ils ont un point faible une personne dans leurs rangs qui leur causera beaucoup de soucis. Enfin bref, nous n’en sommes pas à cette étape là, mais à celle qui nous occupe à présent. D’ailleurs, le rituel est prêt, je vais y aller. Et toi, tu es prêt à jouer ton rôle Déchu ??

L’ancien Solarian était assis par terre un peu plus loin, immobile.

- Selon votre volonté, Maître.

- Parfait ! En route.

Plusieurs jours plus tard, au château de Kaes. Les Conseillers s’étaient réunis pour une session extraordinaire pour traiter d’un sujet très important. A l’issue, le Conseil de guildes devrait voter pour déterminer si la magie Néhantique devait, ou non, rester une magie interdite. Le débat était très animé car ce sujet était véritablement sensible. La magie de Néhant était interdite depuis la création du Conseil de guildes. La parole avait été donnée au Conseiller Vérace fervent défenseur de cette interdiction, avant-dernier à parler avant le vote.

- Vous ne vous rendez pas compte de ce que cela implique !? Avez-vous oublié nos parents et ce que le monde a subi lors de la guerre contre Néhant ?? Allons, soyons sérieux je vous en prie, remettre ce sujet sur le tapis est pour moi un aveu de faiblesse.

Aussitôt la plupart des autres conseillers se levèrent pour protester ou appuyer les paroles de Vérace.

- SILENCE !! SILENCE !!

Le Conseiller-Doyen Kaketsu frappa le sol dallé d’un bâton de cérémonie, rappelant ainsi à l’ordre les troublions. Lors des débats, un ordre précis de passage oratoire était organisé dans le but d’alterner les conseillers pour et contre la mesure.

- La parole est toujours au Conseil Vérace, indiqua le vieil homme originaire de Xzia.

- Merci Doyen. Chers conseillères, chers conseillers, quel est le cheminement qui nous a mené jusqu’à remettre en cause le fondement même de la création du Conseil. Outre le fait que notre organisation régule les Guildes, l’une de nos missions est de lutter contre Néhant. Je n’ai rien d’autre à ajouter, je pense mes arguments pertinents.

Vérace alla se rasseoir à sa place alors que le Conseiller-Doyen donnait la parole à Edrianne. Au moment où la dame allait commencer son allocution un jeune homme portant la livrée du Conseil entra rapidement et donna un parchemin à Edrianne. Après l'avoir lu, elle se leva et s’adressa à l’assemblée.

- La magie de Néhant est interdite. Mais que penser des flammes qui peuvent ravager ? De la magie de l’ombre pourtant si proche du néhantisme dont certaines guildes usent à outrances ? Il est peut être temps non pas d’interdire, mais d’apprendre de nos erreurs afin d’avancer vers une autre direction, celle de la compréhension. Je pense avoir de quoi vous convaincre qu’aujourd’hui les temps ont changé et qu’à présent nous devons adapter nos décisions au contexte. Or, le danger aujourd’hui n’est pas Néhant, mais la pierre tombée du ciel ainsi que ceux venus du désert. J’ai ici un rapport m’avertissant qu’à l’instant même où je vous parle, une bonne partie des terres connues comme Tombeau des Ancêtres vient de se désagréger.

- Quel est le rapport avec le sujet qui nous occupe ? Intervint Kaketsu.

- J’y viens Doyen. Pour rappel et selon un rapport d’activité des Envoyés de Noz’Dingard l’Archimage Anryéna et ses mages du Compendium pourtant réputés pour être les plus puissants magiciens du monde n’ont pas réussi à battre la théurgie des nomades. Et si je vous disais que la magie de Néhant réussit là où le Compendium échoue ??

- Je vous dirais mensonge ! Accusa le conseiller Edrios originaire de Tantad.

- Dans ce cas permettez moi de vous présenter un invité qui va vous prouver que ce que j’avance, est vrai.

A ce moment là, Dimizar, seul, entra dans la pièce devant le regard ébahi d’une partie des conseillers. Le néhantiste avança d’un pas assuré jusqu’à Edrianne. Dimizar attendit que le silence se fasse puis regarda Kaketsu. Ce dernier lui offrit la parole.

- Dames, Damoiselles et Messires du Conseil de Guilde, permettez-moi avant tout de vous saluer. Je suis honoré d’être là parmi vous afin de vous convaincre qu’aujourd’hui, les néhantistes sont votre meilleur atout dans cette guerre contre les Solarians.

De son côté Vérace bouillait intérieurement, un néhantiste ! Non LE néhantiste que tout le monde cherchait était là devant le Conseil, il suffisait, non, le Conseil devrait l’arrêter sur le champs. Mais tous étaient pendus aux lèvres du Néhantiste.

- Comme beaucoup je suis inquiet de la proportion énorme que prend cette affaire de pierre tombée du ciel. Je me suis penché sur cette étrange magie venu d’une lointaine région. J’ai trouvé la solution grâce à la magie de Néhant.

Les protestations augmentèrent.

- Mais je pense qu’il vous faut une preuve, je vous présente un solarian qui ne peut désormais plus utiliser sa magie destructrice sur notre monde.

Rentra alors le Déchu qui fut reçu avec des “ho” et des “ha” vis-à-visde son apparence fortement modifiée par la magie néhantique.

- Je pense que vous avez tous lu les rapport des guildes au sujet de cette personne arrivée il y a peu parmi les nomades ayant des ailes dans le dos et des pouvoirs terrifiants ? Cette personne-là est son équivalent.

- Monstrueux ! S’exclama Vérace.

- C’est nos terres qui seront monstrueuses si nous ne les controns pas. Je vous apporte une solution et je mettrai tout en œuvre pour que tout revienne à la normale sur les terres de Guem.

- Qu’est-ce qui nous prouve que cette personne était un Solarian avant que vous ne le transformiez en cette chose. Demanda Vérace l’air sceptique.

- Je peux vous apporter une autre preuve dans ce cas. Je crois savoir que vous avez des petits morceaux de la pierre tombée du ciel et que vous les étudiez. Si vous pouviez m’en apporter deux morceaux, je pourrais alors vous faire une démonstration.

Vérace qui n’avait pas de raison particulière de refuser envoya un garde chercher ce qui était demandé. Quelques instants plus tard il revint avec un coffret.

- Je vous remercie dit Dimizar en acceptant le coffret.

Effectivement à l’intérieur il y a avait deux morceaux de cristaux jaunes et vivement brillants. Il en prit un entre son pouce et son index et fit en sorte que tous les conseillers puissent voir la scène.

- Voyez vous la magie de Néhant est basée sur l’ombre, alors que cette dernière se contente de cacher ou de tricher avec la réalité...

Un voile d’ombre s’étendit alors sur le morceau de la pierre tombée du ciel puis finit par la ternir. Le morceau devint entièrement noir.

- La magie de Néhant permet de couper les solarians de ce qui leur donne leur pouvoir et ainsi réussir là où tout le reste échoue, dit-il en lançant la pierre à Vérace qui eut un mouvement de recul. Rassurez-vous ne risquez rien. Conseiller Vérace je vous sais versé dans l’art de la magie, vous ressentirez désormais la magie de Guem dans cette pierre et non plus l’ignominie venue d’ailleurs.

Les conseillers furent stupéfaits du résultat, le néhantiste avait raison, il pouvait lutter et gagner contre les envahisseurs du désert.

- Je peux renverser le cours des choses, mais pour ça vous devez autoriser la magie de Néhant afin que plusieurs d’entre nous qui pourraient vous aider se sentent plus en confiance et ne soient plus chassés comme de vulgaires criminels.

- Mais vous êtes un criminel attaqua Edrios. Vous vous présentez face à nous manipulant une magie interdite, nous devrions vous exécuter sur l’instant.

- Vous pourriez et dans ce cas vous condamneriez les terres de Guem à une fin certaine. A vous de choisir en votre âme et conscience.

Kaketsu frappa de son bâton de cérémonie de façon particulière indiquant la fin de la session et le passage au vote. Dimizar et le Déchu sortirent tous deux de la salle.

- Maître, vous pensez qu’ils vont accepter ? Interrogea l’ancien Solarian.

- Bien sur, il ne peut en être autrement, beaucoup de conseillers nous sont totalement dévoués, dit-il en poussant un petit ricanement.

Après une heure, Dimizar fut convié à rejoindre les conseillers. Vu le visage de Vérace le vote s’était très bien passé, enfin pour la cause néhantiste.

- A 11 voix contre 4, le conseil abroge l’interdiction de la pratique de la magie Néhantique. Toute personne pratiquant la magie de Néhant devra s’enregistrer auprès du Conseil sans quoi elle sera considérée comme hors-la-loi et punie en conséquence si la pratique de la magie de néhant était avérée.

“Et voilà, le début de la fin” se dit Dimizar. Mais le Doyen ne semblait pas avoir terminé.

- Vous devrez former une guilde officielle avec vos partisans qui sera sous tutelle du Conseil. Si vous n’apportez pas la preuve de votre bonne volonté à faire disparaître la pierre tombée du ciel et les solarians, vous serez traqués et exécutés par l’ensemble des guildes existantes.

“Merveilleux”.

Plus tard, alors que Dimizar avait quitté le château il fut rejoint par l’une des conseillères qui n’était autre que Haine qui sous un autre nom avait rejoint le Conseil.

- Bien très bien ma chère, vous avez brillamment réussi. Dit Dimizar l’air... joyeux !

- Oui ces idiots n’ont opposé que peu de résistance, à part Vérace, Edrios, Kaketsu et Chantelain, les autres sont sous contrat.

D’ailleurs les voici, mettez-les en sécurité que personne ne mette la main dessus je vous prie.

Dimizar accepta le précieux présent qui faisait que désormais main-mise était faite sur le Conseil, désormais il n’aurait plus à se cacher et la guerre contre les solarians étaient une diversion rêvée.

- Et maintenant seigneur que faisons nous demanda Haine.

- A présent ? On s’occupe d’Amidaraxar et nous sortons Néhant d’où il est. Ombreuse va prendre le relais sur ce sujet pendant que je montre au monde nos progrès contre les nomades.

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